Voir la source de Cent (musique)

Le '''cent''' est une unité d'expression logarithmique des [[intervalle (musique)|intervalles]] [[musique|musicaux]], basée sur une [[échelle logarithmique]] par rapport à la [[fréquence fondamentale]] d'un [[son musical]] (voir aussi [[Logarithmes musicaux]]).

Dans la théorie des [[Gammes et tempéraments dans la musique occidentale|gammes et tempéraments]], cette unité permet de calculer avec précision les intervalles propres à un système et de quantifier les différences entre eux. En [[ethnomusicologie]], elle permet de relier les mesures effectuées sur des enregistrements au système de notation de la musique occidentale.

Le '''cent''', qu'a préconisé [[Alexander John Ellis]] en 1880 en reprenant les travaux de [[Gaspard de Prony]], est la centième partie du [[Gamme tempérée|demi-ton tempéré]].

== Généralités ==
Depuis l'Antiquité et [[Pythagore]], on a remarqué que les intervalles, dans le domaine musical, correspondent à des multiplications ou divisions, dans le domaine physique. Une octave ''en dessous'' ou ''au-dessus'' est une multiplication ou une division par deux de la longueur d'une corde vibrante ou d'un tuyau ; une quinte, une multiplication ou une division par un et demi, et de même pour les autres intervalles{{sfn|Abromont|Montalembert|2001|p=334}}. La fréquence de la vibration sonore est inversement proportionnelle à cette grandeur. À chaque ''montée'' d'une octave sur le piano par exemple la fréquence double et suit alors une progression géométrique ou exponentielle. La fonction inverse pour revenir aux touches du clavier est un logarithme<ref>{{Lien web |titre=Visualisation du logarithme sur un piano à queue |url=https://artofmaths.eu/wp-content/uploads/2020/06/TOOL_27_FR.pdf}}</ref> qui transforme un produit (×2) en somme (+1).

L'intérêt de l'expression logarithmique des intervalles est qu'elle correspond à la perception musicale. Les musiciens ont tendance à penser qu'une tierce majeure ''plus'' une tierce mineure forment une quinte alors que, pour les grandeurs physiques, c'est le rapport de fréquence de la tierce majeure ''multiplié'' par le rapport de fréquence de la tierce mineure qui donne le rapport de fréquence de la quinte. Si les représentations logarithmiques des intervalles semblent à première vue compliquées, elles sont en réalité plus intuitives<ref>Ernest Ansermet, [[Les_Fondements_de_la_musique_dans_la_conscience_humaine#Premi%C3%A8re_partie | Les Fondements de la musique dans la conscience humaine]].</ref>.

== Le cent ==
{{énoncé|def cent|Un cent se définit comme le centième du demi-ton tempéré<ref>{{harvsp|Asselin|2000|p=183}}.</ref>.}}

Le demi-ton au [[Gamme tempérée|tempérament égal]] vaut {{nobr|100 cents}}. La [[Gamme tempérée|gamme chromatique tempérée]] étant composée de {{nobr|12 demi-tons}} identiques, l'[[Octave (musique)|octave]] vaut {{nobr|1200 cents}}. Le rapport de fréquence pour une octave étant de 2, on utilise le [[logarithme binaire]] ou logarithme de base 2. Cette fonction est très pratique car on a : log<sub>2&nbsp;</sub>2<sub>&nbsp;</sub>=<sub>&nbsp;</sub>1 et log<sub>2&nbsp;</sub>(2<sup>1/12</sup>)<sub>&nbsp;</sub>=<sub>&nbsp;</sub>1/12. Or la racine douzième de 2 soit 2<sup>1/12</sup> est justement le rapport de fréquence pour le demi-ton tempéré<ref>{{Lien web |titre=Logarithmes musicaux |url=http://nicolas.meeus.free.fr/Organo/Oannexe2.pdf}}</ref>. Ainsi la valeur en cents de l'intervalle entre deux sons de [[fréquence fondamentale|fréquences fondamentales]] <math>f_1</math> et <math>f_2</math> est :

<center><math>i = 1200\times\log_2 \left( \frac{f_2}{f_1} \right)</math></center>

Grâce à la formule générale du [[Logarithme|changement de base]], on peut écrire avec le [[logarithme décimal]] log ou le [[logarithme népérien]] ln : 

<math display="block">i = 1200 \times {\log \left( {f_2 \over f_1} \right) \over \log 2} = 1200 \times {\ln \left( {f_2 \over f_1} \right) \over \ln 2} </math> 

Un intervalle exprimé en cents se convertit en rapport de fréquences par :

<center><math>{f_2 \over f_1} = 2^{i \over 1200}</math></center>

== Histoire ==
L'intérêt pour l'utilisation musicale des [[logarithme]]s est presque aussi ancien que les logarithmes eux-mêmes, inventés par [[John Napier]] en 1614<ref>Ernest William Hobson (1914), ''John Napier and the invention of logarithms, 1614'', Cambridge, The University Press.</ref>. Dès 1647, Juan Caramuel y Lobkowitz (1606-1682) décrit dans une lettre à Athanasius Kircher l'usage des logarithmes à base 2 en musique<ref>Ramon Ceñal, « Juan Caramuel, su epistolario con Athanasio Kircher, S.J. », ''Revista de Filosofia'' XII/44, Madrid 1954, {{p.}}134 sq.</ref>. Dans cette base, l'octave vaut 1, le demi-ton 1/12{{etc.}}

[[Joseph Sauveur]] a proposé dans ses ''Principes d'acoustique et de musique'' de 1701 l'utilisation des logarithmes à base dix, probablement parce que les [[Table de logarithmes|tables]] en étaient disponibles ; il a utilisé des logarithmes calculés avec trois décimales. Le logarithme décimal de 2 vaut approximativement 0,301, que Sauveur propose de multiplier par 1000 pour obtenir des unités valant 1/301 d'octave. Comme 301 est le produit de deux [[nombre premier|nombres premiers]], 43 et 7, il suggère de prendre des unités d'un quarante-troisième d'octave, qu'il appelle « mérides », divisées en {{nobr|7 parties}}, les « heptamérides ». Sauveur a envisagé la possibilité de diviser chaque heptaméride en 10 « décamérides », mais il ne fait pas lui-même réellement usage de cette unité microscopique<ref>{{Ouvrage |auteur=[[Joseph Sauveur]] |titre=Principes d'acoustique et de musique ou Système général des intervalles des sons |éditeur=Minkoff |lieu=Genève |année=1973 |pages totales=68-[2] |isbn=}} ; voir en ligne ''Mémoires de l'Académie royale des sciences'', 1700, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3502d/f140 Acoustique] ; 1701 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3503q/f128 Acoustique].</ref>.

Au début du {{s-|XIX}} [[Gaspard de Prony]] propose d'exprimer de façon décimale les intervalles en utilisant une graduation {{citation|analogue à la nature des quantités soumises au calcul}}, une [[échelle logarithmique]] à base <math>\sqrt[12]{2}</math>, dans laquelle l'unité correspond à un demi-ton au tempérament égal<ref>{{Ouvrage |auteur=[[Gaspard de Prony]] |titre=Instruction élémentaire sur les moyens de calculer les intervalles musicaux |sous-titre=en prenant pour unités ou termes de comparaison, soit l'octave, soit le douzième d'octave, et en se servant de tables qui rendent ce calcul extrêmement prompt et facile : formules analytiques, pour calculer le logarithme acoustique d'un nombre donné et réciproquement, progressions harmoniques |lieu=Paris |année=1832 |isbn= |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1083022}} indique que {{citation|la méthode et les procédés de calcul formant l'objet de la présente instruction ont déjà été indiqués dans ma ''Mécanique analytique'' (1815)}}.</ref>. 

[[Alexander John Ellis]] décrit en 1880 un nombre élevé de diapasons anciens qu'il avait relevés ou calculés. Notant que le baron de Prony avait proposé {{citation|le système qui mesure les intervalles en demi-tons égaux et fractions{{note|groupe=alpha|Ellis {{citation|n'a pas eu la possibilité de voir son travail sur les logarithmes acoustiques}}<ref>{{harvsp|Ellis|1880|p=34}}.</ref>.}}}}, il indique l'intervalle en demi-tons avec deux décimales, c'est-à-dire avec une précision au centième de demi-ton, qui les sépare d'un diapason grave théorique, ''la''{{3}} = {{unité|370 Hz}}, pris comme référence<ref>{{article |langue=en |auteur=[[Alexander John Ellis]] |titre=On the History of Musical Pitch |périodique=Journal of the Society of Arts |année=1880}}, republié dans ''Studies in the History of Musical Pitch'', Frits Knuf, Amsterdam, 1968, {{p.}}11-62.</ref>. Ellis publie en 1885 {{citation étrangère|langue=en|On the Musical Scales of Various Nations}} (''Des échelles musicales de différentes nations ''), dans lequel il compare les intervalles, exprimés en centièmes de demi-ton, d'échelles musicales décrites par diverses théories musicales non européennes<ref>{{article |langue=en |auteur=[[Alexander John Ellis]] |titre=On the musical scales of various nations |périodique=Journal of the Society of Arts |numéro=33 |année=1885 |lire en ligne=https://sites.google.com/site/stuartsfa/MSVN00.html?attredirects=0 |passage=485-527}}.</ref>. La musicologie comparée, qui s'intitule [[ethnomusicologie]] depuis le milieu du {{s-|XX}}, utilise largement cette unité à laquelle Ellis a donné le nom de ''cent''.

D'autres subdivisions basées sur le logarithme décimal avaient été proposées auparavant, notamment la division de l'octave en {{nobr|30 103 parties}} (soit {{nobr|100 000 fois}} le logarithme décimal de 2, dix fois le décaméride de Sauveur), appelée ''atom'' par le mathématicien anglais [[Auguste De Morgan]] (1806 - 1871) et ''jot'' par John Curwen (1816 - 1880) sur une suggestion de [[Hermann von Helmholtz]]. Des valeurs aussi petites par rapport au [[seuil de discrimination]] humain des fréquences acoustiques n'ont cependant aucun intérêt musical{{note|groupe=alpha|On trouvera une liste de valeurs de très petits intervalles logarithmiques sur le site Internet de la [http://www.huygens-fokker.org/docs/measures.html Fondation Huygens-Fokker], qui se consacre à l'étude des [[micro-intervalles]] et de leur usage.}}. Le [[Savart (musique)|savart]], intervalle correspondant à un rapport de fréquences tel que <math>1000\times log_{10}(\frac{f'}{f})=1</math>, c'est-à-dire tel que <math>\frac{f'}{f}=10^\tfrac{1}{1000}\approx1,0023</math>, est proche de l'écart de hauteur qu'on peut tout juste distinguer entre deux sons musicaux<ref>{{ouvrage|prénom1=Robert |nom1=Francès |titre=La perception de la musique |lieu=Paris |éditeur=Vrin |année=1984 |année première édition=1958|passage=57}}.</ref>.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=alpha}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets|wiktionary = cent}}

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage | prénom1=Pierre-Yves | nom1=Asselin | titre=Musique et tempérament | éditeur=[[Éditions Jobert]] | année=2000 | pages totales=236 | isbn=2-905335-00-9}}.
* {{article |langue=en |titre=Logarithmic Frequency Systems |prénom=A. G. |nom=Pikler |périodique=Journal of the Acoustical Society of America |volume=39 |numéro=1102 |année=1966 |présentation en ligne=https://dx.doi.org/10.1121/1.1909997}}.
* {{Guide de la théorie de la musique}}.

=== Articles connexes ===
* [[Midicent]]
* [[Savart (musique)|Savart]]

=== Liens externes ===
* [http://nicolas.meeus.free.fr/NMCents.html Fonction de conversion en ligne] des rapports de fréquence en cents (et inversement) pour tableurs Excel.

{{palette|Échelles musicales|Intervalle musical}}
{{portail|musique}}

[[Catégorie:Justesse]]
[[Catégorie:Unité de son]]
[[Catégorie:Échelle logarithmique]]