Voir la source de E (nombre)

{{Minuscule}}
{{Voir homonymes| E| Liste de sujets portant le nom de Leonhard Euler#Nombres{{!}}Nombre d'Euler (homonymie)}}

[[Fichier:Hyperbola E.svg|vignette|redresse|L’aire sous l’[[Hyperbole (mathématiques)|hyperbole]] est égale à 1 sur l’[[Intervalle (mathématiques)|intervalle]] {{math|[1, e]}}.]]
Le '''nombre {{math|e}}''' est la base des [[logarithme népérien|logarithmes naturels]], c'est-à-dire le [[nombre]] défini par <math>\ln(\mathrm e)=1</math>. Cette [[Table de constantes mathématiques|constante mathématique]]<ref group=alpha>La typographie des constantes mathématiques requiert l’utilisation de la [[romain (typographie)|police romaine]], pour réserver l’[[italique (typographie)|italique]] aux variables.</ref>, également appelée '''[[Liste de sujets portant le nom de Leonhard Euler#Nombres|nombre d'Euler]]''' ou '''constante de Néper''' en référence aux mathématiciens [[Leonhard Euler]] et [[John Napier]]<ref group=alpha>Par une [[John Napier#À propos de son nom|variante orthographique de son nom]].</ref>, vaut [[#Décimales connues|environ 2,71828]].

Ce nombre est défini à la fin du {{s-|XVII}}, dans une correspondance entre [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]] et [[Christian Huygens]], comme étant la [[logarithme|base]] du [[logarithme népérien|logarithme naturel]]. Autrement dit, il est caractérisé par la relation <math>\ln(\mathrm e)=1</math> ou de façon équivalente il est l'image de 1 par la [[fonction exponentielle]], d'où la notation <math>\exp(x)=\mathrm e^x</math>. La décomposition de cette fonction en [[série entière]] mène à la définition de {{math|e}} par Euler comme somme de la [[Série (mathématiques)|série]]<ref>{{en}} ''[[Encyclopedic Dictionary of Mathematics]]'', 142.D.</ref> :
{{retrait|<math>\mathrm e = 1+\frac11+ \frac1{1\times 2} + \frac1{1\times 2\times 3} + \frac1{1\times 2\times 3 \times 4} + \cdots = \sum_{n=0}^{+\infty} \dfrac1{n!}.</math>}}
Ce nombre apparaît aussi comme [[limite (mathématiques)|limite]] de la [[suite (mathématiques)|suite numérique]] de terme général <math>\left(1+\frac1n\right)^n</math> et dans de nombreuses formules en analyse telles que l'[[identité d'Euler]] <math>\mathrm e^{\mathrm i\pi}=-1</math> ou la [[formule de Stirling]] qui donne un [[équivalent]] de la [[factorielle]]. Il intervient aussi en [[théorie des probabilités]] ou en [[combinatoire]].

Euler démontre en 1737 que {{math|e}} est [[nombre irrationnel|irrationnel]], donc que son [[développement décimal]] n'est pas [[suite périodique|périodique]], et en donne une première approximation avec {{nobr|23 décimales}}. Il explicite pour cela son développement en [[fraction continue]]. En 1873, [[Charles Hermite]] montre que le nombre {{math|e}} est même [[nombre transcendant|transcendant]], c'est-à-dire qu'il n'est racine d'aucun [[polynôme]] non nul à coefficients entiers.

== Définition par les logarithmes ==
=== Logarithme népérien ===
[[Fichier:John Napier.jpg|vignette|redresse|[[John Napier]].]]
Au début du {{s|XVII}}, le mathématicien écossais [[John Napier]] construit les premières [[table de logarithmes|tables de logarithmes]], qui permettent de simplifier des calculs de [[produit (mathématiques)|produits]] et [[division|quotients]] mais aussi [[racine carrée|racines carrées]], [[racine cubique|cubiques]] et autres. Elles consistent à associer à chaque nombre d'une liste un autre nombre (appelé ''logarithme''), de façon qu'une relation de [[proportionnalité]] entre quatre termes de la première liste se traduise par des différences égales entre les termes correspondants de la seconde liste<ref>Simone Trompler, [http://eric.pons4.free.fr/TRAVAIL%20ST-CHARLES/DOCUMENTS%20MATHS/histoire%20des%20logarithmes1.pdf ''L'histoire des logarithmes''], Les Cahiers du CeDoP, [[Université libre de Bruxelles]], 2002, p. 5.</ref> : si {{math|''a''}}, {{math|''b''}}, {{math|''c''}} et {{math|''d''}} ont pour logarithmes respectifs {{math|''A''}}, {{math|''B''}}, {{math|''C''}} et {{math|''D''}}, alors la relation {{math|{{frac|''a''|''b''}} {{=}} {{frac|''c''|''d''}}}} est équivalente à la relation {{math|''A ''− ''B'' {{=}} ''C ''− ''D''}}.
{{article détaillé|Table de logarithmes}}

Plus précisément, Napier fixe un ''rayon'' initial de dix millions<ref group=alpha>Ce rayon correspond au rayon d'un cercle dans lequel sont calculées les valeurs trigonométriques, variant donc entre 0 et 10{{exp|7}} et non entre 0 et 1 comme actuellement.</ref> et construit une liste dans laquelle chaque nombre permet de calculer le suivant en lui soustrayant un dix-millionième de sa valeur. Ces opérations successives sont donc des multiplications itérées par {{math|1 – 10{{exp|–7}}}} et la liste constitue une [[suite géométrique]] de premier terme 10{{exp|7}}. Le logarithme de chaque nombre de la liste étant son rang d'apparition, la formule du logarithme ainsi obtenu par Napier s'écrit alors :
:<math>\operatorname{NapLog}(x) = \log_{1-10^{-7}}(x.10^{-7}) = \frac{\ln(x.10^{-7})}{\ln(1-10^{-7})}</math>.

Napier interprète cette construction à l'aide d'un problème [[cinématique]] dans lequel un mobile se déplace à vitesse constante et un autre se déplace sur une longueur finie avec une vitesse proportionnelle à la distance qui lui reste à parcourir. En termes modernes, le problème se traduit donc par deux [[équation différentielle|équations différentielles]] dont les solutions sont linéaire pour le premier mobile et exponentielle pour le second. En égalant les vitesses initiales des deux mobiles et en fixant à 10{{exp|7}} la longueur à parcourir pour le second mobile, la position {{math|''L''}} du premier mobile s'obtient à partir de la distance restante {{math|''x''}} du premier mobile par la formule :
{{retrait|<math>L = -10^7\ln(x.10^{-7}).</math>}}

Or l'[[approximation affine]] du logarithme naturel en 1 permet d'approcher {{math|ln(1 − 10{{exp|−7}})}} par {{math|−10{{exp|−7}}}} avec une précision de l'ordre de {{math|10{{exp|−14}}}}, soit 7 [[Chiffre significatif|chiffres significatifs]]. Les tables de valeurs obtenues par Napier offrent donc à la lecture les mêmes premières décimales que celles du logarithme naturel et en particulier, son logarithme vaut 10{{exp|7}} entre les sinus de 21°35' et de 21°36, où l'on retrouve<ref>Voir la [http://www.17centurymaths.com/contents/napier/spreadsheettables.pdf table de valeurs du logarithme népérien] pour un angle de 21°, p. 44.</ref> les premières décimales de {{math|{{frac|1|e}}}} (à savoir 3678…). Mais ce nombre n'est pas mis en évidence par Napier.

=== Logarithme décimal ===
En 1624, [[Henry Briggs]], correspondant avec Napier, modifie les paramètres de construction des tables de logarithmes. D'abord il fixe à 0 le logarithme de 1, ce qui revient à choisir un rayon unitaire. Ses tables transforment alors les produits en sommes, ce qui s'écrit en formulation moderne : {{formule|log(''ab'') {{=}} log(''a'') + log(''b'')}}. Ensuite, il fixe à 1 le logarithme de 10, ce qui fait qu'une multiplication par 10 d'un nombre se traduit par un ajout d'une unité à son logarithme.

Briggs obtient ainsi une table de valeurs du [[logarithme décimal]]<ref>Briggs, Wallis, Ialley, Sharp, [https://books.google.fr/books?id=8-42AAAAMAAJ&printsec=frontcover&dq=Henry+Briggs&hl=fr&sa=X&ei=-eCFT5PwGqL80QXcstWvBw&sqi=2&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false ''Mathematical tables'', p. 27].</ref>, fondé sur le [[système de numération]] en base 10, mais la notion de [[fonction (mathématiques)|fonction]] n'a pas encore émergé à l'époque. En particulier, il n'y a pas de trace d'une évaluation d'un [[taux d'accroissement]] en 1, qui aurait pu faire apparaître une approximation de {{math|log{{ind|10}}(e)}}.

=== Logarithme naturel ===
En 1647, [[Grégoire de Saint-Vincent]] met en évidence une relation analogue à celle du logarithme entre les aires de domaines délimités par une branche d'[[hyperbole (mathématiques)|hyperbole]] et son [[asymptote]]. En 1661, [[Christian Huygens]] fait le lien entre les logarithmes et la [[quadrature (mathématiques)|quadrature]] de l'hyperbole, et en particulier celle d'équation {{formule|''x'' ''y'' {{=}} 1}}. Le [[logarithme naturel]] est donc mis en évidence, mais sa base ({{math|e}}) n'est pas identifiée.

C’est dans une lettre de [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]] à Huygens que ce nombre est enfin identifié comme la base du logarithme naturel<ref>[https://books.google.fr/books?id=vtBGAAAAcAAJ&pg=PA33 Correspondance entre Huygens et Leibniz, p. 33].</ref>, vers 1690, mais Leibniz le note ''b''.

=== Nouvelle notation ===
[[Fichier:Leonhard Euler 2.jpg|vignette|redresse|[[Leonhard Euler]].]]
Euler, dans un article écrit en 1727 ou 1728<ref>{{Lien web|lang=la|auteur=L. Euler|titre=Meditatio in experimenta explosione tormentorum nuper instituta|url=http://eulerarchive.maa.org//pages/E853.html}} (E853), manuscrit sur la puissance explosive des canons publié pour la première fois dans {{Ouvrage|langue=la|auteur1=L. Euler|titre=Opera postuma mathematica et physica|année=1862}} et partiellement traduit dans {{Chapitre|lang=en|auteur=[[Florian Cajori]]|titre=Use of the letter e to represent 2.718...|titre ouvrage=A Source Book in Mathematics|auteurs ouvrage=[[David Eugene Smith|D. E. Smith]]|année=1929|éditeur=[[McGraw-Hill Education|McGraw-Hill]]|page=95-99|url=https://archive.org/stream/sourcebookinmath00smit#page/95/mode/1up}}.</ref>, est le premier à noter ''e'' {{Citation|le nombre dont le logarithme est l'unité}}. Il utilise cette notation, avec la même définition, dans une lettre à [[Christian Goldbach|Goldbach]] en 1731<ref>{{Harvsp|Cajori|1929|p=96}}.</ref>.

Le choix de la lettre ''e'' comme un hommage au nom d'Euler lui-même<ref>Suggéré par exemple par {{MathWorld|nom_url=e|titre=e|auteur=Jonathan Sondow et Eric W. Weisstein}}.</ref> étant par conséquent peu probable, d'autres suppositions ont été avancées : première voyelle ou première lettre non utilisée dans un [[calcul littéral]], initiale de « exponentielle »{{etc.}}<ref>{{Lien web|lang=en|auteur=Jeff Miller|titre=Earliest Uses of Symbols for Constants|année=2017|url=http://jeff560.tripod.com/constants.html}}.</ref>.

== Redéfinition par l'exponentielle ==
=== Relation avec la base du logarithme naturel ===
Euler voyait dans les fonctions exponentielles et les fonctions logarithmes des [[Bijection réciproque|fonctions réciproques]] l'une de l'autre. Ecrivant l'équivalence <math> a^z=y \Leftrightarrow z= l(y)</math>, il appelait le logarithme {{mvar|l}} en question le logarithme de base {{mvar|a}} et remarquait que {{math|''l''(''a'') {{=}} 1}}. Selon cette correspondance, il existe un nombre appelé par Euler {{math|e}} vérifiant l'équivalence <math>\mathrm e^z=y \Leftrightarrow z= \ln(y)</math>, ce nombre vérifie {{math|ln(''e'') {{=}} 1}}<ref>{{la}} Leonhard Euler, ''[[Introductio in analysin infinitorum]]'', 1748 (écrit en 1745), vol. 1 (E101), [http://eulerarchive.maa.org/docs/originals/E101capitel7.8.pdf chap. 7].</ref>. La fonction exponentielle admettant une décomposition en [[série entière]], Euler obtient le développement de {{math|e}} comme série des inverses des [[factorielle]]s des [[Entier naturel|entiers naturels]].

Selon Hervé Lehning<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Hervé Lehning]]|titre=L'univers des nombres|sous-titre=De l'Antiquité à Internet|éditeur=Ixelles Éditions|année=2013|pages totales=320|page=208|isbn=978-2-87515-458-3|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=c3bNpyV5c2kC}}.</ref>, il aurait eu  {{citation|l'intuition absolument géniale d'écrire l'exponentielle de base {{mvar|a}} quelconque comme un polynôme de l'exposant}} :

{{retrait|<math>a^x = A + Bx + Cx^2 + Dx^3 + Ex^4 + \cdots</math>}}

Il va exprimer tous les coefficients en fonction de {{mvar|B}}. Voici comment. D'abord, en posant {{math|''x''{{=}}0}}, il obtient {{math|''A''{{=}}1}}. Puis, il calcule{{sfn|Lehning|2013|p = 209}} : 

{{retrait|<math>a^{2x} = 1 + B(2x) + C(2x)^2 + D(2x)^3 + E(2x)^4 + \cdots </math>}}

{{retrait|<math>a^{2x} = 1 + 2Bx + 4Cx^2 + 8Dx^3 + 16Ex^4 + \cdots </math>}}

mais puisque {{math|''a''{{exp|2''x''}}{{=}} (''a''{{exp|''x''}}){{2}}}}, il pose également

{{retrait|<math>{(a^x)}^2 = (A + Bx + Cx^2 + Dx^3 + Ex^4 + \cdots)^2</math>}}

donc,

{{retrait|<math>1 + 2Bx + 4Cx^2 + 8Dx^3 + 16Ex^4 + \cdots = (1 + Bx + Cx^2 + Dx^3 + Ex^4 + \cdots)^2</math>}}

Il développe le membre de droite de façon à pouvoir identifier les coefficients de gauche à ceux de droite : {{math|2''B''{{=}}2''B''}}, {{math|4''C''{{=}}''B''{{2}}+ 2''C''}} (d'où {{math|''C''{{=}}{{frac|''B''{{2}}|2}}}}), {{math|8''D''{{=}}2''D''+ 2''BC''}} (d'où {{math|''D''{{=}}{{frac|''B''{{3}}|6}}}}){{etc.}}

Il parvient donc à cette équation{{sfn|Lehning|2013|p = 209}} :

{{retrait|<math>a^x = 1 + Bx + \dfrac{B^2}{2}x^2 + \dfrac{B^3}{6}x^3 + \dfrac{B^4}{24}x^4 + \cdots</math>}}

La base {{math|e}} étant la seule permettant l'égalité entre l'exponentielle et sa dérivée, il reste à trouver {{mvar|B}} tel que ce polynôme et sa dérivée sont égaux. La solution est triviale : {{math|''B''{{=}}1}}. Enfin, on observe que 1, 2, 6, 24 sont les valeurs successives de la [[factorielle]], ce qui mène Euler à conclure{{sfn|Lehning|2013|p = 209}} :

{{retrait|<math> \mathrm e = 1 + \dfrac{1}{1!} + \dfrac{1}{2!} + \cdots + \dfrac{1}{k!}+ \cdots</math>}}
dont une [[valeur approchée]] avait déjà été calculée par [[Isaac Newton]] en 1669<ref name="funcwolfram">{{en}} [http://functions.wolfram.com/Constants/E/35/ E – History], sur functions.[[Wolfram Research|wolfram]].com.</ref>.

[[Fichier:Exp derivative at 0.svg|droite|cadre|Différentes courbes exponentielles. Seule celle de base {{math|e}} (en bleu) a une tangente de pente 1 à l'origine.]]
Les différentes caractérisations de la fonction exponentielle parmi les autres [[exponentielle de base a|fonctions exponentielles de base quelconque]] permettent aussi de redéfinir {{math|e}} comme l'unique réel tel que la fonction qui à {{math|''x''}} associe {{math|e{{exp|''x''}}}} coïncide avec sa dérivée en tout point, ou simplement au point {{math|0}} (ce qui est équivalent)<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Jerrold Marsden]]|auteur2=[[Alan Weinstein]]|titre=Calculus I|éditeur=[[Springer Verlag|Springer]]|lieu=New York/Berlin/Heidelberg|année=1985|numéro d'édition=2|année première édition=1980|isbn=3-540-90974-5|lire en ligne={{Google Livres|Z0IBBQAAQBAJ|page=319}}|page=319}}.</ref>.

== Propriétés ==
=== Irrationalité ===
La première preuve de l'[[nombre irrationnel|irrationalité]] de {{math|e}} est due à Euler {{infra|Fraction continue}}. [[Joseph Fourier|Fourier]] donna la preuve plus simple suivante<ref>Janot de Stainville, ''[http://www.bibnum.education.fr/mathematiques/theorie-des-nombres/melange-d-analyse-algebrique-et-de-geometrie Mélange d'analyse Algébrique et de Géométrie]'', 1815, sur [[bibnum]], accompagné d'une analyse de Norbert Verdier, ''L'irrationalité de e par Janot de Stainville, Liouville et quelques autres''.</ref>{{,}}<ref>Cette preuve figure dans [[Martin Aigner]] et [[Günter M. Ziegler]], ''[[Raisonnements divins]]'', [https://books.google.fr/books?id=1L0YdxjwD1AC&pg=PA33 p. 33-38], ainsi que celle de la généralisation suivante : pour tout [[Nombre rationnel|rationnel]] non nul ''r'', {{math|e{{exp|''r''}}}} est irrationnel.</ref>, en utilisant la décomposition de {{math|e}} par la série exponentielle et en [[raisonnement par l'absurde|raisonnant par l'absurde]].

Il s'agit de prouver que pour tout entier {{math|''n'' > 0}}, le nombre {{math|''n''e}} n'est pas entier. Pour cela, il montre que {{math|''n''!e}} lui-même n'est pas entier, en le décomposant sous la forme
{{retrait|<math>n!\,\mathrm e=x+y</math>,}}
où les nombres {{math|''x''}} et {{math|''y''}} sont définis par :
{{retrait|<math>x=n!\sum_{k=0}^n\dfrac1{k!},\qquad y=n!\sum_{k=n+1}^\infty\dfrac1{k!}</math>.}}
* Le nombre {{math|''x''}} est entier, comme somme des entiers {{math|''n''(''n'' – 1)(''n'' – 2)…(''k'' + 1)}} (pour {{math|''k''}} de {{math|0}} à {{math|''n''}}) ;
* Le nombre {{math|''y''}} n'est pas entier. En effet, il est compris strictement entre 0 et 1<ref group=alpha>{{Note autre projet|Wikiversité|Fonction exponentielle/Annexe/Démonstration que la somme infinie de tous les inverses des k! est égale à e#Corollaire : irrationalité de e|cette annexe de la leçon « Fonction exponentielle »|début=Voir par exemple}}</ref>.

Ainsi, {{math|''n''!e}} est somme d'un entier et d'un non-entier ; il n'est donc pas entier ; {{lang|la|''[[a fortiori]]''}}, {{math|''n''e}} n'est pas entier. Cette conclusion étant valable quel que soit l'entier {{math|''n'' > 0}}, {{math|e}} est irrationnel.

=== Fraction continue ===
Une autre démonstration de l'irrationalité de {{math|e}} consiste à utiliser les [[fraction continue|fractions continues]]. Si la preuve est plus complexe, elle offre aussi plus de possibilités de généralisation.

En 1737, Euler a obtenu le développement en fraction continue de {{math|e}}<ref group=alpha>Voir la [[Fraction continue et approximation diophantienne#Exemple : le nombre e|section « Exemple : le nombre e » de l'article « Fraction continue et approximation diophantienne »]].</ref> :
{{retrait|<math>\mathrm e=2+\frac1{1+\frac1{2+\frac1{1+\frac1{1+\frac1{4+\frac1{1+\frac1{1+\frac1{6+\ldots}}}}}}}}</math>.}}
Ce développement étant infini, ce nombre est irrationnel.

En 1761, [[Jean-Henri Lambert|Lambert]] étend la preuve donnée par Euler et montre, à l'aide de développements en [[fraction continue généralisée|fractions continues généralisées]], que pour tout rationnel ''r ''non nul (en particulier pour tout entier non nul), {{math|e{{exp|''r''}}}} est irrationnel<ref group=alpha>Voir la [[Fraction continue et approximation diophantienne#Irrationalité|section « Irrationalité » de l'article « Fraction continue et approximation diophantienne »]].</ref>.

Cette approche permet aussi d’établir que {{math|e}} n’est pas un [[irrationnel quadratique]], c’est-à-dire n’est solution d’aucune [[équation du second degré]] à coefficients rationnels ({{cf.}} [[Fraction continue et approximation diophantienne]]).

Cependant, la [[mesure d'irrationalité]] de {{math|e}} est égale à {{math|2}}, comme celle des nombres irrationnels [[Nombre algébrique|algébriques]] ainsi que l'indique le [[théorème de Roth]].

=== Transcendance ===
Pour aller plus loin, c’est-à-dire que pour montrer que {{math|e}} n’est solution d’aucune [[Équation cubique|équation du troisième degré]] à coefficients rationnels puis, qu’il est [[nombre transcendant|transcendant]], ce qui signifie qu’il n’est solution d’aucune [[équation polynomiale]] à coefficients rationnels, de nouvelles idées sont nécessaires.

La transcendance de {{math|e}} fut établie par [[Charles Hermite]] en 1873<ref group=alpha>Voir l'article « [[Théorème d'Hermite-Lindemann]] ».</ref>, par une méthode préfigurant la théorie des [[approximant de Padé|approximants de Padé]], développée en 1892 dans la thèse de son élève [[Henri Padé]]. Les différents [[Approximant de Padé de la fonction exponentielle|approximants de Padé de la fonction exponentielle]] fournissent en effet de nombreuses expressions de {{math|e}} sous forme de fractions continues généralisées.

Puisque {{math|e}} est transcendant, {{math|e{{exp|''r''}}}} l'est aussi, pour tout rationnel {{mvar|r}} non nul (et plus généralement : {{math|''f''(e)}}, pour toute [[fonction algébrique]] {{mvar|f}} non constante).

Le [[théorème de Gelfond-Schneider]] permet de démontrer également que, par exemple, {{math|e{{exp|π}}}} est transcendant, mais on ne sait pas encore, en 2020, si {{math|e{{exp|e}}}} et {{math|π{{exp|e}}}} sont transcendants ou non (il est cependant conjecturé que tous les nombres de cette forme le sont).

Il est également [[conjecture|conjecturé]] que {{math|e}} est un [[nombre normal]].

== Applications ==
=== Problème des intérêts composés ===
En 1685, [[Jacques Bernoulli]] étudie le problème des [[intérêts composés]] en progression continue : si un montant {{math|''a''}} rapporte un montant {{math|''b''}} d'intérêts au bout d'un temps fini, on peut considérer que ces intérêts s'acquièrent linéairement en fonction du temps. Mais sur l'intervalle de temps considéré, ces intérêts devraient eux-mêmes produire des intérêts, et ainsi de suite. Bernoulli obtient ainsi une expression qui évoque le développement en série exponentielle<ref>{{la}} J. Bernoulli, ''Opera'', {{t.|1}}, {{p.|429}}, {{Google Livres|HdBJAAAAMAAJ|page=429|aperçu}}.</ref>.

== Décimales connues ==
Parmi les rationnels de [[numérateur]] et dénominateur inférieurs à {{formatnum:1000}}, le plus proche de {{math|e}} est<ref>{{Ouvrage|lang=en|titre={{Lien|The Penguin Dictionary of Curious and Interesting Numbers}}|auteur=David Wells<!--|éditeur=[[Penguin Books|Penguin]] UK|date=1997|année première édition=1986|url={{Google Livres|7L7xcjBPemEC|page autre=RA1-PA46}}-->|page=46}}, cité par {{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Eli Maor]] |titre=E : The Story of a Number |éditeur=[[Princeton University Press]] |année=1994 |page=37 |lire en ligne={{Google Livres|CtPvBvouvmYC|page=37}}}}.</ref> {{sfrac|878|323}} ≈ {{gaps|2,718|27}}.

La valeur numérique de {{math|e}} tronquée à 15 [[Système décimal|décimales]] est<ref name="OEIS">Suite {{OEIS2C|id=A001113}} de l'[[OEIS]].</ref> {{gaps|2,718|281|828|459|045}}.

Le nombre de décimales connues de la constante {{math|e}} a beaucoup augmenté au cours des dernières décennies. Cette précision est due à l’augmentation des performances des ordinateurs ainsi qu’au perfectionnement des algorithmes<ref>{{en}} P. Sebah et X. Gourdon, [http://numbers.computation.free.fr/Constants/E/e.html {{lang|en|''The constant e and its computation''}}].</ref>{{,}}<ref>{{en}} X. Gourdon, [http://numbers.computation.free.fr/Constants/PiProgram/computations.html {{lang|en|''Reported large computations with PiFast''}}].</ref>.

{| class="wikitable centre" 
|+ '''Nombre de décimales connues de la constante {{math|e}} '''
! Date || Nombre de décimales || Performance due à
|-
| align="right"| 1748 ||align=right| 23<!-- 18 selon certaines sources (comme New Scientist, 21 juillet 2007, p. 40.) mais bien 23 en consultant l'oeuvre originale d'Euler --> ||
:[[Leonhard Euler]]<ref>Leonhard Euler, ''Introductio in Analysin Infinitorum'' (Lausanne, Switzerland:  Marc Michel Bousquet & Co., 1748), volume 1, [[iarchive:bub_gb_jQ1bAAAAQAAJ/page/n115|page 90]].</ref>
|-
| align="right"| 1853 ||align=right| 137 ||
:[[William Shanks (mathématicien)|William Shanks]]
|-
| align="right"| 1871 ||align=right| 205 ||
:William Shanks
|-
| align="right"| 1884 ||align=right| 346 ||
:Marcus Boorman
|-
| align="right"| 1949 ||align=right| {{formatnum:2010}} || 
:[[John von Neumann]] (avec l’[[Electronic Numerical Integrator Analyser and Computer|ENIAC]])
|-
| align="right"| 1961 ||align=right| {{formatnum:100265}} || 
:[[Daniel Shanks]] et {{Lien|John Wrench}}<ref>{{citation étrangère|lang=en|We have computed e on a 7090 to 100,265D by the obvious program}}, p. 78 de {{Article|lang=en|url=http://www.ams.org/journals/mcom/1962-16-077/S0025-5718-1962-0136051-9/S0025-5718-1962-0136051-9.pdf|titre=Calculation of Pi to 100,000 Decimals|prénom=Daniel|nom=Shanks|prénom2=John W.|nom2=Wrench|lien périodique=Société mathématique américaine#Publications|revue=Mathematics of Computation|vol=16|année=1962|numéro=77|p.=76-99}}.</ref>
|-
| align="right"| 1978 ||align=right| {{formatnum:116000}} || 
:[[Steve Wozniak|Stephen Gary Wozniak]] (avec l’[[Apple II|{{nobr|Apple {{II}}}}]]<ref>{{Article|lang=en|lien auteur=Steve Wozniak|prénom=Stephen|nom=Wozniak|lien périodique=Byte (magazine)|revue=Byte Magazine|vol=6|numéro=6|mois=6|année=1981|p.=392|titre=The Impossible Dream: Computing e to {{nobr|116,000 places}} with a Personal Computer}}.</ref>)
|-
| align="right"| {{1er}} avril 1994 ||align=right| {{formatnum:10000000}} || 
:Robert Nemiroff et Jerry Bonnell<ref>{{en}} [http://antwrp.gsfc.nasa.gov/htmltest/gifcity/e.1mil Email from Robert Nemiroff and Jerry Bonnell – The Number e to 1 Million Digits].</ref>
|-
| align="right"| 21 novembre 1999 ||align=right| {{formatnum:1250000000}} || 
:Xavier Gourdon<ref name="Email from Xavier Gourdon to Simon Plouffe">{{en}} [http://plouffe.fr/simon/constants/expof1.txt Email from Xavier Gourdon to Simon Plouffe] : {{Citation étrangère|lang=en|I have made a new e computation (with verification) : 1,250,000,000 digits.}}</ref>
|-
| align="right"| 16 juillet 2000 ||align=right| {{formatnum:3221225472}} || 
:Colin Martin et Xavier Gourdon<ref name="PiHacks message 177 - E to 3,221,225,472 D">{{en}} [http://groups.yahoo.com/group/pi-hacks/message/177 PiHacks message 177 – E to 3,221,225,472 D]. Groups.yahoo.com.</ref>
|-
| align="right"| 18 septembre 2003 ||align=right| {{formatnum:50100000000}} || 
:Shigeru Kondo et Xavier Gourdon<ref name="PiHacks message 1071 - Two new records : 50 billions for E and 25 billions for pi">{{en}} [http://groups.yahoo.com/group/pi-hacks/message/1071 PiHacks message 1071] – {{Citation étrangère|lang=en|Two new records : 50 billions for E and 25 billions for pi.}} Groups.yahoo.com.</ref>
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| align="right"| 27 avril 2007 ||align=right| {{formatnum:100000000000}} || 
:Shigeru Kondo et Steve Pagliarulo<ref name="English Version of PI WORLD">{{en}} [http://ja0hxv.calico.jp/pai/estart.html English Version of PI WORLD]. Ja0hxv.calico.jp.</ref>
|-
| align="right"| 6 mai 2009 ||align=right| {{formatnum:200000000000}} || 
:Shigeru Kondo et Steve Pagliarulo<ref name="English Version of PI WORLD" />
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| align="right"| 5 juillet 2010 ||align=right| {{formatnum:1000000000000}} || 
:Shigeru Kondo et Alexander J. Yee<ref name=":0">{{Lien web|langue=en|url=http://www.numberworld.org/digits/E|titre=A list of notable large computations of e|site=numberworld.org}}.</ref>
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| align="right"| 24 juin 2015 ||align=right| {{formatnum:1400000000000}} ||
:Matthew Hebert<ref name=":0" />
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| align="right"| 29 août 2016 ||align=right| {{formatnum:5000000000000}} ||
:Ron Watkins<ref name=numberworld>{{Lien web|langue=anglais|titre=y-cruncher - A Multi-Threaded Pi Program|url=http://www.numberworld.org/y-cruncher/#Records|site=numberworld.org}}.</ref>
|-
| align="right"|3 janvier 2019||align=right| {{formatnum:8000000000000}}||
:Gerald Hofmann<ref name=numberworld/>
|-
| align="right"|5 décembre 2020||align=right| {{formatnum:31415926535897}}||
:David Christle<ref>{{Lien web |titre=e |url=http://www.numberworld.org/digits/E/ |site=www.numberworld.org |consulté le=2022-10-07}}</ref>
|}

== Dans la culture informatique ==

Le nombre {{math|e}} fait l'objet de nombreux hommages dans le milieu informatique.

Pour son [[introduction en bourse]] en 2004, [[Google]] a annoncé vouloir lever non pas un chiffre rond comme c'est généralement le cas, mais {{unité|2718281828|$}}, soit {{math|e}} milliards de dollars (au dollar près)<ref>{{Lien web|url=http://www.presence-pc.com/actualite/Petites-breves-du-dimanche-3751/ |titre=Petites brèves du dimanche |auteur=Marianne Kalinowski |année=2004 |éditeur=Tom's Hardware<!-- |consulté le=3/12/2017-->}}.</ref>. Google est aussi à l'origine d'une campagne de recrutement originale en juillet 2004 : des panneaux mentionnant « {first 10-digit prime found in the consecutive digits of e}.com » ({premier [[nombre premier]] à 10 chiffres trouvé dans les décimales successives de e}.com) affichés dans un premier temps dans la [[Silicon Valley]], puis à [[Cambridge (Massachusetts)|Cambridge]], [[Seattle]] et [[Austin (Texas)|Austin]] incitaient les curieux à se rendre sur le site aujourd'hui disparu 7427466391.com. Là, le visiteur devait résoudre un problème encore plus difficile, qui lui-même le renvoyait sur le site [[Google Labs]] où il était invité à soumettre un CV<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://news.cnet.com/Google-recruits-eggheads-with-mystery-billboard/2100-1023_3-5263941.html|titre=Google recruits eggheads with mystery billboard|site=C{{!}}net}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://faculty.cs.tamu.edu/klappi/csce411-f10/csce411-set1.ppt |titre=CPSC 411 Design and Analysis of Algorithms |auteur=Andreas Klappenecker<!--|consulté le=7 mars 2012-->}}.</ref>. Le premier nombre premier à dix chiffres dans les décimales de {{math|e}} est {{formatnum:7427466391}}, qui commence à la {{99e|décimale}}<ref name="OEIS" />.

L'informaticien [[Donald Knuth]] a numéroté les différentes versions de son programme [[Metafont]] d'après les décimales de {{math|e}} : 2, 2,7, 2,71, 2,718, et ainsi de suite. De la même façon, les numéros de versions de son programme [[TeX]] approchent [[Pi|{{math|π}}]]<ref>{{Lien web|langue=en |auteur=Donald Knuth |titre=The Future of TeX and Metafont |éditeur=TeX Mag |url=http://www.tex.ac.uk/tex-archive/digests/tex-mag/v5.n1}}.</ref>.

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|e (mathematical constant)|482152714|type=n}}
=== Notes ===
{{Références| groupe=alpha}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* {{page h|Exponentielle}}
* [[Histoire des logarithmes et des exponentielles]]
* [[Formule d'Euler]]
* [[Représentations de e]]

=== Lien externe ===
*{{MacTutor|id=e|class=history/HistTopics|title=The number ''e''}}
*{{Article|auteur=Alexandre Junod|lang=fr|titre=Le nombre d'Euler|
url=http://www.vsmp.ch/bulletin/suche/Artikel/142/142_Junod.pdf|
revue=Bulletin de la SSPMP|vol=142|année=2020|p.=24-27}}

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Edward Kasner]]|auteur2=[[James R. Newman]]|titre={{Lien|Mathematics and the Imagination}}|éditeur=[[Dover Publications|Dover]]|année=2013|année première édition=1940|pages totales=400|page=84|isbn=978-0-486-32027-4|lire en ligne={{Google Livres|-bXDAgAAQBAJ|page=84}}}}
* {{Article
|auteur1= Carl D. Olds
|titre= The simple continued fraction expansion of the number e 
|périodique= The American Mathematical Monthly
|volume= 77
|numéro= 9
|date= novembre 1970
|pages= 968–974
|issn=
|lire en ligne= [https://www.jstor.org/stable/2318113?seq=1#page_scan_tab_contents URL]
|consulté le=3 avril 2024
}}.


{{Palette|Notion de nombre|Nombre e}}
{{Portail|théorie des nombres}}

[[Catégorie:Nombre transcendant]]
[[Catégorie:Analyse réelle]]
[[Catégorie:Constante mathématique]]
[[Catégorie:Exponentielle]]
[[Catégorie:Logarithme]]
[[Catégorie:Leonhard Euler]]