Voir la source de L'Arénaire

{{Infobox Ouvrage}}
'''''L'Arénaire''''' (en {{lang-grc|Ἀρχιμήδης Ψαµµίτης, ''Archimedes Psammites''}}) est un ouvrage d'[[Archimède]] dans lequel il tente de déterminer un [[majorant]] du nombre de grains de sable qui pourraient remplir l'[[univers]]. Pour ce faire, il est amené à inventer une façon de décrire des [[noms des grands nombres|nombres extrêmement grands]], et à obtenir une estimation de la taille de l'univers.

Connu également sous son titre [[latin]] de ''{{Lang|la|texte=Archimedis Syracusani Arenarius & Dimensio Circuli}}'' (de ''{{Lang|la|arena}}'' signifiant sable), et en anglais sous le titre plus parlant de ''{{Lang|en|The Sand Reckoner}}'' (le compteur de sable), ce texte est adressé au roi de [[Syracuse]] [[Gélon II|Gélon]], vers 230 av. J.-C. ; c'est probablement l'ouvrage le plus accessible d'[[Archimède]]. Long d'une dizaine de pages, on peut le voir, en un certain sens, comme la première publication scientifique à être à la fois académique et [[Vulgarisation mathématique|populaire]]<ref name="v">{{en}} [http://www.lix.polytechnique.fr/Labo/Ilan.Vardi/sand_reckoner.ps Archimedes, The Sand Reckoner, par Ilan Vardi]{{Postscript}}.</ref>.

== Nommer les grands nombres ==
Archimède commence par inventer un système pour désigner des [[noms des grands nombres|grands nombres]]<ref>En réalité, l’''Arénaire'' mentionne que cette méthode a déjà été exposée dans un traité adressé à Zeuxippe ; on pense qu'il s'agit des ''Principes'', traité qui ne nous est pas parvenu.</ref>. Le [[système de numération]] en usage à son époque permettait d'exprimer les nombres jusqu'à une [[myriade]] ({{Lang|grc|μυριάς}} — dix-mille) ; en utilisant le mot « myriade » lui-même, ce système peut immédiatement être étendu pour nommer les nombres jusqu'à une myriade de myriades, c'est-à-dire cent millions ({{nb|e8}}). Archimède appela les nombres jusqu'à {{nb|e8}} les nombres « premiers » (ou de la première octade), et appela {{nb|e8}} lui-même « l'unité des nombres "seconds" ». Les multiples de cette unité sont appelés nombres seconds, et ceux-ci s'étendent jusqu'au produit de cette unité par elle-même (donc une myriade de myriades de fois), soit jusqu'à {{nb|e8}} × {{nb|e8}} = {{nb|e16}}. Ce nombre est appelé « l'unité des nombres troisièmes », dont les multiples seront les nombres troisièmes (ou de la troisième octade), et ainsi de suite. Archimède nomme ainsi les nombres jusqu'à atteindre l'unité de la {{nb|e8}}-ième octade, c'est-à-dire <math>(10^8)^{(10^8)} = 10^{8 \times 10^8}</math>.

Bien que ces nombres soient de très loin suffisants pour le dénombrement qu'il s'est proposé, Archimède continue la description de son système comme suit : l'ensemble des nombres qu'il vient de définir est appelé « nombres de la première période », et le plus grand, <math>(10^8)^{(10^8)}</math>, sert d'unité pour la « seconde période », laquelle est construite de façon analogue à la première. Archimède continue sa description jusqu'à atteindre la {{nb|e8}}-ième période, et finissant par donner ainsi un nom au gigantesque nombre{{Note|texte=Ilan Vardi fait cependant remarquer<ref>{{ouvrage|auteur=Ilan Vardi|titre=Archimedes, the Sand Reckoner|lang=en|passage=24-28}}.</ref> que ce n'est que pour des raisons tenant à la grammaire du grec ancien qu'Archimède ne développe pas son système jusqu'à <math>10^{10^{10^{10}}}</math>, par exemple.}}

::<math>\left((10^8)^{(10^8)}\right)^{(10^8)}=10^{8 \times 10^{16}},</math>
qui s'écrit, en [[système décimal]], comme un 1 suivi de quatre-vingts [[billiard]]s ({{nb|80 e15}}) de zéros<ref>C'est le plus grand nombre envisagé avant l'époque moderne, et il est bien supérieur à la plupart des besoins usuels ; voir les articles [[noms des grands nombres]] et [[ordres de grandeur de nombres]] pour plus de détails, et des exemples de systèmes de notations adaptés à des nombres encore plus grands.</ref>.

Le système d'Archimède est essentiellement un système de [[notation positionnelle]] en base {{nb|e8}}, d'autant plus remarquable que [[Grèce antique|les Grecs]] utilisaient [[Numération grecque|un système beaucoup plus simple]], basé sur leur alphabet, et ne permettant pas de dépasser une myriade.

Archimède découvrit et démontra également à cette occasion la [[exponentiation|loi d'addition des exposants]], <math>10^a 10^b = 10^{a+b}</math>, nécessaire pour manipuler les puissances de 10.

== Estimation de la taille de l'Univers ==
Pour obtenir une estimation du nombre de grains de sable nécessaires pour remplir l'Univers, Archimède doit d'abord estimer la taille de ce dernier, tel qu'il était connu à l'époque. Il utilise pour cela le [[héliocentrisme|modèle héliocentrique]] d'[[Aristarque de Samos]] (ce travail d'Aristarque est perdu ; l'ouvrage d'Archimède est l'une des rares références à sa théorie qui subsiste<ref name="a">{{MacTutor|id=Aristarchus|title=Aristarchus of Samos}}</ref>). L'immensité de ce modèle vient de ce que les Grecs étaient incapables d'observer les [[Parallaxe#Astronomie|parallaxes stellaires]], ce qui impliquait qu'elles devaient être extrêmement petites, et donc que les étoiles devaient être situées à de très grandes distances de la Terre (en supposant que l'héliocentrisme soit vrai).

Aristarque ne donnait en fait pas d'estimation des distances des étoiles. Archimède dut donc faire une hypothèse à ce sujet : il choisit d'admettre que l'Univers est sphérique, et que le rapport de son diamètre à celui de l'[[orbite de la Terre]] autour du Soleil est le même que celui de ce dernier diamètre à celui de la Terre.

Pour obtenir une majoration, Archimède prit d'assez larges surestimations de ses données, admettant :

* que la circonférence terrestre ne pouvait dépasser 300 myriades de [[stade (unité)|stades]] (environ {{nb|5 e5 km}}, soit plus de 10 fois la valeur correcte) ;
* que la Lune n'était pas plus grande que la Terre, et que le Soleil n'était pas plus grand que 30 fois la Lune<ref>Bien qu'il surestime les données connues à l'époque, c'est en revanche une sous-estimation de la réalité : en fait, le Soleil a un diamètre 100 fois supérieur à celui de la Terre</ref> ;
* que le diamètre angulaire du Soleil, vu de la Terre était supérieur à 1/200 d'angle droit (ce qui est un peu plus petit que la valeur exacte d'un demi-degré).

Il calcule alors (utilisant d'autres majorations ce faisant) que le diamètre de l'Univers ne peut dépasser {{nb|e14}} stades (environ 2 [[année-lumière|années-lumière]]), et que {{nb|e63}} grains de sable suffiraient à le remplir.

En chemin, Archimède dut se livrer à d’intéressantes expérimentations. Ainsi, pour estimer le diamètre angulaire du Soleil, il prit en compte la taille finie de la pupille de l’œil<ref>{{en}} [[William Smith (lexicographe)|William Smith]], ''[[Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology]]'', 1880, p. 272.</ref>, ce qui est sans doute le premier exemple d'une expérimentation en [[psychophysique]], la branche de la [[psychologie]] s'intéressant aux mécanismes de la perception, dont le développement est généralement attribué à [[Hermann von Helmholtz]].

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|The Sand Reckoner|426948536|type=note}}
{{références}}

== Bibliographie ==
* {{Ouvrage|langue originale=grc|auteur=Archimède|titre=Des Spirales. De l'Équilibre des Figures Planes. L'Arénaire. La Quadrature de la Parabole|traducteur=Charles Mugler|éditeur=Les Belles Lettres|tome=II|année=1971|pages totales=207|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1973_num_75_3_3946_t1_0375_0000_2}}
* {{Ouvrage|langue originale=grc|auteur=Archimède|titre=L’Arénaire|traducteur=[[François Peyrard]]|éditeur=CreateSpace Independent Publishing Platform|année=2017|pages totales=26|isbn=978-1977742810}}

== Liens externes ==
* {{grc}} [http://www.lix.polytechnique.fr/Labo/Ilan.Vardi/psammites.ps Texte grec]
*{{Lien web|url=http://remacle.org/bloodwolf/erudits/archimede/arenaire.htm|titre=Traduction française (suivie d'un commentaire)|site=[[Philippe Remacle|remacle]].org}}
* {{en}} [https://web.calstatela.edu/faculty/hmendel/Ancient%20Mathematics/Archimedes/SandReckoner/SandReckoner.html The Sand Reckoner (annoté)]

{{Palette|Mathématiques de la Grèce antique}}

{{Portail|Grèce antique|mathématiques|astronomie}}

{{DEFAULTSORT:Arenaire}}
[[Catégorie:Ouvrage d'Archimède]]