Voir la source de Algèbre des périodes

{{Voir homonymes|Période}}
En [[mathématiques]], et plus précisément en [[théorie des nombres]], une '''période''' est un [[nombre complexe]] qui peut s'exprimer comme l'[[Intégration (mathématiques)|intégrale]] d'une [[fonction algébrique]] sur un domaine algébrique. La somme et le produit de deux périodes sont encore des périodes, donc les périodes forment un [[anneau commutatif unitaire]]. Elles forment même une [[Algèbre associative sur un corps|algèbre]] sur le [[Corps commutatif|corps]] [[Clôture algébrique|{{surligner|ℚ}}]] des [[nombres algébriques]]<ref name=Mahdia>{{Lien web|titre=Périodes, d'après M. Kontsevich et D. Zagier|auteur=M. Waldschmidt|url=http://www.math.jussieu.fr/~miw/articles/pdf/Mahdia-03-2004.pdf}}, diaporama présenté au colloque de la Société mathématique de Tunisie à [[Mahdia]], en mars 2004</ref>. Cette notion a été introduite par [[Maxime Kontsevitch]] et [[Don Zagier]]<ref name=KZ>{{chapitre|lang=en|prénom1=M.|nom1=Kontsevich|prénom2=D.|nom2=Zagier|auteurs ouvrage =[[Björn Engquist]] et [[Wilfried Schmid]]|titre ouvrage=Mathematics Unlimited|sous-titre ouvrage=2001 and Beyond|url=http://www.ihes.fr/~maxim/TEXTS/Periods.pdf|lien éditeur=Springer Verlag|éditeur=Springer|isbn=978-3-540-66913-5|année=2001|titre=Periods|passage=771–808}}</ref>.

== Motivations ==
L'algèbre des périodes est à la fois assez facile à appréhender en raison de sa petite taille ([[Ensemble dénombrable|dénombrable]] et ne contenant que des [[Nombre réel calculable|nombres calculables]]) et assez grosse pour contenir non seulement tous les nombres algébriques, mais toutes les [[Table de constantes mathématiques|constantes mathématiques]] « usuelles », même celles qui sont [[Nombre transcendant|transcendantes]]. Le premier des deux « principes » énoncés par Kontsevitch et Zagier résume cela par :

{{Citation|'''Principe 1.''' ''Chaque fois que vous rencontrez un nouveau nombre et que vous avez décidé (ou que vous vous êtes convaincu) qu'il est transcendant, essayez de voir si ce ne serait pas une période.''}}

Hormis la fin de leur article, où Kontsevitch expose des spéculations [[Motif (géométrie algébrique)|motiviques]] très pointues<ref>On en trouvera une autre approche dans l'article de Yves André, ''Idées galoisiennes'' ([http://www.math.polytechnique.fr/xups/xups11-01.pdf lire en ligne])</ref>, les deux auteurs n'ont fait « qu'» offrir un baptême à une notion qui est « dans l'air du temps » depuis plusieurs siècles. [[Michel Waldschmidt]], spécialiste d'[[Approximation diophantienne|arithmétique diophantienne]], mentionne par exemple, parmi ses propres motivations pour cette notion<ref name=Mahdia/>{{,}}<ref name=Waldschmidt/> :
*un théorème frappant d'[[Alfred van der Poorten]]<ref>{{article|lang=en|titre=On the arithmetic nature of definite integrals of rational functions|prénom=A. J.|nom=Van der Poorten|lien auteur=Alfred van der Poorten|lien périodique=Proceedings of the American Mathematical Society|revue=Proc. Amer. Math. Soc.|volume=29|année=1971|p.=451-456|url=http://www.ams.org/journals/proc/1971-029-03/S0002-9939-1971-0276180-X/}}</ref> (qu'il rapproche de [[Théorème de Gelfond-Schneider|celui de Gelfond-Schneider]]) : {{citation|Soient ''P ''et ''Q ''des polynômes à coefficients algébriques vérifiant que ''Q ''est à racines simples et deg ''P ''< deg ''Q ''et soit {{math|γ}} un chemin fermé, ou bien dont les extrémités sont algébriques ou infinies. Si l'intégrale <math>\int_{\gamma}\frac{P(z)}{Q(z)}\mathrm dz</math> existe, alors elle est soit nulle, soit transcendante}} ;
*un théorème analogue de [[Theodor Schneider|Schneider]] sur les [[Intégrale elliptique|intégrales elliptiques]] de première et deuxième espèce ;
*une [[conjecture]] sur les [[Valeurs particulières de la fonction zêta de Riemann|valeurs aux entiers impairs]] de la [[fonction zêta de Riemann]]<ref name=Waldschmidt>{{article|lang=en|nom=Waldschmidt|prénom=M.|année=2006|url=http://www.math.jussieu.fr/~miw/articles/pdf/TranscendencePeriods.pdf|titre=Transcendence of Periods: The State of the Art|revue=Pure and Applied Mathematics Quarterly|volume=2|numéro=2|p.=435-463}} et {{article|titre=Transcendance de périodes : état des connaissances|revue=African Diaspora Journal of Mathematics|année=2004|p.=176-212|volume=Proc. 12th Symp. Tunisian Math. Soc. Mahdia}}, {{arxiv2|math.NT/0502582}}
</ref>, selon laquelle les périodes {{math|π, [[Constante d'Apéry|ζ(3)]], ζ(5), ζ(7), …}} seraient [[Indépendance algébrique|algébriquement indépendantes]] sur ℚ.

== Définition ==
Une période est un nombre complexe dont les [[Partie réelle|parties réelle]] et [[Partie imaginaire|imaginaire]] sont des valeurs d'[[Intégration (mathématiques)|intégrales]] [[Convergence absolue|absolument convergentes]] de [[Fonction rationnelle|fonctions rationnelles]] à coefficients [[Nombre rationnel|rationnels]], sur des domaines de [[Espace euclidien|ℝ{{exp|''n''}}]] définis par des [[inéquation]]s [[polynomial]]es à coefficients rationnels<ref name=KZ3>{{harvsp|Kontsevich|Zagier|2001|p=773}}</ref> (on peut remplacer « inéquations » par : « [[équation]]s ou inéquations »<ref name=Mahdia/>). C'est-à-dire que partie réelle et imaginaire doivent être de la forme

<math>\int_{P(x,y,z,\ldots)\ge0}Q(x,y,z,\ldots) \mathrm{d}x\mathrm{d}y\mathrm{d}z\ldots</math>

où <math>P</math> est un [[Polynomial|polynôme]] et <math>Q</math> une [[fonction rationnelle]] sur <math>\mathbb R^n</math> à coefficients rationnels.

On obtient une définition équivalente si on la restreint en n'autorisant comme [[intégrande]] que la [[fonction constante]] 1, ou si au contraire on l'étend en autorisant des [[Fonction algébrique|fonctions algébriques]], à la fois dans l'intégrande et dans les inéquations<ref name=KZ3/>.

== Exemples ==
* Tous les [[Nombre algébrique|nombres algébriques]], comme<center><math>\sqrt2=\int_{2x^2\le1}\mathrm dx</math>.</center>
* Tous leurs [[logarithme]]s, comme<center><math>\ln2=\int_{1<x<2}\frac{\mathrm dx}x</math>.</center>
* Le [[Pi|nombre {{math|π}}]] :<center><math>\pi=\int_{x^2+y^2\le1}\mathrm dx\mathrm dy</math></center>donc également les ''[[Fonction périodique|périodes]] ''des [[Fonction trigonométrique|fonctions trigonométriques]] et de l'[[exponentielle complexe]].
* Les intégrales elliptiques de paramètres et bornes algébriques, par exemple les ''périodes'' fondamentales d'une [[fonction elliptique de Weierstrass]] de paramètres ''g''{{ind|2}}, ''g''{{ind|3}} algébriques :<center><math>\omega_i=\int_{e_i}^\infty\frac{\mathrm dt}{\sqrt{4t^3-g_2t-g_3}}\quad(i=1,2)</math></center>où 4''t''{{3}} – ''g''{{ind|2}}''t'' – ''g''{{ind|3}} = 4(''t – e''{{ind|1}})(''t – e''{{ind|2}})(''t – e''{{ind|3}}).
* Les valeurs aux entiers de la fonction zêta de Riemann et des [[Fonction zêta multiple|fonctions zêta multiples]].
* Le produit par une puissance de {{math|π}} adéquate de certaines valeurs de [[Série hypergéométrique|fonctions hypergéométriques]] :<center><math>\pi^{p-1}\times\,_pF_{p-1}(a_1, \ldots, a_p ; b_1, \ldots ,b_{p-1} ; z)\quad\text{si }a_i,b_j\in\Q\text{ et }z\in\overline{\Q}</math></center>(pour ''p ''entier ≥ 2, ''b{{ind|j}} ''∉ –ℕ et |''z''| < 1).
* Certaines constantes données par des séries ou des intégrales de [[Fonction transcendante|fonctions transcendantes]] se trouvent être par ailleurs des périodes (c'est le cas par exemple pour [[Fonction gamma|{{math|Γ}}(''p''/''q'')]]{{exp|''q''}} pour ''p ''et ''q ''entiers > 0, en utilisant la [[fonction bêta]]), sans qu'aucune règle générale ne semble se dégager.

== Contre-exemples ==
Kontsevich et Zagier ont posé trois problèmes. Le troisième est d'exhiber au moins un nombre qui ne soit pas une période.
* Comme ils le signalent eux-mêmes, l'ensemble des périodes étant dénombrable, il existe ''a priori ''« [[puissance du continu|beaucoup]] » de solutions. Mais le problème implicite est d'en définir ne serait-ce qu'une, moins artificiellement que par le [[argument de la diagonale de Cantor|procédé diagonal de Cantor]], ou de montrer qu'une constante telle que [[e (nombre)|{{math|e}}]] ou 1/{{math|π}}, qu'on conjecture ne pas être une période, n'en est effectivement pas une.
* Puisque l'anneau des périodes est inclus dans le corps des [[Nombre réel calculable|nombres calculables]], une réponse « naïve » est de proposer l'un des exemples déjà connus de nombres non calculables, comme la constante [[Oméga de Chaitin]].
* Dans une [[prépublication]] récente<ref>{{en}} Masahiko Yoshinaga, ''Periods and elementary real numbers'', {{arxiv2|0805.0349}}</ref> citée par Waldschmidt comme un {{citation|analogue de [[Théorème de Liouville (approximation diophantienne)|Liouville]]}}<ref name=KAM>{{en}} {{Lien web|auteur=M. Waldschmidt|titre=Transcendence of Periods|url=http://www.math.jussieu.fr/~miw/articles/pdf/Periods2011.pdf|année=2011}}, diaporama présenté au {{77e|colloque}} du département de mathématiques appliquées de l'[[université Charles de Prague]]</ref>, ce qui est plus précisément ce qu'attendaient Kontsevich et Zagier<ref name=KZ8>{{harvsp|Kontsevich|Zagier|2001|p=778}}</ref>, M. Yoshinaga démontre que toutes les périodes sont des nombres réels élémentaires (une notion d'approximation par les rationnels plus restrictive que celle de nombre réel calculable)<ref>{{en}} Katrin Tent et Martin Ziegler, <cite lang=en>Low functions of reals</cite>,{{arxiv2|0903.1384}}, ont amélioré sa preuve et montré que ce sont même des réels « sous-élémentaires ».</ref>. Le procédé diagonal, appliqué aux réels élémentaires, lui permet par ailleurs de construire un nombre ''calculable ''non élémentaire, donc qui n'est pas une période.<!-- (L'intérêt de son résultat réside surtout dans la propriété d'approximation, puisqu'en appliquant le procédé diagonal directement aux périodes, on construirait de même un nombre calculable qui n'est pas une période.)-->
* Un {{citation|analogue d'[[Théorème d'Hermite-Lindemann|Hermite et Lindemann]]}}<ref name=KAM/> {{citation|encore plus désirable}}<ref name=KZ8/> serait de montrer qu'un nombre particulier non construit spécialement à cet effet, comme [[e (nombre)|{{math|e}}]], 1/{{math|π}} ou la [[constante d'Euler-Mascheroni]], n'est pas une période.
* Waldschmidt a conjecturé depuis<ref name=KAM/> qu'aucun [[nombre de Liouville]] n'est une période, inspiré par des résultats récents sur les propriétés du « degré d'une période »<ref>{{en}} Jianming Wan, <cite lang=en>Degrees of periods</cite>, {{arxiv2|1102.2273}}</ref>, ''i.e.'' la dimension minimale d'un domaine algébrique dont cette période est le volume.

Les deux auteurs estiment que leurs trois problèmes {{citation|sont très difficiles et vont probablement rester ouverts longtemps}}<ref name=KZ8/>.

== Conjecture et problèmes ==
Une représentation d'une période (comme une intégrale d'une fonction algébrique sur un domaine algébrique) peut être transformée en beaucoup d'autres en utilisant trois règles :

'''1)'''<!--Ne pas mettre en forme de liste numérotée, pour rester compatible avec la citation fidèle qui vient juste après--> additivité de l'intégrale ([[Relation de Chasles|par rapport au domaine d'intégration]] et [[Calcul intégral#Linéarité de l'intégration|par rapport à l'intégrande]])

'''2)''' [[Intégration par changement de variable|changement de variable]]

'''3)''' [[Théorème de Stokes#Théorème fondamental de l'intégration|théorème fondamental de l'intégration]] (à une ou plusieurs variables)

L'égalité entre nombres algébriques est [[Problème de décision|décidable]], celle entre nombres calculables ne l'est pas. Les deux auteurs prévoient que celle entre périodes est [[récursivement énumérable]], et plus précisément :

{{Citation|'''Conjecture 1.''' ''Si une période a deux représentations, alors on peut passer de l'une à l'autre en utilisant uniquement les règles'' '''1), 2), 3)''' ''où toutes les fonctions et tous les domaines d'intégration sont algébriques à coefficients dans'' {{surligner|ℚ}}.}}

Ils posent même un problème encore plus difficile (et dont il est également difficile de prouver qu'il n'a pas de solution, si tel est le cas) :

{{Citation|'''Problème 1.''' ''Trouver un algorithme pour déterminer si deux périodes données sont égales.''}}

ainsi que leur problème {{numéro|2}}, peu formalisé mais inspiré des algorithmes connus pour les nombres rationnels et algébriques, de reconnaître si un nombre est une période « simple » ou pas, la précision numérique sur ce nombre étant disponible à volonté en fonction de la simplicité prescrite.

== Généralisations ==
Don Zagier et Kontsevich définissent également la notion de '''période exponentielle''', obtenue en autorisant dans la définition précédentes des fonctions et des bornes de la forme « exponentielle d'une fonction algébrique » ; en y ajoutant la constante d'Euler, ils conjecturent qu'on obtient ainsi « toutes les constantes mathématiques usuelles ».

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Ring of periods|502842588|type=note}}
=== Notes ===
{{reflist}}
=== Références ===
{{article|lang=en|nom1=Belkale|prénom1=Prakash|nom2={{Lien|langue=en|fr=Patrick Brosnan}}|titre=Periods and Igusa local zeta functions|doi=10.1155/S107379280313142X|année=2003|revue=Int. Math. Res. Not.|numéro=49|p.=2655-2670}}, preprint sur {{Arxiv2|math/0302090}}

== Articles connexes ==
* [[Conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer]]
* [[Équation de Picard-Fuchs]]
* [[Fonction L]]
* [[Forme modulaire]]

{{Palette|Notion de nombre}}

{{Portail|arithmétique}}

{{DEFAULTSORT:Algebre des periodes}}
[[Catégorie:Constante mathématique|Periode]]
[[Catégorie:Géométrie algébrique]]