Voir la source de Horloge de Shortt

{{En-tête label|BA|année=2022}}
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|date=30 octobre 2022
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[[File:Shortt Synchronome free pendulum clock.jpg|vignette|Exemplaire {{Numéro|32}} conservé au [[National Institute of Standards and Technology]]. Le bâti sous vide est à gauche.|alt=Photographie de l'horloge avec à droite le cadran et à gauche le bâti sous vide.]]

L''''horloge de Shortt''' ou '''horloge Synchronome à balancier libre''' (Synchronome étant une [[Droit des marques|marque déposée]]) est un [[instrument de mesure]] du [[temps]] mis au point en 1921 par [[William Hamilton Shortt]], [[ingénieur]] [[Royaume-Uni|britannique]], qui est pendant plus de vingt ans la [[Histoire de la mesure du temps|méthode de mesure du temps]] la plus précise disponible, avec une dérive inférieure à une seconde par an. Aucune autre horloge à pendule n'a jamais été capable d'une plus grande précision. Une centaine d'horloges de ce type ont été produites par la société Synchronome entre 1922 et 1956. Elles ne sont devenues vraiment obsolètes qu'avec l'arrivée des [[Horloge atomique|horloges atomiques]]. 

Techniquement, cette horloge se caractérise par une architecture de [[Automatique#Asservissement|système asservi]], où un pendule ''maître'' (ou ''primaire''), situé dans un bâti [[Vide (physique)|sous vide]] et libre de toute connexion mécanique pour une précision maximale, régule un pendule ''esclave'' (ou ''secondaire'') qui contrôle l'horloge proprement dite. Elle est [[électromécanique]] : l'entretien du mouvement fait appel à des [[électroaimant]]s, l'asservissement est électrique.

Des horloges de ce type sont utilisées avant-guerre pour fournir une heure de référence, mission confiée aux observatoires. Leur extrême précision permet de mesurer des effets qui n'avaient jamais pu l'être auparavant, comme la fluctuation au cours de l'année de la vitesse de [[rotation de la Terre]], et les [[Calcul de marée|variations de la gravité]] dues à la position de la [[Lune]] et du [[Soleil]].

== Origine ==
[[Fichier:Master clock system.png|vignette|left|Réseau de synchronisation au début du {{s-|XX}} : une horloge mère produit des impulsions électriques qui actionnent les autres horloges.|alt=Schéma en noir et blanc d'une horloge au centre reliée à différents cadrans.]]

En 1895, les horlogers Frank Hope Jones et George Bennett Bowell fondent la société Synchronome, dans le quartier [[Londres|londonien]] de [[Clerkenwell]], où sont réunis nombre d'entreprises et d'artisans de ce domaine. Elle produit des horloges de précision, principalement des [[Horloge mère|horloges mères]] pour les besoins des compagnies ferroviaires<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Robert H. A.|nom1=Antiquarian Horological Society|titre=Synchronome|sous-titre=masters of electrical timekeeping|éditeur=Antiquarian Horological Society|année=2011|isbn=978-0-901180-50-6|isbn2=0-901180-50-5|oclc=746477758|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/746477758|consulté le=2022-10-02}}.</ref>. En effet à cette époque, les opérateurs ferroviaires sont d'importants donneurs d'ordres pour l'industrie horlogère, car ils ont besoin d'une excellente [[Synchronisation d'horloges|synchronisation]] des horloges utilisées par tous les maillons de leur réseau pour éviter les risques de collision<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Anthony John|nom1=Turner|prénom2=James|nom2=Nye|prénom3=Jonathan|nom3=Betts|titre=A general history of horology|éditeur=|année=2022|pages totales=777|passage=496|isbn=978-0-19-886391-5|isbn2=0-19-886391-8|oclc=1252700101|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1252700101|consulté le=2022-10-18}}.</ref>. 

Les horloges-mères produites par Synchronome et par ses concurrents sont électromécaniques. La plupart utilisent des électroaimants pour relancer le mouvement du pendule, en remplacement du poids suspendu à un fil qui constituait la source d'énergie des horloges traditionnelles. En outre, elles possèdent un moyen de traduire leur mesure du temps sous forme d'impulsions électriques, qui permettent de synchroniser des [[réseaux d'horloges]] filles, ou de confronter des horloges entre elles<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=J. B.|nom1=Williams|titre chapitre=Distributing Time: Clocks and Watches|titre ouvrage=The Electronics Revolution|éditeur=Springer International Publishing|date=2017|isbn=978-3-319-49087-8|doi=10.1007/978-3-319-49088-5_13|lire en ligne=http://link.springer.com/10.1007/978-3-319-49088-5_13|consulté le=2022-10-18|passage=118–125}}.</ref>. 

William Hamilton Shortt, né en 1881, fait ses études au [[Christ's College]], puis est employé par la ''London and Southwestern Railways'' en 1902, comme apprenti. Pendant ses années au sein de cette entreprise, il met au point, vers 1908, un nouveau type de [[tachymètre]] ferroviaire, et commence, à cette occasion, à s'intéresser à l'horlogerie. Dans les années suivantes, il travaille avec l'entreprise Synchronome, et de cette collaboration naît la nouvelle horloge mère. Lorsque la première horloge de Shortt est installée à l'[[Observatoire royal d'Édimbourg]] en 1921, ses performances sont telles que les commandes affluent. Shortt rejoint définitivement l'entreprise Synchronome (il en devient même par la suite président). Outre le prototype, {{nobr|99 horloges}} de ce type sont produites<ref>{{Article|langue=en|nom1=UNKNOWN|titre=OBITUARY. WILLIAM HAMILTON SHORTT,1881-1971.|périodique=Proceedings of the Institution of Civil Engineers|volume=50|numéro=3|date=1971-11|issn=1753-7789|doi=10.1680/iicep.1971.6100|lire en ligne=https://www.icevirtuallibrary.com/doi/10.1680/iicep.1971.6100|consulté le=2022-10-02|pages=396–397}}.</ref>.

== Principe de fonctionnement ==

Shortt n'a pas inventé un nouvel [[organe régulateur]] : il a poussé à la perfection le [[Pendule (régulateur d'horlogerie)|pendule]], organe régulateur proposé trois siècles plus tôt par [[Galilée (savant)|Galilée]] et mis en œuvre par [[Christian Huygens|Huygens]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Mark|nom1=Denny|titre=The pendulum clock: a venerable dynamical system|périodique=European Journal of Physics|volume=23|numéro=4|date=2002-07-01|doi=10.1088/0143-0807/23/4/309|lire en ligne=https://iopscience.iop.org/article/10.1088/0143-0807/23/4/309|consulté le=2022-10-17|pages=449–458}}.</ref>. Les horloges Synchronome antérieures à pendule unique possédaient un mécanisme d'entretien du mouvement du balancier, jouant le rôle de [[remontoir]], par la chute, à chaque rotation de la roue d'échappement, d'un levier qui vient donner une impulsion au pendule, puis est remis en place par l'action d'un électroaimant ; ce mécanisme a été breveté en 1915<ref>{{Brevet|GB191509527A}}.</ref>. 

L'horloge Shortt-Synchronome à balancier libre comprend, elle, deux pendules. Le pendule primaire (ou maître) fonctionne sous vide et est libre de toute connexion mécanique, ce qui permet une précision bien meilleure. Le balancier secondaire (ou esclave) actionne effectivement l'horloge. Il est doté d'une version améliorée du mécanisme d'échappement , qui, en plus de son rôle de [[remontoir]], assure aussi l'[[système asservi|asservissement]] au pendule primaire. Les deux pendules sont suffisamment éloignés, ou placés dans des [[Plan (mathématiques)|plans]] orthogonaux, pour éviter tout [[Sympathie des horloges|couplage]] entre eux<ref name=brevet>{{Brevet|GB187814A}}.</ref>. 

=== Pendule primaire ===

Le pendule primaire est totalement ''libre'', il n'actionne aucun mécanisme d'[[échappement (horlogerie)|échappement]]. L'air qui enveloppe le pendule d'une horloge influence son fonctionnement par deux mécanismes distincts. D'une part, la [[poussée d'Archimède]] exercée par l'air sur le pendule réduit son [[poids]] apparent (d'une quantité égale au poids d'un volume d'air équivalent), sans pour autant changer son [[inertie]]. Cela se traduit par un ralentissement du mouvement du pendule<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Contents of MC-7 Simple Pendulum |url=https://badger.physics.wisc.edu/lab/manual/node15_ct.html |site=badger.physics.wisc.edu |consulté le=2021-03-27}}.</ref>. D'autre part, la [[Traînée|traînée aérodynamique]] ralentit le pendule, notamment lorsqu'il passe par la position neutre (vitesse maximale). Ces effets sont dépendants des conditions atmosphériques ([[Pression atmosphérique|pression]], température et humidité) et induisent une erreur. Il existe différentes procédures de compensation pour les réduire<ref>{{Article |langue=en|prénom1=Douglas S. |nom1=Drumheller |titre=Barometric Compensation of a Pendulum |périodique=Journal of Applied Mechanics |volume=79 |numéro=061009 |date=2012-09-17 |issn=0021-8936 |doi=10.1115/1.4006766 |lire en ligne=https://doi.org/10.1115/1.4006766 |consulté le=2021-09-09 }}.</ref>.

Pour s'affranchir de ces causes d'erreur, le pendule primaire de l'horloge de Shortt est placé dans un bâti étanche en [[cuivre]]. Une [[Pompe à vide|pompe]] manuelle permet de créer un vide qui annule pratiquement ces effets, un [[manomètre]] permet de surveiller le niveau de vide. La pression à l'intérieur du bâti est normalement de {{nobr|20 [[Millimètre de mercure|torrs]]}}, soit {{unité|2660|pascals}}, 2,5 % de la pression atmosphérique<ref name=navalobs>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=United States Naval|nom1=Observatory|titre=Annual Report of the Naval Observatory|éditeur=U.S. Government Printing Office|année=1931|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=5gYLAAAAMAAJ|consulté le=2022-10-01}}.</ref>.

La pression dans le bâti est aussi utilisée comme variable d'ajustement de la vitesse du pendule aux conditions locales, c'est-à-dire pour tenir compte de la valeur exacte de la [[gravité]] à l'endroit où est installée l'horloge, valeur qui dépend de la [[latitude]] et, dans une moindre mesure, de l'altitude. Sur la grande majorité des horloges à pendule (et sur le pendule secondaire de l'horloge de Shortt), ce réglage est assuré en déplaçant une partie de la masse mobile à l'aide d'un pas de vis<ref name=ROG/>.

Une autre cause d'erreur sur une horloge à pendule est la [[dilatation thermique]] du bras. Celle-ci modifie la longueur ''l'' entre le pivot et le pendule, et donc la période d'oscillation. Dans l'exemple d'un bras en [[acier]], avec un coefficient de dilatation thermique {{unité|12.1|ppm/K}}, chaque [[kelvin]] de variation de température modifie la fréquence du pendule de {{nb|6 ppm}}, soit une demi-seconde d'erreur par jour. Plusieurs méthodes ont été utilisées dès le {{s-|XVIII}} pour réduire cette dépendance à la température. L'une des méthodes est le pendule à mercure : le pendule contient un [[thermomètre à mercure]], et la montée du mercure dans le tube avec la température, déplaçant le centre de gravité du pendule, compense l'allongement du bras. Une autre solution est d'utiliser [[Pendule (régulateur d'horlogerie)|un bras prenant la forme d'une grille]], qui fait travailler les coefficients de dilation de deux métaux différents en sens opposés pour les compenser<ref>{{Article |langue=en |prénom1=Efstratios |nom1=Kapotis |prénom2=Chrysoleon |nom2=Symeonides |titre=Learning from a Museum Exhibit: The Case of the 19th-Century Compensation ''Gridiron'' Pendulum |périodique=The Physics Teacher |volume=57 |numéro=4 |date=2019-04 |issn=0031-921X |doi=10.1119/1.5095374 |lire en ligne=http://aapt.scitation.org/doi/10.1119/1.5095374 |consulté le=2021-03-26 |pages=222–223}}.</ref>.

Shortt n'a pas besoin de recourir à ces méthodes car il dispose, pour réaliser le bras du pendule, de l'[[Invar]], un alliage fer-nickel dont la [[dilatation thermique]] est extrêmement faible, nettement inférieure à {{unité|2|ppm/K}}, un ordre de grandeur en dessous de tous les métaux usuels<ref>{{Lien web |langue=en-US |titre=Invar Iron-Nickel Low expansion alloy properties and uses |url=https://super-metals.com/industrial-resources/invar-iron-nickel-low-expansion-alloy-properties-and-uses/ |site=Heanjia Super Metals Co. Ltd. |date=2015-07-03 |consulté le=2021-09-09}}.</ref>. L'Invar est une invention encore récente, pour laquelle [[Charles Édouard Guillaume]] a reçu, en 1920, le [[prix Nobel de physique]]<ref>{{Lien web |langue=en-US |titre=The Nobel Prize in Physics 1920 |url=https://www.nobelprize.org/prizes/physics/1920/guillaume/speech/ |site=NobelPrize.org |consulté le=2022-05-24}}.</ref>. La dilatation de l'Invar n'est cependant pas nulle : pour la compenser, la masse mobile est fixée à l'extrémité du bras par une pièce en laiton, dont la dilatation raccourcit le bras effectif, compensant celle du bras en Invar<ref>{{Article|langue=en|prénom1=W H|nom1=Shortt|titre=The Dissipation of Energy by a Pendulum Oscillating in Air at Low Pressures|périodique=Proceedings of the Physical Society. Section B|volume=63|numéro=6|date=1950-06-01|issn=0370-1301|doi=10.1088/0370-1301/63/6/109|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1088/0370-1301/63/6/109|consulté le=2022-10-18|pages=456–458}}.</ref>.

La masse mobile, qui pèse un peu plus de {{unité|6|kg}}, est en [[plomb typographique]]. Vers 1930, ce lest est remplacé sur certaines horloges par un poids en Invar. En effet, le plomb est un métal [[Malléabilité|malléable]], et il s'est avéré que les masses mobiles en plomb se sont déformées au fil des ans sous l'effet de leur propre poids, ce qui a augmenté la longueur effective du bras du pendule et ralenti la marche des horloges<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Extracts from the Reports of the Astronomer Royal relating to the Time Service (1912-1964) |url=http://www.royalobservatorygreenwich.org/articles.php?article=1287 |site=royalobservatorygreenwich.org |consulté le=2022-10-22}}</ref>.

{{Gallery |title=Pendule primaire |width=130 |height=110 |lines=4 |align=center |footer=
|Fichier:Master-clock.JPG|Tête du pendule primaire.|alt1=globe en verre sur un tube en cuivre, mécanismes.
|Fichier:Riefler clock NIST.jpg|L'horloge de Riefler, qui comportait déjà un pendule sous vide.|alt2=horloge entièrement mécanique dans une capsule en verre.
|File:Pompa-prozniowa.JPG|La pompe à vide.|alt3=pompe manuelle ancienne, en cuivre.
|File:Shortt4.ogv|Pendule primaire en fonctionnement.|alt4=vidéo du pendule primaire.
}}

=== Pendule secondaire ===

Le pendule secondaire est celui qui actionne l'échappement, et donc le train d'engrenages de l'horloge. Il est dimensionné pour être infinitésimalement plus lent que le pendule primaire : sans le mécanisme d'asservissement, il prendrait six secondes de retard par jour. L'échappement est à coup perdu, c'est-à-dire que la roue d'échappement n'est pas activée à chaque passage au neutre du pendule, mais seulement dans un sens et donc, dans le cas présent, toutes les deux secondes. Un doigt (noté (3) dans la photo ci-dessous) rattaché au bras du pendule secondaire (qui est, comme le primaire, en Invar) fait avancer la roue d'échappement, qui fait un tour complet en {{nobr|30 secondes}}. Ce mouvement est démultiplié par des engrenages pour afficher les minutes et les heures sur le cadran, comme sur n'importe quelle horloge mécanique<ref name=ROG>{{Lien web |langue=en|titre=Astronomical Regulators: Shortt 'free-pendulum' clocks Nos: 3, 11, 16, 40, 49, 61, 66 & 67 |url=http://www.royalobservatorygreenwich.org/articles.php?article=1327 |site=royalobservatorygreenwich.org |consulté le=2022-10-05}}.</ref>.

{{Gallery |title=Balancier secondaire |width=130 |height=110 |lines=4 |align=center |footer=
|Fichier:Shortt2.ogv|Pendule secondaire en fonctionnement.|alt1=vidéo du pendule en fonctionnement.
|File:Tarcza-od-tyłu.JPG|Train d'engrenage et circuits électriques.|alt2=appareillages électriques et mécaniques sur un panneau en bois.
|File:Niewolnik.JPG|Cadrans.|alt3=face d'une horloge, trois cadrans.
}}

=== Asservissement ===

{{multiple image
 | footer    = Éléments techniques. (1) bras du pendule secondaire, (2) roue d'échappement, (3) pièce de transmission pour l'entretien, (4) pêne du levier, (5) galet, (6) contact électrique, (7) électroaimant, (8) levier, (9) roue, (10) électroaimant, (11) électroaimant, (12) ressort-lame, (13) palette.
 | width     = 240
|align = center
 | image1    = Zasada1.JPG
 | alt1      = pendule esclave

 | image2    = Zasada2.JPG
 | alt2      = pendule maître

|image3 = Shortclock_schema_fr.svg
|alt3 = schéma technique
}}

Toutes les {{nobr|30 secondes}}, à chaque rotation de la roue d'échappement (2) liée au pendule secondaire, s'active le mécanisme d'entretien et d'asservissement. D'abord, une tige solidaire de la roue d'échappement vient décrocher le pêne (4) qui maintenait en place le levier en équerre, qui tombe sous l'effet de son propre poids. Ce levier porte le [[Galet (mécanique)|galet]] (5) qui vient appuyer sur la pièce (3) solidaire du bras (1) du pendule esclave. C'est un apport d'énergie, qui entretient le mouvement. Le chute du levier vient aussi actionner l'[[interrupteur]] (6), fermant un [[circuit électrique]]. Alors, un même courant électrique passe dans les [[électroaimant]]s (7) et (10), montés en série. L'électroaimant (7) provoque la remontée du levier et la remise en place du pêne, ce qui prépare le prochain cycle<ref name="ROG" />.

Au même instant, dans le bâti sous vide, l'électroaimant (10) provoque la chute du levier (8) qui vient relancer le pendule primaire, en exerçant une légère pression sur la roue (9). L'apport d'énergie est minime, car le pendule primaire perd très peu d'énergie : son [[facteur de qualité]] est de {{formatnum:110000}}. Le contact mécanique ne dure que {{unité|0,3 seconde}}, le pendule primaire est donc parfaitement libre 99 % du temps<ref name="+1">{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Robert J.|nom1=Matthys|titre=Accurate clock pendulums|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=2004|pages totales=274|isbn=0-19-852971-6|isbn2=978-0-19-852971-2|isbn3=978-0-19-151368-8|oclc=314217582|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/314217582|consulté le=2021-03-24}}.</ref>. Une fois sa course terminée et le pendule écarté, le levier déclenche le mouvement du marteau qui remet en place le mécanisme du levier et ferme alors un deuxième [[contact électrique]], faisant passer un courant dans l'électroaimant (11), lequel provoque un mouvement du ressort-lame (12). Alors, deux cas de figure sont possibles, définissant la procédure d'asservissement que Shortt appelle {{en|texte=''hit and miss''}}. Si le pendule secondaire est en retard par rapport au pendule primaire, une petite impulsion mécanique lui est donnée quand la lame (12) percute la palette (13), ce qui accélère son mouvement. La durée de cette oscillation est alors réduite d'environ 1/{{240e}} de seconde, c'est un ''hit''. Si le pendule secondaire est en avance, il n'est pas relancé, c'est un ''miss''. Le pendule secondaire prend 1/{{480e}} de seconde de retard par période de {{nobr|30 secondes}} (six secondes par jour), si bien que les deux situations sont à peu près équiprobables : il y a approximativement une alternance de ''hit'' et de ''miss''. Ce système garantit qu'en moyenne, le pendule secondaire maintient le même rythme que le primaire, il peut être considéré comme une forme électromécanique de [[boucle à phase asservie]]<ref name="ROG" />.

== Commercialisation et utilisation ==

L'horloge de Shortt est un instrument scientifique coûteux et complexe à entretenir, elle n'est jamais [[Production en série|produite en grand nombre]]. Le premier exemplaire de série, après le prototype d'Edimbourg, est utilisé à partir de 1923 à l'[[Observatoire de Greenwich]]<ref>{{Article|langue=en|titre=Errata|périodique=Monthly Notices of the Royal Astronomical Society|volume=110|numéro=1|date=1950-02-01|issn=0035-8711|issn2=1365-2966|doi=10.1093/mnras/110.1.83|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1093/mnras/110.1.83|consulté le=2022-05-24|pages=83–83}}.</ref>.

Ce dernier, qui fait autorité en matière de mesure du temps, possède au total huit horloges de Shortt, dont cinq sont réglées au [[temps sidéral]] et trois au [[Temps solaire|temps solaire moyen]]. À partir de 1927, un émetteur radio est utilisé : il émet des signaux de synchronisation provenant d'une des horloges de Shortt, pour donner une référence de temps utilisable partout. À partir de 1938, le signal de toutes les horloges est moyenné pour obtenir une référence encore plus précise<ref name=ROG/>.

Auparavant, la référence absolue de mesure du temps était la [[rotation de la Terre]]. L'horloge de Shortt, pour la première fois, est plus précise que la rotation de la Terre, et elle permet de prouver que celle-ci accélère ou ralentit très légèrement au cours de l'année, sous l'effet de la [[marée solide]]<ref>{{en}} JACKSON, J. Clocks, Shortt, and the earth's rotation. ''Monthly Notices of the Royal Astronomical Society'', 1929, vol. 89, {{p.|239-250}}.</ref>.

La Pologne a acheté cinq exemplaires pour équiper ses observatoires. L'une d'elles, portant le numéro 98, est toujours en fonctionnement au [[XXIe siècle|{{s-|XXI|e}}]] à l'observatoire astronomique d'[[Olsztyn]]<ref name=pl>{{Lien web |langue=en |titre=Zegar Shortta - www |url=https://www.xn--meb.pisz.pl/Zegar_Shortta |site=www.xn--meb.pisz.pl |consulté le=2022-10-15}}.</ref>.

En 1929, l'inventeur américain Alfred Lee Loomis, connu principalement pour avoir créé le système de [[radionavigation]] aéronautique [[LORAN]], a fait l'achat de trois horloges de Shortt. Il les a payées {{nobr|240 [[livre sterling|livres sterling]]}} chacune<ref>{{Article|langue=en|prénom1=L. W.|nom1=Alvarez|périodique=national academy of sciences|titre=ALFRED LEE LOOMIS|date=1977-07-01|lire en ligne=https://escholarship.org/uc/item/91h5p8dc|consulté le=2022-10-16}}.</ref>{{,}}<ref>Cette somme s'[[Actualisation|actualise]] à environ {{unité|11500|livres}} en 2022 selon {{Lien web |langue=en |titre=Inflation calculator |url=https://www.bankofengland.co.uk/monetary-policy/inflation/inflation-calculator |site=www.bankofengland.co.uk |consulté le=2022-10-16}}.</ref>.

== L'expérience gravimétrique de 1929 ==
[[File:Tuning fork oscillator frequency standard.jpg|thumb|left|Oscillateur à quartz confronté à l'horloge de Shortt.|alt=Photographie noir et blanc d'un bloc métallique avec l'oscillateur.]]
La [[fréquence]] d'un [[pendule simple]] est proportionnelle à <math>\sqrt{g}</math>, ''g'' étant la valeur de l'[[accélération de la gravité]]. Ainsi, mesurer la dérive d'une horloge à pendule est un moyen indirect de [[gravimétrie|mesurer l'accélération de la gravité]]. Cela nécessite bien sûr de pouvoir comparer la marche de l'horloge à une référence qui n'est pas influencée par la gravité (et pour cela ne fonctionne pas avec un pendule). C'est cette méthode (avec un pointage astral comme référence) qui a permis, en 1672, en mesurant la différence de gravité entre Paris et Cayenne, de prouver que la Terre n'était [[Figure de la Terre|pas parfaitement sphérique]]<ref name="+2"/>. L'accélération de la gravité varie (au septième [[chiffre significatif]]<ref name="+1" />) selon la position apparente de la [[Lune]] et du [[Soleil]], ce qui cause les [[marée]]s. En 1928, le géophysicien britannique [[Harold Jeffreys]] calcule l'influence que chacun des termes de marées peut avoir sur une horloge à pendule<ref name="+2"/>. 

L'horloge de Shortt est si précise qu'elle a permis de mettre en évidence cette variation. Alfred Loomis décide de procéder à l'expérience, et la finance lui-même. Il possède trois horloges de Shortt dans son laboratoire personnel à [[Tuxedo Park (New York)|Tuxedo Park]]. Il établit une connexion électrique dédiée avec le laboratoire [[Laboratoires Bell|Bell Labs]], où l'ingénieur Warren Marrison dispose d'une référence non influencée par la gravité : un [[Quartz (électronique)|oscillateur à quartz]] de son invention. L'oscillateur à quartz envoie un [[signal électrique]] toutes les millisecondes. Pour comparer les signaux, un enregistreur a été développé : une bande de papier avance lentement dans un appareil, qui enregistre les instants d'intérêt en produisant des étincelles qui marquent le papier. Un signal à {{unité|10|Hz}} est enregistré, [[Sous-échantillonnage|sous-échantillonné]] à partir du signal à {{unité|1000|Hz}} du quartz. Par ailleurs, les signaux venant de la régulation des trois horloges de Shortt (toutes les {{nobr|30 secondes}}) sont aussi enregistrés sur le même support. L'expérience dure {{nobr|147 jours}}. Le dépouillement des résultats montre la [[différence de marche]] entre l'horloge de Shortt et le quartz sur la période de {{heure|23|37}} du mouvement apparent de la Lune : les horloges prennent de l'avance ou du retard selon que la gravité de la Lune s'ajoute à la gravité terrestre ou s'en soustrait, suivant les prévisions de Jeffrey. La fluctuation totale est de moins de {{unité|500|µs}}<ref name="+2">{{Article |langue=en |prénom1=Duncan C. |nom1=Agnew |titre=Time and tide: pendulum clocks and gravity tides |périodique=History of Geo- and Space Sciences |volume=11 |numéro=2 |date=2020-09-16 |issn=2190-5029 |doi=10.5194/hgss-11-215-2020 |lire en ligne=https://hgss.copernicus.org/articles/11/215/2020/ |consulté le=2021-03-24 |pages=215–224 }}.</ref>.

== Expertise en 1984 ==

En 1984, l'ingénieur Pierre Boucheron obtient l'autorisation d'utiliser une horloge de Shortt conservée au musée de l'[[US Naval Observatory]] pour mesurer sa précision, en la comparant à une [[horloge atomique]]. Pour mesurer directement le mouvement du balancier primaire, il utilise une méthode optique : un faiseau lumineux est envoyé vers le bras du balancier ; à chaque oscillation du pendule, deux photodétecteurs sont successivement excités par la lumière réfléchie, activant un circuit électronique de comptage (qui active aussi, toutes les {{nobr|30 secondes}}, le mécanisme d'entretien). Il ressort de ces tests que la dérive de l'ancienne horloge est de l'ordre d'une seconde tous les douze ans, précision meilleure que les estimations contemporaines<ref name="+2" />{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=P. H|nom1=BOUCHERON|titre=Just How Good was the Shortt Clock?|périodique=Just How Good was the Shortt Clock?|volume=27|numéro=235|date=1985|lire en ligne=https://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=12130302|consulté le=2022-10-16|pages=165–173}}.</ref>.

== Exemplaires conservés ==

Le prototype est exposé au [[musée national d'Écosse]]<ref>{{Lien web |langue=en |titre=The Shortt Free-pendulum Clock |url=https://www.nms.ac.uk/explore-our-collections/collection-search-results/ |site=National Museums Scotland |consulté le=2022-10-22}}</ref>. Trois des horloges de Shortt de l'observatoire royal de Greenwich sont conservées, mais ne sont pas exposées<ref>{{Lien web |langue=en|titre=Shortt master and slave clock system No 16 {{!}} Royal Museums Greenwich |url=https://www.rmg.co.uk/collections/objects/rmgc-object-79649 |site=rmg.co.uk |consulté le=2022-10-17}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en|titre=Shortt master and slave clock system No 40 {{!}} Royal Museums Greenwich |url=https://www.rmg.co.uk/collections/objects/rmgc-object-242157 |site=rmg.co.uk |consulté le=2022-10-17}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en|titre=Shortt Free Pendulum System, No. 3, Designed by William Hamilton Shortt and manufactured by the Synchronome Co. Ltd. 32-34 Clerkenwell Road, London {{!}} Royal Museums Greenwich |url=https://www.rmg.co.uk/collections/objects/rmgc-object-79644 |site=rmg.co.uk |consulté le=2022-10-17}}.</ref>. 

Aux États-Unis, on peut voir l'horloge {{N°|32}} au musée du [[National Institute of Standards and Technology]]. Cet exemplaire a été l'horloge de référence pour tout le pays<ref>{{Article|langue=en|titre=Shortt Electro-Mechanical Clock|périodique=NIST|lire en ligne=https://www.nist.gov/image/p15421coll3891fulljpg|date=2020|consulté le=2022-10-15}}.</ref>.

Deux des horloges polonaises ont été préservées et exposées : la {{N°|14}} au ''Główny Urząd Miar'' (office central des mesures polonais), la {{N°|30}} à l'[[observatoire de Poznań]]<ref name=pl/>. La {{N°|8}} est visible en Australie, au [[Powerhouse Museum]] de [[Sydney]]<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Shortt 'No. 8' sidereal regulator clock and accessories |url=https://collection.maas.museum/object/230534 |site=collection.maas.museum |consulté le=2022-10-16}}.</ref>. La {{N°|5}} est conservée en réserve dans un autre musée australien, à [[Melbourne]], elle n'est pas exposée<ref>{{Lien web |langue=en|titre=Free Pendulum Clock - William Shortt & Synchronome Co, Impulse Type, No.5, London, England, 1925 |url=https://collections.museumsvictoria.com.au/items/407878 |site=Museums Victoria Collections |consulté le=2022-10-16}}.</ref>.

== Horloges similaires ==

L'horloge astronomique à pression constante [[L.Leroy|Leroy]] est utilisée en France à la même époque que l'horloge de Shortt. Elle est légèrement moins précise que cette dernière, mais beaucoup plus simple dans sa conception<ref>{{Lien web |titre=Horloge astronomique (régulateur astronomique Leroy à pression constante No 1394) |url=https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/IM67014764 |site= pop.culture.gouv.fr |consulté le=2022-10-16}}.</ref>{{,}}<ref name="+2"/>.

L'horloge de Fedchenko est une horloge à pendule libre mise au point en 1958 en [[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]]. Elle n'a plus besoin de pendule secondaire, le mouvement du pendule libre est directement détecté par un couplage électromagnétique, et totalisé par un circuit électronique qui remplace ainsi l'échappement. Elle pourrait, selon certaines sources, être encore plus précise que l'horloge de Shortt, mais l'écart est de l'ordre de la variabilité individuelle entre exemplaires. À cette époque, il existe déjà des horloges atomiques, l'horloge de Fedchenko n'est donc jamais utilisée comme horloge de référence, mais uniquement pour la gravimétrie<ref>{{Article|langue=en|prénom1=N. I.|nom1=Kolosnitsyn|titre=Type AChF-3 pendulum astronomical clock as a precision gravimetric instrument|périodique=Measurement Techniques|volume=25|numéro=4|date=1982-04|issn=0543-1972|issn2=1573-8906|doi=10.1007/BF00827416|lire en ligne=http://link.springer.com/10.1007/BF00827416|consulté le=2022-10-16|pages=326–328}}.</ref>.

== Notes et références ==
{{références}}

== Annexes ==

=== Articles connexes ===
* [[Horloge mère]]
* [[Histoire de la mesure du temps]]
* [[Pendule (régulateur d'horlogerie)]]
* [[Gravimétrie]]
* [[Temps universel coordonné]]

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Robert H. A.|nom1=Antiquarian Horological Society|titre=Synchronome|sous-titre=masters of electrical timekeeping|éditeur=|année=2019|isbn=978-0-901180-55-1|isbn2=0-901180-55-6|oclc=1108701496|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1108701496|consulté le=2022-05-24}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=F.|nom1=Hope-Jones|titre=Electrical Timekeeping.|éditeur=Vogt Press|année=2010|isbn=978-1-4474-9891-9|isbn2=1-4474-9891-7|oclc=1152205206|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1152205206|consulté le=2022-05-24}}.
* {{chapitre|auteur=Tony Jones|titre chapitre =L'horloge de Shortt|titre ouvrage=Combien dure une seconde ?|page=47-49|url={{Google Livres|id=Xg6wH_MM3n4C|page=47}} }}

{{portail|Horlogerie|physique|temps}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=198249721|date=1 novembre 2022}}

[[Catégorie:Horloge|Shortt]]
[[Catégorie:Invention britannique]]