Voir la source de Corps fini

{{En-tête label|BA|année=2007}}
[[Image:CD autolev crop.jpg|vignette|droite|Les défauts de gravure, l'usure, la poussière que l'on observe à la surface d'un [[disque compact]] nécessitent un codage redondant de l'information, qui permet de corriger les erreurs de lecture. Ce [[code correcteur]] d'erreur utilise des [[code de Reed-Solomon|codes de Reed-Solomon]] sur le corps fini à 256 éléments<ref>{{harvsp|Demazure 2008|p=274|loc=Chap. 12}}, le codage des disques compacts est plus généralement étudié au chap. 12.</ref>.]]
En [[mathématiques]] et plus précisément en [[algèbre]], un '''corps fini''' est un [[corps commutatif]] qui est par ailleurs [[ensemble fini|fini]]. À [[Isomorphisme de corps|isomorphisme]] près, un corps fini est entièrement déterminé par son [[cardinal d'un ensemble fini|cardinal]], qui est toujours une puissance d'un [[nombre premier]], ce nombre premier étant sa [[caractéristique d'un anneau|caractéristique]]. Pour tout nombre premier ''p'' et tout entier non nul ''n'', il existe un corps de cardinal ''p<sup>n</sup>'', qui se présente comme l'unique [[extension de corps|extension]] de degré ''n'' du [[Caractéristique d'un anneau#Propriétés sur les corps|corps premier]] '''Z'''/''p'''''Z'''.

Les corps finis sont utilisés en [[théorie algébrique des nombres]], où ils apparaissent comme une structure essentielle à la [[géométrie arithmétique]]. Cette branche a permis, entre autres, de démontrer le [[dernier théorème de Fermat]].

Les corps finis ont trouvé de nouvelles applications avec le développement de l'[[informatique]]. En [[théorie des codes]], ils permettent par exemple de déterminer des [[code correcteur|codes correcteurs]] efficaces. Ils interviennent également en [[cryptographie]], dans la conception des [[chiffrement symétrique|chiffrements à clé secrète]] comme le standard [[Advanced Encryption Standard process|AES]], ainsi que dans celle des [[cryptographie à clé publique|chiffrement à clé publique]], à travers, entre autres, le problème du [[logarithme discret]].

Remarque sur la terminologie : une convention courante en français est de considérer qu'un [[corps (mathématiques)|corps]] n'est pas nécessairement commutatif. Dans le cas des corps finis, la convention est en fait de peu d'importance car, d'après le [[théorème de Wedderburn]], tout corps fini est commutatif, et, dans cet article les [[corps (mathématiques)|corps]] seront supposés d'emblée commutatifs.

Les corps finis sont (ou ont été) appelés également ''corps de Galois'', ou plus rarement ''champs de Galois''<ref>Voir Demazure 2009, [http://www.cassini.fr/COMPAGNONS/Demazure-complements.pdf Cours d'Algèbre, compléments] {{p.|9}} note 4.</ref>. Ils ont été en effet étudiés par [[Évariste Galois]] dans un article publié en 1830 qui est à l'origine de la théorie. En fait, [[Carl Friedrich Gauss]] avait déjà découvert les résultats de Galois à la fin du {{s-|XVIII}} mais n'en fit pas état ; ses travaux ne furent connus qu'après sa mort et n'eurent pas l'influence de ceux de Galois.

Le corps fini de cardinal ''q'' (nécessairement [[Nombre primaire|puissance d'un nombre premier]]) est noté '''F'''<sub>''q''</sub> (de l'anglais ''field'' qui signifie corps commutatif) ou GF(''q'') (''Galois field'').

== Construction de corps finis ==
L'outil qui permet la construction des corps finis est la relation de congruence, [[congruence sur les entiers]] pour les corps finis premiers, congruence sur les [[Polynôme formel|polynômes]] à coefficients dans un corps fini premier pour le cas général.
=== Le plus petit corps ===
Le plus petit corps fini est noté '''F'''{{ind|2}}. Il est composé de deux éléments distincts, 0 qui est l'[[élément neutre]] pour l'addition, et 1 qui est élément neutre pour la multiplication. Ceci détermine les tables de ces deux opérations en dehors de 1+1 qui ne peut alors être que 0, car 1 doit avoir un opposé. On vérifie alors qu'elles définissent bien un [[corps commutatif]].
<center>
{|
|
{| class="wikitable" style="text-align: center; width: 80px; height: 80px;"
| '''+''' || '''0''' || '''1''' 
|-
| '''0''' || 0 || 1
|-
| '''1''' || 1 || 0
|}
|
{| class="wikitable" style="text-align: center; width: 80px; height: 80px;"
| '''.''' || '''0''' || '''1''' 
|-
| '''0''' || 0 || 0
|-
| '''1''' || 0 || 1
|}
|}
</center>
Le corps '''F'''{{ind|2}} peut s'interpréter diversement. C'est l'[[Anneau ℤ/nℤ|anneau '''Z'''/2'''Z''']], les entiers pris modulo 2, c'est-à-dire que 0 représente les entiers pairs, 1 les entiers impairs (c'est le reste de leur division par 2), et les opérations se déduisent de celles sur '''Z'''.

C'est aussi l'ensemble des [[Valeur de vérité|valeurs de vérité]] classiques, 0 pour le faux, et 1 pour le vrai. L'addition est le « [[Fonction OU exclusif|ou exclusif]] » (xor), la multiplication le « et »<ref>Pour l'ensemble du paragraphe, voir {{harvsp|Demazure 2008|loc=§ 6.1}}, {{p.|147}}.</ref>.

Les fonctions de ('''F'''{{ind|2}})<sup>''n''</sup> dans '''F'''{{ind|2}} sont appelées fonctions booléennes<ref name="Dem173">Par exemple {{harvsp|Demazure 2008|p=173}}.</ref>. La disjonction (inclusive) et la négation se définissent ainsi :
<center>
''x'' ou ''y'' = ''x'' + ''y'' + ''xy'' ; non ''x'' = 1 + ''x''.
</center>
Plus généralement on déduit du [[interpolation lagrangienne|théorème d'interpolation de Lagrange]] que toutes les [[Fonction booléenne|fonctions booléennes]] sont [[fonction polynomiale|polynomiales]] (c'est une propriété qui passe à n'importe quel corps fini).
{{article détaillé|fonction booléenne}}

=== Corps premiers finis ===
Une généralisation naturelle de '''F'''{{ind|2}} = '''Z'''/2'''Z''' est, pour ''p'' [[nombre premier|premier]], le corps '''Z'''/''p'''''Z''' à ''p'' éléments, noté aussi '''F'''<sub>''p''</sub> :

'''Proposition. —''' ''L{{'}}''[[Anneau ℤ/nℤ|''anneau'' '''Z'''/''n'''''Z''']] ''est un corps si et seulement si n est un nombre premier''.

En effet, ''p'' est premier équivaut à ce que 0 ne soit pas produit de deux entiers non nuls modulo ''p'', par le [[lemme d'Euclide]]. Il faut donc que ''p'' soit premier pour que '''Z'''/''p'''''Z''' soit un corps. De plus, ceci assure que si ''p'' est premier, '''Z'''/''p'''''Z''' est [[anneau intègre|intègre]] et partant, comme il est fini, un corps. L'[[Théorème de Bachet-Bézout|identité de Bézout]] assure directement l'existence d'un inverse, et un calcul efficace de celui-ci par l'[[algorithme d'Euclide étendu]].

Le groupe multiplicatif de '''Z'''/''p'''''Z''' (''p'' premier) est d'ordre ''p'' – 1 ce qui conduit au [[petit théorème de Fermat]] par le [[théorème de Lagrange (algèbre)|théorème de Lagrange]]. On montre que ce groupe est [[groupe cyclique|cyclique]] (la démonstration est la même que dans le cas général, traité au paragraphe [[#Groupe multiplicatif et conséquences|Groupe multiplicatif et conséquences]])<ref name="cyclique">Par exemple {{harvsp|Demazure 2008|p=73-74}}.</ref>.

On verra que pour tout nombre premier ''p'', '''Z'''/''p'''''Z''' est [[À quelque chose près|à isomorphisme près]] le seul corps de cardinal ''p'', et qu'il ne contient pas d'autre sous-corps que lui-même. Un tel corps est appelé [[corps commutatif#Caractéristique et corps premier|corps premier]], et les '''Z'''/p'''Z''', ''p'' premier, sont les seuls corps premiers finis.
{{article détaillé|Congruence sur les entiers|Anneau ℤ/nℤ}}

=== Quotient par un polynôme irréductible ===
Pour construire de nouveaux corps finis, on utilise la structure d'[[anneau euclidien]] de '''F'''<sub>''p''</sub>[''X''] de la même façon que l'on a utilisé celle de '''Z''' pour construire les corps premiers. Les [[Factorisation des polynômes#Polynômes irréductibles|polynômes irréductibles]] jouent le rôle des nombres premiers. Deux polynômes sont équivalents modulo le polynôme ''P'' s'ils ont même reste par division par celui-ci. Le quotient par la [[relation d'équivalence]] obtenue est noté '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P''), où (''P'') := ''P'' '''F'''<sub>''p''</sub>[''X''], la structure induite par quotient est encore celle d'un anneau<ref>Voir {{harvsp|Demazure 2008|loc=§ 3.2.6}}, {{p.|84}}.</ref>.

On a de façon strictement analogue au cas des entiers :

'''Proposition. —''' ''L{{'}}anneau'' '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P'') ''est un corps si et seulement si P est un polynôme irréductible''.

Soit ''n'' le degré de ''P''. La propriété d'unicité du reste de la [[division polynomiale]] se traduit par le fait que chaque élément de '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P'') est représenté par un unique polynôme de degré < ''n''. Le cardinal de '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P'') est donc ''p<sup>n</sup>''. Pour construire un corps fini de cardinal ''p<sup>n</sup>'', il suffit donc de trouver un polynôme irréductible de degré ''n'' dans '''F'''<sub>''p''</sub>[''X''].

Si ''P'' est irréductible, le quotient ''K'' = '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P'') est alors un [[corps de rupture]] du polynôme ''P'', car la classe de ''X'' est une [[Racine d'un polynôme|racine]] de ''P'' dans ''K''.

Pour ces constructions il est indispensable que les polynômes soient des [[polynôme formel|polynômes formels]], et non des [[fonction polynomiale|fonctions polynomiales]]. Il existe en effet des polynômes non-nuls dont les fonctions polynomiales associées sont identiquement nulles sur '''F'''<sub>''p''</sub> (par exemple ''X'' + ''X''{{2}} sur '''F'''{{ind|2}}). Une autre manière de se rendre compte de la différence est qu'il ne peut exister qu'un nombre fini de fonctions de '''F'''<sub>''p''</sub> dans '''F'''<sub>''p''</sub> et donc de fonctions polynomiales, alors qu'il existe un nombre infini de polynômes formels.

=== Exemple : les corps à ''p''<sup>2</sup> éléments ===
On peut donc construire les corps à ''p''{{2}} éléments, en montrant qu'il existe un polynôme irréductible ''P'' de degré 2 dans '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']. Le corps '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P''), possède ''p''{{2}} éléments, et c'est une [[extension quadratique]] de '''F'''<sub>''p''</sub>. On verra plus loin que le corps à ''p''{{2}} éléments est unique (à isomorphisme près) et on le notera '''F'''<sub>''p''{{2}}</sub>. En particulier, le corps que nous allons construire est en fait indépendant du choix du polynôme irréductible ''P'' de degré 2 utilisé pour le quotient. Cette extension quadratique de '''F'''<sub>''p''</sub> est l'analogue de l'[[Extension algébrique#Extensions algébriques de ℝ|(unique) extension]] quadratique du corps des [[nombres réels]], qui donne le corps des [[nombres complexes]].

* Pour ''p'' = 2, le polynôme 1 + ''X'' + ''X''{{2}} est irréductible dans '''F'''{{ind|2}}[''X''] (c'est d'ailleurs le seul polynôme irréductible de degré 2 sur '''F'''{{ind|2}}). L'extension correspondante est un corps noté '''F'''<sub>4</sub>. Ce corps a exactement 4 éléments qui sont 0, 1, et les deux racines φ et φ² = φ + 1 de 1 + ''X'' + ''X''{{2}}. Ses lois sont alors :
<center>
{|
|
{| class="wikitable" style="text-align: center; width: 80px; height: 80px;"
| '''+''' || '''0''' || '''1''' || '''φ''' || '''φ'''² 
|-
| '''0''' || 0 || 1 || φ || φ² 
|-
| '''1''' || 1 || 0 || φ² || φ
|-
| '''φ''' || φ || φ² || 0 || 1
|-
| '''φ'''² || φ² || φ || 1 || 0
|}
|
{| class="wikitable" style="text-align: center; width: 112px; height: 112px;"
| '''•''' || '''0''' || '''1''' || '''φ''' || '''φ'''²
|-
| '''0''' || &nbsp;&nbsp;0&nbsp;&nbsp; || 0 || 0 || 0
|-
| '''1''' || 0 || 1 || φ || φ²
|-
| '''φ''' || 0 || φ|| φ² || 1
|-
| '''φ'''² ||  0 || φ² || 1 || φ
|}
|}
</center>

* Quand ''p'' est premier impair, un polynôme de la forme ''X''{{2}} – ''a'' est irréductible si et seulement si ''a'' n'est pas un carré. Or pour ''p'' différent de 2, il existe dans '''F'''''<sub>p</sub>'' des éléments non carrés. En effet, les carrés des ''p'' – 1 éléments non nuls de '''F'''<sub>''p''</sub> sont au nombre de (''p'' – 1)/2 (chaque carré non nul est le carré d'exactement deux éléments, opposés l'un de l'autre), donc il reste (''p'' – 1)/2 éléments non carrés, parmi lesquels on peut choisir ''a''. Pour ''p'' congru à 3 modulo 4, dans ce cas ''p'' est [[nombre premier de Gauss]], on peut même choisir simplement ''a'' = –1 (voir l'article [[Théorème des deux carrés de Fermat]] ou l'article [[Loi de réciprocité quadratique]]), si bien que '''F'''<sub>''p''{{2}}</sub> est isomorphe au corps  [[Entier de Gauss|'''Z'''[i]]]/pZ[i], car ils ont le même cardinal.

== Structure des corps finis ==
On détaille principalement dans cette section comment arriver aux propriétés essentielles sur la structure des corps finis, à savoir<ref name="Lidl1"/> :
* tout corps fini est de cardinal la puissance d'un nombre premier, et il existe à isomorphisme près un unique corps d'un tel cardinal donné ;
* le groupe multiplicatif d'un corps fini est [[groupe cyclique|cyclique]] ;
* un sous-corps d'un corps de cardinal ''p<sup>n</sup>'' (''p'' premier) a pour cardinal ''p<sup>d</sup>'' où ''d'' divise ''n'', et pour tout diviseur ''d'' de ''n'' le corps de cardinal ''p<sup>n</sup>'' contient un unique sous-corps de cardinal ''p<sup>d</sup>''.

=== Caractéristique et cardinal ===
Soit ''K'' un corps fini, 0<sub>''K''</sub> et 1<sub>''K''</sub> les éléments neutres additif et multiplicatif. On note ''n''.1<sub>''K''</sub> le résultat de l'addition de 1<sub>''K''</sub> itérée ''n'' fois. L'application correspondante est compatible avec l'addition et la multiplication (c'est l'unique [[morphisme]] d'[[anneau unitaire|anneaux]] (unitaires) de '''Z''' dans ''K'').
La ''[[Caractéristique d'un anneau|caractéristique]]'' du corps ''K'' est le plus petit entier ''p'' > 0 tel que ''p''.1<sub>''K''</sub> = 0<sub>''K''</sub> (un tel nombre existe car le groupe additif engendré par 1<sub>''K''</sub> est fini). De plus, ''p'' est un nombre premier. En effet, si ''a'' et ''b'' sont des entiers tels que ''ab'' = ''p'', alors (''a''.1<sub>''K''</sub>)(''b''.1<sub>''K''</sub>) = (''ab'').1<sub>''K''</sub> = 0<sub>''K''</sub>. Comme ''K'' est un corps, ''a''.1<sub>''K''</sub> ou ''b''.1<sub>''K''</sub> est nul, et donc par définition de ''p'', ''a'' ou ''b'' vaut ''p''. On vérifie alors que l'homomorphisme de '''Z''' dans ''K'' qui à ''n'' associe ''n''.1<sub>''K''</sub> induit une injection de '''Z'''/''p'' '''Z''' dans ''K'', son image est un sous-corps de ''K'' isomorphe à '''Z'''/''p'' '''Z'''. Il est contenu dans tout sous corps de ''K'' (qui doit contenir 0<sub>''K''</sub> et 1<sub>''K''</sub>). C'est donc le plus petit sous-corps de ''K'' et on le nomme ''sous-corps premier'' de ''K''<ref>Dans le cas de la caractéristique 0, le sous-corps premier est isomorphe à '''Q'''.</ref>. Pour la même raison c'est le seul sous-corps de ''K'' isomorphe à '''Z'''/''p'' '''Z''', et on peut l'identifier à '''Z'''/''p'' '''Z''' (= '''F'''<sub>''p''</sub>).

Si ''L'' est un sous-corps de ''K'', dit autrement si ''K'' est une [[extension de corps|extension de ''L'']], ''K'' possède naturellement une structure d'[[espace vectoriel]] sur ''L'', l'addition et la multiplication externe étant celles de ''K''. Dans le cas des corps finis, sa dimension est nécessairement finie. Le cardinal de ''K'' est alors ''p<sup>n</sup>'', où ''n'' est la dimension de ''K'' comme espace vectoriel sur son sous-corps premier '''F'''<sub>''p''</sub>. De façon générale le cardinal d'un sous-corps ''L'' de ''K'' est de la forme ''p<sup>d</sup>'', et comme ''K'' est aussi un espace vectoriel sur ''L'', ''d'' est un [[diviseur]] de ''n''. On a donc :

'''Proposition. —''' ''Le cardinal d'un corps fini K est une puissance d'un nombre premier p qui est sa caractéristique. De plus, si ce corps est de cardinal p<sup>n</sup>, tout sous-corps de K est de cardinal p<sup>d</sup> où d divise n''<ref>Pour l'ensemble de la section, voir par exemple {{harvsp|Demazure 2008|p=209-210}}, ou {{harvsp|Perrin|1981|loc=ch. III.8}}.</ref>.

=== Automorphisme de Frobenius ===
Soit ''K'' un corps fini de caractéristique ''p'', de cardinal ''q = p<sup>n</sup>''. Comme ''p'' est premier, ''p'' divise chacun des [[coefficient binomial|coefficients binomiaux]] <math>\tbinom pi</math> pour 0 < ''i'' < ''p''. On a donc :
<center><math>(x+y)^p=x^p+y^p</math>.</center>
On en déduit (l'image de 1<sub>''K''</sub> est 1<sub>''K''</sub>, la compatibilité avec la multiplication est immédiate) que l'application de ''K'' dans lui-même qui à ''x'', associe ''x<sup>p</sup>'' est un [[Morphisme d'anneaux#Morphismes de corps commutatifs|endomorphisme de corps]], donc injectif, qui laisse stable le sous-corps premier (c'est le [[petit théorème de Fermat]]). Il est appelé [[endomorphisme de Frobenius]]. Le corps étant fini, l'endomorphisme est [[Bijection|bijectif]].

Il est simple de vérifier que l'ensemble des [[point fixe|points fixes]] par un automorphisme dans un corps est un sous-corps, et dans le cas de l'automorphisme de Frobenius, ce sous-corps est par définition l'ensemble des racines du polynôme ''X<sup>p</sup> – X'', de cardinal au plus ''p'', donc c'est le sous-corps premier de ''K''<ref name="PerrinIII.9">{{harvsp|Perrin|1981|loc=ch. III.9}}.</ref>.

On verra plus loin que les automorphismes d'un corps fini sont tous des itérés de l'automorphisme de Frobenius.

=== Existence et unicité d'un corps fini de cardinal ''p<sup>n</sup>'' ===

Soit ''K'' un corps fini de cardinal ''q = p<sup>n</sup>''. Alors, ''K''*, le groupe multiplicatif de ce corps est de cardinal ''q'' – 1. On déduit du [[théorème de Lagrange sur les groupes|théorème de Lagrange]] que tout élément de ''K''* est racine du polynôme ''X''<sup>''q''–1</sup> – 1, et donc tout corps de cardinal ''q'' est un [[corps de décomposition]] du polynôme ''X<sup>q</sup> – X'' sur '''F'''<sub>''p''</sub>. Par conséquent (propriété des corps de décomposition), deux corps de cardinal ''q'' sont isomorphes.

Soit maintenant ''n'' un entier strictement positif, ''q'' l'entier égal à ''p<sup>n</sup>'' et ''K'' le corps de décomposition du polynôme ''P''(''X'') = ''X<sup>q</sup> – X'' sur le corps '''F'''<sub>''p''</sub>. L'ensemble des racines de ''X<sup>q</sup> – X'' dans ''K'' est l'ensemble des points fixes de l'automorphisme de Frobenius itéré ''n'' fois (''q = p<sup>n</sup>''). Il forme donc un sous-corps de ''K'', et c'est ''K'' par définition d'un corps de décomposition. Or le [[Polynôme formel#Dérivée formelle|polynôme dérivé]] de {{nobr|1=''P''(''X'') = ''X<sup>q</sup> – X''}} est ''P''’(''X'') = ''q'' ''X''<sup>''q''–1</sup> – 1 = –1 qui est constant non nul ; ''X<sup>q</sup> – X'' n'a donc pas de racine multiple (si ''Q''{{2}} divise ''P'', ''Q'' divise ''P''’) : il possède ''q'' racines distinctes. Le corps ''K'' a donc pour cardinal ''q = p<sup>n</sup>''. En résumé<ref name="PerrinIII.9"/> :

'''Proposition. —''' ''Il existe un corps de cardinal q = p<sup>n</sup>, et un seul à isomorphisme près, noté'' '''F'''''<sub>q</sub>. Une [[clôture algébrique]] de'' '''F'''''<sub>p</sub> contient un seul corps de cardinal q qui est le corps de décomposition de {{nobr|X<sup>q</sup> – X}}''.

On dit que « le » corps à ''q'' éléments est [[essentiellement unique]] : deux corps à ''q'' éléments sont isomorphes, mais il n'y a pas [[Unicité (mathématiques)|unicité]] de l'isomorphisme {{infra|Groupe multiplicatif et conséquences}}.

Le corps de décomposition du polynôme ''P'' se construit dans le cas le plus général en itérant la construction d'un [[corps de rupture]] sur un facteur de ''P'' irréductible de degré au moins deux dans le corps déjà obtenu. Pour des raisons de cardinalité, il suffit de trouver un facteur irréductible de degré ''n'' de ''X<sup>p<sup>n</sup></sup> – X'' pour obtenir en un pas son corps de décomposition. La suite montre qu'il existe de tels facteurs.
On peut d'ailleurs déduire l'existence et l'unicité à isomorphisme près d'un corps fini de cardinal ''p<sup>n</sup>'' simplement de l'existence et l'unicité à isomorphisme près d'un [[corps de rupture]], si on a une preuve directe de l'existence d'un polynôme irréductible de degré ''n'' sur '''F'''<sub>''p''</sub><ref>voir {{harvsp|Demazure 2008|p=220}} et la section sur les polynômes irréductibles ci-dessous, pour une démonstration combinatoire d'existence d'un polynôme irréductible de degré quelconque, {{harvsp|Demazure 2008|p=222}} pour l'unicité, et {{harvsp|Demazure 2008|p=217-219}} pour une démonstration d'existence par l'étude des [[polynôme cyclotomique|polynômes cyclotomiques]].</ref>.

Soit maintenant ''d'' un diviseur de ''n''. Supposons qu'il existe un sous-corps de '''F'''<sub>''q''</sub> (''q = p<sup>n</sup>'') à ''p<sup>d</sup>'' éléments. Alors, pour les mêmes raisons que ci-dessus, ce corps est le corps de décomposition dans '''F'''<sub>''q''</sub> du polynôme ''X<sup>p<sup>d</sup></sup> – X'', et donc il existe au plus un sous-corps de cardinal ''p<sup>d</sup>''. Un tel corps de décomposition existe dans '''F'''<sub>''q''</sub>, car le polynôme ''X<sup>p<sup>d</sup></sup> – X'', qui divise ''X<sup>p<sup>n</sup></sup> – X'', est [[polynôme scindé|scindé]] sur '''F'''<sub>''q''</sub>. En résumé :

'''Proposition. —''' ''Soit'' '''F'''''<sub>q</sub> un corps fini de caractéristique p, de cardinal q = p<sup>n</sup>. Alors pour tout diviseur d de n il existe un unique sous-corps de'' '''F'''''<sub>q</sub> de cardinal p<sup>d</sup>, et ce sont les seuls sous-corps de'' '''F'''''<sub>q</sub>.''

=== Groupe multiplicatif et conséquences ===
On a déjà utilisé une propriété élémentaire du groupe multiplicatif d'un corps fini au paragraphe précédent. On peut préciser sa structure.
Le groupe ('''F'''<sub>''q''</sub>*, ×) est un [[groupe abélien fini]] donc son [[Exposant d'un groupe|exposant]] ''e'' est l'ordre d'au moins un élément ''x'' du groupe. Or le polynôme ''X<sup>e</sup>'' – 1, de degré ''e'', possède ''q'' – 1 racines distinctes dans '''F'''<sub>''q''</sub>, ce qui implique que ''e'' est supérieur à ''q'' – 1. On en déduit que le sous-groupe de '''F'''<sub>''q''</sub>* engendré par ''x'' est égal au groupe tout entier<ref>Plus généralement (par le même raisonnement) tout sous-groupe fini du groupe multiplicatif d'un corps commutatif est cyclique. Pour des variantes de preuves, voir [[Théorème de Kronecker#Applications|Théorème de Kronecker, § Application]] et [[Groupe cyclique#Sous-groupes|Groupe cyclique, § Sous-groupes]]. Ce résultat s'étend facilement aux [[corps gauche]]s en caractéristique non nulle ({{article|lang=en|url=http://projecteuclid.org/DPubS?service=UI&version=1.0&verb=Display&handle=euclid.pjm/1103051509|titre=Finite multiplicative subgroups in division rings|auteur=[[Israel Herstein|I. N. Herstein]]|revue=Pacific J. Math.|volume=3|numéro=1|année=1953|p.=121-126}}) mais pas en caractéristique nulle (cf. [[Quaternion]]s).</ref> :

'''Proposition. —''' ''Le groupe multiplicatif d'un corps fini est [[groupe cyclique|cyclique]].''

On appelle ''élément primitif'' de '''F'''<sub>''q''</sub> un générateur de son groupe multiplicatif (c'est une racine primitive de l'unité d'ordre ''q'' – 1)<ref>Par exemple {{harvsp|Lidl|Niederreiter|1997|p=51}}. La terminologie est très répandue dans les ouvrages de cryptologie et de théorie de codes, mais s'oppose à une autre définition du terme [[Théorème de l'élément primitif|primitif]] en théorie des corps ; dans sa seconde édition, {{harvsp|Demazure 2008}} préfère parler de ''racine principale''.</ref>.
On en déduit que tout corps fini '''F'''<sub>''q''</sub> est l'extension de son sous-corps premier (ou de n'importe lequel de ses sous-corps) définie par adjonction d'un élément primitif α.

'''Proposition. —''' ''Dans tout corps fini'' '''F'''''<sub>q</sub> de caractéristique p, il existe un élément'' α ''tel que'' '''F'''<sub>''q''</sub> = '''F'''''<sub>p</sub>''[α].

On appelle aussi élément primitif sur '''F'''<sub>''p''</sub> un élément α vérifiant cette propriété<ref>{{harvsp|Demazure 2008|p=208}}, c'est celle utilisée en théorie des corps pour le [[théorème de l'élément primitif]]. Demazure utilise ''élément primitif'' en ce sens dans la seconde édition (2008) de son livre.</ref>. Mais il peut exister des éléments primitifs en ce sens qui ne le sont pas au sens précédent (voir ci-dessous). C'est la première définition qui est utilisée dans la suite de l'article.

En prenant ''q = p<sup>n</sup>'', et α un élément primitif de '''F'''<sub>''q''</sub>, on déduit de la proposition qu'il existe en effet un polynôme ''P'' irréductible de degré ''n'' qui annule α et '''F'''<sub>''q''</sub> est un [[corps de rupture]] de ''P'' (voir l'article lié). En particulier, pour tout entier ''n'', il existe un polynôme irréductible de degré ''n'' sur tout corps fini premier (et d'ailleurs sur tout corps fini en suivant le même raisonnement).

Un tel [[polynôme unitaire]] irréductible ''P'' qui annule α est appelé [[polynôme minimal]] de α (ils sont étudiés dans une section suivante). Quand α est un élément primitif de '''F'''<sub>''q''</sub>, on vérifie que les ''n'' racines de ''P'' sont les images par l'automorphisme de Frobenius itéré de 0 à ''n'' – 1, soient α, α<sup>''p''</sup>, α<sup>''p''{{2}}</sup>, ..., α<sup>''p''<sup>''n''–1</sup></sup>, et sont distinctes car une égalité entre deux de celles-ci contredirait que α est primitif ; '''F'''<sub>''q''</sub> est donc un corps de rupture, mais aussi un corps de décomposition de ''P''.

Un automorphisme de corps de '''F'''<sub>''q''</sub> laisse nécessairement invariants les éléments du sous-corps premier. L'image de α par un tel automorphisme est encore une racine de ''P'', donc de la forme α<sup>''p<sup>i</sup>''</sup>. Cette image détermine l'automorphisme, α étant primitif, qui est donc un itéré de l'automorphisme de Frobenius.

'''Proposition. —''' ''Le groupe des automorphismes d'un corps fini'' '''F'''''<sub>p<sup>n</sup></sub> de caractéristique p est le groupe cyclique d'ordre n engendré par l'automorphisme de Frobenius qui à x associe x<sup>p</sup>''.

=== Théorie de Galois ===
Les propriétés précédentes peuvent être revues à la lumière de la théorie des corps commutatifs et de la [[théorie de Galois]].

Un corps fini est [[corps parfait|parfait]], c'est-à-dire que ses [[extension algébrique|extensions algébriques]] sont séparables. C'est une conséquence du fait que l'[[endomorphisme de Frobenius]] est bijectif (voir l'article lié, ou, toute extension algébrique finie étant un corps fini, l'étude des polynômes irréductibles faite plus loin).

Le corps '''F'''<sub>''p<sup>n</sup>''</sub> est, d'après le paragraphe précédent, isomorphe au [[corps de décomposition]] d'un polynôme de degré ''n'' séparable sur '''F'''<sub>''p''</sub>. C'est donc une [[extension galoisienne]] de '''F'''<sub>''p''</sub>.

Le groupe des automorphismes d'un corps fini est son [[groupe de Galois]] sur son sous-corps premier. On a vu qu'il était cyclique ;
ses sous-groupes sont les groupes cycliques d'ordre un diviseur de ''n''. Les sous-corps ont été déterminés comme les sous-ensembles invariants par les générateurs de ces sous-groupes. C'est dans ce cas particulier le [[théorème fondamental de la théorie de Galois]].

=== Clôture algébrique ===
On connaît par ce qui précède toutes les [[extension finie|extensions finies]], et donc, par réunion, toutes les [[extension algébrique|extensions algébriques]] des corps finis. Toute [[clôture algébrique]] <math>\mathbb{F}_p^{\mathrm{alg}}</math> de <math>\mathbb{F}_p</math> peut être vue comme le [[compositum]] des <math> \mathbb F_{p^n}</math>.

Du point de vue de la théorie de Galois, la famille des groupes <math>\mathrm{Gal}(\mathbb F_{p^n} /\mathbb F_p)</math>, pour ''n'' variant, forme donc ce qu'on appelle un système projectif, c'est-à-dire que le groupe de Galois absolu <math>\mathrm{Gal}(\mathbb F_p^{\mathrm{alg}} /\mathbb F_p)</math> est la [[limite projective]] des groupes <math>\mathrm{Gal}(\mathbb F_{p^n} /\mathbb F_p)\simeq\Z/n\Z</math> ; c'est donc le [[groupe profini|complété profini]] <math>\hat{\Z}</math> de <math>\Z</math>, qui est ainsi un groupe procyclique : un générateur naturel est à nouveau l'endomorphisme de Frobenius, qui peut être vu comme la donnée de la famille compatible des endomorphismes de Frobenius des extensions finies.

Cette description complète des extensions algébriques des corps finis est un élément important qui intervient dans la [[théorie des corps de classes]] pour les [[corps de nombres]] et les [[corps de nombres p-adiques]], car leurs [[Corps local|corps résiduels]] sont des corps finis.

== Polynômes irréductibles ==
=== Un critère d'irréductibilité ===
Si deux polynômes ''P'' et ''Q'' de ''K''[''X''] possèdent une racine commune dans une [[extension de corps|extension]] ''L'' de ''K'', et si ''P'' est irréductible, alors ''P'' divise ''Q''. En effet, sinon ces polynômes seraient premiers entre eux ce qui passerait à ''L'' par l'[[Arithmétique des polynômes#Identité de Bézout|identité de Bézout]]<ref>{{harvsp|Demazure 2008|p=215}}, lemme 9.13.</ref>. Ce résultat préliminaire est utile pour établir :

'''Proposition. —''' ''Soient '''''F'''''{{ind|q}} un corps fini à q éléments et n un entier strictement positif. Dans'' '''F'''{{ind|''q''}}[''X'']'', le polynôme X<sup> q<sup>n</sup></sup> – X est égal au produit de tous les polynômes unitaires irréductibles de degré divisant n.''
{{Démonstration/début|titre=Démonstration<ref name="demazure_existence">{{harvsp|Demazure 2008|p=220}}.</ref>}}
Le polynôme ''X<sup> q<sup>n</sup></sup> – X ''est de dérivé –1 et n'a donc pas de facteur multiple. Pour démontrer la proposition, il suffit d'établir que les diviseurs irréductibles de ce polynôme sont exactement les polynômes irréductibles de degré divisant ''n''.

Si ''P'' est irréductible de degré ''d'', le résultat préliminaire appliqué au corps '''F'''{{ind|''q''}}[''X'']/(''P''), dans lequel la classe de ''X'' est racine de ''P'' et de ''X<sup> q<sup>d</sup></sup> – X ''(généralisation à ce corps du [[petit théorème de Fermat]]), donne que ''P'' divise ''X<sup> q<sup>d</sup></sup> – X''. Donc si ''d'' divise ''n'', ''P'' divise ''X<sup> q<sup>n</sup></sup> – X''. Réciproquement, supposons que ''P'' divise ''X<sup> q<sup>n</sup></sup> – X''. L'application ''x ''↦ ''x{{exp|q{{exp|n}}}} ''est un automorphisme du corps '''F'''{{ind|''q''}}[''X'']/(''P'') (comme itéré du morphisme de Frobenius, puisque ''q ''est une puissance de la caractéristique) donc l'ensemble de ses points fixes est un sous-corps. Or il contient la classe de ''X'' ; c'est donc le corps tout entier. Alors, un générateur α du groupe multiplicatif de ce corps vérifie (comme tout élément de ce groupe) α<sup> ''q<sup>n</sup> ''– 1</sup> = 1. Ainsi, l'ordre ''q<sup>d</sup> ''– 1 de α divise ''q<sup>n</sup> ''– 1. On peut alors en déduire que ''d'' divise ''n''.
{{Démonstration/fin}}

En notant ''m{{ind|d}}''(''q'') le nombre de polynômes unitaires irréductibles de degré ''d'' sur '''F'''<sub>''q''</sub>, l'égalité des degrés, dans l'égalité polynomiale de la proposition, donne :
<center><math>
q^n = \sum_{d|n}d\, m_d(q)
</math>
</center>

Cette proposition permet donc de montrer l'existence de polynômes irréductibles de degré ''n'' quelconque dans '''F'''<sub>''q''</sub>[''X''] via l'encadrement suivant<ref name="demazure_existence"/> :
<center>
<math>
{q^n - q^{\lfloor{n\over 2}\rfloor+1}\over n}\leqslant m_n(q)\leqslant {q^n\over n}.
</math>
</center>
Elle a été établie sans supposer l'existence d'un corps fini de cardinal ''q<sup>n</sup> ''et la minoration (appliquée à ''q ''premier) fournit donc une autre démonstration de ce résultat<ref name="demazure_existence"/>.

Une évaluation plus précise est possible, [[Formule d'inversion de Möbius|en inversant]] par la [[fonction de Möbius]] (notée μ)<ref name="heuze">{{Article|prénom1=Guy|nom1=Heuzé|titre=Sur les corps finis|périodique=Mathématiques et sciences humaines|volume=47|pages=57-59|année=1974|lire en ligne=http://www.numdam.org/item/MSH_1974__47__57_0/}}.</ref> :
<center><math>m_n(q) = \frac 1 n\sum_{d|n}\mu\left({\frac n d}\right)q^d.</math></center>

La proposition fournit également une caractérisation des polynômes irréductibles qui peut être exploitée algorithmiquement<ref name="demazure_existence"/> :

''Un polynôme P de degré n ''> 0 ''sur'' '''F'''''<sub>q</sub> est irréductible si et seulement si ''
* ''P divise X<sup> q<sup>n</sup></sup> – X''
* ''P est premier avec les X<sup> q<sup>r</sup></sup> – X, où r = n/d, d diviseur premier de n''.

Le nombre d'éléments de '''F'''''{{ind|q{{exp|n}}}}'' n'appartenant à aucun de ses sous-corps stricts maximaux (les '''F'''''{{ind|q{{exp|r}}}}'' pour de tels ''r'') est donc ''nm{{ind|n}}''(''q'').

=== Polynôme minimal ===
Dans un corps fini '''F'''<sub>''q''</sub>, tout élément α est [[extension algébrique|algébrique]] sur son sous-corps premier '''F'''<sub>''p''</sub> (sur n'importe quel sous-corps en fait), c'est-à-dire qu'il existe un polynôme à coefficients dans '''F'''<sub>''p''</sub> qui annule α (les puissances successives de α ne peuvent être indépendantes). Le polynôme unitaire à coefficients dans '''F'''<sub>''p''</sub> de plus petit degré qui annule α est appelé [[polynôme minimal (théorie des corps)|polynôme minimal]] de α sur '''F'''<sub>''p''</sub><ref>{{harvsp|Demazure 2008|p=208 et 211}}, ceci et ce qui suit se généralise à un sous-corps autre que le sous-corps premier, voir {{harvsp|Lidl|Niederreiter|1997|p=51-54}}.</ref>. Il est nécessairement irréductible et engendre l'idéal des polynômes annulateurs de α. Les coefficients du polynôme étant invariants par l'automorphisme de Frobenius et ses itérés, les α<sup>''p<sup>i</sup>''</sup> sont également des racines de ce polynôme. On montre qu'il n'y en a pas d'autre.

'''Proposition. — ''' ''Soit P polynôme minimal de degré r sur '''F'''<sub>p</sub> de α élément d'un corps '''F'''<sub>q</sub> de caractéristique p. Alors toutes les racines de P sont simples et ce sont exactement'' :
:α, α<sup>''p''</sup>, α<sup>''p''<sup> 2</sup></sup>..., α<sup>''p''<sup> ''r'' – 1</sup></sup>.
Il suffit de montrer que ces ''r'' racines sont distinctes. Soient 0 < ''i'' ≤ ''j'' < r et α<sup>''p<sup>i</sup>''</sup> = α<sup>''p<sup>j</sup>''</sup>, alors, en élévant à la puissance idoine, α<sup>''p<sup>r–j+i</sup>''</sup> = α, donc ''P'' divise ''X<sup>p<sup>r–j+i</sup></sup> – X'' (résultat préliminaire du paragraphe précédent), donc (proposition précédente) ''r'' divise ''r – j'' + ''i'', donc ''i'' = ''j''<ref>{{harvsp|Demazure 2008|p=211}} ; {{harvsp|Lidl|Niederreiter|1997|p=53}} pour cette démonstration.</ref>.

Tout polynôme unitaire ''P'' irréductible sur '''F'''<sub>''p''</sub> est le polynôme minimal de la classe de ''X'' dans son [[corps de rupture]] '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P''), qui contient donc toutes les racines de ''P''. La démonstration vaut pour n'importe quel corps fini (pas nécessairement premier), c'est-à-dire que

'''Proposition. —''' ''Le [[corps de rupture]] d'un polynôme irréductible sur un corps fini est aussi son [[corps de décomposition]].''

Les α, α<sup>''p''</sup>, α<sup>''p''<sup>2</sup></sup>, ..., α<sup>''p''<sup>''r''–1</sup></sup>, les éléments ayant même polynôme minimal sur '''F'''<sub>''p''</sub> que α, sont appelés ''[[Élément conjugué|conjugués]]'' de α par rapport à '''F'''<sub>''p''</sub><ref>{{harvsp|Lidl|Niederreiter|1997|p=53}}.</ref>. Ce sont aussi les images de α par les ''n'' automorphismes de '''F'''<sub>''q''</sub>. Ces images sont distinctes si et seulement si le degré ''r'' du polynôme minimal de α égale le degré ''n'' de l'extension '''F'''<sub>''q''</sub> de '''F'''<sub>''p''</sub>.

Le polynôme minimal d'un élément primitif (au sens racine primitive de l'unité) de '''F'''<sub>''q''</sub> est appelé ''polynôme primitif''<ref>On parle également en algèbre de {{Page h'|polynôme primitif}} en un tout autre sens, voir par exemple l'article [[Arithmétique des polynômes]].</ref>, c'est nécessairement un polynôme irréductible de degré ''n'' dont les racines sont les ''n'' conjugués (distincts) d'une racine particulière α, soit α, α<sup>''p''</sup>, α<sup>''p''{{2}}</sup>, ..., α<sup>''p''<sup>''n''–1</sup></sup>.

On va voir dans la section suivante que les polynômes primitifs sur '''F'''<sub>''p''</sub> sont aussi les facteurs irréductibles du [[polynôme cyclotomique]] d'indice ''p''<sup>''n''</sup> – 1 sur ce même corps.

=== Polynômes primitifs et polynômes cyclotomiques ===
[[Image:Corps fini racine de l'unité.jpg|vignette|droite|Illustration graphique du groupe multiplicatif de '''F'''<sub>4</sub>.]]
Soit ''p'' un nombre premier, ''n'' un entier strictement positif et ''q = p<sup>n</sup>''.
On a déduit du [[théorème de Lagrange sur les groupes|théorème de Lagrange]] que tout élément non nul de '''F'''<sub>''q''</sub> est [[racine de l'unité]], et donc racine du polynôme ''X''<sup>''q''-1</sup> - 1. Cette propriété est illustrée sur la figure de droite, les trois éléments non nuls de '''F'''<sub>4</sub> sont les trois racines de l'unité.

Les [[polynôme cyclotomique|polynômes cyclotomiques]] étant à coefficients entiers, ils s'interprètent aussi dans les corps finis<ref>En fait dans n'importe quel anneau, voir {{harvsp|Demazure 2008|p=214}}.</ref>, mais alors qu'ils sont irréductibles dans '''Q''', ils ne le sont plus forcément dans un sous-corps premier '''F'''<sub>''p''</sub><ref>De façon plus formelle, on peut distinguer, comme dans l'article [[polynôme cyclotomique]], voir aussi {{harvsp|Perrin|1981}}, le polynôme cyclotomique Φ<sub>''r''</sub> usuel qui est dans '''Z'''[X], de son image Φ<sub>''r'','''F'''<sub>''p''</sub></sub> dans '''F'''<sub>''p''</sub>[''X''], ''p'' premier, dont les coefficients sont les mêmes entiers pris modulo ''p''.</ref> (voir la section [[#Exemples|Exemples]]).
Dans '''Z'''[''X''], ''X''<sup>''q''–1</sup> – 1 est le produit des [[polynôme cyclotomique|polynômes cyclotomiques]] dont l'indice divise ''q'' – 1, et ceci passe à '''F'''<sub>''p''</sub>. Par ailleurs un polynôme irréductible ''P'' de degré strictement supérieur à 1 est tel que '''F'''<sub>''p''</sub>[''X'']/(''P'') est un corps fini, et ''P'', polynôme minimal d'un élément de ce corps, divise ''X''<sup>''q''–1</sup> – 1, donc<ref>{{harvsp|Demazure 2008|loc=§ 9.2.5}}, {{p.|217}}.</ref> :
* Tout polynôme irréductible de '''F'''<sub>''p''</sub>[''X''] autre que ''X'' divise un polynôme cyclotomique.
Si φ désigne la fonction [[indicatrice d'Euler]] il existe exactement φ(''q'' – 1) éléments primitifs dans '''F'''<sub>''q''</sub>. Comme par définition ces éléments ne sont pas racines de ''X<sup>d</sup>'' – 1, donc de Φ<sub>''d''</sub> pour ''d'' < ''q'' – 1, ce sont les racines du polynôme cyclotomique Φ<sub>''q'' – 1</sub>. Les polynômes primitifs, qui sont les polynôme minimaux (sur '''F'''<sub>''p''</sub>) de ces éléments primitifs, divisent donc Φ<sub>''q'' – 1</sub>.

La relation « avoir même polynôme minimal sur '''F'''<sub>''p''</sub> » est une [[relation d'équivalence]], dont chaque classe possède pour cardinal le degré du polynôme irréductible associé (voir la section [[#Polynôme minimal]], ou plus simplement dans le cas particulier des polynômes primitifs la section [[#Groupe multiplicatif et conséquences]]). On a donc :
* ''le polynôme cyclotomique d'indice p<sup>n</sup>'' – 1 ''est le produit des polynômes primitifs de degré n sur'' '''F'''''<sub>p</sub>''.
* ''Il existe exactement'' φ(''q'' – 1) ''éléments primitifs dans'' '''F'''<sub>''q''</sub>, ''correspondant à'' φ(''q'' – 1)/''n polynômes primitifs sur son corps premier'' '''F'''<sub>''p''</sub>.
On déduit en particulier de l'existence d'un corps fini de cardinal ''p<sup>n</sup>'' pour tout entier ''n'', que le polynôme cyclotomique d'indice ''p<sup>n</sup>'' – 1 est toujours le produit de polynômes irréductibles de même degré ''n'' sur '''F'''<sub>''p''</sub>. Ce résultat peut se démontrer directement, en utilisant seulement l'existence du [[corps de rupture]] d'un polynôme, et alors on a une autre preuve d'existence d'un corps fini de cardinal ''p<sup>n</sup>'' (qui suppose connus les résultats de base sur les polynômes cyclotomiques usuels)<ref name="Demazure217">voir {{harvsp|Demazure 2008|p=217-219}}, qui démontre directement la décomposition en facteurs irréductibles de même degré pour les polynômes cyclotomiques en général.</ref>. En fait tout polynôme cyclotomique se décompose sur '''F'''<sub>''p''</sub> en facteurs irréductibles de même degré<ref>Voir {{harvsp|Demazure 2008|p=217-219}}, et l'article « [[Polynôme cyclotomique]] ».</ref>.

Il peut y avoir d'autres polynômes irréductibles de degré ''n'' que les polynômes primitifs. Par exemple dans '''F'''<sub>9</sub>, on a
<center>''X''<sup>8</sup> – 1 = (''X'' – 1)(''X'' + 1)(''X''{{2}} + 1)(''X''{{2}} + ''X'' + 2)(''X''{{2}} + 2''X'' + 2),</center>
et ''X''{{2}} + 1, bien qu'irréductible, n'est le polynôme minimal d'aucun des 4 éléments primitifs (voir aussi ci-dessous l'exemple de '''F'''<sub>16</sub>).

Remarque : on peut définir directement le polynôme cyclotomique d'indice ''r'' sur un corps fini ''K'' de caractéristique ''p'' pour ''r'' qui n'est pas un multiple de ''p'', à partir des racines ''r''-ième de l'unité dans une extension de ''K'' où ''X<sup>r</sup>'' - 1 est [[Racine d'un polynôme#Définitions connexes|scindé]]. Leur étude se mène alors de la même façon que celle des polynômes cyclotomiques usuels sur '''Q'''<ref>voir l'article détaillé, et par exemple {{harvsp|Lidl|Niederreiter|1997|p=63-66}}, bien que consacré aux corps finis, étudie les polynômes cyclotomiques en toute caractéristique, nulle comprise.</ref>.
{{article détaillé|Polynôme cyclotomique}}

=== Exemples ===
==== Caractéristique deux ====
Il existe sur '''F'''{{ind|2}} exactement deux polynômes de degré 1, dont l'un — le [[polynôme cyclotomique]] d'indice 1 sur '''F'''{{ind|2}} — est primitif :
<center><math>X\quad\text{et}\quad\Phi_{1,F_2}(X)=X-1.</math></center>

Les racines du (ou des) polynôme(s) de degré 2 irréductibles sur '''F'''{{ind|2}} sont les éléments de '''F'''{{ind|2{{2}}}} = '''F'''<sub>4</sub> qui n'appartiennent pas à '''F'''{{ind|2}}. Ce sont donc les 2 générateurs du groupe multiplicatif '''F'''<sub>4</sub>* à trois éléments. Par conséquent, il existe en fait un unique polynôme irréductible de degré 2 sur '''F'''{{ind|2}}, il est primitif, et c'est le polynôme cyclotomique d'indice trois :
<center><math>\Phi_{3,F_2}(X)=X^2+X+1.</math></center>

Les racines des polynômes de degré 3 irréductibles sur '''F'''{{ind|2}} sont les éléments de '''F'''{{ind|2{{3}}}} = '''F'''<sub>8</sub> qui n'appartiennent pas à son unique sous-corps '''F'''{{ind|2}}. Ce sont donc les 6 générateurs du groupe multiplicatif '''F'''<sub>8</sub>* à sept éléments. Par conséquent, il existe exactement 6/3 = 2 polynômes irréductibles de degré 3 sur '''F'''{{ind|2}}, ils sont primitifs, et leur produit est le polynôme cyclotomique d'indice sept. Ce sont donc les deux facteurs de :
<center><math>\Phi_{7,F_2}(X)=X^6+X^5+X^4+X^3+X^2+X+1=(X^3+X+1)(X^3+X^2+1).</math></center>

Les racines des polynômes de degré 4 irréductibles sur '''F'''{{ind|2}} sont les éléments de '''F'''{{ind|2{{4}}}} = '''F'''<sub>16</sub> qui n'appartiennent pas au sous-corps intermédiaire '''F'''<sub>4</sub>. Ce sont donc, dans le groupe multiplicatif '''F'''<sub>16</sub>* à quinze éléments, les 12 dont le cube n'est pas 1. Par conséquent, il existe exactement 12/4 = 3 polynômes irréductibles de degré 4 sur '''F'''{{ind|2}}. Parmi leurs 12 racines, 8 sont d'[[ordre (théorie des groupes)|ordre]] quinze (i.e. sont des générateurs du groupe) car φ(15) = 8, donc parmi ces trois polynômes, deux seulement sont primitifs et leur produit est le polynôme cyclotomique d'indice quinze. Ce sont donc les deux facteurs de :
<center><math>\Phi_{15,F_2}(X)=X^8+X^7+X^5+X^4+X^3+X+1=(X^4+X+1)(X^4+X^3+1).</math></center>
Les 4 racines restantes sont d'ordre cinq, donc le polynôme irréductible de degré 4 non primitif est le polynôme cyclotomique d'indice cinq :
<center><math>\Phi_{5,F_2}(X)=X^4+X^3+X^2+X+1.</math></center>

==== Caractéristique trois ====
Il existe sur '''F'''<sub>3</sub> trois polynômes unitaires de degré un, dont deux sont les polynômes cyclotomiques d'indices un et deux :
<center><math>X,\quad\Phi_{1,F_3}(X)=X-1\quad\text{et}\quad\Phi_{2,F_3}(X)=X+1.</math></center>
L'extension d'ordre neuf contient six éléments hors du corps premier ; elle est de dimension deux, il existe donc exactement trois polynômes irréductibles. Le groupe multiplicatif est d'ordre huit et contient quatre éléments générateurs. Deux des polynômes irréductibles sont primitifs, le dernier est le polynôme cyclotomique d'ordre quatre.
<center><math>\Phi_{8,F_3}(X)=(X^2+X-1)(X^2-X-1)\quad\text{et}\quad\Phi_{4,F_3}(X)=X^2+1</math></center>
L'extension d'ordre vingt-sept contient un unique sous-corps : le corps premier. Il existe donc 24 éléments hors de tout sous-corps et 24/3 = 8 polynômes irréductibles de degré 3. Le groupe multiplicatif contient vingt-six éléments dont 12 générateurs. Par conséquent, parmi les huit polynômes irréductibles de degré 3, 12/3=4 sont primitifs et ce sont les quatre facteurs de :
<center><math>\Phi_{26,F_3}(X)=(X^3-X+1)(X^3+X^2-X+1)(X^3-X^2+1)(X^3-X^2+X+1).</math></center>
Les quatre polynômes irréductibles de degré 3 non primitifs sont polynômes minimaux des 12 éléments d'ordre treize du groupe multiplicatif. Ce sont donc les 12/3 = 4 facteurs de :
<center><math>\Phi_{13,F_3}=(X^3-X-1)(X^3+X^2+X-1)(X^3+X^2-1)(X^3-X^2-X-1).</math></center>

== Histoire ==
[[Image:Evariste galois.jpg|vignette|droite|[[Évariste Galois]] publie en 1830 l'article fondateur de la théorie des corps finis.]]
La théorie des corps finis se développe dans un premier temps, comme l'étude des congruences, [[congruence sur les entiers|sur des entiers]] et sur des [[polynôme formel|polynômes]], puis à partir de la toute fin du {{s-|XIX|e}}, dans le cadre d'une théorie générale des corps commutatifs.
=== Congruences et imaginaires de Galois ===
L'étude des corps finis premiers est traité systématiquement, sous forme de congruences, par [[Carl Friedrich Gauss|Gauss]] dans ses ''[[Disquisitiones arithmeticae]]'' parues en 1801, mais beaucoup de ces propriétés avaient déjà été établies par entre autres [[Pierre de Fermat|Fermat]], [[Leonhard Euler|Euler]], [[Joseph-Louis Lagrange|Lagrange]] et [[Adrien-Marie Legendre|Legendre]]<ref name="Lidl1">{{harvsp|Lidl|Niederreiter|1997|p=73}}.</ref>.

En 1830, [[Évariste Galois]] publie<ref>É. Galois, « Sur la théorie des nombres », ''Bulletin des sciences mathématiques de M. Férussac'', vol. 13, 1830, {{p.|428-435}}, repris dans le ''[[Journal de mathématiques pures et appliquées]]'', vol. 11, 1846, {{p.|398-407}}, {{Gallica|id=bpt6k290623.image.f32.langFR}}.</ref> ce qui est considéré comme l'article fondateur de la théorie générale des corps finis<ref name="Lidl1"/>. Galois, qui déclare s'inspirer des travaux de Gauss sur les congruences entières, traite de congruences polynomiales, pour un polynôme irréductible à coefficients pris eux-mêmes modulo un nombre premier ''p''. Plus précisément Galois introduit une racine imaginaire d'une congruence ''P''(''x'') = 0 modulo un nombre premier ''p'', où ''P'' est un polynôme irréductible modulo ''p''. Il note ''i'' cette racine et travaille sur les expressions :
<center> ''a'' + ''a''<sub>1</sub> ''i'' + ''a''<sub>2</sub> ''i''<sup>2</sup> + … + a<sub>''n''–1</sub> ''i''<sup>''n''–1</sup> où ''n'' est le degré de ''P''.</center>
Retraduit en termes modernes, Galois montre que ces expressions forment un corps de cardinalité ''p<sup>n</sup>'', et que le groupe multiplicatif est cyclique {{harv|Kleiner 1999, I|p=683}}. Il remarque également qu'un polynôme irréductible qui a une racine dans ce corps, a toutes ses racines dans celui-ci, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une [[extension normale]] de son sous-corps premier {{harv|Lidl|Niederreiter|1997|p=75}}. Il utilise l'identité donnée par ce qui a été appelé depuis l'automorphisme de Frobenius {{harv|Van der Waerden|1985|p=111}}. En 1846, [[Joseph Liouville|Liouville]], en même temps qu'il fait publier le fameux mémoire de Galois sur la résolution des [[Équation polynomiale|équations polynomiales]], fait republier cet article dans son ''[[Journal de mathématiques pures et appliquées]]''.

Il s'avère qu'en fait Gauss a mené des travaux au moins aussi complets sur le même sujet trente ans auparavant, quand il préparait ses ''[[Disquisitiones arithmeticae]]'' (cf. {{harvsp|Frei 2007}}). Plutôt que d'introduire une racine imaginaire comme Galois, il travaille directement sur des polynômes, avec une double congruence, modulo ''p'' premier pour les coefficients, et modulo un polynôme irréductible (mais il mentionne que l'introduction de racines simplifierait la présentation). Il prépare un chapitre sur le sujet, qu'il met en attente pour une seconde partie qui ne paraîtra jamais de son vivant. Ce travail restera inconnu jusqu'à la parution posthume de l'édition de ses œuvres en 1863<ref>G. Frei {{harv|Frei 2007}} montre qu'il était très probablement ignoré de [[Richard Dedekind|Dedekind]], ancien étudiant de Gauss, et éditeur de ses œuvres complètes, avant 1860.</ref>. C'est donc l'article de Galois qui est à l'origine des développements du {{s-|XIX|e}} sur les corps finis. Ainsi [[Joseph-Alfred Serret|Serret]]<ref>J. A. Serret, ''Cours d'algèbre supérieure'', {{2e}} éd., 1854, {{Google Livres|A_U3AAAAMAAJ|aperçu}}, {{refinc|date=14/10/2016|p...}}.</ref> donne une démonstration de l'existence d'un polynôme irréductible pour tout degré ''n'' et modulo tout nombre premier ''p'', en termes modernes l'existence d'un corps fini de cardinal ''p<sup>n</sup>'' (à cause de l'utilisation des imaginaires de Galois, la rigueur de celle-ci sera contestée par Dickson — cf. {{harvsp|Dickson||p=240}}). Il faut cependant mentionner également deux articles sur le sujet de [[Theodor Schönemann]] en 1845 et 1846, moins aboutis que ceux de Gauss et Galois, mais qui purent influencer [[Leopold Kronecker|Kronecker]] {{harv|Frei 2007|p=72}}.

=== Théorie des corps ===
[[Image:Moore Eliakim 2.jpeg|vignette|droite|upright=1.1|[[E. H. Moore]] montre en 1893 qu'un corps commutatif fini peut toujours se définir à la façon de [[Évariste Galois|Galois]], en termes modernes, comme le [[corps de rupture]] d'un polynôme irréductible.]]
En 1893, le mathématicien américain [[Eliakim Hastings Moore|E. H. Moore]] démontre qu'un corps (commutatif) fini est caractérisé par son cardinal<ref name="Lidl1"/>{{,}}<ref>Résultat annoncé dans {{Article|lang=en|auteur=[[Eliakim Hastings Moore|E. H. Moore]]|titre=A doubly-infinite system of simple groups|périodique=Bull. New York Math. Soc.|volume=3|pages=73-78|année=1893|url=http://projecteuclid.org/DPubS/Repository/1.0/Disseminate?view=body&id=pdf_1&handle=euclid.bams/1183407788}} et démontré dans un article paru sous le même titre in ''Math. Papers Read at the [[Congrès international des mathématiciens|International Mathematical Congress]], Chicago, 1893'', Chicago, 1896, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99447r/f227.image.pagination {{p.|208-242}}].</ref> ; un corps fini est un ensemble de symboles, de cardinal fini ''s'', muni des quatre opérations {{Citation|sujettes aux identités ordinaires de l'algèbre abstraite<ref>{{Citation étrangère|lang=en|these operations being subject to the ordinary abstract operational identities of algebra.}}</ref>}}, sans plus de précision. Moore montre qu'un tel corps est « la forme abstraite » d'un « champ de Galois » (en anglais : ''{{Langue|en|Galois field}}'') de cardinal ''s = p<sup>n</sup>'' défini à la façon de l'article de Galois, et du livre de Serret cités ci-dessus. La première présentation moderne de la théorie des corps finis est due à son ancien étudiant [[Leonard Eugene Dickson|L. E. Dickson]] en 1901<ref>{{en}} [[Leonard Eugene Dickson|L. E. Dickson]], ''Linear Groups: With an Exposition of the Galois Field Theory'' (1901), rééd. Dover 2003 {{ISBN|978-0-486-49548-4}}, Cosimo, 2007 {{ISBN|978-1-60206-287-0}}.</ref>{{,}}<ref name="Lidl1"/>. [[Joseph Henry Maclagan Wedderburn|Joseph Wedderburn]], qui séjourne à l'[[université de Chicago]] en 1904-1905, y travaille en étroite collaboration avec Dickson<ref>{{Article|lang=en|url=http://www.ams.org/journals/bull/2000-37-04/S0273-0979-00-00873-9/S0273-0979-00-00873-9.pdf|auteur=[[Karen Parshall|K Parshall]]|titre=Perspectives on american mathematics|périodique=Bulletin AMS|année=2000|volume=37|numéro=4|pages=381–405}}, {{p.|393}}.</ref>. Il démontre en 1905 qu'[[théorème de Wedderburn|il n'existe pas de corps fini non commutatif]]. La structure des corps finis est entièrement élucidée.

Parallèlement, [[Heinrich Weber (mathématicien)|Heinrich Weber]] donne une première approche vraiment axiomatique de la théorie des corps (commutatifs) dans un article de 1893<ref>{{Article|auteur=[[Heinrich Weber (mathématicien)|H. Weber]]|lang=de|titre=Die allgemeinen Grundlagen der Galois’schen Gleichungstheorie|périodique=[[Mathematische Annalen]]|année=1893|volume=43|pages=521–549|url=http://gdz.sub.uni-goettingen.de/en/dms/load/img/?PPN=PPN235181684_0043&DMDID=dmdlog36}}, son but est de donner une présentation générale de la théorie de Galois, son axiomatisation des corps n'est pas tout à fait complète, il oublie (mais utilise) l'associativité de la multiplication, lire {{harvsp|Kleiner 1999, II|p=860}}.</ref>. Il souhaite ainsi unifier des notions apparues précédemment dans différents champs mathématiques, dont ce que nous appelons maintenant les corps finis {{harv|Kleiner 1999, II|p=860}}. Le terme de corps (en allemand : ''{{Langue|de|Körper}}'') est lui-même repris de [[Richard Dedekind]]<ref>[[Richard Dedekind|R. Dedekind]], ''Gesammelte mathematische Werke'', d'après {{Bourbaki}}, {{p.|106}}, réf. 79.</ref>, qui l'avait introduit pour les sous-corps des réels ou des complexes, définis comme des sous-ensembles stables par les quatre opérations usuelles<ref>Dans un supplément de sa seconde édition des leçons sur la théorie des nombres ''({{Langue|de|Vorlesungen über Zahlentheorie}}'') de [[Dirichlet]], voir {{harvsp|Kleiner 1999, I|p=680}}.</ref>. Le traitement moderne de la théorie des corps commutatifs (avec les corps finis comme cas particuliers), fondé sur la définition axiomatique actuelle, est développé par [[Ernst Steinitz]] en 1910 dans un mémoire célèbre<ref>{{Article| langue=de|auteur=[[Ernst Steinitz]]|titre=Algebraische Theorie der Körper | périodique=[[Journal für die reine und angewandte Mathematik|J. reine angew. Math.]]| volume=137 | année=1910 | pages=167–309| url texte=http://resolver.sub.uni-goettingen.de/purl?GDZPPN002167042}}, {{Citation|travail fondamental qui peut être considéré comme ayant donné naissance à la conception actuelle de l'Algèbre}} pour {{Bourbaki}} {{p.|109}} de l'édition Springer.</ref>.

=== Applications théoriques ===
Les corps finis sont, en particulier, utilisés en [[arithmétique]], au fondement par exemple de l'[[arithmétique modulaire]], laquelle a permis à [[Carl Friedrich Gauss|Gauss]] de démontrer<ref>C. F. Gauss, ''Disquisitiones Arithmeticae'', 1801.</ref> la [[loi de réciprocité quadratique]]. La structure de corps intervient notamment dans la résolution d'[[équation diophantienne|équations diophantiennes]] (voir section [[#Applications]]). Le [[petit théorème de Fermat]] est un exemple archétypal.

[[Emil Artin|Artin]] utilise le fait qu'un contexte naturel des lois de réciprocité est celui des corps finis. C'est l'un des outils qui lui permettent de résoudre le [[neuvième problème de Hilbert]]. Il initie l'analyse de l'équivalent de la [[fonction zêta de Riemann]] sur les corps finis. La ''[[géométrie arithmétique]]'' se généralise sur des structures finies. Cette approche est particulièrement active durant la seconde moitié du {{s-|XX}}. [[André Weil]] généralise la démarche aux [[Courbe algébrique|courbes algébriques]] et [[Pierre Deligne]] aux [[Variété algébrique|variétés algébriques]]. Les [[conjectures de Weil]] sur les variétés sur des corps finis, énoncées en 1940 par André Weil, font partie des problèmes importants de cette époque. Démontrées en 1974, elles ouvrent la voie au [[théorème de Taniyama-Shimura]] démontré par [[Andrew Wiles]] et ayant pour conséquence le [[dernier théorème de Fermat]], souvent cité dans les [[médiation scientifique|articles de vulgarisation]].

=== Applications pratiques ===
[[Image:voyager2.jpg|droite|vignette|[[Voyager 2]] utilise le code Reed-Solomon fondé sur la théorie des corps finis pour communiquer.]]
Après la [[Seconde Guerre mondiale]] et pour les besoins des [[laboratoires Bell]], [[Claude Shannon]] formalise la [[théorie de l'information]] comme une branche des mathématiques<ref>{{en}} C. Shannon, « A mathematical theory of communication », ''Bell Syst. Tech. J.'', vol. 27, juil. et oct. 1948, {{p.|379-423}} et 623-656.</ref>, posant les problématiques de la [[Sécurité du système d'information|sécurité]]<ref>{{en}} C. Shannon, « Communication Theory of Secrecy Systems », ''Bell Syst. Tech. J.'', vol. 28, oct. 1949, {{p.|656-715}}.</ref> et de la [[fiabilité]] des transmissions.

La [[cryptologie]] s'appuie sur la possibilité de générer rapidement de grands [[nombre premier|nombres premiers]]. La confidentialité d'un message est assurée par l'insurmontable difficulté technique actuelle de casser des entiers, c'est-à-dire d'effectuer un [[Algorithmique|algorithme]] permettant de [[théorème fondamental de l'arithmétique|décomposer un nombre en facteurs premiers]] en un temps raisonnable. Une recherche active cherche à créer de nouveaux algorithmes allant en ce sens. Ainsi, [[Michael Rabin]] publie<ref>{{en}} M. Rabin, « Probabilistic Algorithm for Testing Primality », ''J. Number Th.'', vol. 12, 1980, {{p.|128-138}}.</ref> un [[test de primalité de Miller-Rabin|test de primalité]] se fondant sur les propriétés du [[groupe (mathématiques)|groupe]] multiplicatif des corps premiers.

La fiabilité traite de la capacité à transmettre sans erreur un message malgré des altérations dans la communication, elle est traitée par la théorie des [[code correcteur|codes correcteurs]]. En 1950, [[Richard Hamming]] travaille pour les laboratoires Bell avec Shannon sur ce sujet. Il utilise<ref>{{en}} R. Hamming, « Error-detecting and error-correcting codes », ''Bell Syst. Tech. J.'', vol. 29, 1950, {{p.|147-160}}.</ref> des [[espace vectoriel|espaces vectoriels]] de [[dimension d'un espace vectoriel|dimension]] finie sur des corps finis pour formaliser un cadre opérationnel à la théorie et trouver les premiers exemples de codes correcteurs optimaux. Cette approche donne naissance à la théorie des [[code linéaire|codes linéaires]].

En 1960, [[Raj Chandra Bose]] et [[Dwijendra Kumar Ray-Chaudhuri]] montrent<ref>{{en}} R. C. Bose et D. K. Ray-Chaudhuri, « On a class of error-correcting binary group codes », ''Inform. Control'', vol. 3, 1960, {{p.|68-79}}.</ref> que des idéaux de l'anneau des polynômes sur les corps finis de [[Caractéristique d'un anneau|caractéristique]] 2 sont particulièrement adaptés. La théorie est généralisée<ref>A. Hocquenghem, ''Codes correcteurs d'erreurs'', Chiffre, 1959.</ref> par [[Alexis Hocquenghem]] et donne naissance à la famille de [[code BCH|codes BCH]]. Deux autres fondateurs de la théorie, [[Irving Reed]] et [[Gustave Solomon]], enrichissent la méthode<ref>{{en}} I. Reed et G. Solomon, « Polynomial codes over certain finite fields », ''J. [[Society for Industrial and Applied Mathematics|Soc. Indus. Appl. Math.]]'', vol. 8, {{n°|2}}, 1960, {{p.|300-304}}.</ref> et créent des codes à même de résister à de grosses altérations, les [[code de Reed-Solomon|codes de Reed-Solomon]]. Les applications les plus connues sont probablement le système de communication de certaines sondes de la [[National Aeronautics and Space Administration|NASA]] comme [[Programme Voyager|Voyager]] ou les [[disque compact|disques compacts]]. Durant les années 1970, les résultats d'arithmétique avancés sur les [[courbe elliptique|courbes elliptiques]] des corps finis trouvent leur application<ref>{{en}} {{Lien|Valery Goppa}}, « Codes associated with divisors », ''Problems of Information Transmission'', vol. 12, {{n°|1}}, 1977, {{p.|22-27}}.</ref> avec, par exemple, les [[code de Goppa|codes de Goppa]].

== Applications ==
=== Équation diophantienne ===
{{Article détaillé|Théorème des deux carrés de Fermat}}
[[Image:Dedekind.jpeg|vignette|gauche|Richard Dedekind.]]
Une équation diophantienne est une équation à coefficients [[entier naturel|entiers]] où des solutions entières sont recherchées. [[Pierre de Fermat]] s'est longuement penché sur des équations de cette nature.

Le [[petit théorème de Fermat]] stipule que, si ''p'' est premier, alors tout entier à la puissance ''p'' est congru modulo ''p'' à cet entier. Dans le contexte des corps finis, cela revient à indiquer que les points fixes de l'automorphisme de Frobenius sont les éléments du corps premier, ou que le groupe multiplicatif de ce dernier est cyclique d'ordre ''p'' – 1.

Fermat remarque que les seuls nombres premiers, somme de deux carrés, sont ceux dont la division par quatre donne un pour reste. Il remarque en effet que:
<center><math>5 = 1^2 + 2^2, \quad 13 = 2^2 + 3^2, \quad 17 = 1^2 + 4^2, \quad 29 = 2^2 + 5^2, \quad 37 = 1^2 + 6^2, \quad 41 = 4^2 + 5^2.</math></center>
Il propose l'équation ''a''{{2}} + ''b''{{2}} = ''p'' avec ''p'' premier dans une lettre écrite à [[Marin Mersenne]], datée du 25 décembre 1640.

[[Richard Dedekind|Dedekind]] propose une démonstration<ref>R. Dedekind, ''Supplément XI des Leçons en théorie des nombres de Dirichlet'', 1894.</ref> dont la première partie consiste à étudier l'équation sur le corps ''F''<sub>p</sub>. Il utilise les propriétés du groupe multiplicatif et celles des polynômes à coefficients dans un corps. L'équation devient ''a''{{2}} + ''b''{{2}} = 0. Si ''b'' est égal à 0 alors ''a'' l'est aussi et la solution est triviale. Dans le cas contraire. Il est possible de diviser par ''b'' car la structure sous-jacente est celle d'un corps, l'équation devient alors ''X''{{2}} + 1 = 0. En multipliant le polynôme précédent par ''X''{{2}} – 1, il obtient l'équation ''X''{{4}} – 1 = 0. Les propriétés du groupe multiplicatif donnent une [[Équivalence logique|condition nécessaire et suffisante]] sur ''p'' : il doit être congru à 1 modulo 4. La fin de la démonstration n'utilise pas les corps finis ; elle est donnée dans l'article associé.

Cette méthode, consistant à ''réduire'' l'équation dans le corps premier est fréquente. Le corps possède une structure plus forte et l'on dispose de nombreux théorèmes pour conclure.

=== Code correcteur ===
{{Article détaillé|Code correcteur|Code linéaire|Code cyclique}}

Les codes correcteurs ont leur source dans un problème très concret lié à la [[transmission de données]] : dans certains cas, une transmission de données se fait en utilisant une voie de communication qui n'est pas entièrement fiable ; autrement dit, les données, lorsqu'elles circulent sur cette voie, sont susceptibles d'être altérées. L'objectif d'un code correcteur est l'apport d'une redondance de l'information de telle manière que l'erreur puisse être détectée et même corrigée.

Un message est une suite finie de ''lettres'', qui dans le cas d'un code linéaire sont considérées comme des éléments d'un corps fini. Un message ''m'' apparaît comme un élément d'un espace vectoriel ''E'' sur un corps fini de dimension ''k''. L'apport de la redondance est le résultat d'une [[application linéaire]] injective φ de ''E'' dans un espace ''F'' appelé ''code'' et de dimension ''n'' supérieure à ''k''. Le ''mot du code'' transmis est l'élément φ(''m''). L'intérêt de transmettre φ(''m'') à la place de ''m'' est illustré par la figure suivante :

[[Image:Code correcteur.jpg|vignette|centré|upright=2|Illustration d'un code non correcteur et d'un code correcteur.]]

Si le message ''m'' est transmis, et si la transmission l'altère, alors le message reçu est erroné (comme illustré sur la figure de gauche) et le récepteur ne dispose d'aucun moyen pour repérer ou corriger l'erreur. Si l'application φ est astucieusement choisie, chaque point du code diffère des autres points du code par au moins ''d'' coordonnées. Cette situation est illustrée sur la figure de droite. Les points du code sont figurés en vert, la modification d'une coordonnée est symbolisée par un segment du quadrillage. On remarque sur la figure que les points du code diffèrent tous par au moins ''d'' = 3 coordonnées. Si, par exemple, l'altération porte sur une unique coordonnée, la transmission correspond à un point rouge. Le récepteur peut alors corriger l'erreur, car il n'existe qu'un seul point du code (en vert) à une ''distance'' égale à 1 du message reçu.

[[Image:Code correcteur parfait.jpg|vignette|droite|Illustration d'un code parfait.]]
L'application qui, à deux points de ''F'', associe le nombre de coordonnées distinctes est une [[Distance (mathématiques)|distance]] au sens mathématique, appelée ''[[distance de Hamming]]''. Si la distance de Hamming minimale entre deux points du code est égale à ''d'', alors le code est à même de corriger ''t'' altérations où ''t'' est le plus grand entier strictement plus petit que ''d''/2. Sur la figure ci-dessus, on remarque des points noirs. Ils correspondent à des redondances inutiles. Ils sont en effet à une distance égale à 2 des points du code, or une telle distance n'est pas traitable dans le cas de la figure.

L'ensemble des points corrigeables est donné par la réunion de toutes les [[Boule (mathématiques)|boules]] de centre un point du code et de rayon ''t''. La configuration idéale est celle où ces boules forment une [[Partition (mathématiques)|partition]] de ''F''. Il n'existe alors aucune redondance inutile. Cette situation est illustrée par la figure de droite. Les points du code sont illustrés en vert, la distance minimale ''d'' est égale à 5. Les boules de centre les points du code et de rayon 2 forment une partition de ''F''. Les points à distance 1 du code sont illustrés en bleu, ceux à distance 2 en rouge. Tout message contenant au plus deux altérations peut être corrigé. Un tel code est dit [[Code parfait|parfait]].

La théorie des corps finis permet de construire des codes parfaits. L'espace ''F'' est muni de la structure d'anneau '''F'''<sub>''d''</sub>[''X'']/''P''(''X'') où ''P''(''X'') = ''X<sup>n</sup>'' – 1 avec ''n'' = ''d<sup>a</sup>'' – 1 et ''a'' est un entier strictement positif. ''F'' correspond à l'ensemble des polynômes prenant des valeurs distinctes sur le corps ''F''<sub>n+1</sub>. Si φ(''E'') est l'idéal engendré par le polynôme ''G''(''X'') à coefficients dans ''F''<sub>''d''</sub> ayant pour racines α, α{{2}}, ..., α<sup>''d''–1</sup>, alors le code est de distance minimale ''d''. ''G''(''X'') est le produit de polynômes cyclotomiques. Le [[code BCH]] ou le [[code de Reed-Solomon]] utilise cette technique pour construire des codes parfaits. Si ''k'' est l'entier tel que ''n – k'' est égal au degré de ''G''(''X''), alors l'application φ associe au message ''M''(''X'') le polynôme ''M''(''X'')''X<sup>k</sup> – R''(''X'') où ''R''(''X'') est le reste de la division euclidienne de ''M''(''X'').''X<sup>k</sup>'' par ''G''(''X''). Les détails et démonstrations sont donnés dans l'article [[code cyclique]].

=== Géométrie arithmétique ===
{{Article détaillé|Géométrie arithmétique}}
== Notes et références ==
{{références}}

== Bibliographie ==
=== Mathématiques ===
* {{Ouvrage|nom1=[[Michel Demazure]]|titre=Cours d'algèbre. Primalité Divisibilité. Codes|année=2008|id=Demazure 2008|référence simplifiée=Référence:Cours d'algèbre (Demazure)}}
* {{Ouvrage|prénom1=Daniel|nom1=Perrin|lien auteur1=Daniel Perrin|titre=Cours d'algèbre|année=1981|référence=Référence:Cours d'algèbre (Daniel Perrin)}}
* {{Samuel1}}
* {{Serre1}}
* [[André Warusfel]], ''Structures algébriques finies'', Hachette, 1971
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Rudolf Lidl|auteur2=[[Harald Niederreiter]]|titre=Finite Fields|éditeur=[[Cambridge University Press|CUP]]|année=1997|numéro d'édition=2|pages totales=755|isbn=978-0-521-39231-0|présentation en ligne={{Google Livres|id=xqMqxQTFUkMC}}}}, contient également des notes historiques en fins de chapitres.

=== Histoire des mathématiques ===
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Leonard Eugene|nom1=Dickson|lien auteur1=Leonard Eugene Dickson|titre=History of the Theory of Numbers}} {{détail des éditions|Référence:Histoire de la théorie des nombres (Dickson)}} livre 1, en particulier le chapitre 8 ''Higher congruences'' et {{p.|233}} ''Theory of higher congruences, Galois imaginaries''.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1={{Lien|langue=de|fr=Günther Frei}}|titre=The Unpublished Section Eight : On the Way to Function Fields over a Finite Field|passage=159-198|id=Frei 2007}}, in {{Goldstein Schappacher Schwermer}}
* {{Article|lang=en|auteur=[[Israel Kleiner]]|titre=Field Theory: From Equations to Axiomatization — Part I|revue=[[The American Mathematical Monthly|Amer. Math. Monthly]]|vol=106|numéro=7|année=1999|p.=677-684|jstor=2589500|id=Kleiner 1999, I}} et {{Article|lang=en|auteur=Israel Kleiner|titre=— Part II|revue=ibid.|numéro=9|année=1999b|p.=859-863|jstor=2589621|id=Kleiner 1999, II}}, republiés dans {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Israel Kleiner|titre=A History of Abstract Algebra|éditeur=Birkhäuser|lieu=Boston|année=2007|pages totales=168|page=63-78|isbn=978-0-8176-4684-4|lire en ligne={{Google Livres|RTLRBK-wj6wC|page=63}}|titre chapitre=History of Field Theory}}
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=B. L.|nom1=Van der Waerden|lien auteur1=Bartel Leendert van der Waerden|titre=A History of Algebra, from Al-Khwarizmi to Emmy Noether|éditeur=Springer-Verlag|année=1985|pages totales=271|isbn=978-3-540-13610-1}}

== Voir aussi ==

=== Articles connexes ===
* [[Factorisation des polynômes#Algorithmes de décomposition|Factorisation des polynômes à coefficients dans les corps finis]]
* [[Algorithme de Berlekamp]]
* [[Algorithme de Cantor-Zassenhaus]]
* [[Corps quasi-algébriquement clos]]
* {{Lien|langue=en|trad=Artin–Zorn theorem|fr=Théorème d'Artin-Zorn}}
* [[Corps à un élément]]
* [[Corps quasi-fini]]

=== Liens externes ===
* {{Autorité}}
* {{Dictionnaires}}
* [http://www.math.polytechnique.fr/xups/xups93.pdf Codes géométriques algébriques et arithmétique sur les corps finis], journées X-UPS 1993, [[Centre de mathématiques Laurent-Schwartz|Centre de mathématiques de l'École polytechnique]]
* {{Lien archive|horodatage archive=20090419213641|url=http://www.dma.ens.fr/~madore/mpri2005/mpri2005-4.pdf|titre=Corps finis, cours|auteur=David Madore}} et {{Lien web|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.dma.ens.fr%2F~madore%2Falgebre2%2Ff-2006-03-nocorr.pdf<!--https://web.archive.org/web/20140715033647/http://www.math.ens.fr/~madore/algebre2/f-2006-03-nocorr.pdf-->|titre=TD}}
* {{Lien archive|horodatage archive=20070509035813|url=http://www.dma.ens.fr/~madore/agreg/factor.pdf|titre=Factorisation de polynômes sur les corps finis|auteur=David Madore}}

{{Palette|Théorie de Galois}}

{{Portail|algèbre}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=21533921|date=9 octobre 2007}}

[[Catégorie:Corps fini| ]]