Voir la source de Contrainte principale

En [[science des matériaux]], et en particulier en [[mécanique des milieux continus]] et [[résistance des matériaux]], les '''contraintes principales''' (σ<sub>I</sub>, σ<sub>II</sub>, σ<sub>III</sub>) sont les contraintes exprimées dans une [[Base (algèbre linéaire)|base]] telle que le [[tenseur des contraintes]] est une [[matrice diagonale]]. Cette base est [[base orthonormée|orthonormée]] (voir ''[[Matrice symétrique#Décomposition spectrale|Matrice symétrique, § Décomposition spectrale]]'').

== Explication ==

L'état de contrainte d'un élément de matière peut se représenter par un tenseur, le tenseur des contraintes. Dans une base donnée de l'espace <math>(\vec{x}, \vec{y}, \vec{z})</math>, ce tenseur se représente par une [[Matrice (mathématiques)|matrice]] 3×3 :
: <math>\underline{\mathrm{T}} = \begin{pmatrix} 
\sigma_{11} & \sigma_{12} & \sigma_{13}\\
\sigma_{21} & \sigma_{22} & \sigma_{23}\\
\sigma_{31} & \sigma_{32} & \sigma_{33}\\
\end{pmatrix}
</math>.
Si le tenseur des contraintes décrit un état à l'équilibre, alors la matrice est [[Matrice symétrique|symétrique]] ; elle est par ailleurs à coefficients [[Nombre réel|réels]].

D'après le [[Théorème_spectral#Formalisation_alg.C3.A9brique|théorème spectral en dimension finie]], cette matrice est [[Matrice diagonalisable|diagonalisable]] ; il existe une [[base orthonormée]] <math>(\vec{x}_\mathrm{I}, \vec{x}_\mathrm{II}, \vec{x}_\mathrm{III})</math> pour laquelle cette matrice est une [[matrice diagonale]]<ref>{{harvsp|Fanchon|2001|p = 437}}</ref> :
: <math>\underline{\mathrm{T}} = \begin{pmatrix} 
\sigma_\mathrm{I} & 0 & 0 \\
0 & \sigma_\mathrm{II} & 0 \\
0 & 0 & \sigma_\mathrm{III} \\
\end{pmatrix}
</math>.
Les directions <math>(\vec{x}_\mathrm{I}, \vec{x}_\mathrm{II}, \vec{x}_\mathrm{III})</math> sont appelées '''directions principales'''.

Par convention, on prend σ<sub>I</sub> ≥ σ<sub>II</sub> ≥ σ<sub>III</sub>.

La contrainte σ<sub>I</sub> correspond à la contrainte de traction maximale. Si σ<sub>III</sub> &lt; 0, alors σ<sub>III</sub> correspond à la contrainte de compression maximale. La contrainte de cisaillement maximale, celle retenue pour le [[critère de Tresca]], correspond à
: <math>\tau_\max = \frac{1}{2}(\sigma_{\mathrm{I}} - \sigma_{\mathrm{III}})</math>.
Si l'on n'impose pas un ordre de contraintes décroissantes, alors
: <math>\tau_\max = \frac{1}{2} \max \left \{ | \sigma_{\mathrm{I}} - \sigma_{\mathrm{II}} | ; | \sigma_{\mathrm{II}} - \sigma_{\mathrm{III}} | ; | \sigma_{\mathrm{III}} - \sigma_{\mathrm{I}} |\right \}</math>.

Les [[ligne de courant|lignes de courant]] des contraintes principales, c'est-à-dire les courbes qui sont tangentes aux vecteurs contrainte principale en tout point, sont appelées '''lignes [[Hyperstatisme|isostatiques]]'''. Elles permettent de visualiser de quelle manière les efforts internes se répartissent dans la matière.

{{théorème|nom=Résultat |1=La contrainte principale maximale correspond à la contrainte de traction maximale.

Si la contrainte principale minimale est négative, alors elle correspond à la contrainte de compression maximale.

La contrainte de cisaillement maximal vaut :
: <math>\tau_\max = \frac{1}{2} \max \left \{ | \sigma_{\mathrm{I}} - \sigma_{\mathrm{II}} | ; | \sigma_{\mathrm{II}} - \sigma_{\mathrm{III}} | ; | \sigma_{\mathrm{III}} - \sigma_{\mathrm{I}} |\right \}</math>.}}
Ceci est important lorsque l'on veut étudier les risques de rupture. En effet, l'utilisation d'une [[contrainte équivalente]] scalaire comme la [[contrainte de von Mises]] ou la [[contrainte de Tresca]] n'indique pas si une zone est soumise à de la traction, de la compression et/ou du cisaillement. Or, une contrainte de type compression est moins dangereuse car elle a tendance à refermer les [[fissure]]s.

== Détermination ==

On peut déterminer les directions et contraintes principales :
* grâce au [[cercle de Mohr]]<ref>{{harvsp|Fanchon|2001|p = 438-440}}</ref> ;
* par les méthodes [[Algèbre linéaire|algébriques]], en remarquant que les contraintes principales sont les [[valeurs propres]] du tenseur, et les directions principales, ses [[vecteurs propres]].
Les [[Valeur propre|valeurs propres]] λ vérifient l'équation
: det(T - λI) = 0
où T est le tenseur des contraintes et I la matrice identité. On peut réécrire cette équation avec les [[Tenseur des contraintes#Invariants du tenseur des contraintes|invariants du tenseur des contraintes]] :
: λ<sup>3</sup> - I<sub>1</sub>λ<sup>2</sup> + I<sub>2</sub>λ - I<sub>3</sub> = 0.
On impose σ<sub>I</sub> &gt; σ<sub>II</sub> &gt; σ<sub>III</sub>.

Notons que, par définition de la [[racine d'un polynôme]], on a
: (λ - σ<sub>I</sub>)(λ - σ<sub>II</sub>)(λ - σ<sub>III</sub>) = 0

== Contraintes octaédriques ==

Considérons un cube dont les faces sont normales aux directions principales. Les contraintes σ<sub>I</sub>, σ<sub>II</sub> et σ<sub>III</sub> sont des contraintes normales aux faces de ce cube ; les contraintes tangentielles sont nulles.

Considérons maintenant l'[[octaèdre]] dont les sommets sont les centres des faces du cube. Pour chaque face, on a :
* une contrainte normale σ<sub>oct</sub> ;
* une contrainte tangentielle τ<sub>oct</sub>.
Ces contraintes sont appelées '''contraintes octaédriques'''.

Les contraintes normales et tangentielles sur les huit faces de l'octaèdre sont identiques, et valent<ref>{{harvsp|Fanchon|2001|p = 441-442}}</ref> :
: <math>\sigma_\mathrm{oct} = \frac{1}{3}(\sigma_\mathrm{I} + \sigma_\mathrm{II} + \sigma_\mathrm{III})</math> ;
: <math>\tau_\mathrm{oct} = \frac{1}{3} \left ( (\sigma_\mathrm{I} - \sigma_\mathrm{II})^2 + (\sigma_\mathrm{II} - \sigma_\mathrm{III})^2 + (\sigma_\mathrm{III} - \sigma_\mathrm{I})^2 \right )^{1/2}</math>.
Notons que par rapport à la [[pression isostatique]] P et à la [[Contrainte de von Mises|contrainte équivalente de von Mises]] σ<sub>e</sub>, on a :
: <math>\sigma_\mathrm{oct} = \mathrm{P}</math> ;
: <math>\tau_\mathrm{oct} = \frac{\sqrt{2}}{3} \sigma_\mathrm{e}</math>.
Le terme « contrainte normale octaédrique  » est parfois utilisé comme synonyme de « pression isostatique ».

La contrainte normale octaédrique σ<sub>oct</sub> tend à faire varier le volume de l'octaèdre sans le gauchir (sans faire varier les angles). À l'inverse, la cission octaédrique tend à distordre l'octaèdre sans faire varier son volume ; on retrouve donc logiquement un rapport avec la contrainte de von Mises.

== Cas particuliers ==

=== État de contrainte uniaxiale ===

Dans le cas de la sollicitation uniaxiale, deux des contraintes principales sont nulles. On choisit par convention σ<sub>I</sub> ≠ 0 ; ''x''<sub>I</sub> est l'axe de traction, on a |σ<sub>I</sub>| = F/S (la contrainte nominale), σ<sub>II</sub> = σ<sub>III</sub> = 0. Le tenseur des contraintes principales s'écrit donc
: <math>\begin{pmatrix}
\sigma_{\mathrm{I}} & 0 & 0 \\
0 & 0 & 0 \\
0 & 0 & 0 \\
\end{pmatrix}</math>
Dans le cas de la compression unixiale, on a σ<sub>I</sub> &lt; 0,  donc σ<sub>I</sub> &lt; σ<sub>II</sub> et σ<sub>I</sub> &lt; σ<sub>III</sub> contrairement à la convention initiale. On a dans tous les cas τ<sub>max</sub> = ½|σ<sub>I</sub>|.

=== État de contraintes planes ===

[[Fichier:Cercle mohr etat contraintes biaxiale.svg|vignette|200px|Exemple d'état de contrainte plane (biaxial) : paroi d'un réservoir sous pression.]]

Dans le cas de contraintes planes, une des contraintes principales est nulle. On choisit arbitrairement σ<sub>III</sub> = 0 ; on peut alors avoir σ<sub>II</sub> &lt; 0 donc σ<sub>II</sub> &lt; σ<sub>III</sub>, contrairement à la convention précédente. Dans tous les cas, on a :

<math>\tau_{\max} = \frac{1}{2}|\sigma_{I} - \sigma_{II}|</math>

Le tenseur des contraintes principales s'écrit donc
: <math>\begin{pmatrix}
\sigma_{\mathrm{I}} & 0 & 0 \\
0 & \sigma_{\mathrm{II}} & 0 \\
0 & 0 & 0 \\
\end{pmatrix}</math>

=== Pression isostatique pure ===

Dans le cas d'une pression isostatique P, on a σ<sub>I</sub> = σ<sub>II</sub> = σ<sub>III</sub> = P. Le tenseur des contraintes principales s'écrit
: <math>\begin{pmatrix}
\mathrm{P} & 0 & 0 \\
0 & \mathrm{P} & 0 \\
0 & 0 & \mathrm{P} \\
\end{pmatrix}</math>
et τ<sub>max</sub> = 0.

== Utilisation ==

Dans cette base, les lois s'expriment de manière plus simple. En particulier, les contraintes principales permettent d'établir le [[critère de plasticité]] ou de [[critère de ruine|ruine]], par exemple en considérant la [[Contrainte de cisaillement|cission]] maximale ([[critère de Tresca]]).
La connaissance des directions principales permet
* de savoir comment orienter une [[jauge de contrainte]] ;
* de prédire la progression des fissures ; en particulier, en [[fatigue (matériau)|fatigue]] : dans les métaux, des microfissures apparaissent dans le plan de cission maximal (stade I), puis une fissure se crée et se propage dans le plan de tension maximal (stade II).

== Notes et références ==

{{références}}

== Bibliographie ==

* [Fanchon 2001] {{Ouvrage
 | prénom1=Jean-Louis
 | nom1=Fanchon
 | titre=Guide de mécanique
 | sous-titre=Sciences et technologies industrielles
 | éditeur=[[Nathan (maison d'édition)|Nathan]]
 | année=2001
 | pages totales=543
 | isbn=978-2-09-178965-1
}}

== Voir aussi ==

=== Articles connexes ===

* [[Analyse en composantes principales]]
* [[Déformations principales]]

{{Portail|matériaux}}

[[Catégorie:Mécanique des milieux continus]]
[[Catégorie:Propriété fonctionnelle d'un matériau]]