Voir la source de Espace complet

{{Homon|Complétude|Complet}}
En [[mathématiques]], un '''espace métrique complet''' est un [[espace métrique]] dans lequel toute [[suite de Cauchy]] [[Limite d'une suite|converge]] dans ce même espace. La propriété de complétude dépend de la [[Distance (mathématiques)|distance]]. Il est donc important de toujours préciser la [[Distance (mathématiques)|distance]] que l'on prend quand on parle d'espace complet.

Intuitivement, un espace est complet s'il « n'a pas de trou », s'il « n'a aucun point manquant ». Par exemple, les [[nombre rationnel|nombres rationnels]] ne forment pas un espace complet, puisque {{sqrt|2}} n'y figure pas alors qu'il existe une suite de Cauchy de nombres rationnels ayant cette limite. Il est toujours possible de « remplir les trous » amenant ainsi à la complétion d'un espace donné.

La complétude peut être définie plus généralement pour les [[espace uniforme|espaces uniformes]], comme les [[groupe topologique|groupes topologiques]].

== Exemples ==
* Soit l'espace ℚ des nombres rationnels muni de la distance usuelle ''d''(''x'', ''y'') = |''x – y''|. Cet espace n'est pas complet. En effet, considérons la [[suite (mathématiques)|suite]] définie par :<center><math>x_0=2\qquad\text{et}\qquad x_{n+1} = {x_n \over 2} + {1 \over x_n}.</math></center>C'est une suite de Cauchy de nombres rationnels, mais elle ne converge vers aucune limite appartenant à ℚ. En fait, considérée comme suite de nombres réels, elle converge vers la [[racine carrée de 2]], qui est un [[nombre irrationnel]].
* L'intervalle ouvert ]0, 1[ muni de la distance usuelle n'est pas complet non plus : la suite (1/2, 1/3, 1/4…) est de Cauchy mais elle n'a pas de limite dans l'intervalle.
* L'intervalle réel fermé <nowiki>[0, 1]</nowiki> muni de la distance usuelle est complet.
* L'espace ℝ des [[Nombre réel|nombres réels]] et l'espace ℂ des [[Nombre complexe|nombres complexes]], munis de la distance usuelle ''d''(''x'', ''y'') = |''x – y''|, sont complets<ref name=Wikiversité/>.
*Tous les [[Topologie d'un espace vectoriel de dimension finie|espaces vectoriels normés de dimension finie]] sur ℝ sont des [[Espace de Banach|espaces de Banach]], c'est-à-dire des [[Espace vectoriel normé|espaces vectoriels normés]] complets. Remarque : sur ℝ{{exp|''n''}}, comme sur tout [[espace vectoriel]] réel de [[Espace vectoriel de dimension finie|dimension finie]], toutes les normes sont [[Norme équivalente|équivalentes]], en particulier [[Norme (mathématiques)#En dimension finie|les trois les plus utilisées]] : ǁ ǁ<sub>1</sub>, ǁ ǁ<sub>2</sub> et ǁ ǁ<sub>∞</sub>.
* L'espace ℚ{{ind|''p''}} des [[Nombre p-adique|nombres ''p''-adiques]] muni de la distance ''p''-adique est complet pour tout [[nombre premier]] ''p''. Cet espace [[#Complété d'un espace métrique|complète]] ℚ avec la métrique ''p''-adique tout comme ℝ complète ℚ avec la métrique usuelle.
*Pour tout ensemble ''S'', l'ensemble [[Exponentiation ensembliste|''S''{{exp|ℕ*}}]] des suites de ''S'' indexées par les entiers strictement positifs devient un espace métrique complet si l'on définit la distance entre deux suites distinctes <math>(x_n)_{n\in\N^*}</math> et <math>(y_n)_{n\in\N^*}</math> comme étant égale à {{math|1/''N''}}, où {{math|''N''}} est le plus petit indice pour lequel <math>x_N \ne y_N</math>.

== Quelques théorèmes ==

* Un [[espace métrique]] est complet si et seulement si toute suite décroissante de fermés non vides dont la suite des diamètres tend vers 0 a une intersection non vide (voir [[Théorème des fermés emboîtés]]).
* Tout espace métrique [[Espace compact|compact]] est complet. En fait, un espace métrique est compact si et seulement s’il est complet et [[Espace précompact|précompact]]<ref name=":0" />.
* Tout sous-espace [[Fermé (topologie)|fermé]] d'un espace complet est complet, et tout sous-espace complet d'un espace métrique (non nécessairement complet) est fermé.
* Si ''X ''est un ensemble et ''M'' un espace métrique complet, alors l'ensemble ''M{{exp|X}}'' des applications de ''X'' dans ''M'', muni de la [[Convergence uniforme#Distance uniforme|distance uniforme]], est complet<ref name=":0">{{Ouvrage|auteur1=[[Jacques Dixmier]]|titre=Topologie générale|éditeur=[[PUF]]|année=|passage=76, 77 et 80|isbn=}}.</ref>. Le sous-espace fermé {{math|''B''(''X'', ''M'')}} des fonctions bornées l'est donc aussi. Sur ce sous-espace, une [[Équivalence des distances|distance uniformément équivalente]] à la distance uniforme est<center><math>d(f,g) := \sup\left\{\,d(f(x),g(x))\mid x\in X \,\right\}.</math></center>Si de plus ''X ''est un [[espace topologique]], le sous-espace ''C''(''X'', ''M'') de ''M{{exp|X}}'' constitué des fonctions [[Continuité (mathématiques)|continues]] est également fermé donc complet, ainsi que l'intersection ''C{{ind|b}}''(''X'', ''M''), constituée des fonctions continues bornées.
* Le [[théorème de Baire]] montre que tout espace métrique complet est un espace de Baire<ref name=":0" />.
* [[Application contractante#Théorème du point fixe pour une application contractante|Théorème du point fixe]] : toute application {{math|''f''}} [[application contractante|contractante]] d'un espace métrique complet dans lui-même admet un unique [[point fixe]] qui est limite de toute suite définie de la manière suivante :<center><math>x_0\text{ quelconque, }x_{n+1}=f(x_n).</math><ref name=":0" /></center>
* Un [[Espace métrique#Produit d'espaces métriques|produit fini ou dénombrable d'espaces métriques]] complets est complet (en fait, un produit quelconque d'[[Espace uniforme#Espace complet|espaces uniformes complets]] est complet ; l'hypothèse supplémentaire de dénombrabilité ne sert qu'à conserver la [[Espace métrisable|métrisabilité]]).
* Un espace vectoriel normé ''E ''est complet si et seulement si toute série [[convergence absolue#Extension aux séries à valeurs vectorielles|absolument convergente]] d'éléments de ''E ''est convergente : c'est la [[Espace de Banach#Caractérisation par les séries|caractérisation des espaces de Banach par les séries]].
*La notion d'[[oscillation (mathématiques)|oscillation]] permet de démontrer un théorème de [[Mikhaïl Lavrentiev|Lavrentiev]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Stephen Willard|titre=General Topology|éditeur=[[Dover Publications|Dover]]|année=2012|année première édition=1970|page=178|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|UrsHbOjiR8QC|page=178}}}}.</ref> : si ''X'' et ''Y'' sont deux espaces métriques complets et ''A'' ⊂ ''X'', ''B'' ⊂ ''Y'' deux parties [[Partie dense|denses]], tout [[homéomorphisme]] de ''A'' dans ''B'' s'étend en un homéomorphisme entre deux [[Hiérarchie de Borel|G{{ind|δ}}]] (''A{{'}}'' et ''B{{'}}'', avec ''A'' ⊂ ''A{{'}}'' ⊂ ''X'' et ''B'' ⊂ ''B{{'}}'' ⊂ ''Y'').

== Complété d'un espace métrique ==
Pour tout espace métrique <math>E</math>, il existe un espace métrique complet <math>\hat E</math> qui contient <math>E</math> comme sous-espace [[Partie dense|dense]].

Une façon<ref name=Wikiversité>{{Note autre projet|wikiversité|Topologie générale/Complétude|chapitre « Complétude » de la leçon « Topologie générale »|début=Voir par exemple le}}</ref> de construire un tel espace <math>\hat E</math> est de [[Plongement|plonger]] <math>E</math> ([[Isométrie|isométriquement]]) dans l'espace complet des fonctions bornées de <math>E</math> dans <math>\R</math> (c'est le [[plongement de Kuratowski]]) et de prendre pour <math>\hat E</math> l'[[Adhérence (mathématiques)|adhérence]] de l'[[Image directe|image]] de <math>E</math>. Une autre façon<ref name=Wikiversité/> est de prendre pour <math>\hat E</math> l'ensemble des suites de Cauchy de <math>E</math> [[Relation d'équivalence|quotienté par une relation d'équivalence]] adéquate, en mimant la [[Construction des nombres réels#Construction via les suites de Cauchy|construction des nombres réels par les suites de Cauchy]].

Vu comme espace métrique complet contenant <math>E</math>, un tel espace <math>\hat E</math> est caractérisé ([[à quelque chose près|à unique isomorphisme près]]), au choix, par l'une des deux [[Propriété universelle#Propriété universelle de la complétion d'un espace métrique|propriétés universelles]] suivantes<ref name=Sutherland>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Wilson Alexander Sutherland|titre=Introduction to Metric and Topological Spaces|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=2004|année première édition=1975|page=157-159|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|xbL11KfgiEAC|page=157}}}}.</ref>{{,}}<ref name=Wikiversité/> :
*toute injection isométrique de <math>E</math> dans un espace métrique complet <math>F</math> s'étend de façon unique en une injection isométrique de <math>\hat E</math> dans <math>F</math> ;
*toute application [[Continuité uniforme|uniformément continue]] de <math>E</math> vers un espace métrique complet <math>F</math> possède un [[Continuité uniforme#Prolongement par continuité|unique prolongement continu]] de <math>\hat E</math> vers <math>F</math>. De plus, ce prolongement est uniformément continu.

L'espace <math>\hat E</math> est appelé le '''complété''' de <math>E</math>.

Si cette procédure est appliquée à un espace vectoriel normé, on obtient un espace de Banach contenant l'espace original comme sous-espace dense. En l'appliquant à un [[espace préhilbertien]], on obtient un [[espace de Hilbert]].

L'espace <math>\hat E</math>, vu simplement comme espace métrique complet muni d'une application uniformément continue de <math>E</math> dans <math>\hat E</math>, est encore caractérisé à unique isomorphisme près par la seconde propriété universelle ci-dessus, ''{{Lang|la|[[mutatis mutandis]]}}'' (en particulier, « isomorphisme » ne signifie alors plus « [[bijection]] isométrique » mais « bijection uniformément continue ainsi que sa réciproque »)<ref name=Sutherland/>. <math>\hat E</math> est même, en tant qu'[[espace uniforme]], le [[Espace uniforme#Espace complet|séparé complété]] de <math>E</math>.

== Espace complètement métrisable ==
{{Article détaillé|Espace complètement métrisable}}
La complétude est une propriété métrique, mais pas [[Topologie|topologique]], ce qui signifie qu'un espace métrique complet peut être [[Homéomorphisme|homéomorphe]] à un espace qui ne l'est pas. Par exemple, pour la distance usuelle, l'espace des nombres réels est complet, bien qu'homéomorphe à l'intervalle ]–1, 1[ qui, lui, ne l'est pas – un exemple d'homéomorphisme est la bijection ''h ''de ]–1, 1[ dans ℝ définie par ''h''(''x'') = tan(''x''π/2) ; ou encore, le [[Nombre irrationnel#L'ensemble des irrationnels|sous-espace des irrationnels]] n'est pas complet, alors qu'il est homéomorphe à l'[[Espace de Baire (théorie des ensembles)|espace de Baire ℕ{{exp|ℕ}}]], qui l'est.

Un espace topologique est dit [[Espace complètement métrisable|complètement métrisable]] s'il existe une métrique complète induisant la topologie de cet espace. Par exemple, ]–1, 1[ (muni de la distance usuelle) n'est pas complet, mais il est complètement métrisable, car sa topologie est également induite par la distance complète ''d''(''x'', ''y'') = |''h''(''y'') – ''h''(''x'')|, où ''h ''est n'importe quel homéomorphisme de ]–1, 1[ dans ℝ. À l'inverse, sur [[Nombre rationnel|ℚ]], aucune [[distance équivalente]] à la distance usuelle n'est complète, car aucun espace [[Ensemble dénombrable|dénombrable]] sans [[point isolé]] n'est complètement métrisable, ni même [[Théorème de Baire|de Baire]].

Un espace complètement métrisable est même [[Théorème de Baire#Énoncé|complètement de Baire]] (et bien sûr [[espace métrisable|métrisable]])<ref>La [[réciproque]] est fausse : {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Vincent|nom1=Kieftenbeld|titre=Three Topics in Descriptive Set Theory|éditeur=[[Université de North Texas|UNT]]|lieu=Denton, Texas|année=2010|passage=28|isbn=|lire en ligne=https://digital.library.unt.edu/ark:/67531/metadc28441}}, détaille l'exemple, dû à [[Witold Hurewicz|Hurewicz]], du [[Complémentaire (théorie des ensembles)|complémentaire]] dans ℝ d'un {{Lien|trad=Bernstein set|ensemble de Bernstein}}.</ref>.

Tout [[Espace uniforme#Espace complet|espace uniforme complet]] métrisable est complètement métrisable.

Les deux théorèmes suivants sont dus respectivement à [[Pavel Aleksandrov]] et [[Stefan Mazurkiewicz]]<ref name=Willard179>{{Harvsp|Willard|2012|p=179-180}}.</ref> : 
*Tout [[Hiérarchie de Borel|G{{ind|δ}}]] d'un espace métrique complet est complètement métrisable.
*Réciproquement, dans un espace métrique, tout sous-espace complètement métrisable est un G{{ind|δ}}.{{Retrait|Le second est une application immédiate du théorème de Lavrentiev mentionné [[#Quelques théorèmes|précédemment]]. Le premier se démontre d'abord pour un [[Ouvert (topologie)|ouvert]] ''U'' d'un espace complet ''M'' — ''U'' est homéomorphe à un fermé de ''M''×ℝ, par le [[plongement]] {{nobr|''u'' ↦ (''u'', 1/''d''(''u'', [[Complémentaire (théorie des ensembles)|''M''\''U'']]))}} — puis s'étend à une intersection dénombrable ''H'' de tels ouverts — ''H'' est homéomorphe à un fermé [[Topologie produit|de leur produit, par l'application diagonale]].}}
On en déduit facilement<ref name=Willard179/> qu'un espace métrisable est complètement métrisable si et seulement s'il est un G{{ind|δ}} dans son [[compactifié de Stone-Čech]], ou encore dans tout [[espace complètement régulier]] où il est dense.

Un [[espace séparable]] complètement métrisable est dit [[espace polonais|polonais]].

== Espace quasi complet et espace semi-complet ==

Un [[espace localement convexe]] ''E ''sur le corps des réels ou des complexes est dit quasi complet si tout [[Filtre (mathématiques)#Filtre de Cauchy|filtre de Cauchy]] [[Partie bornée d'un espace vectoriel topologique|borné]] converge dans ''E''.

Un espace uniforme est dit semi-complet s'il est [[Espace uniforme#Espace complet|séquentiellement complet]], c'est-à-dire si toutes [[suite de Cauchy#Suite de Cauchy dans un espace uniforme|ses suites de Cauchy]] convergent.

Puisqu'une suite de Cauchy dans ''E'' est bornée dans ''E'', si ''E'' est quasi complet, il est semi-complet.

Si un espace localement convexe est complet, il est quasi complet. La réciproque est fausse. Par exemple, un [[Espace réflexif|espace de Banach réflexif]] de dimension infinie, muni de sa topologie affaiblie, est quasi complet mais non complet.

En revanche, si un [[Espace localement convexe#Métrisabilité|espace localement convexe ''métrisable'']] est quasi complet, il est complet.

== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Article connexe ===
[[Théorème de Hopf-Rinow]]

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|prénom1=N.|nom1=Bourbaki|lien auteur1=Nicolas Bourbaki|titre=Espaces vectoriels topologiques|sous-titre=Chapitres 1 à 5|lien titre=Éléments de mathématique|éditeur=[[Springer Verlag|Springer]]|année=2006|pages totales=368|pages=364|isbn=3-540-34497-7}}
*[[Georges Skandalis]], ''Topologie et analyse {{3e|année}}'', [[Éditions Dunod|Dunod]], coll. « Sciences Sup », 2001

=== Liens externes ===
* [http://www.les-mathematiques.net/a/a/b/node26.php Complété d'un espace métrique] sur les-mathematiques.net
* [http://www.les-mathematiques.net/a/m/o/node1.php Espace complet] sur les-mathematiques.net

{{portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Construction classique]]
[[Catégorie:Espace métrique]]