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En [[mathématiques]], plus précisément en [[algèbre linéaire]], certains [[espace vectoriel|espaces vectoriels]] possèdent une  '''base''' qualifiée de '''canonique''' ; il s'agit d'une [[base (algèbre linéaire)|base]] qui se présente de manière naturelle d'après la manière dont l'espace vectoriel est présenté. C'est ainsi que l'on parle de la base [[canonique (mathématiques)|canonique]] de [[Espace euclidien|ℝ{{exp|''n''}}]], de la base canonique de l'espace vectoriel des [[matrice (mathématiques)|matrices]] ou de celui des [[polynôme formel|polynômes]]. En revanche sur un espace vectoriel quelconque, la notion n'a pas de sens : il n'y a pas de choix de base privilégiée.

La propriété spécifique de ces bases canoniques est que pour tout vecteur ''v'' de l'espace, les [[Base (algèbre linéaire)#Définition d'une base|coordonnées]] de ''v'' dans la base canonique sont données par les composantes mêmes (coefficients) qui constituent ''v''.

== Dans ''K{{exp|n}}''==
=== Définition ===

Soit ''K ''un [[corps commutatif]] et ''n ''un [[entier naturel]].

La base canonique de ''K{{exp|n}}'', également appelée base standard, est la base <math>(e_1,...,e_n)</math> où pour ''i'' compris entre 1 et ''n'', le vecteur <math>e_i</math> est défini par :
: <math>e_i = ( \delta_{1,i} , \delta_{2,i} , \cdots , \delta_{n,i} )</math>,
où <math>\delta_{ij}\,</math> désigne le [[symbole de Kronecker]] :
:<math>\delta_{ij} = \begin{cases} 
1& \text{si } i=j  \\ 
0& \text{si } i \ne j. \end{cases}</math>

Ici, 0 désigne le neutre de la première loi de ''K'' et 1 celui de la seconde.

Il est important de se rappeler qu'une base a autant de vecteurs que la [[dimension d'un espace vectoriel|dimension de l'espace vectoriel]].

=== Exemples ===

La base canonique du [[plan vectoriel]] ℝ{{2}} est constituée des deux vecteurs :
: <math>e_1 = (1,0),\quad e_2 = (0,1).</math>

La base canonique de l'espace ℝ{{3}} à trois dimensions se compose des trois vecteurs :
: <math>e_1 = (1,0,0),\quad e_2 = (0,1,0),\quad e_3=(0,0,1).</math>

Pour ''n'' entier, le [[produit scalaire]] canonique de K{{exp|''n''}} est celui pour lequel la base canonique est [[Base orthonormée|orthonormée]]. 

Lorsque le corps est le corps des réels ℝ, l'[[Orientation (mathématiques)|orientation]] canonique de ℝ{{exp|''n''}} est celle pour laquelle cette base est directe.

==Dans d'autres espaces vectoriels usuels==

{{Article détaillé|Exemples d'espaces vectoriels}}

===Polynômes===
Dans l'anneau des [[polynôme]]s sur un corps ''K'', vu comme espace vectoriel sur ''K'', la base canonique est la famille des monômes <math>(X^n)_{n\in\N}</math>.

Cette base est infinie. Comme pour toute base d'un espace vectoriel, tout vecteur (donc ici tout polynôme) s'écrit comme une [[combinaison linéaire]] faisant intervenir un nombre ''fini'' d'éléments de la base.

===Matrices===
Dans l'espace des [[matrice (mathématiques)|matrices]] à ''n ''lignes et ''p ''colonnes, la base canonique est l'ensemble des {{Lien|trad=Single-entry matrix|Unité matricielle|texte=unités matricielles}}<ref>[https://books.google.fr/books?id=4RIDPH1ULXcC&pg=PA15 Bourbaki, A.II.142].</ref> : ce sont les matrices <math>E_{i,j}</math> qui présentent un 1 à l'intersection de la ''i''{{e}} ligne avec la ''j''{{e}} colonne, et des 0 partout ailleurs.

Pour toute matrice <math>M = (a_{i,j})</math>, ses coordonnées dans la base canonique sont les coefficients.
:<math>M = \sum _{1\le i\le n,\ 1\le j\le p} a_{i,j} E_{i,j}</math>
{{Exemple|<math>\begin{pmatrix} 0 &1 & 2 \\ 4 & 3 & 1 \\ \end{pmatrix} = 0\begin{pmatrix} 1 &0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 \\ \end{pmatrix} + 1\begin{pmatrix} 0 &1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 \\ \end{pmatrix} + 2\begin{pmatrix} 0 &0 & 1 \\ 0 & 0 & 0 \\ \end{pmatrix} + 4\begin{pmatrix} 0 &0 & 0 \\ 1 & 0 & 0 \\ \end{pmatrix} + 3\begin{pmatrix} 0 &0 & 0 \\ 0 & 1 & 0 \\ \end{pmatrix} + 1\begin{pmatrix} 0 &0 & 0 \\ 0 & 0 & 1 \\ \end{pmatrix}</math>}}

== Théorie des représentations ==
La base canonique pour les représentations irréductibles d'un [[groupe quantique]] de type ADE et pour la partie positive de cette algèbre a été introduite par [[George Lusztig]] en 1990<ref>{{Article | nom1=Lusztig | prénom1=George | lien auteur1=George Lusztig | titre=Canonical bases arising from quantized enveloping algebras | doi=10.2307/1990961 | mr=1035415 | année=1990 | périodique=[[Journal of the American Mathematical Society]] | issn=0894-0347 | volume=3 | numéro=2 | pages=447-498| jstor=1990961 | accès doi=libre }}.</ref> par deux méthodes, l'une algébrique (grâce à une action du [[groupe de tresses]] et la [[Théorème de Poincaré-Birkhoff-Witt|base de Poincaré-Birkhoff-Witt]]), l'autre topologique (grâce à la [[cohomologie d'intersection]]). En spécialisant le paramètre <math>q</math> à <math>q=1</math>, on obtient une base canonique pour les représentations irréductibles de l'[[algèbre de Lie simple]] associée, base qui n'était pas connue auparavant. Cette trace (mais pas la base elle-même) dans le cas des représentations irréductibles a été considérée indépendamment par [[Masaki Kashiwara]] la même année<ref>{{Article | nom1=Kashiwara | prénom1=Masaki | lien auteur1=Masaki Kashiwara | titre=Crystalizing the q-analogue of universal enveloping algebras | url=https://projecteuclid.org/journals/communications-in-mathematical-physics/volume-133/issue-2/Crystalizing-the-q-analogue-of-universal-enveloping-algebras/cmp/1104201397.full | mr=1090425 | année=1990 | périodique=[[Communications in Mathematical Physics]] | issn=0010-3616 | volume=133 | numéro=2 | pages=249-260 | doi=10.1007/bf02097367| bibcode=1990CMaPh.133..249K | s2cid=121695684 }}.</ref> et elle est parfois appelée [[base cristalline]]. La définition de la base canonique a peu après été étendue aux [[algèbre de Kac-Moody|algèbres de Kac-Moody]] par Kashiwara<ref>{{Article | nom1=Kashiwara | prénom1=Masaki | lien auteur1=Masaki Kashiwara | titre=On crystal bases of the q-analogue of universal enveloping algebras | url=https://doi.org/10.1215/S0012-7094-91-06321-0 | mr=1115118 | année=1991 | périodique=[[Duke Mathematical Journal]] | issn=0012-7094 | volume=63 | numéro=2 | pages=465-516 | doi=10.1215/S0012-7094-91-06321-0 }}.</ref> (par une méthode algébrique) et par Lusztig<ref>{{Article | nom1=Lusztig | prénom1=George | lien auteur1=George Lusztig | titre=Quivers, perverse sheaves and quantized enveloping algebras | doi=10.2307/2939279 | mr=1088333 | année=1991 | périodique=[[Journal of the American Mathematical Society]] | issn=0894-0347 | volume=4 | numéro=2 | pages=365-421| jstor=2939279 | accès doi=libre }}.</ref> (par une méthode topologique).

Il y a un concept général sous-jacent pour toutes ces bases.

Considérons l'anneau des [[Polynôme de Laurent|polynômes de Laurent]] à coefficients entiers <math>\mathcal{Z}:=\mathbb{Z}\left[v,v^{-1}\right]</math> et ses deux sous-anneaux <math>\mathcal{Z}^{\pm}:=\mathbb{Z}\left[v^{\pm 1}\right]</math>, ainsi que l'automorphisme <math>\overline{?}</math> défini par <math>\overline{v}:=v^{-1}</math>.

Une ''structure précanonique'' sur un <math>\mathcal{Z}</math>-module libre <math>F</math> est la donnée de :
* une base ''standard'' <math>(t_i)_{i\in I}</math> de <math>F</math> ;
* un [[ordre partiel]] <math>I</math> dont tous les intervalles sont finis, c'est-à-dire que <math>\left]-\infty,i\right] := \{j\in I \mid j\leq i\}</math> est fini pour tout <math>i\in I</math> ;
* une opération de dualisation, c'est-à-dire une bijection <math>F\to F</math> d'ordre deux qui est [[semi-linéaire]] pour l'automorphisme <math>\overline{?}</math> – on la notera <math>\overline{?}</math> aussi.

Étant donné une structure précanonique, on peut définir le sous-<math>\mathcal{Z}^{\pm}</math>-module <math>F^{\pm} := \sum \mathcal{Z}^{\pm} t_j</math> de <math>F</math>.

Une ''base canonique de la structure précanonique''  est alors une base <math>(c_i)_{i\in I}</math> du <math>\mathcal{Z}</math>-module <math>F</math> telle que :
* <math>\overline{c_i}=c_i</math> et
* <math>c_i \in \sum_{j\leq i} \mathcal{Z}^+ t_j \text{ and } c_i \equiv t_i \mod vF^+</math>
pour tout <math>i\in I</math>. 

On peut montrer qu'il existe au plus une base canonique pour chaque structure précanonique<ref>{{Article | nom1=Lusztig | prénom1=George | lien auteur1=George Lusztig | titre=Quivers,perverse sheaves and quantized enveloping algebras | doi=10.2307/2939279 | mr=1088333 | année=1991 | périodique=[[Journal of the American Mathematical Society]] | issn=0894-0347 | volume=4 | numéro=2 | pages=365-421| jstor=2939279 | accès doi = libre }}.</ref>. Une condition suffisante pour l'existence est que les polynômes <math>r_{ij}\in\mathcal{Z}</math> définis par <math display="inline">\overline{t_j}=\sum_i r_{ij} t_i</math> satisfont à <math>r_{ii}=1</math> et <math>r_{ij}\neq 0 \implies i\leq j</math>.

Une base canonique induit un isomorphisme de <math>\textstyle F^+\cap \overline{F^+} = \sum_i \mathbb{Z}c_i</math> sur <math>F^+/vF^+</math>.

=== Algèbres de Hecke ===
Soit <math>(W,S)</math> un [[groupe de Coxeter]]. L'[[algèbre d'Iwahori-Hecke]] <math>H</math> associée possède par définition une base standard <math>(T_w)_{w\in W}</math> et le groupe est partiellement ordonné par l'[[ordre de Bruhat]], qui est à intervalles finis, et elle admet une opération de dualisation définie par <math>\overline{T_w}:=T_{w^{-1}}^{-1}</math>. Cela donne une structure précanonique sur <math>H</math> pour laquelle la condition suffisante ci-dessus est satisfaite. La base canonique correspondante de <math>H</math> est la ''base de Kazhdan-Lusztig''

: <math>C_w' = \sum_{y\leq w} P_{y,w}(v^2) T_w</math>,

où les <math>P_{y,w}</math> sont les [[Polynôme de Kazhdan-Lusztig|polynômes de Kazhdan-Lusztig]].

==Référence==
{{Références}}

{{Portail|algèbre}}

[[Catégorie:Espace vectoriel]]