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{{Voir homonymes|Forme}}

En [[géométrie différentielle]], une '''forme différentielle''' est la donnée d'un champ d'[[Application multilinéaire#Application alternée|applications multilinéaires alternées]] sur les [[Espace tangent|espaces tangents]] d'une [[variété différentielle]] possédant une certaine régularité. Le '''degré ''' des formes différentielles désigne le degré des applications multilinéaires. La [[différentielle]] d'une fonction numérique peut être regardée comme un champ de [[forme linéaire|formes linéaires]] : c'est le premier exemple de formes différentielles. Au-delà de cet exemple, non seulement les formes différentielles interviennent naturellement dans les problèmes de géométrie différentielle, mais elles permettent de définir des structures importantes, comme les [[forme volume|formes volumes]], les [[forme symplectique|formes symplectiques]], les [[géométrie de contact|formes de contact]] ou encore les [[connexion (mathématiques)|connexions]].

La manipulation des formes différentielles fait intervenir un certain nombre d'opérations, dont le [[produit extérieur]], le [[produit intérieur]], la [[dérivée extérieure]] et la [[dérivée de Lie]]. En particulier, la dérivée  extérieure permet de distinguer les [[forme différentielle fermée|formes fermées]] et les [[différentielle exacte|formes exactes]]. Cette distinction permet dans un second temps de définir les espaces de [[cohomologie de De Rham]].

Les problèmes de régularité ne sont pas abordés dans cet article. On fera donc implicitement l'hypothèse que les fonctions introduites sont de [[classe de régularité|classe C{{exp|{{math|∞}}}}]].

== Définitions ==
{{Ancre|Forme différentielle de degré un}}
=== Forme différentielle de degré 1 ===
{{Article détaillé|Forme différentielle de degré un{{!}}Forme différentielle de degré 1}}
Les formes différentielles de degré 1 – ou 1-formes – sont des champs de [[forme linéaire|formes linéaires]] sur une variété différentielle. Dit autrement, on se donne une forme linéaire en chaque espace tangent <math>T_xM</math> avec une dépendance régulière en <math>x</math>. La dépendance en <math>x</math> peut facilement être précisée par l'expression dans des [[variété (géométrie)|cartes locales]]. On les appelle parfois '''covecteurs''' ou '''champs de covecteurs''' ; ces outils ont des propriétés analogues aux [[champs de vecteurs]]. Il existe en réalité un isomorphisme une fois introduite, par exemple, une [[métrique riemannienne]]. Si <math>f</math> est une fonction réelle différentiable, sa différentielle <math>\mathrm df</math> est une 1-forme différentielle (dite exacte) qui en chaque point <math>x</math> vaut la forme linéaire <math>\mathrm df(x)</math>. Localement, les 1-formes différentielles s'expriment comme combinaisons de différentielles de fonctions.

Plus exactement, le [[espace dual|dual]] de l'espace vectoriel réel <math>\mathbb{R}^n</math> est un [[espace vectoriel]] de [[dimension d'un espace vectoriel|dimension]] ''n''. Si <math>(x_1,..., x_n)</math> désigne les coordonnées dans <math>\mathbb{R}^n</math>, alors on note <math>\mathrm dx_i</math> l'application <math>i</math>-ème coordonnée <math> (x_1, \ldots, x_n) \mapsto x_i </math>. Les formes linéaires sur <math>\mathbb{R}^n</math> s'expriment comme des combinaisons à coefficients réels des formes linéaires <math>\mathrm dx_1,...,\mathrm dx_n</math>. Les 1-formes différentielles <math>\lambda</math> s'expriment alors comme des combinaisons des <math>\mathrm dx_1,...,\mathrm dx_n</math> dont les coefficients <math>\lambda_i</math> dépendent de manière <math>\mathcal{C}^\infty</math> du point de base <math>x\in\mathbb{R}^n</math> :
<center><math>\lambda_x=\lambda_1(x)\cdot\mathrm dx_1+\dots+\lambda_n(x)\cdot\mathrm dx_n</math></center>
Sur une variété différentielle ''M'', une 1-forme différentielle s'exprime localement comme ci-dessus dans les cartes locales. L'exemple le plus simple est la [[différentielle]] d'une fonction <math>f:\R^n\to\R</math> en un point ''a''
<center><math>\mathrm d_a f = \sum_{i=1}^n \frac{\partial f}{\partial x_i}(a)\mathrm d x_i \quad \in (T_a\R^n)^*</math></center>

Si ''X'' est un champ de vecteurs sur ''M'' et λ est une 1-forme différentielle, alors <math>\lambda(X): x \in M\to \lambda_x(X(x)) \in \R</math> est différentiable ; cette fonction est linéaire en ''X''. Cela permet de regarder une 1-forme différentielle comme une forme linéaire sur le [[Module sur un anneau|module]] des champs de vecteurs sur ''M'' (dont l'anneau de base est l'ensemble des fonctions de ''M'' dans ℝ).

=== Définition comme champ de formes multilinéaires alternées ===
Les formes différentielles se définissent comme une extension en géométrie différentielle des [[Forme multilinéaire|formes multilinéaires]] [[Application multilinéaire#Application alternée|alternées]].

Pour une variété différentielle ''M'', une '''forme différentielle ω de degré ''k''''' sur ''M'' est un champ d'applications ''k''-linéaires alternées sur les espaces tangents <math>T_x M</math> avec une dépendance régulière en ''x'' : pour tous champs de vecteurs <math>X_1,...,X_k</math>, la fonction <math>x\mapsto \omega_x(X_1(x),\dots,X_k(x))</math> est de classe C{{exp|{{math|∞}}}}.

De même que pour les 1-formes différentielles, il est possible de donner l'expression locale des formes différentielles de degré ''k'' grâce au produit extérieur (voir plus bas).

=== Définition comme section d'un fibré ===
L'ensemble des applications multilinéaires alternées sur <math>T_xM</math> forme un espace vectoriel noté <math>\Lambda^kT^*_xM</math>. L'ensemble de ces espaces forme ce qu'on appelle un [[fibré vectoriel]] sur ''M'', noté <math>\Lambda^kT^*M</math>, formellement la ''k''-ième puissance du [[fibré cotangent]] de ''M''. Une forme différentielle de degré ''k'' peut se redéfinir comme une [[section d'un fibré|section]] globale de ce fibré vectoriel. 

Cette approche permet non seulement de donner une meilleure signification à la régularité de la forme différentielle, mais permet aussi d'étendre la définition des formes différentielles. Si ''E'' est un fibré vectoriel sur ''M'', une forme différentielle de degré ''k'' à valeurs dans ''E'' est une section globale du [[produit tensoriel]] <math>\Lambda^kT^*M\otimes E</math>. C'est donc un champ d'applications multilinéaires alternées à valeurs dans les fibres de ''E''. De telles formes peuvent aussi être définies comme des applications multilinéaires alternées du module ''X''(''M'') dans le module des sections globales de ''E''.

== Opérations sur les formes différentielles ==
La manipulation des formes différentielles en pratique exige un ensemble d'opérations élémentaires. Certaines sont purement algébriques et se définissent en réalité pour toutes applications multilinéaires alternées. D'autres sont propres à la [[topologie différentielle]] et aux formes différentielles.

=== Opérations algébriques ===
Par définition, l'ensemble des formes différentielles (réelles) de degré ''k'' sur une variété différentielle ''M'' forme un module <math>\Omega^k(M)</math> sur C{{exp|{{math|∞}}}}(''M''). En particulier, les formes différentielles de degré ''k'' s'additionnent ou peuvent être multipliées par des fonctions réelles :
<center><math>(\alpha+\beta)_x(v_1,\dots,v_k)=\alpha_x(v_1,\dots,v_k)+\beta_x(v_1,\dots,v_k)</math> ;</center>
<center><math>(f\alpha)_x(v_1,\dots,v_k)=f(x)\cdot\alpha_x(v_1,\dots,v_k)</math>.</center>
;Produit intérieur : Le [[produit intérieur]] se définit en [[algèbre linéaire]], définition qui s'étend naturellement aux formes différentielles. Si ''X'' est un champ de vecteurs et α une forme différentielle de dimension ''k'', on définit une forme différentielle de degré ''k'' – 1, par :<center><math>(\iota_X\alpha)_x(v_2,\dots,v_k)=\alpha_x(X(x),v_2,\dots,v_k)</math>.</center>
;Produit extérieur : Le [[produit extérieur]] de deux formes différentielles α et β de degrés respectifs ''k'' et ''q'' se définit comme suit :<center><math>(\alpha\wedge \beta)_x(v_1,\dots,v_{k+q})=\sum \varepsilon(\sigma)\cdot \alpha_x(v_{\sigma(1)},\dots,v_{\sigma(k)})\cdot \beta_x (v_{\sigma(k+1)}, \dots, v_{\sigma(k+q)})</math>,</center>où <math>\varepsilon(\sigma)</math> désigne la signature de la permutation σ et la somme porte sur toutes les [[permutation]]s σ de [1, ''k + q''] croissantes sur les ''k'' premiers entiers et croissantes sur les ''q'' derniers. Le résultat est une forme de degré ''k + q''.

Ces opérations munissent <math>\Omega(M)=\oplus \Omega^k(M)</math> d'une structure d'[[algèbre graduée]] commutative. Ici, [[commutatif]] signifie que pour toutes formes différentielles α et β de degrés respectifs ''k'' et ''q'', on a :
<center><math>\alpha\wedge \beta=(-1)^{kq}\beta\wedge\alpha.</math></center>

;[[image réciproque (géométrie différentielle)|Image réciproque (pullback)]] : Si <math>f:M\rightarrow N</math> est une application de classe C{{1}} et si α est une forme différentielle de degré ''k'' sur ''N'', on définit <math> f^*\alpha</math> comme une forme différentielle de degré ''k'' sur ''M'' par :
<center><math>(f^*\alpha)_x(v_1,\dots,v_k)=\alpha_{f(x)}(\mathrm df_x(v_1),\dots,\mathrm df_x(v_k))</math>.</center>
L'application <math>f^*:\Omega(N)\rightarrow \Omega(M)</math> définit un morphisme d'algèbres graduées.

=== Dérivée extérieure ===
{{Article détaillé|Dérivée extérieure}}
La dérivée extérieure est définie comme l'unique application <math>\mathrm d:\Omega(M)\to \Omega(M)</math>, transformant les ''k''-formes en (''k'' + 1)-formes, et vérifiant :
*si {{math|''f''}} est une [[Classe de régularité|fonction lisse]], la [[Forme différentielle de degré un|1-forme]] {{math|d''f''}} est la [[Variété différentielle#Vecteurs tangents et différentielle d'une application|différentielle]] de {{math|''f''}} ;
*pour toutes formes {{math|α}} et {{math|β}}, où {{math|α}} est de degré {{math|''p''}} : <math>\mathrm{d}(\alpha \wedge \beta) = \mathrm{d}\alpha \wedge \beta + (-1)^p (\alpha \wedge \mathrm{d}\beta)</math> ;
*le [[Composition de fonctions#Puissances fonctionnelles|carré]] de {{math|d}} est nul : {{math|1=d(dω) = 0}}.

Une forme différentielle {{math|ω}} pouvant s'écrire comme une dérivée extérieure ({{math|1=ω = dξ}}) est dite [[Différentielle exacte|exacte]].

Une forme différentielle {{math|ω}} dont la dérivée est nulle ({{math|1=dω = 0}}) est dite [[Forme différentielle fermée|fermée]].

Les formes exactes et les formes fermées sont donc, respectivement, l'[[Image d'une application|image]] et le [[Noyau (algèbre)#Noyau d'une application linéaire|noyau]] de {{math|d}}.

Le troisième axiome se reformule en : « toute forme exacte est fermée ».

La [[réciproque]] n'est pas vraie en général, et l'étude des liens entre formes exactes et formes fermées conduit à la théorie de la [[cohomologie de De Rham]].

=== Dérivée de Lie ===
{{Article détaillé|Dérivée de Lie}}
Une 0-forme différentielle est une fonction différentiable <math>f</math> ; considérer sa dérivée selon un champ de vecteurs ''X'' consiste à introduire la fonction <math>\mathrm df(X)</math>. La dérivée de Lie d'une forme différentielle α de degré ''k'' selon un champ de vecteurs ''X'' est une forme différentielle de degré ''k'' notée <math>\mathcal{L}_X\alpha</math> définie par :
<center><math>\mathcal{L}_X\alpha=\frac{d}{dt}\varphi_t^\ast(\alpha)\mid_{t=0}.</math></center>
On démontre (formule de Cartan) que
<center><math>
\mathcal{L}_X\alpha=\mathrm d\iota_X\alpha+\iota_Xd\alpha.</math></center>

== Expression locale ==
{{Section vide ou incomplète}}

== Intégration des formes ==

Les formes différentielles de degré ''k'' sont intégrées sur des [[Complexe simplicial#Homologie simpliciale|chaînes]] de dimension ''k''. Si ''k'' est nul, alors il s'agit d'une évaluation des fonctions aux points considérés. D'autres valeurs de ''k'', avec ''k'' > 0, correspondent aux [[intégrale curviligne|intégrales curvilignes]], [[intégrale de surface|de surface]], de volume, etc. 

Soit

<center><math>\omega=\sum a_{i_1,\cdots,i_k}({\mathbf x})\,\mathrm dx_{i_1} \wedge \cdots \wedge \mathrm dx_{i_k} </math> </center>

une forme différentielle et ''S'' un ouvert d'une [[variété différentielle|variété orientée]] de dimension ''k'' [[Théorème de plongement de Whitney|plongée dans '''R'''{{exp|''n''}}]], paramétré par : 

<center><math>S({\mathbf u})=(x_1({\mathbf u}),\cdots,x_n({\mathbf u}))</math></center>

avec {{math|'''u'''}} un paramètre dans le domaine ''D''. Alors {{Harvsp|Rudin|1976}} définit l'intégrale de la forme différentielle sur ''S'' par : 

<center><math>\int_S \omega =\int_D \sum a_{i_1,\cdots,i_k}(S({\mathbf u})) \frac{\partial(x_{i_1},\cdots,x_{i_k})}{\partial(u_{1},\cdots,u_{k})}\,\mathrm d{\mathbf u}</math></center>

où 

<center><math>\frac{\partial(x_{i_1},\cdots,x_{i_k})}{\partial(u_{1},\cdots,u_{k})}</math></center>

est le déterminant [[jacobien]].

D'après le [[Intégrale multiple#Changement de variables|théorème de changement de variables]], cette définition ne dépend pas du paramétrage (compatible avec l'orientation) de l'ouvert.

{{voir aussi|Théorème de Stokes}}

== Références ==
{{Traduction/Référence|en|Differential form|23329898}}
*{{Ouvrage|lang=en|auteur=[[Raoul Bott]]|auteur2=Loring W. Tu|titre=Differential Forms in Algebraic Topology|éditeur=[[Springer Verlag|Springer]]|année=1982|collection=[[Graduate Texts in Mathematics|GTM]]|numéro dans collection=82|url={{Google Livres|COuPBAAAQBAJ}}}}
* {{Ouvrage|lang=en|lien auteur1=Walter Rudin|prénom1=Walter|nom1=Rudin|titre=Principles of Mathematical Analysis|lieu=New York|éditeur=McGraw-Hill|année=1976|isbn=978-0-07054235-8}}
* {{en}} [[Michael Spivak]], ''Calculus on Manifolds'', Benjamin, 1965 {{ISBN|978-0-80539021-6}} {{Lire en ligne|url=https://books.google.fr/books?id=oMGc3zwvw34C}}
* {{en}} Vladimir A. Zorich, ''Mathematical Analysis II'', Springer, 2004 {{ISBN|978-3-540-40633-4}} {{Lire en ligne|url=https://books.google.fr/books?id=XF8W9W-eyrgC}}
*{{fr}} Henri Cartan,''Formes différentielles'', Hermann, 1967 plusieurs rééditions, la dernière en 2007
== Voir aussi ==
*[[Variété (géométrie)]]
*{{Lien|trad=Complex differential form|Forme différentielle complexe}}
*[[Différentielle de Kähler]]
{{Palette|Variété différentielle}}
{{Portail|géométrie}}

[[Catégorie:Topologie différentielle]]
[[Catégorie:Forme différentielle|*]]