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L’'''anomalie dilatométrique''' est une propriété singulière du comportement de certains [[Substance chimique|corps]] dont la [[densité]], au lieu d'augmenter continuellement (notamment au cours des [[État de la matière|changements d'états]]) pendant leur refroidissement, diminue au contraire à partir d'une température précise, parfois seulement sur certains intervalles de température : autrement dit, dans ces intervalles, le corps [[Dilatation thermique|se dilate]] lorsque sa température diminue. L’[[eau]] présente une anomalie dilatométrique.

== Exemples ==
Plusieurs éléments chimiques présentent une anomalie de densité : l'[[antimoine]], le [[bismuth]], le [[gallium]], le [[germanium]]<ref>Le germanate de cuivre et fer {{chem|Cu|2|Fe|2|Ge|4|O|13}}, [[Système cristallin monoclinique|monoclinique]] et constitué de chaînes d'octaèdres {{chem|FeO|6}} en zigzag ; il présente un coefficient de dilatation thermique unidirectionnel négatif entre {{unité/2|40|K}} et {{unité/2|200|K}} ; cf. {{article | auteurs=G.J. Redhammer, M. Merz, G. Tippelt, K. Sparta, G. Roth, W. Treutmann, W. Lottermoser et G. Amthauer | titre=Temperature-dependent crystal structure refinement and {{exp|57}}Fe Mössbauer spectroscopy of {{chem|Cu|2|Fe|2|Ge|4|O|13}} | journal=Acta Cryst. B | volume=63 | numéro=1 | pages=4-16 | année=2007 | doi=10.1107/S0108768106051652 | langue=en}}.</ref>, le [[plutonium]] et le [[silicium]] ainsi que certains alliages comme le [[tungstate]] de [[zirconium]] α-{{chem|ZrW|2|O|8}}<ref>Cet alliage se contracte lorsque la température augmente entre - {{tmp|272.85|°C}} et {{tmp|777|°C}}, température à laquelle le matériau se dissocie. Ce phénomène a aussi été observé pour d'autres membres de la famille {{chem|AM|2|O|8}} (A = Zr ou Hf et M = Mo ou W) ; cf. à ce sujet {{article | auteurs=L.D. Noailles, H.-h. Peng, J. Starkovich et B. Dunn | titre=Thermal Expansion and Phase Formation of {{chem|ZrW|2|O|8}} Aerogels | journal=Chem. Mater. | volume=16 | numéro=7 | pages=1252–1259 | année=2004 | doi=10.1021/cm034791q | langue=en}}.</ref> et le [[cyanure]] de zinc. [[Claude Pouillet]] observait déjà en 1836 que {{citation|Dans une certaine étendue de l'échelle thermométrique l'[[acier trempé]] se contracte au lieu de se dilater ; c'est une exception remarquable qui tient sans doute à l'état où se trouvent les molécules<ref>Cité d'après {{Ouvrage|prénom1=Claude|nom1=Pouillet|lien auteur1=Claude Pouillet|titre=Élémens de physique expérimentale et de météorologie|lieu=Bruxelles|éditeur=Louis Haumant et Co.|année=1836|passage=108|partie=Livre II - De la chaleur|titre chapitre=V - De la dilatation des solides}}.</ref>.}} Mais le corps chimique le plus important présentant cette [[anomalie]] est encore l'eau<ref name="Fizeau">La dilatation de l'eau entre {{tmp|4|°C}} et {{tmp|0|°C}} a été décrite par [[Hippolyte Fizeau]] en 1866 : voir la bibliographie ci-après.</ref>.

== Cas de l'eau ==
=== Données empiriques ===
[[Image:Density of ice and water (de).svg|vignette|360px|Masse volumique de l'eau en fonction de la température. Le graphe inférieur donne la masse volumique de la glace jusqu'à {{unité|0|°C}} puis celle de l'eau liquide. Le graphe supérieur donne le détail du graphe inférieur pour les masses volumiques de l'eau liquide entre {{unité|0|°C}} et {{unité|10|°C}}. Ce graphe montre le maximum de masse volumique de l'eau liquide autour de {{unité|4|°C}}.]]
Dans les conditions normales de pression, l'eau atteint sa [[masse volumique]] maximale d'environ {{unité/2|1000|kg||m|-3}} à {{tmp|3.98|°C}}. En-dessous de {{tmp|3.98|°C}}, l'eau commence à se dilater lorsque la température s'abaisse (y compris au cours du [[gel (phénomène météorologique)|gel]]). Selon {{vague|les mesures les plus récentes}}, le maximum de masse volumique de l'eau serait de ({{unité/2|999,974 950 ± 0,00084|kg||m|-3}}) à une température de {{unité/2|3,983 ± 0,00067|°C}} : cet intervalle résulte de la moyenne des résultats obtenus en 2005 par {{lesquels|différents instituts de physique allemands}}.

On peut exprimer la loi de variation de la masse volumique ''ρ''{{ind|LF}} de l’eau exempte d’[[Dioxygène|oxygène dissous]] en fonction de la température ''T'' (exprimée ici en °C) grâce à l'[[équation du viriel]] :
: <math>\rho_{\rm LF} = \frac{a_0 + a_1 T + a_2 T^2 + a_3 T^3 + a_4 T^4 + a_5 T^5}{1 + b T}</math>
où les coefficients ont pour valeur :
: ''a''{{ind|0}} = {{unité/2|999,839 52|kg||m|-3}} ;
: ''a''{{ind|1}} = {{unité/2|16,952 577|kg||m|-3|°C|-1}} ;
: ''a''{{ind|2}} = {{unité/2|-7,990 512 7|e=-3|kg||m|-3|°C|-2}} ;
: ''a''{{ind|3}} = {{unité/2|-4,624 175 7|e=-5|kg||m|-3|°C|-3}} ;
: ''a''{{ind|4}} = {{unité/2|1,058 460 1|e=-7|kg||m|-3|°C|-4}} ;
: ''a''{{ind|5}} = {{unité/2|-2,810 300 6|e=-10|kg||m|-3|°C|-5}} ;
: et ''b'' = {{unité/2|0,016 887 2|°C|-1}}.
Quant à la masse volumique de l'eau saturée en air dissous, on peut corriger l'équation précédente de la façon suivante<ref>D'après {{article|auteur1=H. Bettin |auteur2=F. Spieweck|titre= Die Dichte des Wassers als Funktion der Temperatur nach Einführung der Internationalen Temperaturskala von 1990|journal= PTB-Mitteilungen|série= 100|numéro= 3|année=1990|passage=195}}.</ref> :

: <math>\rho_\text{LG} = \rho_\text{LF} - 0{,}004\,612 + 0{,}000\,106 \cdot T</math>.

=== Mécanisme ===
[[Fichier:Eau-glace.png|alt=Arrangements moléculaire de la glace et de l'eau.|vignette|Arrangements moléculaires de la glace (à gauche) et de l'eau (à droite).]]
À l’[[état solide]] (dans le cas de l'eau on parle alors évidemment de « [[glace]] »), la [[Cristallisation (chimie)|cristallisation]] aboutit à un empilement ordonné de molécules formant un véritable [[réseau cristallin]]. À l’état liquide, la même quantité de [[molécule]]s occupe en principe un [[volume]] plus grand du fait des vitesses élevées des molécules et de l’existence d’un [[libre parcours moyen]]. Et puisque le volume augmente, la densité doit diminuer (la masse étant constante). Le chaos devient extrême à l’état gazeux : les molécules s’éloignent en moyenne au maximum de manière à remplir le plus uniformément possible le volume disponible.
{{Article détaillé|Dilatation thermique}}

L’explication de l’anomalie dilatométrique de l’eau réside dans la formation de chaînes moléculaires par [[Liaison hydrogène|liaison par pont hydrogène]]. Du fait de la formation spécifique de ces chaînes, l’édifice cristallin solide prend plus de place que les molécules disjointes et mobiles de l’état liquide. La [[solidification]] est un processus graduel, ce qui veut dire qu’à l’état liquide il existe déjà des [[Cluster (physique)|agrégats]] de [[Molécule d'eau|molécules d'eau]] liées. À {{tmp|3.98|°C}} l’eau se trouve dans un état où ces agrégats occupent un volume minimum : sa masse volumique est alors maximale. Lorsque l’on continue d’abaisser la température, l’évolution continue de la [[structure cristalline]] exige de plus en plus de place ; lorsqu’au contraire on élève la température, l’[[Mouvement brownien|agitation moléculaire]] donne naissance à un [[libre parcours moyen]] non nul, qui se traduit par une apparente dilatation.

=== Conséquence pour la [[limnologie]] ===
[[Fichier:Anomalous expansion of water Summer Winter.svg|vignette|[[Stratification thermique]] entre l'été et l'hiver dans un lac.|294x294px]]
L'anomalie dilatométrique de l'eau joue un rôle considérable pour la survie des espèces lacustres des zones glaciales. Ainsi en raison de cette anomalie dilatométrique, en-dessous d'une température de {{tmp|4|°C}} les eaux froides de surface ne [[convection|convectent]] plus vers le bas, ce qui empêche le refroidissement des eaux plus profondes. Il y a inversion de la [[stratification thermique]] entre l'été et l'hiver (voir illustration ci-contre), donnant, l'hiver, naissance à une [[couche d'inversion]] : les eaux profondes restent relativement isothermes, et animaux et plantes peuvent, jusqu'à un certain point, survivre sous la [[glace]].

== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{article|prénom=Hippolyte|nom=Fizeau|titre= Mémoire sur la dilatation des corps solides par la chaleur|journal=Comptes Rendus des Séances de l'Académie des Sciences|volume= 62|pages= 1101-1106, 1133-1148 |année=1866|lieu= Paris}}.
* {{Ouvrage|auteur1=B. Dussart|titre=Limnologie – L'étude des eaux continentales|lieu=Paris|éditeur=[[Gauthier-Villars]]|année=1966|réimpression=1992, éd. Boubée|pages totales=678}}
* {{Ouvrage|auteur1=A. Hade|titre=Nos lacs – les connaître pour mieux les protéger|éditeur=[[Éditions Fides]]|année=2002|pages totales=360|isbn=}}

=== Articles connexes ===
* [[Maximum de densité de l'eau]]

{{Portail|physique|chimie|matériaux|eau}}

[[Catégorie:Thermodynamique chimique]]
[[Catégorie:Transition de phase]]
[[Catégorie:Propriété chimique]]