Voir la source de François Viète

{{En-tête label|AdQ|année=2009}}
{{redirect homophones|Viète|Viêt}}
{{Infobox Biographie2
 | charte            = mathématicien
 | nom               = François Viète
 | image             = Francois Viete.jpeg
 | légende           = d'après [[Daniel Rabel|Daniel]] ou [[Jean Rabel]].
 | date de naissance = 1540
 | lieu de naissance = [[Fontenay-le-Comte]]
 | pays de naissance = [[France]]
 | date de décès     = 23 février 1603 <small>(à environ {{nobr|62 ans}})</small>
 | lieu de décès     = [[Paris]]
 | pays de décès     = [[France]]
 | domicile          = 
 | nationalité       = [[France|Française]]
 | champs            = [[Algèbre]], [[cryptographie]] et [[géométrie]]
 | institutions      = 
 | diplôme           = [[Université de Poitiers|Université de droit de Poitiers]]
 | directeur thèse   = 
 | étudiants thèse   = 
 | renommé pour      = [[Algèbre nouvelle]]
 | prix              = 
 | notes             = 
 | signature         = Signature François Viète.svg
 | légende signature = Signature de François Viète en 1598.
}}

'''François Viète''', ou '''François Viette'''<ref>{{Citation|Nous avons […] tort en nous mettant à accentuer, parfois à faux, les noms d'hommes qui vivaient à une époque où il n'y avait pas d'accents ; c'est ainsi que nous écrivons Viète (d'après le latin ''{{Langue|la|Vieta}}''), tandis que l'orthographe véritable est Viette.}} — {{p.|117}} de {{Article|titre={{Langue|de|{{Dr}} [[Siegmund Günther]]. ''Geschichte der anorganischen Naturwissenschaften im neuzehnten Jahrhundert''}}|auteur=[[Paul Tannery]]|revue=[[Revue critique d'histoire et de littérature]]|vol=53|année=1902|pages=114-117|url=https://archive.org/stream/nsrevuecritiqued53pariuoft#page/117/mode/1up}}.</ref>, en [[latin]] '''{{Langue|la|Franciscus Vieta}}''', est un [[mathématicien]] français, né à [[Fontenay-le-Comte]]<ref>Ou {{Citation|dans la région de Fontenay-le-Comte}} : {{Article|auteur=Jean Grisard|titre=Francois Viète : homme du {{s-|XVI}}, mathématicien du {{s mini-|XVII}} ?|revue=Baroque|vol=7|année=1974|url=http://baroque.revues.org/443}}. Mais le même auteur le fait également naître à Fontenay-le-Comte — {{Chapitre|auteur=Jean Grisard|titre=Viète, François - (1540-1603)|ouvrage=[[Encyclopædia Universalis]]<!--idem sur la version papier-->|url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/francois-viete}}, de même que {{Harvsp|Ritter|1895|p=237}}.</ref> ([[Vendée (département)|Vendée]]) en 1540 et mort à [[Paris]] le {{date|23|février|1603}}.

De famille bourgeoise et de formation juridique, il a été l'[[Avocat (métier)|avocat]] de grandes familles [[protestant]]es, dont les [[Jean V de Parthenay|Parthenay-l'Archevêque]] et les [[Maison de Rohan|Rohan]], avant de devenir conseiller, puis [[maître des requêtes]] au [[Parlement de Bretagne|parlement de Rennes]], sous {{souverain2|Charles IX (roi de France)}}, puis maître des requêtes ordinaires de l'hôtel du roi sous {{souverain2|Henri III (roi de France)}}. Maître des requêtes et déchiffreur de {{souverain2|Henri IV (roi de France)}}, membre du conseil du roi, il mène, parallèlement à ces charges au service de l'État, une carrière de mathématicien « [[amateur]] » qui lui vaut l'estime des grands professionnels de son temps.

Inspiré par [[Pierre de La Ramée|de La Ramée]], [[Guillaume Gosselin|Gosselin]] et [[Jacques Peletier du Mans|Peletier du Mans]], il restaure la [[Histoire de la géométrie|géométrie des Anciens]] ([[Apollonios de Perga|Apollonius]], [[Théon d'Alexandrie le Mathématicien|Théon]] et [[Diophante d'Alexandrie|Diophante]]) et prolonge les travaux d'[[Al-Battani]], de [[Georg Joachim Rheticus|Rheticus]] et de [[Regiomontanus]] sur les [[Sinus (mathématiques)|sinus]] et les [[Triangle sphérique|triangles sphériques]]. La publication de son livre phare, ''<cite lang=la>[[In artem analyticem isagoge]]</cite>'', marque en 1591 le début de la révolution algébrique qui, poursuivie par [[Thomas Harriot|Harriot]], [[William Oughtred|Oughtred]], [[Albert Girard|Girard]] et [[Descartes]], fondera les notations de l'algèbre contemporaine. Viète est un des premiers mathématiciens en [[Europe]] à noter les paramètres d'une [[Équation (mathématiques)|équation]] par des symboles. Il fonde ainsi l'[[algèbre nouvelle]] ou « logistique spécieuse », une version « [[Homogénéité (physique)|homogène]] » de notre façon actuelle de mener les [[Équation|calculs symboliques]]. Écrivant en latin et connu de toute l'Europe, il formera quelques élèves, [[Nathanael Tarporley]], [[Pierre Aleaume|Pierre]] puis [[Jacques Aleaume]], [[Marin Ghetaldi]], [[Jean de Beaugrand]], [[Alexander Anderson (mathématicien)|Alexander Anderson]], ainsi que des correspondants dont [[Philippe van Lansberge|Lansberg]] de [[Meulebeke|Meulabeecke]], qui contribueront à sa renommée et prolongeront ses méthodes, les diffusant en [[Angleterre]], aux [[Pays-Bas]], en [[Italie]] et en [[Allemagne]]. Il finit par l'emporter sur quelques contradicteurs tels qu'[[Adrien Romain]] et [[Joseph Juste Scaliger]]. Une partie de ses travaux est consacrée à l'[[astronomie]]. Enfin, par ses travaux de déchiffreur, et singulièrement les dernières recommandations qu'il communiqua à [[Maximilien de Béthune, duc de Sully|Sully]] quelques semaines avant sa mort, Viète est l'un des premiers [[cryptologue]]s à systématiser l'[[Cryptanalyse|art de casser les codes]].

Sa « logistique spécieuse », appréciée par [[Frans van Schooten|van Schooten]], [[Fermat]], [[Christian Huygens|Huygens]] et [[Isaac Newton|Newton]], détermine la façon d'écrire les [[mathématiques]] jusqu'à ce que Descartes libère cette écriture de ses contraintes d'homogénéité<ref name="RDI">{{Ouvrage |auteur1=[[Gérald Hervé]] |auteur2=Hervé Baudry |titre=Descartes inutile |éditeur=[[L'Harmattan]] |année=1999 |pages totales=621 |passage=333-336 |isbn=978-2-7384-8274-7 |lire en ligne={{Google Livres|kVxyne6N7KoC}}}}.</ref>. Des mathématiciens du {{s-|XIX}}, [[Michel Chasles]] et [[Joseph Bertrand]]<ref name=Bertrand>{{Ouvrage |auteur1=Joseph Bertrand |titre=Éloges académiques (avec un éloge historique de Joseph Bertrand par [[Gaston Darboux]]) |éditeur= |année=1902 |passage=37 et 143-176 |lire en ligne=https://archive.org/stream/logesacadmiq00bertuoft#page/142/mode/2up}}.<!--http://ia802707.us.archive.org/0/items/logesacadmiq00bertuoft/logesacadmiq00bertuoft.pdf--></ref>, redécouvriront sa figure et l'importance de ses travaux, notamment ceux qui préfiguraient l'invention du [[Trigonométrie sphérique#Triangle polaire|triangle sphérique polaire]] et celle des [[inversion (géométrie)|inversion]]s.

== Biographie ==
{{Article connexe|Chronologie de la vie de François Viète}}
=== Origines ===
[[Image:Auberge-Ste-Catherine.JPG|thumb|left|Maison familiale à Foussais-Payré<ref>[http://www.foussais-payre.com/tourisme/hebergement-et-restauration Auberge Ste Catherine] : Viète n'est peut-être pas né à Fontenay-le-Comte mais à Foussais<!--https://web.archive.org/web/20081114152222/http://www.accueil-vendee.com/blog/?m=200802--> dans cette maison, ou encore à La Bigotière.</ref>.]]Son grand-père, qui lui-même se nommait François Viette, était un marchand originaire de [[La Rochelle]]<ref name="SAdT">{{Article|titre=François Viète (1540-1603), « maistre des requestes, premier mathématicien de son temps »|auteur=Jacques Borowczyk|revue=Bulletin de la [[Société archéologique de Touraine]]|vol=49|année=2003|pages=149-163|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65324237/f155.image|oclc=31715845}} ({{p.|150}}).</ref>. Installé dans la paroisse de [[Foussais-Payré]], il avait légué son commerce à son aîné, Mathurin, et fait donner une solide instruction à son cadet, Étienne<ref name="R"/>. Il eut aussi un troisième fils, et deux filles, Jeanne et Josèphe. Le second de ses fils, Étienne Viète, le premier à écrire son nom avec un seul ''t''<ref>{{Article|revue=Bulletin de bibliographie, d'histoire et de biographie mathématiques|année=1860|vol=6|titre=Généalogie de Viète|url=http://www.numdam.org/numdam-bin/item?id=NAM_1860_1_19__S1_0|page=73-79}} (supplément du vol. 19 des ''[[Nouvelles annales de mathématiques]], {{1re|série}}'').</ref>, était devenu [[procureur]] de [[Fontenay-le-Comte]] et [[notaire]] du [[Le Busseau|Busseau]]<ref name="Ritter">{{Chapitre|url=https://archive.org/stream/compterendu21asso#page/16/mode/2up<!--http://ia311018.us.archive.org/2/items/compterendu21asso/compterendu21asso_bw.pdf-->|titre ouvrage=Comptes rendus de la {{21e|session}} de l'[[Association française pour l'avancement des sciences|AFAS]] (Pau, 1892)|auteur=Frédéric Ritter|titre=François Viète, inventeur de l'algèbre moderne (esquisse biographique)|vol=2|année=1893|page=17-25}}.</ref>. Il avait épousé Marguerite, fille de François Dupont et de Françoise Brisson, et [[Cousin germain|cousine germaine]] de [[Barnabé Brisson (magistrat)|Barnabé Brisson]]<ref name="SAdT"/>, futur [[Premier président du Parlement de Paris|premier président du parlement de Paris]] et [[Pendaison|pendu]] pendant la domination de [[Ligue catholique (France)|la Ligue]]<ref name="Notice">{{Article|auteur=[[Frédéric Ritter]]|url=https://archive.org/stream/larevueoccident01frangoog#page/n243/mode/2up|titre=François Viète, inventeur de l'algèbre moderne, 1540-1603 — Essai sur sa vie et son œuvre|revue=Revue occidentale philosophique, sociale et politique|série=2|vol=X|numéro=107|année=1895|pages=234-274 et 354-415}}.</ref>.
[[Image:Barnabé Buisson.jpg|thumb|upright=0.83|Portrait de Barnabé Brisson jeune, musée vendéen de [[Fontenay-le-Comte]].]]
Le couple habita Fontenay et eut sept enfants : trois garçons — François, Nicolas et René — et quatre filles — Claude, Françoise, Jeanne, et Julie (ou Julienne)<ref name=Gambier>{{Article|auteur=G. Gambier|titre=Le mathématicien François Viète : généalogie de sa famille|revue=Bulletin de la Société des archives historiques, Revue de la [[Saintonge]] et de l'[[Aunis]]|vol=31|année=1911|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2095326/f242.image|page=145-152 et 234-253}} ({{p.|235-236}}).</ref>. En ancien [[Poitevin (langue)|poitevin]], Viette pourrait signifier « rusé »<ref name="G">{{Ouvrage|auteur=Jean Grisard|titre=François Viète, mathématicien de la fin du seizième siècle : essai bio-bibliographique. Thèse de [[Doctorat de troisième cycle|doctorat de {{3e|cycle}}]], sous la direction de [[René Taton]]<!--https://books.google.fr/books?hl=fr&id=CLfaAAAAMAAJ&pg=PA379&sig=ACfU3U1YyOeff_5OCd80UIYl4L-c9JocoQ&focus=searchwithinvolume&q=Grisard-->|éditeur=[[EPHE]]|année=1968}} ; disponible au [https://archive.is/ve99k#selection-337.0-337.41 Centre Koyré Jardin des Plantes : pavillon Chevreul {{3e|étage}} {{nobr|57 rue}} Cuvier 75005] ; voir [http://koyre.tamil.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=20511 ici].</ref> ou « vieux »<ref>{{Article|auteur=[[Georges Dubosc]]|url=http://www.bmlisieux.com/normandie/dubosc35.htm|titre=Les noms de famille|revue=[[Le Journal de Rouen]]|jour=11|mois=2|année=1900}}.</ref>, ou encore « sentier »<ref name="SAdT"/>.

Quoique [[catholique]]<ref name="G"/>, la famille de François Viète se montrait sensible aux idées de la [[Réforme protestante|Réforme]]. Néanmoins, si Étienne se convertit à la nouvelle foi, Nicolas et René demeurèrent fidèles à [[Église catholique|Rome]]. Un fils de leur oncle Mathurin, marchand à [[Marans (Charente-Maritime)|Marans]], leur cousin ''François Viette'', connu pour son ardent catholicisme {{nobr|vers 1565}}, devint dans cette décennie un [[calviniste]] zélé<ref name="G"/>{{,}}<ref name="B">[[Évelyne Barbin]] (dir.) et Anne Boyé (dir.), ''François Viète, un mathématicien sous la Renaissance'', Vuibert, 2005 {{ISBN|978-2-71175380-2}}.</ref>. Les territoires du [[Bas-Poitou]] étaient, en effet, soumis à l'influence des seigneurs [[huguenot]]s de [[François III Bouchard d'Aubeterre|Bouchard d'Aubeterre]], du [[Histoire de Pons|Pons]] et de [[Parthenay]] qui, depuis le retour de [[Ferrare]] de [[Michelle de Saubonne]] et d'[[Anne de Parthenay]], professaient la nouvelle doctrine et faisaient dire le [[Prédication#Dans le protestantisme|prêche]] sur leurs terres.

=== Jeunesse ===
[[Image:Fontenay-le-Comte - Maison Francois Viete.jpg|thumb|upright=0.83|Maison familiale à [[Fontenay-le-Comte|Fontenay]].]]
Étienne envoie son aîné François {{Citation|chez les [[Cordeliers]] de Fontenay qui, sans transformer leur couvent en collège, instruisaient volontiers les enfants […] ; c'est aux Cordeliers de Fontenay que [[François Rabelais|Rabelais]] […] s'était dégoûté de moinerie<ref name=Bertrand/>}}. on connaît cependant une dissertation  lue devant un précepteur, Marin Evrard [[Bellovaques|Bellovaque]] (de [[Beauvais]])<ref>Marin Everard de Beauvais ''in'' Claude Fleury, [https://books.google.com/books?id=luhaAAAAQAAJ&pg=RA1-PA374&dq=Marin+Everard++de+Beauvais&hl=fr#v=onepage&q=Everard&f=false Histoire ecclésiastique, Volume 23]</ref>{{,}}<ref>Marin Everard de Beauvais ''in'' [https://books.google.com/books?id=TAI8AAAAMAAJ&pg=RA2-PA233&lpg=RA2-PA233&dq=Marin+Everard++de+Beauvais&source=bl&ots=Cpu8BuNhtc&sig=_WB4fFMnXI2yzsbakQkD4zrgV4I&hl=fr&ei=q4bbSo2gMon-4AbN9fzKCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CAgQ6AEwAA#v=onepage&q=Marin%20Everard&f=false Biographie ardennaise]</ref>, en 1555<ref name="G"/>, et publiée dans ''Quinque orationes philosophicae''<ref>[https://books.google.com/books?id=N_S1PgAACAAJ Quinque orationes Philosophicæ Ad Novam huius temporis Franciscus Morellus, Tussanus Puteanus, Franciscus Talpinus, Franciscus Vietaeus, Éditeur Wechel, 1555]</ref> sous le nom de Franciscus Vietoe<ref>Cette forme incorrecte de latinisation est à rapprocher de celle qu'il donne ultérieurement, comme ici : {{lire en ligne|url=https://books.google.fr/books?id=39gTAAAAQAAJ&pg=RA1-PA297#v=onepage&q&f=false}} forme, qui lui sera reproché par Scaliger.</ref>. Ses autres camarades seraient alors: Franciscus Talpinus, Tusseanus Puteanus (Toussaint Dupuy)<ref>{{la}} François Taupin, Tussanus Puteanus : [https://books.google.com/books?id=_4I8AAAAcAAJ&printsec=frontcover&dq=inauthor:%22Tussanus+Puteanus%22&lr=&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=&f=false Due orationes philosophicæ ad novam huius temporis. politam accomodatae de novis Lutetiae Parisiorum moenibus contrariae (édité en 1841 par Jean-Auguste Meissner de Hambourg)]</ref>, [[François Ragueau|Franciscus Raguellus]]<ref>Adrien Baillet sur la manie de latiniser tous les noms d'auteur : [https://books.google.com/books?id=qc8WAAAAQAAJ&pg=PT255&lpg=PT255&dq=François+Raguel&source=bl&ots=bJ5tRRB-c-&sig=PXbzWN0qXaCqJ0X8O8potPcWG4s&hl=fr&ei=FNDWSp2cPIz_4AaA5sXJCA&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CAoQ6AEwAA#v=onepage&q=François%20Raguel&f=false Jugemens des savans sur les principaux ouvrages des auteurs, Volume 3 (1725)]</ref>{{,}}<ref>Franciscus Raguellus a poursuivi une carrière d'auteur : [https://books.google.com/books?id=Yc2TGwAACAAJ&dq=Franciscus+Raguellus&hl=fr Indice des droict roiaux et seigneuriaux, des plus notables dictions, termes ... Franciscus Raguellus]</ref>{{,}}<ref>Epitaphe de Francisus Ragellus († 1605), [https://books.google.com/books?id=kcdCAAAAYAAJ&pg=PA146&dq=Franciscus+Raguellus&hl=fr#v=onepage&q=Franciscus%20Raguellus&f=false Histoire de Berry, Volumes 1-2 par Gaspard Thaumas de la Thaumassière (sieur du Puy-Ferrand)]</ref> et Franciscus Morellus. Le titre de cette dissertation est ''Quod Captae ab hostibus regionis melior est quam vastata conditio''.

En 1558, François Viète fréquente la faculté de [[droit]] [[Université de Poitiers|de Poitiers]], dont il sort bachelier et licencié en droit à la fin de l'année 1559<ref name="Notice"/>. Il y a sans doute pour camarade [[Nicolas Rappin]]<ref>{{Ouvrage |auteur1=Nicolas Rapin |titre=Œuvres |volume=II |titre volume=Vers publiés après 1608 et inédits |éditeur=[[Librairie Droz]] |année=1982 |pages totales=634 |passage=7 |isbn=978-2-600-02584-3 |lire en ligne={{Google Livres|nNeLMoYPbHYC|page=7}}}}.</ref> et peut-être des amis de celui-ci, comme Charles Tiraqueau (petit-fils du poète [[André Tiraqueau]]), Pierre Gabryaud et [[Scévole de Sainte-Marthe (1536-1623)|Scévole de Sainte-Marthe]]. En 1560, il devient avocat à Fontenay et réside dans un petit [[Hôtel particulier|hôtel]] dont il a hérité ; toutefois, on le nomme déjà ''Sieur de la Bigotière''<ref name="Notice"/> sur les [[Histoire de l'état civil en France|actes d'état civil]]<ref name="R"/>, du nom d'une [[Métairie (colonat paritaire)|métairie]] de Foussais héritée par son père, qui l'avait léguée en [[indivision]] à François et ses frères (il ne leur racheta leurs droits {{nobr|qu'en 1564}} pour René, 1574 pour Nicolas<ref name="R"/>). Fondé de pouvoir de son père à Paris (acte du {{date-|26 août 1560}}<ref name="R"/>), ses mandataires lui confient alors des affaires importantes, notamment un partage de revenus ecclésiastiques à La Rochelle (acte du {{date-|15 février 1561}}), la liquidation des [[fermage]]s en Poitou du [[douaire]] d'[[Éléonore de Habsbourg|Éléonore d'Autriche]], veuve de {{François Ier}}<ref name=Bertrand/>{{,}}<ref name="R"/> (acte introuvable<ref name="G"/>), ou encore les intérêts de [[Marie Ire d'Écosse|Marie Stuart]], veuve de {{souverain2|François II (roi de France)}}, dans un procès pour le partage d'un trésor découvert près de Fontenay, dans un moulin de son douaire<ref name=Bertrand/>{{,}}<ref name="R"/> (acte du {{date-|21 janvier 1564}}).

=== Au service des Parthenay ===

En 1564, {{Référence souhaitée|date=juillet 2015|à la suite de}} {{Douteux|date=juillet 2015|son oncle<!--prénom ? + sûrement pas son oncle, puisque sa mère était seulement nièce d'un Brisson, cf. supra-->}} Brisson, il entre au service d’[[Antoinette d'Aubeterre]]<ref name='R'/>, comme secrétaire de son mari [[Jean V de Parthenay|Jean de Parthenay-l’Archevêque]]<ref name="Ritter"/>, dit ''Soubise'', seigneur de [[Soubise (Charente-Maritime)|Soubise]] et d'autres terres du [[Poitou]], un des plus grands capitaines de guerre calvinistes. Avant de s'établir au [[château du parc Soubise]], près de [[Mouchamps]] (à quelque dix [[lieue]]s<!--plus précisément : 40 km--> de Foussais et de Fontenay), il doit accompagner Jean de Parthenay à [[Lyon]] pour le défendre<ref name="Ritter"/>.
[[Image:Blason Parthenay.svg|upright=0.8|right|thumb|Blasonnement : ''burelé d'argent et d'azur, à la bande de gueules brochant sur le tout''.
Ces armes étaient celles des [[seigneurs de Parthenay]].]]
En effet, Jean de Parthenay a tenu la ville de Lyon (jusqu'en 1563) sur ordre du [[Louis Ier de Bourbon-Condé|prince de Condé]]<ref name="Bez">{{Ouvrage |auteur1=Théodore de Bèze |titre=Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France |volume=2 |lieu=Lille |éditeur= |année=1841 |lire en ligne={{Google Livres|2_sQAAAAIAAJ}}}}.</ref>. Il a défendu cette ville contre les armées royales commandées par le [[Jacques de Savoie-Nemours|duc de Nemours]] et ne l'a rendue au roi qu'après la signature de la [[paix d'Amboise]]<ref name="AM">{{Ouvrage |auteur1=Matthew A. Vester |titre=Jacques de Savoie-Nemours |éditeur=[[Librairie Droz]] |année=2008 |passage=135 |isbn= |lire en ligne={{Google Livres|Ez6iRJlp41gC|page=135}}}}.</ref>. Or pendant le siège, le [[François de Guise|duc de Guise]] a été assassiné par un des lieutenants de Parthenay, [[Jean de Poltrot de Méré|Poltrot de Méré]], qui accuse sous la [[torture]]<ref>[[Pierre de l'Estoile]], ''Journal de {{souverain-|Henri III}}. Roy de France & de Pologne'', 1744 {{lire en ligne|url={{Google Livres|KcZOAAAAMAAJ|page=23}}}}, {{p.|23}}.</ref> l'[[Gaspard II de Coligny|amiral de Coligny]], [[Théodore de Bèze]] et Jean de Parthenay d'avoir commandité le meurtre<ref name="Bez"/>.

Viète axe sa plaidoirie sur la conduite exemplaire des armées de Jean de Parthenay à Lyon. Il le suit dans cette ville, lors du [[Grand tour de France de Charles IX#En Lyonnais et Dauphiné|passage de la cour (juin 1564)]], afin de recueillir les faits relatifs au siège que Soubise a soutenu l'année précédente<ref>{{Harvsp|Vester|2008}}.</ref>, {{Citation|pendant qu'ils étaient dans toutes les mémoires<ref name="R"/>}}.

Il parvient à innocenter Soubise, puis reprend sa place de secrétaire au parc Soubise. Généalogiste de la famille, il en retrace l'histoire depuis les origines des [[Maison de Lusignan|Lusignans]] et, fin 1564, il devient le précepteur de la fille unique de Jean V de Parthenay et d'Antoinette d'Aubeterre, [[Catherine de Parthenay]], alors âgée de onze ans<ref name=Bertrand/>. Comme ses parents, la jeune fille apprend le latin et le grec<ref name="JDLP">[[Joseph de La Porte]] et Jean-François [[Maison de La Croix de Castries|de La Croix]]<!--[[Discussion:Maison de La Croix de Castries]]-->, ''[https://archive.org/stream/histoirelittra01lapouoft#page/118/mode/1up Histoire littéraire des femmes françoises, ou Lettres historiques…, vol. 1]'', 1769, {{p.|118}}.</ref> ; François Viète lui enseigne aussi les sciences, et notamment des rudiments d'astronomie, de géographie et de trigonométrie. Femme d’action, de lettres et de sciences, elle entretint par la suite avec lui une relation faite d'admiration mutuelle, qui ne faiblit jamais et ne s'éteignit qu'à la mort de Viète, en 1603<ref name="Notice"/>. Pour elle, à fins éducatives, il rédige de nombreux traités, dont un seul, traitant de principes de cosmographie, a traversé les âges<ref name="IREM">{{Chapitre|auteur=Groupe Histoire des mathématiques|année=1995|format=pdf|url=http://www.irem.univ-rennes1.fr/ressources/docs_themes/histoire/brochures/FMPH/FMPH1-ch11.pdf|titre={{chap.|11}} : François Viète|titre ouvrage=Faire des mathématiques à travers leur histoire|tome=1|éditeur=[[IREM]] de [[Université de Rennes 1|Rennes]]}}.</ref>. Traduit en français, ce traité, publié plusieurs fois entre 1641 et 1647, donne de précieuses indications sur les conceptions astronomiques dominantes dans ce foyer huguenot.

Pour elle encore, il a écrit un jour {{nobr|d'hiver 1591}}, en préface de son œuvre principale<ref name="Guichard"/> :
{{citation bloc|C’est à vous, auguste fille de [[Mélusine (fée)|Mélusine]], que je dois mes études mathématiques, auxquelles m’a poussé votre amour pour cette science.}}

Lors de leur voyage à Lyon, Jean de Parthenay le présente au roi {{souverain2|Charles IX (roi de France)}}<ref name="Ritter"/>, mais après deux ans, passés en pourparlers avec [[Catherine de Médicis]], Soubise meurt (le {{date-|1er septembre 1566}}). Viète commence alors la rédaction de sa biographie, intitulée ''Mémoires de la vie de Jean de Parthenay-Larchevêque, sieur de Soubise'', qui, plusieurs fois remaniée (notamment en collaboration avec Catherine de Parthenay)<ref>Manuscrits des ''Mémoires de la vie de Jean L'Archevesque-Parthenay, sieur de Soubise'', fonds {{Lien web|id=Dupuy 743|site=[[Bibliothèque nationale de France|BnF]]|url=http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ead.html?id=FRBNFEAD000088857&c=FRBNFEAD000088857_e0000018&qid=eas1436273097227|titre=Dupuy 743}}, folio 189-219.</ref>, n'a été publiée qu'en 1879<ref>François Viète (préf. et notes de [[Jules Bonnet]]), ''[https://archive.org/stream/mmoiresdelavied00partgoog#page/n23/mode/1up Mémoires de la vie de Jean de Parthenay-Larchevêque, sieur de Soubise]'', Léon Willem, 1879.</ref>.

La question de l'adhésion de Viète à la foi protestante lorsqu'il vivait au château du parc Soubise semblait acquise, jusqu'aux travaux de [[Benjamin Fillon]] et de [[Frédéric Ritter]], ses biographes du {{s-|XIX}}. Élevé dans la foi catholique, mais dans un milieu peu à peu séduit par le protestantisme, Viète était réputé huguenot. Rien n'est moins assuré. François Viète faisait dix ans plus tard profession de foi catholique et, d'après Ritter et Fillon, s'il se convertit jamais à la doctrine calviniste, sa conversion fut de courte durée<ref name="R"/>. Effectivement, dans ses traités de ''cosmographie'', dans ses adresses à [[Clavius]] ou sa dédicace à la {{Citation|fille de Mélusine}}, Viète fait parfois allusion au « Créateur ». Mais il ne mentionne jamais selon quel mode on doit lui rendre grâce et semble avoir suivi, dès sa jeunesse, les traces de [[Michel de l'Hospital]] et du parti des politiques (Ritter le croit indifférent en matière religieuse ; Grisard est plus mesuré sur ce point).

Entre-temps, François Viète s'est marié avec Barbe Cothereau, fille de Jehan Cothereau, marchand de Luçon, et petite-fille de dame Garotine (actes du {{date-|17 juin 1566}} et du {{date-|29 janvier 1586}})<ref name="G"/>{{,}}<ref>''{{refinc|date=juillet 2015|Généalogie des maîtres de Requêtes de l'hôtel du roi {{nobr|depuis 1575}} jusqu'au milieu du {{s-|XVIII}}}}''.</ref>.

=== À La Rochelle ===

Dans l'année qui suit la mort de {{souverain-|Jean V}} de Parthenay, Antoinette d'Aubeterre se met en quête d'un parti pour sa fille. Parmi les trois prétendants, Gaspard (?)<ref name=SaNLI>{{Article|titre=Catherine de Parthenay|auteur=Constant Merland|revue=Annales de la [[Société académique de Nantes et de Loire-Atlantique|Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure]]|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207393g/f356.image|année=1874|vol=45|pages=354-428}} ({{p.|358}}).</ref> ou Jacques (?)<ref name=R2M>{{Article|auteur=[[Auguste Laugel]]<!--|url=https://books.google.fr/books?lr=&hl=fr&id=KylQqGYxJJMC&focus=searchwithinvolume&q=Ch%C3%A2tillon-->|titre=La famille et la jeunesse d'[[Henri II de Rohan|Henri de Rohan]]|revue=[[Revue des deux Mondes]]|vol=33|mois=mai-juin|année=1879|page=46-70 et 589-619|wikisource=Page:Revue_des_Deux_Mondes_-_1879_-_tome_33.djvu/70}} ({{p.|64}}).</ref> de Châtillon, fiancé de Catherine et fils de l'amiral de Coligny<ref name=SaNLI/> (mais qui meurt {{nobr|en 1568}}<ref name=R2M/>), [[René II de Rohan|René de Rohan]] (qui n'est pas assez titré) et [[Charles de Quellenec]], baron du Pont, elle se résout pour ce dernier et trouve ainsi un protecteur aux terres des Parthenay<ref name="R"/>. Mais le baron Charles de Quellenec, après avoir épousé Catherine de Parthenay le {{date-|15 juin 1568}}, se montre vite un gendre indocile. Déçue de ne pouvoir régner sur le parc Soubise comme au temps de son époux, la dame d'Aubeterre s'exile en {{date-|septembre 1568}} à La Rochelle, où elle rejoint la cour de [[Jeanne d'Albret]], [[Liste des rois de Navarre|reine de Navarre]], et ses deux enfants, [[Catherine de Bourbon (1559-1604)|Catherine de Bourbon]] et le futur {{souverain2|Henri IV (roi de France)}}. Viète l'y accompagne et rencontre dans son sillage la très haute aristocratie calviniste<ref name=Bertrand/> : les principaux chefs militaires, [[Gaspard II de Coligny|Coligny]] et [[Henri Ier de Bourbon-Condé|Condé]], mais aussi [[Françoise de Rohan]], qui bientôt allait l'employer dans ses fameux procès<ref name="AM98">{{Harvsp|Vester|2008|p={{Google Livres|Ez6iRJlp41gC|98|page=98}}}}.</ref>.
[[Fichier:La Rochelle-TroisTours.jpg|thumb|right|upright=1.5|Les trois tours du [[Vieux-Port de La Rochelle]].]]
Après avoir combattu sous les ordres de {{souverain3|René II de Rohan}} en Saintonge, le baron de Quellenec, qui a relevé le nom de Soubise, est défait à la [[bataille de Jarnac]]. Fait prisonnier, il s'évade et rejoint Mouchamps. Cependant, il se révèle bien vite incapable de donner une descendance aux Parthenay. Des confidences de domestiques alertent Antoinette d'Aubeterre et bientôt, en {{date-|septembre 1570}}, sa fille vient se réfugier auprès d'elle. L'affaire vient devant Jeanne d'Albret et [[Théodore de Bèze]] conseille de rompre le mariage.

En réaction, de Quellenec vient chercher son épouse à La Rochelle et l'enferme dans son château breton. Pour correspondre avec sa mère, celle-ci insère alors quelques mots en latin ou grec {{incise|langues [[Cryptographie symétrique|non connues]] de son mari}} dans les lettres qu'elle envoie vers La Rochelle et fait connaître à son ancien précepteur (Viète) qu'elle a écrit entre les lignes, au jus d'orange, des caractères qui se révèlent lorsqu'on les approche d'une flamme<ref name=Relation/>{{,}}<ref name="JDLP"/>. Ceci est le premier témoignage sur le rapport de Viète avec le déchiffrement de lettres secrètes.
Après d'autres récriminations auprès de Jeanne d'Albret et Théodore de Bèze<ref name=Relation>{{Ouvrage |auteur1=[[Jean Bouhier de Savigny|Jean Bouhier]] |titre=Traité de la dissolution du mariage pour cause d'impuissance avec quelques pièces curieuses sur le même sujet |lieu=Luxembourg |éditeur=Jean Marie Vander Kragt |année=1735 |passage=185-237 |lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=KuxsOV5b0ugC&pg=PA185 |titre chapitre=Relation de ce qui s'est passé au sujet de la dissolution du mariage de Charles de Quellenec, baron du Pont, avec Catherine de Parthenay}}, repris dans {{Ouvrage |auteur1=[[François Gayot de Pitaval]] |titre=Causes célèbres et intéressantes, avec les jugements qui les ont décidées |volume={{XI}} |lieu=La Haye |éditeur=Jean Neaulme |année=1749 |passage=130-164 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=qkkUAAAAQAAJ&pg=PA130&dq=Charles+de+Quellenec+gendre}}, [https://archive.org/stream/causesclbres11gayo#page/156/mode/2up rééd. Amsterdam, Van den Berghen – Liège, Bassompierre, 1775, {{p.|156-202}}].</ref>, Antoinette d'Aubeterre, convaincue de l'impuissance de son gendre, finit par intenter un procès au baron de Quellenec (le {{date-|11 septembre 1571}}) devant le [[parlement de Paris]]<ref>Pierre Darmon, [https://books.google.com/books?id=aE8bAAAAYAAJ&q=Charles+de+Quellenec+gendre&dq=Charles+de+Quellenec+gendre&lr=&client=safari&hl=fr Le tribunal de l'impuissance: virilité et défaillances conjugales].</ref>.

Début 1571, Viète, refusant de lui servir d'avocat contre le baron de Quellenec, quitte son service et se déplace à Paris, où il est avocat au Parlement<ref>{{Harvsp|Ritter|1895|p=244}}.<!--On ne peut évidemment pas en trouver confirmation dans É. Maugis, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63081r/ ''Histoire du Parlement de Paris de l'avènement des rois Valois à la mort d'{{souverain-|Henri IV}}'', {{t.|1}} : Période des rois Valois], Paris, A. Picard, 1913, puisque Maugis ne se préoccupe pas de répertorier la profession.--></ref>. Sans doute peut-il compter sur son oncle [[Barnabé Brisson (magistrat)|Barnabé Brisson]], ainsi que sur l'appui de ses amis et clients protestants, pour se faire un nom dans la magistrature. Par ailleurs, il a déjà rédigé une grande partie de son ''Canon mathématique''<ref name="R"/> qu'il propose aussitôt à l'éditeur [[Jamet Mettayer]].

=== Débuts à Paris ===

Domicilié à Paris, Viète continue néanmoins à visiter Catherine de Parthenay et à rallier régulièrement Fontenay-le-Comte, où il occupe des fonctions municipales<ref name="Notice"/>. Il poursuit ses recherches mathématiques la nuit ou pendant des périodes de loisir. Il a la réputation de {{Citation|souvent passer trois jours entiers auprès de la table, où il travailloit<!--sic-->, rêvant profondément, non seulement sans manger, mais même sans dormir, si ce n'est quelques momens<!--sic--> appuyé sur son coude<ref name="de Thou">{{Ouvrage |auteur1=[[Jacques-Auguste de Thou]] |titre=Histoire universelle, {{nobr|depuis 1543}} {{nobr|jusqu'en 1607}} |tome=14, {{nobr romains|livre CXXIX}} |éditeur= |année=1734 |passage=162-166 |lire en ligne=https://archive.org/stream/histoireuniverse14thou#page/162/mode/2up}}.</ref>}}. Ritter pense que Viète a déjà pris en mains les intérêts de Françoise de Rohan et que dès cette époque, il fut en rapport avec [[Pierre de La Ramée|Ramus]], [[Guillaume Gosselin]]<ref>Dans son ''de Ratione discendæ docendæque mathematices repetita prælestio'' de 1583, Gosselin révèle que deux juristes attendent les résultats de ses recherches sur Diophante : François Viète et [[Jacques Cujas]] in Giovanna Cifoletti : [http://enquete.revues.org/document1589.html#ftn32 L'idéal de la science] Droit et mathématiques dans la France du {{s-|XVI}}, {{p.|283-303}}.</ref> et [[Jacques Peletier du Mans]]<ref name="AM98"/> il n'en apporte cependant aucune preuve.

[[image:Petrus Ramus.jpg|thumb|left|[[Pierre de La Ramée]].]]
En 1572, Catherine de Parthenay, Françoise de Rohan et son frère René viennent à Paris pour assister au mariage du roi de Navarre et de la [[Marguerite de France (1553-1615)|Reine Margot]]. Ils parviennent par chance à s'enfuir de la capitale à l'aube de la [[Massacre de la Saint-Barthélemy|Saint-Barthélemy]]. Prévenus anonymement<ref name="R"/>, ils franchissent les portes avant le début du massacre. François Viète est probablement à Paris cette nuit-là ; nuit pendant laquelle le [[Charles de Quellenec|baron de Quellenec]] est assassiné dans la cour du Louvre quelques heures après l'assassinat de l'amiral Coligny<ref name=Relation/>{{,}}<ref>Auguste François Louis du Roure, [https://books.google.com/books?pg=PA447&lpg=PA447&dq=Charles+de+Quellenec,+baron+de+Pont&sig=9Bjj3v0j9ta8ItS4_0HIZPzvYE8&ei=sABESsazEcTs-AbW5sQe&ct=result&id=T8A2AAAAIAAJ&hl=fr&ots=RapM15snQg&output=text ''Analectabiblion''].</ref>{{,}}<ref>Duc de Saint Simon, {{Lire sur Wikisource|lien=Mémoires (Saint-Simon) - Tome 2 - 9|texte=Mémoires}}.</ref>{{,}}<ref>Bernier Briquet, [https://books.google.com/books?hl=fr&id=C3sOAAAAQAAJ&q=catherine+de+parthenay#v=snippet&q=catherine%20de%20parthenay&f=false ''Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises''].</ref>{{,}}<ref>[[Jean-Baptiste-Pierre Jullien de Courcelles]], [https://books.google.com/books?id=lvUJAAAAIAAJ&pg=PA135#v=onepage&q=Quellenec&f=false ''Dictionnaire historique et biographique des généraux français''].</ref>. [[Pierre de La Ramée|Ramus]], dont la pensée influença Viète, périt également peu après cette nuit-là, son cadavre promené d'université en université en hommage à Aristote.

Lié avec [[Françoise de Rohan]], avec laquelle [[Benjamin Fillon]] soutint qu'il eut une aventure<ref name="R"/>  et que son siècle connaît sous le nom de dame de la Garnache<ref name="PLenoir"/>, il l'accompagne à [[Beauvoir-sur-Mer]] (acte du {{date-|26 décembre 1572}}) et la soutient dans le procès qu'elle nourrit contre le [[Jacques de Savoie-Nemours|duc de Nemours]]<ref>{{Ouvrage |auteur1=[[Hector de La Ferrière]] |titre=Trois amoureuses au {{s-|XVI}}. Françoise de Rohan - Isabelle de Limeuil |sous-titre=La Reine Margot |année=2001 |année première édition=1885 |isbn=978-1-4212-5625-2}}.</ref>{{,}}<ref>{{référence à confirmer|date=juillet 2015|{{Ouvrage |auteur1=[[Pierre de L'Estoile]] |titre=Mémoires pour servir à l'Histoire de France et Journal de Henri III et de Henri IV |éditeur=Foucault |collection=Mémoires relatifs à l'Histoire de France (dir. M. Petitot) |numéro dans collection={{XLV}} |année=1825 |passage={{p.|?}}{{refinc|date=juillet 2015}} |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=udAFAAAAQAAJ}}}}.</ref> dans l'espoir d'être officiellement reconnue comme son épouse. Il se met également au service des intérêts de son frère, {{souverain3|René II de Rohan}} et semble jouer le rôle d'un puissant auxiliaire<ref name="Ritter"/> pour triompher de la résistance de la dame de Soubise (Antoinette d'Aubeterre) au mariage de [[Catherine de Parthenay]] et du futur duc de Rohan. François Viète achète dans ces années-là une maison de ville à Beauvoir, surnommée l'Ardouinière, dans la rue qui va de la halle au château<ref name="G"/> ; il y loge<ref>{{Harvsp|Bertrand|1902|p=164}} juge peu vraisemblable l'hypothèse de Fillon, selon laquelle cette maison aurait abrité des visites de Françoise de Rohan, et propose une autre explication : François Viète y aurait logé sa femme Juliette Leclerc.</ref> alors que Françoise de Rohan subit déjà les persécutions des troupes royales, dirigées par Mercœur, et que Catherine de Parthenay fait jouer sa tragédie ''[[Holopherne]]'' dans La Rochelle assiégée.

En 1573, après la levée du siège de La Rochelle et la rentrée en grâce des chefs protestants, François Viète est nommé par {{souverain2|Charles IX (roi de France)}} conseiller au parlement de [[Rennes]] ({{date-|24 octobre 1573}}). Cette charge de conseiller est parmi les moins onéreuses, notamment pour les conseillers issus du Poitou<ref name="R"/>, de plus elle n'est guère contraignante, le parlement ne siégeant qu'une fois l'an d'août à octobre<ref>Frédéric Saulnier, ''Le Parlement de Bretagne, 1554-1790, répertoire alphabétique et biographique de tous les membres de la Cour […]'', Rennes, 1909, Imprimerie de la Manutention, Mayenne, rééd. 1991.</ref>. Pour y être agréé, Viète doit y témoigner de sa foi catholique, le {{date-|6 avril}} de l'année suivante en une cérémonie dont les minutes sont conservées dans les archives secrètes de ce parlement<ref>Archives du Parlement de Bretagne dans les archives de la cour d'appel de Rennes.</ref>{{,}}<ref name="G"/>.
[[Image:D'argent à la bande d'azur accompagnée de trois tourteaux de gueules.svg|thumb|upright=0.83|Blason de François Viète, anobli par sa charge au parlement.]]
L'acte qui nomme Viète est libellé ainsi<ref name="B"/> :
{{citation bloc|Charles par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceux qui la présente verront, salut. Savoir faisons que nous a pleine confiance de la personne de notre cher et amé Maître François Viette, avocat à la court de Parlement de Paris et de ses sens suffisance, littérature, loyauté, prudhommie, expérience en fait de judicature et bonne diligence… avons donné et octroyé, donnons et octroyons, par ces patentes l'état et office de Conseiller à la Court du Parlement de Bretagne…}}

En juin 1575, le duc Henri de Rohan, dit Henri le goutteux, meurt au château de Blain ; sa fille, de douze ans, meurt le {{date-|24 juillet}}<ref name="PLenoir"/>. Dernier frère d'Henri (leur autre frère, Jean, est mort sans descendance mâle), [[René II de Rohan|René de Rohan]] devient duc à son tour. Antoinette d'Aubeterre accepte dès lors le remariage de l'héritière des Parthenay avec ce prétendant<ref name="PLenoir">{{Ouvrage |auteur1=Philippe Lenoir |titre=Histoire ecclésiastique de Bretagne depuis la Réformation jusqu'à l'[[Édit de Nantes]] |éditeur= |année=1851 |lire en ligne={{Google Livres|ZrU7AAAAcAAJ}}}} (manuscrit de 1683, publié par B. Vaurigaud).</ref>, mariage qui a lieu dès le mois suivant<ref name="Notice"/>.

=== Maître des requêtes ===

En 1576, probablement sur recommandation de Françoise et de [[René II de Rohan|René de Rohan]], François Viète entre au service du roi {{souverain2|Henri III (roi de France)}}, comme chargé de mission spéciale<ref name="Corn">Isabelle de Conihout, Jean-François Maillard, Guy Poirier, Fondation Singer-Polignac, [https://books.google.com/books?id=OH8mNm_OR00C&pg=PT241&dq=%22viète%22+refuse+avocat&lr=&as_brr=3&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=viète&f=false Henri III mécène: des arts, des sciences et des lettres].</ref>. Sa présence au parlement de Rennes durant la session annuelle s'en ressent fortement : si les deux premières années de sa charge, il assiste à de nombreuses séances du parlement, il ne siège plus dans la Cour de Rennes ni cette année-là, ni la suivante. Il est excusé par le roi, qui lui fait néanmoins tenir ses gages<ref name="Notice"/>. Le roi affirme dans des lettres patentes :

{{citation bloc|Nous avons advisé d'employer notre ami et féal conseiller en notre cour, Maître François Viète, Seigneur de la Bigotière ; nous l'avons donc fait venir en notre cour et suite, en laquelle il était nécessaire qu'il fasse quelque séjour et même durant les mois d'août, septembre et octobre prochain. Nous lui avons permis et permettons qu'il lui soit loisible désemparer d'icelle notre cour durant la séance des dits trois mois…}}

L'hiver 1577, il réside à Beauvoir-sur-Mer, près de la [[Françoise de Rohan|dame de la Garnache]]. Parallèlement, il agrandit sa maison de Fontenay (acte du {{date-|8 novembre}}). Le fils que Françoise de Rohan a eu avec le duc de Nemours, venant d'Allemagne avec quelques routiers, est capturé cette année-là par le duc de Montpensier. Il échappe à la potence, par l'action du Roi (et sans doute de Viète)<ref name="R"/> ; mais le duc refuse de le rendre, même contre rançon.
[[Image:Blain portailChateau.jpg|thumb|left|Château de la Groulais à Blain.]]
[[Image:La Garnache.JPG|thumb|Ruines du château de La Garnache.]]
En 1578, François Viète paraît six jours en août, trois en septembre et cinq en octobre devant le parlement de Rennes. Son absence lors de la messe du Saint Esprit est très remarquée. L'année suivante, il ne paraît que le {{date-|15 octobre 1578-}} pour s'excuser de ses absences<ref name="G"/>.

De toutes les missions, extraordinaires et secrètes que lui confie {{nobr|Henri III}} à cette époque, une seule fut divulguée pour apaiser la colère de ce parlement et concerne la vente de bois du domaine royal<ref name="R"/>. Peu de choses de cette période de la vie de François Viète sont connues mais aux dires de son éditeur Jamet Mettayer, chacun peut juger qu'il est entièrement occupé par le service de l'État. Ayant pénétré fort avant dans la confiance de {{nobr|Henri III}}, Viète suit une Cour qui, selon le mot d'[[Armand Baschet]] décrivant la vie quotidienne des derniers Valois, ne réside pas mais campe<ref>[[Armand Baschet]], [https://books.google.com/books?id=OZ0BAAAAQAAJ&pg=PA402&dq=Armand+Baschet+campaient&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=ils%20ne%20résidaient%20pas&f=false La diplomatie vénitienne, les princes de l'Europe au {{s-|XVI}}].</ref>. Viète trouve néanmoins le temps pendant cette période de visiter Catherine de Parthenay dans ses châteaux bretons de Salles et de [[Liste des seigneurs de Blain|Blain]]<ref name="R"/> et de presser les imprimeurs pour hâter l'impression de son premier ouvrage mathématique.

En 1579, celui-ci sort enfin des presses de l'éditeur [[Jamet Mettayer]]. Mais après huit ans de travail, François Viète est fort mécontent de l'impression de son ''Canon mathématique'' et particulièrement des compléments qui figurent à la suite de cet ouvrage. Ce livre, ''Des inspections mathématiques'', donne les sinus à l'aide de formules et marque un premier pas dans la création du formalisme algébrique. Le livre étant truffé d'erreurs, Viète menace d'en faire détruire tous les exemplaires. C'est pourtant dans ce livre qu'il donne par la méthode d'[[Archimède]] et à l'aide d'un [[polygone]] à {{unité|393216|côtés}} ({{nobr|6 × 2{{exp|16}}}}) un encadrement rigoureux de <math>\pi</math> avec onze chiffres exacts, valeur notée à l'aide de nombres décimaux, dont il est l'un des premiers à montrer l'utilité, et à donner une notation<ref name="Notice"/>.
[[image:Henri3France.jpg|thumb|right|{{souverain2|Henri III (roi de France)}}.]]
Vers la même époque à l'occasion de la [[paix de Fleix]], le duc d'Alençon et Viète obtiennent le règlement du procès opposant le [[Jacques de Savoie-Nemours|duc de Nemours]] à Françoise de Rohan, au bénéfice de cette dernière. Les lettres royales datent du {{date-|16 novembre 1579}}. Elles mettent la dame de la Garnache sous la protection de Henri III, qui écrit :

{{citation bloc|Nous entendons et ordonnons qu'il ne puisse lui être fait aucun blâme pour raison de ce qui est advenu et nous la déclarons libre de contracter mariage<ref name="R"/>.}}

Sa terre du Loudunois élevé en duché, la libération de son fils, {{unité|20000|écus}} pour celui-ci et l'assurance d'en toucher {{formatnum:50000}} pour la dame de la Garnache mettent un terme à ce procès qui a duré plus de vingt ans. La conclusion de cette affaire, très favorable à Françoise de Rohan, vaut vraisemblablement à Viète la rancune tenace du [[Ligue catholique (France)|parti ligueur]]<ref name="Ritter"/>. Ces lettres patentes seront néanmoins contresignées par le parlement de Paris et la cour des comptes {{nobr|en 1582}}.

Toujours en 1580, son oncle [[Barnabé Brisson (magistrat)|Barnabé Brisson]] achète la charge de président à Mortier du parlement de Paris et le {{date-|25 mars 1580-}} de la même année<ref name="Ritter"/>, François Viète est autorisé à se défaire de sa charge au Parlement de Bretagne : {{nobr|Henri III}} le nomme maître des requêtes au parlement de Paris, attaché au service exclusif du roi.
[[image:Barnabé Brisson.jpg|thumb|left|upright=0.83|[[Barnabé Brisson (magistrat)|Barnabé Brisson]].]]
À cette époque, les conseillers ordinaires habitent les logis royaux et reçoivent les requêtes des parties pour les mettre sous les yeux du roi. Reçus par le parlement de Paris, qui examine leurs lettres patentes, ainsi que leurs capacités, ils ont rang de conseillers et prennent place immédiatement après le président, avec autorité et voix de délibération sur toutes les affaires du royaume. Ils passent toutefois une grande partie de leur temps à cheval, mandatés par le roi, pour régler telle ou telle affaire urgente dans les provinces, récolter de l'argent, calmer les parlements, acheter des soutiens. Ce sont de véritables ''missi dominici''. Un privilège de poste leur assure des facilités pour obtenir des chevaux frais. Ils ne sont pas récompensés en épices mais en frais de mission<ref>La Roche Flavien, ''Le Parlement de Bretagne'', Rennes, 1909.</ref>, ils ont interdiction de ''se mêler d'autres affaires que celles du Roy sans son autorisation expresse et dérogation aux ordonnances''.

L'année qui suit, Viète doit épauler la dame de la Garnache dans deux affaires, l'une qui l'oppose au poète [[Nicolas Rapin]], alors responsable de la prévôté de Fontenay-le-Comte, ligueur convaincu à cette époque, qui la menace par ce qu'elle protège la religion réformée<ref name="Notice"/> ; l'autre concernant le fils qu'elle a eu avec le duc de Nemours, qui se prétend toujours ''duc de Genevoix'' et qui, meurtrier d'un orfèvre à Paris et ayant résisté aux forces de police venues l'arrêter, a été enfermé au Châtelet (jusqu'au {{date-|15|janvier|1585}}). Deux affaires sordides, qui réclament toutes deux l'intervention du roi de Navarre. De juin à {{date-|juillet 1581}}, Viète agrandit de nouveau son hôtel de Fontenay<ref name="R"/>.

=== Exil studieux dans le Poitou ===
[[Image:Eglise Saint-Philibert.JPG|thumb|[[Beauvoir-sur-Mer|Beauvoir]], l'église [[Philibert de Tournus|Saint-Philibert]] vue de la rue des Halles.]]

En 1583, [[Françoise de Rohan]] accueille dans son château [[Antoine Ier (roi de Portugal)|Dom Anthonio]], héritier de la maison de Portugal, dépossédé de son royaume par {{souverain2|Philippe II (roi d'Espagne)}}. Le roi de France l'arme pour une seconde expédition (malheureuse) aux Açores.
Le {{date-|3 novembre 1584}}, Viète vend à son cousin homonyme sa maison de l'Ardouinière, située à [[Beauvoir-sur-Mer]], rue des Halles au Château. Celui-ci devient receveur des fermes de la dame de la Garnache. Viète demeure alors au château de Françoise de Rohan.

Aux premiers jours de 1585, la Ligue obtient la mise à l’écart des conseillers de {{souverain-|Henri III}}, accusés de sympathie pour la cause protestante, et le roi doit se séparer de François Viète entre janvier et février<ref name="Ritter"/>. Celui-ci se réfugie probablement à Beauvoir-sur-Mer, chez Françoise de Rohan. Henri de Navarre, qui est le neveu de la dame de la Garnache, écrit deux lettres en faveur du protégé des Rohan, afin d'obtenir son retour au service du roi. Dans une lettre, datée de Montauban, le {{date-|3 mars 1585}}, le roi de Navarre écrit<ref>Eugène Haag, Émile Haag, [https://books.google.com/books?id=-3caAAAAYAAJ&pg=PA487&dq=catherine+parthenay+math%C3%A9matiques&as_brr=3&hl=fr La France protestante] ; extraits de lettres de Henri de Navarre.</ref> :
{{citation bloc|II y a quelque temps, qu’à la considération et prière très humble de mon oncle de Rohan et de ma tante la duchesse de Lodunnois, sa sœur, il vous pleust accorder un estat de conseiller et maistre des requestes ordinaire à monsieur François Viette, de l'exercice duquel il a esté discontinué par des considérations que Vostre Majesté pourra entendre. Et d'aultant, Monseigneur, oultre que le dict Viette est personnage très capable, Je l'ay tousjours connu si affectionné aux affaires de mon dict oncle que je supplie très humblement Vostre dicte Majesté, que le dict Vielle soit remis à l'exercice de son dict estat.}}

Une seconde lettre, datée de Bergerac, le {{date-|26 avril}}, n’a pas plus d'effet<ref name="B"/>.
[[Image:Catherine de Parthenay.jpg|thumb|left|[[Catherine de Parthenay]].]]
François Viète se retire donc dans le Poitou. Entre Fontenay et Beauvoir-sur-Mer, chez lui ou sur les terres de ses amies. Le {{date-|19 juin}}, le duc de Nemours meurt de la goutte, déliant définitivement la dame de la Garnache de ses vœux. À la fin de {{nobr|l'année 1585}}, René de Rohan meurt à l'âge de {{nobr|36 ans}} et Catherine de Parthenay, veuve pour la seconde fois, quitte son château de Blain, en [[Bretagne]], et se retire au Parc-Soubise avec ses cinq enfants. Le mathématicien anglais [[Nathanael Tarporley]]<ref>{{en}} J.V. Pepper Article à propos de la visite de Tarporley à Viète : dans le ''British Journal for the history of science'' ({{III}}, {{III}}, {{date-|juin 1967}}, {{n°|2}}.</ref>, futur élève et ami d’[[Thomas Harriot|Harriot]], occupe probablement un poste de secrétaire (''amanuensis'') auprès de François Viète<ref>{{en}} ''Annals of 1899'', [https://archive.org/details/annalsshresburyschool00fish Schrewsbury school, {{p.|60}}].</ref> pendant ces années-là et pour une période de deux à trois ans<ref>Franz Xaver Zach, [https://books.google.com/books?id=UW1bAAAAQAAJ&pg=PA132&lpg=PA132&dq=Torporley+harriot&source=bl&ots=WFcey-bD8w&sig=poviRAsiYYQ0olT3AQv7qFHynRM&hl=fr&ei=x92wSqSJEduf4gbtnNXWBw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=9#v=onepage&q=Torporley%20harriot&f=false Correspondance astronomique, géographique, hydrographique et statistique].</ref>.

{{citation étrangère|lang=en|…the rather, now, because i am an gathering up my ruined wittes,}} écrit Tarproley à Harriot, {{citation étrangère|lang=en|the better to encounter that french Apollon, if it fortune that either his continue or my bouldness effects over conference; tomorow being the day when i am appointed by his printer<ref name="G"/>…}}

Le {{date-|16 mars 1586}}, Viète afferme pour cinq ans sa métairie de la Bigotière, mais la même année, le {{date-|9 août 1586-}}, Françoise de Rohan, dont le château est investi par les troupes du duc de Mercœur contracte une promesse de mariage avec le capitaine [[François Le Felle]], chevalier de l'ordre du Roi et seigneur de [[Guébriant]], dont on pense qu'il est chargé de commander la garnison catholique occupant le château de Beauvoir et qui l'abandonna peu après pour mettre le siège du château de Blain au nom de [[Philippe-Emmanuel de Lorraine|Mercœur]]<ref>Prise du château de Blain [http://www.infobretagne.com/ligue-blain.htm sur le site d'Info-Bretagne].</ref>{{,}}<ref>Jean Moreau, [https://books.google.com/books?id=H-0wejs_icUC&pg=PA119&lpg=PA119&dq=guébriant+mercoeur+goust&source=bl&ots=QkGC07RRsZ&sig=TuP6QWFWjdSI7J2rRHMQbs8JgL8&hl=fr&ei=RpTMSqGwGYWu4QaE6KT6BQ&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=4#v=onepage&q=guébriant&f=false Histoire de ce que s'est passé en Bretagne durant les guerres de la Ligue].</ref>. {{souverain-|Henri III}} s'opposa dans l'année à cette mésalliance<ref name="R"/>.

Fin 1586, Françoise de Rohan fait lever sur ses terres la taille royale par le cousin homonyme du mathématicien, François Viette, sieur de Saint-Nicolas<ref name="G"/>. L'année suivante, son fils, le turbulent ''duc de Genevoix'' assiège la Garnache, puis Beauvoir et elle supplie [[Catherine de Médicis]] de lui envoyer des renforts. Elle n'en reçoit qu'une lettre indignée (en date du {{date|19|février|1587}}) lui demandant de rembourser la taille royale injustement confisquée. Elle s'enfuit alors à Nantes. Il lui fallut attendre que les troupes du roi {{souverain-|Henri IV}} pacifient le Poitou pour retrouver ses places fortes. [[Frédéric Ritter]] affirme que Viète retourne alors sur Fontenay, reconquise en 1587 par les troupes du roi de Navarre. Le mathématicien retrouve son ancienne élève, Catherine de Parthenay, au Parc-Soubise en la paroisse de [[Mouchamps]]. Quoique l'époque soit bouleversée, il parvient, pendant ces quatre années de retraite à consacrer une grande partie de son temps aux mathématiques, rédigeant le programme qu’il fixe à l’Art Analytique (analyse spécieuse) ou [[algèbre nouvelle]] et avançant sans doute dans la rédaction de ses ''Zététiques''.

=== Déchiffreur de deux rois ===

Le {{date|12|mai|1588}}, le roi {{souverain2|Henri III (roi de France)}} est chassé de Paris par la [[journée des barricades (1588)|journée des barricades]]. La cour se réfugie à Chartres, puis, devant l'avancée des troupes des ligueurs, à [[Blois]]. Les liasses de déchiffrements conservées dans les ''cinq cents de Colbert'' à la [[Bibliothèque nationale de France|Bibliothèque Nationale]] font mention de François Viète, entre 1588 et 1594, comme déchiffreur<ref name="R"/>. On ne sait pour autant à quelle date précise Viète reprend son office de maître des requêtes<ref name="Corn"/>. Après avoir fait assassiner le duc [[Henri Ier de Guise|Henri de Guise]]<ref name="R"/>, {{souverain-|Henri III}} enjoint aux officiers royaux de se trouver à [[Tours]] avant le {{date-|15 avril 1589}}. Viète semble l'un des premiers à répondre à cet appel (s'il n'est pas déjà présent à Chartres). Logé rue [[Rue Nationale (Tours)|Traversayne]] dans un petit hôtel loué par les soins de son éditeur, Jamet Mettayer qui a également suivi la cour, il y retrouve [[Pierre Aleaume]] d'Orléans, qui devient son secrétaire. On connaît le nom d'un de ses valets, Henri Garaud, qu'il emploie dans ses transactions avec ses frères<ref name="R"/>, Nicolas et René, demeurés à Fontenay et y occupant des positions en vue.
[[Image:Jacques Clément.jpg|thumb|right|upright=1.5|Jacques Clément assassin de {{nobr|Henri III}}.]]

La même année, est imprimée à Londres, chez François Bouvier, une édition remaniée du Canon de 1579.

Alors que Viète, demeuré à Tours, déchiffre les dépêches codées des ligueurs et des ennemis du roi<ref>Les Cinq cents de Colbert, Bibliothèque nationale.</ref>, {{souverain-|Henri III}} est assassiné à Saint-Cloud par le moine [[Jacques Clément]]. Ce régicide est l'occasion pour Viète de commettre quelques vers latins inédits encore aujourd'hui, désobligeants et grivois<ref name="R"/> contre le duc de Mayenne et sa sœur, la [[Catherine de Guise, duchesse de Montpensier|duchesse de Montpensier]]<ref>La duchesse de Montpensier étant à l'origine des accusations de [[sodomie]] lancées contre {{souverain-|Henri III}}, les royalistes soutiendront en retour qu'elle avait donné de sa personne pour encourager le crime du moine Clément ; voir Henri Martin, [https://books.google.com/books?id=nX0aAAAAYAAJ&pg=PA159&dq=Montpensier+Clément+nuit&as_brr=3&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=Montpensier%20Clément%20nuit&f=false Histoire de France: depuis les temps les plus reculés jusqu'en, 1789, volume 10].</ref>, soupçonnés d'être les instigateurs de l'assassinat. Parallèlement, il commence la publication de son [[In artem analyticem isagoge|Isagoge]].

Après la mort de {{souverain-|Henri III}}, Viète entre au conseil privé de {{nobr|Henri IV}} (Grisard doute qu'il fit partie des douze membres du conseil restreint, car la liste qu'en donne Lavisse ne comporte pas son nom<ref>Lavisse, ''Histoire de France illustrée depuis les origines jusqu'à la Révolution'', Paris, 1911.</ref>). Il est cependant très apprécié du roi, qui admire ses talents mathématiques. En {{date-|septembre 1589}}, usant d'analyse statistique et de méthodes qu'il se garde de publier, François Viète parvient à casser les codes<ref>[http://www.bibmath.net/crypto/substi/subanaljava.php3 Décryptage automatique - code par substitution].</ref> des lettres secrètes espagnoles<ref>Stéphanie Félicité Genlis (comtesse de), [https://books.google.com/books?id=94kBAAAAYAAJ&pg=RA2-PA419&dq=chiffre+espagnol+françois+viète&as_brr=1&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=&f=false Histoire de Henri le Grand, Volume 1].</ref>. Ceux-ci employaient une [[Chiffrement par substitution|méthode par substitution]]<ref>{{pdf}}Département de mathématiques et d’histoire des sciences 
[http://ufr6.univ-paris8.fr/maths/DOXhist/MAHf03.pdf Un exemple de déchiffrement 'à la Viète'].</ref>, comportant de multiples symboles pour noter la même lettre et parfois des symboles nuls, une cinquantaine par lettre, tirés au sort parmi six cents caractères. Le {{date-|19 décembre 1589}}, il fait une apparition à Fontenay, pour la mort de son oncle Nicolas Dupont. La preuve que sa mère est encore en vie est apportée en cette occasion et la signature de François Viète apparaît sur un contrat passé par son frère Nicolas<ref>On trouvera tous les documents familiaux via [http://recherche-archives.vendee.fr/Notaires_de_Fontenay_le_Comte_analyses_d_un_choix_de_pieces_1578_1632-1515.html?PARAM1515=ModLevel_2%7CNOCLEAN_1&sRef=FRAD085_notairesfontenay&VIEW=316887 les archives des Notaires de Vendée].</ref>. En 1590, peu de temps après la [[bataille d'Ivry]]<ref>{{Lien web |langue=fr|date=2021-01-23|nom1=Müller|prénom1=Didier|titre=François Viète, cryptanalyste du roi {{souverain-|Henri IV}}|url=https://www.apprendre-en-ligne.net/crypto/homophone/viete.html|site=apprendre-en-ligne.net}}.</ref>, {{souverain-|Henri IV}} l'autorise à rendre publique la lettre du commandeur Moreo au roi d'Espagne<ref>{{en}} Friedrich Ludwig Bauer, [https://books.google.com/books?id=hfWTDr_bvMwC&pg=PA70 Decrypted secrets: methods and maxims of cryptology].</ref> qu'il a déchiffrée six mois plus tôt. Le contenu des lettres décodées par Viète, révèle que le chef de la Ligue en France, le [[Charles de Mayenne|duc de Mayenne]], projette de devenir roi à la place de {{souverain-|Henri IV}}. Cette publication met le duc de Mayenne en position délicate et trouble beaucoup les Espagnols pendant deux ans. Ceux-ci conservent néanmoins leur méthode, persuadés qu'elle n'est pas réellement déchiffrable. Ritter pense que cette publication a favorisé le règlement des guerres de religion<ref name="B"/>.

Le {{1er|avril}} de cette même année, François Viète s'entremet auprès du roi Henri pour obtenir aide et soutien en faveur de la Dame de la Garnache contre les exactions d'un prévôt agissant pour le duc de Nevers. Le roi la confirme dans ses titres de duchesse de Loudunois et les troupes royales lui permettent de réintégrer ses châteaux.
Dans une même lettre, il informe le roi de l'arrestation de deux porteurs de messages, Chamin et Perrin, qui ont trahi sa confiance et qu'il fait traduire devant le procureur du roi afin ''qu'il soit procédé contre eux criminellement''<ref name="G"/>.

En 1591, paraît chez [[Jamet Mettayer]], l'ouvrage qui va bouleverser l'algèbre : {{langue|la|[[In artem analyticem isagoge]]}}. Cet opuscule est en quelque sorte l'acte de fondation de l'algèbre moderne. Dans sa dédicace à Catherine de Parthenay et à François de Rohan, il en fait le programme d'un art nouveau, entièrement restauré. Pour lui, cette façon de poser les problèmes géométriques doit conduire à la solution de tous les problèmes<ref name="B"/>. Cette publication est immédiatement suivie par celle des cinq livres des Zététiques. En décembre de la même année, Françoise de Rohan meurt à Beauvoir-sur-Mer.
[[image:Musée national du Château de Pau - Portait d'Henri IV en Mars - Ambroise Dubois P 81 20 1.jpg|thumb|left|{{souverain2|Henri IV (roi de France)}} vainqueur de la [[Ligue catholique (France)|Ligue]].]]
Les traductions des messages secrets reçus à Tours se multiplient et Viète doit s'adjoindre [[Charles du Lys]], un chevalier descendant de la famille de Jeanne d'Arc (par son frère) pour préparer la transcription de ces messages. On compte plus d'une dizaine de liasses de messages par mois, dont certains lui parviennent sans avoir été ouverts. Ils portent essentiellement sur les affaires espagnoles et les prétentions que le roi d'Espagne nourrit de marier sa fille avec le [[Jean Ier de Deux-Ponts|duc-palatin de Deux-Ponts]] ou quelque prince de sang proche du trône pour proposer l'infante à la succession des Valois. On y trouve encore d'autres lettres, émanant de la Ligue, du duc de Mayenne, du légat du pape ou des ambassadeurs vénitiens<ref name="R"/>.

En 1592, Viète, quoiqu'en conflit avec son propriétaire, l'érudit [[Nicolas de Nancel]], renouvelle son bail, à Tours, et agrandit son logis. Son travail de maître de requêtes se poursuit parallèlement à son emploi de déchiffreur<ref>Deux jugements signés par Viette (ou Viete), en {{date-|décembre 1592}}, [https://archive.org/details/archivesdelartfr83anneuoft dans les archives de l'art français].</ref>.
En 1593, Catherine de Parthenay le retrouve dans cette ville, où elle donne un bal à l'occasion du retour de Pau de la sœur du Roi<ref name="R"/>, le ''bal de Madame'', qui mêle cavaliers français et béarnais. Cette année-là marque également le début de sa polémique avec l'humaniste protestant [[Joseph Juste Scaliger]]. Celui-ci, qui s'est fait un nom dans les lettres à la suite de son père et se réclame de la noblesse italienne sous le nom de Scala, se vante d'avoir résolu le problème de la [[quadrature du cercle]], prétention vaine, qui a déjà couvert de ridicule des mathématiciens plus fameux (dont, quarante ans auparavant, Oronce Fine). Viète en triomphe à de nombreuses reprises les deux années qui suivent<ref name="Ritter"/>{{,}}<ref name="de Thou"/>.

À partir de 1594, le mathématicien est chargé exclusivement du décryptage des codes secrets ennemis. Dans deux des lettres de François Viète à {{souverain-|Henri IV}}<ref>''Vie de Thomas Egrrlon, lord chancelier d'Angleterre'', {{p.|329-330}}.</ref> le mathématicien s'y déclare explicitement ''interprète et déchiffreur du Roy''. À cette époque, il se lie d'amitié avec le conseiller [[Jean d'Espagnet]]<ref>Michel Serfati, Dominique Descotes, [https://books.google.com/books?id=oEcCa9oMI9YC&pg=PA172&lpg=PA172&dq=espagnet+viète+ami&source=bl&ots=QbJ7Ds9pRX&sig=GJuRu4V6riImuLDNywUfUulKLtk&hl=fr&ei=bzOtStaLB-SgjAf90MH8Bw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5#v=onepage&q=espagnet%20viète%20ami&f=false Mathématiciens français du {{s-|XVII}} : Descartes, Fermat, Pascal].</ref>. Par les confessions de [[Dominique Baudier]] à Scaliger, on sait aussi qu'il mène grand train à Tours<ref name="G"/>. Enfin lors d'un dîner copieux, il semble qu'il se soit vanté devant les ambassadeurs vénitiens de décrypter leurs lettres et celles des Espagnols depuis plus de deux ans<ref>Le site Apprendre en ligne [http://www.apprendre-en-ligne.net/crypto/homophone/viete.html François Viète, cryptanalyste du roi Henri IV].</ref>. Les Espagnols l'apprennent et accusent, à Rome et dans toute l'Europe, le roi de France de l'avoir découvert par le secours du Diable et en faisant usage de la [[Magie (surnaturel)|magie]]<ref name="de Thou"/>{{,}}<ref>Alexandre Savérien, Jean-Charles François, [https://books.google.com/books?id=zacPAAAAQAAJ&pg=PA111&dq=chiffre+espagnol+françois+viète&as_brr=1&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=&f=false Histoire des philosophes modernes, {{vol.|5}}].</ref> et Viète d'être un [[wikt:nécromant|nécromant]]<ref name="de Thou"/>{{,}}<ref name="IREM"/>. Cette prétention fait rire la cour de France<ref>Voir par exemple {{Ouvrage |auteur1=[[Maximilien Marie]] |titre=Histoire des sciences mathématiques et physiques |tome=3 |éditeur= |année=1884 |lire en ligne=https://archive.org/details/histoiredesscien03mariuoft}} ou {{Harvsp|Hervé|Baudry|1999|p=[https://books.google.fr/books?id=kVxyne6N7KoC&pg=PA331 331]}}.</ref>. Le Pape, grâce à ses propres cryptographes, ne croit pas les Espagnols<ref name="IREM"/>.

=== La polémique avec Scaliger ===

Viète, [[Adrien Romain]], et [[Christophorus Clavius|Clavius]] s'opposent à la résolution de la [[quadrature du cercle]] que donne [[Joseph Juste Scaliger]] dans son traité ''Noca Cyclometria''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=François Le Lionnais|titre=Les grands courants de la pensée mathématique|éditeur=|année=|passage=104|isbn=|numéro chapitre=10}}{{Citation bloc|Dans un livre intitulé Nova Cyclometria (1592), il [Scaliger] expose sa découverte de la quadrature du cercle. Mais il est réfuté par Viète, Adrien Romain et le P. Clavius montre que les propositions de Scaliger entraîneraient celle-ci : le périmètre du dodécagone inscrit [dans le cercle] est supérieur à la circonférence [du cercle]}}.</ref>. [[Joseph Juste Scaliger|Scaliger]] poursuit {{nobr|entre 1592}} et 1595 plusieurs poèmes destinés à étayer ses thèses. Remplis de considérations littéraires, ces ouvrages<ref>Lettres françaises de Joseph Scaliger, publiées par TH. de Larroque Paris 1887.</ref>{{,}}<ref>Scaligeri, ''Epistolae omnes quae reperi potuerunt'', Leyde, 1627, in-8°.</ref> révèlent la totale incompétence<ref name="Notice"/> de l'érudit en matières mathématiques. Il y affirme entre autres [[Pi|{{math|π}}]] = <math>\sqrt{{10}}</math> {{Référence souhaitée}}, en réalité une approximation<ref>L'approximation est moins précise que celles déduites de l'encadrement d'Archimède.</ref> déjà connue de [[Regiomontanus]], qui la savait inexacte et en attribuait la provenance aux [[Mathématiques indiennes|mathématiciens indiens]]<ref>Par exemple le mathématicien indien [[Brahmagupta]] préfère {{sqrt|10}} à 3 comme approximation de π selon Plofker Kim, ''Mathematics in India,'' 2007, article dans Victor Katz (ed.), ''The Mathematics of Egypt, Mesopotamia, China, India, and Islam: A Sourcebook'', Princeton University Press, {{ISBN|978-0-691-11485-9}}, p. 426.</ref>. Il y affirme aussi détenir les secrets de la [[duplication du cube]] et de la [[trisection de l'angle]].
[[Image:(Agen) Portrait de Joseph Juste Scaliger - Musée du Louvre.jpg|thumb|right|Joseph Juste Scaliger.]]
Alors qu'il négocie avec l'université de Leyde la succession de l'érudit [[Juste Lipse]] puis qu'il dirige celle-là, Scaliger ne veut pas reconnaître ses erreurs et s'enferre dans une stratégie désespérée. Précédé d'une réputation de savant et d'humaniste, il parvient à dissimuler ses erreurs pendant un temps aux yeux des gens ignorant la géométrie. [[Isaac Casaubon|Cazaubon]] l'applaudit, [[Dominique Baudier]], ou Baudius, alors secrétaire du banquier [[Scipion Sardini]] le soutient<ref>Dominique Baudier, ''Litterae caturias tres'', {{4e|éd.}} Amsterdam, 1639.</ref>, tandis que le mathématicien du roi {{souverain-|Henri IV}}, [[Henri de Monantheuil|Monantheuil]] se mure dans le silence et que [[Jacques-Auguste de Thou]] se détache peu à peu du « prince des érudits ». Soutenu par une partie des protestants, qui voient en lui leur champion, Scaliger alla jusqu'à tenter de faire interdire (à Genève) l'impression des livres d'[[Adrien Romain]] contre sa cyclométrie<ref name="R"/>.

Le {{date-|10 juin 1592}}, Scaliger écrit à Baudier :
{{citation bloc|Au reçu de votre lettre voici ce que j'en écris ; j'entends les rumeurs répandues par [[Térence|Thrason]] (Viète). Il prétend que je cherche à éluder le débat c'est un mensonge. Donnez-lui hardiment un démenti. Et à l'appui je lui enverrai par écrit de ma main mon défi avec promesse en cas de perte de lui payer une somme de {{unité|1000 à 1200|écus}} d'or.}}

Une dispute doit avoir lieu entre eux à Tours. Viète exige un débat public, un jury d'experts et un renoncement à faire appel de leur jugement<ref name="R"/>.
D'avril à {{date-|mai 1593}}, Scaliger écrit à Baudius pour tenter de régler les détails d'une telle rencontre. Dans cette correspondance Scaliger nomme Viète « le moucheron » et défend l'idée que la géométrie se juge d'elle-même. Mais le {{date-|21 mai}}, il est nommé à l'université de Leyde et dès lors, l'humaniste refuse de participer aux disputes publiques prévues à Tours, où il entre avec une troupe d'armes le {{date-|23 juin}}, dit adieu au Roi et quitte la France en juillet sans donner suite à ses promesses.
Ritter assure que Viète maintint ces rencontres<ref name="Ritter"/>, qu'il décrit comme des conférences publiques, où Viète annonce l'[[Pi#Irrationalité|incommensurabilité de {{math|π}}]] (qui ne sera démontrée qu'au {{s-|XVIII}}). Conseillant aux mathématiciens de ne pas perdre leur temps à vouloir démontrer la quadrature, Viète invoque les mânes de [[Térence]] et de [[Plaute]] :
{{citation bloc|Nous ne comprenons pas comment la terre n'est qu'un point de l'immense espace du ciel ; quant à moi, je m'incline devant le mystère du très haut et je ne cherche pas un nœud sur un jonc.}}

Il termine avec [[Formule de Viète|sa formule]] [[Approximation de π|donnant {{math|π}}]] comme un [[produit infini]], où il croit déceler la preuve que le nombre d'Archimède ne peut être construit à la règle et au compas<ref name="R"/>. Partant de considérations géométriques<ref>{{Le fascinant nombre π}}.</ref> et au moyen de calculs trigonométriques qu'il maîtrise parfaitement, il sait en effet que<ref>{{la}} ''Variorum de rebus mathematicis responsorum'', livre VIII, {{p.|400}} des ''Opera mathematica'' publiés en 1646, {{Google Livres|JmBDAAAAcAAJ|page=400|aperçu}}.</ref> :
<center><math>\pi= 2\times\frac2{\sqrt2}\times
\frac2{\sqrt{2+\sqrt2}}\times
\frac2{\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt2}}}\times\frac2{\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt2}}}}\times\cdots</math></center>

En date du {{date-|10 mai 1593}}, l'avocat [[Pierre Daniel (d'Orléans)|Pierre Daniel]] d'Orléans<ref>Librairie Droz, [https://books.google.com/books?id=wZDugNmHw50C&pg=PA21&dq=Pierre+daniel&as_brr=3&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=Pierre%20daniel&f=false Methode et Theologie].</ref>, érudit en correspondance avec de nombreux savants et anciennement lié à Scaliger, écrit à Viète une lettre qui vante ces conférences et lui en réclame la publication.
{{citation bloc|Je pense que vous serez d'accord avec moi qu'il est de l'intérêt de la science de pas laisser plus longtemps une aussi audacieuse espèce de gens tourmenter avec leurs écrits incendiaires les hommes de bien…}}
François Viète consigne cette lettre en tête de publication de son ''Variorum de rebus mathematicis'', publié à Tours chez Mettayer l'année même et qui reprend {{incise|selon Ritter<ref name="Notice"/>}} l'exposé de ses conférences (ce point de vue est néanmoins mis en cause par de plus récentes recherches<ref name="B"/> qui doutent que ces conférences aient eu lieu). Ritter mentionne également une citation à comparaître qui laisse présumer que Viète menaçait Scaliger {{incise|qu'il nomme ironiquement ''monsieur de l'Escale, professeur de grammaire''}} d'un procès pour diffamation<ref name="R"/>.
Le {{date-|13|novembre|1593}}, François et son frère Nicolas hypothèquent par contrat tous leurs biens passés et à venir contre le prêt d'une somme de {{unité|2000|écus}}. On ignore la destination de cette somme. Ritter la croit pour partie destinée à honorer le contrat avec Scaliger ou les frais de son second mariage. Viète s'est probablement mis en ménage avec sa seconde femme, Julienne Leclerc, dans ces années-là.

En 1594, devenu recteur de l'université de Leyde, Scaliger publie, quant à lui, une cyclométrie nouvelle, où il corrige quelques erreurs relevées par le chevalier [[Jean Errard]] de [[Bar-le-Duc]] et [[Ludolph van Ceulen]] de cette même [[université de Leyde]]. En novembre, il en envoie quelques exemplaires à [[Pierre Pithou]], érudit ami de Thou, qui en communique un à Viète<ref name="R"/>.
[[Image:Jacques Auguste de Thou.jpg|thumb|left|[[Jacques-Auguste de Thou]].]]
L'année suivante, François Viète publie un ''Bouclier contre les petites haches de la nouvelle cyclométrie, tiré des impromptus géométriques de Monsieur Viète'', œuvre ironique qui conduit Scaliger à déclarer le 4 mai, à [[Monantheuil]] :
{{citation bloc|J’ai trouvé la quadrature mais je n’ai pas su si bien la démontrer qu’il n'y ait rien à reprendre.}}
Cependant, devant Cazaubon, le « prince des érudits » maintint que le périmètre du cercle égale les six cinquièmes de l'hexagone inscrit.
Scaliger publia encore sur le sujet, de Leyde, un opuscule tout aussi infondé mathématiquement : le ''Mesolabium.'' Viète lui répondit par un ironique ''Pseudo Mesolabium'' édité en 1595<ref>{{Ouvrage |prénom1=Jean-Étienne |nom1=Montucla |prénom2=Sylvestre-François |nom2=Lacroix |lien auteur2=Sylvestre-François Lacroix |directeur2=oui |titre=Histoire des recherches sur la quadrature du cercle |éditeur=Bachelier père et fils |année=1831 |passage=206 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=ieYGAAAAYAAJ&pg=PA298&dq=vi%C3%A8te+scaliger+quadrature+trisection}}.</ref>.
Adriaan van Roomen et [[Clavius|Christophe Clau]] reprirent alors le flambeau en publiant respectivement ''in Archimédie circuli Dimensionae contra Josephum Scaligorum…'' et ces mots d'une dureté inouïe sous la plume de Clavius :
{{citation bloc|Voici mon dernier mot : je ne puis aimer des hommes comme vous, payant comme on dit tribut à tous les vices ; je ne puis ne pas détester un homme aussi malhonnête aboyant après tous les gens de biens, après tous ceux de mérite, portant à bout les gens tranquilles. Ni les hommes ni Dieu, dont vous amassez sur votre terre la colère, ne peuvent plus supporter un homme comme vous, menteur, faux mathématicien, infâme, scélérat.}}
En comparaison de ces attaques, celles de Viète font preuve d'un grand respect pour l'érudit et l'homme de lettres protestant. Scaliger, après cela, ne dit plus un mot de cyclométrie. Il continua néanmoins à distiller son venin contre Viète, rappelant en 1600 à Jacques-Auguste de Thou, qu'il lui avait appris à écrire son nom<ref>Scaliger affirmait qu'avant de le connaître, Viète signait Vietae ou Vietaeus, ce qui est une latinisation fautive ; le nom figure ainsi sur certaines versions du ''Canon'' de 1579 : Fitzwilliam Museum, [https://books.google.com/books?id=8j67AAAAIAAJ&q=Franciscus+Vietaeus&dq=Franciscus+Vietaeus&hl=fr An exhibition of printing at the Fitzwilliam Museum, 6 May to {{nobr|23 June 1940}}].</ref>, et que son anagramme<ref>Joseph Juste Scaliger, [https://books.google.com/books?id=RFwBAAAAMAAJ&pg=PT52&dq=vieteus&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=vieta&f=false Scaligerana].</ref> pouvait se lire
<center>''Cur asinus faciet : Pourquoi l'âne le fera-t-il ?''</center>

=== Problème d'Adrien Romain (Van Roomen) ===

Du 10 au {{date-|15 octobre 1594}}, {{nobr|Henri IV}} et son petit conseil sont réunis à Fontainebleau avec de Villeroy et l'ambassadeur des États (de Hollande). Ce dernier, devant qui {{nobr|Henri IV}} fait étalage de la diversité du génie français, prétend qu'il n'y a pas de mathématicien en France, sous prétexte qu'il n'en figure aucun dans le défi qu’[[Adrien Romain]] a lancé aux mathématiciens du monde entier<ref name="B"/>{{,}}<ref>F. Heussner, [https://books.google.com/books?hl=fr&id=7wcSAAAAIAAJ&q=Romanus#v=snippet&q=Romanus&f=false Le bulletin du bibliophile Belge], 1866.</ref>.

{| class="toccolours" style="float: right; margin-left: 1em; margin-right: 1em; font-size: 85%; background:#fafacc; color:black; width:27em; max-width: 25%;" cellspacing="5"
| style="text-align: left;" |
<center>'''Liste des mathématiciens du défi de Roomen'''<ref name="Q">Jean Guillaume Garnier, Adolphe Quetelet, Observatoire royal de Belgique ; [https://books.google.com/books?oe=UTF-8&hl=fr&id=a2sEAAAAYAAJ&q=Lordel#v=snippet&q=Lordel&f=false Correspondance mathématique et physique, Volume 8].</ref>{{,}}<ref>{{Article|auteur=Ph. Gilbert|titre=Extrait d'une lettre à M. [[Gaston Darboux|Darboux]]|revue=Bulletin des sciences mathématiques et astronomiques|série=2|tome=4|année=1880|numéro=1|p.=317-318|url=http://archive.numdam.org/item/BSMA_1880_2_4_1_317_1}}.</ref></center>
* Christopher [[Clavius]]
* [[Guidobaldo del Monte|Guido Waldo (marquis del Monte)]] 
* [[Giovanni Antonio Magini|Jean-Antoine Magin]] de Padoue<ref>Denis Diderot [[s:Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/625|''L'Encyclopédie'', {{t.|7}}, {{p.|625}}]].</ref>
*Jan Cornets de Groot (père de [[Hugo Grotius]]) 
* [[Ludolph van Ceulen]] de Leyde<ref>{{article|auteur=[[Henri Bosmans|H. Bosmans]], [[Compagnie de Jésus|S.J.]]|titre=Un émule de Viète : Ludolphe van Ceulen|sous-titre=Analyse de son “ Traité du cercle „|revue=Annales de la Société scientifique de Bruxelles|série=3|numéro=34|année=1910|p.=88-139|url=http://logica.ugent.be/albrecht/math/bosmans/R037.pdf}}.</ref>
* [[Michel Coignet]]
* Nicolas Peterson
* [[Simon Stevin]] de Bruges
* [[Tycho Brahe]]
* [[Valentinus Otho]]
* Bernard Lordel de Mouson
* Jans van den Weghe de Boxtal ses élèves, [[Thomas Fienus]] d'Anvers et Cornelis van Opmeer de Delft ainsi que ses imprimeurs.
|}
Cette polémique est narrée par [[Gédéon Tallemant des Réaux|Tallemant des Réaux]] en ces termes (historiette 46)<ref>{{Ouvrage |auteur1=[[Louis Monmerqué]] |auteur2=[[Paulin Paris]] |directeur3=oui |titre=Les [[Historiettes]] de Tallemant des Réaux, {{3e|édition}} entièrement revue |tome=1 |éditeur= |année=1854 |passage=462-464 |lire en ligne={{Google Livres|x6A8AAAAYAAJ|page=462}} |numéro chapitre=LIII |titre chapitre=M. Viète}}.</ref> :

{{Citation bloc|Du temps d'Henri IV, un Hollandais, nommé Adrianus Romanus, savant aux mathématiques, mais non pas tant qu'il croyait, fit un livre où il mit une proposition qu'il donnait à résoudre à tous les mathématiciens de l'Europe ; or, en un endroit de son livre il nommait tous les mathématiciens de l'Europe, et n'en donnait pas un à la France. Il arriva peu de temps après qu'un ambassadeur des États vint trouver le Roi à Fontainebleau. Le Roi prit plaisir à lui en montrer toutes les curiosités, et lui disait les gens excellents qu'il y avait en chaque profession dans son royaume. « Mais, Sire, lui dit l'ambassadeur, vous n'avez point de mathématiciens, car Adrianus Romanus n'en nomme pas un de français dans le catalogue qu'il en fait. -- Si fait, si fait, dit le Roi, j'ai un excellent homme : qu'on m'aille quérir M. Viète. » M. Viète avait suivi le conseil, et était à Fontainebleau ; il vient. L'ambassadeur avait envoyé chercher le livre d'Adrianus Romanus. On montre la proposition à M. Viète, qui se met à une des fenêtres de la galerie où ils étaient alors, et avant que le roi en sortît, il écrivit deux solutions avec du crayon. Le soir il en envoya plusieurs à cet ambassadeur, et ajouta qu'il lui en donneroit tant qu'il lui plairait, car c'était une de ces propositions dont les solutions sont infinies.}}
{{citation étrangère|langue=la|Ut legi, ut solvi}}, note François Viète ultérieurement. {{citation|Aussitôt lu, aussitôt résolu}}.

Le [[Adrien Romain#Le défi d'Adrien Romain|problème d’Adrien Romain]] que présente l'ambassadeur, et dont Viète donne une solution rapide et plus complète que celle de [[Ludolph van Ceulen]], consiste en la résolution d'une équation de {{nobr|degré 45}} dans laquelle le géomètre et maître des requêtes reconnaît le partage d'un arc donné en {{nobr|45 parts}} égales. Les exemples que donne Romain à sa résolution l'indiquent clairement. La solution que donne Viète correspond à la corde d'un arc de {{unité|8|°}} (soit <math>\frac {2\pi}{45}</math> [[Radian|rad]]). Il lui est alors aisé de déterminer par la suite {{nobr|22 autres}} solutions positives, les seules admissibles à l'époque, et d'en présenter la liste le lendemain à l'ambassadeur.

{{Boîte déroulante/début|titre=L'équation de Roomen}}
Écrit en langage actuel, le problème que soumet Adrien Romain revient à déterminer <math>x</math> tel que

:<math> 45x-3795x^3 + 95 634x^5 - 113 8500x^7 + 781 1375x^9 - 34512075 x^{11} + 10530 6075x^{13} </math>
: <math> - 2 3267 6280x^{15} + 3 8494 2375x^{17} - 48849 4125x^{19} + 4 8384 1800 x^{21}- 3 7865 8800 x^{23 } </math>
:<math>+ 2 3603 0652 x^{25} - 1 1767 9100 x^{27} + 4695 5700. x^{29 }- 1494 5040 x^{31}+ 376 4565 x^{33}</math>
:<math> - 74 0259 x^{35} + 11 1150 x^{37 }- 12300 x^{39} + 945 x^{41}- 45 x^{43} + x^{45} = N</math>

où <math>N</math> est donné.
Cette équation est exposée dans ''Idée mathématique partie un'', imprimée à Louvain en 1593.

Van Roomen ajoute que pour 
:<center><math>{N=\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt 2}}}}</math></center>
la solution est 
:<center><math>{x=\sqrt{2-\sqrt{2+\sqrt{2+\sqrt {2+\sqrt {2+\sqrt 3}}}}}}</math> </center> 
et donne quelques autres issues de division en {{nobr|45 morceaux}} d'un arc complémentaire au côté d'un polygone inscrit dans le cercle. Pour plus de détails, voir {{Harvsp|Ritter|1895|p=263-266}}.
{{Boîte déroulante/fin}}

Quand, en 1595, Viète publie sa réponse à Adrien Romain, sous le titre ''Ad problema quod omnibus mathematicis totius orbis construendum proposuit Adrianus Romanus, Francisci Vietae responsum. Paris, Mettayer, 1595, in 4, 16 fol'', il propose en retour au mathématicien belge une autre énigme : la résolution à la règle et au compas du [[problème des contacts]] ou problème d’[[Apollonius de Perga]] dont la solution s'est perdue depuis l'Antiquité et que Regiomontanus a pu résoudre par l'algèbre, mais sans donner de construction géométrique. C'est le dernier problème d'un traité perdu d'Apollonius, à savoir ''trouver un cercle tangent à trois cercles donnés''. Dans ses mémoires, Adrien Romain affirme l'avoir résolu en aussi peu de temps que Viète a résolu le sien, c'est-à-dire dès réception. Toutefois, sa solution passe par la construction de l'intersection de deux hyperboles, ce qui ne respecte pas les contraintes de [[construction à la règle et au compas]] imposées par Euclide. Van Roomen dit de Viète à cette occasion :
{{citation bloc|[…] un homme éminent, un véritable mathématicien qui ne se laisse pas chatouiller par cet aiguillon de la gloire qui fait perdre la tête à tant d'autres : c'est un Français, nommé François Viète, conseiller du Roi et maître des requêtes au Parlement. ''Ne pouvant souffrir'', comme il dit lui-même, ''qu'un Belge ou un Romain lui ravit sa gloire'', il répondit surabondamment à mon défi par un traité d'une remarquable érudition<ref name="Room">{{Article|auteur=Anton Ruland|titre=Adrien Romanus, premier professeur à la faculté de médecine de Wurzbourg|revue=Le Bibliophile belge|vol=2|lieu=Bruxelles|éditeur=Fr. J. Olivier|année=1867|p.=56-100, 161-187 et 256-269|url={{Google Livres|MwM_AAAAcAAJ|page=73}}}} : voir {{p.|73-74}}.</ref>.}}

François Viète publie sa propre solution en 1600, dans l’''Apollonius gallus''.
[[Image:Similitude CC.svg|thumb|left|upright=1.5|Un des problèmes d'[[Apollonius de Perga|Apollonius]].]]
Il lui écrit : {{citation bloc|Éminent Adrien, tant qu'on touche le cercle par des hyperboles, on ne le touche pas finement.}}
À quoi, le professeur de [[Wurtzbourg]] demande à des juges italiens, dont on ignore le jugement, de trancher. Selon ses propres mots :
{{citation bloc|[…] comme nous sommes tous des hommes […], j'ai voulu choisir un juge […] qui ne penchât pour aucune des parties en cause. La lutte étant ouverte entre un Français et un Belge, j'ai récusé tous les juges pris dans ces deux nations, et c'est vous, qui résidez dans cette ville [Rome] où siège le juge suprême de l'univers, c'est vous que j'ai voulu prendre pour arbitre : je vous offre donc ma réponse : examinez-la, et s'il vous convient de vous adjoindre des juges comme Christophe Clavius de la Société de Jésus, Jean Antoine Magin, l'illustre marquis de Monti, ou tels autres que vous voudrez, usez-en à votre discrétion : j'attendrai votre sentence et je m'y soumettrai en toute humilité<ref name="Room"/>.}}

De Thou<ref name="de Thou"/>, Tallemant des Réaux<ref>Cf. {{Ouvrage|nom=Monmerqué|titre=Les Historiettes de Tallemant des Réaux|numéro d'édition=2|tome=1|chapitre=M. Viète|numéro chapitre=XLVI|année=1861 [sic]<!--douteux car serait postérieure à la 3e éd. où Paris ajoute des commentaires-->|url={{Google Livres|0ZIUAAAAQAAJ|page autre=RA1-PA89}}|page=89-90}} ou l'édition suivante, {{Harvsp|Monmerqué|Paris|1854|p=463-464}}.</ref>, Ritter<ref>{{Harvsp|Ritter|1895|p=267-268}}.</ref> et plus succinctement Bosmans<ref>{{Chapitre|auteur=Henri Bosmans|titre=Romain (Adrien)|titre ouvrage=Biographie nationale|vol=19|année=1907|page=848-889|url=http://logica.ugent.be/albrecht/math/bosmans/R025.pdf}} : voir {{p.|863}}.</ref> racontent qu'Adrien Romain abandonna Wurtzbourg dès réception de la solution de Viète ({{nobr|vers 1597,}} avant sa publication) pour se rendre aussitôt à Paris, puis à Fontenay-le-Comte, où Viète résidait alors. Adrien Romain demeura six semaines avec Viète, qui l'initia aux méthodes de l'algèbre nouvelle. Les deux hommes étant devenus amis, Viète fit raccompagner Romain à la frontière et le défraya de ses dépenses.

La résolution du problème de Romain (ou Roomen) et la restauration du traité perdu d'Apollonius ont en effet un retentissement presque immédiat en Europe. Elles valent à Viète l'admiration de nombreux mathématiciens à travers les siècles<ref name="Q"/>. Pour le problème des contacts, il reconnaît que le nombre de solutions dépend de la position relative des trois cercles et expose les dix situations résultantes mais ne traite pas des cas particuliers (cercles confondus, tangents entre eux, etc.). [[Théorème de Descartes|Descartes]] compléta en 1643 le théorème des trois cercles d'Apollonius<ref>Frauke Boettcher [http://www.univ-nancy2.fr/poincare/colloques/hgmc2005/Boettcher_Frauke.pdf intervention lors du colloque de Lumigny 2005] : Un problème de contact d’Apollonius - une histoire des méthodes géométriques.</ref>, aboutissant à une équation quadratique de {{nobr|87 termes}} dont chacun est un produit de six facteurs (ce qui rend la construction effective humainement impossible par ce biais)<ref>{{en}} Henk J.M. Bos, « Descartes, Elisabeth and Apollonius’ Problem ». In The Correspondence of René Descartes 1643, Quæstiones Inﬁnitæ, {{p.|202–212}}. Zeno Institute of Philosophy, Utrecht, édition de Theo Verbeek, Erik-Jan Bos et Jeroen van de Ven, 2003.</ref>{{,}}<ref>{{pdf}} Sébastien Maronne, [http://www.1637.fr/IMG/pdf/Paris4sept.pdf La correspondance Sluse-Pascal et la Géométrie], septembre 2008, {{p.|3}}.</ref>. [[Pierre de Fermat]] étendit aux sphères la formule donnée par Descartes et enfin, [[Frederick Soddy]] (1936) en donna de superbes illustrations<ref>[http://www.ac-noumea.nc/maths/amc/polyhedr/packing.htm Cercles de Soddy].</ref>{{,}}<ref>[http://mathworld.wolfram.com/SoddyCircles.html Cercles de Soddy chez Wolfram].</ref>.

=== Notaires, tabellions et garde-notes ===

Épuisé par son travail de maître de requêtes et déchiffreur, Viète obtient du roi quelques loisirs en 1597. L'occasion s'en présente lorsqu’éclate la rébellion des notaires : les Suisses mercenaires qui se battent au côté des armées de {{souverain-|Henri IV}} réclament depuis des années le paiement de leurs gages. Ils menacent de changer d'alliance et pour satisfaire leurs exigences, le roi et son conseil décident d'un nouvel impôt. Celui-ci prend pour cible les notaires, auquel un édit du {{date-|12 mai 1597}} ordonne de remettre leur charge contre remboursement afin d'en répartir aux enchères les nouveaux privilèges, devenus héréditaires et unifiés<ref>P. Mathieu, ''Histoire de France et des choses admirables survenues pendant les guerres'', Pierre Mettayer, Paris, 1605.</ref>.
Les notaires refusent ce qu'ils considèrent comme une spoliation et refusent de produire les actes d'achat de leurs charges. Les autres officiers royaux se solidarisent avec eux et les commissaires nommés par {{souverain-|Henri IV}} sous la direction de Monsieur [[Audouyn de Montherbu]]<ref>Actes du conseil d'actes [http://www.ihd.cnrs.fr/IMG/pdf/00web_conseil.pdf sur le site du CNRS].</ref> se voient dans l'incapacité de faire appliquer l'édit royal.
Une nouvelle mouture, décidée en {{date-|novembre 1597}}<ref name="Notice"/> et qui se limite à taxer les charges pour leur conférer un caractère unique et héréditaire ne connaît pas plus de succès. Il fallut que le roi et son conseil donnent licence aux commissaires de taxer ces charges selon leur convenance pour qu'enfin cet impôt, qui trouva son aboutissement dans la ''[[Paulette (impôt)|paulette]]'', voie le jour et permette à l'État d'honorer ses dettes envers les Suisses.

François Viète est le commissaire nommé par {{souverain-|Henri IV}} pour faire rentrer dans l'ordre les notaires du Poitou, de La Rochelle et de Lusignan. Il s'en acquitte de 1597 à 1599, profitant de ce congé pour rétablir sa santé déjà chancelante<ref name="Ritter"/>. Accompagné d'un huissier et d'un clerc de notaire parisien<ref name="B"/>, il loge alors à Fontenay-le Comte, où il a la douleur de perdre ses sœurs Jeanne (1595) et Julienne (1597) et de partager leurs biens avec ses deux frères et leurs héritiers. Dans la même période (1596), il cède une maison et le fermage de ses terres de Fontenay à son frère Nicolas en remboursement de ce qu'il doit, contre une rente de {{nobr|40 écus}} l'an<ref name="R"/>.

Ces actes nous donnent l'occasion de connaître sa signature.
Par ailleurs, il ne semble pas s'être entremis dans le procès qui oppose en 1598 son ancienne élève, Catherine de Parthenay, au chevalier [[De Goust]], qu'elle accuse d'avoir ruiné son château de Blain<ref>Bulletin [http://ia360611.us.archive.org/3/items/bulletindelasoci11soci/bulletindelasoci11soci.pdf de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique (1845)].</ref>.

=== Dernières publications mathématiques ===
[[Image:Marino Ghetaldi.gif|thumb|right|[[Marin Ghetaldi]] dans le palais du recteur de la [[république de Raguse]].]]
En 1600, le mathématicien [[République de Raguse|ragusien]] [[Marin Ghetaldi|Ghetaldi]] le rencontre à Paris et Viète lui communique quelques-uns de ses ouvrages, dont son ''Harmonicon Celeste''. Ghetaldi publie chez David Leclerc l’''Apollonius Gallus'' et le ''De Numerosa Potestum<ref>{{en}} Maseres a specimen of vieta's method of resolving algebraic equations by approximation, Londres, 1800, ex. au Bristish Museum.</ref>''. Une lettre de la main du Ragusien, datée du {{date-|15 février}}, et destinée à son maître, [[Michel Coignet]] donne de Viète l'image d'un homme complaisant et généreux :
{{citation bloc|Votre seigneurie sait le désir que j'avais de connaître M. Viète, depuis que j'ai vu quelques-uns de ses ouvrages. Cela a été cause que, me trouvant à Paris pour d'autres affaires personnelles, j'ai voulu, avant de partir pour l'Italie, lui faire visite. Sa connaissance m'a prouvé qu'il était non moins affable que savant. Non seulement il m'a montré beaucoup de ses ouvrages encore inédits, mais il me les a confiés, afin que je les visse dans ma maison et à ma commodité… comme je le priais instamment de le publier, il commença à s'excuser, disant qu'il ne le pouvait faire, et n'avait pas la commodité de pouvoir le revoir et le polir. Et véritablement il est plus empêché la grande partie du temps dans les affaires de S. M. très-chrétienne, étant du conseil d'État et maître des Requêtes.}}

La lettre qui ouvre l’''Apolonius Gallus'' et tutoie Viète semble également dans cet esprit.
{{citation bloc|J’ai beaucoup de raisons de t'admirer, illustre ami, car tu vis la plupart du temps dans le monde des lois et des affaires publiques et cependant tu es habile et doué pour tout ce qui touche aux sciences, et surtout par cette connaissance du jugement qui d’autre part t’as permis de t’élever dans la connaissance et l’étude des mathématiques… Je considère comme un honneur d’obtenir de toi qui es perpétuellement en relation avec les affaires politiques et les affaires publiques de par les ordres du roi, que communiques avec ceux qui désirent s’instruire<ref name="G"/>.}}

La même année, ses secrétaires Pierre Aleaume et Charles Du Lys acceptent la mission de traduire en français les œuvres de leur maître. {{souverain-|Henri IV}} confère à Jamet Mettayer un privilège exceptionnel pour la publication de cette œuvre, que l'imprimeur dit avoir payée, mais qui ne verra, hélas, jamais le jour<ref name="G"/>.

=== Affaire du calendrier ===

En 1582, le pape {{souverain2|Grégoire XIII}} avait demandé par la bulle [[Passage au calendrier grégorien|''Inter Gravissimas'']] aux rois catholiques de passer du [[calendrier julien]] au [[calendrier grégorien|calendrier actuel]] ou grégorien. Cette réforme avait été préparée avec soin, mais il y manquait une explication. Les calculs du médecin calabrais [[Luigi Giglio|Aloysius Lillius]] ou Giglio, avaient été repris après son décès par le conseiller scientifique des papes, [[Christophorus Clavius|Christopher Clavius]]. Dès le début de ces travaux, Scaliger et [[Michael Maestlin]], deux protestants, avaient attaqué le calendrier nouveau style mais leurs critiques avaient été aisément rejetées par le mathématicien romain<ref name="B"/>.
[[image:Clem8.jpg|thumb|left|{{souverain-|Clément VIII}}.]]
À partir de 1593 (''Huitième Livre des réponses sur diverses questions mathématiques'') et jusqu'à sa mort, Viète prend la plume à son tour et critique sévèrement l'interprétation de Clavius. {{nobr|En 1600}}, il forme un calendrier parallèle à celui de l'église romaine<ref>''[http://www.henk-reints.nl/cal/audette/viete.html Canones in kalendarium gregorianum perpetuum]'', Le calendrier grégorien à la manière de François Viète, transcription de Rodolphe Audette.</ref>, qu’il fait imprimer et qu'il communique au neveu du Pape {{souverain2|Clément VIII}}, le cardinal [[Pietro Aldobrandini|Aldobrandini]], lors de son passage à Lyon, comme négociateur entre {{souverain-|Henri IV}} et le duc de Savoie<ref name="Notice"/>, lui adjoignant le texte de la bulle Inter Gravissimas, et retrouvant à cette occasion les caractères mêmes de l'impression qu'en avait fait [[Jacques Kerver]] en 1583<ref>Société de l'École des chartes : [https://books.google.fr/books?id=elkHtxDJB1IC&pg=PA412 Bibliothèque de l'École des chartes, Volumes 1-10] Librairie Droz, 1839 {{ISSN|0373-6237}} ; {{p.|411-414}}.</ref>. Parallèlement, il saisit la congrégation chargée de réformer le calendrier. Clavius, qui préside cette congrégation, écarte sans y prêter attention ses critiques et ce nouveau calendrier. Mais Théodose de Perpino, un des élèves du jésuite de Bamberg, s'insurge au nom de la compagnie de Jésus que Viète ait fait circuler un calendrier perpétuel imitant le calendrier officiel<ref name="R"/>.

Se voyant méprisé par son adversaire, Viète accuse alors Clavius, dans une série de pamphlets dont l’''Adversus C. Clavium expostulatio'' (fin 1602), d'introduire des corrections et des jours intercalaires de façon arbitraire, et de s’être mépris sur la signification des travaux de son devancier (Giglio), notamment dans le calcul du [[Phase lunaire|cycle lunaire]]. Viète est particulièrement étonné que, certaines années, la date de Pâques du nouveau calendrier ne respecte pas les consignes données par les pères de l'église lors du [[Premier concile de Nicée|concile de Nicée]].

Dans cet ouvrage, le dernier qu'il publie, il se montre d'une rare violence contre son adversaire. Ainsi, il écrit dans son réquisitoire de 1602 :
{{citation bloc|Personne ne peut être juge ni juger sa propre cause, ce n'est pas ainsi qu'on procède en justice… J'ai démontré que vous êtes un faux mathématicien et un faux théologien… toutes vos fanfaronnades sont sans aucune valeur… Vous vous moquez du Souverain Pontife, allant comme un âne devant la paille.}}

Viète eut sans doute tort de s'attaquer à ce privilège des papes. A-t-il cru qu'il pouvait devenir le « roi du temps » comme l'affirme [[Jean Dhombres]]<ref>J. Dhombres, ''[http://biblio.beaulieu.dfj.vd.ch:8080/English/ListCate.htm?BM_ZOOM=DOCUMENT&BM_GET_DOCUMENT=22715&BM_QUERY=AUTHOR&BM_ENDUSER_LNG=English François Viète, l'homme qui voulut être roi du temps]'', dans Les Cahiers de Science et vie {{n°|60}}.</ref> ? Son calendrier, étudié par l'érudit autrichien Ferdinand Kaltenbrunner<ref>{{de}} Die polemik über die Gregorianische Kalendereform (Wien 1877).</ref>, est une composition mathématique<ref>Jérôme Delatour [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1999_num_157_2_450985 Noël le {{date-|15 décembre}} : la réception du calendrier grégorien en France (1582)].</ref> qui ne semble avoir en réalité d'autre but que de démasquer Clavius.
Il est vrai que Viète tenait Clavius en piètre estime :
[[Image:Christopher Clavius.jpg|thumb|left|Christophorus Clavius.]]
{{citation bloc|Il disoit, que Clavius étoit très-propre à expliquer les principes des mathématiques, & à faire entendre avec beaucoup de clarté, ce que les auteurs avoient inventé, & écrit en différens<!--sic--> traité<!--sic--> avec beaucoup d'obscurité : Qu'à l'égard de sa science il écrivoit de manière à faire croire qu'il ne venoit que d'apprendre ce qu'il mettoit sur le papier : Qu'on n'y trouvoit rien de lui : Qu'il se contentoit de copier les auteurs, qui avoient écrit avant lui, & d'ordinaire sans les citer, ensorte<!--sic--> que ses ouvrages n'avoient d'autre utilité que de rassembler dans un meilleur ordre ce qui se trouvoit dispersé & confondu dans d'autres écrits : Que cependant il falloit avoüer qu'il rendoit si clair & si intelligible ce qu'il y avoit d'obscur dans ces ouvrages, qu'on pouvoit dire qu'il se les rendoit propres<ref name="de Thou"/>.}}

Focalisé sur l'idée toute pythagoricienne que 19 ans solaires correspondent à 20 années lunaires (peu s'en faut), et persuadé que le ''très haut'' l'avait voulu ainsi, Viète produit alors un calendrier pseudo-Grégorien d'une régularité (sur {{nobr|3400 ans}}) que n'a pas celui du mathématicien des papes. Les Coperniciens, qu'il cite dans ses récriminations contre le jésuite de Bamberg savent pourtant dès cette époque qu'une telle période voisine plutôt les {{unité|3424 ans}}... En {{date-|mars 1603}}, Clavius lui répond enfin dans son ''Explicatio''. Il le fait avec beaucoup de respect, rendant hommage à l'intelligence de Viète. Il le prie néanmoins de ne plus l'importuner. Dans son [[Bref apostolique|bref]] paru le même jour, et justifiant les calculs de la commission chargée de peaufiner la réforme, {{nobr|Clément VIII}} se montre bien plus sévère<ref name="B"/> et dénonce la prétention ''d'un certain François Viète'' de produire un calendrier perpétuel plus parfait que celui de l'église apostolique et romaine. Ignorent-ils que Viète est mort deux semaines plus tôt, à Paris ?

=== Une fin précoce ===

Dans les dernières années de sa vie, Viète fut attaqué dans un pamphlet par son ancien amanuensis Tarporley, devenu l'élève d'Harriot<ref>Joël Biard, Sabine Rommevaux, [https://books.google.com/books?id=uUvpNo6cGJwC Mathématiques et théorie du mouvement: {{sp-|XIV|e|-|XVI}}s]</ref> sous le nom de plume de Poltrey ou Poulterey<ref>{{en}} Charles Knight, [https://archive.org/details/bioenglishcyclop06kniguoft English cyclopaedia, a new dictionary of universal knowledge (Volume 6) 1791-1873].</ref>. Toute trace de ce pamphlet semble avoir disparu depuis la mention qu'en a fait Anthony H. Wood<ref>Jacqueline A. Stedall, Thomas Hariot [https://books.google.com/books?id=XcmEESxmWWIC&pg=PA307&lpg=PA307&dq=Viète+influence+Harriot&source=bl&ots=FxWaA1rWCV&sig=U0ZjE4OFc4Ku6YKuzi6tqMrxzhg&hl=fr&ei=O0exSr_OA4yi4Qb63vGsCg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=4#v=onepage&q=Viète%20Harriot&f=false The greate invention of algebra: Thomas Harriot's treatise on equations].</ref>. Selon certains témoignages, l'apparition de Tarporley dans la vie de François Viète daterait seulement de ces dernières années. Le recteur de Syon se serait-il déguisé sous le nom de Poltrey pour lui servir de scribe<ref>{{en}} James Orchard Halliwell-Phillipps, [https://books.google.com/books?id=4P9CAAAAIAAJ&pg=PR15&dq=poltrier+viète&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=&f=false A collection of letters illustrative of the progress of science in England].</ref> ? Cela paraît peu vraisemblable<ref>La plupart des auteurs, à l'exception de Jacky Stedall placent leur rencontre {{nobr|entre 1584}} et 1594 ; voir par exemple Love's labour's lost : [https://books.google.fr/books?id=GQ89AAAAIAAJ&pg=PR18 Love's labour's lost] ou {{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[John Fauvel]] |auteur2=[[Raymond Flood]] |auteur3=[[Robin Wilson (mathématicien)|Robin J. Wilson]] |titre=Oxford Figures |sous-titre=800 Years of the Mathematical Sciences |lieu=Oxford |éditeur=[[Oxford University Press]] |année=2000 |pages totales=296 |passage=50 |isbn=0-19-852309-2 |présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=SKQkq2kmfpoC&pg=PA50}}.</ref>.

Malade, et épuisé par le travail, Viète s'est dégagé du service du roi et le {{date-|14 décembre 1602}}, une lettre de {{souverain-|Henri IV}} au chancelier de [[Pomponne de Bellièvre]] ordonne qu'on lui verse le solde de son compte. La résiliation de ses charges lui permet de toucher {{unité|20000|écus}} (ou mille écus d'or)<ref name=Bertrand/> qu'on trouve à son chevet, après sa mort<ref>Claude Barnard Petitot Collection complète des mémoires relatifs à [https://books.google.com/books?ei=dDSjSuGsDIX4-Aa40KDzDw&ct=result&hl=fr&id=n1UIAAAAQAAJ&dq=françois+viète+chevet+écus&q=viette#v=snippet&q=viette&f=false l'histoire de France].</ref>. Il cède sa terre de la Bigotière à sa fille Jeanne, qui en devient la dame. Une partie de ses manuscrits tombent en la possession de  son ami d'Espagnet<ref>Les manuscrits du mathématicien, François Viète, se trouvaient, au {{s-|XVII}}, dans la bibliothèque de Jean d'Espagnet, président du parlement de Bordeaux, selon  Louis Châtellier, ''Les espaces infinis et le silence de Dieu : science et religion, {{sp-|XVI|-|XIX}}s {{p.|25}}''  disponible aux archives de Vendée, Nantes, [http://recherche-archives.vendee.fr/archives/catalogue/personne/Viète,%20François/Z  BIB B 2691].</ref>, une autre revient vraisemblablement à Pierre Aleaume.
[[Image:Viète-Bigotière.jpg|thumb|upright=0.83|La Bigotière à [[Foussais-Payré]].]]

[[Hugues de Salins]] affirme à ce propos :
{{citation bloc|{{refnec|date=août 2017|Il ne mourut pas subitement mais d'une de ces affections impitoyables résultant de ceux-ci des travaux qui le minait depuis plusieurs années… Quelques jours avant sa mort, il sentit sa fin prochaine ; il avait écrit – d'une main ferme et assurée – à Monsieur de Rosny ([[Maximilien de Béthune, duc de Sully|alias Sully]]) sur le déchiffrement des écritures secrètes…}}}}

Ce dernier mémoire sur les questions de [[cryptographie]] rend caduques toutes les méthodes de chiffrement de l'époque<ref>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k12207m.zoom.r=chasles+viète.f44.langFR Note sur le chiffrement de Viète] de [[Nicolas-Claude Fabri de Peiresc|Pereisc]], ''Bulletin de la Société de l'histoire de France'', 1853-1854, {{p.|40}}.</ref>.

Hugues de Salins ajoute :
{{Citation bloc|Estant fort malade, le président Dolet le pria de se confesser à un prestre, et luy remonstra que s'il mouroit sans cela, sa fille ne trouveroit pas de party, comme fille d'un athée. Ce qui le fit resoudre à se confesser. Pour le medecin, il dit qu'il n'en vouloit point, si ce n'estoit Duret<ref>{{Harvsp|Ritter|1895|p=415}}<!--qui eut accès aux manuscrit de Salins avant que cette collection de Conches soit perdue-->, confirme que le [[Jean Duret|médecin Duret]] {{Citation|s'occupa de mathématiques et vit Viète pendant sa dernière maladie}}.</ref>, à la charge qu'en ses visites, il l'entretiendroit de mathematiques, esquelles on disait qu'il estoit sçavant<ref>{{Harvsp|Monmerqué|Paris|1854|p=464}}, commentaire extrait des {{Citation|Mémoires manuscrits de Hugues de Salins […] qui appartiennent à la collection de M. [[Félix-Sébastien Feuillet de Conches|Feuillet de Conches]]}}. Voir aussi {{Ouvrage |nom1=Monmerqué |titre=Les Historiettes de Tallemant des Réaux |tome=10 |éditeur= |année=1840 |numéro d'édition=2 |passage=249-250 |lire en ligne={{Google Livres|ftNkAAAAcAAJ|page=249}}}}<!--ou vol. 5 : https://books.google.fr/books?id=koMOAAAAQAAJ&pg=PA249-->, citation presque identique mais où le {{Citation|président Dolet}} était une présidente.</ref>.}}

Viète meurt le {{date|23|février|1603}}<ref name="de Thou"/>, laissant au monde deux filles : Suzanne, {{référence nécessaire|date=juillet 2015|à peine nubile}}, née de Julienne Leclerc<ref name=Gambier/>, fille d'un conseiller au parlement de Paris<ref>Benjamin Fillon lors des [https://archive.org/stream/sancesgnraleste54arcgoog/sancesgnraleste54arcgoog_djvu.txt Séances générales de la Société française pour la conservation des monuments historiques (1846)], {{p.|227}}.</ref> et épouse légitime de Viète<ref name=Bertrand/>{{,}}<ref name=Gambier/> et Jeanne, son aînée, née de Barbe Cottereau<ref>Lettre de Jean Joguet, sous-archiviste aux Archives départementales de Charente-Maritime, adressée à Edgar Viette de La Rivagerie, {{date-|15 octobre 1956}}, et transcription dact. d’actes concernant la famille Viète et conservés aux Archives départementales de Charente-Maritime. Consultable aux Archives nationales (fonds Viète {{Harvsp|106 AP}} 12).</ref> et déjà mariée. La première, Suzanne, meurt en {{date-|janvier 1618}}, à Paris<ref name=Gambier/>. La seconde a épousé un conseiller du Parlement de Bretagne, Jean Gabriau, et était encore vivante en 1628<ref>{{Harvsp|Groupe Histoire des mathématiques|1995|loc=section 11-3, ''Le Parlement de Bretagne''}}.</ref>.
[[Image:Blason François Viète.svg|thumb|left|upright=0.84|Blason de François Viète, mathématicien, après la publication de la lettre du commandeur Moréo.]]  
Le mathématicien écossais [[Alexander Anderson (mathématicien)|Alexander Anderson]], que Pierre et [[Jacques Aleaume]] chargent d'éditer le reliquat des manuscrits de Viète, affirme que la mort de son maître fut une grande perte et il écrit à ce propos : {{Citation étrangère|lang=la|præcepti & immaturo Autoris fato (nobis certe iniquissimo)<ref>{{Ouvrage |langue=la |auteur1=A. Anderson |titre=Francisci Vietae Fontenaeensis, De æquationum |lieu=Paris |éditeur= |année=1615 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5626151h/f2.image.r=}}, avertissement {{citation étrangère|lang=la|Ad matheseos studiosos}} cité dans {{harvsp|Marie|1884|p=46}}.</ref>.}}

Les portraits qu'on a de lui sont des créations du {{s-|XVII}}, dues à Daniel Rabel, peut-être d'après des dessins de son père [[Jean Rabel]]<ref name="R"/>, peintre officiel à la cour de France et décédé quelques jours après le mathématicien. Ils ont été repris et gravés au {{s-|XIX}} (vers 1860) par [[Charles Meryon]]. Un buste du mathématicien fut réalisé au {{s-|XIX}} (vers 1860) par [[Hippolyte Maindron]]<ref>Société française d'archéologie : [https://books.google.fr/books?id=WKg7AAAAMAAJ&pg=PA143&dq=Maindron+%22viète%22&hl=fr&ei=S7n3S6sS0IT4BuTT9OII&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCsQ6AEwAA#v=onepage&q=Maindron%20%22viète%22&f=false :Congrès archéologique de France, Volume 31].</ref> ; une statue du sculpteur [[Camille Crenier]] fut proposé pour Fontenay-le-Comte par l'architecte [[Jean Libaudière]] mais la guerre en 1914 retarda le projet avant qu'il soit abandonné<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=William Chevillon|titre=À la découverte de Fontenay-le-Comte|lieu=La Roche-sur-Yon|éditeur=Centre vendéen de recherches historiques|date=30 juin 2020|pages totales=128|passage=98|isbn=9782491575007|lire en ligne=https://www.histoire-vendee.com/ouvrage/a-la-decouverte-de-fontenay-le-comte/}}.</ref>.
François Viète, anobli par sa fonction de maître de requêtes, possède deux blasons, dont l'un accompagne l'édition de ses œuvres mathématiques : d'argent au chevron d'azur accosté de six étoiles d'or accompagné en chef d'un soleil d'or et en pointe d'un lys de jardin arrosé par une main dextre issant d'une nuée au côté sénestre du chevron en souvenir des services rendus au Roi, particulièrement par le déchiffrement des lettres espagnoles.

Dans de nombreux ouvrages, le sieur de la Bigotière est cité comme maître des requêtes de la reine Marguerite<ref>Joseph Fr. Michaud : [https://books.google.fr/books?id=_d0vAAAAMAAJ&pg=RA1-PA345 Nouvelle collection des mémoires pour servir à l'histoire de France] {{p.|345}}.</ref> ; ce titre semble l'effet d'une confusion qu'on retrouve chez [[Jean-Baptiste Delambre]]<ref>Jean Baptiste Delambre, [https://books.google.fr/books?id=ilY_AAAAcAAJ&pg=PA483 ''Histoire de l'astronomie ancienne'', vol. 3] {{p.|483}}.</ref>, et avant lui, chez Jean Baptiste Ladvocat (1764)<ref>[https://books.google.fr/books?id=tME5AAAAcAAJ&pg=PT18 Dictionnaire Historique-Portatif: Contenant L'Histoire Des Patriarches] {{p.|518}}.</ref>, Jean-Joseph Expilly et Pierre de L'Estoile<ref>Pierre de L'Estoile, ''[https://books.google.fr/books?id=U-o_AAAAcAAJ&pg=PA68 Journal du règne de Henri IV, roi de France et de Navarre]'', vol. 3, 1761, {{p.|68}}.</ref>.

Les documents déposés par Frédéric Ritter sur François Viète sont conservés aux [[Archives nationales (France)|Archives nationales]] sous la cote 106 AP<ref>{{Lien web|titre=Inventaire du fonds 106 AP|url=http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/AP-pdf/AP-thematique-scientifiques.pdf|site=[[CARAN]]|id=106 AP}}<!--[http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/AP-pdf/AP-thematique-scientifiques.pdf état des fonds privés scientifiques, commençant par : (106 AP) 87 Mi. Papiers Viète], [http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/AP-pdf/AP_etat%20sommaire_2011.pdf Sommaire de la série AP]-->.</ref>.

=== Question du protestantisme ===

Les préoccupations de Viète en matière religieuse sont rares dans son œuvre ; on retrouve des invocations au Très Haut et à l'Être Suprême dans sa dédicace à l'<cite lang=la>Isagoge</cite> et dans ses attaques contre Scaliger ; elles se manifestent aussi dans ses stances à la mémoire d'{{souverain-|Henri III}} et surtout dans les dernières années de sa vie lorsqu'il exhorte Clavius à respecter les principes des pères de l'Église<ref name="R"/>. Longtemps considéré comme protestant<ref>« François Viète, seigneur de la Bigotiere. » Encyclopædia Britannica. 2009. Encyclopædia Britannica Online. 12 oct. 2009 [http://www.britannica.com/EBchecked/topic/628338/Francois-Viete-seigneur-de-la-Bigotiere en ligne].</ref>{{,}}<ref>François Viète, [http://uk.encarta.msn.com/encyclopedia_1481590250/Francois_Viete.html sur Encarta].</ref>, parfois comme un catholique zélé<ref>Walter William Rouse Ball, [https://books.google.com/books?id=_sT_psl3uYkC&pg=PA229&dq=%22vieta%22+catholic&lr=&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=%22vieta%22%20catholic&f=false A short account of the history of mathematics].</ref>, et enfin comme un [[Indifférence religieuse|indifférent]]<ref>Viète sur le projet [http://galileo.rice.edu/Catalog/NewFiles/viete.html Galiléo].</ref>, le mathématicien résiste à la nomenclature et parvint si bien à brouiller les pistes qu'on ignore encore aujourd'hui ses convictions en matière religieuse.
[[Image:Marais de l'île de Mons.JPG|thumb|left|Marais de l'île de Mons, vue de l'étier de l'Ampan.]]
Viète a été accusé de protestantisme par les ligueurs ; mais il n'existe pas de témoignage certain qu'il fût huguenot. Son père s'est converti, et sans doute une bonne part de sa famille proche, mais parmi ses neveux, et ses cousins, on compte autant de protestants que de catholiques<ref name="Guichard">[http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/vie/chrono.html Chronologie de la vie de François Viète], sur les [http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/VIETEaccueil2.html<!--http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/VIETEaccueill.html--> pages Viète] sur le site de [[Parthenay]], créé et mis à jour par Jean-Paul Guichard.</ref>. Dans la dédicace de son ''Isagoge'' (rédigée en 1591 dans les [[Ampanus|marais de l'île de Mons]]), il rend grâce à [[Catherine de Parthenay]] et à [[Françoise de Rohan]] de l'avoir sauvé de certains périls, qu'il ne précise pas, et rend hommage à la foi de sa protectrice avec fougue, ce qui a accrédité la thèse de sa conversion<ref>François Viète [https://books.google.com/books?id=atM8AAAAcAAJ&pg=PA8&dq=%22viète%22+catholique&as_brr=3&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=%22viète%22%20catholique&f=false Introduction à l'art analytique].</ref>. Était-il indifférent en matière religieuse ? Certaines invocations au Très Haut (contre Scaliger, en face de Clavius) laissent penser que non. Il semble toutefois qu'il n'ait pas adopté la foi calviniste des Parthenay, ni celle de ses autres protecteurs, les Rohan. Ou alors, fort brièvement. Sa nomination au parlement de Rennes l'atteste : lors de sa réception en tant que membre de la cour bretonne, le {{date-|6 avril 1574}}, il lit en public une profession de foi catholique (ce à quoi n'aurait pas consenti un huguenot, sinon peut-être - comme {{nobr|Henri IV}} - sous la menace).

Néanmoins, Viète a défendu toute sa vie le parti des [[huguenot|protestants]] et subi, en retour, les foudres de la [[Ligue catholique (France)|Ligue catholique]]<ref>{{MacTutor|id=Viete|title=François Viète}}.</ref>. Cela n'est nullement contradictoire avec un certain attachement à Rome. De nombreux catholiques, modérés ou gallicans, étaient dans son cas et les Ligueurs les détestaient encore davantage que les réformés. Il semble que pour Viète, comme pour Jacques-Auguste De Thou, Pierre Pithou ou le cardinal de Perron, la stabilité de l'État dut être préservée avant tout et qu'au regard de cette exigence, la religion du Roi n'eut pas d'importance. On le classe donc d'ordinaire parmi les [[Guerres de religion (France)#Sixième guerre de Religion (mai 1577-septembre 1577)|« politiques »]]<ref name="B"/>, mouvement qui trouve ses racines dans la prudence de [[Michel de l'Hospital]].

Pour aller plus loin, on a vu qu'à l'article de sa mort, il ne souhaitait pas se confesser et que le président Dolet l'en aurait convaincu, arguant que sa plus jeune fille ne trouverait aucun parti s'il refusait les sacrements de l'Église. La question de savoir si Viète était [[Athéisme|athée]] fut un temps débattue<ref>Jean Dhombres, ''[https://web.archive.org/web/20070911051147/http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/protestant/protestant%20accueil.html François Viète et la Réforme]'', sur le [https://web.archive.org/web/20070911051147/http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/VIETEaccueil2.html site de Jean-Paul Guichard].</ref>. Athée ? Le mot n'avait guère de sens à l'époque et l'accusation d'athéisme était lourde de conséquence ; elle envoyait au bûcher ou à la potence. Seuls quelques esprits forts de l'entourage du [[Henri Percy (9e comte de Northumberland)|neuvième comte de Northumberland]] et de [[Walter Raleigh]], dont le mathématicien [[Thomas Harriot]] faisait partie, furent notoirement désignés comme athées<ref>Charles François M. Rémusat, [https://books.google.com/books?id=6T0BAAAAQAAJ&pg=PA67&dq=thomas+Harriot+athée&as_brr=3&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=harriot%20athéisme&f=false Bacon, sa vie, son temps, sa philosophie et son influence].</ref> ; et, même dans leur cas, cela ne semble guère justifié<ref>{{MacTutor|id=Harriot|title=Thomas Harriot}}.</ref>.

== Le sens d'une œuvre ==

=== Une œuvre multiple ===
[[Image:Sphere-tetraedre-angle-plein.gif|thumb|Triangle sphérique obliquangle.]]
[[image:Johannes Regiomontanus.jpg|thumb|Regiomontanus.]]

Outre ses travaux de maître des requêtes, Viète consacra ses loisirs aux mathématiques. Il en sortit des livres, qu'il faisait imprimer à ses frais et qu'il offrait à ceux de ses amis qui pouvaient les comprendre ou aux mathématiciens européens de son temps qui entraient en correspondance avec lui. Comme son travail l'amena à déchiffrer les codes secrets des ennemis du roi de France et de Navarre et qu'il suivit de près les avancées de l'astronomie, son œuvre prit quatre directions, dans lesquelles son cerveau « fécond apporta [à chaque fois] des changements considérables »<ref name="R">''Étude sur la vie du mathématicien François Viète (1540-1603), son temps et son œuvre'', par Frédéric Ritter, polytechnicien et ingénieur des Ponts et Chaussées : tome I disponibles sous forme de microfilm (87Mi/1) aux Archives nationales ({{Harvsp|106 AP}})<!--F. Ritter, ''François Viète, inventeur de l'algèbre moderne : sa vie, son temps, son œuvre, tome I'', 1953, {{nobr|162 pages}} : ill. ; {{unité|33|cm}}. Copie dactylographiée faite d'après le manuscrit de la bibliothèque de l'Institut par E. Viette de La Rivagerie, consultable aux [http://recherche-archives.vendee.fr/archives/fonds/FRAD085_BIBLIOTHEQUEHISTORIQUE_1/inventaire?RECH_S=BIB+MEM+229&RECH_eadid=FRAD085_BIBLIOTHEQUEHISTORIQUE_1&RECH_Valid=Rechercher&type=inventaire archives départementales de la Vendée]-->.</ref>.
* En géométrie,
**Viète fournit de nombreuses « formules » reliant les lignes trigonométriques, dont il donne des tables plus précises que celles de [[Regiomontanus]] et de [[Georg Joachim Rheticus]] (publiées ultérieurement par [[Valentin Otho]]) ; il est le premier à relier entre elles les six lignes trigonométriques.
**En géométrie sphérique, il développe la [[trigonométrie]] des triangles rectangles et obliquangles, en quoi il se montre l'héritier d'[[Al-Battani]]<ref>À propos d'Al-Battani : [https://books.google.com/books?hl=fr&id=QREOAAAAQAAJ&q=le+précepte+est+juste%2C+il+est+identique#v=snippet&q=le%20précepte%20est%20juste%2C%20il%20est%20identique&f=false Delambre, in Histoire de l'astronomie du Moyen Âge {{p.|21}}].</ref>, quoiqu'il préfère souvent travailler avec des triangles sphériques rectangles. Au passage il pressent les relations de polarité des triangles sphériques<ref name="Ritter"/>{{,}}<ref>Michel Chasles, [https://books.google.com/books?id=SZIKAAAAYAAJ&pg=PA54&lpg=PA54&dq=viète+triangle+sphérique+formules&source=bl&ots=7_PXJQlIAB&sig=UpJNk7701lF5n8vkXlJcznR-YOM&hl=fr&ei=x43NSta6CsG24QbboYmlAw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=2#v=onepage&q=viète%20triangle%20sphérique%20formules&f=false Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie].</ref> et semble avoir reconnu le rôle de l'[[Inversion (géométrie)|inversion]] dans les démonstrations de géométrie plane.
**Toujours en géométrie sphérique, il complète les formules d'Al-Battani reliant les angles et les longueurs des triangles découpés sur la sphère unité ; ces longueurs étant les mesures des angles sous lesquels on observe les côtés à partir du centre de la sphère, cela s'écrit en langage moderne<ref>{{Chapitre|auteur=Frédéric Ritter|titre=La trigonométrie de François Viète|titre ouvrage=Comptes rendus de la {{21e|session}} de l'[[Association française pour l'avancement des sciences|AFAS]] (Pau, 1892)|vol=2|année=1893|url=https://archive.org/stream/compterendu21asso#page/208/mode/2up|page=208-211}}.<!--

{{Lien brisé|format=pdf|auteur=Ritter|url=http://www.sciences.univ-nantes.fr/cfv/fviete/AFAS_Pau_1892_II_Ritter_FViete_Bio-1.pdf|titre=François Viète inventeur de l'algèbre moderne}}

--></ref> :{{Retrait|<math>A = \arccos\left(\frac{\cos \alpha -\cos \beta \cos \gamma}{\sin \beta \sin \gamma}\right)</math>}}dont on trouvera les démonstrations dans Gergonne<ref>Sorlin, Gergonne, [http://archive.numdam.org/ARCHIVE/AMPA/AMPA_1824-1825__15_/AMPA_1824-1825__15__273_0/AMPA_1824-1825__15__273_0.pdf Recherches en trigonométrie sphérique], ''Annales de mathématiques pures et appliquées''.</ref>.
{{retrait|Son œuvre géométrique a été patiemment analysée par Delambre, qui lui rend, en dépit de nombreuses critiques, cet hommage final<ref>Jean Baptiste Joseph Delambre [https://books.google.com/books?hl=fr&id=QREOAAAAQAAJ&q=475#v=onepage&q=Ce%20qui%20paraît%20démontré%2C%20c'est%20que%20Viète&f=false Histoire de l'astronomie du moyen âge].</ref> : }}
{{citation bloc|Ce qui paraît démontré, c'est que Viète a le premier complété notre système trigonométrique ; qu'il a véritablement enseigné l'usage des tangentes et des sécantes ; qu'il a établi les quatre formules générales, desquelles deux seulement étaient connues [avant lui].}}
* En algèbre, dont le terme lui semble corrompu et qu'il renomme ''analyse spécieuse'', il élabore une première forme de calcul littéral destinée à traduire les problèmes géométriques sous une forme générale, ce qui fait de lui le fondateur de notre algèbre moderne et ce pourquoi il est connu aujourd'hui (voir [[#Algèbre nouvelle|paragraphe ''Algèbre nouvelle'' ci-dessous]]).
* En cryptographie, discipline qui fut son gagne-pain, il laisse un court manuscrit indiquant des méthodes de déchiffrement<ref>Kahn David, ''La Guerre des codes secrets'', InterEditions, 1980, {{p.|29-31}}.</ref> qui forment, historiquement, la première marche de cette discipline<ref>[[Jean-Paul Delahaye|Delahaye Jean-Paul]], Viète, inventeur de la cryptanalyse mathématique, ''Pour la Science'' {{n°|313}}, {{date-|novembre 2003}}, {{p.|90-95}}.</ref>.
* Pour l'astronomie, vers laquelle concourent tous ces travaux, il donne aux astronomes dans un manuscrit (non publié à ce jour) des méthodes géométriques afin de mieux traduire le mouvement des planètes, tant du point de vue de Ptolémée que de Copernic. Il semble devenu vers la fin de sa vie l'adepte d'un système intermédiaire, semblable à celui de Tycho Brahe. Ceux qui ont lu son ''Harmonicon Celeste'' y décèlent, d'ailleurs plus d'une décennie avant Kepler, la découverte de la trajectoire elliptique des planètes (voir [[#Évolution de sa cosmographie|paragraphe ''Évolution de sa cosmographie'' ci-dessous]]).

Au cœur de cette invention, se trouve l'héritage grec, que Viète tente de restaurer, les avancées du monde arabo-musulman et celles des calculateurs européens. En proposant, dans son <cite lang=la>Isagoge</cite>, de travailler avec des symboles, il se veut le rénovateur d'une mathématique qu'il croit oubliée ; en donnant les premières formes de calculs formels, son apport personnel fait de lui un fondateur. Pour autant, il demeure beaucoup de chemin à faire après Viète pour que l'écriture algébrique trouve enfin sa stabilité et ses travaux sont empreints d'archaïsmes. Ce sera l'œuvre de ses héritiers, directs et indirects, [[Thomas Harriot]], [[Alexander Anderson (mathématicien)|Alexander Anderson]], [[James Hume]], [[Pierre de Fermat]] et [[René Descartes]]. Écrits en latin, car destinés aux autres savants européens, riches de néologismes et de citations grecques, incomplets dans leur formalisme, ces ouvrages sont rares, peu accessibles et, aujourd'hui, fort chers. Son nom a été célèbre, puis lentement oublié, gommé par la gloire de Descartes auprès des encyclopédistes<ref name="RDI"/>, puis retrouvé et restauré au {{s-|XIX}} par d'opiniâtres érudits (voir [[Viète#Oubli et reconnaissance|paragraphe ''Oubli et reconnaissance'' ci-dessous]]).
{{clr}}

=== Algèbre nouvelle ===
{{article détaillé|Algèbre nouvelle}}
[[File:Viète - Opere, 1646 - 4260358.tif |thumb|right|''Opera Mathematica'' publié à [[Leyde]] en 1646 par Bonaventure et Abraham [[Elzevier]].]]

Les mathématiques de la Renaissance se plaçaient sous la double égide des mathématiques grecques, dont les outils empruntent à la géométrie, et des mathématiques arabes, qui fournissent des procédures de résolution dégagées de toute intervention géométrique<ref>Mahdi Abdeljaouad, [http://math.unipa.it/~grim/MahdiAbdjQuad11.pdf Le manuscrit mathématique de Jerba].</ref>. À l'époque de Viète, l'algèbre oscille donc entre l'arithmétique<ref>Pierre Forcadel, [https://books.google.com/books?id=P845AAAAcAAJ L'Arithmétique de Rainer Gemma Frisius].</ref>, qui donne l'apparence d'un catalogue de règles et la géométrie qui manifeste toute la rigueur axiomatique que lui a donné [[Euclide]]. Parallèlement, les Italiens ont développé avec [[Luca Pacioli]], [[Scipione del Ferro]], [[Niccolo Fontana Tartaglia]], [[Ludovico Ferrari]], et surtout [[Raphaël Bombelli]] (1560) une technique de résolution des équations du troisième degré qui annonce un âge nouveau. D'un autre côté, l'école allemande de [[Christoff Rudolff|la Coss]], le mathématicien anglais [[Robert Recorde]] (1550) puis le Hollandais [[Simon Stevin]] (1581) ont introduit un début de notation algébrique, l'usage des décimaux et des exposants. Pour autant, les solutions négatives sont considérées le plus souvent comme absurdes et les nombres complexes demeurent tout au plus une vue de l'esprit ; près d'un siècle après leur invention [[René Descartes|Descartes]], les décrira encore comme des nombres imaginaires. Seules les solutions positives sont considérées, et l'idée de justifier géométriquement les raisonnements algébriques est courante<ref>Tibor Klaniczay, Eva Kushner, Paul Chavy, [https://books.google.com/books?id=YypLNAKzCKcC L'époque de la Renaissance: 1400-1600, Volume 4].</ref>. Enfin, les mathématiciens français ont accompli un travail novateur considérable, et parfois ignoré : [[Pierre de La Ramée]], dit Ramus, a redonné leur place aux mathématiques dans l'université<ref>Philippe Boulier, [http://www.age-classique.fr/IMG/_article_PDF/article_35.pdf Méthode dialectique et mathématiques chez Pierre de La Ramée et François Viète].</ref>. Humaniste, possédant aussi bien le grec que le latin et l'hébreu, il a refondé la logique, rénové l'alphabet ; ses « élèves », [[Guillaume Gosselin]] et [[Jacques Peletier du Mans]] ont introduit la notation formelle des systèmes numériques de deux équations à deux inconnues (sans paramètre) ainsi que [[Jean Borrel]] (Butéo)<ref>On trouvera de nombreux exemples d'apparition de calcul littéral dans Jean Borell : [https://books.google.fr/books?id=TM05AAAAcAAJ&pg=PA32&l Logistica], 1559.</ref>.

En Italie, [[Francesco Maurolico]], maître de [[Federico Commandino]] et de [[Clavius]] a publié en 1575 quelques propositions faisant intervenir des lettres par leur produit, noté « A in B » et dénommé « C plano » en respectant l'homogénéité des formules. L'influence de ses ouvrages sur Viète demeure inconnue<ref>On notera particulièrement dans la proposition 21 du Livre II [http://www.dm.unipi.it/pages/maurolic/edizioni/arithmet/ariduo/ari2/ari2-24.htm de Maurolico] les formules développant le binôme au cube :
cubus ab aequatur  cubo a  cubo b  triplo solidi a a b  triplo solidi b b a.</ref>, il convient néanmoins de noter l'antériorité des idées de Maurolico (alias Marule) et la similitude de ses préoccupations, géométriques et cosmographiques, avec celles de Viète.

Ainsi, dans toute l'Europe, la tâche qui attend les mathématiciens est double : s'ils veulent faire progresser leur science, il leur est nécessaire de géométriser l'algèbre, afin de lui donner un fondement rigoureux et d'algébriser la géométrie, afin de permettre le calcul analytique dans le plan. Cette double tâche, sera accomplie par Viète. Poursuivie par [[Harriot]], [[René Descartes|Descartes]] et [[Pierre de Fermat|Fermat]]<ref>Nicolas Bourbaki, [https://books.google.com/books?ei=z4CmSuTzLMKhjAe3uamlDg Éléments d'histoire des mathématiques].</ref>, elle donnera notre algèbre. Ouvrant la voie de la formalisation, Viète est conscient de la nécessité de donner à l'algèbre un fondement aussi impeccable que celui de la géométrie et c'est à cette fin qu'il remplace l'algèbre numéreuse des procédures (celle de l'al jabr et de la muqabala) par une analyse symbolique, « logistique spécieuse » ou [[Algèbre nouvelle]], nom que lui donnera le traducteur Antoine Vasset (alias [[Claude Hardy]]). Ce faisant, il n'hésite pas à affirmer que, grâce à cette nouvelle algèbre, tous les problèmes pourront être résolus (''Nullum non problema solvere'').

De cette rupture, Viète a particulièrement conscience. Dans sa dédicace de l'<cite lang=la>Isagoge</cite> à [[Catherine de Parthenay]] il affirme en effet :
{{citation bloc|Toute chose nouvelle se présente ordinairement à son origine rude et informe, pour être polie et perfectionnée dans les siècles suivants. L'art que je produis aujourd'hui est un art nouveau, ou du moins tellement dégradé par le temps, tellement sali et souillé par les barbares, que j'ai cru nécessaire de lui donner une forme entièrement neuve, et après l'avoir débarrassé de toutes ses propositions erronées, afin qu'elle ne retînt aucune souillure, et qu'elle ne sentît la vétusté, imaginer et produire des mots nouveaux auxquels les oreilles étant jusqu'à présent peu habituées, il sera difficile que plusieurs personnes n'en soient pas dès le seuil même épouvantées et offensées<ref>F. Ritter, ''[http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/pr%C3%A9cepteur/D%C3%A9dicace.html Traduction française de la dédicace {{nobr|de 1591}} de l'Introduction à l'Art analytique ou Algèbre Nouvelle]'', sur le [http://www.cc-parthenay.fr/parthenay/creparth/GUICHARDJp/VIETEaccueil2.html site de Jean-Paul Guichard].</ref>.}}

Dans les conditions de l'époque, il manque néanmoins à Viète le symbole de la multiplication « × » (qui sera donné par [[William Oughtred]] {{nobr|vers 1631}}), le symbole d'égalité « = », déjà présent chez [[Robert Recorde]], ainsi que les symboles de comparaison « < » et « > », qui seront rajoutés par les éditeurs de [[Thomas Harriot]] et peut-être [[Nathanael Tarporley]].
Il lui manque aussi du temps et des élèves, capables d'illustrer brillamment sa méthode. Viète met des années pour publier, tant il est méticuleux, et de plus publie peu, comme le souligna Champfort<ref>Nicolas de Chamfort, [[s:Maximes et Pensées (Chamfort)/Édition Bever/7|Maximes et Pensées Des savants et des gens de lettres {{nobr romains|Chapitre VII}}, pensée CDXIX]].</ref> :
{{citation bloc|Les poêtes… feraient à l’égard de leurs ouvrages ce que le fameux mathématicien Viète faisait à l’égard des siens, dans un tems où l’étude des mathématiques était moins répandue qu’aujourd’hui. Il n’en tirait qu’un petit nombre d’exemplaires qu’il faisait distribuer à ceux qui pouvaient l’entendre et jouir de son livre, ou s’en aider.}}

Surtout, il effectue un choix très particulier pour séparer les variables des inconnues. Probablement influencé par les notations de [[Pierre de La Ramée]] mais aussi par l'hébreu (que connaît son élève, [[Catherine de Parthenay]]<ref>{{Harvsp|Groupe Histoire des mathématiques|1995|loc=section 11-2, ''Les Rohan''}}.</ref>), il sépare l'alphabet en consonnes (pour les paramètres) et voyelles (réservées aux inconnues). Ce choix s'avèrera désastreux pour la lisibilité et Descartes, en lui préférant les premières lettres pour désigner les paramètres et les dernières pour les inconnues, montrera moins de respect des traditions grecques et hébraïques, mais une plus grande perspicacité dans la compréhension humaine.

{| class="toccolours" style="float: right; margin-left: 1em; margin-right: 1em; font-size: 85%; background:#fafacc; color:black; width:23em; max-width: 25%;" cellspacing="5"
| style="text-align: left;" |
<center>'''Exemple d'écriture de Viète'''</center>

<math>\frac{A \text{ plano }}{B} \text{ subducere }\frac {Z \text{ quadratum }}{G}</math>

residua erit

<math>\frac {A \text{ planum in } G = Z \text{ quadrat in } B}{B \text{ in } G}</math>
|}

Viète demeure également prisonnier de son époque sous plusieurs aspects. En premier lieu, fidèle à la géométrie grecque, et héritier spirituel de [[Pierre de La Ramée]], il ne traite pas les longueurs comme des nombres. Son écriture garde la trace de l'homogénéité ; ce qui ne simplifie pas sa lecture. Il ne reconnaît pas les complexes de Bombelli, et manifeste le besoin {{incise|vécu comme une nécessité}} de doubler ses réponses algébriques par une construction géométrique. Bien qu'il ait probablement conscience que l'algèbre nouvelle suffise à donner la solution d'un problème, il suit en cela l'esprit du temps et ces archaïsmes entacheront bientôt sa réputation.

De façon plus anecdotique, il utilise les symboles « l » (pour latus), Radix binomiae ou Radice, pour  exprimer les racines carrées<ref>{{Cajori}}, Dover, 1993, [https://books.google.fr/books?id=7juWmvQSTvwC&pg=PA185 {{p.|185}} et 370].</ref>. Cette notation, héritée de Ramus, disparut avec la généralisation du symbole {{racine|}}, dû à [[Christoff Rudolff]], et utilisé par [[Frans Van Schooten]] dans ses éditions de Viète. D'autre part, le symbole « = » désigne pour lui l'écart géométrique séparant deux grandeurs, non pas l'égalité, symbolique qui se poursuivra jusqu'à [[Jacques Bernoulli]]<ref>Jakob Bernoulli, André Weil, David Speiser : [https://books.google.fr/books?id=uoEDS10eCBwC&pg=PR18&dq=%22Viète%22+%3D+différence+cajori&hl=fr&ei=Dx4WTLnKIcilsQb88uDxCw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=2&ved=0CC0Q6AEwAQ#v=onepage&q&f=false Die Werke von Jakob Bernoulli, Volume 4] ; {{nobr|page XVIII}}, chez Birkhäuser, 1993 {{ISBN|3764324538}}.</ref>.

Toutefois, de nombreuses nouveautés apparaissent dans ses écrits : les formules du binôme, qui seront reprises par Pascal et Newton, sont données jusqu'au degré 6 ; les [[relations entre coefficients et racines]] d'un polynôme {{incise|qu'en anglais on nomme les formules de Viète<ref>{{mathWorld|nom_url=VietasFormulas|titre=Vieta's Formulas}}.</ref></cite>}} sont entièrement explicitées dans le cas de racines positives, on y voit également l'apparition du premier produit infini, la reconnaissance du lien entre trisection de l'angle et équation du troisième degré…

Enfin, Viète est le premier mathématicien à introduire des notations pour les données du problème (et pas seulement pour les inconnues). Idée neuve, qui peut en partie s'expliquer par ses études juridiques ; ''species'' désignant dans le jargon des avocats l'ensemble de leurs clients<ref>Dominique Berlioz, Filipe Drapeau Contim, [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0151-4105_1998_num_51_1_1309?_Prescripts_Search_tabs1=standard& Un essai logique de Leibniz, « Le calcul des ingrédients »].</ref>. De ce fait, en accord avec Michel Serfati<ref>{{Serfati}}, {{chap.|VII}}, Viète et la dialectique de l'indéterminée.</ref>, on considère généralement sa représentation symbolique de l'indéterminée comme une innovation majeure de la fin de {{s-|XVI}}. Son algèbre ne se limite plus à l'énoncé de règles mais s'appuie sur une axiomatique et sur un calcul formel efficace, où les opérations agissent sur les lettres et où les résultats peuvent s'obtenir à la fin des calculs par un simple remplacement. Cette démarche, qui est au cœur du procédé algébrique contemporain est une étape fondamentale dans le développement des mathématiques<ref name="Ritter"/>. En cela, Viète {{citation|transforme définitivement l'algèbre concrète en une « logistique » symbolique, instrument d'une nouvelle géométrie}}<ref>La mathématiques, les lieux, les temps, édition du CNRS, sous la direction de Claudio Bartocci et Piergiorgio Oldifreddi.</ref> et marque réellement l'instant où s'accélère la rupture avec l'algèbre médiévale (d'[[Al-Khawarizmi]] à [[Simon Stevin|Stevin]]) et où s'ouvre la période moderne<ref>B. Lefebvre [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207267n.image.r=viète.f1.langFR Cours développé d'Algèbre élémentaire paru chez A.Wesmael Charlier (Namur) 1897/1898].</ref>.

Parmi les problèmes que Viète aborde avec cette méthode, on trouve la résolution complète des équations du second degré de la forme {{math|''aX''{{2}} + ''bX'' {{=}} ''c''}} et des équations du troisième degré de la forme {{math|''X''{{3}} + ''aX'' {{=}} ''b''}} avec {{mvar|a}} et {{mvar|b}} positifs (Viète pose les changements de variable successifs : {{math|''X'' {{=}} {{sfrac|''a''|3''Y''}} – ''Y''}} puis {{math|''Z'' {{=}} ''Y''{{3}}}} et se ramène ainsi à une équation du second degré).

Écrite essentiellement en latin, son œuvre pénétra toute l'Europe. Après la publication de l'{{langue|la|Isagoge}}, et surtout après les publications d'Anderson, de Ghetaldi et de [[Jean de Beaugrand]], les mathématiques ne s'écriront plus de la même manière. De 1591 à 1649, date de la réimpression des œuvres du philosophe [[René Descartes]], les mathématiciens européens adoptent sa façon générale de voir. Les astronomes, les opticiens, vont écrire dans son langage sous l'influence de ses élèves, et les traductions de [[Claude Hardy|Vasset]], de [[Jean-Louis Vaulezard]] de [[James Hume]] vont encore l'enrichir, de sorte {{nobr|qu'après 1630}}, de nombreux mathématiciens, dont [[Pierre de Fermat|Fermat]], [[Frans van Schooten|Schooten]], [[Christian Huygens|Huygens]], et [[Isaac Newton|Newton]] écriront d'abord à la manière de Viète, avant de se débarrasser de ses contraintes d'homogénéité.

=== Art du bon raisonnemment ===
{{Article détaillé|Algèbre nouvelle#Les cinq livres de la Zététique{{!}}Les cinq livres des ''Zététiques''}}
À partir de 1591, Viète, qui dispose d'une certaine fortune personnelle, ce qui le distingue parmi les mathématiciens, commence à publier à ses frais, et à l'usage de ses amis, l'exposé systématique de sa théorie mathématique, qu'il nomme « logistique spécieuse » (''de specis'' : symbole) ou art du calcul sur des symboles.
Il développe d'abord les fondements de cette [[Algèbre nouvelle|nouvelle algèbre]] dans son <cite lang=la>Isagoge</cite>, puis en donne la même année des applications essentielles dans ses ''Zététiques''.
D'autres livres viendront compléter l'exposé de cette théorie, qui permet de résoudre des familles d'équations algébriques de degré 2 à 4 en donnant un sens géométrique à ces résolutions.

La « logistique spécieuse » s'accompagne de surcroît d'un art de bien raisonner, qui procède en trois temps :
* dans un premier temps, Viète recommande de noter toutes les grandeurs en présence, ainsi que leurs relations, en utilisant son symbolisme, puis de résumer le problème sous forme d'une équation. Viète nomme cette étape la ''zététique'' ;
* l’''analyse poristique'' permet ensuite de transformer et de discuter l'équation. Il s'agit de trouver une relation caractéristique du problème, la ''porisma'' à partir de laquelle on peut passer à l'étape suivante. Cette étape se mène selon les règles de l'art, mais Viète n'en dit pas davantage là-dessus ;
* dans la dernière étape, nommée indifféremment ''rhétique'' ou ''exégétique'', Viète prescrit de revenir au problème initial et d'exposer la solution par une construction géométrique ou numérique, s'appuyant sur les théorèmes obtenus dans la seconde étape.

=== Viète cryptanalyste ===
À l'époque où Viète reprend du service auprès d'{{souverain-|Henri III}}, [[Blaise de Vigenère]], qui a publié en 1586 un traité donnant une méthode de chiffrement novatrice ne croit pas à la possibilité de casser les chiffres de façon systématique<ref>{{en}} Peter Pešić, [https://books.google.com/books?id=3hscalPtlFoC&pg=PA4&lpg=PA4&dq=Pesic+Viète&source=bl&ots=L2uFs2K0By&sig=SNuejiaNg4dI6aEAlfWpQQJuUu4&hl=fr&ei=yrHgSof_MdCk4QazzYQN&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CAsQ6AEwAA#v=onepage&q=viete&f=false Labyrinth: A Search for the Hidden Meaning of Science] {{p.|75}}.</ref>.

Les tables de Vigenère, qui sont les héritières des travaux d'[[Al-Kindi]], mais aussi de [[Leon Battista Alberti]], de [[Johannes Trithemius]], de [[Giovan Battista Bellaso]] et enfin de [[Giambattista della Porta]] rendent effectivement beaucoup plus difficile [[Cryptanalyse|l'art du déchiffrement]].

De façon théorique, elles résisteront aux cryptanalystes jusqu'aux travaux de [[Charles Babbage]] en 1854 et de [[Friedrich Wilhelm Kasiski]] neuf ans plus tard.
[[Image:Nicholas-Claude Fabri de Peiresc.jpg|left|thumb|Nicolas-Claude Fabri de Peiresc.]]
Toutefois, elles sont encore peu utilisées à l'époque et les Espagnols, comme les Italiens, n'usent que de codes de substitution assez simples, dérivés des techniques de substitution qu'on rencontrait déjà dans le [[code de César]] ou ceux de [[Marie Stuart]].

Lorsque Viète parvient à déchiffrer la lettre du commandeur Moréo, et d'en deviner la clef, l'impact politique est de grande importance. {{souverain-|Henri IV}} lui confie la responsabilité de déchiffrer toutes les lettres ennemies et de suivre l'évolution de leurs codes. Pour traiter plus rapidement sa mission, Viète s'adjoint deux secrétaires : [[Charles du Lys]], ou Dulys, chargé de repérer les fréquences d'apparition des symboles revenant dans les lettres des Espagnols, des ligueurs et des Vénitiens et [[Pierre Aleaume]], qui est censé le dégager du travail plus mathématique et répondre aux sollicitations des mathématiciens européens et français qui veulent apprendre de Viète sa nouvelle algèbre<ref name="R"/>.

Les consignes qu'il laisse à Dulys constituent une première ébauche de l'enseignement de la [[cryptanalyse]]. En cela Viète accomplit un travail une fois encore fondateur. Ces travaux seront repris lorsqu'à la fin de sa vie, il laisse un manuscrit censé apprendre à son successeur la façon dont son équipe procédait pour venir à bout des lettres chiffrées de Philippe II et des Vénitiens.

Ce manuscrit, dont [[Nicolas-Claude Fabri de Peiresc]] redécouvre les grandes lignes au {{s mini-|XVII}}, et que [[Frédéric Ritter]] décrit au {{s-|XIX}} est resté inédit pendant une longue période. Il a été analysé en 1997, ainsi que les travaux de Peiresc, par Peter Pesic, puis par [[Jean-Paul Delahaye]] et Marco Panza. L'étude de Pésic et celle de Delahaye à sa suite détaillent comment Viète procédait. Il semble que, pour Viète, le ''chiffre'' représentait le texte en clair, comme le ''symbole algébrique'' correspondait à sa valeur numérique<ref name="Pza">{{en}} Marco Panza, [http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/11/67/49/PDF/VieteCriptoSHPS.pdf François Viète, between analysis and cryptanalysis].</ref>.

Viète conseille successivement :
# de repérer les mots comme copie, en tête, les dates, les lieux, les titres des expéditeurs, qui sont souvent placés hors du texte et de façon à pouvoir être repérés ;
# d'associer, si les nombres apparaissent en clair, les centaines avec des noms comme chevaux ou ceux de troupes légères, bataillon, régiment, de plus grandes quantités avec des corps d'armées, d'infanterie, et les plus importantes avec des sommes d'argent... ducats, sequins, deniers, livres, selon les ordres de grandeurs ;
# de chercher les fréquences les plus élevés et d'y voir des voyelles (d'abord les A, puis les E...) et de rechercher les doubles, afin de leur associer (selon la langue) les appareillements les plus fréquents (deux l ou deux n, deux s, etc.) ;
# de noter ces conjectures sur un papier réglé comme celui sur lequel on écrit de la musique, et de recommencer sans craindre de gâcher du papier, jusqu'à ce que le texte à déchiffrer apparaisse<ref name="R"/>.

Cette méthode serait vaine si elle ne bénéficiait des erreurs de la partie opposée et dans son mémoire adressé à Sully, Viète distingue nettement entre les codes espagnols, subtils mais utilisés de façon grossière et les codes italiens, subtils et utilisés de façon subtile. Ce programme constitue de fait le premier travail exposant une méthode d'attaque des codes utilisant les défauts d'utilisation des rédacteurs adversaires<ref name="Pza"/> mais aussi les défauts inhérents aux méthodes en cours. L'application de cette méthode permet (avec beaucoup de travail) de venir à bout de la quasi-totalité des messages codés de l'époque (les codes à la Vigenère exceptés). C'est en cela qu'il rend caduques les techniques de chiffrement de l'époque. Mais Viète offre également par ce biais l'espoir de pouvoir résoudre le problème de tous les cryptoanalystes, à savoir casser tous les codes.
Une grande similitude d'action est à l'œuvre dans la façon d'opérer de Viète tant en algèbre qu'en cryptographie, à tel point que certains historiens n'ont pas hésité à faire découler son habileté dans l'art du code de ses aptitudes mathématiques, ou de donner aux fondements de l'algèbre nouvelle la pratique du déchiffrement<ref>{{en}} Peter Pešić, [https://books.google.com/books?id=3hscalPtlFoC&pg=PA4&lpg=PA4&dq=Pesic+Viète&source=bl&ots=L2uFs2K0By&sig=SNuejiaNg4dI6aEAlfWpQQJuUu4&hl=fr&ei=yrHgSof_MdCk4QazzYQN&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CAsQ6AEwAA#v=onepage&q=viete&f=false Labyrinth: A Search for the Hidden Meaning of Science].</ref>{{,}}<ref>[[Jacques Stern (cryptologue)|Jacques Stern]] pose la question de savoir si l'intérêt de Viète pour la cryptographie n'est pas à l'origine de l'introduction de lettres dans les calculs (voir : [https://books.google.fr/books?id=vmA981xWMhgC&q=viète#v=snippet&q=viète&f=false ''La Science du secret''] {{p.|24}} Sciences (éd. O. Jacob) 1998, {{ISBN|2738105335}}) ; une ébauche de calcul littéral ayant déjà été forgée par Gosselin, Pelletier du Mans et Maurolyco, la réponse semble négative. Pour autant, la pratique de Viète lors de ses déchiffrements, l'a sans doute amené à réfléchir sur la "fixité" des consonnes et la "mobilité" des voyelles et peut-être de façon plus générale sur la nécessité de noter par des lettres tant les paramètres que les inconnues.</ref>.

=== Évolution de sa cosmographie ===
[[image:Giordano Bruno.jpg|right|thumb|Giordano Bruno.]]
Aujourd'hui, François Viète possède [[Viète (cratère)|son cratère sur la Lune]] par {{unité|29.2|°}} Sud et {{unité|56.3|°}} Ouest. Cela semble justice au regard de ses travaux en astronomie ; ses ''principes cosmographiques'', un des manuels destinés à Catherine de Parthenay, montrent qu'il s'y est intéressé très tôt. Sa pensée à ce sujet semble d'ailleurs avoir considérablement évolué. Dans ces premiers principes, Viète manifeste en effet une foi incontestable dans le système de Ptolémée. Pour lui, les cieux sont faits d'une matière impénétrable, constellations, lune et planètes tournent autour de la terre et influencent les maladies et les humeurs<ref>François Viète, ''Principes de cosmographie, tirés d’un manuscrit de Viette, & traduits en François. Corrigées & augmentées'', Rouen, Jean Behourt, 1647 (BNF). OCLC répertorie 2 exemplaires de l’édition originale de 1637, 5 exemplaires de l’édition de 1643 et 1 seul autre de 1647, conservé à la Burndy Library.</ref> Il est certain qu'en milieu huguenot, aussi bien qu'en milieu catholique, l'[[héliocentrisme]] était mal vu<ref>''Luther s'était élevé contre ceux qui soutenaient le mouvement de la terre et Melanchthon avait repoussé le système de Copernic'' : dans [https://archive.org/details/laquestiondegal00epigoog La question de Galilée, les faits et leurs conséquences ; Henri Charles E L'Épinois, Henri de L'Epinois (1878)].</ref> et qu'il valait mieux manifester la prudence de Viète, comme en témoigne {{incise|''a contrario''}} le sort que la papauté fit subir à [[Giordano Bruno]] le {{date|17|février|1600}}.

On sait qu'il revint plusieurs fois sur la rédaction de son Harmonicon, mais les ''éléments astronomiques'' qui devaient suivre la publication du ''Canon mathématiques'' se sont perdus. On sait qu'il y revint encore {{nobr|vers 1600}} dans les appendices qui suivent l’''Apollonius Gallus''<ref name="G"/> ; mais ce qu'il reproche alors à Copernic (et il le fait avec une grande force) n'est plus d'ordre religieux, mais mathématique : aux yeux de Viète, le moine et médecin polonais demeure un mauvais géomètre.
[[Image:Tychonian system.svg|thumb|left|Dans le modèle de Viète, comme dans celui de [[Tycho Brahe]], les luminaires, ([[Soleil]] et [[Lune]]) tournent autour de la Terre. Les planètes ([[Mercure (planète)|Mercure]], [[Vénus (planète)|Vénus]], [[Mars (planète)|Mars]], [[Jupiter (planète)|Jupiter]] et [[Saturne (planète)|Saturne]]) autour du Soleil. C'est le géo-héliocentrisme.]]

Sans doute Viète arriva-t-il à la fin de sa vie à un point de vue plus moderne et dépouillé de toute référence astrologique, exempt de naïveté théo-cosmogonique ; plus technique et semble-t-il très proche de celui de [[Tycho Brahe]]<ref>{{en}} N. M. Swerdlow, [http://articles.adsabs.harvard.edu//full/1975JHA.....6..185S/0000187.000.html The Planetary Theory of François Viète, Part 1] {{p.|200}}.</ref>. L'évolution de sa pensée semble par ailleurs confirmée par les références (positives) que Viète fait aux Coperniciens dans ses écrits contre Clavius {{nobr|en 1602}}. Une traduction de l'expostulatio se trouve dans les manuscrits de Ritter<ref name="R"/>. L’''Harmonicon céleste'', qu'il communiqua à [[Marin Ghetaldi]], n'a, malheureusement, jamais été publié sous son nom et dans son intégralité.

L'histoire de cette œuvre dont on connaît un manuscrit<ref>''L'Harmonicon céleste'', manuscrit de François Viète à la bibliothèque [[Antonio Magliabechi|Magliabechiana]] [[Bibliothèque nationale centrale de Florence|classe XI {{n°|36}}]].</ref> et plusieurs copies<ref>''L'Harmonicon céleste'', manuscrit de François Viète à la Bibliothèque nationale (BNF)7274, fonds latin et {{nb|3282 fonds}} français.</ref>, tour à tour perdus puis retrouvés, mérite également qu'on l'évoque : le manuscrit original est conservé par De Thou (qui meurt en 1617), puis est récupéré par les frères Dupuy, qui ont la garde de sa bibliothèque. Un catalogue en est dressé par [[Ismael Bouillaud|Ismael Bouillau]] et les [[Pierre Dupuy (écrivain)|frères Dupuy]]<ref>{{la}} [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90725863 Catalogue de la bibliothèque de De Thou. Deux volumes manuscrits] — [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57788v/f3.image {{vol.|2}} imprimé en 1679].</ref>. À sa mort en 1656, Jacques Dupuy lègue l'ouvrage par testament à Boulliau, expliquant « Je scay qu'il fera cas de cete pièce, à cause du mérite de son autheur<ref>{{Article |langue=Français |auteur1=Solente Suzanne |titre=Les manuscrits des Dupuy à la Bibliothèque nationale |périodique=Bibliothèque de l'école des chartes |date=1927 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1927_num_88_1_452418 |pages=229 }}.</ref> ». Son existence est divulguée par Sherburne, en 1675, qui évoque ce travail car il en a communiqué un exemplaire à Mersenne et n'a jamais pu le récupérer<ref>{{en}} Augustus de Morgan [http://www.gutenberg.org/files/26408/26408-h/26408-h.htm#page295 A budget of paradoxes].</ref>. S'agit-il de l'exemplaire que retrouvent l'Italien Targioni Tozzetti, puis le comte Libri (dans la bibliothèque Magliabecchi de Florence) ? Au {{s-|XIX}}, l'exemplaire de cet Harmonicon, est de nouveau égaré par le comte Libri avant de ressurgir au {{s-|XX}}.

Comme on ne connaît cette dernière œuvre qu'au travers des résumés de Libri (Ritter ne l'a pas retrouvée), il est difficile d'affirmer de combien d'années Viète a devancé [[Johannes Kepler|Kepler]] dans la détermination de la forme elliptique des orbites des planètes, ni si Kepler l'a eu en main, ce que croit G. Bigoudan<ref>G. Bigourdan, [https://web.archive.org/web/20110807214301/http://www.sciences.univ-nantes.fr/cfv/fviete/Big-CRAS-1916-162-Viete237-240.pdf Communication sur l'Harmonicon céleste à l'Académie des sciences (1916)].</ref>. Cette idée est d'autant plus vraisemblable que Kepler intitula lui-même son œuvre ''[[Harmonices Mundi]]''.

Le résumé de cette « Harmonie Céleste » donné par l'historien [[Guillaume Libri|italien]] dans son histoire des sciences mathématiques<ref>Guillaume Libri, [http://gallica2.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k28737k histoire des sciences mathématiques en Italie : depuis la renaissance des lettres jusqu'à la fin du {{s-|XVII}}] Tome 4, {{p.|22-23}} et {{p.|297-302}}.</ref> semble indiquer que Viète, vers la fin de sa vie, renvoie dos à dos les systèmes de [[Nicolas Copernic|Copernic]] et de [[Ptolémée]] et décrit correctement les orbites des planètes en mouvement autour du soleil, celle de la terre exceptée (c'est-à-dire qu'il les identifie à des ellipses, et non pas à des cercles, comme l'avait fait Copernic). Cette remarquable intuition géométrique justifie assez semble-t-il l'admiration que Kepler manifestait pour Viète et pour ses méthodes de calcul<ref>Alexandre Koyré, [https://books.google.com/books?id=v1YKAAAAMAAJ La révolution astronomique: Copernic, Kepler, Borelli - {{p.|397}} ; {{nobr romains|notes II}} {{nobr romains|partie II}}].</ref> :

{{Citation bloc|Si je trouvais une démonstration avant qu'il ne la trouve, je la lui communiquerai. Mais jusqu'ici je l'ai cherchée en vain ; je pense parce que je suis trop peu exercé dans ce genre de problèmes.}}

L'idée que toute la trigonométrie sphérique de Viète et ses efforts de résolution algébrique étaient en fait tournés vers l'astronomie est une idée qui anime de nos jours la recherche<ref>Giovanna Cifoletti, [http://www.koyre.cnrs.fr/article.php3?id_article=181 Les usages astronomiques de l’algèbre entre les {{sp-|XVI|et|XVII}}s].</ref>.

== Édition des œuvres et postérité ==
=== Détail des éditions anthumes ===

À partir de 1571, il fait publier, à ses frais et avec de grandes difficultés d'impression, les deux premières des quatre parties de son ''Canon mathématique''<ref name="Notice"/> : ''Canon mathematicus, seu ad triangula, cum adpendicibus<ref>[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k52673b Paris, Mettayer, 1579, 232 p.]</ref>'' et ''Universalium inspectionum ad canonem mathematicum liber singularis'', Paris, Mettayer, 1579, {{nobr|164 fol}} — rééditées en 1609 par Barthélemy Macé sous le titre ''Varia opera mathematica'' — un ouvrage de trigonométrie où il présente de nombreuses formules sur les [[sinus (mathématiques)|sinus]] et les [[cosinus]]. Il y fait un usage inhabituel pour l'époque des nombres décimaux (dont il est l'un des tout premier à faire usage) et souligne leur supériorité sur les divisions sexagésimales<ref name="RDI"/>. Ces tables trigonométriques complètent celles de [[Regiomontanus]] (''De triangulis omnimodis'', 1533). Elles sont inspirées du ''Canon doctrinæ triangulorum'' de [[Georg Joachim Rheticus|Rheticus]] (1551). Montucla a affirmé que Viète, mécontent des fautes d'impression qu'il renfermait, chercha à en retirer de la circulation tous les exemplaires. Bosmans cite l'affirmation de Montucla, mais pour la démentir<ref>{{Article|auteur=[[Prêtre catholique|R. P.]] Henri Bosmans|titre=Le traité des sinus de Michel Coignet|revue=Annales de la Société scientifique de Bruxelles|vol=25|numéro=2|année=1901|p.=91-170}} (voir {{p.|111-114}}).</ref>, tout comme cela a été fait par Ritter. La légende aurait pour origine un éditeur indélicat de ses œuvres complètes, qui justifiait ainsi la non inclusion du ''Canon mathematicus''. Une comparaison avec un recalcul montre que les tables trigonométriques (et les tables de triangles rationnels) contiennent au contraire très peu d'erreurs<ref>Voir Denis Roegel 2011 [''A reconstruction of Viète's Canon Mathematicus (1579)'' http://locomat.loria.fr/viete1579/viete1579doc1.pdf]. En 1819, ignorant l'existence du ''Canon doctrinæ triangulorum'', [[Jean-Baptiste Joseph Delambre]] attribue erronément à Viète la première présentation des 6 fonctions trigonométriques, ibid  {{p.|4}} {{nobr|note 2}}.</ref>.
* En 1589 : ''Deschiffrement d'une lettre escripte par le Commandeur Moreo au Roy d'Espaigne son maître''. Tours, Mettayer, 1590, {{nobr|20 pages}}.
* La même année, à Londres, chez François Bouvier : ''Francisci Vietæi opera mathematica : in quibus tractatur canon mathematicus, seu ad triangula. Item Canonion triangulorum laterum rationalium: vnà cum vniuersalium inspectionum ad Canonem mathematicum, libro singulari''<ref>{{en}} François Viète [http://catalogue.nla.gov.au/Search/Home?lookfor=author:%22Viète%2C%20François%2C%201540-1603%22&iknowwhatimean=1 sur le catalogue de la National Library of Australia].</ref>.

Deux versions de l'<cite lang=la>Isagoge</cite> :
*<cite lang=la>In artem analyticem isagoge</cite>, Tours, Mettayer, 1591, 9 fol ;
*<cite lang=la>In artem analyticem isagoge. Ejusdem ad logisticem speciosam [[notae priores]]</cite>, Paris, Baudry, 1631, in 12, {{nobr|233 pages}} : ce traité <cite lang=la>In artem analyticem isagoge</cite> (''Introduction à l'art de l'analyse''), est considéré comme un texte fondateur de l'[[analyse (philosophie)|analyse]] (par contraste avec la [[Raisonnement par analyse-synthèse|synthèse]]) pour les [[Modernes]]<ref>Voir note de [[Gérard Ferreyrolles]] et [[Philippe Sellier]] au tout début du traité de [[Blaise Pascal|Pascal]], ''De l'esprit géométrique'', in ''Pascal. Les Provinciales. Pensées et opuscules divers'', La Pochothèque, 2004, {{p.|109}}.</ref>. C'est dans la seconde édition qu'apparaissent les règles de calcul algébrique.

En 1591 encore, ''Zeteticorum libri quinque''. Tours, Mettayer, 24 folio, qui forment les cinq livres des Zététiques. Il s'agit d'un recueil de problèmes, issus de Diophante, et résolus en utilisant l'art analytique<ref>Paolo Freguglia : [http://www.peiresc.org/New%20site/Actes.Dhombres/Freguglia.pdf Analyse sur Les Zeteticorum Libri Quinque de Viète] in les actes Dhombres, sur Peiresc.org.</ref>.

Entre 1591 et 1593, ''Effectionum geometricarum canonica recensio''. Sd, 7 fol., qui fait le lien entre des expressions et équations algébriques du second degré et certains problèmes géométriques.

En 1593 :
* un complément sur les problèmes géométriques : ''Supplementum geometriae''. Tours, 21 fol. ;
* ''Variorum de rebus mathematicis responsorum liber VIII (Huitième Livre des réponses variées)''. Tours, Mettayer, 1593, 49 fol, à propos des défis de Scaliger, dans lequel il revient sur les problèmes de la [[trisection de l'angle]] (dont il reconnaît qu'il est lié à une équation du troisième degré), de la [[quadrature du cercle]], de la construction de l'heptagone régulier, etc. L'année suivante, il donnera contre le même Scaliger : ''Munimen adversus nova cyclometrica''. Paris, Mettayer, in 4, 8 fol.

En 1595 ''Ad problema quod omnibus mathematicis totius orbis construendum proposuit Adrianus Romanus, Francisci Vietae responsum.'' Paris, Mettayer, in 4, {{nobr|16 fol}} ; texte où se trouve la solution du problème d'Adrien Romain.

En 1600, ''De numerosa potestatum ad exegesim resolutione''. Paris, Le Clerc, 36 fol ; œuvre qui fournit des moyens d'extraction de racines et de solutions d'équations de degré au plus 6.

En 1600, ''Apollonius Gallus''. Paris, Le Clerc, in 4, 13 fol ; qui traite des problèmes de [[problème des contacts|points de contacts]] de trois cercles et où il se désigne lui-même comme l'[[Apollonius de Perga|Apollonius]] français.

Entre 1600 et 1602, il rédige, à propos du calendrier de Clavius,
* ''Fontenaeensis libellorum supplicum in Regia magistri relatio Kalendarii vere Gregoriani ad ecclesiasticos doctores exhibita Pontifici Maximi Clementi VIII''. Anno Christi 1600 jubilaeo. Paris, Mettayer, in 4, 40 fol ;
* et aussi ''Francisci Vietae adversus Christophorum Clavium expostulatio''. Paris, Mettayer, in 4, 8 pages qui exposent ses thèses contre Clavius.

Manuscrits non retrouvés, non publiés ou à titre posthume :

Entre 1564 et 1568, Viète rédige pour son élève, Catherine de Parthenay, quelques manuels d'[[astronomie]] et de [[trigonométrie]] et un traité de cosmographie. qui préfigure le livre inachevé et jamais publié : ''Harmonicon Cœleste'', entamé {{nobr|vers 1600}} et dont la rédaction est interrompue par sa mort {{nobr|en 1603}}<ref>Selon {{en}} Noel N. Swedlow 1975, The Planetary Theory of François Viète, Part 1, journal for the History of Astronomy, 1975, {{vol.|6}}, {{p.|187-188}} [http://articles.adsabs.harvard.edu//full/1975JHA.....6..185S/0000187.000.html lire en ligne] ; l'ensemble de l'article ({{p.|185-208}}) est consacré à l’''Harmonicon Cœleste''.</ref>. Il rédige également la défense de Soubise, la généalogie des Parthenay, et les mémoires de Soubise (publiées par J.Bonnet en 1978 pour la première fois).

Un manuscrit perdu devait traiter de mécanique. Galilée en a eu connaissance<ref>{{it}} Opera de [[Galilée (savant)|Galileo Galilei]] ed Nazionale {{t.}}{{XVIII}} {{p.|69}} lettre de G.B. Baliani à Galilée le {{date|1er juillet 1639}}.</ref> on connaît aussi une feuille de correspondances ésotériques, rédigées par Viète et qui associe l'air aux éléments, le sang aux humeurs, le poumon et la tête au corps, les maux de têtes et les inflammation du foie au maladies, l'aigle, la caille et le poulet, aux oiseaux ; le chêne et le sureau aux arbres, la réglisse et la mirabelle aux herbes, l'émeraude et le saphir aux pierres et l'étain aux métaux ; elle ressemble davantage à un questionnaire de [[Marcel Proust|Proust]] qu'à une recette alchimique. Cette table analogique des corps supérieurs et inférieurs, est copiée – d'après Viète – de la main de Vaulezard<ref name="G"/>

=== Années ''Viète'' (1603-1646) ===

Outre Catherine de Parthenay et le turbulent [[Nathanael Tarporley|Tarporley]], Viète eut vraisemblablement quatre élèves : [[Jacques Aleaume]] d'Orléans, qui trouvera un poste de déchiffreur auprès de Maurice d'Orange ; un mathématicien célèbre, originaire de [[Dubrovnik|Raguse]], [[Marin Ghetaldi]], qui après quelques voyages retournera siéger au grand conseil de sa république natale ; [[Jean de Beaugrand]], qui, après avoir été l'ami de [[Pierre de Fermat|Fermat]], sera tourné en ridicule par [[René Descartes|Descartes]] et enfin, le mathématicien écossais [[Alexander Anderson (mathématicien)|Alexander Anderson]]. Ils illustreront ses théories en publiant ses œuvres et en continuant sa méthode. À sa mort, ses héritiers ont remis ses manuscrits entre les mains de Pierre Aleaume<ref name="de Thou"/>. Ils passeront à son fils, puis, à sa mort, se perdront entre les mains des frères Dupuy. On donne ici les éditions posthumes les plus importantes, telles que les ont adaptés ses élèves ou ses traducteurs, et une liste non exhaustive d'ouvrages qui prolongent son écriture.
[[Image:ThomasHarriot.jpg|thumb|Thomas Harriot reprit et enrichit l'écriture algébrique de Viète.]]
* En 1607 : une exégétique géométrique : ''Apollonius Gallus'', publiée par [[Marin Ghetaldi]] et reprise par [[Paolo Sarpi]].
* En 1612 : ''Supplementum Apollonii Galli'' de [[Marin Ghetaldi]].
* La même année, ''Supplementum Apollonii Redivivi sive analysis problematis bactenus desiderati ad Apollonii Pergaei doctrinam a Marino Ghetaldo Patritio Regusino hujusque non ita pridem institutam'', édité à Paris, par [[Alexander Anderson (mathématicien)|Alexander Anderson]]<ref>Alexander Anderson : [https://books.google.fr/books?id=c7VAAAAAcAAJ Supplementum Apollonii Redivivi sive analysis problematis bactenus desiderati ad Apollonii Pergaei doctrinam a Marino Ghetaldo Patritio Regusino hujusque non ita pridem institutam].</ref>.
* En 1615 : ''Ad Angularum Sectionem Analytica Theoremata F. Vieta primum excogitata at absque ulla demonstratione ad nos transmissa, iam tandem demonstrationibus confirmata'' ; édité à Paris, par Anderson<ref>{{en}} Présentation de la partie géométrique des travaux d'Alexander Anderson sur les sections angulaires par [http://www.17centurymaths.com/contents/Angular%20Sections.pdf Ian Bruce].</ref>{{,}}<ref>{{en}} Chambers, Robert ; Thomson, Thomas : [https://archive.org/stream/biographicaldpt101chamuoft#page/52/mode/2up/search/Anderson  A biographical dictionary of eminent Scotsmen. New ed., rev. under the care of the publishers. With a supplementary volume, continuing the biographies to the present time].</ref>.
* La même année : ''Pro Zetetico Apolloniani problematis a se jam pridem edito in supplemento Apollonii Redivivi Zetetico Apolloniani problematis a se jam pridem edito ; in qua ad ea quae obiter inibi perstrinxit Ghetaldus respondetur'' édité à Paris par Anderson.
* En 1615 encore : ''Francisci Vietae Fontenaeensis, De æquationum<ref>{{Harvsp|Anderson|1615}}.</ref> — recognitione et emendatione tractatus duo per Alexandrum Andersonum'', édité à Paris, par Anderson, chez Jean Laquehay in 4, 135 p.
* En 1617 : ''Animadversionis in Franciscum Vietam, a Clemente Cyriaco nuper editae brevis diakrisis'', édité par Jean Laquehay à Paris par Anderson, contre les attaques récentes imprimées par [[Denis Henrion]] à l'encontre de Ghetaldi.
* En 1619 : ''Exercitationum Mathematicarum Decas Prima'', à Paris, du même Anderson.

La mort d'Alexander Anderson ou de celle de la fille de Viète interrompirent ses publications.

En 1629, [[Albert Girard]] publie sa propre algèbre nouvelle, essentiellement numérique, dans laquelle il rend hommage à Viète<ref>Albert Girard [https://archive.org/stream/inventionnouvel00giragoog#page/n57/mode/1up Invention nouvelle en l'algèbre].</ref> en ces termes :

{{citation|Touchant François Viète, qui surpasse tous ses devanciers en l'algèbre, on peut voir en son traité (De recognitione equationium)…}} mais lui reproche d'oublier dans ses résolutions les solutions négatives (moins que rien) et complexes (qu'il nomme enveloppées).

La même année, parution de l'encyclopédie d'[[Johann Heinrich Alsted|Alsted]] où un article de [[Johann Geysius]] propose de simplifier la symbolique <math>Aqc</math> en <math>A^{(v)}</math>, suivi l'année suivante des publications posthumes de [[Thomas Harriot]] et de [[William Oughtred]].

En 1630 une ''Introduction en l'art analytic ou nouvelle algèbre, traduite en notre langue et commentée par [[Jean-Louis Vaulezard|J.L. Sieur de Vau-Lezard]], mathématicien''. Paris, Jacquin, in 12, 79 p, ainsi que ''Les cinq livres des zététiques de François Viette, mis en français, commentés et augmentés, par J.L. Sieur de Vaulezard, mathématicien''. Paris, Jacquin, {{nobr|219 pages.}} Disponibles [https://books.google.com/books?id=ISk1AAAAcAAJ&pg=PA1 ici dans leur version de 1630].
La même année parut un <cite lang=la>Isagoge</cite> sous la plume d'Antoine Vasset (assimilé un pseudonyme de [[Claude Hardy]])<ref>François Viète, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k108864f.image.r=viète+vasset.f30.langFR Édition complète traduites en français par Antoine Vasset].</ref>{{,}}<ref>Alain Herreman : [http://perso.univ-rennes1.fr/alain.herreman/docs_licence_ehm/Isagoge_Zetetiques_Vasset.pdf L'algèbre nouvelle de Vasset, Isagoge et Zététiques].</ref> et l'année suivante une traduction en latin de [[Jean de Beaugrand]] dont Descartes aurait reçu un exemplaire<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Chikara Sasaki |titre=Descartes's Mathematical Thought |lieu=New York |éditeur=Springer |année=2003 |passage=259 |isbn= |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=UPGVFEDVc0wC&pg=PA259}}.</ref>.

[[image:Pierre de Fermat.jpg|thumb|right|Pierre de Fermat.]]

Entre 1634 et 1637, [[Pierre Hérigone]] (pseudonyme non avéré de [[Clément Cyriaque de Mangin]]) publie un cours en latin inspiré de l'algèbre de Viète ; entre autres innovations, le baron, qu'on prétend d'origine basque, note <math>^{a3}</math> pour <math>^{A cubus}</math>,

En 1635, le mathématicien français [[James Hume]] de Godscroft, d'origine écossaise (connu pour ses polémiques avec [[Jean-Baptiste Morin de Villefranche|Jean-Baptiste Morin]]) donne une ''Algèbre de Viète d'une méthode nouvelle et facile par laquelle toute l'obscurité de l'auteur est ôtée'', qui marque la transition entre l'écriture de Viète et celle de Descartes, ainsi qu'un ''Traité de trigonométrie'' et un ''Traité relatifs aux sphères de Copernic et de Galilée''<ref>{{en}} Roger A. Mason :
[https://books.google.com/books?id=vEVR1aU-TfMC&pg=PA204&lpg=PA204&dq=James+Hume+de+Godscroft&source=bl&ots=aWZiNjhijQ&sig=pt0rNdGtUjv0ALs_cqt-sLrMpFU&hl=fr&ei=6xm9SrMS07bhBoTevLQB&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3#v=onepage&q=James%20Hume&f=false Scots and Britons: Scottish political thought and the union of 1603].</ref> et un ''traité d'algèbre'' plus personnel (publié à Paris, en 1635) mais dans le droit fil de la « logistique spécieuse ».

En 1636-1637, [[François L'Hermite|Tristan l'Hermite]] offre à {{Mlle}} de Lavardin, retirée dans le [[Comté du Maine|Maine]]<ref>Tristan L'Hermite [https://books.google.fr/books?id=QExVWiUayBQC&pg=PA167 La Lyre] librairie Droz Paris Genève 1977 {{p.|167}}.</ref>, une  traduction en français du manuel de cosmographie destinée à [[Catherine de Parthenay]]. Ce livre, successivement édité {{nobr|en 1643}} {{nobr|et 1648}}, fut longtemps la seule trace des travaux de Viète relativement à l'astronomie<ref>Sandrine Berregard : [https://books.google.fr/books?id=EkbrVetGaqsC&pg=PA439&lpg=PA439 Tristan L'Hermite, « héritier » et « précurseur »].</ref>.

En 1644, [[Noël Duret]], cosmographe du roi, publie une algèbre nouvelle dite de Viète, mais dans la symbolique de [[James Hume]] et d'[[Thomas Harriot|Harriot]]<ref>L'Algèbre, effections géométriques, et partie de l'Exégétique nombreuse de François Viète, traduites de latin en françois, où est adjouté des notes et commentaires et quantité de problèmes zététiques, par N. Durret. De François Viète et Natalis Durret, 1644, {{nobr|238 pages}}, édité par l'auteur ASIN: B001D6IYEO  Bibliothèque Mazarine 30053 ou BNF V 20154.</ref>.

En 1646, le corpus des œuvres mathématiques de Viète est édité par [[Frans van Schooten]], professeur à l'université de Leyde. Il est aidé dans son travail par [[Jacob Golius]], sur l'initiative du [[Marin Mersenne|Père Mersenne]]. Cette édition en un volume porte le titre ''Francisci Vietæ. Opera mathematica, in unum volumen congesta ac recognita, opera atque studio Francisci a Schooten'', Officine de Bonaventure et Abraham [[Elzevier]], Leyde, 1646<ref>François Viète, ''Opera Mathematica'', rassemblées par F. Van Schooten. Leyde, Elzévir, 1646, {{nobr|554 pages}}, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k107597d.pdf texte en ligne]. Réédité par Georg Olms Verlag, Hildesheim-New York, 1970.</ref>. Ce corpus des œuvres mathématiques imprimées de Viète, ne comprend pas son Canon mathématique (dont l'absence est justifiée dans une préface des imprimeurs).

Les Anglais [[Thomas Harriot|Harriot]] et [[Isaac Newton|Newton]], l'espagnol [[José Zaragoza|Zaragoza]], les Hollandais [[Willebrord Snell|Snellius]] et [[Christian Huygens|Huygens]] et les Français [[Pierre de Fermat|Fermat]] et [[Blaise Pascal|Pascal]]<ref>On remarquera notamment l'usage que fait Blaise Pascal des premières lettres de l'alphabet (sous forme de majuscules), l'utilisation de ''c'est-à-dire'' pour aequabitur en place du symbole « = », et d'accolades en place des parenthèses in : [http://www.lib.cam.ac.uk/deptserv/rarebooks/PascalTraite/19.JPG Traité du triangle arithmétique] ainsi que celui de ''in'' pour la multiplication en place de la croix d'Oughtred in [[s:Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/336|Œuvres de Blaise Pascal, {{nobr romains|tome III}}, de numeris multiplicibus, publié à la suite du Traité du triangle Arithmétique, {{p.|336}}]] sur Wikisource.</ref>{{,}}<ref>Quelques conseils de lecture sur [http://odalix.univ-bpclermont.fr/Cibp/Bib17/B17-A-I3.htm la bibliothèque du dix-septiémiste du Centre international Blaise-Pascal].</ref> utiliseront un temps les notations de Viète<ref>Jean-Louis Gardies, [https://books.google.com/books?id=ZTNQElKKbVYC Du mode d'existence des objets de la mathématique].</ref>. Plus tard, [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]], qui appréciait son héritage<ref>Victor Cousin, [https://books.google.com/books?oe=UTF-8&hl=fr&id=3fQNAAAAYAAJ&q=viète#v=onepage&q=viete&f=false Lettre de Leibniz dans Fragments philosophiques, {{vol.|3}}].</ref> cherche à faire en analyse ce que Viète a fait pour les équations<ref>Nicolas Boubaki, Éléments de mathématiques, ''[https://books.google.com/books?id=BzzKIwLPJB4C&hl=fr Fonctions de la variables réelle]'', Springer 2007, {{p.|58}}.</ref> mais après 1649 et la réédition de ''[[s:fr:Livre:Descartes - La Géométrie|La Géométrie]]'' de Descartes, sa renommée sera lentement éclipsée par celle du [[René Descartes|philosophe de la Haye]], qui rénovera en profondeur ce formalisme, et auquel le siècle suivant attribuera souvent, à tort<ref name="RDI"/>, l'entière paternité de la formalisation algébrique<ref>Léon Brunschvicg, Membre de l’Institut [http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/descartes_et_pascal/brunschvicg_descartes_et_pascal.doc Descartes et Pascal lecteurs de Montaigne].</ref>.
Elle perdurera encore un temps en Italie, où [[Pietro Mengoli]] (en 1659), puis  [[Carlo Renaldini]] adopteront le langage de l'algèbre nouvelle ({{nobr|jusqu'en 1670}}).

=== Son influence sur Descartes ===
{{article détaillé|Les controverses du cartésianisme}}

Vingt-cinq ans après  la mort de Viète, le philosophe [[René Descartes]] écrit ses ''Regulae'' ou ''Règles pour la direction de l'esprit''<ref>Victor Cousin [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k942726.image.f339 traduction des Regulae] (1826-1828) sur Gallica.</ref>. Dix ans après, il publie avec le ''[[Discours de la méthode]]'' un livre de [[Théories scientifiques de Descartes#La géométrie|géométrie]] qui bouleverse le paysage algébrique, amplifie l'algèbre de Viète<ref>Ernst Hairer, Gerhard Wanner, [https://books.google.com/books?id=aj6WpC1g_tQC&pg=PA6&lpg=PA6&dq=françois+viète+femme&source=bl&ots=F3KqH9ggoD&sig=aiuQJXtZKIWvPV5db9LrHU1gUeM&hl=fr&ei=oKSsSrTsC5nKjAfzvrXwBw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=10#v=onepage&q=françois%20viète%20femme&f=false L'analyse au fil de l'histoire].</ref>, et la simplifie en ôtant ses exigences d'homogénéité. Descartes, accusé par Jean Baptiste Chauveau, un ancien condisciple de La Flèche, se défendra d'avoir lu Viète dans une lettre à [[Marin Mersenne|Mersenne]] datée du {{date|20|février|1639}}<ref>Descartes, ''[http://pagesperso-orange.fr/denis.collin/au-rp-mersenne-2-02-39.pdf Lettre au père Mersenne]'', {{date|20|février|1639}}.</ref> :
{{citation bloc|Je n’ai aucune connaissance de ce Géomètre dont vous m’écrivez, et je m’étonne de ce qu’il dit, que nous avons étudié ensemble Viète à Paris ; car c’est un livre dont je ne me souviens pas avoir seulement jamais vu la couverture, pendant que j’ai été en France.}}

S'il reconnaît ultérieurement l'avoir feuilleté, mais sans l'approfondir, il affirme avoir trouvé ses notations embrouillées et inutiles ses justifications géométriques. Dans quelques lettres, il montre qu'il a compris le programme d'<cite lang=la>In artem analyticem isagoge</cite>. Dans d'autres, il caricature les propositions de Viète. Un de ses biographes notera cette contradiction<ref>Charles Adam, ''[https://archive.org/details/uvresdedescartes12desc Vie et œuvre de Descartes]'', Paris, L Cerf, 1910, {{p.|215}}.</ref> :
{{citation bloc|Ces derniers mots surprennent d'ailleurs ; car il [[René Descartes|(Descartes)]] venait de dire, quelques lignes plus haut, qu'il avait tâché de ne mettre, dans sa Géométrie, que ce qu'il croyait « n'avoir point été sceu ni par Viète, ni par aucun autre ». Il était donc au courant de ce que savait Viète ; et il avait dû le lire auparavant.}}

En l'état actuel de la recherche, l'influence directe des œuvres de Viète sur Descartes n'est pas clairement établie. Elle a pu également se faire au travers d'[[Adrien Romain]] et de [[Jacques Aleaume]] à [[La Haye]], ou par l'entremise du livre de [[Jean de Beaugrand]], que ce dernier a fait passer par Mersenne et que Descartes a reçu le {{date-|3 mai 1632}}<ref>C. de Waard, Descartes, lettre à Mersenne du {{date-|2 mai 1632}}, {{t.}}{{III}}, {{p.|296}}.</ref>{{,}}<ref name="G"/>. On lira pour s'en convaincre les conclusions de Chikara Sasaki<ref>{{Harvsp|Sasaki|2003|p=246-274}}.</ref> mais aussi celles du père André<ref>Le Père André, [https://books.google.com/books?oe=UTF-8&hl=fr&id=K6YGAAAAQAAJ&q=viète#v=snippet&q=viete&f=false documents inédits pour servir à l'histoire philosophique].</ref>.

Dans ses lettres à Mersenne, Descartes minimise consciencieusement l'originalité et la profondeur des travaux de ses prédécesseurs<ref>Jacqueline A. Stedall, [https://books.google.com/books?hl=fr&id=XcmEESxmWWIC&q=harriot+roberval+chamber The Greate Invention of Algebra: Thomas Hariot].</ref>. Il commence, dit-il, {{citation|par où Viète a fini}}. Son point de vue s'imposera au cours du {{XVIIe siècle}} et les mathématiciens y gagneront un langage algébrique dégagé de toute contrainte géométrique<ref>{{Chapitre|auteur=F. Ritter|titre=François Viète, inventeur de l'algèbre moderne. Esquisse biographique|titre ouvrage=Comptes rendus de la {{21e|session}} de l'[[Association française pour l'avancement des sciences|AFAS]] (Pau, 1892)|vol=1|année=1893|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k201176n/f280.image|page=154}}.<!--Université de Nantes, AFAS : {{Lien brisé|url=http://www.sciences.univ-nantes.fr/cfv/fviete/AFAS_Pau_1892_T_I_Ritter_F_Viete.pdf|titre=Sommaire d'une esquisse biographique de Ritter sur Viète}}--></ref>. On notera néanmoins que les notations de Viète demeuraient encore, dix ans après la mort du philosophe, celles qu'exposait dans ses derniers traités d'arithmétique le maître de Descartes à la Flèche, le père jésuite [[Jean François (mathématicien)|Jean François]]<ref>Jean François, ''La science des eaux qui explique en quatre parties leur formation, communication, mouvemens, et meslanges. Avec les arts de conduire les eaux, et mesurer la grandeur tant des eaux que des terres'', Rennes, Pierre Hallaudays, 1653 {{lire en ligne|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2033051.image.f344.langFR}}.</ref>.

=== Oubli et reconnaissance ===

Quoique le nom de Viète ne soit jamais entièrement tombé dans l'oubli, sa renommée pâlit de la fin du {{s-|XVIII}} jusqu'au milieu du siècle suivant.
[[Image:Jean d'Alembert.jpeg|thumb|left|Jean Le Rond d’Alembert.]]

Vers 1730, Edmund Stone, dans sa préface historique à l'analyse des infiniment petits du Marquis de L'hôpital le cite encore trois fois, (contre 28 pour Descartes)<ref>Edmund Stone, Castel (Louis-Bertrand, r.p.) :
[https://books.google.com/books?oe=UTF-8&hl=fr&id=UctJAAAAMAAJ Analise des infiniment petits: comprenant le calcul integral dans toute son étenduë : avec son application aux quadratures, rectifications, cubatures, centres de gravité, de percussion, & c. de toutes sortes de courbes] Chez J.-M. Gandouin, 1735.</ref>.

En 1751, [[Jean le Rond D'Alembert|d'Alembert]] lui rend un vibrant hommage dans l'article consacré à l’''Algèbre''<ref>Article Algèbre [[s:Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 1.djvu/320|Encyclopédie {{1re|édition}} {{t.|1}} {{p.|319}}]].</ref>. Il énumère sept découvertes importantes qu'il attribue à Viète :
{{citation bloc|la première, c'est d'avoir introduit dans les calculs les lettres de l'alphabet pour désigner même les quantités connues ; la seconde, c'est d'avoir imaginé presque toutes les transformations des équations, aussi bien que les différents usages qu'on en peut faire pour rendre plus simples les équations proposées ; la troisième, c'est la méthode qu'il a donnée pour reconnaître par la comparaison de deux équations, qui ne différeraient que par les signes, quel rapport il y a entre chacun des coefficients qui leur sont communs et les racines de l'une et de l'autre ; la quatrième, c'est l'usage qu'il fait des découvertes précédentes pour résoudre généralement les équations du quatrième degré, et même celles du troisième ; la cinquième, c'est la formation des équations composées par leurs racines simples, lorsqu'elles sont toutes positives, ou la détermination de toutes les parties de chacun des coefficients de ces équations ; la sixième et la plus considérable, c'est la résolution numérique des équations, à l'imitation des extractions de racines numériques, matière qui fait elle seule l'objet d'un livre tout entier ; enfin on peut prendre pour une septième découverte ce que Viète a enseigné de la méthode pour construire géométriquement les équations.}}

En 1754, Jean François Dreux du Radier, érudit poitevin, donne une histoire très complète de sa vie, et notamment de la première disparition de l’''Harmonicon Cœleste'' entre les mains de Bouillaud<ref>Jean François Dreux du Radier, [https://books.google.com/books?oe=UTF-8&hl=fr&id=4VA2AAAAMAAJ&q=viete#v=snippet&q=viete&f=false Bibliothèque historique, et critique du Poitou].</ref>.

En 1758, [[Jean-Étienne Montucla]] lui consacre {{nobr|25 pages}} de son histoire des mathématiques<ref>Montucla, [https://books.google.com/books?id=M-FJAAAAMAAJ Histoire des Mathématiques, dans laquelle on rend compte de leurs progrès depuis leur origine jusqu'à nos jours {{vol.|1}} ({{p.|488-503}})].</ref>.

En 1765, puis 1773, [[Alexandre Savérien]] brosse dans son Histoire des philosophes modernes<ref>[[Alexandre Savérien]] : [https://books.google.fr/books?pg=PA20&id=HOlRznmsbAQC#v=onepage&q&f=false Histoire des philosophes modernes] chez François.</ref> un long portrait de François Viète, agrémenté d'une gravure<ref>Alexandre Savérien, Jean-Charles  François ; [https://books.google.fr/books?printsec=frontcover&dq=Alexandre+Savérien+viète&sig=7tek1nSYE8Nt87JCIt6tZml_blE&ei=290XTP6nOcOG4QbB_qj8Cw&ct=result&pg=PA100&id=zacPAAAAQAAJ&ots=NoDkJgWCwe#v=onepage&q&f=false Histoire des philosophes modernes, Volume 5] chez Bleuet.</ref> de [[Jean-Charles François]].

Vers 1770, l'Italien Targioni Tozzetti, retrouve à Florence le manuscrit perdu de l’''Harmonicon Cœleste'', œuvre non publiée où se lit l'intuition de certaines théories de [[Johannes Kepler|Kepler]] bien avant 1609)<ref>{{en}} Noel M. Swerdlow,''[http://adsabs.harvard.edu/full/1975JHA.....6..185S The planetary theory of François Viète]'', ''Journal for the History of Astronomy'', Vol. 6, {{p.|185}}.</ref>, et notamment quand Viète affirme : {{citation| ''Describat Planeta Ellipsim ad motum anomaliœ ad Terram.'' }}

La décennie suivante, le nom de Viète est mentionné avec sympathie par l'[[abbé Sauri]]<ref>L'abbé Sauri, [https://books.google.com/books?id=f942AAAAMAAJ&pg=PR9&lpg=PR9&dq=yiete+françois&source=bl&ots=FmR8KbjdxS&sig=p14XJM9Dz5LOIJMqFxwsTMBOBGY&hl=fr&ei=19KrStbgD5iUjAfIk_3vBw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=10#v=onepage&q=yiete%20françois&f=false Cours complet de mathématiques: Calcul. Elemens de géométrie].</ref> mais [[Antoine-René de Voyer de Paulmy d'Argenson|De Paulmy d'Argenson]]<ref>Marc Antoine René de Voyer de Paulmy d'Argenson, [https://books.google.com/books?id=b8Y6AAAAcAAJ Mélanges tirés d'une grande bibliothèque, Volume 26, page 23 et suivante].</ref> rend désormais hommage à son génie en trois lignes (sur {{nobr|69 volumes}}).
[[Image:Michel Chasles.jpg|thumb|Michel Chasles.]]
En 1802, [[Charles Bossut]], dans son histoire des Mathématiques, tente de redonner à Viète la paternité des premières applications de l'algèbre à la géométrie. Il écrit :
{{citation bloc|Quelques auteurs ont imprimé, d'autres ont répété, et on répète tous les jours en conversation, que Descartes est l'inventeur de l'application de l'Algèbre à la Géométrie. Cela n'est pas exact. On accorde à Descartes plus qu'il ne doit prétendre, et on oublie trop les droits de ses prédécesseurs, et en particulier ceux de Viète<ref>Charles Bossut, [https://books.google.com/books?id=xIAAAAAAMAAJ&printsec=frontcover&dq=related:OCLC5139854&hl=fr Histoire générale des Mathématiques] {{nobr romains|période III}} {{p.|288}}.</ref>.}}

En 1831, [[Joseph Fourier]], dans son analyse des équations<ref>{{pdf}} Joseph Fourier, [http://www.math.purdue.edu/~eremenko/Fourier/Fourier_Frontmatter.pdf Analyse des équations ({{p.|5}} de la préface et 8 de l'introduction)].</ref>, mentionne Viète comme un des plus illustres mathématiciens, le second inventeur de l'algèbre, après [[Al Kwarizmi]].

En 1837, le géomètre français [[Michel Chasles]] est l'un des premiers à réévaluer son rôle dans la mise en place de l'algèbre moderne, notamment dans ''Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en Géométrie''<ref>Michel Chasles, ''[https://books.google.com/books?id=SZIKAAAAYAAJ&hl=fr Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie]'', M. Hayez, 1837, {{p.|52}} et suivantes.</ref>. Il est suivi par [[Henry Hallam]]<ref>Henry Hallam : [https://books.google.fr/books?id=9cdWEXhd4ggC&pg=PA325&lpg=PA322 Histoire de la littérature de l'Europe: pendant les quinzième, seizième et dix-septième siècles (1839)]
traduit par  lphonse R. Borghers publié chez  Ladrange. {{p.|322-367}}.</ref>. Le {{date-|5|Mai|1841}}, Chasles rend hommage à Viète à l'Académie des sciences au travers d'une communication sur la nature des opérations algébriques<ref>{{Article|langue=Français|auteur1=Michel Chasles|titre=Note sur la nature des opérations algébriques|périodique=Comptes-Rendus des Séances de l'Académie des Sciences, vol.12|date=5 Mai 1841|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2971s/f741.item|pages=741-756}}.</ref>.
[[Image:Frédéric Ritter.JPG|thumb|left|[[Frédéric Ritter]].]]
En 1847, une lettre de [[François Arago]], secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, annonce son intention de tracer une biographie de François Viète<ref name="Notice"/>.

Il faut sans doute dater de cette époque le début d'un regain d'intérêt pour le fondateur de l'algèbre nouvelle et la réévaluation de l'importance de ses travaux.

Entre 1850 et 1890, le polytechnicien [[Frédéric Ritter]], nommé en poste en [[Fontenay-le-Comte]], reprend les traductions en français des œuvres de Viète. Il est son premier biographe contemporain avec [[Benjamin Fillon]]<ref>Benjamin Fillon, [https://books.google.com/books?id=N88vImer928C ''Inventaire des autographes et des documents historiques''].</ref>, [[Joseph Bertrand]] et [[Maximilien Marie]]. À la même époque (1863-1877), [[Émile Littré]] consacre Viète comme l'inventeur de l'algèbre littérale<ref>[http://littre.reverso.net/dictionnaire-francais/definition/algèbre/1656 La définition de Littré de l'algèbre].</ref>.

Entre 1934 et 1936, {{Lien|trad=Jacob Klein (philosopher)|fr=Jacob Klein (philosophe)|texte=Jacob Klein}}<ref>{{de}} Jacob Klein, ''Die griechische Logistik und die Entstehung der Algebra'' in: Quellen und Studien zur Geschichte der Mathematik, Astronomie und Physik, Abteilung B: Studien, Band 3, Erstes Heft, Berlin 1934, {{p.|18–105}} and Zweites Heft, Berlin 1936, {{p.|122–235}} ; traduction par Eva Brann : {{en}} ''Greek Mathematical Thought and the Origin of Algebra'', Cambridge, Mass. 1968 (en appendice : Viète, ''Introduction to the Analytical Art'', {{p.|315–353}}).</ref> affirme que les règles de la « logistique spécieuse » constituent le premier système axiomatique moderne<ref>Marco Panza : [http://hal.inria.fr/docs/00/11/67/44/PDF/MsPr.pdf Newton et les origines de l’analyse : 1664-1666 - (2002)].</ref>. À rebours, un chercheur contemporain comme Marco Panza, voit dans la « logistique spécieuse » la création d'une algèbre trans configurationnelle<ref>''Je suggère enfin qu'en parlant d'algèbre, dans le titre de son Opus, Viète se référait au système de techniques sous-jacentes à l'analyse trans-configurationnelle, c'est-à-dire à l'art de transformer les conditions de certains problèmes purement quantitatifs, en utilisant soit un formalisme approprié, concernant les opérations d'addition, soustraction, multiplication, division, extraction de racines et solution d'équations entières appliquées à des nombres indéterminés, soit des inférences géométriques non-positionnelles'', affirme Marco Panza, pour qui  la « nouvelle algèbre » de  Viète peut être vue comme le résultat de l’établissement d’un formalisme au sein duquel cette forme  d’analyse peut se dérouler (indépendamment de la considération de la nature spécifique des objets concernés) in Reheis, [http://www.rehseis.cnrs.fr/IMG/pdf/RAPPORT_SCIENTIFIQUE_0407-2.pdf Rapport Quadriennal 2004 - 2007], {{p.|55}}.</ref>.
En 1986, [[Barry Mazur]] le cite encore dans son exposé sur les équations diophantiennes<ref>{{Article|lang=en|auteur1=Barry Mazur|titre=Arithmetic on curves|revue=[[Bulletin of the American Mathematical Society|Bull. Amer. Math. Soc. (N. S.)]]|année=1986|vol=14|numéro=2|pages=207-259|url=http://projecteuclid.org/euclid.bams/1183553167}}, {{p.|211}}.</ref>, pour son sentiment que tous les problèmes pourront être résolus au moyen de [[#Art du bon raisonnemment|son approche systématique]], et rattache cette ambition au [[dixième problème de Hilbert]].

De nos jours, bien que sa contribution à la création de l'algèbre contemporaine soit encore sous-estimée par les historiens des sciences comme le souligne [[Marcel Berger]]<ref name="RDI"/>{{,}}<ref>[[Marcel Berger]] : [http://www2.ee.ufpe.br/codec/matematicosfranceses.pdf Cinq siècles en France de mathématiques] {{p.|31}}{{ISBN|2-914935-38-2}}.</ref>, de nombreuses études (voir notes et bibliographie) tendent à redonner toute son importance aux travaux du mathématicien des Parthenay. Bien que Viète n'ait pas été le premier mathématicien à proposer de noter les quantités inconnues d'un problème par des lettres ([[Jordanus Nemorarius]] l'avait déjà fait au {{s|XII}}), ces études font ressortir qu'il a eu le double mérite d'introduire les premiers éléments de calcul littéral et d'en forger une première axiomatique. Elles tendent à montrer qu'il est réducteur de résumer ses innovations à cette seule découverte, et le situent véritablement à la charnière de la transformation algébrique opérée au cours de la fin {{s mini-|XVI}} - début {{s-|XVII}}<ref>''[http://www.math93.com/symbolisme-algebrique.htm Le symbolisme mathématique : l'usage des lettres]'', sur le site math 93.</ref>{{,}}<ref>{{en}} [[Isabella Bashmakova|Izabella Grigorʹevna Bashmakova]], Galina S. Smirnova, Abe Shenitzer [https://books.google.com/books?hl=fr&id=eBefKDTfmO8C&q=the+step+taken+by#v=snippet&q=the%20step%20taken%20by&f=false The beginnings and evolution of algebra, {{vol.|19}}] {{p.|78}}.</ref>{{,}}<ref>Pierre Baumann : [http://www-irma.u-strasbg.fr/~baumann/polyh.pdf Histoire des mathématiques] {{p.|93}} et seq, sur le site de l'université de Strasbourg.</ref>.

Le centre d'épistémologie et d'histoire des sciences et des techniques de l'[[université de Nantes]] [[éponymie|porte son nom]]<ref>[http://www.sciences.univ-nantes.fr/cfv/ Centre François-Viète de Nantes].</ref>, ainsi que [[rue Viète|quelques rues]], le collège de sa ville natale<ref>[http://clg-viete-85.ac-nantes.fr/spip/ Collège François-Viète de Fontenay-le-Comte].</ref> et un autre à [[La Roche-sur-Yon]]<ref>[http://cdi-francois-viete.over-blog.com/articles-blog.html Collège François-Viète de La Roche-sur-Yon].</ref>. L'[[astéroïde]] {{PM1|31823|Viète}} porte également son nom.

== Notes et références ==
{{références nombreuses|taille=30}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
*[[Évelyne Barbin]]  et Anne Boyé (dir), ''François Viète : un mathématicien sous la Renaissance'', Paris, Vuibert, 2005.
*Jean-Paul Guichard, « L’algèbre nouvelle de Viète et ses héritiers », dans ''Circulation, transmission, héritage,'' actes du colloque de Caen, 28-29 mai 2010, IREM de Basse-Normandie, 2011 [http://www.univ-irem.fr/spip.php?article637 Sommaire sur le Portail des IREM]
* [[Michael Atiyah]], [[Alain Connes]], [[Freeman Dyson]] et [[David Mumford]], ''La Mathématique, les temps et les lieux'', Paris, [[CNRS]] éditions, 2009.
*''Dictionnaires des familles de l’Ancien Poitou publiés par Beauchet-Filleau, 1840-1979'', archives départementales de la Vendée, [https://web.archive.org/web/20061123033414/http://www.numerique.culture.fr/mpf/pub-fr/collection.pdf?id=FR-DC-AD085_002&base=dcollection&mime-type=application/pdf Société d'émulation de la Vendée]
*[[Joël Biard]] et [[Roshdi Rashed]] (éds.), ''Descartes et le Moyen Âge'', CNRS, Vrin, 1997 {{ISBN|978-2-7116-1340-3}}, {{lire en ligne|lien=https://books.google.com/books?id=al0FQdniQpEC}}.
* {{BouvItardSallé}}
* Édouard Charton, [https://books.google.com/books?id=cHsGAAAAQAAJ&pg=RA4-PA372&dq=%22viète%22+catholique&lr=&as_brr=3&client=safari&hl=fr#v=onepage&q=&f=false Magasin pittoresque, Volume 2]
* Gaston Godard, ''François Viète (1540-1603), père de l'algèbre moderne'', université de Paris-VII, France, Recherches vendéennes {{ISSN| 1257-7979}}.
* Jean-Paul Guichard et Jean-Pierre Sicre, « François Viète. Un juriste mathématicien » in ''Aventures scientifiques. Savants en Poitou-Charentes du {{sp-|XVI|au|XX}}'' (J. Dhombres, dir.), Poitiers, Les éditions de l’Actualité Poitou-Charentes, 1995 {{ISBN|2-911320-00-X}}, {{p.|222-235}}.
* {{en}} [[Michael Sean Mahoney]], ''The Mathematical Career of Pierre de Fermat, 1601-1665'', Princeton University Press, 1973, {{2e}} éd. 1994 {{ISBN|0691036667}}, [https://books.google.fr/books?hl=fr&id=My19IcewAnoC&pg=PA26 Viete's analytic program].

=== Liens externes ===
*[http://www.univ-irem.fr/spip.php?article1264 Viète], sur le Portail des IREM
*[http://www.bibmath.net/bios/index.php?action=affiche&quoi=viete François Viète], sur le site Bibmath de V&F Bayart
* [http://serge.mehl.free.fr/chrono/Viete.html Viète François], sur le site Chronomath de Serge Mehl
* [http://www.maths-et-tiques.fr/index.php/histoire-des-maths/mathematiciens-celebres/viete François Viète], sur le site du [[Collège en France|collège]] Albert-Camus ([[académie de Strasbourg]])

;Notices et ressources
{{liens}}
 
{{Portail|mathématiques|protestantisme|cryptologie|algèbre nouvelle et François Viète|Renaissance|Royaume de France}}
{{Article de qualité|oldid=47052005|date=22 novembre 2009}}

{{CLEDETRI:Viete, Francois}}
[[Catégorie:François Viète|*]]
[[Catégorie:Écrivain français de langue latine]]
[[Catégorie:Mathématicien français du XVIe siècle]]
[[Catégorie:Algèbre nouvelle]]
[[Catégorie:Avocat français du XVIe siècle]]
[[Catégorie:Conseiller du roi]]
[[Catégorie:Cryptologue français]]
[[Catégorie:Personnalité liée au Bas-Poitou]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université de Poitiers]]
[[Catégorie:Naissance en 1540]]
[[Catégorie:Naissance à Fontenay-le-Comte]]
[[Catégorie:Naissance dans la province du Poitou]]
[[Catégorie:Décès en février 1603]]
[[Catégorie:Décès à 63 ans]]
[[Catégorie:Décès à Paris]]
[[Catégorie:Éponyme d'un objet céleste]]