Voir la source de Ensemble de Cantor

En [[mathématiques]], l''''ensemble de [[Georg Cantor|Cantor]]''' (ou '''ensemble triadique de Cantor''', ou '''poussière de Cantor'''<ref>{{Ouvrage|lang=en|auteur=Gerald Edgar|titre=Measure, Topology, and Fractal Geometry|passage=2, 7|éditeur=[[Springer Science+Business Media|Springer]]|date=2008|oclc=255688131|lire en ligne={{Google Livres|dk2vruTv0_gC|page=2}}|consulté le=14/7/2022}}.</ref>), est un [[sous-ensemble]] remarquable de la [[nombre réel|droite réelle]] construit par le mathématicien allemand [[Georg Cantor]]<ref>{{Article|auteur=G. Cantor|titre=De la puissance des ensembles parfaits de points|revue=[[Acta Mathematica|Acta Math.]]|vol=4|année=1884|p.=381-392|doi=10.1007/BF02418423}}.</ref>.

Il s'agit d'un sous-ensemble [[Fermé (topologie)|fermé]] de l'[[intervalle unité]] {{math|[0, 1]}}, d'[[Intérieur (topologie)|intérieur]] vide. Il sert d'exemple pour montrer qu'il existe des [[Ensemble infini|ensembles infinis]] non [[ensemble dénombrable|dénombrables]] mais [[Ensemble négligeable|négligeables]] au sens de la [[mesure de Lebesgue]]. C'est aussi le premier exemple de [[fractale]] (bien que le terme ne soit apparu qu'un siècle plus tard), et il possède une [[#Dimension|dimension non entière]].

Il admet enfin une interprétation sous l'angle du développement des réels en [[base (arithmétique)|base]] 3.
Pour cette raison, il est souvent noté {{math|''K''{{ind|3}}}}.

On le construit de manière itérative à partir du segment {{math|[0, 1]}} en enlevant le tiers central ; puis on réitère l'opération sur les deux segments restants, et ainsi de suite. On peut voir les six premières itérations du procédé sur le schéma suivant :

[[File:Cantor set in seven iterations.svg|thumb|right|upright=3|Six premières itérations de la construction de l'ensemble de Cantor.]]

== Construction ==

=== Construction itérative ===

On dénote par <math>\mathcal{T}</math> l'opérateur « enlever le tiers central » :
:<math> \begin{array}{cccl}\mathcal{T} : & I & \rightarrow & I_0 \cup I_1 \ \\ & \ [a,b] & \mapsto & \displaystyle\left[a,a+\frac{b-a}{3}\right] \cup \left[b- \frac{b-a}{3},b\right]\end{array}.</math>
On note <math>A_0 = [0,1]</math> et on définit par récurrence une suite de parties de {{math|[0, 1]}} par la relation :
:<math>\forall n \in \N,\ A_{n+1} = \mathcal{T}(A_n).</math>

On a :

:<math>A_1 = \left[0,\frac{1}{3}\right] \cup \left[\frac{2}{3},1\right];</math>
:<math>A_2 = \left[0,\frac{1}{9}\right] \cup \left[\frac{2}{9},\frac{1}{3}\right] \cup \left[\frac{2}{3},\frac{7}{9}\right] \cup \left[\frac{8}{9},1\right];</math>
<math>A_3 = \left[0,\frac{1}{27}\right] \cup \left[\frac{2}{27},\frac{1}{9}\right] \cup \left[\frac{2}{9},\frac{7}{27}\right] \cup \left[\frac{8}{27},\frac{1}{3}\right] \cup \left[\frac{2}{3},\frac{19}{27}\right] \cup \left[\frac{20}{27},\frac{7}{9}\right] \cup \left[\frac{8}{9},\frac{25}{27}\right] \cup \left[\frac{26}{27},1\right].</math>

Alors l'ensemble de Cantor <math>K_3</math> est la « limite »<ref>Il s'agit d'ailleurs d'une véritable [[limite (mathématiques)|limite]], pour la topologie de la [[distance de Hausdorff]].</ref> de <math>A_n</math> quand <math>n</math> tend vers <math>+\infty </math> :
: <math>K_3 = \bigcap_{n \in \N} A_n.</math>

=== Écriture en base 3 ===
[[Fichier:Cantor base 3.svg|thumb|Positions de {{math|1/4}}, {{math|2/3}} et {{math|1}} dans l'ensemble de Cantor, avec 1/4 dans K<sub>3</sub>{{sfn|Edgar|2008|p=3}}.]]
On peut aussi définir<ref>Cf. théorème 52 du mémoire de [[Licence (France)#Déroulement des études|L3]] de L. Iôôs et S. Peronno, [http://blog.crdp-versailles.fr/peronno/public/projet-hausdorff.pdf « Autosimilarité, ensemble triadique de Cantor et dimension de Hausdorff »], [[Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines]], 2007.</ref> l'ensemble de Cantor via l'écriture en [[Système trinaire|base 3]]. En effet tout réel <math>x \in [0,1] </math> peut s'écrire :
:<math>x = \sum_{n=1}^{\infty} \frac{x_n}{3^n};</math>
avec <math>x_n \in \{ 0,1,2\}</math>.
On écrit alors
:<math>x = 0,x_1 x_2 x_3 x_4 x_5 \ldots </math>

Cette écriture est unique à ceci près : on peut remplacer <math>1000000\ldots </math> par <math>0222222\ldots </math> (et <math>2000000\ldots </math> par <math>1222222\ldots </math>) à la fin d'une écriture. Si on choisit de faire cette transformation on peut alors définir <math>K_3</math> par :

{{énoncé|L'ensemble de Cantor est formé des réels de {{math|[0, 1]}} ayant '''une''' écriture en base 3 ne contenant que des 0 et des 2.}}

Ou plus formellement :
<center><math>K_3 = \left.\left\{ \sum_{n=1}^{\infty} \frac{x_n}{3^n} \ \right | \forall i\in \mathbb{N}^* , x_i \in \{ 0,2 \} \right\}.</math></center>

Par exemple le réel 1/3 est dans cet ensemble, puisqu'il admet les deux écritures 0,1000… et 0,02222… en base 3. Le réel 2/3 également (0,2000… ou 0,12222…). On peut remarquer que parmi les nombres admettant un développement propre et un développement impropre, il n'en existe aucun dont les deux écritures vérifient la propriété demandée.

== Propriétés ==

=== Mesure ===

L'ensemble de Cantor est de mesure nulle, c'est-à-dire [[ensemble de mesure nulle|négligeable]] au sens de la [[mesure de Lebesgue]]{{sfn|Edgar|2008|p=144}}.

En effet en notant <math>\ell</math> la mesure de Lebesgue sur <math>\R</math>, on a :
* <math>\ell\left( [0,1] \right) = 1</math> ;
* pour une réunion <math>A_n</math> d'intervalles : <math>\ell \left( \mathcal{T}(A_n) \right) = \ell(A_{n+1})= \frac{2}{3} \ell (A_n) </math> ;
où <math>\mathcal{T}</math> est l'opérateur « ablation du tiers central » (voir [[#Construction itérative|premier paragraphe]]).

On en déduit que pour les étapes de la construction itérative ci-dessus :
:<math>\forall n \in \N ,\ \ell \left( A_n \right) = \left( \frac{2}{3} \right)^n.</math>

Et comme l'ensemble de Cantor est inclus dans tous les <math>A_n</math> : <math>\ell \left( K \right) = 0</math>.

L'ensemble de Cantor est donc « petit » ''au sens de la mesure de Lebesgue''.

=== Non-dénombrabilité ===

Cependant l'ensemble de Cantor n'est pas [[ensemble dénombrable|dénombrable]]. Plus précisément, il a la [[puissance du continu]], c'est-à-dire qu'il est [[Équipotence|équipotent]] à <math>\mathcal{P}(\N)</math>, l'[[ensemble des parties d'un ensemble|ensemble des parties]] de l'ensemble <math>\N</math> des [[entiers naturels]] (or <math>\mathcal{P}(\N)</math>, d'ailleurs équipotent à <math>\R</math>, n'est pas dénombrable, d'après le [[théorème de Cantor]]).

On peut en effet, grâce à l'[[#Écriture en base 3|écriture en base 3 ci-dessus]], définir une [[bijection]] de <math>\mathcal{P}(\N)</math> dans <math>K_3</math>, en associant à toute partie <math>A</math> de <math>\N</math> le réel <math>\sum_{k=0}^\infty\frac{2\times 1_A(k)}{3^{k+1}}</math>, où <math>1_A</math> désigne la [[Fonction caractéristique (théorie des ensembles)|fonction caractéristique]] de la partie <math>A</math>.

Ainsi l'ensemble de Cantor est « grand » ''au sens de la [[théorie des ensembles]]''.

=== Propriétés topologiques ===

* L'ensemble de Cantor est [[Compacité (mathématiques)|compact]], et n'a que des [[glossaire topologique#P|points d'accumulation]] (il est sans [[point isolé]]). On dit que c'est un [[ensemble parfait]]. Par ailleurs, il est d'[[intérieur (topologie)|intérieur]] vide.

{{démonstration|Soit ''P'' un point de <math>K_3</math>, et soit une boule ouverte (intervalle ouvert) centrée en ''P''. Cet ouvert contient nécessairement un réel dont le développement en base 3 contient le chiffre 1, qui n'est pas élément de <math>K_3</math>. Donc ''P'' n'est pas intérieur à <math>K_3</math>. Par ailleurs, dans ce même intervalle, il existe toujours un réel dont le développement en base 3 s'écrit uniquement avec des 0 ou des 2. Donc ''P'' n'est pas un point isolé.}}

* L'ensemble de Cantor est également [[Espace totalement discontinu|totalement discontinu]] c'est-à-dire que chaque [[Singleton (mathématiques)|singleton]] est sa propre [[Connexité (mathématiques)#Composantes connexes|composante connexe]].
*Il est [[homéomorphisme|homéomorphe]] à l'[[espace de Cantor]] <math>\{0,1\}^\N</math>, muni de sa [[topologie produit]].
* Un [[espace topologique]] X est homéomorphe à l'espace de Cantor si et seulement si X est un compact [[ensemble parfait|parfait]] possédant une base dénombrable d'[[Ouvert-fermé|ouverts-fermés]].
* Tout [[espace métrique]] [[Espace compact|compact]] est l'image de l'ensemble de Cantor par une application continue<ref>{{en}} S. Willard, ''General Topology'', Addison-Wesley, Reading, MA, 1970, th. 30-7.</ref>. Cette propriété a des répercussions importantes en [[Analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]]. En outre, tout espace métrique compact totalement discontinu [[ensemble parfait|parfait]] est homéomorphe à l'ensemble de Cantor ; les sous-espaces du plan ou de l'espace usuel ayant cette propriété sont souvent appelés des '''poussières de Cantor'''.

=== Auto-similarité ===
L'image de l'ensemble de Cantor par l'homothétie {{mvar|h}} de centre 0 et de rapport 1/3 est incluse dans ensemble de Cantor. Plus précisément :
:<math>K_3 = h \left( K_3 \right) \cup \left( h \left( K_3 \right) + \frac23\right)</math>{{sfn|Edgar|2008|p=7}}.

Ainsi, <math>K_3</math> est la réunion disjointe de deux parties qui lui sont [[Homothétie|homothétiques]]. C'est une manifestation de
ce qu'on appelle ''l'auto-similarité'', qui est l'une des propriétés de base des [[fractale]]s.

=== Dimension ===
En conséquence de ce qui précède, on peut calculer la [[Dimension de Minkowski–Bouligand|dimension de Minkowski]] ; elle vaut [[Logarithme|log<sub>3</sub>(2) = log{{ind|''b''}}(2)/log{{ind|''b''}}(3)]] ≈ 0,631, où ''b'' est n'importe quelle base. C'est un nombre [[Nombre irrationnel#Application de la décomposition en produits de facteurs premiers|irrationnel]] et même [[Théorème de Gelfond-Schneider|transcendant]]. On parle parfois de dimension fractionnaire car elle n'est pas entière, même s'il ne s'agit pas davantage d'un [[nombre rationnel]].

Cette valeur log<sub>3</sub>(2) est également la [[dimension de Hausdorff]] de l'ensemble.

== Variantes ==
[[Image:Carre_cantor.gif|thumb|left|Le carré de Cantor.]]
[[Image:Cube_Cantor.png|thumb|right|Le cube de Cantor.]]
Soit ''s'' un nombre strictement compris entre 0 et 1. Si, au lieu de couper chaque intervalle en trois et d'enlever l'intervalle central, on enlève à la ''n''-ème étape un intervalle de longueur <math>s/3^n</math> au centre de chaque intervalle de la génération précédente, on obtient un ensemble de Cantor dont la mesure de Lebesgue est 1 - ''s''. Cela permet d'obtenir un compact d'intérieur vide de mesure aussi proche de 1 que l'on veut. Le cas ''s'' = 1 redonne l'ensemble de Cantor usuel. Un procédé comparable est utilisé dans l'[[ensemble de Smith-Volterra-Cantor]].

Une autre version de l'ensemble de Cantor est le '''carré de Cantor'''. Il est construit sur le même principe général, mais basé sur un carré : on considère un carré que l'on découpe en 9 carrés de même taille, et on supprime tous les carrés n'étant pas dans un coin du carré de départ. L'ensemble est construit de façon itérative en répétant cette action sur les nouveaux carrés. Ce n'est rien d'autre que le [[produit cartésien]] <math>K_3 \times K_3</math> d'un ensemble de Cantor par lui-même (à ne pas confondre avec le [[tapis de Sierpiński]]).

La même construction en dimension 3 conduit au '''cube de Cantor''', égal au produit cartésien <math>K_3 \times K_3 \times K_3</math> (à ne pas confondre avec l'[[éponge de Menger]]).
{{clr}}

== Notes et références ==
{{références}}

== Voir aussi ==
{{autres projets|commons=Category:Cantor sets}}
=== Articles connexes ===
* [[Collier d'Antoine]]
* [[Ensemble de Smith-Volterra-Cantor]]
* [[Éponge de Menger]]
* [[Escalier de Cantor]] ou du diable
* [[Liste de fractales par dimension de Hausdorff]]
* [[Système de fonctions itérées]]
=== Bibliographie ===
*{{Ouvrage
|langue=en
|auteur1=Kathleen T. Alligood
|auteur2=Tim D. Sauer
|auteur3={{Lien|James A. Yorke}}
|titre=Chaos
|sous-titre=An Introduction to Dynamical Systems
|éditeur=Springer
|lieu=New York
|année=1996
|pages totales=603
|page=150-152
|isbn=0-387-94677-2
|lire en ligne={{Google Livres|i633SeDqq-oC|page=150}}
|numéro chapitre=4.1
|titre chapitre=Cantor Sets
}}{{Commentaire biblio SRL|Ce manuel d'introduction aux [[Système dynamique|systèmes dynamiques]] est destiné aux étudiants du premier cycle et du début de deuxième cycle universitaire (p. ix).}}
*{{Article|lang=en|auteur=Julian F. Fleron|titre=A Note on the History of the Cantor Set and Cantor Function|revue=[[Mathematics Magazine]]|mois=4|année=1994|url=https://www.maa.org/sites/default/files/Fleron68910705.pdf}}
*{{Ouvrage
|langue=en
|prénom1=George
|nom1=Pedrick
|titre=A First Course in Analysis
|éditeur=Springer
|année=1994
|pages totales=279
|page=29
|isbn=0-387-94108-8
|lire en ligne={{Google Livres|kHOnHNz9XssC|page=29}}
}}, {{Lang|en|Exercise}} 6
* {{Ouvrage
|langue=en
|prénom1=Charles Chapman
|nom1=Pugh
|titre=Real Mathematical Analysis
|éditeur=Springer
|lieu=New York
|année=2002
|pages totales=437
|page=95-98
|isbn=0-387-95297-7
|lire en ligne={{Google Livres|R_ZetzxFHVwC|page=95}}
}}
*{{Ouvrage
|langue=en
|auteur1=Murray H. Protter
|auteur2=Charles B. Morrey, Jr.
|titre=A First Course in Real Analysis
|éditeur=Springer
|année=1977
|page=494-495
|pages=507
|isbn=978-1-4615-9992-0
|lire en ligne={{Google Livres|NgX3BwAAQBAJ|page=494}}
}}, {{Lang|en|Problem}} 3

{{Palette|Fractales}}
{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Fractale|Cantor (Ensemble)]]
[[Catégorie:Espace topologique remarquable]]
[[Catégorie:Georg Cantor]]
[[Catégorie:Théorie de la mesure dans les espaces euclidiens]]