Voir la source de Andreï Kolmogorov

{{Infobox|charte=mathématicien}}

'''Andreï Nikolaïevitch Kolmogorov''' ({{en russe|Андрей Николаевич Колмогоров}} {{prononciation|Ru-Andrey Nikolaevich Kolmogorov.ogg}} ; {{Date de naissance|25|avril|1903}} à [[Tambov]] – {{Date de décès|20|octobre|1987}} à [[Moscou]]) est un [[mathématicien]] [[Russie|russe]] et [[URSS|soviétique]] qui a apporté des contributions significatives en [[mathématiques]], notamment en [[théorie des probabilités]], [[topologie]], [[turbulence]], [[mécanique classique]], [[logique intuitionniste]], [[théorie algorithmique de l'information]] et en [[analyse de la complexité des algorithmes]]<ref name=mathgene>{{MathGenealogy|id=10480}}</ref>{{,}}<ref name="frs">{{article | nom=Kendall | prénom=David George | lien auteur=David George Kendall | titre=Andrei Nikolaevich Kolmogorov. 25 April 1903-20 October 1987 | périodique=Biographical Memoirs of Fellows of the Royal Society | éditeur=[[Royal Society]] | volume=37 | pages=300–326 | année=1991 | doi=10.1098/rsbm.1991.0015 | issn=0080-4606}}</ref>{{,}}<ref name=mactutor>{{lien web | langue=en | titre=Andrey Nikolaevich Kolmogorov | url=http://www-history.mcs.st-andrews.ac.uk/Biographies/Kolmogorov.html | site=[[MacTutor History of Mathematics archive|history.mcs.st-andrews.ac.uk]] | prénom1=John J. | nom1=O'Connor | prénom2=Edmund Frederick  | nom2=Robertson | lien auteur2=Edmund Robertson | consulté le=6 avril 2018}}</ref>.

== Biographie ==
=== Enfance ===
Kolmogorov est né à [[Tambov]] en 1903. Sa mère Maria Iakovlevna Kolmogorova (1871-1903), célibataire, meurt en accouchant. Elle est la benjamine d'une fratrie dont l'aînée est décédée elle aussi. Andreï est récupéré par son grand-père maternel, un homme noble et prospère qui n'avait pas accepté, semble-t-il, le mariage de sa fille avec un simple ingénieur agronome issu d'une famille modeste. Son père Nikolaï Matveïevitch Kataïev lui rend visite de temps à autre, mais il est déporté de [[Saint-Pétersbourg]] pour sa participation au mouvement révolutionnaire et disparaît, probablement tué pendant la [[Guerre civile russe]] en 1919. Le jeune Andreï est élevé par ses tantes à [[Aéroport Tounochna|Tounochna]], près de [[Iaroslavl]], sur la propriété de son grand-père. Au domicile familial, elles mettent en place une école qui emploie de nouveaux outils pédagogiques visant à susciter l'intérêt de l'élève par la découverte et la diversité des activités. Le petit Andreï grandit dans cet environnement qui favorise la curiosité et bannit la paresse. Ses premiers efforts littéraires et articles mathématiques sont imprimés dans le journal de l'école. Il décrit lui-même le {{citation|plaisir de la découverte mathématique}} qu'il ressent en trouvant, à six ans seulement, le motif suivant : <center><math>1=1^2</math></center>
<center><math>1+3=2^2</math></center>
<center><math>1+3+5=3^2</math></center>
<center><math>1+3+5+7=4^2</math></center>
Sa tante Vera Yakovlevna Kolmogorova{{Note|groupe="n"|{{citation|L'objectif général de trouver une série, qui constitua pour moi un défi utile, je le dois à la tradition familiale, et en particulier à ma tante Y.V.Kolmogorova, qui m'a élevé, ainsi qu'à l'atmosphère qui régnait dans le merveilleux E.A.Repman où j'ai étudié}}<ref name="p16">{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=16}}</ref>}} l'adopte et déménage en 1910 avec lui à Moscou, où il commence à étudier à l'institut privé Repman{{Note|groupe="n"|{{citation|Les classes étaient peu nombreuses - 15 à 20 étudiants. Une part importante des enseignants était attirée par les sciences. Nous recevions parfois des professeurs d'université, et notre professeure de géographie avait elle-même participé à d'intéressantes expéditions}}<ref name="p16" />}}. Adolescent, il conçoit des machines à [[mouvement perpétuel]], cachant tellement bien leurs défauts intrinsèques que ses professeurs d'enseignement secondaire n'arrivent pas à les découvrir<ref>{{Ouvrage| langue=en| auteur1=Himonas| titre=Calculus| éditeur=Richard Dennis Publications| année=2001| passage=744| isbn=}}</ref>. Entre 1918 et 1920, la vie à Moscou est loin d'être simple, seuls ceux dotés d'une grande volonté peuvent étudier, car ils doivent concilier leurs études avec les {{citation|services à la patrie}}. Andreï travaille à la construction de la voie ferrée [[Kazan]] - [[Ekaterinbourg]] et conduit des trains, tout en préparant les examens finaux du [[Gymnasium]]. De retour à Moscou, il connaît une grande déception : on lui délivre le certificat d'études sans se donner la peine de l'évaluer<ref>{{Harvsp|Gowers|Barrow-Green|Leader|2010|p=814}}</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=15-16}}</ref>.

=== Études et premiers résultats ===
Ayant reçu son diplôme en 1920, Andreï s'inscrit en physique et mathématiques à l'[[Université d'État de Moscou|université de Moscou]]{{Note|groupe="n"|Qui accueille à l'époque tous les candidats, sans test d'entrée<ref name="p16" />}}, et intègre la section de mathématiques de l'[[Université de technologie chimique Dmitri Mendeleïev de Moscou|Institut Mendeleïev de génie mécanique]]. Grâce au livre ''Nouvelles Idées de mathématiques'', il apprend les principes de la [[théorie des ensembles]], et étudie de nombreux sujets dans des articles du ''Dictionnaire encyclopédique de Brockhaus et Efron'', complétant lui-même ce qui est présenté de façon succincte<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=16-17/32}}</ref>.

Kolmogorov participe en tant qu'auditeur libre au séminaire du professeur [[Sergueï Bakhrouchine]] sur l'histoire ancienne russe. Pendant ses cours de première année, il suit les cours de [[Nikolaï Louzine]] sur la théorie analytique des fonctions, et ceux d'Alekseï Konstantinovitch Vlasov sur la [[géométrie projective]]. Pendant sa deuxième année, il s'inscrit au séminaire de Vyacheslav Stepanov sur les [[Série de Fourier|séries de Fourier]] où il résout un problème qui avait intéressé [[Nikolaï Louzine|Louzine]]{{Note|groupe="n"|{{citation|Quand Louzine entendit ceci, il s'approcha de moi [...] et me proposa de m'entretenir régulièrement avec lui de sujets d'étude}}. C'est ainsi que Kolmogorov devint un étudiant de Louzine<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=33-34}}</ref>}}. De 1922 à 1925, en parallèle avec ses études, il est professeur de mathématiques dans l'enseignement secondaire, à l'école modèle expérimentale Potylikha. En 1922, il trouve son résultat le plus célèbre sur les séries [[trigonométrique]]s : la construction d'une série de Fourier qui diverge presque partout. Il publie aussi ses premiers résultats concernant la théorie des ensembles et, en 1923, ses travaux concernant l'[[analyse harmonique (mathématiques)|analyse de Fourier]]. Il publie ses travaux sur la théorie de l'[[intégration (mathématiques)|intégration]] et, en 1924, commence à s'intéresser à la [[théorie des probabilités]]. En 1925, il publie la première formalisation {{incise|partielle}} de la [[logique intuitionniste]], devançant le travail des plus grands logiciens de son époque. Malgré son jeune âge, il bénéficie déjà d'une certaine reconnaissance internationale. Après la fin de ses études supérieures en 1925 il commence son doctorat auprès de Nikolaï Louzine, qu’il termine en [[1929]]{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=33-36/49/148}}{{,}}<ref name="Ferrieux">{{Article| auteur=Catherine Ferrieux|titre=Andrei Kolmogorov, un savant au pays des Soviets|périodique=[[La Recherche (magazine)|La Recherche]]|date=septembre 2003|volume=|numéro=367|pages=46|url texte=}}</ref>.

Son premier article, {{citation|Sur la convergence de séries dont les termes dépendent du hasard}}, publié en 1925, est préparé conjointement avec [[Alexandre Khintchine]]. Il est remarquable et comporte quatre parties, la première revenant à Khintchine, les suivantes étant de lui. Il commence ses études de troisième cycle sous la direction de Louzine, conscient des implications des méthodes analytiques de Louzine et [[Dmitri Egorov]] dans le développement des probabilités. Il partage sa passion du savoir avec [[Pavel Aleksandrov]], qui travaille sur les aspects topologiques de la [[théorie des ensembles]]. Grâce aux enseignements reçus, il trouve plusieurs résultats sur la théorie des ensembles, et publie en 1928 son étude {{citation|Opérations sur des ensembles}}. Cette année-là, il publie aussi un article sur les conditions nécessaires et suffisantes pour la validité d'une version de la [[loi des grands nombres]] (LGN) faisant appel à des séries de [[Variable aléatoire|variables aléatoires]] (v. a.). À partir de la [[Propriété de Markov|condition de Markov]], il obtient comme résultat une condition nécessaire et suffisante pour que la loi des grands nombres soit respectée{{Note|groupe="n"|Sans entrer dans les détails, cette condition stipule que la loi des grands nombres se vérifie lorsque la probabilité de croissance de la variable aléatoire (en valeur absolue) est nulle ou tend vers <math>0</math> plus vite que <math>\frac{1}{n}</math><ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=54}}</ref>}}. Entre 1928 et 1929, Andreï publie des travaux dans des revues spécialisées sur les [[Opération ensembliste|opérations d'ensembles]], les [[Théorème central limite|théorèmes limites]], l'intégration. Son article {{citation|Sur la [[Loi du logarithme itéré|loi des logarithmes itérés]]}}, publié en 1929, est celui qui a le plus d'influence sur la communauté scientifique. Quand il termine ses études de troisième cycle en {{date-||mai|1929}}, il a déjà publié dix-huit articles. Sa promotion compte septante étudiants, et il se voit proposer un poste dans un institut de recherche [[Ukraine|ukrainien]], mais il sait que le centre [[Névralgie|névralgique]] de la recherche se trouve à Moscou. Avec le soutien actif de [[Pavel Aleksandrov]], conscient de ses dons en mathématiques, il entre en tant que collaborateur scientifique à l'Institut de recherches en mécanique et mathématiques d'État de [[Moscou]]{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=50/52-56}}.

=== Carrière ===
Le {{date-|16|juin|1929}}, Andreï Kolmogorov, Pavel Aleksandrov et Nyuberg {{incise|un ami d'Andreï qui les accompagnera jusqu'à [[Kazan]]}} partent en barque de [[Iaroslavl]] pour une excursion de {{formatnum:1300}} km, pendant vingt et un jours sur la [[Volga]], et atteignent [[Samara]] où ils empruntent un bateau à vapeur jusqu'à la [[mer Caspienne]] et un autre bateau jusque [[Bakou]]. Ils se rendent près d'un [[monastère]] au bord du [[lac Sevan]], où Aleksandrov travaille à son livre de [[topologie]] et aide également Kolmogorov à rédiger deux articles en allemand. Le premier est une étude approfondie sur l'intégrale, le second son important mémoire {{citation|Méthodes analytiques de la théorie des probabilités}}, un texte qui allait jouer un rôle clé dans le développement des [[processus stochastique]]s, et poser les bases théoriques des [[Processus de Markov|processus markoviens]]. Le {{date-|26|juillet|1930}}, Kolmogorov envoie le manuscrit à la prestigieuse revue scientifique ''Mathematische Annalen'', qui le publie en {{date-||décembre|1931}}. L'article étudie de façon abstraite les processus de Markov, qu'on retrouve dans une multitude de phénomènes physiques, notamment le [[mouvement brownien]], la [[prévision météorologique]]{{etc.}}. À l'issue de leur voyage sur la Volga et dans le Caucase, Pavel et Andreï décident d'habiter ensemble et s'installent avec la tante Vera {{incise|âgée de 66 ans, elle se charge encore des travaux ménagers}}, dans un village proche de Moscou. En 1931, ils emménagent dans une maison de campagne du même village, propriété du frère d'Aleksandrov, un chirurgien renommé{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=57-60/85}}

Kolmogorov et Aleksandrov sont invités à se rendre en Allemagne et en France entre {{date-||juin|1930}} et {{date-||février|1931}}. De [[Berlin]], ils se rendent à l'[[université de Göttingen]] où ils rencontrent [[Richard Courant]], le tuteur des mathématiciens [[David Hilbert]], [[Edmund Landau]], [[Felix Bernstein]], [[Emmy Noether]] et [[Hermann Weyl]]. Kolmogorov, qui cherche à généraliser le concept d'intégrale, se rend à l'[[université Louis-et-Maximilien de Munich]] où enseigne [[Constantin Caratheodory]], qui salue ses travaux sur la [[théorie de la mesure]], mais accueille la généralisation du concept d'intégrale avec une certaine indifférence. Il lui recommande tout de même de publier les deux travaux. En {{date-||août|1930}}, Kolmogorov et Aleksandrov poursuivent leur voyage vers la France où ils travaillent, pendant un mois, auprès de [[René Maurice Fréchet]] qui a étudié les fondamentaux de la [[probabilité]], les espaces abstraits et la [[théorie des ensembles]]. Ils quittent Fréchet en septembre pour se rendre à Paris, où ils rencontrent notamment [[Émile Borel]], [[Henri-Léon Lebesgue]] et [[Paul Lévy (mathématicien)|Paul Lévy]]. Après avoir contracté une forte [[bronchite]] (peut-être une [[pneumonie]]) à Noël, Kolmogorov reprend ses recherches en {{date-||mars|1931}} après être rentré à Moscou{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=65-67/85}}.

En 1931, il reçoit une chaire de professeur à l'université de Moscou<ref name="Ferrieux"/>.

En 1933, paraît en allemand son manuel des ''Fondements de la théorie des probabilités'' ({{de}} ''Grundbegriffe der Wahrscheinlichkeitsrechnung''), dans lequel il présente son [[axiomatisation]] du calcul des probabilités, qui allait apporter des éléments au [[sixième problème de Hilbert]], ainsi qu'une manière adaptée de traiter les [[processus stochastique]]s<ref group="n">C'est-à-dire les problèmes de variables aléatoires qui dépendent du temps.</ref>. 
La même année, il devient directeur de l'Institut de mathématiques de l'université de Moscou.

En 1934, il publie son travail sur la [[homologie et cohomologie|cohomologie]] (concept de la [[topologie]]) et obtient, grâce à cette thèse, le titre de docteur en physique en 1935{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=86}}.

En 1936, est créée la nouvelle revue mathématique intitulée ''Uspekhi Matematicheskikh Nauk'' (UMN), dont Kolmogorov fait partie du comité de rédaction jusqu'à sa mort, devenant même [[rédacteur en chef]] de 1946 à 1955 et de 1982 à 1987. Il passe en 1938 chef du département de la théorie des probabilités, dont il occupera le poste de direction jusqu'en 1966. Il est élu à l'[[Académie des sciences de l'URSS]] en 1939<ref name="Ferrieux"/>{{,}}{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=86-87}}.

Dans les années 1930, l'[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] est à la pointe dans le domaine de la recherche [[génétique]], poursuivant les travaux de [[Gregor Mendel]]. À partir de 1935, la génétique portée par l'éminent généticien [[Nikolaï Vavilov]] est rangée dans la catégorie de pseudo-science bourgeoise, éloignée des valeurs soviétiques. Vavilov est peu à peu persécuté en raison de ses critiques à l'égard du pseudo-scientifique [[Trofim Lyssenko]]{{Note|groupe="n"|Dans un article paru en 1939, intitulé {{citation|Une fois de plus au sujet de la loi des petits pois}}, une certaine Ermolaeva publiait les résultats d'une expérience qui reprenait en partie ceux de Mendel et concluait erronément que la [[Lois de Mendel|{{2e}} loi de Mendel]] était fausse. Le travail d'Ermolaeva était soutenu par Lyssenko<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=88}}</ref>}}, et arrêté puis condamné à vingt ans d'emprisonnement. S'exposant à de terribles représailles, Kolmogorov publie en 1940 l'article {{citation|Sur une nouvelle confirmation des lois de Mendel}} dans lequel il soutient que cette étude {{incise|bien qu'Ermolaeva soutienne le contraire}} constitue en réalité une nouvelle et brillante confirmation des lois de Mendel. Dans son article, Kolmogorov critique les méthodes statistiques employées par Ermolaeva et offre sa propre analyse des données. Finalement, les données en faveur du [[:wikt:mendélisme|mendélisme]] étaient à ce point probantes qu'il fut impossible d'occulter la vérité{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=87-90/93}}.

Lors de la [[Seconde Guerre mondiale]], Kolmogorov contribue à l'effort de guerre russe en appliquant la théorie statistique aux tirs d'artillerie. Au tournant des années 1940, il s'intéresse à la [[turbulence]], rédige quatre articles sur ce sujet {{incise|l'ensemble ne totalise pas plus de trente pages}}, mais son influence est capitale. Il détermine la longueur des plus petits tourbillons susceptibles d'exister sans que la [[viscosité]] les défasse, que l'on appellera par la suite [[dimension de Kolmogorov]]. Il publie aussi les lois correspondant au mécanisme de la [[cascade turbulente]], expliqué par [[Lewis Fry Richardson]] en 1922{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=94/99-100}}. 
[[Fichier:Kolm complexity lect.jpg|vignette|Kolmogorov à gauche donne une conférence à [[Tallinn]] en 1973.]]

Depuis des décennies, Kolmogorov s'était attaqué sous différents angles au [[problème à N corps]]{{Note|groupe="n"|Cette question l'avait captivé depuis sa lecture de l'''Astronomie populaire'' de [[Camille Flammarion]]<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=115}}</ref>}}. Son intuition hors norme et la maturité que lui confère sa vaste culture mathématique lui permettent d'imaginer une stratégie gagnante. Il publie sa nouvelle technique en 1954 au [[Congrès international des mathématiciens]] à [[Amsterdam]], ainsi que, la même année, dans son article {{citation|Sur la préservation de mouvements périodiques conditionnels subissant un léger changement en [[Mécanique hamiltonienne|fonctions de Hamilton]]}}. Les actes du Congrès seront publiés en 1957 dans l'article intitulé {{citation|La [[Théorie des systèmes dynamiques|Théorie générale des systèmes dynamiques]] et la [[mécanique classique]]}}, dont les développements ultérieurs par son élève [[Vladimir Arnold]] et le germano-américain [[Jürgen K. Moser]] aboutiront à la [[Théorème KAM|théorie KAM ('''K'''olmogorov-'''A'''rnold-'''M'''oser)]]{{sfn|García Piqueras| Prime|2019|p=115-118}}.

Depuis les années 1940, l'URSS considère la théorie du calcul et la [[cybernétique]] comme des instruments du capitalisme occidental. Kolmogorov s'intéresse malgré cela à la théorie des algorithmes à partir de 1951, en proposant à un de ses étudiants, Vladimir Uspensky, d'étudier une nouvelle définition d'algorithme. Les idées et les résultats de ses recherches sont synthétisés lors de la conférence intitulée {{citation|Sur la notion d'algorithme}} et donnée par Kolmogorov le {{date-|17|mars|1953}} {{incise|[[Joseph Staline]] est mort le 5 mars}} : ces algorithmes seront par la suite appelés ''Algorithmes Kolmogorov-Uspensky''. Cette conférence marque un tournant dans le traitement de la technologie informatique soviétique, dont la [[guerre froide]] imposera un développement technologique sans précédent. Il introduit également la notion d'[[entropie métrique]] pour les systèmes dynamiques mesurés. Alors que le mathématicien américain [[Claude Shannon]] insiste sur la notion d'[[entropie de Shannon|entropie]], Kolmogorov et [[Alexandre Khintchine]] concentrent leurs activités sur la [[théorie de l'information]], vue comme une partie du [[calcul des probabilités]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Dieter Hoffmann, Benoît Severyns, Raymond G. Stokes|titre=Science, Technology and Political Change|éditeur=[[Brepols]]|année=1999|passage=69|isbn=}}</ref>{{,}}{{sfn|García Piqueras|Prime| 2019|p=125}}.

Dans les années 1960, quelques articles sont publiés sur la [[linguistique]] et la [[philologie]], qui se consacrent à l'analyse de la parole et de la poésie. Ses études traitent de la capacité d'une langue à exprimer différentes idées, de l'entropie d'une langue, ainsi que de sa flexibilité (ou entropie résiduelle), à savoir la capacité d'exprimer une même idée de différentes manières. La flexibilité du langage fait l'objet de nombreuses études approfondies sur la [[Métrique (poésie)|métrique]] et le [[rythme (poésie)|rythme]] de vers poétiques. Plus précisément, on organise dans les années 1970 au département de mécanique et de mathématiques de l'[[université d'État de Moscou]] (UEM) deux séminaires sur les méthodes mathématiques pour l'étude du langage dans les œuvres de fiction. Kolmogorov considère ces recherches comme une branche supplémentaire de ses travaux scientifiques. Il a aussi écrit des articles pour la ''[[Grande Encyclopédie soviétique]]''{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=145-146}}.

En 1960, il crée le laboratoire de méthodes statistiques (LMS){{Note|groupe="n"|L'implication de Kolmogorov dans le LMS était telle qu'en 1962, lorsqu'il se vit décerner le [[prix Balzan]], il fit don d'une part substantielle de cette récompense afin de doter l'université d'une riche bibliothèque<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=146}}</ref>}} du département de mécanique et de mathématiques de l'UEM, qui vise à intensifier les applications des méthodes probabilistes et statistiques : [[théorie du contrôle]] optimal et statistique de la décision, théorie de la fiabilité, conception d'expériences, statistique en médecine, en géologie{{etc.}} À la suite d'un séminaire organisé par le LMS, il participe à deux expéditions à bord du navire scientifique ''Dmitri Mendeleïev'' en 1969 et 1971, pour étudier la [[turbulence]] de l'océan{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=146}}.

Une école-internat rattachée à l'UEM, créée en 1963, a adopté son nom. Elle s'adresse aux étudiants dotés d'un talent scientifique exceptionnel et originaires de petits villages ou de villes sans université. Kolmogorov s'y implique dès sa création et, pendant quinze ans, participe à la direction de l'école, enseigne, fournit des exercices et donne des notes, organise des conférences sur des sujets divers, discute avec ses élèves de musique, d'art et de littérature, prépare des excursions et y participe. Cette expérience lui permet aussi de travailler à l'amélioration du programme d'enseignement secondaire{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=148}}.

En 1964, il prend la direction de la section mathématique du Comité de l'Académie des sciences et de l'Académie des sciences pédagogiques d'URSS afin de déterminer le contenu de l'éducation secondaire. Il conçoit en 1968 de nouveaux programmes de mathématiques, qui serviront de base pour l'amélioration ultérieure des programmes et pour la création de manuels scolaires. Il participe activement à la préparation des manuels ''Algèbre et les fondamentaux de l'analyse'' et ''Géométrie pour le premier cycle de secondaire''. En 1969, il commence à préparer les documents pour la revue de vulgarisation scientifique ''Kvant'' (Quantique), destinée aux étudiants et aux professeurs, éditée à partir de 1970, et dont lui-même et le physicien Isaac K. Kikoin seront les premiers rédacteurs en chef{{sfn|García Piqueras|Prime|2019|p=148-149}}.

Le {{date-|15|février|1974}}, dans la ''[[Pravda]]'', Kolmogorov cosigne avec son compagnon Aleksandrov un article intitulé {{citation|La trahison ne se pardonne pas}}, dans lequel ils félicitent le [[Præsidium]] du Soviet suprême d'avoir déchu [[Alexandre Soljenitsyne]] de la nationalité soviétique<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Aron Katsenelinboigen|titre=Soviet Economic Thought and Political Power in the USSR|éditeur=[[Elsevier (éditeur)|Elsevier]]|année=2013|passage=49|isbn=}}</ref>.

=== Dernières années ===
{{style|Si tout le monde louait sa jeunesse perpétuelle, ses forces le quittent pourtant peu à peu. La [[maladie de Parkinson]] dont il est atteint précipite sa fin de vie. La mort de son ami [[Pavel Aleksandrov]] le {{date-|16|novembre|1986}} l'affecte beaucoup. Cette année-là, il est dans l'incapacité d'assister en personne à un congrès sur la théorie des probabilités à l'organisation duquel il a participé. L'année suivante, la maladie de Parkinson progresse rapidement et de sérieuses complications pulmonaires apparaissent. Il meurt à Moscou le {{date-|20|octobre|1987}} à 14 h 09. Sa compagne, Anna Dimitrievna, meurt l'année suivante. Il est enterré au [[cimetière de Novodevitchi]]<ref name="Ferrieux"/>{{,}}<ref>{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019| p=150}}</ref>.|date=12 février 2025}}

== Travaux ==
Il a fait des avancées significatives dans des domaines aussi variés que :
* la formalisation de la théorie des [[probabilité]]s,
* la [[théorie algorithmique de l'information]],
* les [[théorie des systèmes dynamiques|systèmes dynamiques]], dont le [[théorème KAM]] dans les années 1950,
* la turbulence avec la théorie K41 pour la [[cascade turbulente]],
* la [[topologie]].

Il a d'abord travaillé sur la [[logique intuitionniste]] et les [[série de Fourier|séries de Fourier]]. Il a aussi étudié la [[turbulence]] et la [[mécanique newtonienne|mécanique classique]].

Kolmogorov a résolu en partie les [[Problèmes de Hilbert#Sixième problème|sixième]] et [[Problèmes de Hilbert#Treizième problème|treizième]] problèmes de [[David Hilbert]].

== Distinctions ==
[[Ordre du Drapeau rouge du Travail|L'Ordre du Drapeau rouge du Travail]] (1940<ref name="letopis.msu.ru">{{lien web |titre=Колмогоров Андрей Николаевич  / Летопись Московского университета<!-- Vérifiez ce titre --> |url=http://letopis.msu.ru/peoples/2314 |site=msu.ru |consulté le=06-10-2021}}.</ref>), le titre de [[Héros du travail socialiste|héros du Travail socialiste]] (1963)<ref name="letopis.msu.ru"/>, le [[prix Staline]] (1941) et sept fois l'[[ordre de Lénine]]. En 1955, il devient docteur ''honoris causa'' de la [[Sorbonne]]. Il reçoit le [[prix Balzan]] pour les mathématiques et le [[prix Lénine]] en 1965<ref name="p149">{{harvsp|García Piqueras|Prime|2019|p=149}}</ref>).

== Postérité ==
Kolmogorov se distingue par la très longue liste d'étudiants brillants qu'il accompagne : [[Boris Vladimirovitch Gnedenko]], [[Sergueï Nikolski]], [[Vladimir Arnold]], [[Israel Gelfand]], Sergei Fomin, Alexandre M. Oboukhov, [[Akiva Yaglom]], [[Per Martin-Löf]], [[Anatoli Vitushkine|Anatoli Vitushkin]], [[Giuseppe Da Prato]]<ref>{{Article |auteur1=[[Sandra Cerrai]] |auteur2=Giuseppe Da Prato |titre=A basic identity for Kolmogorov operators in the space of continuous functions related to RDEs with multiplicative noise|année=2014 |périodique=[[Annals of Probability]] |éditeur=[[Institut de statistique mathématique|Institute of Mathematical Statistics]] |pages=1297-1336 |langue=en |url=https://projecteuclid.org/journals/annals-of-probability/volume-42/issue-4/A-basic-identity-for-Kolmogorov-operators-in-the-space-of/10.1214/13-AOP853.full}}.</ref>{{etc.}} Par ailleurs, il a encadré la thèse de [[Iakov Sinaï]]<ref>{{MathGenealogy|10481}}</ref>, lauréat du [[prix Abel]] en 2014<ref>{{lien web|url=http://www.abelprize.no/c61094/binfil/download.php?tid=61129|titre=The Abel Prize 2014|auteur=Académie norvégienne des Sciences et Lettres|site=abelprize.no|consulté le = 7 juillet 2014}}</ref>{{,}}<ref name="p149" />.

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Andrey Kolmogorov|448308264|type=note}}

=== Notes ===
<references group="n"/>
=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets|commons=Category:Andrey Kolmogorov|commons titre=Catégorie « Andrey Kolmogorov »}}

=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Selected works of A.N. Kolmogorov|volume=I|titre volume=Mathematics and Mechanics|éditeur=Kluwer|année=1991|isbn=}}
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Selected works of A.N. Kolmogorov|volume=II|titre volume=Probability Theory and Mathematical Statistics|éditeur=Kluwer|année=1992|isbn=}}
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Selected Works of A.N. Kolmogorov|volume=III|titre volume=Information Theory and the Theory of Algorithms|éditeur=Kluwer|année=1993|isbn=}}
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Turbulence and Stochastic Process|sous-titre=Kolmogorov's Ideas 50 Years On|éditeur=[[Royal Society]]|collection=Proceedings: Mathematical and Physical Sciences|numéro dans collection=1890|année=1991|isbn=0-85403-441-2|jstor=i203079}}
*{{Ouvrage|auteur1=Roberto Livi|auteur2=Angelo Vulpiani|titre=L'héritage de Kolmogorov en physique|éditeur=[[Belin éditeur|Belin]]|année=2003|isbn=978-2-7011-3558-8}}
* {{Ouvrage|auteur1=Nikolaĭ Kapitonovich Nikolʹskiĭ|titre=L'héritage de Kolmogorov en mathématiques|éditeur=[[Éditions Belin|Belin]]|année=2004|pages totales=303|isbn=}}
*{{article|lang=en|auteur=[[Adolf P. Youschkevitch]]|titre=A. N. Kolmogorov: Historian and philosopher of mathematics on the occasion of his 80th birthday|revue=[[Historia Mathematica]]|volume=10|année=1983|DOI=10.1016/0315-0860(83)90001-0}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Uriel Frisch]]|titre=Turbulence|sous-titre=the Legacy of A.N. Kolmogorov|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1995|pages totales=296|isbn=978-0-521-45713-2|isbn2=0-521-45713-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=K-Pf7RuYkf0C&printsec=frontcover}}
*{{article|auteur=[[Laurent Schwartz (mathématicien)|Laurent Schwartz]]|titre=La vie et l'œuvre d'Andréi Kolmogorov|périodique=Comptes  Rendus de l'Académie des Sciences. Série Générale. La Vie des  Sciences|volume=6|numéro=6|année=1989|passage=573–581|url=http://sites.mathdoc.fr/OCLS/pdf/OCLS_1989a.pdf}}
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Golden Years of Moscow Mathematics|lieu=Washington|éditeur=AMS|année=2007|année première édition=1993|pages totales=306|isbn=978-0-8218-4261-4}}
* {{de}} [[Hannelore Bernhardt]]: ''Zum Vergleich der wahrscheinlichkeitstheoretischen Konzepte von [[Richard von Mises|R. v. Mises]] und A. N. Kolmogorov. Perspektiven interkultureller Wechselwirkung für den wissenschaftlichen Fortschritt.'', Actes du XVIIIe Congrès international d'histoire des sciences à Berkeley tome 43, p.&nbsp;205–209. Berlin 1985.
* {{Ouvrage|prénom1=Manuel|nom1=García Piqueras|prénom2=Simon|nom2=Prime|responsabilité2=Trad.|titre=La dualité entre chaos et déterminisme|sous-titre=Kolmogorov|lieu=Barcelone|éditeur=RBA Coleccionables|année=2019|pages totales=158|isbn=978-84-473-9889-8|plume=oui}} 
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Timothy|nom1=Gowers|prénom2=June|nom2=Barrow-Green|prénom3=Imre|nom3=Leader|titre=[[The Princeton Companion to Mathematics]]|éditeur=[[Princeton University Press]]|année=2010|passage=814|isbn=|plume=oui}}

=== Articles connexes ===
{{colonnes|nombre=2|
* [[Axiomes de Kolmogorov]]
* [[Complexité de Kolmogorov]]
* {{Lien|trad=Kolmogorov's criterion|Critère de Kolmogorov}}
* [[Dimension de Kolmogorov]]
* [[Enstrophie]]
* [[Entropie métrique]]
* [[Équation de Chapman-Kolmogorov]]
*[[Espace de Kolmogorov]]
* [[Inégalité de Kolmogorov]]
* [[Loi forte des grands nombres]]
* [[Loi du zéro-un de Kolmogorov]]
* [[Problèmes de Hilbert]]
* [[Test de Kolmogorov-Smirnov]]
* [[Théorème KAM]] (de Kolmogorov, [[Vladimir Arnold|Arnold]] et [[Jürgen K. Moser|Moser]])
* [[Théorème de Kolmogorov-Sinai]]
}}

=== Liens externes ===
* {{ru}} [http://www.kolmogorov.pms.ru/ Andreï Kolmogorov]
* {{en}} [https://scholar.google.com/scholar?as_q=&num=10&btnG=Search+Scholar&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_occt=any&as_sauthors=kolmogorov&as_publication=&as_ylo=&as_yhi=&as_allsubj=all&hl=en&lr= publications] via [[Google Scholar]]
* {{en}} [http://www.geometry.net/scientists/kolmogorov_andrey.php Articles]
* [http://math.univ-angers.fr/~chaumont/rpdfiles/Kolmogorov.pdf {{pdf}} sur le calcul des probabilités de Kolmogorov]
* [http://nicobally.free.fr/recherche/m2/memoire/rapport/rapport.pdf mémoire sur l'utilisation de la complexité de Kolmogorov en épistémologie] {{pdf}}
* {{en}} [http://www.kolmogorov.com/ Curriculum vitæ, biographie et pages sur son travail]
* [http://www.probabilityandfinance.com/articles/04.pdf {{pdf}} Origine et influence des ''Grundbegriffe'']
* {{ru}} [http://www.kolmogorov.pms.ru/ Sur Kolmogorov]
* {{MacTutor|class=Extras|id=Luzin|title=The 1936 Luzin affair}}
* {{ru}} [http://www.pms.ru/ École Kolmogorov] à l'université de Moscou
{{Liens}}

{{Palette|Lauréats du Prix Wolf de mathématiques}}
{{Portail|mathématiques|physique|URSS}}

{{DEFAULTSORT:Kolmogorov, Andrei}}
[[Catégorie:Universitaire russe]]
[[Catégorie:Mathématicien russe du XXe siècle]]
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