Voir la source de Cissoïde de Dioclès

[[Fichier:Cissoide2.svg |vignette|Cissoïde de Dioclès avec son cercle et sa droite génératrice]]
La '''cissoïde de Dioclès''' est une [[courbe cubique]] construite par [[Dioclès (mathématicien)|Dioclès]] au {{-s|II|e}}, dans le but de résoudre graphiquement le problème de la [[duplication du cube]]. Elle fut étudiée plus complètement au {{s|XVII|e}} par [[Pierre de Fermat|Fermat]], [[Christian Huygens|Huygens]] et [[René-François de Sluse|Sluse]].

Le terme cissoïde vient du grec (''kissos'' veut dire lierre) et signifie « en forme de lierre ». Il est emprunté à [[Proclus]], qui en parle comme d'une courbe présentant des [[point de rebroussement|points de rebroussement]]<ref>
{{ouvrage |auteur1=[[Paul Tannery]] |auteur2= [[Charles Henry]] |titre=Œuvres de Fermat |éditeur= Gauthiers-Villars |année=1891 |titre tome=Livre I |passage=159, note 3 |wikisource=Page:Œuvres de Fermat, Tannery, tome 1, 1891.djvu/208}}.</ref>.

== Fiche signalétique ==
La cissoïde de Dioclès fait partie de la famille des [[cissoïde]]s. Elle est appelée aussi cissoïde droite car elle est engendrée par un cercle C et une droite (d) tangente au cercle en A. Si O est le point diamétralement opposé à A sur le cercle, la cissoïde est l'ensemble des points M tels que
:<math> \overrightarrow{OM} = \overrightarrow{M_1M_2}</math> où M<sub>1</sub> et M<sub>2</sub> sont deux points alignés avec O situés respectivement sur (C) et (d).

Cette courbe possède l'axe (OA) comme axe de symétrie et la droite (d) comme [[asymptote]].

Il en existe plusieurs équations<ref>Les formules sont vérifiables par exemple sur {{Lien web|auteur=R. Ferréol|url=http://www.mathcurve.com/courbes2d/cissoiddroite/cissoiddroite.shtml|titre=Cissoïde de Dioclès ou Cissoïde droite|site=mathcurve.com}}, avec un paramétrage différent pour a.</ref>. On appelle ''a'' le rayon du cercle (C), et on se place dans un [[Base orthonormée|repère orthonormal]] direct <math>(O,\vec i, \vec j)</math>, dans lequel ''A'' a pour coordonnées (2''a'', 0).
* Son [[équation polaire]] est
: <math>r(\theta) =2a\dfrac{\sin^2(\theta)}{\cos(\theta)}</math>
:où θ parcourt l'intervalle ]–π/2, π/2[.
* Son [[équation cartésienne]] est
: <math>y^2=\dfrac{x^3}{2a-x}</math>.
* Son équation paramétrée par ''t'' = tan(θ) est
:<math>x=2a\dfrac{t^2}{1+t^2}</math>
:<math>y=tx\,</math>.

L'aire comprise entre la courbe et son asymptote est égale à 3π''a''{{2}}.

== Histoire ==
[[Fichier:Cissoide de Diocles (histo).svg |vignette|Cissoïde Version Dioclès]]
Dans un ouvrage aujourd'hui disparu, ''Sur les miroirs ardents'', Dioclès construit cette courbe point par point pour obtenir un outil permettant de dupliquer le cube. On dit que la cissoïde de Dioclès est un [[mésolabe]]. Dioclès ne construit qu'une demi-portion de la cissoïde située dans le cercle et s'en sert pour construire un cube dont le volume doit être dans un rapport ''k'' avec celui d'un cube donné<ref name="Knorr">{{ouvrage |langue=en |auteur=Wilbur Richard Knorr |titre=Textual Studies in Ancient and Medieval Geometry |passage=81-87}}.</ref>. Il ne se sert pas de la tangente pour sa construction. Il construit deux diamètres perpendiculaires [OA] et [BB']. Pour tout point P de l'arc BA, il construit le symétrique P' de P par rapport à la droite (BB'). Le point d'intersection M entre la droite (OP) et la perpendiculaire à (OA) passant par P' est un point de la cissoïde. Si H est le [[Projection orthogonale|projeté orthogonal]] de P' sur (OA), K le point d'intersection des droites (OP) et (BB') et I le centre du cercle, Dioclès démontre, en utilisant le [[théorème de Thalès]] et des propriétés sur les [[triangles semblables]] que
:<math>\frac{IK}{IO}=\frac{MH}{OH}=\frac{OH}{HP'}=\frac{HP'}{HA}</math>.
Par produit, il en déduit que
:<math>\left(\frac{IK}{IO}\right)^3 = \frac{MH}{HA}</math>.
Enfin, si N est le point d'intersection de (AM) et (BB'),
:<math>\left(\frac{IK}{IO}\right)^3 = \dfrac{IN}{IA}</math>.

Pour connaître le côté d'un cube dont le volume serait ''k'' fois le volume du carré de côté ''a'' (''k'' < 1), il suffit alors de construire une cissoïde à partir du cercle de rayon ''a'', de construire sur (BB') le point N tel que IN = ''k''×IA. La droite (AN) rencontre la cissoïde en M et la droite (OM) rencontre alors (BB') en K, vérifiant
:<math>\dfrac{IK^3}{IO^3}=k</math>.

En prenant par exemple ''k'' = 1/2, on construit deux cubes dont les volumes sont dans un rapport 2. Dioclès fait ensuite remarquer que, par le jeu des proportionnalités, la construction peut s'effectuer grâce à la cissoïde associée au cercle de rayon 1.

Dioclès montre ensuite que cette même figure permet de résoudre le problème de la double moyenne proportionnelle : ''a'' et ''b'' étant donnés, comment trouver ''x'' et ''y'' tels que
: <math>\frac ax=\frac xy = \frac yb.</math>

Sa méthode a probablement inspiré [[Sporos de Nicée]] et est reprise par [[Eutocius d'Ascalon]] quand celui-ci fait l'inventaire des [[mésolabe]]s<ref name="Knorr"/>.

Selon [[Jean Itard (historien)|Jean Itard]]<ref>{{article |auteur=Jean Itard |périodique=Revue d'histoire des sciences et de leurs applications |tome=9 |numéro=3-4 |année=1956 |lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0048-7996_1956_num_9_4_4370_t1_0366_0000_5 |pages=366-371 |titre= E. J. Dijksterhuis, Archimedes [compte-rendu] }}.</ref>, à cette époque, le nom de « cissoïde de Dioclès » n'est pas utilisé et le terme semble apparaître pour la première fois dans des textes du {{s-|XVI}}.

{{ancre|Récipient de Sluse}}[[Fichier:Cissoide de Sluse.PNG|vignette|Le ''récipient'' de Sluse (portion), de volume fini et de contenance infinie. Du fait de l'épaisseur de plus en plus mince des parois vers le haut, même pour une hauteur infinie du récipient , la masse de verre nécessaire pour le fabriquer est finie.]]
Au {{s-|XVII}}, la cissoïde est étudiée par [[Pierre de Fermat]] dans ses ouvrages ''Doctrine sur les tangentes''<ref>Ce fascicule sans titre se présente comme un complément sur la méthode des maxima et minima. Voir {{wikisource |lien= Œuvres de Fermat/I/Maxima et Minima | titre= Œuvres de Fermat, Livre I : Maxima et Minima}}.</ref> et ''De cissoide fragmentum'' (1662) où il en détermine les tangentes et une quadrature. C'est à cette époque (1658) que la cissoïde se prolonge hors du cercle, se complète par symétrie et que son asymptote apparaît<ref>{{ouvrage |langue=en |auteur=[[Hans Niels Jahnke]] |titre=A History of Analysis |passage=58 |année=2003 |oclc=909323184}}.</ref>. Elle fait l'objet d'un échange de lettres entre [[René-François de Sluse|Sluse]], [[Christian Huygens|Huygens]] et [[John Wallis|Wallis]]<ref>Lettres de Sluse écrites a Huygens le 4 et le {{date-|14 mars 1658}} ([[#Bibliographie|''Œuvres complètes de Huygens, t. II'']], [p. 144 et 151] ; Huygens [p. 164, 170 et 178]).</ref>. Utilisant la [[méthode des indivisibles]], Sluse calcule le volume du solide engendré par la rotation de la demi-cissoïde autour de son asymptote et prouve qu'il est égal à la moitié de celui du solide engendré par la rotation du cercle directeur autour de sa tangente en O<ref name=Jahnke63>{{en}} Hans Niels Jahnke, ''A History of Analysis'', p. 63.</ref>. Il trouve ainsi un volume de π{{2}}a{{3}}. Utilisant la même méthode des indivisibles, Huyghens calcule l'aire comprise entre la cissoïde, le diamètre du cercle et son asymptote et prouve qu'elle est égale à trois fois l'aire du demi-cercle directeur<ref name=Jahnke63/>, soit 3πa{{2}}/2. Peu confiant en cette méthode, il demande à Wallis de confirmer son calcul par sa méthode ''Arithmetica infinotorum'', ce que celui-ci fait en 1659<ref>{{en}} Hans Niels Jahnke, ''A History of Analysis'', p. 66.</ref>.

Grâce au [[théorème de Guldin]], en complétant la courbe par symétrie, Huygens trouve la position du [[centre de gravité]] G de la surface comprise entre la courbe et son asymptote (AG = 1/3 ''a''). Toujours en utilisant le théorème de Guldin, Sluse en déduit le volume du solide obtenu par rotation de la surface comprise entre l'asymptote, le diamètre (OA) et la cissoïde, autour de la tangente au cercle en O (V = 5π{{2}}''a''{{3}}). Sluse se réjouit d'avoir ainsi trouvé un solide aussi bizarre que la [[trompette de Gabriel]] : un solide de volume fini (ou de masse finie) pouvant contenir un volume infini de liquide<ref group=note>En effet, même si la hauteur totale de ce "verre" est infinie, la masse de verre nécessaire pour le fabriquer reste finie, mais il peut alors contenir un volume d'eau infini. Naturellemment c'est une vue d'esprit de mathématicien car à partir d'une certaine hauteur la paroi du verre a une épaisseur inférieure à la taille d'une molécule, et la réalisation devient impossible en pratique, sans parler des problèmes de la pression exercée par l'eau</ref>. Il parle alors dans une lettre à Huygens<ref>Lettre de Sluse à Huygens du {{date-|12 avril 1658}} (''Œuvres complètes de Huygens, t. II'', [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77850v/f172.image p. 168]).</ref> de {{Citation étrangère|lang=la|mensura vasculi, pondere non magni, quod interim helluo nullus ebibat}} (« mesure d'un récipient, dont le poids n'est pas grand mais que, cependant, le plus grand glouton ne pourrait vider<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Christian Huygens|Christiaan Huygens]] |titre=Œuvres complètes|tome=XIV|titre volume=Calculs de probabilités. Travaux de mathématiques pures (1655-1666)|édition=Martinus Nihoff - Société hollandaise des Sciences|année=1920}} 
 [https://archive.org/details/oeuvrescompltesd14huyg/page/199/mode/1up p. 199] et note 17 pp.198-199.</ref> »).

== Constructions ==
=== Construction mécanique ===
[[Fichier:Cissoide mecanique.svg|vignette|gauche|Dispositif mécanique d'Artobolevski.]]
La cissoïde est une [[courbe algébrique]] car son équation est polynomiale de degré 3. D'après [[Alfred Kempe|Kempe]]<ref> Alain Juhel, « Au-delà du compas : 3000 ans de dépassement ! », [http://culture.univ-lille1.fr/fileadmin/lna/lna42.pdf ''Les nouvelles d'Archimède'', {{n°|42}}], 2006, {{p.|24-26}}.</ref>, on peut donc lui associer un système traceur mécanique. [[Ivan Artobolevski]] en propose<ref>[[APMEP]], [http://pagesperso-orange.fr/apmep_reunion/JOURNEES/Grands%20Probl%E8mes/dominique.ppt Duplication du cube, trisection de l'angle, quadrature du cercle : rien d'impossible].</ref> une version.

Son principe s'appuie sur le fait que, dans la construction de la cissoïde, se trouvent des éléments de symétrie : si N est le milieu du segment [OM{{ind|2}}], la symétrie de centre N envoie M{{ind|1}} en M et A en A' tel que OAM{{ind|2}}A' soit un rectangle. Le mécanisme d'Artobolevski exploite le fait que le triangle AM{{ind|2}}M{{ind|1}} (et donc le triangle A'MO) est rectangle en M{{ind|1}} (resp. rectangle en M).

=== Inversion ===
La cissoïde est l'image de la parabole d'équation x = y{{2}} par l'[[inversion (géométrie)|inversion]] de pôle O et de rapport 2''a''.

=== Podaire ===
La cissoïde est la [[podaire]] d'une parabole par rapport à son sommet.
{{Clr}}
=== Roulette ===
[[Fichier:RouletteAnim2.gif |vignette|Construction de la cissoïde par roulement d'une parabole sur une autre.]]La cissoïde est une [[roulette (courbe)|roulette]] obtenue en faisant rouler une parabole sur une parabole qui lui est symétrique et en observant le lieu de son sommet.
{{Clr}}

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=note}}
=== Références ===
{{Références|taille=30}}

==Voir aussi==
{{Autres projets|commons=Category:Cissoid|commons titre=Cissoïde}}
===Article connexe===
[[Mathématiques en Europe au XVIIe siècle|Mathématiques en Europe au {{s-|XVII}}]]
===Bibliographie===
* {{ouvrage|prénom1=Henri-Léon|nom1= Lebesgue|lien auteur=Henri-Léon Lebesgue|titre=Leçons sur les constructions géométriques|éditeur= Gauthier-Villars|lieu=Paris|année=1950|publi= 2003|pages=318 |chap= 1-La solution des problèmes fondamentaux : trisection de l'angle, duplication du cube}}
* {{ouvrage|prénom1=Robert|nom1= Baccou|titre=Histoire de la science grecque, de Thalès à Socrate|éditeur= Aubier|lieu=Paris|année=1951|pages=256}}
* Francisco Gomes Teixeira, ''Traité des courbes spéciales remarquables planes et gauches'', Imprimerie de l'Université, 1908
* C. Huygens, ''Œuvres complètes de Christiaan Huygens'', [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77850v# tome II : Correspondance 1657-1659], Société hollandaise des sciences, Martinus Nijhoff, La Haye, 1889

{{Palette|Courbes}}
{{Portail|géométrie}}

[[Catégorie:Courbe algébrique]]
[[Catégorie:Courbe]]
[[Catégorie:Duplication du cube]]