Voir la source de Lemme de normalisation de Noether

En [[algèbre commutative]],  le '''[[Lemme (mathématiques)|lemme]] de normalisation de Noether''', dû à la mathématicienne allemande [[Emmy Noether]]<ref>{{Article|langue=de|prénom=E.|nom=Noether|lien auteur=Emmy Noether|titre=Der Endlichkeitsatz der Invarianten endlicher  linearer Gruppen der Charakteristik ''p''|périodique=Nachrichten von der [[Académie des sciences de Göttingen|Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen]]|année=1926|volume=1926|pages=28-35|url=http://gdz.sub.uni-goettingen.de/no_cache/dms/load/img/?IDDOC=63971}}.</ref>, donne une description des [[algèbre de type fini|algèbres de type fini]] sur un [[corps commutatif|corps]]. 

On fixe une algèbre commutative de type fini ''A'' sur un corps (commutatif) ''K''. 

== Énoncé == 

'''Lemme de normalisation de Noether'''<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Serge|nom1=Lang|lien auteur1=Serge Lang|titre=Algebra|éditeur=[[Addison-Wesley]]|année=1984|numéro d'édition=2|isbn=|titre chapitre=X, §4}} {{Détail des éditions|Référence:Algèbre (Lang)}}.</ref> : ''L'algèbre <math>A</math> contient et est finie sur un sous-anneau de polynômes <math> K[X_1, \dots, X_d]</math>. '' 

De façon équivalente : Il existe un [[Entier naturel|entier positif]] ou nul ''d'' et un [[Élément_entier#Propriétés|homomorphisme fini]] injectif de ''K''-algèbres'' <math> u: K[X_1, \dots, X_d] \hookrightarrow A.</math> Autrement dit, il existe <math>a_1, \dots, a_n\in A</math> tels que tout élément ''a'' de ''A'' s'écrit comme une combinaison <math>a=u(P_1)a_1+\cdots +u(P_n)a_n</math> avec des polynômes <math>P_1,\dots, P_n\in K[X_1, \dots, X_d]</math> dépendants de ''a''.

'''Remarques'''

* L'entier ''d'' est alors égal à la [[dimension de Krull]] de ''A''. Si ''A'' est [[anneau intègre|intègre]], c'est aussi le [[Extension_de_corps#Degré_de_transcendance|degré de transcendance]] du corps de fractions de ''A'' sur ''K''.
* Il existe une version graduée du lemme de normalisation de Noether<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=David J.|nom1=Benson|titre=Polynomial invariants of finite groups|éditeur=|collection=London Mathematical Society Lecture Note Series|numéro dans collection=190|année=1993|isbn=}}, {{Lang|en|Theorem}} 2.2.7.</ref> : ''Soit ''A'' une [[algèbre graduée]] sur un corps ''K'', engendrée par un nombre fini d'éléments homogènes de degrés strictement positifs. Alors il existe un entier positif ou nul ''d'' et un homomorphisme fini injectif de ''K''-algèbres graduées''
<center><math> K[X_1, \dots, X_d] \hookrightarrow A.</math> </center>
* L'homomorphisme fini <math> K[X_1, \dots, X_d] \to A</math> implique que tout élément ''a'' de ''A'' est [[élément entier|entier]] sur <math> K[X_1, \dots, X_d]</math>, c'est-à-dire qu'il vérifie une relation polynomiale du type 
<center><math>a^n+P_{n-1}a^{n-1}+\dots+P_0=0</math></center> 
avec les <math>P_i\in K[X_1, \dots, X_d]</math>. 

{{Démonstration|titre=Une esquisse de preuve|
On présente ''A'' comme le quotient d'un anneau de polynômes <math> K[T_1, \dots, T_n]</math> par un idéal ''I'' que l'on peut supposer non nul. On choisit arbitrairement un élément non nul <math>P(T_1,\dots, T_n)</math> dans ''I''. On cherche un changement de variables <math>T_1\mapsto X_1, \dots, T_{n-1}\mapsto X_{n-1}</math> de sorte que dans les variables <math>X_1,\dots, X_{n-1}, T_n</math>, ''P'' soit unitaire en <math>T_n</math>. Ce changement de variable est possible avec <math>T_i\mapsto T_i - \lambda T_n</math> avec un <math>\lambda\in K</math> convenable lorsque ''K'' est infini. C'était la preuve originale de Noether{{refsou}}. Si ''K'' est fini (ou quelconque), l'idée de Nagata<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Masayoshi|nom1=Nagata|lien auteur1=Masayoshi Nagata|titre=Local rings|lieu=New York|éditeur=Interscience Publ.|année=1962}}, I, § 14.</ref> est de considérer des changements de variables du type <math>T_i\mapsto T_i + T_n^{m_i}</math> avec une suite d'entiers naturels <math>m_i</math> qui croît très rapidement. Une fois ce changement de variables trouvé, on a 
:<math>K[X_1, \dots, X_{n-1}]/(I\cap K[X_1, \dots, X_{n-1}]) \to A</math>
qui est injectif et fini. On termine alors avec une récurrence sur ''n''.
}}

'''Exemples''' 

* L'algèbre <math>K[X, Y]/(Y^2-X^3-1)</math> est finie sur la sous-algèbre de polynômes <math>K[X]</math>,  engendrée comme module  par 1 et ''Y''.
* L'algèbre <math>K[X, 1/X]=K[X, Y]/(XY-1)</math> est finie sur la sous-algèbre de polynômes <math>K[X+1/X]</math> (elle est engendrée comme module  par 1 et ''X'').
* Soit <math>A=K[X, Y]/(XY)</math>. Alors l'homomorphisme <math>K[T]\to A</math>, qui envoie ''T'' sur ''x+y'' (l'image de ''X+Y'' dans le quotient ''A''), est injectif et fini.

== Signification géométrique == 

* Toute [[variété algébrique affine]] sur ''K'' est un revêtement fini (ramifié) d'un [[espace affine]] (c'est-à-dire qu'il existe un [[morphisme affine#Morphismes finis|morphisme fini]] surjectif vers un espace affine <math>\mathbb A^d_K</math>). 
* L'énoncé ci-dessus admet un analogue projectif : toute [[variété projective]] de dimension ''d'' sur ''K'' est un revêtement fini (ramifié) d'un espace projectif <math>\mathbb P^d_K</math>.

== Extension séparable == 

On suppose que ''A'' est intègre. L'injection <math>K[X_1,\dots, X_d]\hookrightarrow A</math> donnée par le lemme de normalisation induit une [[extension finie]] des corps de fractions <math>K(X_1,\dots, X_d)\to \mathrm{Frac}(A)</math>. Quand ''K'' est de caractéristique nulle, l'extension est automatique [[extension séparable|séparable]]. Dans le cas général, on a<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Irena|nom1=Swanson|nom2=[[Craig Huneke]]|titre=Integral closure of ideals, rings, and modules|éditeur=|collection=London Mathematical Society Lecture Note Series|numéro dans collection=336|année=2006|isbn=}}, {{Lang|en|Theorem}} 4.2.2.</ref> : 

* Il existe toujours un homomorphisme fini injectif <math>K[X_1,\dots, X_d]\hookrightarrow A</math> qui induise une extension finie séparable <math>K(X_1,\dots, X_d)\to \mathrm{Frac}(A)</math> (sous la condition, nécessaire, que <math>\mathrm{Frac}(A)</math>  soit une [[extension séparable#Généralisation_aux_extensions_transcendantes|extension séparable]] (transcendante) de ''K''). 

En termes géométriques, toute variété algébrique affine ''V'' intègre, géométriquement réduite, de dimension ''d'', admet un morphisme fini surjectif <math>f  : V\to \mathbb A^d_K</math>, qui soit de plus génériquement séparable (autrement dit, il existe un ouvert dense ''U'' de <math>\mathbb A^d_K</math> tel que la restriction <math>f : f^{-1}(U) \to U</math> soit un revêtement {{Lien|trad=Étale morphism|morphisme étale|texte=étale}}). 

Le même énoncé reste valide en remplaçant ''V'' par une variété projective (intègre et géométriquement réduite) et l'espace affine par l'espace projectif<ref>{{en}} [[Kiran Kedlaya]], « More étale covers of affine spaces in positive characteristic », dans ''J. Algebraic Geom.'', vol. 14, 2005, p. 187-192.</ref>. 

== Généralisation == 

Si ''A'' est de type fini sur un anneau commutatif intègre ''R'' et contenant ''R'', alors il existe ''f'' dans ''R'', non nul, et un homomorphisme fini injectif de ''R''-algèbres après [[localisation (mathématique)|localisations]] 
<center><math> R_f[X_1, \dots, X_d] \hookrightarrow A_f</math><ref>{{Harvsp|Nagata|1962|loc=I.14.4}}.</ref>.</center>

Un tel homomorphisme n'existe pas en général sur ''R'' (considérer par exemple <math>R=K[X]</math> et <math>A=R_X=R[1/X]</math>).

== Exemples d'applications ==  

* Supposons que ''A'' soit aussi un corps, alors ''A'' est une [[extension finie]] de ''K''. C'est une forme du [[Nullstellensatz|théorème des zéros de Hilbert]].<br />En effet, sous la présentation ci-dessus, on voit aisément que ''K''[''X''{{ind|1}}, … , ''X{{ind|d}}''] est aussi un corps. Ce qui implique que ''d'' = 0 et donc que ''A'' est fini sur ''K''. 
* Supposons ''A'' intègre. Alors pour tout idéal premier <math> \mathfrak p</math> de ''A'', on a<ref name="DE">{{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[David Eisenbud]]|titre=Commutative Algebra with a View Toward Algebraic Geometry|éditeur=[[Springer Verlag|Springer]]|collection=[[Graduate Texts in Mathematics|GTM]]|numéro dans collection=150|année=1995|pages totales=785|isbn=978-0-387-94269-8|lire en ligne={{Google Livres|Fm_yPgZBucMC|page=290}}}}, {{Lang|en|Corollary}} 13.4.</ref> :<center><math> \dim (A/\mathfrak p) + \dim A_{\mathfrak p}=\dim A.</math></center>En particulier, pour tout idéal maximal <math>\mathfrak m</math> de ''A'',  l'[[anneau local]] <math>A_{\mathfrak m}</math> est de dimension <math>\dim A</math>. 
* Supposons que ''A'' soit de [[Profondeur d'un module|Cohen-Macaulay]], alors ''A'' est [[module libre|libre]] de rang fini sur un anneau de polynômes ''K''[''X''{{ind|1}}, … , ''X{{ind|d}}''].<br />Ceci résulte du fait que ''A'' est alors [[Localisation (mathématiques)|localement]] libre de rang fini sur ''K''[''X''{{ind|1}}, … , ''X{{ind|d}}'']<ref name="WB & HJH">{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Winfried Bruns|auteur2=Jürgen Herzog|titre=Cohen-Macaulay Rings|éditeur=|collection=Cambridge Studies in Advanced Mathematics|numéro dans collection=39|année=1993|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|LF6CbQk9uScC|page=68}}}}, Proposition 2.2.11.</ref> et du [[module projectif#Propriétés|théorème de Quillen-Suslin]].
* Soit <math>f : X\to Y</math> un morphisme de type fini entre [[schéma noethérien|schémas noethériens]]. On suppose ''f'' dominant ({{c.-à-d.}} ''f''(''X'') est dense dans ''Y''). Alors l'image de ''f'' contient une partie ouverte dense de ''Y''.  
:En effet, on se ramène facilement au cas où ''X, Y'' correspondent à des anneaux intègres ''A, R'' avec ''R'' un sous-anneau de ''A''. D'après la forme généralisée du lemme de normalisation, il existe ''h'' dans ''R'' non nul et un homomorphisme fini injectif <math>R_h[X_1, \dots, X_d] \to A_h</math>. On en déduit alors facilement que l'image de ''f'' contient l'ouvert principal (non vide) ''D''(''h'') de ''Y''. Ce résultat conduit à la preuve du théorème de Chevalley sur l'image de [[partie constructible|parties constructibles]]. 
* Soit ''A'' un [[anneau de Jacobson]]. Soit ''B'' une ''A''-algèbre de type fini. Alors pour tout idéal maximal <math>\mathfrak m</math> de ''B'', l'image réciproque <math>A\cap \mathfrak m</math> est un idéal maximal de ''A''.<br />On se ramène facilement au cas où ''B'' est un corps de type fini sur (et contient) ''A''. On en déduit une injection finie <math>A_f[X_1,\dots, X_d]\to B_f=B</math>. Donc {{math|''A{{ind|f}} ''[''X''{{ind|1}}, … , ''X{{ind|d}}'']}} est un corps et ''d'' = 0. Il suit que {{math|''A{{ind|f}}''}}&nbsp; est un corps. Comme {{math|''A''}} est de Jacobson, on trouve que {{math|''f''}} est inversible et donc que {{math|''A''}} est un corps. 
* On déduit facilement de la propriété qui précède que toute algèbre de type fini sur un anneau de Jacobson est de Jacobson. 
* Toute variété algébrique géométriquement intègre ''X'' est [[Schéma intègre#Morphismes dominants|''birationnelle'']] à une [[hypersurface]] d'un espace affine. Cela veut dire que ''X'' contient un ouvert non vide qui est isomorphe à un ouvert d'une hypersurface d'un espace affine.

== Histoire ==
Certains auteurs attribuent ce lemme à [[David Hilbert|Hilbert]]. D'après [[Judith D. Sally]]<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom=Judith D.|nom1=Sally|lien auteur=Judith D. Sally|titre=Noether Normalization|titre ouvrage=Emmy Noether in Bryn Mawr: Proceedings of a Symposium Sponsored by the [[Association for Women in Mathematics]] in Honor of Emmy Noether's 100th Birthday|auteurs ouvrage=[[Bhama Srinivasan]] et Judith D. Sally (ed.)}} {{DOI|10.1007/978-1-4612-5547-5_3}}.</ref>, ce dernier a seulement donné la version graduée qui provient de la géométrique algébrique, et le cas des algèbres de type fini quelconques sur un corps infini apparaît pour la première fois dans une démonstration dans l'{{Harvsp|Noether|1926|texte=article de 1926 de Noether}}.

== Notes et références==
{{references}} 

{{Portail|géométrie|algèbre}}

[[Catégorie:Algèbre commutative]]
[[Catégorie:Géométrie algébrique]]
[[Catégorie:Lemme de mathématiques|Noether]]
[[Catégorie:Emmy Noether]]