Voir la source de Cargneule

{{Infobox Roche
 | nom                  = Cargneule / Cornieule
 | image                = 
 | légende              = 
 | alternative          = 
 | catégorie            = Roche sédimentaire
 | sous-catégorie       = [[Roche carbonatée]]
 | composition chimique = 
 | structure            = 
 | minéraux essentiels  = 
* [[calcite]]
* [[dolomite]]
* [[gypse]]
 | minéraux accessoires =
 | texture              = bréchique à vacuolaire
 | couleur              = jaune, brune, rouge, rouille
 | utilisation          = Pierre décorative
 | affleurement         = 
 | densité              =
 | dureté               =
 | formation            = Dissolution de séries dolomitiques
}}

[[Fichier:Roc du Soufre12.jpg|vignette|Cargneule au col du Soufre, au-dessus de [[Méribel]] dans le [[parc national de la Vanoise]].]]

La '''cargneule''' ou '''cornieule'''{{Note|groupe=note|texte=Si l'on considère les règles de priorité, le mot « cornieule » devrait être le seul mot valide (voir section Étymologie) mais pour des raisons de comodité et d'usage, c'est le terme de cargneule qui sera utilisé par la suite.}} est une [[Brèche (roche)|brèche]] [[dolomitique]] à ciment calcaire produite par la dissolution partielle de bancs dolomie et leur remplacement par un ciment dolomitique puis calcitique. Les termes cargneule/cornieule s'appliquent préférentiellement dans les Alpes où on les rencontre dans les séries triasiques à procimité des plans de [[nappe de charriage|charriage des nappes]]. La cargneule eut par le passé un statut ambigu, à l'image des débats sur son orthographe, et provient en grande partie des difficultés par les géologues d'expliquer son origine, ainsi que des confusions fréquentes avec le [[travertin|tuf calcaire]]. Ces roches présentent une texture bréchique mais plus régulièrement vacuolaire ou caverneuse, selon les conditions de préservations des [[Glossaire de géologie#C|clastes]], et une teinte jaune, brune, rouge ou rouille. Peu propice à l'affleurement, elles génèrent le cas échéant des [[Relief ruiniforme|reliefs ruiniformes]].

== Étymologie ==
Le terme de « cargneule » est une évolution du mot « cornieule ». Ce dernier dérive lui-même de ''corniaula'' issu du [[patois]] employé dans la région entre [[Aigle (Vaud)|Aigle]] et [[Bex]] dans le [[canton de Vaud]] en [[Suisse]] où ces roches sont très abondantes<ref name="weidmann1971">{{article|langue=fr|prénom=Marc|nom1=Weidmann|titre=Cargneule ou Cornieule ?|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1971|volume=64|numéro=1|pages=47-51|doi=10.5169/seals-163968|accès doi=libre}}.</ref>. Les mêmes roches sont dénommées ''corniolai'' dans le patois du [[Pays-d'en-Haut]] et de [[Gruyères (Fribourg)|Gruyères]], un peu plus au nord-est. Le terme ''corniolai'' désigne aussi en patois le [[cornouiller]] et le [[cormier]]<ref name="Bridel1866">{{ouvrage|langue=fr|prénom=Doyen|nom=Bridel|titre=Glossaire du patois de la Suisse romande|éditeur=Georges Bridel Editeur|année=1866|passage=83|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=ckhgw8n0ozUC}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom1=Louis|nom1=Gauchat|prénom2=Jules|nom2=Jeanjaquet|prénom3=Ernest|nom3=Tappolet|titre=Cornouiller - Glossaire des patois de la Suisse romande|année=1924|tome=4|page=337|lire en ligne=https://gaspar.unine.ch/apex/f?p=101:25:::::P25_IDARTICLE:400337024}}.</ref> dont les fleurs jaune-orangés foncées rappellent les couleurs de la roche et qui est aussi très abondant dans la région. Certains auteurs associent le nom « cornieule » avec la [[Corne (matière)|corne]]<ref name="weidmann1971"/> ou bien à la [[cornaline]]<ref name="Gilliéron1890">{{article|langue=fr|prénom1=Jules|nom1=Gilliéron|titre=Cargneule, Cornieule, Corgneule|périodique=Revue des patois gallo-romans|année=1890|volume=3|passage=210-212|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k929850/f208.item}}.</ref> bien que les relations soient loin d'être évidentes : la cargneule ne présente pas un aspect corné et ne possède une dureté équivalente; de même la couleur des cargneules ne rappelle pas celle de la cornaline, ni ses conditions de gisement{{Note|groupe=note|texte=Paradoxalement, les mots corniolai et cornouiller trouveraient leur origine dans le mot corne car le bois de cet arbre est réputé pour sa dureté et sa compacité tandis que les fruits du cormier (cormes) de couleur rouge-grenat rappellent la cornaline<ref name="weidmann1971"/>.}}. De nombreux [[toponyme]]s de la région vaudoise comportent par ailleurs le terme « cornieule » : la tête de Cornieule au sud des [[dents de Morcles]] ({{Coord|46.17984|7.08465}}) ou la pierre à Cornieule sous la [[pointe de l’Au]] ({{Coord|46.19514|6.84635}}) en [[Canton du Valais|Valais]].

Ainsi la filiation la plus vraisemblable serait ''cornus'' → ''corniolai'' → ''cornieule'' (Suisse) → ''cargneule'' (France)<ref name="weidmann1971"/>. Cette évolution se retrouve aussi dans la chronologie de leur usage. « cornieule » présente un effet une utilisation antérieure (1810) à celle de « cargneule » qui semble remonter à 1840 sans que le changement d’orthographe ne soit expliqué. Une erreur de lecture ou de typographie pourrait expliquer cette variation<ref name="Gilliéron1890"/> d’autant plus que chacune des deux formes s’est accompagnés de variations typographiques (''cornicule'', ''corniolaz''{{Note|groupe=note|texte=En patois, le suffixe -az ne se prononce pas ce qui donne littéralement corniole.}} pour le premier et ''cargnieule'', ''carnieule'' pour le second)<ref name="weidmann1971"/>. L’orthographe « cargneule » semble avoir être une orthographe déformée et adoptée par les géologues français à partir de 1850 tandis que les géologues [[Français de Suisse|suisses romands]] sont demeurés fidèles à l’orthographe initiale{{Note|groupe=note|texte=Marc Weidmann commente : {{citation|J'espère donc que disparaîtra bientôt la cargneule surpatrice et que l'antique cornieule patoise reviendra sous la plume de tous les géologues}}<ref name="weidmann1971"/> (p.50).}}.

Cornieule n’est cependant pas le terme le plus ancien employé pour décrire ces roches. « rauhwacke » est employé dès le {{s-|XVIII|e}} par les géologues allemands sous diverses orthographes (''rauhkalk'', ''rauchkalk'') et plusieurs auteurs français ont même employé le terme de « calcaire celluleux »<ref name="weidmann1971"/>.

== Définition ==
Les termes de « cargneule » et « cornieule » sont généralement restreints aux roches observées dans les [[géologie des Alpes|Alpes]] où elles sont systématiquement localisées dans le [[Trias]], à proximité de plans de chevauchement. Une définition des cargneules est très complexe à proposer tant les auteurs ne semblaient pas d'accord entre-eux sur les [[Faciès (géologie)|faciès]] qu'englobe le terme de cargneule/cornieule et que le débat sur leur origine a longtemps fait rage<ref name="Jeanbourquin1988">{{article|langue=fr|prénom=Pascal|nom=Jeanbourquin|titre=Nouvelles observations sur les cornieules en Suisse occidentale|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1988|volume=81|numéro=2|pages=511–538|doi=10.5169/SEALS-166191|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref name="Masson1972">{{article|langue=fr|prénom=Henri|nom=Masson|titre=Sur l’origine de la cornieule par fracturation hydraulique|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1972|volume=65|numéro=1|pages=27-41|doi=10.5169/SEALS-164074|accès doi=libre}}.</ref>. La définition commune se focalise par ailleurs sur un faciès précis de cargneule à savoir une roche à la [[Texture (pétrographie)|texture]] [[vacuolaire]]{{Note|groupe=note|texte=Les anciens auteurs parlent aussi de texture celluleuse.}} mais celle-ci ne représente qu'un stade final où la roche est altérée par exposition en surface (« cargneule vacuolaire »<ref name="Schardt1885">{{article|langue=fr|prénom=Hans|nom=Schardt|titre=Sur l’origine des cargneules|périodique=Archives des sciences physiques et naturelles|année=1885|volume=3|numéro=14|pages=247–251|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2990849/f248.item|accès url=libre}}.</ref>) et ne considère pas les textures où les [[claste]]s demeurent préservés (« cargneule bréchiforme »<ref name="Schardt1885"/>).

La cargneule peut être défini comme une [[Brèche (roche)|brèche]] (voire une microbrèche) [[Roche carbonatée|carbonatée]] issue du démantèlement de bancs de [[dolomie]] sous l'effet de contrainte tectonique qui l'ont prédisposé à être soumise à des phases de précipitation/dissolution, et qui ont ensuite entrainé une dédolomitisation partielle et son remplacement par un ciment dolomitique puis [[Calcite|calcitique]]. Cette [[Cimentation (géologie)|cimentation]] (ou liant) séparant les [[claste|clastes]] se présente généralement comme une matrice microbréchique carbonatée mais peut apparaitre dans certains cas sous la forme de cloisons fines. Les clastes peuvent soit correspondre à des résidus de dolomies non dissous (cargneule [[Glossaire de géologie#M|monomicte]]) ou incorporer aussi des extraclastes (cargneule [[Glossaire de géologie#D|diamicte]] ou [[polymicte]]) provenant des couches adjacentes voire de séries plus récentes, et dans ce dernier cas, leur incorporation est décrite comme récente ([[Quaternaire]])<ref name="Jeanbourquin1988"/>. Enfin selon le degré d'altération, les clastes peuvent être plus ou moins dissous ce qui confère alors à la cargneule une texture vacuolaire.

== Histoire ==
Les théories sur la formation des cargneules ont été nombreuses et contradictoires entre le la seconde moitié du {{s-|XIX|e}}<ref name="Chavannes1873">{{article|langue=fr|prénom=Sylvius|nom=Chavannes|titre=Note sur le gypse et la corgneule des Alpes Vaudoises|périodique=Bulletin de la Societe vaudoise des Sciences naturelles|année=1873|volume=12|numéro=69|pages=109‑130|doi=10.5169/SEALS-287480|accès doi=libre}}.</ref> et la fin du {{s-|XX|e}}<ref name="Amieux1989">{{article|langue=fr|prénom1=Pascal|nom1=Amieux|prénom2=Pascal|nom2=Jeanbourquin|titre=Cathodoluminescence et origine diagenetique tardive des cargneules du massif des Aiguilles Rouges (Valais, Suisse)|périodique=Bulletin de la Société Géologique de France|année=1989|volume=V|numéro=1|pages=123–132|doi=10.2113/gssgfbull.V.1.123|accès doi=payant}}.</ref>. Bien que l'origine tectonique{{Note|groupe=note|texte=L'origine tectonique n'est pas explicitement mentionnée en raison de l'absence de connaissance sur ce sujet, les auteurs parlent plutôt de {{citation|dislocation des roches}}.}} de la cargneule soit défendue dès les premiers travaux<ref name="Schardt1885"/>{{,}}<ref name="Chavannes1873"/>, des géologues ont suggéré des hypothèses variées sur la base des difficultés rencontrées par la théorie tectonique. Cette difficulté se retrouve aussi dans la définition de cargneulisation (ou corniolisation) qui se rapporte selon les auteurs au processus de bréchification de la roche ou à la dissolution des éléments à l'origine de l'aspect vacuolaire de la roche<ref name="Masson1972"/>. Ces différentes hypothèses sont organisées autour de trois théories principales.

=== Modèle sédimentaire ===
L'origine sédimentaire des cargneule est la première hypothèse largement relayée par de nombreux auteurs du {{s-|XIX|e}} et de la première moitié du {{s-|XX|e}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Hans|nom=Schardt|titre=Études géologiques sur le Pays-d’Enhaut vaudois|périodique=Bulletin de la Societe vaudoise des Sciences naturelles|année=1884|volume=20|numéro=90|pages=1–183|doi=10.5169/SEALS-260130|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Hans|nom=Schardt|titre=Sur l’origine des cargneules|périodique=Archives des sciences physiques et naturelles|année=1885|volume=3|numéro=14|pages=247–251|lire en ligne={{Gallica|id=bpt6k2990849}}|accès url=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom=Eugène|nom=Renevier|titre=Monographie géologique des Hautes-Alpes vaudoises et des parties avoisinantes du Valais|éditeur=Commission Géologique Suisse|série=Matériaux pour la Carte Géologique de la Suisse|année=1890|lire en ligne={{Gallica|id=bpt6k6325183n}}|accès url=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Eugène|nom=Renevier|titre=Origine et âge du gypse et de la cornieule des Alpes vaudoises|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1891|volume=2|numéro=3|pages=229–246|doi=10.5169/SEALS-153899|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Léon-William|nom=Collet|titre=Les hautes Alpes calcaires entre Arve et Rhône|périodique=Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève|année=1910|volume=36|numéro=4|pages=412-586}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom=Alphonse|nom=Jeannet|titre=Monographie géologique des Tours d’Aı̈ et des régions avoisinantes|éditeur=Commission Géologique Suisse|collection=Matériaux pour la Carte Géologique de la Suisse|année=1912|volume=34|lire en ligne=https://shop.swisstopo.admin.ch/fr/livres-et-publications/service-geologique-national/materiaux-pour-la-carte-geologique-de-la-suisse|pages totales=701|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Antoine|nom=Paréjas|titre=Géologie de la zone de Chamonix comprise entre le Mont-Blanc et les Aiguilles rouges|périodique=Mémoires de la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève|année=1922|volume=39|numéro=7|pages=374-442|lire en ligne=https://archive-ouverte.unige.ch/unige:136957|accès url=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Elie|nom=Gagnebin|titre=Un fossile nouveau (Pogrocrinus Raafensis, nov. gen., nov. sp.) dans la cornieule triasique de la nappe du Niesen (Préalpes suisses)|périodique=Bulletin de la Société vaudoise des Sciences Naturelles|année=1930|volume=57|numéro=225|pages=219–222|doi=10.5169/SEALS-284181|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom=Léon-William|nom=Collet|titre=La Nappe de Morcles entre Arve et Rhône|éditeur=Commission Géologique Suisse|collection=Matériaux pour la Carte Géologique de la Suisse|année=1943|pages totales=166|lire en ligne=https://shop.swisstopo.admin.ch/fr/livres-et-publications/service-geologique-national/materiaux-pour-la-carte-geologique-de-la-suisse|accès url=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=gsw|prénom=R. O.|nom=Brunnschwiller|titre=Beiträge zur Kenntnis der Helvetischen Trias östlich des Klausenpass|éditeur=Université de Zürich|année=1948|nature ouvrage=thèse de doctorat}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=gsw|prénom=Joos|nom=Cadish|titre=Geologie der Schweizer Alpen|éditeur=Wepf|année=1953|édition=2nde ed.}}</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Germain|nom=Botteron|titre=Étude géologique de la région du Mont d’Or (Préalpes romandes)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1961|volume=54|numéro=1|pages=29–106|doi=10.5169/SEALS-162815|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=de|prénom=H.|nom=Wieseneder|titre=Klassifikation und Entstehung terrigener und karbonatischer Sedimentgesteine|périodique=Mitteilungen der Geologischen Gesellschaft in Wien|année=1971|volume=64|pages=219-236|url=https://www.zobodat.at/pdf/MittGeolGes_64_0219-0236.pdf|accès url=libre}}.</ref>. Parmi eux, certains suggèrent une origine par lessivage des [[évaporite]]s. Cette théorie suppose une origine [[trias]]ique des cargneules dont l'argument principal est l'apparence stratiforme de certaines cargneules qui semblent reposer en concordance sur les couches triasiques. Cette disposition est cependant contredite par l'orientation oblique que peut avoir les couches de cargneule, recoupant ainsi la stratigraphie<ref name="Baud1972">{{article|langue=fr|prénom=Aymon|nom=Baud|titre=Observations et hypothèses sur la géologie de la partie radicale des Préalpes médianes|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1972|volume=65|numéro=1|pages=43–55|doi=10.5169/seals-164075|accès doi=libre}}.</ref>.

=== Modèle tectonique ===
Le modèle tectonique défend un mécanisme où les mouvements tectoniques seraient la cause principale de formation des cargneules. Elle est initialement décrite sous la forme de dislocation des roches en raison d'une absence de connaissance des mécanismes tectoniques et notamment de la formation des [[Nappe de charriage|nappes de charriages]]. Cette théorie suppose que la cargneule se soit formée au [[Cénozoïque]] (entre l'[[Éocène]] et le [[Miocène]]) durant le charriage des nappes alpines. Pour certains auteurs, cette formation serait associée à la présence d'[[anhydrite]]<ref>{{article|langue=de|prénom=H. A.|nom=Brouwer|titre=Zur Geologie der Sierra Nevada|périodique=Geologische Rundschau|année=1926|volume=17|numéro=2|pages=118-137|doi=10.1007/BF01801854|accès doi=payant}}.</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=gsw|prénom=M.|nom=de Raaf|titre=La géologie de la nappe du Niesen entre la Sarine et la Simme|éditeur=Commission Géologique Suisse|collection=Matériaux pour la Carte Géologique de la Suisse|année=1934|volume=68|pages totales=119|lire en ligne=https://shop.swisstopo.admin.ch/fr/livres-et-publications/service-geologique-national/materiaux-pour-la-carte-geologique-de-la-suisse|accès url=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=gsw|prénom=Heinrich|nom=Jäckli|titre=Geologische Untersuchungen im nördlichen Wesischams (Graubünden)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1941|volume=34|numéro=1|pages=17-105|doi=10.5169/seals-160137|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref name="Genge1952">{{article|langue=gsw|prénom=Erwin|nom=Genge|titre=Einige Beobachtungen an Rauhwackevorkommen der Klippendecke im hinteren Diemtigtal (Berner Oberland)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1952|volume=45|numéro=2|pages=281-284|doi=10.5169/seals-161578|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref name="Genge1958">{{article|langue=gsw|prénom=Erwin|nom=Genge|titre=Ein Beitrag zur Stratigraphie der südlichen Klippendecke im Gebiet Spillgerten Seehorn (Berner Oberland)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1958|volume=51|numéro=2|pages=151-211|doi=10.5169/seals-162432|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=gsw|prénom=Louis|nom=Leine|titre=Rauhwacken und ihre Entstehung|périodique=Geologische Rundschau|année=1971|volume=60|numéro=2|pages=488–524|doi=10.1007/BF02000467|accès doi=payant}}.</ref> tandis que d'autres privilégient l'existence de fluide sous pression provoquant la [[fracturation hydraulique]] des dolomies<ref name="Baud1972"/>{{,}}<ref name="Masson1980a">{{article|langue=fr|prénom1=Henri|nom1=Masson|prénom2=Aymon|nom2=Baud|prénom3=Arthur|nom3=Escher|titre=Compte rendu de l’excursion de la Société Géologique Suisse du 1 au 3 octobre 1979 : coupe Préalpes-Hélvetique-Pennique en Suisse occidentale|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1980|volume=73|numéro=1|pages=331–349|doi=10.5169/SEALS-164959|accès doi=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=it|prénom1=S.|nom1=Metzeltin|prénom2=L.|nom2=Vezzoli|titre=Le carniole della «Sinclinale dello Spluga» (Val Chiavenna)|périodique=Rivista Italiana di Paleontologia e Stratigrafia|année=1977|volume=83|numéro=3|pages=533-560}}.</ref>. Il en résulterait une bouillie sous pression qui lubrifierait les zones de cisaillement<ref>{{chapitre|langue=en|prénom1=Henri|nom1=Masson|prénom2=René|nom2=Herb|prénom3=Albrecht|nom3=Steck|titre chapitre=Helvetic Alps of Western Switzerland|auteurs ouvrage=Rudolph Trumpy|titre ouvrage=Geology of Switzerland: a guide book|lieu=Basel|éditeur=epf & Co.|année=1980|volume=B|passage=109-153}}.</ref> et au cours de laquelle des éléments étrangers pourraient être introduits<ref name="Masson1972"/>. La formation des cargneules aurait ainsi joué un rôle clé dans le [[Nappe de charriage|charriage des nappes]] alpines<ref name="Masson1980a"/>. Ce modèle est corroboré par la localisation fréquente des cargneules à proximité des plans de chevauchement, de leur [[Discordance (stratigraphie)|discordance]] fréquente par rapport à la stratification, l'absence de galets de cargneule dans les dépôts antérieurs{{Note|groupe=note|texte=C'est notamment le cas des brèches [[jurassique]]s syn-[[rift]] qui remanient pour l'essentiel des clastes triasiques dolomitique et non des cargneules.}}, l'incorporation de roches plus jeunes voire affectées par le [[métamorphisme]] alpin, la disposition des ciments calcaire en cloisons planes plus ou moins parallèles et qui contrastent avec la nature dolomitique des clastes<ref name="Jeanbourquin1988"/>. Cependant, ce modèle est remis en cause car il n'aboutirait pas à la formation de cargneule mais plutôt à des [[cataclasite]]s ou des [[gouge]]s de failles<ref name="Muller1982">{{article|langue=gsw|prénom=Walter H.|nom=Müller|titre=Zur Entstehung der Rauhwacke|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1982|volume=75|numéro=3|pages=481-494|doi=10.5169/seals-165239|accès doi=libre}}.</ref>. Par ailleurs Les cargneules ne peuvent pas servir de plans de chevauchement<ref name="Vearncombe1982"/> car la bréchification des niveaux de cargneules ne permettrait pas de conserver une forte pression des fluides nécessaire au charriage des nappes.

=== Modèle diagénétique ===
Le dernier modèle s'est surtout développé à partir de la seconde moitié du {{s-|XX|e}}<ref name="Jeanbourquin1988" />{{,}}<ref name="Vearncombe1982">{{article|langue=en|prénom=Julian R.|nom=Vearncombe|titre=The tectonic significance of Triassic dolomite and cargneule in the Gran Paradiso region, Western Alps|périodique=Geological Magazine|année=1982|volume=119|numéro=3|pages=301‑308|doi=10.1017/S001675680002611X|accès doi=payant}}.</ref>{{,}}<ref name="Brückner1941">{{article|langue=gsw|prénom=Werner|nom=Brückner|titre=Über die Entstehung der Rauhwacken und Zellendolomite|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1941|volume=34|numéro=1|pages=117–134|doi=10.5169/SEALS-160139|accès doi=libre}}.</ref>. Il décrit une origine chimique des cargneules par dissolution préférentielle de la dolomie ou de séries évaporitiques et leur remplacement par la précipitation d'un ciment en calcite après l'[[orogenèse alpine]], entre le [[Néogène]] et le [[Quaternaire]]<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom1=Alphonse|nom1=Favre|prénom2=Hans|nom2=Schardt|titre=Description géologique du Canton  de Vaud et du Chablais jusqu’à la Dranse et la chaîne des Dents  du Midi|année=1887|éditeur=Commission Géologique Suisse|collection=Matériaux pour la Carte Géologique de la Suisse|volume=22|pages totales=688|lire en ligne=https://shop.swisstopo.admin.ch/fr/livres-et-publications/service-geologique-national/materiaux-pour-la-carte-geologique-de-la-suisse|accès url=libre}}</ref>. La fracturation par gonflement de l'anhydrite est même suggérée<ref name="Brückner1941"/>. Ce modèle est corroboré par l'association systématique des cargneules avec des couches évaporitiques, la disparition de la cargneule en profondeur comme constatée lors du creusement de tunnels<ref name="Vearncombe1982"/>{{,}}<ref name="Brückner1941"/>, l'incorporation de roches métamorphiques post-triasiques prouvant qu'une phase de déformation ductile a précédé leur incorporation, la signature [[isotopique]] de l'oxygène et du carbone du ciment calcitique des cargneules similaire à celui des travertins formés récemment<ref name="Vearncombe1982"/> et l'analyse par [[cathodoluminescence]] de ces mêmes ciments<ref name="Amieux1989"/>.

=== Modèle hybride ===
Depuis la seconde moitié du {{s-|XIX|e}}, plusieurs auteurs<ref name="Jeanbourquin1988"/>{{,}}<ref name="Genge1952"/>{{,}}<ref name="Genge1958"/>{{,}}<ref name="Brückner1941"/> ont tendance à associer les modèles tectoniques et diagénétiques. La cargneule résulterait ainsi de modifications minéralogiques tardives (précipitation/dissolution de ciments carbonatés) qui affecteraient préférentiellement des unités préalablement fracturées par les chevauchements alpins<ref name="Mosar1996">{{article|langue=fr|prénom1=Jon|nom1=Mosar|prénom2=Gérard M.|nom2=Stampfli|prénom3=François|nom3=Girod|titre=Western Préalpes Médianes Romandes : timing and structure : a review|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1996|volume=89|numéro=1|pages=389–425|doi=10.5169/seals-167907|accès doi=payant}}.</ref>.

== Formation ==
La formation des cargneules repose sur une transformation progressive de bancs de dolomies par le biais d'une évolution minéralogique qui s'accompagne, sans qu'elle ne soit nécessaire, de phases de bréchification sous l'effet de contraintes tectoniques (charriage des nappes), qui facilitent la formation de fractures par lesquels circulent les fluides responsables de phases précipitation/dissolution. Cette succession de phases précipitation/dissolution entraine, après à la mise en place des nappes, la formation de plusieurs générations de [[Cimentation (géologie)|ciments]], d'abord dolomitique puis calcitique par dédolomitisation. L'évolution des ciments peut être mise en évidence par [[cathodoluminescence]]<ref name="Amieux1989"/> et permet de définir une chronologie des stades successifs de précipitation des ciments. L'influence de la tectonique est par conséquent indirecte car elle contrôle la réactivation ou la création de nouveaux drains par lesquels circulent les fluides. Enfin l'exhumation des niveaux de cargneule aboutit à la mise en place d'un [[karst]] par dissolution préférentielle des clastes dolomitiques et l'installation d'une sédimentation récente (Quaternaire) qui se retrouve piégés dans les alvéoles de la cargneule, ainsi que par le développement de la matrice par précipitation de la calcite<ref name="Jeanbourquin1988"/>.

=== Dépôt et diagenèse de la dolomie ===
La dolomie s'est déposée entre le [[Trias moyen]] et [[Trias supérieur|tardif]] dans un environnement d'[[estran]] (subtidale à intertidale<ref name="Amieux1989"/>) en bordure de [[plateforme carbonatée]] ou dans des [[lagune]]s bordant le littoral, et soumis à une forte évaporation. Lorsque le niveau marin diminuait encore, il entrainait une [[régression marine]] et la mise en place d'un système équivalent aux [[sebkha]]s, facilitant le dépôt d'[[évaporite]] dont des [[anhydrite]]s. Les sédiments sont consolidés par un ciment primaire dolomitique ([[microsparite|dolomicrosparite]]) dès la phase de [[diagenèse]] précoce (éogénèse) au [[Trias]]<ref name="Amieux1989"/>. Cette cimentation s'accompagne d'un comblement progressif de la [[porosité]] résiduelle par de la [[sparite|dolosparite]].

=== Bréchification tectonique ===
Sous l'effet des contraintes tectoniques de l'[[orogenèse alpine]], des plans de décollement apparaissent à la base des couvertures sédimentaires, préfigurant les futures [[Nappe de charriage|nappes de charriage]]. Leur position stratigraphique est en partie contrôlée par la distribution des couches évaporitiques ([[anhydrite]], [[halite]]) triasiques<ref name="Muller1982"/>. Durant cette étape, les bancs de dolomies situés à proximité des plans de décollement, sont bréchifiés sous la contrainte et par des fluides sous pression. Le produit de cette déformation est conditionné par la stratigraphie orginelle des dépôts sédimentaires triasiques et notamment la proportion de couches évaporitiques<ref name="Jeanbourquin1988"/>. Les assises triasiques à forte composante dolomitique produisent des [[cataclasite|dolocataclasites]], des [[Brèche (roche)|brèches]] fluidales voire des farines dolomitique ([[gouge]]s de faille) si la cimentation initiale est faible ou inexistante. Dans les séries comportant une forte proportion de couches évaporitiques, la déformation produit des brèches dolomitique à ciment d'anhydrite pouvant aussi comporter des argilites et des schistes verts provenant des séries stratigraphiques adjacentes. Cette étape n'est pas impérative pour la formation de cargneule mais il est aussi possible que certaines couches aient été soumises à une fracturation hydraulique par des fluides en surpression<ref name="Masson1972"/>.

=== Cargneulisation ===
Les couches fracturées sont parcourues par des fluides sous pression provenant du haut de la colonne stratigraphique. Au début des déformations de la couverture sédimentaire (décollement des nappes), la pression des fluides atteint la [[pression lithostatique]] et les dolocataclasite se transforment en brèche tectonique<ref name="Amieux1989"/>. Cette pression élevée expliquerait l'orientation aléatoire des fractures qui forment un réseau dense et sont progressivement comblées par une dolosparite à la cristallinité particulière<ref name="Amieux1989"/>. Elle présente un [[Habitus (minéralogie)|habitus]] en selle, une extinction ondulée et se développeraient entre 80°C et 130°C. Leur précipitation s'étend au-delà des fractures et réduit la porosité générale de la roche à moins de 5%. Puis la pression des fluides descend au niveau de la [[pression hydrostatique]].

La fracturation de la roche se développe et entraine un changement radical de la composition géochimique des fluides. Elle favorise la circulation de fluides de composition à forte teneur calcitique (ratio Ca<sup>2+</sup>/Mg<sup>2+</sup> élevé) qui provient du lessivage des couches évaporitiques (très solubles) riches en anhydrite et gypse voire de l'érosion de la couverture sédimentaire et accentue l'agressivité des fluides. La précipitation d'un ciment calcite remplace progressivement les ciments dolomitiques plus solubles et confère à la roche sa nature calcitique. Le processus de dédolimitisation s'effectue de la manière suivante : 

CaCO<sub>3</sub>·MgCO<sub>3</sub> + Ca<sup>2+</sup> <math>\rightleftharpoons</math> 2CaCO<sub>3</sub> + Mg<sup>2+</sup>

L'apport de calcium provient du [[sulfate de calcium]] (CaSO<sub>4</sub>) produit par la dissolution de l'anhydrite ce qui aboutit à la réaction suivante : 

CaCO<sub>3</sub>·MgCO<sub>3</sub> + CaSO<sub>4</sub>·2{{H2O}} <math>\rightleftharpoons</math> 2CaCO<sub>3</sub> + MgSO<sub>4</sub> + 2{{H2O}}

Le produit de la dédolomitisation entraine la formation d'une solution de [[sulfate de magnésium]] (MgSO<sub>4</sub>) qui est évacué par les circulation des fluides. Cette cimentation oblitère et scelle la dissolution importante des assises préexistantes. L'intensité du phénomène est ainsi fonction de la perméabilité des couches fracturées et de l'épaisseur des couches évaporitiques, très solubles.

=== Mise en place du karst ===
L'exhumation ([[diagenèse|télogenèse]]) marque les derniers stades de formation des cargneules. La pression des fluides redescend vers la pression hydrostatique<ref name="Amieux1989"/> et le drainage des écoulements de surface favorise une dissolution très active qui s'attaque préférentielle aux clastes de dolomie primaire (dolomie la plus soluble) puis progressivement à la dolomie d'origine diagenétique. Il en résulte la formation d'un [[karst]] par l'apparition de cavités plus ou moins interconnectées et qui confèrent à la cargneule son aspect vacuolaire. La fracturation peut aussi se poursuivre durant les derniers stades de formation par [[gélifraction]] et surpression des fluides karstiques. Des auteurs<ref name="Jeanbourquin1988"/>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom=Charles|nom=Chenevart|titre=Les nappes de Préalpes médianes et de la Simme dans la région de la Hochmatt|collection=Mémoires de la Société Fribourgeoise des Sciences naturelles|lieu=Lausanne|année=1945|pages totales=213|lire en ligne=https://www.e-periodica.ch/digbib/view?pid=mfg-001%3A1945%3A12#4|accès url=libre}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|langue=fr|prénom=Ronald|nom=Chessex|titre=La géologie de la haute vallée d’Abondance Haute-Savoie (France)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1959|volume=52|numéro=1|pages=295‑402|doi=10.5169/seals-162570|accès doi=libre}}.</ref> suggèrent même que la cargneule pourrait se former actuellement et en l'espace de quelques mois. De même, la cargneule ne serait pas restreinte en profondeur, des couches ont été identifiées à {{unité|300|m}} de profondeur dans une [[Galerie (spéléologie)|galerie]] sous le [[Mont d'Or (Vaud)|Mont d'Or]]<ref name="Jeanbourquin1988"/>.

En surface, le karst se manifeste par l'apparition de conduits et des poches dans lesquelles se retrouvent piégés des sédiments fins voire grossiers et mal triés. Il n'est pas rare d'y trouver aussi des galets morainiques qui démontrent que l'apparition du karst est au mieux contemporaine des [[glaciations quaternaires]]. C'est aussi durant cette période qui sont piégés des blocs de lithologies plus récentes que la cargneules comme des calcaires crétacés. Leur diversité pétrographique est alors fonction du bassin versant. Cette sédimentation récente peut aboutir au comblement des cavités. De même, le développement du réseau karstique, par la dissolution des clastes, peut entrainer la formation de faciès d'effondrement. Enfin la précipitation d'un ciment calcite se poursuit par le comblement de la porosité secondaire ou par la formation de croute calcaire en surface au travers d'un cycle continu de dissolution/précipitation, notamment sur les cargneules altérées.

== Description ==

=== Pétrographie ===
Les cargneules sont une variété de [[Brèche (roche)|brèche]], voire une microbrèche selon la taille des [[claste]]s. Leur description est par conséquent équivalente à celle des [[Conglomérat (géologie)|conglomérat]]s. En raison de leur origine diagenétique, elles peuvent être décrite comme des brèches de dissolution<ref name="Jeanbourquin1988"/>ce qui permet de les distinguer des [[travertin]]s.

==== Matrice / Ciment ====
La matrice décrit un ciment calcitique se présentant sous la forme de cloisons (ou [[Veine (géologie)|veines]]) dans les cargneules monomictes<ref name="Jeanbourquin1988"/> et évoluant une microbrèche calcitique, mal triée, et à éléments insolubles (jusqu'à 60 %) dans les cargneules polymictes. La composante principale de cette dernière est une [[siltite|calcsiltite]] très argileuse et riche en grains de [[Quartz (minéral)|quartz]]. Elle s'assimile parfois à une sédimentation à fines laminations, parfois [[Varve|varvée]], souvent discordante avec l'orientation de couches. Des structures sédimentaires centimétriques à décimétriques peuvent parfois être observées.

==== Clastes ====
La cimentation englobe des fragments rocheux qui peuvent être uniquement des clastes dolomitiques, accompagnés en proportion minoritaire (moins de 10 %) de roches triasiques (cargneules [[Glossaire de géologie#M|monomictes]]), ou présenté une variété plus ou moins importante de lithologies (cargneules [[Glossaire de géologie#D|diamictes]] ou [[polymicte]]s). Les cargneules polymictes constituent par ailleurs des formes très évoluées de cargneules qui semblent avoir été formés par l'incorporation de galets en plusieurs phases successives. Des plus abondants aux plus rares, on trouve les clastes suivants<ref name="Jeanbourquin1988"/> : 
* Intraclastes de dolomie : c'est l'élément le plus ubiquiste des cargneules. Ils sont en partie recristallisés avec des fantômes de [[bioclaste]]s, [[Oolithe|oolite]]s et [[Pellet (géologie)|pellet]]s et sont aussi recoupés par des [[Veine (géologie)|veine]]s scellées par un ciment dolomitique propice à la dissolution et à son remplacement par un ciment calcitique ;
* Extraclastes de roches ([[Permien|permo]]-)triasiques : ce sont les lithologies les plus fréquentes après la dolomie car provenant des niveaux stratigraphiques adjacents. Leur apparition est contemporaine de la phase de déformation tectonique. Ils incluent des [[Grès (géologie)|grès]], des argilites ou des [[schiste vert|schistes verts]] ;
* Extraclastes de roches non triasiques : il s'agit de fragments provenant d'unités stratigraphiques généralement plus jeunes. L'incorporation de ces lithologies est tardive (Quaternaire) et correspond à la phase d'exhumation des cargneules. La distribution de ces lithologies est très variable dans les cargneules car elle est fonction des unités affleurantes du bassin versant. Leur distribution est par ailleurs corrélée avec celle des galets des dépôts quaternaires environnants ([[moraine]], [[alluvion]]s, [[éboulis]]). Certains galets présentent des morphologies arrondies, polis, voire striées démontrant une incorporation tardive. Ils comprennent des calcaires du [[Jurassique]] au [[Crétacé]], des [[flysch]]s crétacés à [[éocène]]s, voire des [[marbre]]s<ref name="Jeanbourquin1988"/> ou des fragments d'[[ophiolite]]s<ref name="Vearncombe1982"/> ainsi que des granites ;
* Extraclastes/intraclastes de cargneule : l'érosion des cargneules à l'affleurement ainsi que le développement des systèmes karstiques peut entrainer le remaniement de fragments de cargneules dans des cargneules situées topographiquement plus bas (extraclastes) ou au sein mêmes des cargneules (intraclastes) selon leur nature. Leur incorporation démontre par ailleurs un stade très avancé de formation des cargneules polymictes.

==== Cargneule dolomitique ====
Les cargneules dolomitiques présentent une composition relativement importante en claste dolomitique. Ces derniers sont régulièrement recoupés par de petites veines dolomitiques blanches préfigurant la poursuite du processus de cargneulisation. La couleur de la roche oscille entre le gris-beige et le gris-brun, et est rarement orangé. La composition des clastes est monomicte ou polymicte. Les cargneules monomictes sont le type le plus fréquent observé dans les Alpes du Nord<ref name="Jeanbourquin1988"/>, tandis que les cargneules polymictes sont régulièrement observées associées aux cargneules monomictes dont le passage semble graduel et diffus.

==== Cargneule calcitique ====
Les cargneules calcitiques présentent une texture fine ce qui leur donne un aspect plus fragile. Elle présentent des clastes généralement calcitiques tandis que les clastes dolomitiques sont subordonnés. La composition est généralement polymicte voire diamicte. Leur couleur est généralement comprise entre le beige-jaune et le jaune-ocre très prononcé.

=== Stratigraphie ===
Les niveaux de cargneule sont associés aux plans de chevauchement situés dans le [[Trias moyen]] à [[trias supérieur|supérieur]]<ref>{{article|langue=en|prénom=John G.|nom=Ramsay|titre=Stratigraphy, structure and metamorphism in the western Alps|périodique=Proceedings of the Geologists' Association|année=1963|volume=74|numéro=3|pages=357-391|doi=10.1016/S0016-7878(63)80028-0|accès doi=payant}}.</ref>. Le cisaillement des couches [[Évaporite|évaporitiques]] entraine une importante déformation des niveaux dolomitiques adjacents sous la forme de [[brèche de faille|brèches de faille]] et de [[cataclasite]]s qui deviennent prédisposés à être soumis à des processus de cargneulisation<ref name="Amieux1989"/>. Les niveaux de cargneules ne correspondent pas à des bancs stratigraphiques mais peuvent parfois être stratiformes. Cependant, les cas documentant des niveaux de cargneules conformes à la stratigraphie pourraient correspondre à des erreurs d'interprétation omettant la présence de contacts tectoniques complexes<ref name="Amieux1989"/>. Plus généralement, les niveaux de cargneule ont tendance à recouper la stratigraphie et certaines unités peuvent comporter plusieurs couches<ref name="Baud1972"/>. Des niveaux de cargneules sont aussi recensés dans les téguments triasiques de nappe de socle<ref>{{article|langue=fr|prénom=Mario|nom=Sartori|titre=Structure de la zone du Combin entre les Diablons et Zermatt (Valais)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1987|volume=80|numéro=3|page=789-814|doi=10.5169/seals-166026|accès doi=libre}}.</ref>. Ils pourraient provienir des contraintes de cisaillements qui entraineraient la diffusion de fluides calcitiques par la transformation des calcaires en [[mylonite]]<ref>{{article|langue=en|prénom=Christopher J.L.|nom=Wilson|titre=Deformation in the Theodul-Rothorn Zone (Zermatt, Switzerland.)|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1971|volume=71|numéro=3|pages=517-549|doi=10.5169/seals-164744|accès doi=libre}}.</ref>.

La position des niveaux de cargneules semble aussi être corrélée avec la présence de zones d'écoulement préférentiels (drain) par lequel circulent les fluides à l'origine de la formation des cargneules. Leur localisation est généralement située vers la zone de contact entre argilites et carbonates car le contact entre ces deux lithologies présentent d'importants contrastes de perméabilité, compaction et cisaillement. Les drains peuvent aussi correspondre à des joints de stratification ou à des accidents tectoniques comme des contacts entre écailles tectoniques.

Le contact des cargneules avec l'encaissant est variable. Il peut être brutal mais il apparait aussi très incertain en raison d'affleurement discontinu et des phases de dissolution. Il est aussi possible d'observer une gradation de déformation depuis des bancs de dolomie non déformés en passant par des faciès intermédiaires (brèche de faille, cataclasite) jusqu'aux cargneules.

=== Confusions possibles ===
La cargneule peut être confondu d'autres lithologies et dépôts sédimentaires : 
* [[travertin|tuf calcaire/travertin]] : dans les Alpes françaises, ces roches étaient dénommer tuvia, touvia, touvière, tuffia ou tuf, termes hérités du patois ''tova''<ref>{{lien web|langue=fr|titre=La cargneule|url=https://patrimoinedauphine.wordpress.com/tag/cargneule/|site=Patrimoine du Dauphiné|date=22 décembre 2008}}.</ref>. La confusion avec les cargneules semble résulter de l'aspect caverneux et de la présence récurrente de tufs à proximité des cargneules car les eaux souterraines ayant circulé dans des niveaux de cargneules sont riches en [[carbonate]]s et [[sulfate]]s, favorable à la formation de tufs{{Note|groupe=note|texte=Dans le glossaire du Doyen Bridel<ref name="Bridel1866"/>, ''corniaula'' est défini comme un {{citation|un tuf de l'espèce la plus dure}} ce qui démontre que la confusion entre cargneule et tuf était très répandu par le passé.}}. Elles sont aussi dénommées « brelan » dans le patois du [[Dauphiné]].
* dépôt de pente bréchique en milieu dolomitique<ref name="Jeanbourquin1988"/> : la texture bréchique est commune avec la cargneule mais leur mode de dépôt et leur temporalité diffèrent.
* brèche quatternaire<ref>{{article|langue=fr|prénom=Jean-Luc|nom=Epard|titre=Le contact entre le socle du Mont-Blanc et la zone de Chamonix : implications tectoniques|périodique=Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles|année=1986|volume=78|numéro=370|pages=225‑245|doi=10.5169/SEALS-278912|accès doi=libre}}.</ref> : certains auteurs ont confondu des dépôts de brèches à éléments dolomitiques légèrement émoussés et faiblement cimenté avec des cargneules. Ces dépôts sont récents et présentent une stratification parallèle à la topographie. Bien que faiblement cimentés, ces dépôts sont très resistants à l'érosion.

== Occurrence ==
[[Fichier:Le monolithe de Sardières.JPG|vignette|upright|[[Monolithe de Sardières|Monolithe cargneulique de Sardières]] en [[Savoie (département)|Savoie]].]]

Ces roches sont fréquentes dans le [[Trias]] alpin, par exemple dans le Trias de [[Matheysine]]<ref>{{Lien web |url=http://geologie_patrimoine_matheysine.perso.sfr.fr/geologie/trias.html |titre=Le Trias |site=geologie_patrimoine_matheysine.perso.sfr.fr}}.</ref> à la Pierre Percée, au col de la Balme, à la [[Croix de Chamrousse]] dans la [[chaîne de Belledonne]], à La Muzelle en [[Oisans]], à La Motte d'Aveillans ou à Oris-en-Ratier toujours dans le [[Dauphiné]], en [[Haute Maurienne]]<ref>[http://arthurbazin.free.fr/documents/arthurbazin-geologie-stage.pdf Sortie de terrain] depuis [[Termignon]] et Le Villard</ref> au [[Massif du Mont-Cenis|mont-Cenis]], au sommet de l'[[aiguille Percée]], dans le [[Briançonnais]]{{Note|groupe=note|texte=Les écailles du Briançonnais désignent le plus souvent trois formations rocheuses : du gypse et [[anhydrite]], des dolomies cargneulisées et des cargneules, des [[schiste]]s ou [[calcschiste]]s lustrés.}}, au [[col du Galibier]] ou à la Casse déserte sous le [[col de l'Izoard]]<ref>{{Lien web|url=http://lithotheque.ac-aix-marseille.fr/Affleurements_PACA/05_izoard/05_izoard_gypses.htm|titre=Gypses et cargneules|site=lithotheque.ac-aix-marseille.fr|brisé le = 2023-10-28}}.</ref>, dans le [[Queyras]]<ref>{{Lien web|url=http://www.queyras-locations.fr/Geologie.asp|titre=Le Queyras, joyau des Hautes-Alpes et la géologie|site=queyras-locations.fr}}.</ref>, notamment aux alentours de [[Ceillac]]<ref>{{Lien web|titre=Les cargneules de Ceillac|url=http://www.lacsdemontagne.fr/pages%20web/05/Queyras/Ceillac/CargneulesCeillac.htm|site=lacsdemontagne.fr}}.</ref>, en [[vallée de la Roya]] et au voisinage du [[Mont Bego]], dans le [[pays de Vaud]] et en [[Valais]] en Suisse..., mais aussi dans le [[Jurassique inférieur|Lias]] près de [[Montpellier-le-Vieux]] ou Nîmes-le-Vieux sur le rebord des [[causse]]s, à Cornesson, dans les vallées proches du [[Ségala]] [[Aveyron (département)|aveyronnais]], dans le [[Crétacé supérieur]] du département de la [[Dordogne (département)|Dordogne]], dans l'[[oligocène]] de la vallée d'[[La Mure-Argens|Argens]]... et en général sur le pourtour de la [[mer Méditerranée]] occidentale.

Le monolithe de Sardière, site d'escalade dans le [[parc national de la Vanoise]], près de [[Modane]] en Savoie, a sa base située à 1600 mètres d'altitude, et s'élèverait à 93 mètres de haut.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=note}}

=== Références ===
{{Références}} 

== Bibliographie ==
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Alain Foucault|auteur2=Jean-François Raoult|auteur3=Fabrizio Cecca|auteur4=Bernard Platevoet|titre=Dictionnaire de Géologie|éditeur=[[Éditions Dunod]]|année=2014|numéro d'édition=8|pages totales=416|isbn=|titre chapitre=Cargneule / Évaporites}}
* {{Article|langue=fr|auteur1=Claude Grandjacquet|auteur2=Daniel Haccard|titre=Analyse des sédiments polygéniques néogènes à faciès de cargneules associés à des gypses dans les Alpes du Sud|sous-titre=extension de ces faciès au pourtour de la Méditerranée occidentale|périodique=Bulletin de la Société Géologique de France|mois=juin|année=1975|série=7|volume=XVII|pages=242-259}} 

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Évaporite]] 
* [[Calcaire]], [[dolomie]]
* [[Gypse (roche)]]
* [[Molasse]]
* [[Poudingue]]
* [[Roche sédimentaire]] 

=== Liens externes ===
* [http://www.geol-alp.com/0_geol_gene/glossaire_roches_sed.html Une roche sédimentaire spécifique des Alpes]
* [https://patrimoinedauphine.wordpress.com/tag/cargneule/ article sur les cargneules, parfois aussi dénommés tufs, touvillons...ou pitons]
* [http://geobalades.free.fr/Fiches-tech/cargneule.htm Fiche technique sur la chimie de la roche]
* [http://geologie-alpine.ujf-grenoble.fr/articles/GA_1894-1895__3_2_321_0.pdf Sur les gypses et cargneules des environs de Serres et de Nyons]
* [http://bsgf.geoscienceworld.org/content/S7-XVII/2/242.extract Cargneules et gypse dans les Alpes du Sud, mais aussi sur le pourtour de la mer Méditerranée occidentale]
* [http://www.razel-bec.com/documents/mpd_19/plaquette_frejus.pdf Tunnel de sécurité du Fréjus]

{{Portail|géologie|minéraux et roches}}

[[Catégorie:Roche détritique]]
[[Catégorie:Roche sédimentaire]]