Voir la source de Intrication quantique

{{Voir homonymie|Quantique}}[[File:SPDC figure (fr).png|thumb|Vue d'artiste d'un système de génération de deux photons intriqués.]]
En [[mécanique quantique]], l''''intrication quantique''', ou '''enchevêtrement quantique''', est un phénomène dans lequel deux particules (ou groupes de particules) forment un système lié et présentent des [[État quantique|états quantiques]] dépendant l'un de l'autre quelle que soit la distance qui les sépare. Un tel état est dit « intriqué » ou « enchevêtré », parce qu'il existe des [[Corrélation (statistiques)|corrélations]] entre les [[Observable|propriétés physiques observées]] de ces particules distinctes. En effet, le [[Inégalités de Bell|théorème de Bell]] démontre que l'intrication donne lieu à des actions non locales. Ainsi, deux objets intriqués O<sub>1</sub> et O<sub>2</sub> ne sont pas indépendants même séparés par une grande distance, et il faut considérer {O<sub>1</sub>+O<sub>2</sub>} comme un système unique.

Cette observation est au cœur des discussions philosophiques sur l'[[Mécanique_quantique#Interprétation|interprétation de la mécanique quantique]]. En effet, elle remet en cause le [[Principe de localité (physique)|principe de localité]] défendu par [[Albert Einstein]] mais sans le contredire tout à fait car des échanges d'informations à une vitesse [[wikt:supraluminique| supraluminique]] restent impossibles et la [[causalité (physique)|causalité]] est respectée.

L'intrication quantique a des applications potentielles dans les domaines de l'[[information quantique]], tels que la [[cryptographie quantique]], la [[téléportation quantique]] ou l'[[ordinateur quantique]].

== Histoire ==
Le caractère surprenant des états intriqués a pour la première fois été souligné par [[Albert Einstein|Einstein]], [[Boris Podolsky|Podolsky]] et [[Nathan Rosen|Rosen]] dans un article de 1935 qui tentait de montrer que la mécanique quantique était incomplète. Cette interprétation fut l'objet d'une polémique à vie avec [[Niels Bohr]] que l'on nommera le débat "Bohr-Einstein"<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022 |url=https://lejournal.cnrs.fr/articles/alain-aspect-prix-nobel-de-physique-2022 |site=CNRS Le journal |consulté le=2022-11-24}}</ref>. Dans cet article, les auteurs décrivent une [[expérience de pensée]] qui restera connue comme le [[paradoxe EPR]]. Mais ce qu'Einstein a nommé « [[Action à distance|action fantôme à distance]] »{{Note|texte={{de}} ''spukhafte Fernwirkung'', lettre de Einstein à [[Max Born]], 3 mars 1947, dans ''The Born-Einstein Letters; Correspondence between Albert Einstein and Max and Hedwig Born from 1916 to 1955'', Walker, New York, 1971.}} parce qu'il n'y croyait pas, a été largement vérifié et confirmé par les physiciens expérimentateurs{{sfn|Gisin|2012|p=55}}.

L'[[Expérience d'Aspect|expérience d'Alain Aspect]] a démontré de façon quasi irréfutable, avec seulement l'échappatoire de détection, la violation des [[inégalités de Bell]], établissant un résultat en vue de la validation du phénomène d'intrication quantique et des hypothèses de [[Principe de localité (physique)|non-localité]]. Des expériences démontrant ce phénomène ont ensuite été réalisées sur des distances de plus en plus grandes depuis les années 1980 :

* en 2015, l'intrication a été prouvée sur deux électrons séparés de {{unité|1300|mètres}}<ref>{{Article |langue=en |prénom1=B. |nom1=Hensen |prénom2=H. |nom2=Bernien |prénom3=A. E. |nom3=Dréau |prénom4=A. |nom4=Reiserer |titre=Loophole-free Bell inequality violation using electron spins separated by 1.3 kilometres |périodique=Nature |volume=526 |numéro=7575 |date=2015-10 |issn=1476-4687 |doi=10.1038/nature15759 |lire en ligne=https://www.nature.com/articles/nature15759 |consulté le=2020-04-24 |pages=682–686 }}</ref>
* en 2017, Juan Yin ''et al.'' (université des sciences et des technologies de [[Hefei]], en Chine) ont envoyé des photons intriqués depuis le satellite [[QUESS]] ''(Quantum Experiments at Space Scale)'', orbitant à {{unité|500|km}}, vers des stations terrestres séparées de {{unité|1203|kilomètres}} {{incise|[[Delingha]], dans le nord du [[plateau tibétain]] et l’observatoire Gaomeigu de [[Lijiang]]|stop}}<ref>{{article|auteur=Loîc Mangin|périodique=Pour la science|numéro=478|titre=Distance record pour l'intrication quantique|date=août 2017|passage=9|consulté le=10 août 2018}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Gabriel Popkin |titre=China’s quantum satellite achieves ‘spooky action’ at record distance |traduction titre=Un satellite quantique chinois réalise l'« action fantôme » à une distance record |url=http://www.sciencemag.org/news/2017/06/china-s-quantum-satellite-achieves-spooky-action-record-distance |date=15 juin 2017 |site=sciencemag.org |consulté le=4 juillet 2017}}.</ref>.

L'équipe d'Eli Megidish a réalisé des expériences entre 2012 et 2013 montrant qu'en plus de la dimension spatiale, l'intrication avait aussi lieu dans le temps : à partir d'une paire de photons intriqués, ils ont mesuré l'un d'eux (noté 1) ce qui l'a fait disparaître, puis le second photon (noté 2) a interagi avec un photon d'une autre paire intriquée (noté 3) ; ils ont démontré qu'il existait une corrélation entre le photon 1 et le second photon de la deuxième paire (noté 4). Les photons 1 et 4 n'ont jamais coexisté, ce qui prouve que la non-localité s'applique aussi dans le temps<ref>{{Lien web |auteur=Thomas Boisson |titre=L’intrication quantique a lieu à la fois dans le temps et l’espace |url=https://trustmyscience.com/intrication-quantique-temps-espace/ |date=16 avril 2018 |site=Trust My Science}}.</ref>.

En 2016, trois chercheurs du laboratoire de la mémoire quantique à l'[[université de Varsovie]] ont annoncé avoir réussi à intriquer un photon avec un objet macroscopique constitué de {{unité|1000|milliards}} d'atomes de [[rubidium]]. La [[Diffusion des ondes|diffusion]] de photons uniques sur ce groupe d'atomes permet de retrouver leur [[état quantique]] à l'aide d'une caméra sophistiquée capable de restituer l'information contenue dans ces photons. L'information répartie sur un grand nombre d'atomes est conservée même si l'un d'entre eux est enlevé. Une seconde expérience a permis de construire ainsi une sorte de mémoire quantique, stockant 12 photons, sur une durée de plusieurs microsecondes<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Université de Varsovie |titre=Quantum entanglement between a single photon and a trillion rubidium atoms |url=https://phys.org/news/2017-03-quantum-entanglement-photon-trillion-rubidium.html |date=2 mars 2017 |site=phys.org}}.</ref>.

En 2019, une équipe de physiciens de l'université de Glasgow photographie pour la première fois l'intrication quantique entre deux particules<ref>{{Lien web |auteur=Jean-Paul Fritz |titre=Le phénomène qui effrayait Albert Einstein vient d’être photographié |url=https://www.nouvelobs.com/sciences/20190716.OBS15967/le-phenomene-qui-effrayait-albert-einstein-vient-d-etre-photographie.html |date=16 juillet 2019 |site=nouvelobs.com |consulté le= 29 décembre 2019}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Jeanne Travers |titre=Physique quantique : cette photo inédite confirme une théorie d'Albert Einstein |url=https://www.maxisciences.com/physique/physique-quantique-cette-photo-inedite-confirme-une-theorie-d-albert-einstein_art43609.html |date=8 août 2019 |site=maxisciences.com |consulté le= 29 décembre 2019}}.</ref>.

En 2023, deux équipes américaines réalisent pour la première fois l'intrication de deux [[molécule]]s (de [[fluorure de calcium]], CaF)<ref>{{Article| langue=en| titre= Individual molecules are entangled for the first time| auteur1=Jennifer Sieben| périodique=[[Physics Today]]| date=21 décembre 2023| doi=10.1063/PT.6.1.20231221a| accès doi=libre| consulté le=6 janvier 2024}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article| langue=en| titre=Dipolar spin-exchange and entanglement between molecules in an optical tweezer array| auteur1=Yicheng Bao| auteur2=Scarlett S. Yu| auteur3=Loïc Anderegg| auteur4=Eunmi Chae| auteur5=Wolfgang Ketterle| et al.=oui| périodique=[[Science (revue)|Science]]| volume=382| numéro=6675| date=7 décembre 2023| pages=1138-1143| doi=10.1126/science.adf8999}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article| langue=en| titre=On-demand entanglement of molecules in a reconfigurable optical tweezer array| auteur1=Connor M. Holland| auteur2=Yukai Lu| auteur3=Lawrence W. Cheuk| périodique=[[Science (revue)|Science]]| volume=382| numéro=6675| date=7 décembre 2023| pages=1143-1147| doi=10.1126/science.adf427}}.</ref>.

== Définition ==
Il est plus aisé de définir ce qu'est un état non intriqué, ou séparable, que de définir directement ce qu'est un état intriqué. <!-- Tout ce passage est incohérent (l'intrication n'est '''pas''' une onde, et rien ne se propage dans l'espace de configuration (à quelle vitesse, d'ailleurs, sachant, cf. Aspect, qu'on dépasse forcément c ?). Je demande à voir un fac-similé de la source, parce que Nicolas Gisin, c'est pas vraiment n'importe qui... 

Selon le formalisme mathématique de la mécanique quantique, l'intrication est décrite comme une onde se propageant dans l'[[espace de configuration]]. Le nombre de dimensions de l'espace de configuration est égal à trois fois le nombre de particules intriquées. Dans cet espace, une particule projette deux « particules ombres » dans notre espace à trois dimensions. De fait un évènement local dans cet espace implique des particules distantes dans le nôtre, ce qui correspond à une explication plus mathématique que physique d'autant plus que le nombre de dimensions de l'espace de configuration dépend d'un nombre de particules variable en fonction du temps<ref group=note>Nicolas Gisin - L'impensable hasard - chapitre 5 - Origine des corrélations quantiques - Edition Odile Jacob.</ref>. -->

=== État pur ===

Dans le cas où le système global {S<sub>1</sub>+S<sub>2</sub>} peut être décrit par un [[notation bra-ket|vecteur d'état]], son [[état quantique|état]] est un [[espace vectoriel|vecteur]] de l'[[espace de Hilbert]] <math>H_1 \otimes H_2</math>, produit tensoriel des deux espaces de Hilbert <math>H_1</math> et <math>H_2</math>. Certains états peuvent s'écrire sous la forme d'un [[produit tensoriel]] entre un état de S<sub>1</sub> et un état de S<sub>2</sub> :
: <math> |\Psi_{1+2}\rangle = |\psi_{1}\rangle \otimes |\psi_{2}\rangle = |\psi_{1}\rangle\ |\psi_{2}\rangle</math>
Ces états sont appelés ''états séparables'' ou ''factorisables''. Le système S<sub>1</sub> est dans un état quantique clairement identifié, <math>|\psi_{1}\rangle</math>, qui n'est pas altéré par les mesures effectuées sur S<sub>2</sub>.

Un ''état intriqué'' est par définition un état non séparable, qui s'écrit en général sous la forme
: <math> |\Psi_{1+2}\rangle = a\ |\varphi_{1}\rangle\ |\varphi_{2}\rangle + b\ |\psi_{1}\rangle\ |\psi_{2}\rangle + \dots</math>

C'est donc une [[Principe de superposition quantique|superposition d'états]] d'un système biparti. Pour illustrer la différence entre états séparables et intriqués, supposons par exemple que <math>\{|+\rangle_1,|-\rangle_1\}</math> forme une base de l'espace <math>H_1</math>, et <math>\{|+\rangle_2,|-\rangle_2\}</math> une base de l'espace <math>H_2</math>. L'état :

: <math> |\Psi_{\text{sep}}\rangle = \frac{1}{\sqrt 2}\left(|+\rangle_1|-\rangle_2 - |-\rangle_1|-\rangle_2\right) =
\frac{1}{\sqrt 2}(|+\rangle_1 - |-\rangle_1) \otimes |-\rangle_2</math> 

est un état séparable, puisqu'il peut être factorisé comme indiqué ci-dessus, tandis que l'état :

: <math> |\Psi_{\text{int}}\rangle = \frac{1}{\sqrt 2}\left(|+\rangle_1|-\rangle_2 - |-\rangle_1|+\rangle_2\right)</math> 

est un état intriqué.
{{Boîte déroulante|titre=Démonstration|
contenu=Si <math> |\Psi_{\text{int}}\rangle</math> était un état factorisable, on devrait pouvoir l'écrire sous la forme générale :

: <math> \frac{1}{\sqrt 2}\left(|+\rangle_1|-\rangle_2 - |-\rangle_1|+\rangle_2\right) =  (a|+\rangle_1 + b|-\rangle_1) \otimes (c|+\rangle_2 + d|-\rangle_2), </math>

où <math>a</math>, <math>b</math>, <math>c</math> et <math>d</math> sont quatre [[Nombre complexe|nombres complexes]]. Dans le second membre, le premier terme représenterait l'état du sous-système S<sub>1</sub> dans l'espace <math>H_1</math>, et le second terme représenterait l'état du sous-système S<sub>2</sub> dans l'espace <math>H_2</math>. On obtient alors le système suivant :

: <math> \begin{cases} a c = 0 & (1)\\
b d = 0 & (2)\\
a d = \frac{+1}{\sqrt 2} & (3)\\
b c = \frac{-1}{\sqrt 2} & (4) \end{cases}</math>

Pour que l'équation (1) soit vérifiée, il est nécessaire soit que <math> a = 0</math>, ce qui est incompatible avec (3), soit que <math> c = 0</math>, ce qui est incompatible avec (4). Le système ci-dessus n'a donc pas de solution, montrant que l'état <math> |\Psi_{\text{int}}\rangle</math> n'est pas factorisable.}}

Par suite, il existe des états ''a priori'' légitimes d'un système global {S<sub>1</sub> + S<sub>2</sub>} qui ne peuvent pas s'écrire sous la forme du produit tensoriel d'un état d'un sous-système S<sub>1</sub> par un état d'un sous-système S<sub>2</sub> ; pour de tels états intriqués, il est donc impossible de parler de « l'état de S<sub>1</sub> »<ref group=note>Cela est en fait possible dans le cadre du formalisme de la [[matrice densité]] à l'aide de la notion de matrice densité réduite. Cependant, S<sub>1</sub> n'est alors pas dans un état pur, mais dans un mélange statistique à poids égal des états + et –. De plus, l'interprétation de la matrice densité réduite pose un problème, car un mélange statistique n'a de sens que si l'on répète de nombreuses fois l'expérience.</ref> : seul le système global {S<sub>1</sub> + S<sub>2</sub>} a un état défini, état défini par le premier membre de la relation ci-dessus. En un sens, il n'est plus possible de séparer conceptuellement les deux systèmes.

La principale caractéristique de l'état <math> |\Psi_{\text{int}}\rangle</math> est qu'il y a corrélation parfaite<ref group=note>Le fait que l'on ait une corrélation parfaite est une particularité de l'état choisi ; il se peut que les corrélations soient plus faibles si les deux systèmes sont intriqués sans être maximalement intriqués. Voir la section sur la mesure de l'intrication.</ref> des [[Postulats de la mécanique quantique|mesures]] réalisées sur S<sub>1</sub> avec les mesures réalisées sur S<sub>2</sub>. Ainsi, supposons que l'on mesure l'état de S<sub>1</sub> dans la base « +/– » et que l'on trouve « + » (ce qui peut arriver aléatoirement dans 50 % des cas). Le système total {S<sub>1</sub>+S<sub>2</sub>} est alors [[Réduction du paquet d'onde|projeté]] dans l'état <math>|+\rangle_1|-\rangle_2</math>, de sorte que la mesure de S<sub>2</sub> donnera « – » avec certitude, même si les deux mesures sont séparées par un intervalle de [[Ligne d'univers|genre espace]] dans l'espace-temps. [[Albert Einstein|Einstein]] décrivait ce phénomène comme une « action surnaturelle à distance », car tout se passe comme si la mesure effectuée sur S<sub>1</sub> à un instant donné avait un effet absolument instantané sur le résultat de la mesure effectuée sur S<sub>2</sub> même si les deux événements ne sont pas reliés causalement, c'est-à-dire même si une information partant de S<sub>1</sub> et se déplaçant à la [[vitesse de la lumière]] n'a pas le temps d'informer S<sub>2</sub> du résultat de la mesure sur S<sub>1</sub>. De fait, un système intriqué forme absolument un tout, qui ne peut pas être séparé en deux systèmes indépendants tant qu'il reste intriqué, quelle que soit l'étendue spatiale de ce système. Voir ci-dessous les conséquences philosophiques que cela peut avoir, ainsi que l'article relatif au [[paradoxe EPR]] et celui relatif à l'[[expérience d'Aspect]] au cours de laquelle des états intriqués d'un système de deux photons ont été produits en laboratoire pour la première fois, chaque photon représentant l'un des deux sous-systèmes S<sub>1</sub> et S<sub>2</sub> du système global {S<sub>1</sub> + S<sub>2</sub>} constitué par l'ensemble des deux photons.

=== État mixte ===

Expérimentalement, il n'est pas possible de préparer un état quantique bien déterminé avec une reproductibilité de 100 %. Pour tenir compte de cette préparation imparfaite, on décrit l'état du système par une [[matrice densité]], qui pondère chaque état pur par la probabilité de produire cet état : <math>\textstyle\rho = \sum_\psi p_\psi |\psi\rangle\langle\psi|</math>. On peut donc se demander quelle est la définition d'un état séparable décrit par une matrice densité. Un premier choix serait de définir les états séparables comme étant ceux qui s'écrivent :
:<math>\rho^{(1+2)} = \rho^{(1)} \otimes \rho^{(2)} </math>.

Ces états sont effectivement séparables, car il n'y a aucune corrélation entre les mesures faites sur S<sub>1</sub> et celles faites sur S<sub>2</sub>, mais la définition peut être étendue, et l'écriture la plus générale pour la matrice densité d'un état séparable est :
:<math>\rho_{\text{sep}}^{(1+2)} = \sum_i p_i \rho_i^{(1)} \otimes \rho_i^{(2)} </math>,
où <math>p_i</math> est une [[loi de probabilité]] (<math>p_i>0</math> et <math>\sum_i p_i=1</math>).

Cette définition présente l'avantage d'inclure les systèmes corrélés '''classiquement''' dans les états séparables. Supposons par exemple une expérience qui produise deux particules simultanément, et aléatoirement une fois sur deux un état <math>|+\rangle_1|-\rangle_2</math>, et une fois sur deux un état <math>|-\rangle_1|+\rangle_2</math>. L'état ainsi produit est représenté par la matrice <math>\rho=\textstyle\frac 1 2 (|+\rangle\langle+|_1\otimes|-\rangle\langle-|_2) + \textstyle\frac 1 2 (|-\rangle\langle-|_1\otimes|+\rangle\langle+|_2)</math>. Alternativement, on peut imaginer un physicien facétieux qui envoie chaque jour deux lettres, l'une contenant un signe « + » et l'autre contenant un signe « – », à deux de ses collègues (1 et 2), mais en faisant correspondre aléatoirement les lettres et les adresses. Les mesures réalisées sur S<sub>1</sub> seront parfaitement corrélées à celles réalisées sur S<sub>2</sub> : si la mesure donne « + » pour un système, on est sûr que la mesure de l'autre système donnera « – ». Cependant, ces corrélations ne sont pas de nature quantique : elles existent dès la production des deux particules et ne proviennent pas du fait que l'on mesure l'état du système. En particulier, si l'on changeait de base de mesure en utilisant une [[observable]] ne commutant pas avec l'observable « signe », on s'apercevrait que l'état ainsi produit ne viole pas les [[inégalités de Bell]]. Les résultats sont donc différents de ceux obtenus avec l'état intriqué <math> |\Psi_{\text{int}}\rangle</math> décrit précédemment.

Dans le formalisme de la matrice densité, un état intriqué est simplement défini comme un état qui n'est pas séparable. Dans le cas général, même lorsque l'on connaît la matrice densité d'un système, il est difficile de dire si l'état obtenu est intriqué ou séparable. Une condition nécessaire est de regarder si la « transposée partielle » de la matrice densité est positive. Pour les dimensions <math>2 \otimes 2</math> et <math>2 \otimes 3</math>, cette condition est également suffisante.

== Implications philosophiques ==
Les états intriqués prévus par la mécanique quantique ont, depuis, été observés en laboratoire et leur comportement correspond à celui que prévoit la théorie. Cela fait d'elle une [[Principe de localité (physique)|théorie physique non locale]]. 

On démontre en revanche que les états intriqués ne peuvent pas être utilisés pour communiquer d'un point à un autre de l'espace-temps plus vite que la lumière.
En effet, les états de ces deux particules sont seulement coordonnés et ne permettent pas de transmettre une [[information]] : le résultat de la mesure relatif à la première particule est toujours aléatoire{{sfn|Gisin|2012|p=55}}. Ceci est valable dans le cas des états intriqués comme dans le cas des états non intriqués. La modification de l'état de l'autre particule, pour instantanée qu'elle soit, conduit à un résultat tout aussi aléatoire. Les corrélations entre les deux mesures ne pourront être détectées qu'une fois les résultats comparés, ce qui implique nécessairement un échange d'information classique, respectueux de la relativité. La mécanique quantique respecte ainsi le [[Causalité (physique)|principe de causalité]].

== Entropie et mesure ==
Dans un état maximalement intriqué, il y a corrélation complète de l'état de S<sub>1</sub> avec celui de S<sub>2</sub>, de sorte que l'entropie de (S<sub>1</sub> union S<sub>2</sub>) est simplement celle de S<sub>2</sub> ou de S<sub>1</sub>. Il y a sous-additivité complète.

== ER = EPR ==
{{Article détaillé|1=ER = EPR}}
[[Juan Martín Maldacena|Juan Martin Maldacena]] et [[Leonard Susskind]], deux physiciens américains, ont imaginé une théorie reliant deux phénomènes découverts tous deux par Einstein : les « ponts d'Einstein-Rosen » (ou [[trou de ver|trous de ver]]) et l'intrication quantique. D'après les deux scientifiques, éloigner deux particules intriquées reviendrait en fait à creuser un pont ER autour d'une seule et même particule qui manifesterait ses propriétés à plusieurs endroits de l'espace-temps.

Cette théorie apporte un éclairage sur un problème appelé [[paradoxe EPR]] qui met en évidence la non-localité de la [[mécanique quantique]], et l'oppose au [[Principe de localité (physique)|principe de localité]] qui est le fondement de la [[théorie de la relativité]]. Cependant, cette correspondance ER/EPR n'est démontrée que dans un modèle d'univers très simplifié, où la gravité est générée en l'absence de masse<ref>[http://astronad.voila.net/ERepr.html ER=EPR]</ref>.

== Réalisation pratique d'un état intriqué ==
Les candidats technologiques d'intricats sont nombreux : 

* Le premier système historiquement étudié est la paire de [[Photon|photons]] EPR, étudiée par [[Alain Aspect]], puis par l'équipe genevoise de [[Nicolas Gisin]].
* Un [[atome de Rydberg]] couplé à une [[cavité micro-ondes|cavité micro-onde]] réalise un autre système intriqué expérimentalement performant. Les calculs sont conduits en toute précision ; mais la [[Décohérence quantique|décohérence]] n'y est pas nulle ; sa complexité expérimentale ne permet pas d'espoir technologique sérieux.
* Un état intriqué a également été démontré pour des chaînes d'[[ion]]s piégés dans un piège de Paul et pour des [[spin]]s nucléaires sur une molécule en solution.
*  Le quantronium de [[Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives|Saclay]] est aussi un système où l'intrication a été observée.
* Les systèmes utilisant des boîtes quantiques 
* Les systèmes utilisant la [[spintronique]]
* Chiffrement d'un message par des paires de photons et transmission des photons par des voies différentes<ref>{{lien web|url=http://www.maschinenmarkt.vogel.de/verschraenkte-photonen-sollen-kommunikation-und-daten-schuetzen-a-624304/?cmp=nl-97&uuid=39EC6F49-AEAD-4CC1-9EFAD08340A8A2D4 |titre=Verschränkte Photonen sollen Kommunikation und Daten schützen |langue=de |date=2017-07-19 | auteur=Rebecca Vogt |éditeur=Maschinenmarkt |consulté le=2017-07-22}}</ref>.

== Codes correcteurs d'erreurs ==
{{pas clair|
L'[[informatique quantique]] a beaucoup progressé depuis que l'on sait réaliser des intricats de faible [[décohérence]] : il est devenu pensable de prévoir l'avenir d'un futur [[ordinateur quantique]]. Les mathématiciens ([[Shor]], Kitaev...) ont fondé le [[calcul quantique]], qui est en train de révolutionner au début du {{s-|XXI|e}} le calcul de la [[Théorie de la complexité|complexité algorithmique]] et ont montré que l'on pouvait restaurer leur pureté par l'intermédiaire de [[code quantique|codes correcteurs d'erreurs]] qui pallieraient la décohérence.}} <!-- Ce paragraphe me paraît très peu clair. -->

Ces codes sont toujours en 2025 sujets à d'intenses recherches. L'avenir de l'information quantique leur est directement lié, et avec lui, le monde de l'informatique quantique{{Référence souhaitée|date=11 février 2025}}.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=note|colonnes=}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=[[Nicolas Gisin]] |préface=[[Alain Aspect]] |titre=''L'Impensable Hasard'' |sous-titre=Non-localité, téléportation et autres merveilles quantiques |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Odile Jacob|Odile Jacob]] |année=2012 |pages totales=170 |isbn=978-2-7381-2831-7}}
* Dąbrowski, M., Parniak, M., & Wasilewski, W. (2017). ''[https://www.osapublishing.org/viewmedia.cfm?uri=optica-4-2-272&seq=s001 Einstein–Podolsky–Rosen paradox in a hybrid bipartite system]''. Optica, 4(2), 272-275.
* Dąbrowski, M., Mazelanik, M., Parniak, M., Leszczyński, A., Lipka, M., & Wasilewski, W. (2017). [https://arxiv.org/pdf/1711.08948 ''Certification of high-dimensional entanglement and Einstein-Podolsky-Rosen steering with cold atomic quantum memory'']. [[arXiv]] preprint arXiv:1711.08948.
* Dąbrowski, M., Parniak, M., & Wasilewski, W. (2017, June). ''[http://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/8087313/ Realization of multidimensional einstein-podolsky-rosen paradox between single photon and atomic spin-wave excitation ]''. In Lasers and Electro-Optics Europe & European Quantum Electronics Conference (CLEO/Europe-EQEC, 2017 Conference on) (pp. 1-1). IEEE.
* Hensen, B., Kalb, N., Blok, M. S., Dréau, A. E., Reiserer, A., Vermeulen, R. F. L., ... & Elkouss, D. (2016). ''Loophole-free Bell test using electron spins in diamond: second experiment and additional analysis''. Scientific reports, 6, 30289. ; 
* Josse, V. (2003). ''[https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00004876/file/tel-00004876.pdf Réduction du bruit de polarisation et intrication quantique en variables continues avec un nuage d'atomes froids]'' (Doctoral dissertation, Université Pierre et Marie Curie-Paris VI){{fr}}
* Keller, G. (2008). ''[https://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/26/56/79/PDF/Manuscrit_these_Gaelle_Keller.pdf  Génération et caractérisation d'états intriqués en variables continues]'' (Doctoral dissertation, Université Pierre et Marie Curie-Paris VI) {{fr}}
*Jean Perdijon, ''Peut-on sacrifier l'idée de réalité ? La visite du physicien qui refusait l'intrication'', Paris, L'Harmattan, 2020.
* Richens, J. G., Selby, J. H., & Al-Safi, S. W. (2017).'' Entanglement is necessary for emergent classicality in all physical theories''. [[Physical Review Letters|Physical review letters]], 119(8), 080503|[https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.119.080503 résumé] & https://arxiv.org/pdf/1705.08028 Preprint]
* Zarkeshian, P., Deshmukh, C., Sinclair, N., Goyal, S. K., Aguilar, G. H., Lefebvre, P., ... & Nam, S. W. (2017). ''[https://www.nature.com/articles/s41467-017-00897-7  Entanglement between more than two hundred macroscopic atomic ensembles in a solid]'' . [[Nature Communications|Nature communications]], 8(1), 906 ; 
* Shahandeh, F., Costa, F., Lund, A. P., & Ralph, T. C. (2017). ''[https://arxiv.org/pdf/1711.10498 Assisted Macroscopic Quantumness]''. arXiv preprint arXiv:1711.10498.
* {{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Massimo Teodorani|titre=''Entanglement''|sous-titre=l'intrication quantique, des particules à la conscience''|éditeur=Macro Editions |année=2011 |pages totales=200 |isbn= 88-6229-920-6}}
* [[Alain Aspect]], ''Si Einstein avait su'', Paris, [[Éditions Odile Jacob|Odile Jacob]], 2025.

=== Articles connexes ===
{{Début de colonnes|nombre=3}}
* [[État quantique]]
* [[Paradoxe EPR]]
* [[Expérience d'Aspect]]
* [[Décohérence quantique]]
* [[Inégalités de Bell]]
* [[Informatique quantique]]
* [[Téléportation quantique]]
* [[Théorie de l'absorbeur de Wheeler et Feynman]]
* [[Pseudo-télépathie quantique]]
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=== Liens externes ===
* [https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/les-intrigantes-intrications-du-monde-quantique «Les intrigantes intrications du monde quantique», ''La Conversation scientifique'', France Culture, 29 février 2020]
* [https://www.youtube.com/watch?v=OmVj7tNc3kY&list=PLW1LMV6eX05v13a7XRd9AGkDp6zrw_5vS&index=40&frags=pl%2Cwn «Une histoire de l'intrication quantique»], vidéo ''YouTube'' (consulté le 7 février 2020)
* [https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-mardi-14-mai-2019 «Intrication quantique : un étrange aspect de la matière», ''La Méthode scientifique'', France Culture, 14 mai 2019]
* [http://www.lkb.ens.fr/ LKB] site de l'[[École normale supérieure (Paris)|ENS Paris]]
* [http://www.lkb.ens.fr/recherche/qedcav/college/college.html Cours de Serge Haroche] au Collège de France

{{Palette|Mécanique quantique}}
{{Portail|physique|sciences quantiques}}

[[Catégorie:Fondamentaux de la mécanique quantique]]
[[Catégorie:Informatique quantique]]
[[Catégorie:Problème non résolu en physique]]