Voir la source de Claude Shannon

{{autre|les personnes ayant le même patronyme|Shannon}}
{{Infobox Biographie2
| légende = Claude Shannon vers 1963.
}}

'''Claude Elwood Shannon,''' né le {{date|30|avril|1916}} à [[Petoskey]]<ref>{{en}} [http://neilsloane.com/doc/shannonbio.html Biography of Claude Elwood Shannon], AT&T People and Organization</ref> ([[Michigan]]) et mort le {{date|24|février|2001}} à [[Medford (Massachusetts)|Medford]] ([[Massachusetts]]), est un [[ingénieur]] en [[génie électrique]] et [[mathématicien]] [[États-Unis|américain]]. Il est l'un des pères, si ce n'est le père fondateur, de la [[théorie de l'information]]. Il est en 1956 l'un des organisateurs de la [[conférence de Dartmouth]], considérée comme importante dans l'histoire de l'[[intelligence artificielle]].

== Biographie ==
=== Jeunesse et études ===
Il étudie le [[génie électrique]] et les [[mathématiques]] à l'[[université du Michigan]] dont il est diplômé en 1936<ref name="mactutor">{{MacTutor|id=Shannon|version=October 2003|consulté le=01/05/2023}}</ref>. Il utilise notamment l'[[algèbre de Boole (logique)|algèbre de Boole]] pour sa [[Maîtrise universitaire|maîtrise]] soutenue en [[1938]] au [[Massachusetts Institute of Technology]] (MIT). Il y explique comment construire des machines à [[Relais électromécanique|relais]] en utilisant l'algèbre de Boole pour décrire l'état des relais (1 : fermé, 0 : ouvert){{refsou}}. Il obtient un doctorat ([[PhD]]) en mathématiques au MIT en 1940<ref name="mactutor" />. 

En 1939, il épouse l’écrivaine [[Norma Barzman|Norma Levor]], le couple vit à [[Princeton (New Jersey)|Princeton]] ([[New Jersey]]) mais divorce en 1941<ref>{{Lien web |titre=Norma Barzman, Screenwriter Who Was Among the Last Survivors of the Hollywood Blacklist, Dies at 103 |url=https://www.hollywoodreporter.com/movies/movie-news/norma-barzman-dead-screenwriter-hollywood-blacklist-survivor-1235766083/ |site=The Hollywood Reporter |date=2023-12-19 |consulté le=2023-12-20}}</ref>.

=== Période laboratoires Bell et MIT ===
Shannon travaille vingt ans au [[Massachusetts Institute of Technology|MIT]], de [[1958]] à [[1978]]. Parallèlement à ses activités universitaires, il travaille aussi aux [[laboratoires Bell]] de [[1941]] à [[1972]]<ref name=mactutor/>. 

En 1949, il se marie avec Mary Elizabeth Moore, avec qui il aura trois enfants<ref name=mactutor/>.

=== Maladie et mort ===
Souffrant de la [[maladie d'Alzheimer]] dans les dernières années de sa vie, Claude Shannon est mort à {{nobr|84 ans}} le {{date-|24 février 2001}} à [[Medford (Massachusetts)|Medford]] dans le [[Massachusetts]]<ref name=mactutor/>.

=== Personnalité ===
[[Fichier:Minivac 601.jpg|vignette|gauche|Le Minivac 601, un ordinateur d'apprentissage conçu par Claude Shannon (1961).]]

Claude Shannon est connu non seulement pour ses travaux dans les [[télécommunications]], mais aussi pour l'étendue et l'originalité de ses [[Loisir|hobbies]], comme la [[jonglerie]], la pratique du [[monocycle]] et l'invention de [[machine]]s farfelues : une souris mécanique sachant trouver son chemin dans un labyrinthe, un robot jongleur, un joueur d'[[échecs]] (roi tour contre roi){{etc.}}

L'un de ces « gadgets » présente toutefois un grand intérêt conceptuel, comme le montrent [[Philippe Boulanger]] et [[Alain Cohen (psychiatre)|Alain Cohen]] dans ''Le Trésor des [[paradoxes]]'' ([[Éditions Belin]], 2007) : « Claude Shannon voulut élaborer une « [[machine inutile]] », sans finalité : on la met en marche en appuyant, comme sur tout dispositif [[électromécanique]], sur une touche « on » ; mais les choses prennent alors une tournure surprenante, car cette mise sous tension déclenche un mécanisme provoquant aussitôt l’arrêt du gadget en mettant l’interrupteur sur « off ».

== Travaux ==
Pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], Shannon travaille pour les [[Service secret|services secrets]] de l'[[Forces armées des États-Unis|armée américaine]], en [[cryptographie]], chargé de localiser de manière automatique dans le [[Code source|code]] ennemi les parties signifiantes cachées au milieu du [[Brouillage et déception radar|brouillage]]. Son travail est exposé dans un rapport secret (déclassifié dans les années 1980 seulement), qui donne naissance après-guerre à un article, ''[[A Mathematical Theory of Communication]]'' (1948), qui fut repris en [[1949]] sous forme de livre publié par l'[[université de l'Illinois]] avec les commentaires de [[Warren Weaver]], coordonnateur (Mattelart et Mattelart, 2004) dans les services secrets. Cet ouvrage est centré autour de la problématique de la [[Modulation du signal|transmission du signal]]. 

=== Schéma de Shannon ===
[[Fichier:Modèle de Shannon - Communication.png|vignette|Modèle de Shannon - Communication.]]
Pour décrire la communication entre machines, l'article de 1948 et le livre de 1949 commencent tous deux par un « schéma », appelé schéma de Shannon ou [[modèle de Shannon et Weaver]]. Le [[schéma]] modélise la communication entre machines :

Ce schéma est la traduction « civile » d'un schéma préalable, utilisé dans le contexte militaire :
: source → encodeur → signal → décodeur → destinataire, dans un contexte de brouillage.

Conçu pour décrire la communication entre machines, ce schéma ne prétend pas traiter exhaustivement de la communication humaine, mais son succès est suffisant pour lui mériter l'attention et des compliments de [[Léon Brillouin]]<ref>https://hal.science/hal-03178276v2/file/Th%C3%A9orie%20information.pdf</ref>, et il a participé largement à la création d'un champ disciplinaire : les [[sciences de l'information et de la communication]]. {{refnec|Shannon s'étonna de ce phénomène et s'en dissocia}}. Cette méthode est compatible avec une approche [[béhavioriste]] des médias. Par ailleurs, ce schéma dit canonique donne un cadre mathématique à des concepts avant lui plus flous. Ce cadre sera utilisé pour expliquer le [[codage de Huffman]], puis des compresseurs comme ceux de [[Lempel-Ziv]]. Il sera enfin utilisé par [[Benoît Mandelbrot]] pour expliquer et rectifier la [[Loi de Zipf]].

=== Shannon : l'unité de mesure    ===
Dans l'[[A Mathematical Theory of Communication|article]] comme dans son livre, Claude Shannon popularise l'utilisation du mot [[Bit (informatique)|bit]] comme mesure élémentaire de l'[[Numérique|information numérique]]. [[John Tukey]] fut néanmoins le premier à utiliser le terme<ref>{{en}} [http://www.linfo.org/bit.html Bit Definition], The Linux Information Project.</ref>. Plus précisément, le [[bit]] désigne un [[Système binaire|chiffre binaire]] permettant de coder une quantité d'information. Ainsi, il faut au moins un bit ({{refnec|ou 1 Shannon}}) pour coder deux états (par exemple {{Citation|pile}} et {{Citation|face}}, ou plus généralement 0 et 1) et deux bits permettent de coder quatre états (00, 01, 10, 11). Les 26 lettres de l'alphabet nécessitent au minimum 5 bits car :
<math>(2^4= 16) < 26 \le (2^5 = 32)</math>

Plus généralement, si <math>P</math> est le nombre d'états possibles, le nombre de bits minimum ''n'' nécessaire pour les coder tous vérifie :

<math>2^{(n-1)} < P \le 2^n</math> (autrement dit, ''n'' est le [[Partie entière et partie fractionnaire|plafond]] du [[logarithme binaire]] de ''P'' : <math>n = \lceil log_2 P \rceil</math>)

Dans un cas idéal où toute l'information disponible est utilisée, <math>P = 2^n</math>.

Si les signes ne sont pas équiprobables (ce qui est le cas des lettres dans un message en langue naturelle), on peut obtenir un codage statistiquement plus court, en représentant les lettres fréquentes par des signaux courts (comme dans le [[code Morse]]).

=== Relation de Shannon ===
Dans le domaine des télécommunications, la relation de Shannon permet de calculer la [[Valence (réseau)|valence]] (ou nombre maximal d'états) en milieu perturbé :

Soit S la puissance du signal, N la puissance du bruit :

<math> n = \sqrt{1 + \frac{S} {N} } </math>

On a alors le débit maximal d'un canal de communication de bande passante H :

<math>Debit max = \displaystyle H{\log}_2 ( 1+ \frac{S}{N} ) </math> 

Ce résultat est indépendant de la vitesse d'échantillonnage et du nombre de niveaux d'un échantillon (la valence).

=== Entropie au sens de Shannon ===
{{Article détaillé|Entropie de Shannon}}

Un apport essentiel des travaux de Shannon concerne la notion d'[[Entropie de Shannon|entropie]]. Si l'on considère N événements de probabilité ''p''<sub>1</sub>, ''p''<sub>2</sub>… ''p''<sub>N</sub>, indépendants les uns des autres, alors leur entropie de Shannon est définie comme :

<math>Entropie = - \sum_{i=1}^N p_i \log_2(p_i)</math>

Il a par ailleurs :
* établi un rapport entre augmentation d'entropie et perte d'information ;
* montré l'équivalence de cette notion avec l’[[Entropie (thermodynamique)|entropie]] de [[Ludwig Boltzmann]] en [[thermodynamique]].

La découverte du concept ouvrait ainsi la voie aux méthodes dites d'[[entropie maximale]] (voir [[probabilité]]), donc au [[Imagerie médicale|scanner]] médical, à la [[Reconnaissance de l'écriture manuscrite|reconnaissance automatique des caractères]] et à l'[[apprentissage automatique]].

=== Théorèmes ===
Son nom est associé à plusieurs théorèmes, le [[théorème d'échantillonnage de Nyquist-Shannon]] sur l'échantillonnage (aussi appelé ''critère de Shannon''), le [[premier théorème de Shannon]] sur la limite théorique de la [[compression de données|compression]], le [[deuxième théorème de Shannon]] sur la capacité d'un [[Canal de communication|canal de transmission]].

=== En dehors de la théorie de l'information ===
En 1981, Claude Shannon a commencé à écrire un article intitulé ''Scientific Aspects of Juggling'', sur l'art de la [[jonglerie]]. Cet article était prévu pour être publié dans ''[[Scientific American]]'', mais ce ne fut finalement pas le cas. Néanmoins, cette ébauche a servi de base à la formalisation des mouvements de jonglerie par le ''[[siteswap]]''<ref>{{en}} [http://www.jugglingdb.com/compendium/index.php?id=255 The Invention of Juggling Notations], The Internet Juggling Database, Arthur Lewbel, 14 octobre 2004</ref>.

Au [[échecs|jeu d'échecs]], il a estimé le nombre de parties différentes possibles ''ayant un sens échiquéen'' (nombre à distinguer du nombre, beaucoup plus élevé, de parties possibles que permettent les règles du jeu). Ce nombre est estimé à 10<sup>120</sup> et porte le nom de [[nombre de Shannon]].

== Hommages ==
Le [[prix Claude-Shannon]] est décerné par l'association pour la [[théorie de l'information]] de l'[[IEEE]] depuis 1972, pour honorer les contributions importantes à ce domaine<ref>{{lien web|url=http://www.itsoc.org/honors/claude-e-shannon-award|titre=Claude E. Shannon Award|site=IEEE Information Theory Society}}</ref>.

L'année 2016 marque le centenaire de sa naissance. La [[Société mathématique de France]] annonce une conférence de [[Josselin Garnier]] à la [[Bibliothèque nationale de France]] : ''Claude Shannon et l'avènement de l'ère numérique'' ({{date-|13 avril 2016}})<ref>{{Lien web|titre = Conférence BnF 2016 - J. Garnier {{!}} Société Mathématique de France|url = http://smf.emath.fr/content/conf%C3%A9rence-bnf-2016-j-garnier|site = smf.emath.fr|consulté le = 2016-02-26}}</ref> et l'[[Institut Henri-Poincaré]] organise avec le [[Conservatoire national des arts et métiers]] l'exposition temporaire : ''Claude Shannon : le magicien des codes''<ref>[http://www.ihp.fr/fr/grand-public/expositions-originales/Shannon Exposition : ''Claude Shannon : le magicien des codes''.]</ref>.

Dans son roman, ''[[La Théorie de l'information]]'' (2012), [[Aurélien Bellanger]] rend hommage au travail de Shannon. Claude Shannon est un personnage central du livre de [[James Gleick]] ''L'information : L'histoire - La théorie - Le déluge'' ([[Cassini (éditeur)|Cassini]], 2015, pour la traduction française).

== Notes et références ==
{{Références|taille=40}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
{{colonnes|taille=25|
* [[Théorème d'échantillonnage de Nyquist-Shannon]]
* [[Théorie de l'information]]
* [[A Mathematical Theory of Communication]]
* [[Communication]]
* [[Message (communication)]]
* [[Inférence bayésienne]]
* [[Cybernétique]]
* [[Norbert Wiener]]
* [[Nombre de Shannon]]
* [[Lothar Budach]]
}}

=== Bibliographie ===
* Mattelart A. et Mattelart M., ''Histoire des théories de la communication'', {{3e}} édition, Éditions La Découverte, Paris, 2004
* Claude E. Shannon, ''A Symbolic Analysis of Relay and Switching Circuits'', Thesis (M.S.), Massachusetts Institute of Technology, Dept. of Electrical Engineering, 1940 ([http://dspace.mit.edu/bitstream/handle/1721.1/11173/34541425.pdf?sequence=1 lire])
* Claude E. Shannon, ''A Mathematical Theory of Communication'', ''[[Bell System Technical Journal]]'', vol. 27, {{p.}}379-423 et 623-656, juillet et octobre 1948 {{ISBN|0252725484}} ([http://pespmc1.vub.ac.be/books/Shannon-TheoryComm.pdf lire] {{pdf}})
* Claude E. Shannon, ''Communication Theory of Secrecy Systems'', Bell System Technical Journal, Vol 28, {{p.}}656-715, octobre 1949. ([http://www.prism.net/user/dcowley/docs.html lire])
* Claude E. Shannon et Warren Weaver, ''The Mathematical Theory of Communication'', The University of Illinois Press, Urbana, Illinois, 1949. {{ISBN|0-252-72548-4}}. Trad. fr. Claude Shannon et Warren Weaver: ''La théorie mathématique de la communication'', Cassini, Paris, 2018. {{ISBN|978-2-84225-222-9}}

=== Liens externes ===
{{Autres projets|commons=Category:Claude Shannon}}
* [http://www1.ece.neu.edu/~naderi/Claude%20Shannon.html Creative Thinking], Claude Shannon aux Bell Lab. {{date-|20 mars 1952}}
{{Liens}}

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{{Portail|informatique|informatique théorique|télécommunications|États-Unis|XXe siècle}}

{{DEFAULTSORT:Shannon, Claude}}
[[Catégorie:Claude Shannon| ]]
[[Catégorie:Personnalité américaine de l'informatique]]
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[[Catégorie:Ingénieur électricien]]
[[Catégorie:Personnalité en informatique théorique]]
[[Catégorie:Personnalité en compression de données]]
[[Catégorie:Théorie de l'information]]
[[Catégorie:Lauréat de la IEEE Medal of Honor]]
[[Catégorie:Lauréat du prix Claude-Shannon]]
[[Catégorie:Scientifique des laboratoires Bell]]
[[Catégorie:Lauréat du prix de Kyoto]]
[[Catégorie:Récipiendaire de la National Medal of Science]]
[[Catégorie:Docteur honoris causa de l'université de Princeton]]
[[Catégorie:Lauréat du prix Harvey (Technion)]]
[[Catégorie:Membre de la National Inventors Hall of Fame]]
[[Catégorie:Éponyme d'un objet céleste]]
[[Catégorie:Naissance en avril 1916]]
[[Catégorie:Naissance dans le comté d'Emmet (Michigan)]]
[[Catégorie:Décès en février 2001]]
[[Catégorie:Mort de la maladie d'Alzheimer]]
[[Catégorie:Décès à 84 ans]]
[[Catégorie:Décès dans le comté de Middlesex (Massachusetts)]]
[[Catégorie:Personnalité inhumée au cimetière de Mount Auburn (Cambridge)]]