Voir la source de Ludwig Wittgenstein

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{{Infobox Philosophe
 | région                  = Philosophe
 | époque                  = Époque contemporaine
 | image                   = Ludwig Wittgenstein (cropped).jpg
 | légende                 = Photographie de Wittgenstein en 1930 par [[Moritz Nähr]].
 | alt                     = Portrait en noir et blanc d'un homme au regard fixe, ayant la tête tournée à gauche
 | nom                     = Ludwig Wittgenstein
 | date de naissance       = {{date|26|avril|1889}}
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 | principaux intérêts     = [[Logique]] et [[philosophie de la logique]], [[philosophie du langage]], [[éthique]], [[esthétique]], [[psychologie]]
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 | a influencé             = [[G. E. M. Anscombe|Anscombe]], [[Giorgio Agamben|Agamben]], [[Talal Asad|Asad]], [[Jocelyn Benoist|Benoist]], [[Richard J. Bernstein|Bernstein]], [[Jacques Bouveresse|Bouveresse]], [[Oets Kolk Bouwsma|Bouwsma]], [[Pierre Bourdieu|Bourdieu]], [[Robert Brandom|Brandom]], [[John Cage|Cage]]<ref>{{lien web|langue=en|url=https://www.youtube.com/watch?v=SGEUC2VD7TI|titre = John Cage Discusses Henry Cowell|format=vidéo|website = [[YouTube]]}}.</ref>, [[Rudolf Carnap|Carnap]], [[Stanley Cavell|Cavell]], [[Noam Chomsky|Chomsky]], [[James F. Conant|Conant]], [[Alice Crary|Crary]], [[Cercle de Vienne]], [[Donald Davidson|Davidson]], [[Daniel Dennett|Dennett]], [[Vincent Descombes]], [[Cora Diamond|Diamond]], [[Paul Feyerabend|Feyerabend]], [[Jon Fosse|Fosse]], [[Tristan Garcia|Garcia]], [[Peter Geach]], [[Jürgen Habermas|Habermas]], [[Ian Hacking|Hacking]], [[H. L. A. Hart|Hart]], [[Jasper Johns|Johns]]<ref>{{lien web|langue=en|url=https://www.royalacademy.org.uk/article/magazine-jasper-johns|titre = Jasper Johns: "Take an object. Do something to it. Do something else to it." &#124; Blog &#124; Royal Academy of Arts}}.</ref>, [[Korzybski]]<ref>{{article|langue=en|nom=Berman|prénom=Sanford I.|titre=Wittgenstein and General Semantics|date=1988|journal=ETC: A Review of General Semantics|volume=45|numéro=1|pages=22–25|jstor=42579411|issn=0014-164X}}.</ref>, [[Joseph Kosuth|Kosuth]], [[Saul Kripke|Kripke]], [[Thomas Kuhn|Kuhn]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Thomas S.|nom1=Kuhn|lien auteur1=Thomas S. Kuhn|titre=[[The Structure of Scientific Revolutions]]|lieu=Chicago et Londres|éditeur=[[University of Chicago Press]]|année=1970|numéro d'édition=2|passage=44|isbn=}}.</ref>, [[Sandra Laugier|Laugier]], [[Casimir Lewy|Lewy]], [[Jean-François Lyotard|Lyotard]], [[Alasdair MacIntyre|MacIntyre]], [[Norman Malcolm|Malcolm]], [[Joseph Margolis|Margolis]], [[John McDowell|McDowell]], [[Ray Monk|Monk]], [[G. E. Moore]], [[Robert Morris (artiste)|Morris]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Investigations : The Expanded Field of Writing in the Works of Robert Morris|éditeur=ENS Éditions|collection=Signes|date=23 April 2015|isbn=978-2-84788-702-0|lire en ligne=https://books.openedition.org/enseditions/3826|titre chapitre=Picturing Texts: Robert Morris' "Beetle in a Box"}}.</ref>, [[Chantal Mouffe|Mouffe]], [[Iris Murdoch|Murdoch]], [[Bruce Nauman|Nauman]], [[Hilary Putnam|Putnam]], [[Frank P. Ramsey|Ramsey]], [[Steve Reich|Reich]], [[Rush Rhees|Rhees]], [[Richard Rorty|Rorty]], [[Eleanor Rosch|Rosch]], [[Bertrand Russell|Russell]], [[Gilbert Ryle|Ryle]], [[John Searle|Searle]], [[Quentin Skinner|Skinner]], {{Lien|fr=Hans Sluga|langue=de|trad=Hans Sluga}}, [[P. F. Strawson|Strawson]], [[Charles Taylor (philosophe)|Taylor]], [[Alan Turing|Turing]], [[Friedrich Waismann|Waismann]], [[Morris Weitz|Weitz]], [[Bernard Williams|B. Williams]], [[Michael Williams (philosophe)|Williams]], [[Peter Winch|Winch]], [[John Wisdom|Wisdom]], [[Crispin Wright|Wright]], [[Georg Henrik von Wright|von Wright]]
 | idées remarquables      = Sens/Non-sens/Vide de sens, Montrer/Dire, [[Jeu de langage]], Forme de vie
 | œuvres principales      = ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', ''[[Investigations philosophiques]]'', ''[[De la certitude]]''
 | adjectifs dérivés       = wittgensteinien, wittgensteinienne
}}

'''Ludwig Josef Johann Wittgenstein''', né à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] en [[Royaumes et pays représentés à la Diète d'Empire|Autriche]] le {{date de naissance|26|avril|1889}} et mort à [[Cambridge]] au [[Royaume-Uni]] le {{date de décès|29|avril|1951}}, est un [[philosophe]], [[mathématicien]], [[ingénieur]], [[pédagogue]] et [[architecte]] de nationalité [[Autriche|autrichienne]], puis, à partir de 1939, [[Royaume-Uni|britannique]], ayant exploré de manière décisive certains domaines fondamentaux de la [[Connaissance (philosophie)|connaissance]] tels que la [[logique]], les [[fondements des mathématiques]] et la [[philosophie du langage]].

Ludwig Wittgenstein ne publie de son vivant qu'une œuvre majeure : le ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', dont une première version en langue allemande paraît en [[1921]] à Vienne et dans laquelle Wittgenstein traite des limites du langage et de la faculté de connaître de l'être humain. Ce texte a donné lieu à de nombreuses interprétations, parfois difficilement conciliables. Pour Wittgenstein, sa signification primaire est surtout [[éthique]] et [[esthétique]], tandis que la plupart des lectures ont d'abord mis en avant son intérêt en [[logique]] et en [[philosophie du langage]]. Pièce majeure de la philosophie de Wittgenstein, il est inspiré par un [[logicisme]] [[Antipsychologisme|anti-psychologiste]], une position que l'auteur abandonne par la suite, tandis que les commentateurs commencent à considérer l'aspect [[mystique]] de l'œuvre comme central. Wittgenstein pense alors avoir apporté une solution à tous les problèmes philosophiques auxquels il était envisageable de répondre ; il quitte l'Angleterre et se détourne de la philosophie jusqu'en [[1929]].

À cette date, il revient à [[Cambridge]], sur l'insistance de [[Bertrand Russell]] et de [[George Edward Moore|George Moore]] et critique les principes de son premier traité. Il développe alors une nouvelle méthode philosophique et propose une nouvelle manière d'appréhender le langage, étudiée dans sa seconde grande œuvre, ''[[Investigations philosophiques]]'', publiée, comme nombre de ses travaux, après sa mort. Cette remise en question de son propre [[Système#Philosophie|système]] fait de Wittgenstein l'un des rares penseurs de la [[Histoire de la philosophie en Occident|philosophie occidentale]] à s'infliger une [[autocritique]] aussi radicale.

Son œuvre a eu {{incise|et conserve}} une influence majeure sur le courant de la [[philosophie analytique]] et plus récemment en [[anthropologie]], en [[ethnométhodologie]] et en [[philosophie postanalytique]]. Il est parfois considéré comme ayant dissous la tradition analytique de l'intérieur, de manière préemptive. Dans un premier temps, le ''Tractatus'' a influencé son ancien professeur Bertrand Russell, mais surtout les [[empirisme logique|néopositivistes]] du [[Cercle de Vienne]], même si Wittgenstein considérait que ceux-ci commettaient de graves contresens sur la signification de sa pensée. Les deux « époques » de sa pensée ont profondément marqué nombre de ses élèves et de philosophes.

== Biographie ==

Grâce aux archives conservées par la sœur de Ludwig Wittgenstein et aux biographies rédigées par [[W. W. Bartley, III| William Warren Bartley III]], [[Brian McGuinness]] et [[Ray Monk]], la vie du philosophe est relativement bien documentée.

=== Contexte familial et enfance ===

==== Les Wittgenstein ====

{{article détaillé|Famille Wittgenstein}}

[[Fichier:Karl Wittgenstein.jpg|gauche|vignette|redresse=0.7|alt=Photographie en noir et blanc du visage d'un homme aux cheveux bruns, portant moustaches et favoris, de profil droit.|[[Karl Wittgenstein]], l'un des hommes les plus riches d'Europe au début du {{s|XX}}<ref name="Bramann"/>.]]

===== Branche paternelle =====

{{Article détaillé|Karl Wittgenstein}}

Selon une généalogie établie à [[Jérusalem]] après la [[seconde Guerre mondiale]], l'arrière-arrière-grand-père paternel de Wittgenstein, Moses Meier<ref group=n>Diverses sources orthographient le nom de Meier Maier et Meyer.</ref> est un agent foncier juif ayant vécu avec sa femme, Brendel Simon, à [[Bad Laasphe]] dans l'[[arrondissement de Siegen-Wittgenstein]], en [[Westphalie]]<ref>{{lien web|langue=en|auteur=John Preston|titre=Wittgenstein Family History - Late 18th Century|url=https://web.archive.org/web/20210228163805/http://www.wittgensteinchronology.com/wittgenstein-family-history/}}.</ref> où se trouve également le [[château de Wittgenstein]]. En juillet 1808, [[Napoléon]] publie un décret<ref>{{lien web|site= www.napoleon.org|titre= Document>Décret impérial n° 3 589 du 20 juillet 1808 concernant les juifs qui n'ont pas de nom de famille et de prénom fixes |url=https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/decret-imperial-du-20-juillet-1808-concernant-les-juifs-qui-nont-pas-de-nom-de-famille-et-de-prenom-fixes/}}.</ref> fixant les règles selon lesquelles les Juifs portant des noms uniquement issus de la culture hébraïque (Ancien Testament) doivent désormais modifier leur nom de famille, si bien que le fils de Meier ajoute à son propre nom le nom de famille de ses employeurs, les [[Sayn-Wittgenstein]] (nom d'un ancien comté du [[Saint-Empire romain germanique]]), et devient Moses Meier Wittgenstein{{sfn|Bartley|1994|pp=199–200}}{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=de|auteur= Nicole L. Immler|titre= Das Familiengedächtnis der Wittgensteins|sous-titre=Zu verführerischen Lesarten von (auto-)biographischen Texten|éditeur= transcript Verlag|année=2014|isbn= 9783839418130|pages totales= 398|passage= 219-220|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=bWuiBQAAQBAJ}}.</ref>{{,}}<ref name = Monk1>{{chapitre|auteur= Ray Monk|titre chapitre=Chapitre 1. Le laboratoire de l’autodestruction|titre ouvrage=Ludwig Wittgenstein|sous-titre ouvrage=Le devoir de génie|éditeur=Flammarion|année= 2021|passage=13 à 37|url= https://www.cairn.info/ludwig-wittgenstein--9782080205223-page-13.htm}}{{inscription nécessaire}}{{commentaire biblio}}{{citation| Ludwig Josef Johann Wittgenstein naquit le 26 avril 1889. C'était le huitième et dernier enfant d’une des familles les plus riches dans la Vienne des Habsbourg. Le nom et la fortune des Wittgenstein ont fait dire à certains qu'ils étaient apparentés à une famille aristocratique allemande, les Seyn-Wittgenstein. Tel n’est pas le cas. Les Wittgenstein n'étaient Wittgenstein que depuis trois générations. Ce nom avait été adopté par larrière-grand-père paternel de Ludwig, Moïse Maier ; celui-ci avait été le régisseur de la famille princière et, après le décret napoléonien de 1808 qui imposait aux juifs d’adopter un patronyme, il avait pris le nom de ses employeurs.}}</ref>. Son fils, Hermann Christian Wittgenstein — qui a choisi comme deuxième prénom « Christian » pour se distancier de ses origines juives — épouse Fanny Figdor, également juive, convertie au [[protestantisme]] juste avant leur mariage. Venus de [[Saxe (Land)|Saxe]] ([[Allemagne]]) où ils fondent une entreprise prospère de commerce de laine à [[Leipzig]], ils s'installent en [[Autriche-Hongrie]]{{sfn|Monk|1990|pp=4-5}}. Ils ont {{nobr|11 enfants}}, dont le père de Wittgenstein. La grand-mère de Ludwig, Fanny, est une cousine germaine du violoniste [[Joseph Joachim]]{{sfn|Monk|1990|p=5}}.

[[Karl Wittgenstein]] (1847-1913), le père de Ludwig, élevé dans la religion [[luthérien]]ne, fait fortune dans l'industrie sidérurgique : il est l'un des principaux « maîtres de forges » de l'[[Empire austro-hongrois]]<ref name="Bramann">{{article|langue=en |doi=10.1017/S0067237800012686 |nom1=Bramann |prénom1=Jorn K. |nom2=Moran |prénom2=John |url=http://faculty.frostburg.edu/phil/forum/KarlWittgenstein.htm |titre=Karl Wittgenstein, Business Tycoon and Art Patron |journal=Frostburg State University |année=1979 |volume=15 |pages=106–124 |s2cid=144157990 |consulté le=2 septembre 2010 |archive-date=25 June 2018 |archive-url=https://web.archive.org/web/20180625020113/http://faculty.frostburg.edu/phil/forum/KarlWittgenstein.htm}}.</ref>{{,}}<ref group=n>D'après Henrik von Wright, in ''Le Cahier bleu et Le Cahier brun. Études préliminaires aux « Investigations philosophiques »'', Paris, Gallimard, 1965, « Notice biographique », page 312.</ref>{{,}}{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|p=63}}. Grâce à Karl, les Wittgenstein sont devenus la deuxième famille la plus riche de l'[[Empire austro-hongrois]], derrière la famille [[Famille Rothschild|Rothschild]]{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|p=63}}. Grâce à la décision de Karl, en 1898, d'investir massivement aux Pays-Bas et en Suisse ainsi qu'à l'étranger, notamment aux États-Unis, la famille est, dans une certaine mesure, protégée de l'[[Hyperinflation#Autriche|hyperinflation qui frappe l'Autriche en 1922]]{{sfn|Monk|1990|p=7}}. Cependant, leur capital est atteint en raison de l'hyperinflation qui suit 1918 et de la [[Grande Dépression]]{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|p=102}}.

==== Branche maternelle ====

[[Fichier:Helene, Ludwig, Hermine, Paul und Margarethe Wittgenstein OeNB 5086848 (A).jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc d'un groupe de cinq personnes, 3 jeunes femmes vêtues de blanc et 2 petits garçons en vareuses à larges cols.|Ludwig Wittgenstein (en bas à droite), son frère [[Paul Wittgenstein|Paul]] et ses sœurs.]]

Sa mère, Léopoldine Maria Josefa Kalmus, est de confession [[catholicisme|catholique]]{{Sfn|Chatterjee|2005|p=178}}{{,}}{{sfn|McGuinness|1988|p=21}}. Son père est un Juif tchèque et sa mère une [[autriche|Autrichienne]]-[[Slovenes|Slovène]] catholique – elle est la seule aïeule de Ludwig Wittgenstein qui n'est pas juive<ref>{{lien web|url=http://www.wittgen-cam.ac.uk/cgi-bin/text/biogre1.html |titre=Ludwig Wittgenstein : Background |archive-url=https://web.archive.org/web/20081218032638/http://www.wittgen-cam.ac.uk/cgi-bin/text/biogre1.html |archive-date=18 décembre 2008 |série=Wittgenstein archive |éditeur=University of Cambridge |consulté le=2 septembre 2010}}.</ref>{{,}}<ref name="gottlieb">{{article|url=https://www.newyorker.com/arts/critics/books/2009/04/06/090406crbo_books_gottlieb |nom=Gottlieb |prénom=Anthony |titre=A Nervous Splendor|date=9 avril 2009|périodique=[[The New Yorker]]}}.</ref>. Elle est la tante du [[Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel|« prix Nobel d'économie »]] 1974 [[Friedrich Hayek]].

Karl et Léopoldine ont neuf enfants — quatre filles : [[Margarethe Stonborough|Margarethe]] (dite ''Gretl''), Hermine, Hélène et une quatrième fille Dora mort-née ; cinq garçons : Johannes (''Hans''), Kurt, Rudolf (''Rudi''), [[Paul Wittgenstein|Paul]] et Ludwig, le benjamin{{Sfn|Monk|2021|p=21}}.

==== Enfance de Ludwig ====

{{Article détaillé|Paul Wittgenstein|3=Margarethe Stonborough|amorce=Articles détaillés sur respectivement le frère et la sœur de Ludwig}}

[[Fichier:Ludwig Wittgenstein 1890.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc du visage d'un petit enfant de face|Ludwig Wittgenstein, vers 1890.|upright=0.8]]

Ludwig Josef Johann Wittgenstein est né à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] le {{date-|26 avril 1889}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=23}}. Ludwig est baptisé dans l'[[Église catholique]] ; devenu adulte, il souhaitera pour lui-même un enterrement catholique, bien qu'il soit plutôt [[agnostique]] et non pratiquant dans la seconde période de sa vie, après 1929<ref name=":0">Ludwig Wittgenstein, "Lectures on Religious Belief".</ref>.

La fratrie grandit dans un milieu d'un haut niveau intellectuel, créatif et cultivé<ref name="MW">{{article|langue=en|prénom1=Norman|nom1=Malcolm|prénom2=Peter|nom2=Winch|lien auteur2=Peter Winch|lien auteur=Norman Malcolm|titre=Wittgenstein : A Religious Point Of View?|périodique=Cornell University Press|date=1994|isbn=978-1-134-72579-3|url=https://books.google.com/books?id=X7WGAgAAQBAJ}}.</ref>. Le chef d'orchestre [[Bruno Walter]] décrit la vie chez les Wittgenstein comme baignant dans une « atmosphère omniprésente d'humanité et de culture »{{sfn|Monk|1990|p=8}}.

Le père, protecteur des arts, reçoit nombre d'artistes remarquables, en particulier des musiciens, tels que [[Johannes Brahms]] ou [[Gustav Mahler]]. [[Paul Wittgenstein]], l'un des frères de Ludwig, mène une carrière de pianiste virtuose, notamment après la perte de son bras droit pendant la [[Première Guerre mondiale]]<ref>[[Ray Monk]], ''Wittgenstein : le devoir de génie'', Flammarion, 2009, {{p.|25}} : « Au cours de la Première Guerre mondiale, il perdit son bras droit, mais avec une force de caractère remarquable, il apprit à jouer de la main gauche et parvint à une telle maîtrise qu’il poursuivit sa carrière de soliste ».</ref>. C'est pour Paul Wittgenstein et à sa demande que [[Maurice Ravel]] compose le ''[[Concerto pour la main gauche]]''. [[Sergueï Prokofiev]], [[Paul Hindemith]], [[Benjamin Britten]] et [[Richard Strauss]], qu'il avait également sollicités, composent également pour lui.{{Citation bloc|… Un jour, quelqu'un lui dit qu'il trouvait l'innocence enfantine de [[G.E. Moore]] tout à son honneur ; Wittgenstein protesta. « Je ne comprends pas ce que cela veut dire, dit-il, car il ne s’agit pas de l'innocence d’un ''enfant''. L'innocence dont vous parlez n'est pas celle pour laquelle un homme lutte, mais celle qui naît de l'absence naturelle de tentation<ref>Ray Monk, ''Wittgenstein - Le devoir de génie'', Flammarion, 2009, {{p.|15}}.</ref>.}}
[[Fichier:Ludwig_as_a_child.jpg|vignette|Ludwig enfant, assis dans un champ.|alt=Photographie sépia d'un jeune enfant, assis de face dans les herbes hautes dans un champ fleuri.|upright=0.9]]
Le futur philosophe lui-même, certainement doué, mais sans talent exceptionnel d'interprète, a une mémoire musicale étonnante : il a l'[[oreille absolue]]. Il porte toute sa vie à la musique une dévotion quasi mystique<ref>Lara Philippe, « Wittgenstein : une philosophie musicale ? », Rue Descartes, 2003/1 {{numéro|39}}, {{p.|41-55}}. DOI : 10.3917/rdes.039.0041 [http://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2003-1-page-41.htm (texte en ligne).]</ref>, notamment à celle de [[Franz Schubert]]. C'est l'un des éléments essentiels qui permettent de mieux saisir sa personnalité et sa pensée ; il aime à se référer à des exemples musicaux, tant dans sa conversation que dans ses écrits<ref>Ray Monk, ''Wittgenstein, Le devoir de génie'', Flammarion, 2009 {{p.|25}} : {{citation|Je peux entendre chez [[Brahms]] le bruit des machines. Les vrais ''fils de dieu'' étaient [[Mozart]] et [[Beethoven]].}}</ref>, mais c’est seulement à l’âge de trente ans, lors de sa formation pour devenir enseignant, qu’il apprend à jouer d’un instrument : la [[clarinette]]{{sfn|Monk|2021|p=23}}{{,}}{{sfn|Schulte|1992|p=24}}. Un fragment de musique (trois mesures), composé par Wittgenstein, a été découvert dans un de ses carnets de 1931<ref>{{article|prénom=Eric|nom=Heijerman|titre=Trois barres de Wittgenstein|journal=Muzikologija|numéro=5|année=2005|doi=10. 2298/MUZ0505393H|url=http://www.doiserbia.nb.rs/img/doi/1450-9814/2005/1450-98140505393H.pdf|archive-url=https://web.archive.org/web/20140714153847/http://www.doiserbia.nb.rs/img/doi/1450-9814/2005/1450-98140505393H.pdf|archive-date=14 July 2014|pages=393-395|accès doi=libre}}.</ref>. Par ailleurs, le dessin, la peinture, la sculpture l’intéressent{{Sfn|Monk|2021|p=554}}.

==== Entouré par le suicide ====
[[Fichier:Margaret Stonborough-Wittgenstein by Gustav Klimt, 1905.jpg|vignette|gauche|''Portrait de [[Margarethe Stonborough|Margarethe Stonborough, née Wittgenstein]]'', par [[Gustav Klimt]] ([[1905]]), [[Neue Pinakothek]] de [[Munich]].|alt=Tableau représentant une jeune femme debout, de trois quarts, vêtue d'une robe longue aux reflets blancs argentés, elle a un beau visage, les cheveux noirs rassemblés en chignon, légèrement maquillée avec un rouge à lèvres rouge, le teint poudré pâle, les épaules nues, avec un port de reine.|upright=0.8]]
Dans la famille Wittgenstein, la sévérité du regard sur les autres, l’exigence intellectuelle, de sincérité et d’éthique constante ont pour pendant un regard sans pitié ni concession sur soi, une horreur profonde de l’approximation et de la médiocrité<ref>Ray Monk, ''Wittgenstein, Le devoir de génie'', Flammarion, 2009 : On pourra retenir cette phrase que Wittgenstein aurait dite à ses amis et illustre : {{citation|Contentez-vous de vous améliorer, c’est tout ce que vous pouvez faire pour améliorer le monde}}.</ref>. Personnalité emplie de doutes, Wittgenstein se questionne très tôt dans son enfance sur le [[Vérité#Le regard des penseurs|concept de vérité]]<ref>Ray Monk, ''Wittgenstein : le devoir de génie'', Flammarion, 2009, {{p.|14}} : « ''Pourquoi dire la vérité quand il est préférable de mentir''. Telle est la première interrogation philosophique émanant de Ludwing Wittgenstein qui nous soit parvenue ».</ref>{{,}}{{#tag:ref|Il écrit, plus tard, dans ses ''[[Remarques sur le Rameau d'or de Frazer]]'' : {{citation|Il faut sans cesse que je me plonge dans l’eau du doute.}}|group=n|name="Le Rameau d’Or"}}. Le psychiatre [[Michael Fitzgerald (psychiatre)|Michael Fitzgerald]] estime que Karl était perfectionniste, sévère, et que son manque d'empathie ne pouvait être contrebalancé par la mère de Wittgenstein, qui était anxieuse et peu sûre d'elle<ref name="Fitzgerald">{{article|prénom=Michael|nom=Fitzgerald|titre=Ludwig Wittgenstein avait-il le syndrome d'Asperger ?|journal=European Child & Adolescent Psychiatry|volume=9|numéro=1|année=2000|pmid=10795857|doi=10.1007/s007870050117|pages=61-65|s2cid=1015505}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=32}}.

La [[Dépression (psychiatrie)|dépression]] et le [[suicide]] ont frappé l'entourage de Ludwig : trois de ses frères se suicident. Seul Paul, de deux ans son aîné, meurt de mort naturelle, en {{date-|mars 1961}}, dans le village de [[Manhasset]], près de New York. Le frère aîné, Hans — remarqué par ses dons en musique — meurt dans des circonstances mystérieuses en mai 1902, lorsqu'il s'enfuit en Amérique et disparaît d'un bateau dans la [[baie de Chesapeake]], s'étant vraisemblablement suicidé{{sfn|Waugh|2008|pp=24-26}}{{,}}{{sfn|Monk|1990|p=11ff}}.

Deux ans plus tard, alors âgé de {{nobr|22 ans}} et étudiant la chimie à l'[[Académie des sciences de Berlin]], Rudi se donne la mort dans un bar de Berlin. Il a laissé plusieurs lettres de suicide, dont une adressée à ses parents, dans laquelle il explique qu'il est en deuil après la mort d'un ami. Il avait alors demandé conseil au [[Comité scientifique humanitaire]], une organisation qui faisait campagne contre le [[paragraphe 175]] du [[Code pénal (Allemagne)|Code pénal allemand]], qui prohibait les relations homosexuelles. Son père interdit à la famille de mentionner à nouveau son nom{{sfn|Waugh|2008|pp=22-23}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Magnus|nom1=Hirschfield|titre=Jahrbuch für sexuelle Zwischenstufen|volume=VI|éditeur=|année=1904|passage=724}}{{Commentaire biblio|citant un journal berlinois non nommé, cité à son tour par Bartley, p. 36.}}</ref>{{,}}<ref>{{article|nom=Waugh |prénom=Alexander |url=https://www. telegraph.co.uk/culture/3559463/The-Wittgensteins-Viennese-whirl.html |archive-url=https://ghostarchive.org/archive/20220111/https://www.telegraph.co.uk/culture/3559463/The-Wittgensteins-Viennese-whirl.html |archive-date=11 janvier 2022 |accès url=payant |titre=The Wittgensteins : Viennese whirl|date=30 août 2008|journal=The Daily Telegraph|id=Waugh2008b}}.</ref>{{,}}<ref name="gottlieb" />.

Son autre frère, Kurt, officier et chef d'entreprise, s'est suicidé le 27 octobre 1918 juste avant la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque les troupes autrichiennes qu'il commandait ont refusé d'obéir à ses ordres et ont déserté{{sfn|Monk|1990|p=11}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=27}}.

{{Chronologie Ludwig Wittgenstein}}

=== Éducation et adolescence ===

==== 1903-1906 : la ''Realschule'' de Linz ====
[[Fichier:Hitler at school in 1901.jpg|vignette|alt=Photographie de classe ancienne.|Photographie de classe à la ''Realschule'' en 1901<ref>{{lien web|langue=de|titre=Leonding, Klassenfoto mit Adolf Hitler|site=Bundesarchiv|url=https://www.bild.bundesarchiv.de/dba/de/search/?query=Hitler+1901}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web |langue=en |titre=Adolf Hitler |url=https://www.loc.gov/pictures/item/2002737348/ |site=Library of Congress}}.</ref>, [[Adolf Hitler]] au dernier rang à droite. À l'avant-dernier rang, en troisième position à partir de la droite, un élève que [[Kimberley Cornish]] identifie {{incise|anachroniquement}} comme étant Ludwig Wittgenstein{{note|groupe=n| |name=Cornish}}.]]
Jusqu'en [[1903]], Ludwig reçoit une instruction élémentaire à domicile. Après la mort de Hans et Rudi, Karl permet à Paul et Ludwig d'être envoyés à l'école. Il étudie trois ans à la [[Bundesrealgymnasium Linz Fadingerstraße|''Realschule'' de Linz]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=42-43}}, une école orientée vers les disciplines techniques. L'historienne [[Brigitte Hamann]] écrit qu'il se distinguait des autres garçons : il avait une diction inhabituellement pure de [[haut allemand]] avec un bégaiement, s'habillait avec élégance, était sensible, peu sociable et mal traité par ses camarades{{Sfn|Monk|2021|p=25}}.

De nombreux commentateurs ont remarqué la coïncidence de la scolarisation simultanée, quoique dans deux classes différentes, de Wittgenstein et d'[[Adolf Hitler]] à la ''Realschule''{{Note|groupe=n|[[Brian McGuinness]] précise au sujet d'Hitler : {{cita|De quelques jours l'aîné de Ludwig, il se trouvait pourtant, durant l'année qu'ils y ont passée ensemble, dans la {{IIIe}} classe et Ludwig dans la {{Ve}}. Il avait, semble-t-il, un an de retard et Ludwig un an d'avance par rapport à la moyenne{{sfn|McGuinness|1991|p=75}}.}}}}. Une photographie de groupe durant l'année scolaire 1904-1905 a fait soulever l'hypothèse selon laquelle les deux élèves figureraient en même temps sur le cliché<ref>{{Article|prénom1=Jackie|nom1=Assayag|titre=Comment devient-on antisémite ? Wittgenstein contre Hitler ou le discours contre la méthode|périodique=Homme|volume=39|numéro=152|date=1999|doi=10.3406/hom.1999.453670|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1999_num_39_152_453670|consulté le=2023-01-18|pages=184-185}}.</ref>. Cependant, Hitler ayant été renvoyé pour indiscipline, il ne peut terminer son année{{note|[[Kimberley Cornish]], dans son ouvrage ''Wittgenstein contre Hitler : le Juif de Linz'' (1998) tente de démontrer que non seulement Wittgenstein et Hitler se connaissaient, mais également qu'ils se détestaient. Il suppose aussi que Wittgenstein était le Juif auquel [[Adolf Hitler|Hitler]] fait référence dans ''[[Mein Kampf]]'' dans le passage concernant sa scolarité à Linz et que bien des éléments, dans les écrits [[Antisémitisme|antisémites]] de [[Adolf Hitler|Hitler]], sont des projections du jeune Wittgenstein, par Hitler, sur tout le peuple juif. [[Ray Monk]] considère néanmoins que les preuves utilisées par Cornish sont particulièrement maigres et reposent sur des associations circonstancielles et des spéculations, rien n'indiquant qu’ils se soient réellement fréquentés : « Hitler avait le même âge que Wittgenstein et pourtant, il avait deux années de retard par rapport à lui. Ils se côtoyèrent à l'école pendant une seule année, en 1904-1905, puis Hitler dut partir en raison de ses mauvais résultats. Rien n'indique qu’ils se soient fréquentés »{{Sfn|Monk|1990|p=23}}.|groupe=n|name=Cornish}}.

==== La découverte d'Otto Weininger ====
[[Fichier:OttoWeiningerspring1903.jpg|vignette|gauche|Portrait du philosophe autrichien [[Otto Weininger]] (1880–1903).|alt=Homme de face en costume, à la moustache et aux lunettes rondes.]]
C'est dans son adolescence que Ludwig Wittgenstein lit ''Geschlecht und Charakter'' (''Sexe et Caractère'') publié en 1903 par le philosophe autrichien [[Otto Weininger]]. Ce dernier soutient que les concepts de « mâle » et de « femelle » n'existeraient qu'en tant que [[Réalisme platonicien|formes platoniciennes]] et que dans ce cadre, les Juifs incarneraient la féminité platonicienne. Alors que les hommes seraient fondamentalement rationnels, l'[[idiosyncrasie]] féminine, toujours selon Weininger serait émotionnelle et pulsionnelle. Or, l'amour et le désir sexuel sont en contradiction et l'amour hétérosexuel est donc voué à la misère ou à l'immoralité. La seule vie qui vaille la peine d'être vécue est la vie spirituelle ; le choix est le génie ou la mort. Weininger se suicide par balle en 1903, peu de temps après la publication de son livre et Wittgenstein, âgé de {{nobr|14 ans}}, assiste à ses funérailles{{sfn|Hamann|2000|p=[https://books.google.com/books?id=GHJjAgAAQBAJ&pg=PA229 229]}}.

Plusieurs années plus tard, devenu professeur à l'[[Université de Cambridge]], Wittgenstein distribuera des exemplaires du livre de Weininger à ses collègues universitaires, perplexes. Ludwig estime les arguments de Weininger faux, mais pour des raisons intéressantes<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Martin Cohen|titre=Philosophical Tales|éditeur=[[Wiley-Blackwell]]|année=2008|pages totales=296|passage=216|isbn=978-1-4051-4037-9}}.</ref>. Dans une lettre datée du 23 août 1931, Wittgenstein écrit à [[G. E. Moore]] : {{Citation bloc|Je peux très bien imaginer que tu n'admires pas beaucoup Weininger, entre cette traduction bestiale et le fait que W. doit te sembler très étranger. C'est vrai qu'il est fantastique mais il est grand et fantastique. Il n'est pas nécessaire – ou plutôt impossible – d'être d'accord avec lui mais la grandeur réside dans ce avec quoi nous ne sommes pas d'accord. C'est son énorme erreur qui est grande. C'est-à-dire qu'il suffit d'ajouter un simple « ∼ »<ref group=n>Symbole logique de la [[contradiction]].</ref> à tout le livre pour qu'il dise une vérité importante<ref>{{harvsp|McGuinness|2008|loc=141|p=193}}, {{Harvsp|Rigal|2015|loc=98|p=141-142}}.</ref>.}}

=== 1906-1911 : études d'ingénierie à Berlin et Manchester ===
[[Fichier:1895_technische_hochschule_charlottenburg.jpg|vignette|L'ancienne ''Technische Hochschule Berlin'' à [[Charlottenburg]], Berlin.|alt=Photographie en noir et blanc d'un bâtiment imposant d'architecture néoclassique, dans une atmosphère terne.]]
Ludwig acquiert une formation d'ingénieur en mécanique à l'[[université technique de Berlin|école technique supérieure de Berlin-Charlottenburg]], où il s'inscrit en [[1906]] et dont il sort diplômé après 3 semestres en [[1908]]. Ayant conçu un vif intérêt pour les problèmes posés par la discipline naissante de l'[[aéronautique]], il décide de compléter sa formation dans ce domaine avec un projet de doctorat à l'[[université de Manchester]]{{sfn|Monk|2021|p=39}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=42}}. C'est dans ce but qu'il intègre un laboratoire d'ingénierie spécialisé où il consacre d'abord ses recherches au comportement des cerfs-volants en [[Atmosphère terrestre|haute atmosphère]]. Il oriente ensuite ses efforts sur la réalisation d'une hélice mue par réaction au bout des pales. Mais la conception des hélices à cette époque n'est pas assez avancée pour mettre en pratique les idées de Wittgenstein{{Sfn|Chauviré|1989|p=41}} et il faudra encore des années avant qu'un modèle de pale capable de soutenir la conception innovante de Wittgenstein soit créé<ref name="Lemco 39-51">{{article|langue=en|prénom=Ian|nom=Lemco|titre=Wittgenstein's Aeronautical Investigation|journal=Notes and Records of the Royal Society of London|volume=61|numéro=1|date=22 janvier 2007|doi=10.1098/rsnr.2006 .0163|jstor=20462605|pages=39-51|s2cid=145564093}}.</ref>.

[[Fichier:11._With_Eccles_at_the_Kite-Flying_Station_in_Glossop.jpg|gauche|vignette|Ludwig et son ami, l'ingénieur William Eccles à la station aéronautique de [[Glossop]], [[Derbyshire]] durant l’été 1908.|alt=Photographie en noir et blanc de deux personnages portant un grand cerf-volant sur un terrain herbeux, légèrement accidenté.]]
Le travail sur l'hélice à réaction s'avère frustrant pour Wittgenstein en raison de son manque d'expérience technique. Un ingénieur de Manchester, William Eccles, avec lequel il s'est lié d'amitié{{sfn|McGuinness|1988|p=65}}, le voit se tourner ensuite vers des travaux plus théoriques, se concentrant sur la conception de l'hélice – un problème nécessitant des outils mathématiques sophistiqués<ref name=Mays>[[Wolfe Mays]], ''in'' : {{harvsp|Flowers III|Ground|p=137|2015|loc=''Wittgenstein in Manchester''|id=FlowersGround2015}}.</ref>.

C'est alors que, profondément marqué par sa lecture de deux ouvrages parus simultanément quelques années plus tôt, ''[[The Principles of Mathematics]]'' de [[Bertrand Russell]] et [[Lois fondamentales de l'arithmétique|''Grundgesetze der Arithmetik'']] de [[Gottlob Frege]], il se plonge dans l'étude de la [[logique]] et des [[fondements des mathématiques|bases fondamentales des mathématiques]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Michael|nom1=Beaney|titre=The Frege reader|passage=194-223, 258-289|date=1997|isbn=0-631-19444-4|isbn2=978-0-631-19444-6|isbn3=0-631-19445-2|oclc=35784618|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/35784618|consulté le=2023-03-18}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=42}}. Sa sœur Hermine se souvient qu'il devient à cette époque véritablement obsédé par les mathématiques, délaissant l'aéronautique{{sfn|Monk|1990|p=30}}, se décrivant lui-même comme étant dans un {{citation|état d'agitation constant, indescriptible, presque pathologique}}{{sfn|Monk|1990|p=30}}.

Il se rend en Allemagne pour rencontrer [[Gottlob Frege]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=G. E. M.|nom1=Anscombe|prénom2=G. H. von|nom2=Wright|titre=De la certitude|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1987|passage=« Wittgenstein se rendit à Iéna, en Allemagne, afin de consulter Frege et d'y voir plus clair sur son propre avenir. Il semble que Frege lui ait conseillé de se rendre à Cambridge afin d'y suivre l'enseignement de Russell et ce conseil fut suivi. […] »« Cette version que je tiens de Wittgenstein lui-même est confirmée par des souvenirs de sa sœur Hermine […] »(p.12)|isbn=2-07-071105-6|isbn2=978-2-07-071105-5|oclc=18714343|consulté le=2022-03-22}}.</ref>, qui avait au cours de la décennie précédente posé les fondations de la logique moderne et des mathématiques logiques. Frege lui conseille vivement de lire les travaux de [[Bertrand Russell]] qui a découvert quelques incohérences fondamentales dans son travail{{sfn|Monk|1990|p=36}}.

=== Arrivée à Cambridge ===

==== Rencontre de Russell et de la philosophie des mathématiques ====
[[Fichier:Ludwig_Wittgenstein_1910.jpg|vignette|Wittgenstein, dans les années 1910.|alt=Jeune homme souriant, au regard sévère tourné à droite du photographe.|upright=0.9]]
Suivant les conseils de Frege, Wittgenstein se rend à Cambridge rencontrer [[Bertrand Russell]]. Dans sa correspondance avec [[Ottoline Morrell]], Russell fait part de ses impressions et ses sentiments, rapporte leurs échanges et ce dès le premier jour{{note|groupe=n|texte=Voir les nombreux extraits dans {{Harvsp|Monk|2021}}, {{Harvsp|McGuinness|1991}}, {{Harvsp|Eames|1989}}; l’autobiographie de Russell en contient également ({{Harvsp|Russell|2012}}).
Monk souligne que le récit contenu dans cette correspondance {{citation|tempère utilement certaines anecdotes que Russell raconterait plus tard, lorsque le plaisir d’une bonne histoire l’aurait emporté chez lui sur le souci d’exactitude{{sfn|Monk|2021|p=47-48}}.}}}}{{,}}{{sfn|McGuinness|1991|p=119}}. Le {{date-|18|octobre| 1911}}, il écrit : {{citation bloc|Un Allemand inconnu est arrivé, parlant très mal l’anglais mais refusant de parler allemand. Il a fait des études d’ingénieur à Charlottenburg, pendant lesquelles il s’est découvert une passion pour la philosophie des mathématiques et il est venu exprès à Cambridge suivre mes cours{{sfn|Monk|2021|p=49}}.}}

Wittgenstein assiste avec assiduité aux cours de Russell qui sont habituellement peu suivis{{sfn|Monk|2021|p=50}}. Russell est d'abord partagé, il est intéressé, parfois exaspéré, il écrit, par exemple, {{cita|je crois bien que mon ingénieur allemand est un sot. Il pense que rien d’empirique n’est connaissable – je lui ai demandé d’admettre qu’il n’y avait pas de rhinocéros dans la pièce mais il a refusé}} (2.11.11){{note|groupe=n|Cet incident est à l’origine de l’anecdote rapportée dans ''Mind'' (1951)<ref>{{Harvsp|McGuinness|1991|p=120}} ; {{Article|auteur=Bertrand Russell|titre=Obituary: Ludwig Wittgenstein|périodique=Mind|volume=60|numéro=239|date=1951|issn=0026-4423|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/2251316|passage=179}}.</ref> dans une « version grandement exagérée<ref>{{harvsp|Monk|2021|p=50-51}}.</ref>. »}}, {{cita|Discuter avec lui est une perte de temps}} (16.11.11){{sfn|Monk|2021|p=50}}. Le 27 novembre Wittgenstein hésite encore sur son choix de carrière et se tourne vers Russell pour être conseillé{{note|groupe=n|Cette anecdote est souvent rapportée ({{harvsp|Chauviré|1989|p=42}}, {{Harvsp|Pastorini|2011|p=19}}{{etc}}); Russell lui-même la raconte dans son ''Autobiographie''{{sfn|Russell|2012|loc=Russie|p=420}}, dans ''Portraits from memory''<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bertrand Russell|titre=Portraits from memory, and other essays|éditeur=[[Allen & Unwin]]|année=1956|passage=26-27|lire en ligne=http://archive.org/details/portraitsfrommem00russrich}}.</ref>, {{cita|sous une forme plus vivante<ref>{{Harvsp|McGuinness|1991|p=172}}.</ref>.}}}} :

{{Citation bloc|Mon Allemand hésite entre la philosophie et l’aéronautique ; il m’a demandé aujourd’hui si je pensais qu’il était totalement dénué de talent pour la philosophie et je lui ai répondu que je n’en savais rien, mais que je ne le pensais pas. Je lui ai demandé d’écrire quelque chose pour que je puisse me forger une opinion{{sfn|Monk|2021|p=51}}.}}

[[Image:Bertrand Russell transparent bg.png|vignette|gauche|Portait de [[Bertrand Russell]] datant de 1916.|alt=Portrait photographique en noir et blanc, dans un médaillon ovale, d'un homme souriant, portant un haut col rigide et une cravate noire.|upright=0.9]]
De retour de vacances, Wittgenstein fait lire à Russell un manuscrit qu’il juge « très bon, bien meilleur que ceux de [ses] élèves anglais » (23.01.12), très vite suivi d’un autre qui finit par convaincre Russell{{sfn|McGuinness|1991|p=125}}. Wittgenstein est admis au [[Trinity College (Cambridge)|Trinity College]] le {{1er}} février 1912. Pendant ce trimestre, Wittgenstein travaille intensivement sur les fondements de la logique et la logique mathématique. Le 22 mars, Russell exprime son admiration<ref>[[Élisabeth Rigal]], {{Harvsp|id=Rigal2015|texte=''Correspondance philosophique'', 2015|loc=Correspondance avec Bertrand Russell (1912-1935)|passage=18}}.</ref> :

{{Citation bloc|Je l'aime et je sens qu'il résoudra les problèmes pour lesquels je suis trop vieux – tous ces problèmes soulevés par mon travail mais qui exigent un esprit neuf et la vigueur de la jeunesse. C’est ''le'' jeune homme qu’on appelle de ses vœux{{sfn|Monk|2021|p=52}}.}}

Il déclare plus tard à David Pinsent que les encouragements de Russell l'ont sauvé et ont mis fin à neuf années de solitude et de souffrance, pendant lesquelles le suicide l'avait constamment suivi{{sfn|Monk|2021|p=51-52, 60}}.

==== Club des sciences morales et apôtres de Cambridge ====
{{article détaillé|Club des sciences morales de Cambridge|Wittgenstein's Poker}}
En 1912, Wittgenstein rejoint le [[Club des sciences morales de Cambridge]]<ref>{{Ouvrage|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=Public and Private Occasions|éditeur=Rowman & Littlefield|année=2003|passage=332|isbn=}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=46}}, dont il prend rapidement la direction ; il cesse un temps de s'y rendre au début des années 1930 après des plaintes selon lesquelles il ne laisse à personne d'autre la possibilité de s'exprimer{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|pp=22-28}}.[[Fichier:15._David_Pinsent.jpg|vignette|[[David Pinsent]], ami de Ludwig rencontré à Cambridge.|alt= assis sur l'extrémité avant d'une barque, un homme coiffé d'un béret regarde au loin, cordes à la main.|upright=0.83]]

Le club est devenu légendaire parmi les philosophes, en raison d'une réunion tenue le 25 octobre 1946 au [[King's College (Cambridge)|King's College]], où [[Karl Popper]] prononce un discours intitulé « Existe-t-il des problèmes philosophiques ? », prenant alors position contre Wittgenstein. Il existe selon Popper des problèmes en philosophie qui sont plus que des clarifications logiques et linguistiques, comme le soutenait Wittgenstein. Ce dernier aurait commencé à agiter un tisonnier brûlant, exigeant que Popper lui donne un exemple de règle morale. Popper lui en propose un – « Ne pas menacer les conférenciers de passage avec des tisonniers » – Russell dit alors à Wittgenstein qu'il avait mal compris et Wittgenstein quitte la réunion « en trombe »<ref>{{article|nom1=Eidinow|prénom1=John|nom2=Edmonds|prénom2=David|url=https://www.theguardian.com/books/2001/mar/31/artsandhumanities.highereducation|titre=When Ludwig met Karl …|journal=The Guardian|date=31 mars 2001}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|url=https://www.theguardian.com/books/2001/nov/21/guardianfirstbookaward2001.gurardianfirstbookaward|titre=[[Wittgenstein's Poker]] de [[David Edmonds]] et John Eidinow|nature article=Guardian first book award 2001|journal=The Guardian|date=21 novembre 2001}}.</ref>.

L'économiste [[John Maynard Keynes]] l'a également invité à rejoindre les [[Cambridge Apostles|Apôtres de Cambridge]], une société secrète formée en 1820, à laquelle Bertrand Russell et [[G. E. Moore]] avaient adhéré en tant qu'étudiants ; Wittgenstein ne s'y est pas beaucoup plu et n'y a participé que rarement. Russell craignait que Wittgenstein n'appréciât pas le style tapageur et humoristique des débats intellectuels et le fait que les mœurs sentimentales y fussent libres{{sfn|McGuinness|1988|p=118}}. Alors qu'il y est admis en 1912, Wittgenstein donne sa démission presque immédiatement. Néanmoins, les apôtres de Cambridge ont permis à Wittgenstein de participer à nouveau aux réunions dans les [[années 1920]], lorsqu'il est revenu à [[Cambridge]]. Il semblerait que Wittgenstein ait également eu du mal à tolérer son propre comportement lors des discussions du club des sciences morales de Cambridge{{Sfn|Monk|2021|p=486}}.

Wittgenstein n'a pas hésité à rendre compte de sa dépression pendant ses années à Cambridge. Russell écoute à maintes reprises ses angoisses qui semblaient provenir de deux sources : son travail et sa vie personnelle{{sfn|Monk|1990|p=76}}. Ce dernier rapporte que :

{{Citation bloc|[Ludwig] avait l'habitude de venir chez moi à minuit et de marcher pendant des heures de long en large comme un ours en cage. En arrivant, il annonçait qu'en sortant de chez moi il se suiciderait… […] Lors d'une telle soirée après une ou deux heures de silence de mort, je lui dis : 'Wittgenstein, est-ce à la logique que vous pensez ou à vos péchés ?' — 'Aux deux', dit-il, et il retomba dans le silence.|référence={{sfn|Chauviré|1989|p=47-48}}.}}

Wittgenstein a déclaré à Russell qu'il « ressentait la malédiction de ceux qui n'ont que la moitié d'un talent »<ref>(25.03.13) {{Harvsp|McGuinness|2008|loc=13|p=39}}, {{Harvsp|Rigal|2015|loc=11|p=32}}.</ref>. Le tempérament de Ludwig a également été décrit dans le journal de [[David Pinsent]], comme connaissant de grandes fluctuations émotionnelles{{sfn|Monk|1990|p=85}}. Bertrand Russell le présente à Pinsent au cours de l'été 1912. Leur relation s'est déroulée durant une période intellectuellement formatrice. Pinsent est un étudiant en mathématiques et parent de [[David Hume]] ; Wittgenstein et lui deviennent rapidement proches{{Sfn|Chauviré|1989|p=46}}{{,}}{{Sfn|Monk|2021|p=60}}.

=== 1913-1920 : Première Guerre mondiale et ''Tractatus'' ===
{{Article détaillé|Tractatus logico-philosophicus}}

==== Travail sur la ''Logique'' et premier exil en Norvège ====
En [[1913]], Wittgenstein hérite d'une fabuleuse fortune après la mort de son père{{Sfn|Chauviré|1989|p=54}}. Il en fait partiellement don {{incise|au début de manière anonyme}} à des artistes et auteurs autrichiens tels que [[Rainer Maria Rilke]] et [[Georg Trakl]]. En [[1914]], il manque de rencontrer Trakl, celui-ci s'étant suicidé deux jours avant l'arrivée de Wittgenstein{{Sfn|Monk|2021|p=113-115}}. [[Fichier:Ludwig_Wittgenstein_Skjolden_Norge_2024_Vadim_Chuprina.jpg|gauche|vignette|La maison restaurée de Ludwig Wittgenstein à [[Skjolden]], en Norvège. La photo de Vadim Chupiyna (2024)]]
Bien que stimulé par ses études à [[Cambridge]] et ses conversations avec [[Bertrand Russell|Russell]], Wittgenstein parvient à la conclusion qu'il ne pourrait pas parvenir à faire le tour des questions fondamentales qui l'intéressent dans un environnement universitaire. Il rédige son premier travail philosophique, les ''Notes sur la logique.'' Celles-ci sont un développement de la remarque de Russell à propos de sa [[théorie des types]] qui devait selon lui « être rendue superflue par une bonne théorie du symbolisme »{{Sfn|Monk|2021|p=100}}. Les détails de ces notes, assez subtils, se résument dans l'apparent [[truisme]] suivant : « « A » est la même lettre que « A » ». On entrevoit la distinction fondamentale que reprendra le ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', celle du ''dire'' et du ''montrer.'' Ce que ''dit'' la théorie des types, celle-ci ne peut le dire mais peut seulement être ''montré'' par le symbolisme{{Sfn|Monk|2021|p=100}}. Partant, Wittgenstein soutient que les propositions logiques expriment leur véracité ou fausseté dans leurs significations elles-mêmes, idée que l'on retrouve dans le ''Tractatus'' : {{Citation|Toute tautologie montre elle-même qu'elle est une tautologie.}} {{Small|(6.271)}}

En [[1913]], il se retire dans le village norvégien de [[Skjolden]]. Il y demeure chez l'habitant, puis s'y fait construire une maison qui domine le [[Sognefjord]]<ref name="FT Derbyshire2">{{article|langue=en|nom=Derbyshire|prénom=Jonathan|date=6 September 2019|titre=A place to think: Wittgenstein's Norwegian retreat opens to visitors|périodique=Financial Times|url=https://www.ft.com/content/4ebc0304-ce5c-11e9-99a4-b5ded7a7fe3f|consulté le=2020-08-01}}.</ref>. Cet exil volontaire lui permet de se consacrer entièrement à sa recherche et il dira plus tard de cet épisode qu'il fut l'une des périodes les plus passionnées et productives de son existence{{Sfn|Monk|2021|p=102}}. Wittgenstein y apprend le [[Langue norvégienne|norvégien]] pour converser avec les villageois locaux et le [[Langue danoise|danois]] pour lire les œuvres du philosophe danois [[Søren Kierkegaard]]<ref>{{Chapitre|auteur=Thomas Miles|titre=Kierkegaard and Wittgenstein: Kierkegaard’s Influence on the Origin of Analytic Philosophy|auteur ouvrage=[[Jon Stewart (philosophe)|Jon Stewart]]|titre ouvrage=Kierkegaard's Influence on Philosophy|sous-titre=German and Scandinavian Philosophy|éditeur=Ashgate Publishing|année=2012|passage=216|isbn=|doi=10.4324/9781315234878|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=XjV8EgfqBtsC&pg=PA216}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Wittgenstein déclare plus tard à [[Maurice Drury]] que pour lui Kierkegaard est « de loin le penseur le plus profond du XIXe siècle<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Élise|nom1=Marrou|titre=« Le théâtre de mon âme » : Wittgenstein à l’écoute de Kierkegaard|périodique=Les Études philosophiques|volume=201|numéro=1|date=2020|doi=10.3917/leph.201.0075}}.</ref> » {{harv|Drury|2002|p=60}}. Drury souligne qu’à la fin de sa vie, Wittgenstein lui avoue ne plus pouvoir le lire : {{cita|[il] est tellement lent, il ne cesse de dire la même chose. On a envie de lui dire : allons bon, c’est une affaire entendue, mais par pitié, avançons}} {{Harv|Drury|2002|p=61 et 179}}.}}. Ne se sentant pas assez seul au sein du village, il conçoit et construit une petite maison en bois sur un rocher éloigné surplombant le lac Eidsvatnet à l'extérieur du village. L'endroit est nommé « Østerrike » (Autriche) par les habitants. Il y séjourne à plusieurs reprises jusqu'aux années 1930<ref name="FT Derbyshire">{{article|langue=en|nom=Derbyshire|prénom=Jonathan|date=6 September 2019|titre=A place to think: Wittgenstein's Norwegian retreat opens to visitors|périodique=Financial Times|url=https://www.ft.com/content/4ebc0304-ce5c-11e9-99a4-b5ded7a7fe3f|archive-url=https://ghostarchive.org/archive/20221210/https://www.ft.com/content/4ebc0304-ce5c-11e9-99a4-b5ded7a7fe3f|archive-date=10 December 2022|accès url=payant|consulté le=2020-08-01}}.</ref>.

Sur l'insistance de Wittgenstein, [[George Edward Moore|G. E. Moore]], alors professeur à Cambridge, lui rend visite en Norvège en 1914{{sfn|Monk|2021|p=108-109}}, aidant à la rédaction de ''Logik'', soumis à la rigueur et la colère de Wittgenstein en cas d'erreur{{sfn|Edmonds|Eidinow|2001|pp=45-46}}.

==== Engagement dans l'armée ====
[[Fichier:Bundesarchiv_Bild_146-1970-073-25,_Isonzo-Schlacht,_Trainkolonne_am_Moistroka-Pass (cropped).jpg|vignette|Ligne de ravitaillement austro-hongroise sur le [[col de Vršič]], sur le [[Front italien]], {{date|octobre 1917|guerre mondiale}}.|alt=Le long d'un virage de lacets, au premier plan des caravanes de ravitaillement se succèdent, à l'arrière plan des falaises de montagnes italiennes.]]
Vivant en ermite, Wittgenstein est surpris par l'avènement de la [[Première Guerre mondiale]]. Il s'engage dans l'armée [[Autriche-Hongrie|austro-hongroise]] {{Incise|bien que médicalement dispensé}} espérant que le fait de côtoyer la mort lui permettrait de s'améliorer<ref name="thinkers at war2">{{article|prénom=Iain |nom=King |titre=Thinkers At War – Wittgenstein |url=https://www.military-history.org/articles/thinkers-at-war-wittgenstein.htm |périodique=Military History Monthly |date=17 avril 2014 |consulté le=23 juillet 2014 |lien auteur=Iain King}}.</ref>{{,}}<ref name="philosophynow2">{{lien web |prénom=Stuart |nom=Greenstreet |titre=Wittgenstein, Tolstoy and the Folly of Logical Positivism |url=https://philosophynow.org/issues/103/WittgensteinTolstoy_and_the_Folly_of_Logical_Positivism |consulté le=19 décembre 2022}}.</ref>. Il sert d'abord sur un navire, puis dans une usine d'[[artillerie]]<ref name="thinkers at war2" />{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=61}}. Il est blessé lors d'une explosion accidentelle et hospitalisé à [[Cracovie]]<ref name="thinkers at war2" />. En [[1916]], il est envoyé sur le [[Front de l'Est (Première Guerre mondiale)|front russe]] dans un régiment d'[[artillerie]] où il gagne plusieurs médailles pour son courage{{sfn|Waugh|2008|p=114}}. Les pages de son journal d'alors reflètent néanmoins son mépris pour la médiocrité de ses camarades soldats. Cependant, il contracte une amitié philosophique avec un médecin militaire, Bieler{{Sfn|Monk|2021|p=138-139}}.
[[Fichier:27._Wittgenstein’s_military_identity_card_during_the_First_World_War (cropped).jpg|gauche|vignette|Photo d'identité militaire de Wittgenstein durant la [[Première Guerre mondiale]].|alt=Photo d'identité très sous-exposée dans un médaillon ovale.]]
Tout au long de la guerre, Wittgenstein tient un journal dans lequel il couche des réflexions philosophiques et religieuses avec des remarques personnelles{{note|group=n|Dans l'entrée du 11 juin 1916 {{harv|Wittgenstein|1997|p=139}}, Wittgenstein écrit{{sfn|Monk|2021|p=146}}{{,}}<ref>{{Article|auteur=François Amanecer|titre=Le Notre Père de Wittgenstein|périodique=Études|lien périodique=Études (revue)|volume=148|date=2013/1|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-etudes-2013-1-page-75.htm|format=pdf|pages=75-83}}.</ref> : {{Citation bloc|Le sens de la vie, c'est-à-dire le sens du monde, nous pouvons l'appeler Dieu.

Et de relier à cela la comparaison de Dieu à un père.

Prier, c'est penser au sens de la vie.}}.<br>
Voir aussi la section [[#Le métaphysique : mystique et théologique]]}}.

Au moment de son engagement en {{date-|1914}}, Wittgenstein achète l’''Abrégé de l’Évangile de'' [[Léon Tolstoï]], dont il recommandera la lecture à toute personne en détresse, et devient un chrétien convaincu, bien que troublé et plein de doutes{{Sfn|Monk|2021|p=122-124}}{{,}}<ref>{{article|langue=en|prénom1=Bill|nom1=Schardt|prénom2=David|nom2=Large|titre=Wittgenstein, Tolstoy, and the Gospel in Brief|journal=The Philosopher|volume=89|numéro=1|date=avril 2001|url=http://www.the-philosopher.co.uk/2001/04/wittgenstein-tolstoy-and-the-gospel-in.html}}.</ref>.

La mesure dans laquelle l'''[[Abrégé de l'Évangile]]'' a influencé Wittgenstein peut être vue dans la numérotation du ''Tractatus''<ref>{{Ouvrage|prénom1=Leo|nom1=Tolstoy|titre=The Gospel in Brief|lieu=New York|éditeur=T.Y. Crowell|année=1896|pages totales=2, 17-100|isbn=978-1-152-21927-4}}.</ref>. En 1916, Wittgenstein a lu ''[[Les Frères Karamazov]]'' de [[Dostoïevski]] en profondeur et en connaît des passages entiers par cœur, notamment les discours du [[Starets Zosime]], qui représente pour lui l'idéal chrétien, le saint homme qui « lisait directement dans l'âme d'autrui »{{sfn|Monk|2021|p=141}}{{,}}<ref>{{lien web|prénom=Robert |nom=Hanna |url=http://www.colorado.edu/philosophy/paper_hanna_kant_wittgenstein_and_transcendental_philosophy_may11.pdf |titre=Kant, Wittgenstein, and Transcendental Philosophy |archive-url=https://web.archive.org/web/20130523143901/http://www.colorado.edu/philosophy/paper_hanna_kant_wittgenstein_and_transcendental_philosophy_may11.pdf |archive-date=23 May 2013 }}.</ref>.

Son travail sur ses ''Notes sur la logique'' commence à prendre un sens éthique et religieux. C’est en associant son nouvel intérêt pour l’éthique<ref>[http://www.lyber-eclat.net/lyber/virno/1emerveillement.html L’idée de « Monde » entre expérience sensible et sphère publique].</ref>, avec la logique et les réflexions personnelles qu’il développe pendant la guerre, que son travail effectué à Cambridge et en Norvège prend la forme du ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]]''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Roger Caratini]]|titre=Initiation à la philosophie|sous-titre=2500 ans de philosophie Occidentale|lieu=Paris|éditeur=Éditions Archipoche|année=2012|pages totales=718|passage=346|isbn=978-2-35287-342-6|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=VSeLIX-8WQcC&printsec=frontcover}}.</ref>.

==== Rédaction du ''Tractatus logico-philosophicus'' ====
{{détail|Tractatus logico-philosophicus}}
[[Fichier:Wittgenstein_family_Vienna_1917.jpg|vignette|La [[famille Wittgenstein]] à [[Vienne (Autriche)|Vienne]], été {{date-|1917}}, avec Kurt (le plus à gauche) et Ludwig (le plus à droite) en uniforme d'officier.|alt=Ludwig et sa famille réunis autour d'une table dehors.]]
Au cours de l'été [[1918]], Wittgenstein prend un congé militaire et séjourne dans l'une des maisons d'été de sa famille à Vienne. Il y achève en août 1918 le ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' qu'il soumet sous le titre ''Der Satz'' (en allemand : proposition, phrase, expression, ensemble, mais aussi « jeu ») aux éditeurs Jahoda and Siegel{{sfn|Bartley|1994|pp=33–39, 45}}.

Une série d'événements survenus à cette époque le bouleversent profondément. Le {{date-|13| août}}, son oncle Paul meurt. Le {{date-|25| octobre}}, il apprend que les éditions Jahoda and Siegel refusent de publier le ''Tractatus'' et le {{date-|27|octobre}} son frère Kurt se suicide. C'est à peu près à cette époque qu'il reçoit une lettre de la mère de David Pinsent lui annonçant que ce dernier est décédé dans un accident d'avion le 8 mai<ref>{{article|titre=Décès de D.H. Pinsent : Récupération du corps|date=15 mai 1918|journal=Birmingham Daily Mail|url=http://mikeinmono.blogspot.com/2009/08/that-sprawling-ink-blot.html|consulté le=7 septembre 2010|extrait=Le corps de M. &nbsp;David Hugh Pinsent, observateur civil, fils de M. et Mme &nbsp;Hume Pinsent, de Foxcombe Hill, près d'Oxford et de Birmingham, deuxième victime de l'accident d'avion de mercredi dernier dans l'ouest du Surrey, a été retrouvé la nuit dernière dans le canal Basingstoke, à Frimley.}}.</ref> Wittgenstein est désemparé au point de penser au suicide{{sfn|Bartley|1994|pp=33-34}}{{,}}{{Sfn|Monk|2021|p=159}}.

Après son retour sur le [[Front italien]], Wittgenstein est fait prisonnier en novembre dans le nord de l'[[Italie]] par l'armée italienne. Celle-ci trouve dans ses affaires un manuscrit rédigé en allemand nommé ''Logische-Philosophische Abhandlung''. Grâce à l'intervention de ses amis de Cambridge, Wittgenstein peut avoir accès à des livres et préparer son manuscrit du ''Tractatus''. Il l'envoie en [[Angleterre]] à [[Bertrand Russell|Russell]] qui le considère comme un travail philosophique d'une grande importance. Après la libération de Wittgenstein en [[1919]], ils travaillent ensemble pour le faire publier{{Sfn|Monk|2021|p=162-163}}.

La traduction anglaise est assurée dans un premier temps par [[Frank Ramsey]], puis par [[C. K. Ogden]], avec l'aide de Wittgenstein. Il paraît d'abord en allemand en [[1921]]<ref>{{lien web|auteur=Francis Wybrands|titre= Wittgenstein (L.), en bref|éditeur= ''Encyclopædia Universalis'' |url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/wittgenstein-l-en-bref|consulté le=13 mars 2013}} {{citation| Wittgenstein n’a publié de son vivant qu’une mince plaquette, le ''Tractatus logico-philosophicus'' (1921)}}.</ref> sous le titre ''Logisch-philosophische Abhandlung'', puis sur les ''suggestions'' de [[George Edward Moore]], en anglais, un an plus tard avec le titre [[latin]] actuel ''Tractatus logico-philosophicus'', par analogie avec le ''[[Traité théologico-politique|Tractatus theologico-philosophicus]]'' de [[Baruch Spinoza|Spinoza]]{{Sfn|Monk|2021|p=207}}{{,}}<ref name="TRACTATUS LOGICO-PHILOSOPHICUS, livre de Ludwig Wittgenstein">{{lien web|auteur=Jean-Pierre Cometti|titre=Tractatus Logico-Philosophicus, Ludwig Wittgenstein |éditeur= Encyclopædia Universalis|url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/tractatus-logico-philosophicus/|consulté le=13 mars 2013}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=76}}.

Russell rédige une introduction afin que le livre bénéficie de la réputation de l'un des plus grands philosophes du moment. Les difficultés perdurent néanmoins, Wittgenstein se défiant de Russell, n’appréciant pas son introduction qui, selon lui, évince les problématiques fondamentales du ''Tractatus''. Cet épisode obscurcit<ref name="TRACTATUS LOGICO-PHILOSOPHICUS, livre de Ludwig Wittgenstein" /> l’amitié qui les liait depuis leur première rencontre (1912-1913). Wittgenstein s'oppose à ce que l'introduction soit publiée dans la version allemande. Dans une lettre à Russell du {{date|6|mai|1920}}, il s'exprime ainsi :

{{Citation bloc|ton introduction ne sera pas imprimée et par conséquent il est vraisemblable que mon livre ne le sera pas non plus. Car lorsque j'ai eu devant les yeux la traduction allemande de l'Introduction, je n'ai pu me résoudre à la laisser imprimer avec mon livre. La finesse de ton style anglais s’était en effet, comme il est naturel, perdue dans la traduction et ce qui restait n’était que superficialité et incompréhension.|Wittgenstein<ref>{{Ouvrage|auteur1=Wittgenstein|traducteur=G.G. Granger|titre=Carnets 1914-1916|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1997|pages totales=249|passage=235-236|isbn=978-2-07-074772-6|isbn2=2-07-074772-7}}.</ref>.}}Wittgenstein connaît la frustration devant ses difficultés à trouver un éditeur intéressé et plus encore en réalisant que les quelques personnes susceptibles d’éditer son livre sont plus intéressées par l'introduction de Russell que par le contenu de l'ouvrage. Ce dernier est finalement publié par le journal de [[Wilhelm Ostwald]] ''Annalen der Naturphilosophie'', qui imprime une version en allemand en [[1921]], et par [[Routledge (maison d'édition)|Routledge (éditeur)]], qui imprime une version bilingue avec l'introduction de Russell, le titre de Moore et la traduction de Ramsey et Ogden en [[1922]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=76}}.

Wittgenstein retourne à Vienne en août [[1919]], épuisé physiquement et mentalement. Il décide deux choses : s'inscrire à l'école normale pour devenir instituteur ; et se débarrasser de sa fortune. Au regret de sa famille, il divise l'argent entre ses frères et sœurs, en insistant pour que cet argent ne soit pas détenu par [[fiducie]] pour lui{{sfn|Bartley|1994|pp=33-39, 45}}.

Ces bouleversements dans la vie de Wittgenstein, à la fin de sa première période et au commencement de sa seconde, le mènent à vivre une vie d'ascète. Son geste le plus spectaculaire est de laisser sa part d'héritage à des artistes autrichiens et allemands d'avant-garde dont [[Rainer Maria Rilke]] et surtout [[Georg Trakl]] (qu'il préfère au premier), ainsi qu'à ses frères et sœurs, en insistant pour qu'ils promettent de ne jamais le lui rendre. Il a le sentiment que donner de l'argent aux pauvres ne pourrait que les corrompre, alors qu'il ne ferait pas de mal aux riches{{Sfn|McGuinness|1991|p=254-255}}.

=== 1920-1928 : la vie après le ''Tractatus'' ===
Considérant à l'époque avoir achevé son travail de clarification avec le ''Tractatus'', Wittgenstein retourne en [[Autriche]] et devient instituteur. Il est façonné aux méthodes du mouvement de réforme scolaire autrichien dont la conception de l'éducation est essentiellement liée à des motifs sociaux et politiques. Cette réforme repose sur la stimulation de la curiosité naturelle des enfants et le développement de leur autonomie de jugement, plutôt que sur la sollicitation de leur seule mémoire. Ces principes d'éducation l'enthousiasment, cependant Emmanuel Halais explique que Wittgenstein n’en était pas moins en désaccord pour des raisons de caractère, et pour des raisons morales ; que pour Wittgenstein {{citation|si une éducation réussie peut avoir pour conséquence une élévation des conditions sociales, ce ne peut être le but direct de l'éducation}}<ref>{{article|auteur=Emmanuel Halais|titre= Wittgenstein, l'éducation, le solipsisme |périodique=Éducation et didactique |date= 2011|volume=5|numéro=2|passage = 117-124|doi=10.4000/educationdidactique.1241 |url= https://journals.openedition.org/educationdidactique/1241|consulté le =20 février 2023}}.</ref> ; il doit affronter de nombreuses difficultés à leur mise en pratique dans sa classe des villages de [[Trattenbach]], [[Puchberg am Schneeberg]] et [[Otterthal]]{{Sfn|Monk|2021|loc=Chapitre 9. « Une situation vraiment rurale »}}.

==== Postes d'enseignant en Autriche ====
Au cours de l'été {{date-|1920}}, Wittgenstein travaille comme jardinier dans un monastère. Il postule d'abord, sous un faux nom, à un poste d'enseignant à [[Reichenau an der Rax|Reichenau]], obtient le poste, mais le refuse lorsque son identité est découverte. Il souhaite ne pas être reconnu comme un membre de la famille Wittgenstein mais en tant qu'enseignant. À cela, son frère Paul écrit : {{Citation bloc|Il est hors de question, complètement hors de question, que quelqu'un portant notre nom et dont l'éducation élégante et douce se remarque de loin, ne soit pas identifié comme un membre de notre famille… Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on ne peut ni simuler ni dissimuler quoi que ce soit, y compris une éducation raffinée{{sfn|Waugh|2008|p=150}}.}}
[[Fichier:Wittgenstein2.jpg|vignette|Photographie de Ludwig Wittgenstein alors [[instituteur]], en 1922.|alt=Portait en noir et blanc de Ludwig en buste, sévère et contrasté.]]
En [[1920]], Wittgenstein obtient son premier poste d'instituteur à [[Trattenbach]], sous son vrai nom, dans un village isolé de quelques centaines d'habitants. Ses premières lettres le décrivent comme magnifique, mais en {{date-||octobre|1921}}, il écrit à Russell : « Je suis toujours à Trattenbach, entouré, comme toujours, d'odieux et de bassesse. Je sais que les êtres humains, en moyenne, ne valent pas grand-chose n'importe où, mais ici, ils sont bien plus bons à rien et irresponsables qu'ailleurs »{{sfn|Klagge|2001|p=185}}. Il est rapidement l'objet de rumeurs parmi les villageois, qui le trouvent pour le moins excentrique, d'autant plus qu'il ne s'entend pas bien avec les autres enseignants<ref>{{article|lien auteur=Norman Malcolm|nom=Malcolm|prénom=Norman|url=https://www.lrb.co.uk/the-paper/v03/n21/norman-malcolm/wittgenstein-s-confessions|titre=Les Confessions de Wittgenstein|périodique=[[London Review of Books]]|volume=3|numéro=21|date=19 novembre 1981}}.</ref>. Les élèves en difficulté sont chez Wittgenstein d'autant plus soumis à sa sévérité. Les deux premières heures de chaque journée étaient consacrées aux mathématiques, des heures dont Monk écrit que certains élèves se souvenaient des années plus tard avec horreur{{sfn|Monk|2021|p=198}}.
[[Fichier:Puchberg_am_Schneeberg-view.jpg|gauche|vignette|[[Frank P. Ramsey]] a rendu visite à Wittgenstein à [[Puchberg am Schneeberg]] en septembre 1923.|alt=Une montagne, se faisant recouvrir d'une nappe de nuages à l'arrière plan, est limitée par des habitations et de la végétation au premier plan.]]
En septembre [[1922]], il s'installe dans une école secondaire dans une commune voisine, Hassbach, mais considère que les gens y sont tout aussi mauvais et part au bout d'un mois. En novembre, il commence à travailler dans une autre école primaire, cette fois à [[Puchberg am Schneeberg|Puchberg]] dans les montagnes du [[Schneeberg (Alpes)|Schneeberg]]. Là-bas, dit-il à Russell, les villageois sont « un quart animal et trois quarts humains »{{Sfn|Monk|2021|p=213}}.

Le philosophe et logicien [[Frank Ramsey]] lui rend visite en {{date-||septembre|1923}} pour discuter du ''Tractatus'', dont il a accepté d'écrire une critique pour ''[[Mind (journal)|Mind]]''{{sfn|Monk|2021|pp=215-219}}{{,}}<ref>{{Article|langue=en|prénom1=F. P.|nom1=Ramsey|titre=Review of Tractatus Logico-Philosophicus|périodique=Mind|volume=32|numéro=128|date=1923|issn=0026-4423|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/2249608|consulté le=2022-12-25|pages=465–478}}.</ref>. Il rapporte dans une lettre que Wittgenstein vit frugalement dans une minuscule chambre blanchie à la chaux qui ne peut contenir qu'un lit, un lavabo, une petite table et une petite chaise dure. Ramsey partage avec lui un repas du soir composé de pain grossier, de beurre et de cacao. Les heures de cours de Wittgenstein étaient de huit heures à midi ou une heure et il avait les après-midi libres<ref>{{Article|langue=en|prénom1=D. H.|nom1=Mellor|titre=Cambridge Philosophers I: F. P. Ramsey|périodique=Philosophy|volume=70|numéro=272|date=1995-04|issn=0031-8191|issn2=1469-817X|doi=10.1017/S0031819100065396|lire en ligne=https://www.cambridge.org/core/product/identifier/S0031819100065396/type/journal_article|consulté le=2022-11-26|pages=243–262}}.</ref>. Après le retour de Ramsey à Cambridge, de vaines tentatives émergent parmi les amis de Wittgenstein pour le persuader de revenir à Cambridge. Il n'accepte par ailleurs aucune aide, même de la part de sa famille{{sfn|Monk|2021|p=222}}. Ramsey écrit à [[John Maynard Keynes]] : {{Citation bloc|[La famille de Wittgenstein] est très riche et souhaiterait lui donner de l'argent ou l'aider de tout autre manière et il refuse toutes leurs offres. […] Et cela parce qu'il ne veut pas avoir d'argent qu'il n'a pas gagné sauf pour des buts très précis, comme par exemple [sic] vous revoir. […] C'est vraiment désolant{{sfn|Monk|2021|p=221}}.}}

==== L'incident Haidbauer à Otterthal ====
[[Fichier:29. Wittgenstein with his pupils in Puchberg am Schneeberg.jpg|vignette|Photographie de Wittgenstein (''septième en partant de la droite'') et ses élèves, prise à [[Puchberg am Schneeberg|Puchberg]] au printemps 1923.|alt=Photographie de classe, vieillie sur laquelle deux rangs d'élèves figurent, ainsi que leur instituteur septième en partant de la droite.|upright=1.2]]
Il change à nouveau d'école en septembre [[1924]], cette fois à [[Otterthal]], près de Trattenbach. Wittgenstein y écrit alors un dictionnaire de prononciation et d'orthographe de 42 pages pour enfants, ''Wörterbuch für Volksschulen'', publié à Vienne en 1926, le seul de ses livres en dehors du ''Tractatus'' qui a été publié de son vivant{{Sfn|Monk|2021|p=225}}.

Un incident, dit d'''Haidbauer'', se produit en avril [[1926]]. Josef Haidbauer est un élève de {{nobr|11 ans}} dont le père est décédé et dont la mère travaille comme femme de ménage. Il apprenait selon Wittgenstein trop lentement, ce qui l'a un jour amené à le frapper deux ou trois fois à la tête, provoquant l'effondrement du jeune Josef. Wittgenstein l'a porté jusqu'au bureau du directeur, puis a rapidement quitté l'école{{Sfn|Monk|2021|p=232-233}}.

Un villageois qui était alors présent a essayé de faire arrêter Wittgenstein le jour même, mais le poste de police était vide. Wittgenstein a disparu le lendemain. Des poursuites ont été engagées en mai et le juge a ordonné une expertise psychiatrique{{sfn|Waugh|2008|p=162}}{{,}}{{Sfn|Monk|2021|p=232-233}}. Dix ans plus tard, en 1936, Wittgenstein s'est présenté sans prévenir au village voulant se confesser personnellement et demander pardon aux enfants qu'il avait frappés{{sfn|Monk|2021|pp=379}}.

Particulièrement déprimé tout au long de cette période, il démissionne en avril [[1926]] et retourne à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] avec un sentiment d'échec{{Sfn|Chauviré|1989|p=102}}.

==== Maison Wittgenstein ====
{{Article détaillé|Maison Wittgenstein}}
[[Fichier:Wittgensteinhaus.jpg|vignette|gauche|Wittgenstein a travaillé sur la [[Haus Wittgenstein|maison Wittgenstein]] entre {{date-|1926}} et {{date-|1929}}.|alt=Façade d'une maison au style épuré et aux formes carrées. Une porte et huit fenêtres identiques s'offrent à la vue du badaud.]]
En {{date-|1926}}, il travaille ensuite comme assistant-jardinier d'un monastère près de [[Vienne (Autriche)|Vienne]]. Il envisage de se faire moine et va jusqu'à se renseigner sur la façon de se joindre à l'ordre. Au cours d'un entretien, on lui indique qu'il ne trouverait pas ce qu'il cherchait dans la [[Monachisme|vie monastique]]{{Sfn|Monk|2021|p=235-236}}.

Un premier événement contribue à sortir Wittgenstein de sa dépression ; c'est l'invitation en {{date-|novembre 1925}} de sa sœur [[Margarethe Stonborough|Margaret (''Gretl'') Stoneborough]] à travailler avec l'architecte [[Paul Engelmann]] (qui était devenu un ami proche de Wittgenstein pendant la guerre) sur la conception et la construction de sa nouvelle maison. Ils construisent un bâtiment dans un [[Architecture moderne|style moderniste]], inspiré des travaux d'[[Adolf Loos]] qu'ils admirent tous les deux beaucoup. Wittgenstein trouve le travail intellectuellement captivant et exténuant. Il se donne corps et âme dans l'absolue perfection de détails comme les poignées de portes et les radiateurs qui doivent être positionnés avec une parfaite exactitude pour assurer la symétrie des pièces<ref name="Jeffries2">{{article| langue=en|nom=Jeffries|prénom=Stuart|url=http://books.guardian.co.uk/departments/politicsphilosophyandsociety/story/0,,627752,00.html|titre=A dwelling for the gods|périodique=The Guardian|date=5 January 2002}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Monk|2021|p=236}}. Cette œuvre de l'architecture moderniste évoque quelques commentaires inspirés selon G. H. von Wright<ref>{{Lien web |auteur=Jacques Bouveresse|titre=Le mythe du progrès selon Wittgenstein et von Wright |url=https://www.cairn.info/revue-mouvements-2002-1-page-126.htm}}.</ref> : ce dernier déclare que la maison possède la même {{Citation|beauté statique}} que le ''Tractatus''. Selon le biographe et philosophe [[Ray Monk]], l'intransigeance de Wittgenstein à atteindre à nouveau la perfection, non plus en logique, mais en architecture, comme il la cherchait aussi en reproduisant des bustes de la [[Sculpture grecque antique|statuaire grecque]], lui redonne le goût de la recherche et de la pensée pure{{Sfn|Monk|2021|p=238}}. La [[Maison Wittgenstein|Haus Wittgenstein]] est vendue par la famille en 1968 et est aujourd'hui le centre culturel de Bulgarie{{Sfn|Monk|2021|p=237-238}}.

Wittgenstein précise que « ma maison pour Gretl est le produit d'une finesse d'oreille incontestable, de ''bonnes manières'', l'expression d'une grande ''compréhension''… Mais la vie ''originaire'', la vie ''sauvage'', qui voudrait se déchaîner, est absente. On pourrait donc dire également qu'il lui manque la ''santé'' »{{sfn|Monk|2021|p=240}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=113-114}}. Monk commente que l'on pourrait dire la même chose de la sculpture en terre cuite, techniquement excellente mais austère, que Wittgenstein a modelée sur Marguerite Respinger en {{date-|1926}} et que, comme Russell l'a remarqué, cette « vie sauvage qui s'efforce d'éclater » est précisément la substance de l'œuvre philosophique de Wittgenstein{{sfn|Monk|2021|p=240}}.

==== Le Cercle de Vienne ====
{{Voir aussi|Cercle de Vienne}}
Le second événement, qui contribue à sortir Wittgenstein de sa dépression, survient vers la fin de son travail sur la maison, quand il est contacté par [[Moritz Schlick]], l'un des chefs de file du tout nouveau [[Cercle de Vienne]]{{Sfn|Monk|2021|p=241-244}}. Le [[empirisme logique|néopositivisme]] viennois était considérablement influencé par le ''Tractatus'' et bien que Schlick ne parvînt pas à y traîner Wittgenstein, ils eurent un certain nombre de discussions philosophiques avec la participation d'autres membres du cercle, notamment [[Friedrich Waismann]]. Wittgenstein se sentait souvent gêné par ces rencontres. Il avait le sentiment que Schlick et ses collègues faisaient des contresens fondamentaux à propos du ''Tractatus'' et il finit par refuser toute discussion sur le sujet{{Sfn|Monk|2021|p=244}}. La majorité des désaccords concernaient l'importance de la vie religieuse et mystique, Wittgenstein considérant ces questions comme une sorte de foi inexprimable, tandis que les positivistes les trouvaient inutiles{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=103|loc=in Brian McGuinness, ''Wittgenstein et le Cercle de Vienne''}}.

Durant certaines de ces rencontres, Wittgenstein leur tourne le dos et leur lit de la poésie, notamment des poèmes de [[Rabindranath Tagore]], peut-être pour bien leur faire comprendre que, pour lui, ce qui n’est pas dans le ''Tractatus'' est plus important que ce qui y est<ref>{{Harvsp|Monk|2021|p=243}}, {{Harvsp|Chauviré|1989|p=102}}.</ref>. Quoi qu'il en soit, les contacts avec le Cercle de Vienne stimulent l'intellect de Wittgenstein et réveillent son intérêt pour la philosophie. Il rencontre également [[Frank Ramsey]], un jeune philosophe des mathématiques qui vient plusieurs fois de [[Cambridge]] pour rencontrer Wittgenstein et le [[Cercle de Vienne]]. Au cours de ses discussions avec Ramsey et le Cercle de Vienne, Wittgenstein commence à s’interroger sur son travail et envisage la possibilité que le ''Tractatus'' comporte une grave erreur, ce qui marque le début de sa seconde carrière de philosophe et l'occupe pour le reste de sa vie{{Sfn|Monk|2021|p=241-244}}.

Dans son autobiographie, [[Rudolf Carnap]] décrit Wittgenstein comme le penseur l'ayant le plus influencé : 
{{Citation bloc|Son point de vue et son attitude envers les gens et les problèmes, y compris les problèmes théoriques, étaient bien plus proches de ceux d’un artiste que d’un scientifique ; on pourrait presque dire, semblables à ceux d’un prophète ou d’un voyant. […] Quand la réponse jaillissait enfin, parfois après un long et pénible effort, elle se trouvait là, devant nous, comme une œuvre d’art récemment créée ou une révélation divine. […] nous avions l’impression que la compréhension lui venait comme par une inspiration divine et nous ne pouvions nous empêcher de penser que toute remarque ou analyse rationnelle serait une profanation{{sfn|Monk|2021|p=244}}.}}

=== 1929-1941 : retour à Cambridge ===
[[Fichier:1914 George Edward Moore (cropped).jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc d'un homme élégamment vêtu au regard pénétrant, fumant la pipe, une chaîne de montre en évidence sur le gilet de son costume.| [[George Edward Moore|G. E. Moore]] (ci-dessus en 1914), membre du jury avec [[Bertrand Russell|Russell]] de la thèse de Wittgenstein.]]
En [[1929]], Wittgenstein décide, sur les conseils de [[Frank Ramsey]], ainsi que l'insistance de [[Bertrand Russell|Russell]] et [[G.E. Moore|Moore]], de retourner à Cambridge<ref>{{article|titre=Investigations philosophiques|périodique=La Bibliothèque idéale des Sciences humaines|numéro=42 (Hors-série)|année=2003|lire en ligne=http://scienceshumaines.com/investigations-philosophiques_fr_13090.html|consulté le=1 mai 2015}}.</ref>. Il est accueilli à la gare par une foule composée de quelques-uns des plus grands intellectuels d'[[Angleterre]] et réalise avec horreur qu'il est l'un des philosophes les plus célèbres au monde. [[John Maynard Keynes|Keynes]] écrit dans une lettre du 18 janvier 1929 à [[Lydia Lopokova]] : « Eh bien, Dieu est arrivé. Je suis allé le chercher au train de cinq heures et quart{{sfn|Monk|2021|p=253}}. »

Faute de diplôme et malgré sa notoriété, il ne peut travailler immédiatement à Cambridge et s'inscrit d'abord comme simple étudiant. [[Bertrand Russell|Russell]] reconnaît rapidement son premier séjour comme suffisant et le presse d'utiliser le ''Tractatus'' comme [[thèse de doctorat]], ce qu'il fait dans l'année<ref>{{en}} Alan Wood (1957). ''Bertrand Russell: The Passionate Sceptic.'' (London: Allen and Unwin). {{p.|156}}.</ref>. Russell et Moore font office de jury pour sa soutenance à l'issue de laquelle il leur tape familièrement sur l'épaule en déclarant : « Ne vous en faites pas, je sais que vous ne le comprendrez jamais{{sfn|Monk|2021|p=269}}. » Moore écrit dans son rapport de jury : « Mon avis personnel est que la thèse de M. Wittgenstein est une œuvre de génie, mais, ceci mis à part, elle atteint certainement le niveau requis pour l'obtention du grade de docteur en philosophie de Cambridge »{{Sfn|Chauviré|1989|p=122}}{{,}} {{note|groupe=n|texte=Outre cet extrait de [[G. E. Moore]], plusieurs des proches de Wittgenstein le considérait comme un génie. Par exemple, Russell présenta plus tard Wittgenstein comme « … peut-être l’exemple le plus parfait du génie tel qu’on l’imagine : passionné, profond, intense et dominateur. »{{Sfn|Monk|2021|p=56}}.}}. Wittgenstein est embauché comme assistant et devient membre du [[Trinity College (Cambridge)|Trinity College]]{{sfn|Monk|2021|p=269}}.

Les sympathies politiques de Wittgenstein sont à cette époque plutôt à gauche et lorsqu'on l'interroge sur la théorie [[marxisme|marxiste]], il se déclare « communiste de cœur » et idéalise la vie des travailleurs. Rejoindre un parti politique est cependant contraire selon Wittgenstein aux devoirs du philosophe, il dissuade par exemple son ami Rhees à rejoindre le [[Parti communiste révolutionnaire de Grande-Bretagne (marxiste-léniniste)|Parti communiste révolutionnaire]]. Pratiquer la philosophie, précise-t-il, implique de pouvoir changer de direction et de penser le communisme indifféremment des autres idéologies{{Sfn|Monk|2021|p=479}}. Attiré par la description de la [[Russie soviétique]] dans l'ouvrage ''{{langue|en|A Short View of Russia}}'' de Keynes, à la suite du voyage de ce dernier en 1925 dans ce pays<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=John Maynard|nom1=Keynes|titre chapitre=A Short View of Russia|titre ouvrage=Essays in Persuasion|éditeur=Palgrave Macmillan UK|date=2010|isbn=978-1-349-59072-8|doi=10.1007/978-1-349-59072-8_20|lire en ligne=https://doi.org/10.1007/978-1-349-59072-8_20|consulté le=2023-02-16|passage=253–271}}.</ref>, il envisage en [[1934]] d'émigrer en [[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] avec son meilleur ami et amant [[Francis Skinner]]. Ils prennent des leçons de russe et en [[1935]], Wittgenstein se rend à [[Saint-Pétersbourg]] (alors Leningrad) et [[Moscou]], afin de voir s'il peut y trouver du travail. Un poste d'enseignant lui est proposé, mais il préfère un travail manuel et rentre trois semaines plus tard{{Sfn|Monk|2021|p=350-357}}.

==== Vie sentimentale ====
{{Article détaillé|Francis Skinner|David Pinsent}}
Bien que Wittgenstein soit impliqué dans une relation avec Marguerite Respinger (1904-2000), jeune femme suisse amie de la famille, leur projet de mariage échoue en [[1931]] et il ne se marie jamais. Il existe un débat considérable sur l'intensité de la [[Homosexualité|vie homosexuelle]] de Wittgenstein, inspiré par [[W.W. Bartley, III]]<ref name="Madigan">{{Lien web |langue=en|nom=Madigan |prénom=Timothy J. |auteur=Timothy J. Madigan|titre=The Uses and Abuses of Philosophical Biographies |url=http://philosophynow.org/issues/35/The_Uses_and_Abuses_of_Philosophical_Biographies |série=Philosophy Now 2012 |éditeur=Philosophy Now |consulté le=17 février 2023}}.</ref>, qui affirme avoir trouvé des preuves de plusieurs liaisons passagères du philosophe quand il habitait Vienne<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=William Warren Bartley III|titre= Wittgenstein: By William Warren Bartley III. 1st Ed|lieu=Philadelphie |éditeur=Lippincott|collection=Portraits|année= 1973|pages totales=192|isbn= 9780397007516|oclc= 514555}}.</ref>. Quoi qu'il en soit, il reste clair que Wittgenstein a eu plusieurs relations homosexuelles durables, comprenant une passion platonique intense pour son ami de jeunesse [[David Pinsent]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=45}}{{,}}{{Sfn|Monk|2021|p=60}} et à l'âge mûr des relations stables avec [[Francis Skinner]] et Ben Richards<ref>{{Lien web |langue=en-GB |titre=On the Correspondence Ludwig Wittgenstein – Ben Richards – Wittgenstein Initiative |url=https://wittgenstein-initiative.com/on-the-correspondence-ludwig-wittgenstein-ben-richards/ |consulté le=2023-02-13}}.</ref>, beaucoup plus jeunes, ainsi que quelques coups de foudre non partagés<ref>{{Lien web | langue=en|titre=Lost archive shows Wittgenstein in a new light |url=https://www.theguardian.com/books/2011/apr/26/wittgenstein-lost-archive |série=[[The Guardian]] |date=26 April 2011}}.</ref>.

==== ''Anschluss'' ====
[[Fichier:21._Photographs_showing_Wittgenstein’s_house_in_Norway (cropped).jpg|droite|vignette|Photographie montrant la maison de Wittgenstein en [[Norvège]], envoyée par Wittgenstein à [[G. E. Moore]], octobre 1936.|alt=Prise de vue en hauteur d'une maison aux tuiles apparentes ; le ton de la photographie est sombre.]]
De [[1936]] à [[1937]], Wittgenstein vit à nouveau en [[Norvège]]<ref>{{lien web|titre=Ludwig Wittgenstein : Return to Cambridge |url=http://www.wittgen-cam.ac.uk/cgi-bin/text/biogre8.html |website=Cambridge Wittgenstein Archive |archive-url=https://web.archive.org/web/20071103154319/http://www.wittgen-cam.ac.uk/cgi-bin/text/biogre8.html |archive-date=3 November 2007}}.</ref>, laissant Skinner derrière lui. Il travaille sur les ''[[Investigations philosophiques]]''. Au cours de l'hiver 1936-1937, il écrit une série de « confessions » à des amis proches, pour la plupart concernant de petites incartades sans gravité, afin de libérer sa conscience{{Sfn|Monk|2021|p=359}}.

En [[1938]], il se rend en [[Irlande (pays)|Irlande]] pour rendre visite à son ami [[Maurice O'Connor Drury|Drury]] devenu psychiatre et envisage lui-même une telle formation, avec l'intention d'abandonner la philosophie pour celle-ci{{Sfn|Monk|2021|p=504}}. La visite en Irlande est en même temps une réponse à l'invitation du [[Taoiseach]] irlandais de l'époque, [[Éamon de Valera]], lui-même ancien professeur de mathématiques. De Valera espère que la présence de Wittgenstein contribue à la création du [[Dublin Institute for Advanced Studies]]<ref>{{lien web| langue=en|titre=MacTutor: Biography of Éamon de&nbsp;Valera |url=http://mathshistory.st-andrews.ac.uk//Biographies/De_Valera.html |extrait=The most important contribution de Valera made to mathematics both in Ireland and internationally was the foundation of the Dublin Institute for Advanced Studies (DIAS) in 1940.}}.</ref>.

Pendant son séjour, l'[[Allemagne]] procède à l'annexion de l'[[Autriche]] (l'[[Anschluss]]) ; le citoyen viennois Wittgenstein devient alors citoyen [[allemand]] et un [[Mischling|Mischling du {{2e}} degré]], statut bâtard d'aryen/juif (du fait des origines juives de sa famille paternelle), dont le traitement était moins brutal que celui réservé aux Juifs. Il est « aryennisé » au terme d'une procédure spéciale{{Sfn|Monk|2021|p=394}}. Cette reclassification de « Befreiung » a nécessité l'accord d'[[Adolf Hitler|Hitler]] ; en [[1939]], il n'y eut que douze reclassifications pour {{formatnum:2100}} candidatures{{Sfn|Edmonds|Eidinow|2001|p=98,105}}.
Après l'Anschluss, son frère [[Paul Wittgenstein|Paul]] part presque immédiatement pour l'Angleterre, puis pour les États-Unis. Les nazis ont découvert sa relation avec Hilde Schania, une fille de brasseur avec qui il avait eu deux enfants sans l'avoir épousée – bien qu'il l'ait fait plus tard. Parce qu'elle n'est pas juive, il reçoit une assignation pour « [[Rassenschande]] » (''honte raciale''), en raison de l'interdiction d'union entre une personne juive et une non juive alors en vigueur. Son départ est si soudain et discret qu'on a cru un temps qu'il était le quatrième frère Wittgenstein à s'être suicidé{{sfn|Waugh|2008|pp=224-226}}. Après la guerre, en raison d'un conflit d'argent, Paul coupe tout contact avec Ludwig et ses sœurs. Il ne rend pas visite à Hermine qui est mourante à Vienne lorsqu'il y donne un récital et il n'a plus aucun contact avec Ludwig et Gretl<ref name="gottlieb" />.

==== Professeur de philosophie ====
En [[1939]], [[G. E. Moore]] démissionne et Wittgenstein obtient la chaire de philosophie de Cambridge{{Sfn|Chauviré|1989|p=130}}. Il est naturalisé sujet britannique peu de temps après, le 12 avril 1939<ref>{{London Gazette|startpage=2994|issue=34622|date=5 May 1939|supp=y}}.</ref>.

[[Norman Malcolm]], alors chargé de recherche à Cambridge, décrit ses premières impressions ainsi que le programme de conférences de Wittgenstein :
{{Citation bloc|Bien que Wittgenstein donnât lui-même le nom de cours à ses séances, je ne suis pas tout à fait sûr que ce fut le terme qui convenait. […] Parfois cependant, comme il s'efforçait de poursuivre une idée et de la rendre plus claire, il interdisait, d'un mouvement de la main, toute autre question ou remarque. Il se produisait fréquemment des périodes de silence où Wittgenstein paraissait se parler à lui-même, tandis que l'assistance demeurait profondément attentive. Pendant ces périodes, Wittgenstein ne cessait de demeurer à la fois agité et tendu. Le visage austère aux traits mobiles, le regard concentré, les mains cherchant à saisir des objets imaginaires : on ne pouvait éviter d'être frappé du sérieux de cette attitude et de la tension intellectuelle qu'elle révélait{{note|{{Harvsp|Chauviré|1989|p=124}}. ({{Harvsp|Malcolm|1984|p=25}}, trad. dans {{Harvsp|Wittgenstein|1988|p=334-335}}.)}}.}}

Après ses cours ou lors de périodes d'intenses réflexions philosophiques, Wittgenstein aime aller voir des [[Western|westerns]] ou lire des [[Roman policier|romans policiers]]. Il les considère comme des {{Citation|douches de l'esprit}}''{{sfn|Monk|2021|p=418}}{{,}}<ref>{{lien web| langue=en|prénom=Josef |nom=Hoffmann |titre=Hard-boiled Wit: Ludwig Wittgenstein and Norbert Davis |url=http://www.mysteryfile.com/NDavis/Wit.html |website=CADS |date=October 2003 }}.</ref>''. Ce goût pour les récits populaires contraste avec ses préférences musicales, domaine où il considère toute musique postérieure à [[Johannes Brahms|Brahms]] comme un symptôme de la décadence de la société{{Sfn|Chauviré|1989|p=24}}.

À ce moment de sa vie, son point de vue sur les [[fondements des mathématiques]] a considérablement évolué. Plus tôt, il aurait considéré que la [[logique]] offrait un fondement solide. Il avait même envisagé de mettre à jour l'ouvrage de Russell et [[Alfred North Whitehead|Whitehead]], les ''[[Principia Mathematica]]''. Désormais, il nie qu'il puisse y avoir un quelconque fait mathématique à découvrir ou que les énoncés mathématiques fussent vrais dans un sens réel. Les mathématiques expriment simplement le sens conventionnel de certains symboles. Il nie également que la [[contradiction]] puisse être fatale à un système mathématique. Il donne une série de conférences auxquelles [[Alan Turing]] assiste et qui sont le théâtre de débats vigoureux sur le sujet<ref>{{Ouvrage|prénom1=Andrew|nom1=Hodges|lien auteur1=Andrew Hodges|titre=Alan Turing|sous-titre=The Enigma|lieu=Londres|éditeur=[[Vintage Books|Vintage]]|année=2014|passage=194|isbn=978-1-78470-008-9}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Monk|2021|p=412-417}}.

=== 1941-1947 : Guy's Hospital ===
Pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], Wittgenstein quitte Cambridge et se porte volontaire pour servir dans un hôpital de [[Londres]] ainsi qu'au laboratoire de l’infirmerie royale Victoria.

En septembre 1941, il demande à John Ryle, frère du philosophe [[Gilbert Ryle]], s'il peut obtenir un emploi manuel au [[Guy's Hospital]] de Londres – John Ryle est professeur de médecine à Cambridge et a participé à la préparation de l'hôpital Guy's contre la [[blitzkrieg]]. Wittgenstein commence à travailler à l'hôpital en tant que brancardier et dispense des médicaments dans les salles de soins, où il conseille d'ailleurs aux patients de ne pas les prendre{{sfn|Monk|2021|p=428}}.

Le personnel de l'hôpital n'est pas informé qu'il s'agit de l'un des philosophes les plus célèbres du monde, bien que certains membres du personnel médical l'aient reconnu et restent discrets. « Bon Dieu, ne dites à personne qui je suis ! » supplie Wittgenstein à l'un d'entre eux{{sfn|Monk|2021|p=429-431}}. Wittgenstein y rencontre ensuite les Docteurs Grant et Reeve qui travaillaient dans une unité dédiée au [[Choc_hemorragique|choc traumatique]]. Wittgenstein se joint à eux à la Royal Victoria Infirmary comme technicien et fait usage de ses compétences d’ingénierie en améliorant la préparation fine des pièces d’histochimie fixées par la paraffine. Il invente également un nouveau dispositif qui permet l'enregistrement de la pression pulsée et la recherche du pouls paradoxal<ref>{{article| auteur= Marc E. Gentili| titre=Ludwig Wittgenstein (1889-1951) et le "wound shock”| périodique= [[Histoire des sciences médicales]]|date= avril 2015| volume=49|numéro=2| format= pdf| passage= 189-191|url=https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx2015x049x002/HSMx2015x049x002x0189.pdf }}.</ref>.
[[Fichier:Ludwig_Wittgenstein_Blue_Plaque,_76_Storey's_Way,_Cambridge,_UK.jpg|alt=Plaque commémorative dédiée à Ludwig Wittgenstein.|vignette|{{citation|Philosophe, ingénieur, architecte, artiste.}}]]
Il enseigne par intermittence à Cambridge jusqu’en [[1949]] puis, désireux de se consacrer à l'écriture, il démissionne « avec un soulagement manifeste<ref group=n>{{harvsp|Schulte|1992|p=21}}. Dans une lettre à [[Norman Malcolm|Malcolm]], il écrit : {{citation|Quoi qu’il puisse m’arriver (et je ne suis nullement confiant dans mon avenir), j'ai le sentiment d'avoir fait ce qui était le plus naturel.}}</ref> ». N'aimant pas la vie intellectuelle de Cambridge, il encourage plusieurs de ses étudiants à poursuivre des carrières non académiques<ref group=n>Pour son désir que ses étudiants ne fassent pas de philosophie, voir {{Harvsp|Malcolm|1958|p=28}}.</ref>. Wittgenstein reste néanmoins en contact avec le philosophe finlandais [[Georg Henrik von Wright]], qui lui succède au poste de professeur à l'université de Cambridge{{Sfn|Monk|2021|p=498}}.
Il écrit le {{1er}} avril 1942 : 

{{Citation bloc|Je n'ai plus le moindre espoir pour le reste de ma vie. C'est comme si je n'avais plus devant moi qu'une longue étendue de mort vivante. Je ne peux pas imaginer de futur pour moi autre qu'épouvantable. Sans amis et sans joie.|référence={{sfn|Monk|2021|p=437}}.}}

=== 1947-1951 : dernières années ===
[[Fichier:Wittgenstein_Gravestone_2021.jpg|gauche|vignette|Tombe de Wittgenstein, à [[Cambridge]].|alt=Photographie de la sépulture de Ludwig Wittgenstein, prise par la végétation ; elle consiste en une plaque avec inscription au sol.|upright=0.85]]
Après sa démission de Cambridge, la majeure partie des travaux de Wittgenstein est écrite dans l'isolement de la campagne et notamment sur la côte ouest de l'[[Irlande (pays)|Irlande]]. Il a écrit l'essentiel de ce qui sera publié après sa mort sous le titre ''Philosophische Untersuchungen'', les ''[[Recherches philosophiques]]'', quand en [[1949]] on lui diagnostique un [[cancer de la prostate]]. Cet ouvrage demeure la part la plus importante de son œuvre{{sfn|Monk|2021|p=540}}.

Il passe les deux dernières années de sa vie entre [[Vienne (Autriche)|Vienne]], [[Oxford]] et [[Cambridge]] tout en effectuant des voyages aux États-Unis et en Norvège. Son travail de l'époque s'inspire de ses conversations avec son ami et ancien étudiant [[Norman Malcolm]] pendant leurs longues vacances dans la maison de Malcolm aux [[États-Unis]]{{sfn|Monk|2021|p=511}}. Ils parlent du travail de Malcolm qui étudiait la réponse de [[G. E. Moore]] au [[Scepticisme (philosophie)|scepticisme]] sur la question des objets de l'expérience sensible (''{{langue|en|objects of sense-experience}}''). Ce travail est publié après la mort de Wittgenstein dans ''[[De la certitude]]''{{sfn|Monk|2021|p=546}}.

==== Mort ====
Wittgenstein meurt à Cambridge en avril [[1951]]<ref>{{lien web |titre=Wittgenstein's Grave |url=http://www.britishwittgensteinsociety.org/wittgensteins-grave |website=www.britishwittgensteinsociety.org |consulté le=16 février 2018}}</ref>. Treize jours avant de mourir, il écrit à Malcolm : {{Citation|Il vient de m'arriver une chose extraordinaire. Depuis un mois je me suis soudainement trouvé en état de reprendre mes recherches et j'avais eu la certitude que cela ne pourrait jamais plus se produire à nouveau}}<ref>{{Harvsp|Chauviré|1989|p=122}}</ref>{{,}} <ref>{{Harvsp|Malcolm|1984|p=80}}, trad. dans {{Harvsp|Wittgenstein|1988|p=422}}</ref>. Ses dernières paroles rapportées furent les suivantes : {{Citation|Dites-leur que cette vie a été pour moi merveilleuse{{note|{{Harvsp|Monk|2021|p=566}}; {{Harvsp|Chauviré|1989|p=122}}; {{Harvsp|Malcolm|1984|p=81}}, trad. dans {{Harvsp|Wittgenstein|1988|p=423}}.}}.}}

== Chronologie de l'œuvre ==
Dans le [[Francophonie|monde francophone]], l'œuvre de Wittgenstein, traduite par [[Gilles Gaston Granger]] et [[Jean-Pierre Cometti]], a principalement été étudiée par les Français [[Pierre Hadot]], [[Jacques Bouveresse]] et [[Christiane Chauviré]].
Les travaux de Wittgenstein sont couramment scindés en deux parties par ses commentateurs : le « premier Wittgenstein », qui correspond au ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]]''<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Peter Hacker|Hacker, P.M.S.]]|titre=Wittgenstein's Place in Twentieth-Century Analytic Philosophy|éditeur=Blackwell|année=1996|isbn=}}.</ref> et le « second Wittgenstein », pour ses écrits philosophiques postérieurs à 1929<ref>De nombreux ouvrages mentionnent cette dichotomie dans leur titre même, comme {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Sébastien|nom1=Gandon|titre=Logique et langage|sous-titre=Etudes sur le premier Wittgenstein|éditeur=Vrin|année=2002|pages totales=274|isbn=978-2-7116-1553-7|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=YImADNt8X54C&printsec=frontcover}}.</ref>.

La distinction conceptuelle des deux Wittgenstein, que l'on pensait à l'origine être clairement délimitée, a été revue et débattue à plusieurs reprises. La tendance étant, chez les auteurs francophones{{Note|texte=Chauviré considère que la philosophie seconde de Wittgenstein n'est que la {{Citation|continuation déguisée}} de sa première philosophie{{sfn|Chauviré|1989|p=19}} ; Badiou récuse la seconde philosophie, dans la mesure où {{Citation|les mathématiques sont méprisées et réduites […] à un jeu d'enfant.}}{{Sfn|Badiou|2017|p=12}}.}} comme chez les [[Pays anglophones|anglo-saxons]] (avec par exemple [[James F. Conant]] et [[Cora Diamond]]), à une vision qui tend à la continuité plutôt qu'à une nette rupture philosophique. Il n'est de même pas clairement établi de période qui correspondrait à un « entre-deux » {{Incise|la période du milieu s'étale en moyenne de 1920 aux années 1930, Wittgenstein retournant à Cambridge en 1929|v}}{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=''4. The Middle Wittgenstein''}}. Les travaux portant sur le Wittgenstein du milieu sont de plus en plus nombreux dans la mesure où les relations entre la pensée du Wittgenstein du début et celui de la fin prennent de l'ampleur dans la recherche sur Wittgenstein{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=''4. The Middle Wittgenstein''}}.

=== Le ''Tractatus logico-philosophicus'' ===
[[Fichier:Tractatus_title_page.jpg|alt=Fac-similé de page de titre.|vignette|Page de titre du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', publié en 1922.]]
{{Article détaillé|Tractatus logico-philosophicus {{!}} ''Tractatus logico-philosophicus''}}
La première philosophie de Wittgenstein, incarnée dans les propositions du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', naît dans un contexte historiquement bouleversé et intellectuellement intense et difficile. Sa rédaction s'étale sur plusieurs années, de 1914 à 1922, année de sa publication ; et en grande partie pendant son engagement militaire volontaire sur le [[Première Guerre mondiale|front]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=64}}. Le milieu intellectuel autrichien et allemand dans lequel évolua le jeune Wittgenstein a une influence sur sa pensée{{Note|texte={{Citation bloc|Il y a, je crois bien, une vérité dans ce que je pense parfois : qu’à proprement parler je suis simplement reproductif dans ma pensée. Je crois que je n’ai jamais ''inventé'' un chemin de pensée, mais qu’il m’a été donné par quelqu’un d’autre. Tout ce que j’ai fait, c’est de m’en emparer immédiatement avec passion pour mon travail de clarification. C’est ainsi que m’ont influencé Boltzmann, Hertz, Schopenhauer, Frege, Russell, Kraus, Loos, Weininger, Spengler, Sraffa.|Wittgenstein|[[Remarques mêlées]]{{sfn|Wittgenstein|2002|p=74}}}}}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=64}}.

L'auteur résume l'entreprise de son ouvrage dans son ''avant-propos'' : montrer que {{cita|ce qui peut être dit en général peut être dit clairement ; et sur ce dont on ne peut parler, on doit se taire}}{{sfn|Wittgenstein|2022|loc=note 5|p=228}}. La place que tient l'[[Ineffabilité|ineffable]] dans la première philosophie de Wittgenstein apparaît notamment dans la dernière proposition : {{citation|sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence}} et ainsi {{cita|ferme la boucle ouverte}} de l'''avant-propos''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christiane Chauviré|titre=Lire le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein|passage=235|lieu=Paris|éditeur=Vrin|collection=Études et Commentaires|année=2009|pages totales=278|isbn=978-2-7116-2229-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=wvDjgSFESbMC&pg=PA235}}.</ref>{{,}} {{note|Cette célèbre proposition, la plus débattue{{sfn|Wittgenstein|2022|loc=note 5|p=228}} {{cita|cristallise à elle seule la plupart des interrogations et perplexités que fait naître ce texte{{sfn|Wittgenstein|2022|loc=présentation|p=35}}}}. Ces remarques en préface, qui font aussi écho à l’exergue et anticipent donc la proposition 7{{sfn|Wittgenstein|2022|loc=note 3|p=89}}, permettent de saisir l’ « auto-sacrifice » illustré par la proposition 6.54{{sfn|Wittgenstein|2022|loc=présentation|p=33-35.}}.|group=n}}. C'est en cela que Wittgenstein écrit dans la préface du ''Tractatus'' qu'il croit avoir {{Citation|résolu les problèmes de façon définitive}}{{Sfn|Wittgenstein|2022|loc=« Introduction générale »|p=10-11}}.

Toutes les propositions du ''Tractatus'' sont numérotées, les nombres décimaux qui y sont attachés indiquant leur poids logique ou leur importance dans l'exposition selon la seule note de Wittgenstein dans l'ouvrage. Les sept propositions principales du traité, au sens où elles ont un numéro à un seul chiffre, sont les suivantes :

# – Le monde est tout ce qui a lieu.
# – Ce qui a lieu, le fait, est la subsistance d'états de chose.
# – L'image logique des faits est la pensée.
# – La pensée est la proposition pourvue de sens.
# – La proposition est une [[fonction de vérité]] des propositions élémentaires.
# – La forme générale de la fonction de vérité est <math>[\bar p,\bar\xi, N(\bar\xi)]</math>. C'est la forme générale de la proposition.
# – Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence.

[[Brian McGuinness|McGuinness]] rapproche la structure du traité, divisé en sept sections, de celle de la création du monde en sept jours<ref>{{chapitre|langue=en|auteur=Brian McGuinness|titre chapitre=Tractatus 1921-22|titre ouvrage=Wittgenstein, a life : Young Ludwig, 1889-1921|éditeur=University of California Press|année=1988|pages totales=322|isbn=9780520064515|passage=299-300}}.</ref> et Christiane Chauviré observe que l'ouvrage commence {{citation|en quelque sorte}} par la [[Livre de la Genèse|Genèse]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=76}} ({{Citation|Le monde est tout ce qui a lieu.}} {{Small|(1)}}) et se termine sur ce que Wittgenstein appelle le {{Citation|mystique}} {{Small|(6.522)}} naissant de l'[[Ineffabilité|ineffable]] ({{Citation|Sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire.}} {{Small|(7)}})<ref group="n">Sauf mention du contraire, la suite des références aux Tractatus sont toutes dans la traduction de [[Gilles Gaston Granger|G. Granger]].</ref>.

=== Le Wittgenstein du milieu ===
Après la guerre et la profonde influence qu'elle eut sur Wittgenstein, ce dernier quitte le palais familial et ses conceptions philosophiques changent de nature : il procède à une sévère [[autocritique]] de sa première philosophie<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Roger Caratini]]|titre=Initiation à la philosophie|sous-titre=2500 ans de philosophie Occidentale|passage=110|lieu=Paris|éditeur=Éditions Archipoche|année=2012|pages totales=718|isbn=978-2-35287-342-6|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=VSeLIX-8WQcC&printsec=frontcover}}.</ref>. Il passe alors quelques années, de 1920 à 1926 à instruire dans trois villages autrichiens de montagne{{Sfn|Chauviré|1989|p=100}}. Après cet épisode dont le seul document écrit est un traité de vocabulaire, le ''{{langue|de|Wörterbuch für Volkschulen}}''<ref>{{Article|prénom1=Joseph P.|nom1=Saint-Fleur|prénom2=Francis|nom2=Danvers|titre=Autour du Wörterbuch für volksschulen de L. Wittgenstein|périodique=Spirale - Revue de recherches en éducation|volume=1|numéro=1|date=1996|doi=10.3406/spira.1996.1992|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/spira_0994-3722_1996_hos_1_1_1992|consulté le=2023-03-19|pages=19–53}}.</ref>, Wittgenstein rentre à Vienne et fréquente à quelques reprises le [[Cercle de Vienne]] à la demande de [[Moritz Schlick]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=102}}.

Les travaux ayant permis de situer le Wittgenstein du milieu sont les ''[[Quelques remarques sur la forme logique]]'' (1929), ''[[Conférence sur l'éthique]]'' (1929), les ''[[Remarques philosophiques]]'' (1929-1930), la ''Grammaire philosophique'' (1932-1933), le ''Grand Cahier'' (1933) et les [[Cahier bleu et Cahier brun|''Cahiers bleu'' et ''brun'']] en 1933-1935. Les thèmes qui peuplent ces textes du milieu sont vastes et variés, certains renvoient à des sujets des première et seconde philosophies de Wittgenstein, d'autres semblent ne jamais réapparaitre. La [[Phénoménologie (philosophie)|phénoménologie]], par exemple, est une préoccupation constante de Wittgenstein dans le ''Grand Cahier'', bien que son rapport au Wittgenstein du ''Tractatus'' ou des ''Investigations'' soit discuté. Les [[Philosophie des mathématiques|mathématiques]] peuvent être considérées comme un autre point d'ancrage de l'investigation du Wittgenstein du milieu. En effet, bien qu'il soit clair que les mathématiques sont au centre du ''Tractatus'', leurs considérations deviennent plus énigmatiques précisément dans la période intermédiaire{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=''4. The Middle Wittgenstein''}}.

=== ''Recherches philosophiques'' ===
{{Article détaillé|Recherches philosophiques {{!}} ''Recherches philosophiques''}}
[[Fichier:Ludwig_Wittgenstein_-_Philosophical_Investigations,_1953.jpg|alt=Page de garde d'un ouvrage usagé, aux inscriptions en majuscules rouges sur fond blanc.|gauche|vignette|Page de couverture de la première édition anglaise des ''[[Investigations philosophiques]]'' publiée en 1953 (posthume), traduite par [[G. E. M. Anscombe]].]]
Wittgenstein retrouve définitivement [[Université de Cambridge|Cambridge]] en 1929, devient docteur en philosophie avec pour thèse son ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' et élabore à cette époque les prémisses d'une pensée neuve, couramment désignée comme sa « seconde philosophie ». La majeure partie de cette philosophie est exprimée dans les quelques livres publiés après sa mort, tels que ses ''[[Investigations philosophiques|Recherches philosophiques]]'', les [[Cahier bleu et Cahier brun|''Cahiers bleu et brun'']], les cours donnés à Cambridge{{Sfn|Chauviré|1989|p=122}}.

Les principales thèses développées lors de son retour à la philosophie doivent donc se comprendre comme des correctifs et compléments aux thèses du ''Tractatus''. Wittgenstein lui-même, s'il a été très critique de sa première philosophie, voulait qu'il soit publié conjointement au ''Tractatus'' lors de l'essai de parution avorté des ''[[Investigations philosophiques|Recherches philosophiques]]''{{Note|texte=Il dira des ''Recherches philosophiques'' qu'il n'a pas réussi à en donner la forme d'un traité. Elles sont publiées deux ans après sa mort.}}''.'' Dans le cas contraire, sa deuxième philosophie serait, comme le fut la première, incomprise{{Sfn|Sebestik|Soulez|5=1992|p=325|loc=''Ludwig Wittgenstein et le cercle de Vienne''}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=123}}. Les oppositions philosophiques principales du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' sont laissées intactes par le tournant grammatical que prend sa philosophie : d'une part s'opposent le ''dire'' et le ''montrer'' ; la ''volonté'' et la ''représentation'' d'autre part. Ces rapports se voient renforcés et développés dans l'ajout d'une grammaire à la syntaxe purement logique du ''Tractatus.'' L'opposition se perçoit à présent entre les règles qui dictent à cette grammaire les propositions usuelles{{Sfn|Chauviré|1989|p=133-135}}. Cependant, Wittgenstein sera très critique de son « dogmatisme » (notamment dans son essai ''[[De la certitude]]''), alors que c'était selon lui une des principales erreurs que pouvait commettre un philosophe. Le ''Tractatus'' se fondait sur l'hypothèse que le but de l'analyse logique était de découvrir les formes que peuvent prendre les propositions exprimées dans le langage{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=3.1. ''Transition and Critique of'' Tractatus}}. Le second Wittgenstein rejette l'idée d'un langage « unitaire et uniforme » : le déplacement majeur s'effectue donc du champ de la [[Logique mathématique|logique]] à la [[Philosophie du langage ordinaire|grammaire du langage ordinaire]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=142}}. Tout cela dans un style d'écriture philosophique toujours plus [[Aphorisme|aphorique]]{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=3.1. ''Transition and Critique of'' Tractatus}}.

=== Les styles ===
Wittgenstein cite [[Kürnberger]] en exergue du ''Tractatus''{{sfn|Wittgenstein|2022|loc=|p=34 et 89}} :{{citation bloc|et tout ce que l’on sait, que l'on n'a pas seulement entendu comme un bruissement ou un grondement, se laisse dire en trois mots.|Kürnberger|Devise du Tractatus logico-philosophicus<ref>{{harvsp|Wittgenstein|2001|p=29}}.</ref>.}}Cette devise, que Wittgenstein a probablement lu chez [[Karl Kraus]]{{Sfn|McGuinness|1991|p=60, 304, 321}}{{,}}{{Sfn|Bouveresse|2000|p=99}}, est à l'image du caractère « bref » et « cadencé » du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]''{{Sfn|Wittgenstein|2001|p=10|loc=''Préambule du traducteur''}}.

Comme voulu par Wittgenstein, le ''Tractatus'' est aussi une œuvre d’art frappante par la concision incisive du langage, voire ''[[laconique]]'', mais dont le rythme, la « cadence » elle-même lui donnent un style [[Poésie|poétique]]{{Sfn|Wittgenstein|2001|p=10|loc=''Préambule du traducteur''}}.

Ce qui importe pour Ludwig Wittgenstein est autant l'apport de « vérités définitives »<ref>''Avant-propos'' de Wittgenstein au ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]].''</ref> que la manière de les apporter. Le ''style'' dans l'œuvre Wittgenstein prendra une importance philosophique croissante avec le temps{{Sfn|Chauviré|1989|p=78}}.

== La pensée de Wittgenstein ==
De par sa conception et sa pratique de la philosophie, Wittgenstein s'est distingué des usages académiques de son temps. Le ''Tractatus'' est la seule œuvre philosophique publiée de son vivant{{Sfn|Chauviré|1989|p=18}} et ce fait s'explique selon [[Christiane Chauviré]] par son rapport {{Cita|étrange}} à l'institution universitaire qui lui sert {{citation|à la fois de refuge et de repoussoir}}{{sfn|Chauviré|1989|p=18}}.

Dans le cas de Wittgenstein, il est délicat de dissocier l'homme du philosophe, « la vie ''fait partie'' de l'œuvre », note Chauviré{{sfn|Chauviré|1989|p=19}}. Pour lui, la philosophie n'est pas une discipline élaborant des thèses, des doctrines, mais une activité de critique du langage et de clarification des pensées<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Denis|nom1=Perrin|prénom2=Ludovic|nom2=Soutif|titre=Wittgenstein en confrontation|passage=13|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan]]|année=2011|pages totales=232|isbn=978-2-296-54398-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=El7WaC1NlFwC&pg=PA13}}.</ref>{{,}}{{Note|En effet, selon le ''Tractatus'', l'établissement de propositions vraies est du domaine des sciences de la nature {{Small|(4.11)}}, or la philosophie n'en est pas une {{Small|(4.111)}} : son but sera donc d'un autre ordre, celui d'une activité de clarification des pensées {{Small|(4.112)}}, non pas psychologique, la psychologie étant une science de la nature {{Small|(4.1121)}} mais linguistique et logique par la détermination du dicible d'où découle celle du pensable, tout ce qui peut être proprement pensable étant exprimable clairement{{Small|(4.116)}}.}}. Il déclinera cette activité de deux manières différentes généralement associées à deux périodes séparées par plusieurs années d'éloignement des milieux académiques.

Wittgenstein hérite de son travail avec Russell{{sfn|Marion|2004|p=33-35|ps={{citation bloc|Cette théorie du jugement comme relation multiple n’était pas d’intérêt marginal pour l’entreprise de Russell car elle était conçue afin de donner une assise épistémologique à la théorie des types des ''Principia Mathematica''. Elle fut donc tout naturellement un des points de départ des réflexions de Wittgenstein et elle est très importante pour la compréhension du Tractatus. […] Un des motifs principaux du Tractatus était, comme nous l’avons vu dans la section précédente, la critique de la théorie des types de Russell et donc de toute l’entreprise des ''Principia Mathematica''. Cela ressort clairement d’une lettre de Ramsey, lorsqu’il rendit visite à Wittgenstein en Autriche en 1923, dans laquelle il écrit que Wittgenstein est « quelque peu agacé par le fait que Russell prépare une nouvelle édition des ''Principia'' car il croyait avoir montré à Russell que [le projet même des ''Principia''] était tellement erroné qu’une nouvelle édition serait futile. » }}.}} et se considère d'abord comme un logicien{{sfn|Marion|2004|p=68|ps=citation de N. Malcolm, « Ludwig Wittgenstein », dans L. Wittgenstein, ''Le cahier bleu et le cahier brun'', Paris, Gallimard, p.411}}. De par sa conception de la logique du langage, le discours philosophique se trouve dépouillé de son contenu {{Small|(4.003)}}. En effet, pour lui, le domaine des [[Proposition (philosophie)|propositions]] ayant un sens correspond à une logique des faits représentant le monde {{Small|(6.432)}} et donc, soit on a un discours factuel et on est dans le registre des sciences de la nature, pas de la philosophie, soit on est dans des propositions non-factuelles telles que les jugements de valeur (éthique ou esthétique) ou de métaphysique (Dieu, le « Mystique ») et on a quitté le domaine du sens. La conséquence éthique en est qu'on ne peut ''énoncer'' de solution aux « problèmes de la vie » {{Small|(6.52)}} qui sont pourtant toujours là.

Il s'éloigne alors de la philosophie tandis que son œuvre est prise comme une redéfinition importante de celle-ci, invitant à la poursuivre dans la direction des [[Tournant linguistique|questions de langage]] ou comme auxiliaire des sciences de la nature ([[positivisme logique]]).

Les oppositions philosophiques principales du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' sont laissées intactes par le tournant grammatical que prend sa philosophie : d'une part s'opposent le ''dire'' et le ''montrer'' ; la ''volonté'' et la ''représentation'' d'autre part. Ces rapports se voient renforcés et développés dans l'ajout d'une grammaire à la syntaxe purement logique du ''Tractatus.'' L'opposition se perçoit à présent entre les règles qui dictent à cette grammaire les propositions usuelles{{Sfn|Chauviré|1989|p=133-135}}.

Le second Wittgenstein reste donc dans les limites qu'il a fixées mais abandonne l'examen du langage idéal de la logique pour se pencher sur les réalités humaines communes {{Incise|comment notre langage se forme-t-il ?|v}} Le sens que portent les propositions est déterminé par leurs conditions de formation et d'énonciation{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=8-9}}, l'objet même de la philosophie devient plus [[Pragmatisme|pragmatiste]] avec une étude des constructions du sens par les usages dans la vie ordinaire<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Dominique Lecourt|titre=La philosophie des sciences|éditeur=PUF|collection=Que sais-je ?|année=2010|numéro édition=5|isbn=9782130580539}}</ref>, ce qui inspirera le courant de la [[philosophie du langage ordinaire]].

=== Ontologie : le monde et au-delà ===
{{Article détaillé|[[Tractatus logico-philosophicus]]|contenu=Voir la section [[Tractatus logico-philosophicus#« Ontologie »|« Ontologie »]] détaillée dans l'article ''[[Tractatus logico-philosophicus]]''.}}
{{Citation bloc|1. – Le monde est tout ce qui a lieu.<br>
2. – Ce qui a lieu, le fait, est la subsistance d'états de choses.|3=''[[Tractatus logico-philosophicus]]''.|dans une liste=|référence=}}

==== Wittgenstein I : monde, faits, états de choses, objets, Je ====
Le premier aphorisme du ''Tractatus'' énonce le monde comme la totalité des faits. Le {{Cita|monde}} n'est pas un ensemble d'entités disjointes mais le système des faits, « ce qui a lieu », comme l'énoncera le deuxième aphorisme. Le monde lui-même n'est pas un fait, ni un objet, mais une ''totalité'' transcendante : un pseudo-concept qui se manifeste, et n'existe pas en fait{{Sfn|Granger|1990|p=44-45}}.

L'aphorisme 2 précise la nature du fait et de l'entité (ou chose). La forme nécessaire du monde, unique lieu de nécessité, apparaît dans l'aphorisme 2.012 : {{Citation|En logique, rien n'est accidentel : quand la chose se présente dans un état de choses, c'est que la possibilité de l'état de choses doit déjà être préjugée dans la chose.}}. C'est donc les connexions internes entre faits qui sont nécessaires{{Sfn|Granger|1990|p=45}}.

Le ''Tractatus'' opère une distinction [[Ontologie|ontologique]] entre les objets et les faits : on peut se référer aux objets ou les nommer, décrire les faits ou les énoncer, mais non décrire ou énoncer les objets, ni se référer aux faits ou les nommer<ref>{{article|langue=en|titre=Ontology and Method in Wittgenstein's Tractatus|périodique=Noûs|volume=7|numéro=3|année=1973|jstor=2214349|passage=234|auteurs=Charles B. Daniels et John Davison}}.</ref>. Les faits sont, avec la deuxième proposition principale du ''Tractatus'' des ''états de choses''. Enfin, les faits sont constitués des composantes irréductibles de la proposition : les ''objets''. Un objet est en dernière analyse seulement défini par son existence : {{citation|La simplicité de l'objet consiste en ce qu'il est nommable{{sfn|Chauviré|1989|p=86}}.}}

L'introduction des faits permet une distinction fondamentale concernant le lieu du sens, qui ne peut dès lors s’exprimer que dans les faits {{Sfn|Chauviré|1989|p=88}} : {{Citation|Seuls des faits peuvent exprimer un sens, une classe de noms ne le peut pas.}} {{Small|(3.142)}}. Ainsi le rôle de la logique est de donner une représentation{{note|Le terme de représentation n'est pas définitif et varie selon les traductions. Ainsi [[Gilles Gaston Granger|G. G. Granger]] utilise le terme d'''image'', [[Étienne Balibar]] celui de ''tableau''{{Sfn|Badiou|2017|p=46}}.|group=n}} de ces objets, leur donner une ''forme logique''. Ils sont en eux-mêmes {{Citation|sans couleur}} {{Small|(2.0232)}}.

Cependant, en regard notamment de ses ''Carnets'' de l'époque de rédaction du ''Tractatus'', les questions qu'il souhaite résoudre ne pourront avoir pour seul outil la critique du langage{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=137|loc=in Peter Kampits, ''Ludwig Wittgenstein, penseur herméneutique du langage''}} :{{Citation bloc|Le grand problème autour duquel tourne ma pensée et au sujet duquel j'écris, c'est : y a-t-il ''a priori'' un ordre dans la nature et s'il y en a un, en quoi consiste-t-il ?|3=''Carnets 1914-1916'', écrits I, §144.}}
===== Je ou ''mon'' monde =====
Doter de sens une proposition nécessite un sujet qui pense, ou du moins qui se la représente. Si le statut de la proposition et les conditions de son expression sont largement traitées dans le ''Tractatus'', ce que Wittgenstein dit de la place du [[Sujet (philosophie)|sujet]] dans le monde et de sa nature n'est jamais systématique. Les interprétations des commentateurs à ce sujet sont variées<ref>À ce propos, voir entre autres {{Harvsp|Bouveresse|1976|p=100-101}} sur la projection et {{Harvsp|Bouveresse|1976|p=134}} sur le moi métaphysique.</ref>. Wittgenstein se contente de montrer que le sujet ([[Théorie de l'esprit|psychologique]]) ne ''peut'' pas exister en un certain sens, et ''doit'' exister en un autre ([[métaphysique]]){{Sfn|Bouveresse|1976|p=139}}. Ces deux conceptions sont exposées dans le ''Tractatus'' :
* l'« âme » ou « sujet » dont parle la psychologie est renvoyée à un composé de pensées, composition qui en fait une non-chose (''Unding'') (5.5421) sans simplicité unitaire. Comme Hume, Wittgenstein s'oppose ici à l'idée d'un Moi substantiel, d'un Sujet pensant, une chose persistante qui contiendrait les idées, la connaissance, etc. et lui oppose un complexe de faits variables{{sfn|Bouveresse|1987a|p=161}}. « Il n’y a pas de sujet pensant, se représentant » (5.631) ;
* le « je philosophique » ou « sujet métaphysique », le « vrai » sujet, qui est simple, sujet transcendantal, condition de possibilité ''a priori'' de mes représentations, se tenant à la marge du monde, de l'expérience, comme l'œil est à la marge du champ visuel, condition de la vue mais invisible, donc un Je non-objectivable, qui échappe à toute description : {{citation|Ce qui est condition de possibilité de toute expérience ne doit pas pouvoir être expérimenté […]. C'est bien pour préserver le caractère ''a priori'' et nécessaire du Je comme centre du monde que Wittgenstein est amené à lui dénier toute épaisseur et toute consistance “ mondaine ”{{sfn|Bouveresse|1987a|p=160}}.}}

Wittgenstein note dès 1916 dans ses ''Carnets'' que {{Cita|le Je n'est pas un objet}} et nécessite un traitement autre qu'objectif{{Sfn|Bouveresse|1976|p=124}}. S'il est correct que mes pensées, mes volitions, mes états physiologiques existent dans le monde, il est faux pour l'auteur du ''Tractatus'' qu'un sujet de mes pensées et représentations existe{{Sfn|Bouveresse|1976|p=125}}. Cependant face au {{Cita|je sais que le monde existe}}{{Sfn|Wittgenstein|1997|p=139}}, Wittgenstein avance l'existence du sujet {{Incise|philosophique ou métaphysique|non}} :
[[Fichier:TLP_5.6331.png|vignette|alt=dessin au trait noir représentant une forme ovoïde à droite se terminant en pointe à gauche.|Schéma accompagnant la proposition 5.6331 du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', laquelle est que « Le champ visuel n'a pas en fait une telle forme ». En effet, l'œil ne fait pas partie du champ visuel.]]
{{Citation bloc|5.641. – […] Le Moi philosophique n'est pas l'homme, n'est pas le corps humain, ou l'âme humaine, dont s'occupe la psychologie, mais le sujet métaphysique, la limite du monde — et non une partie du monde{{sfn|Bouveresse|1976|p=126}}.}}Sans lien avec la [[psychologie]], le moi de Wittgenstein apparaît comme un point à la limite de ''mon'' monde. Il semble la condition de possibilité ''a priori'' de mes représentations d'où s’effectue la projection de la réalité dans le langage<ref>À propos du « sujet métaphysique », certains commentateurs avancent plusieurs hypothèses, synthétisées par {{Harvsp|Bouveresse|1976|p=134}}.</ref> : le sujet ne pense pas mais ''voit''{{Sfn|Bouveresse|1976|p=136}}. Pour prendre l'analogie anatomique de Wittgenstein, le sujet n'est pas plus dans le monde que l'œil n’est dans le champ visuel{{Sfn|Chauviré|1989|p=165}}{{,}}{{Sfn|Bouveresse|1976|p=127-128}}. Savoir dans quelle mesure un tel sujet existe ou n'existe pas n'a pour Wittgenstein aucun sens : s'il existe, ce dernier est hors des frontières du pensable et donc inatteignable{{Sfn|Bouveresse|1976|p=130}}. Conjointement au rôle du moi, se pose la question du [[solipsisme]], problématique difficile à saisir car {{Cita|d'épais brouillards de langage se tiennent autour}}{{sfn|Wittgenstein|1968|p=306}} selon le philosophe. De fait, la définition du concept par Wittgenstein n'est pas arrêtée, et le philosophe [[David Favrholdt]] note que sa discussion dans le ''Tractatus'' porte plus sur ce que « le solipsisme veut dire » plutôt que sur son contenu{{sfn|Bouveresse|1976|p=81-82}}. Le solipsisme est au même titre que la nature du sujet une question hors d'atteinte par le langage{{sfn|Chauviré|1989|p=165}}{{,}}{{Sfn|Bouveresse|1976|p=77-78}}. {{Citation bloc|Ce que le solipsisme […] veut dire est tout à fait correct, seulement cela ne peut ''se dire'', cela se montre {{Small|(5.62)}}.}} Le sujet métaphysique est solipsiste ({{small|5.62}}) : jamais je ne peux exprimer autre chose que ''mon'' monde, « les limites de mon langage sont les limites de mon monde » ({{small|5.6}}). Mais, paradoxalement, ce solipsisme « coïncide avec le réalisme pur » ({{small|5.64}}) dès lors que le sujet métaphysique est sans extension, sans intériorité, sans pensées{{note|Une pensée est un fait du monde or le sujet métaphysique est à la limite du monde}}{{,}}{{sfn|Bouveresse|1987a|p=166}} : ce monde dont il est condition nécessaire n'est pas en lui, n'est pas une idée dans un esprit, il est extériorité conditionnée, réalité coordonnée à partir de ce point qu'est le sujet métaphysique ({{small|5.64}}), point à partir duquel s'effectue la « projection » de la réalité dans le langage{{sfn|Bouveresse|1987a|p=170}}{{,}}{{sfn|Marion|2004|ps=Cet argument apparaît dans les ''Carnets'' en {{nobr|décembre 1916}} : {{citation bloc|Le chemin que j’ai parcouru est le suivant : l’idéalisme isole du monde les hommes comme uniques, le solipsisme m’isole moi seul, et je vois en fin de compte que j’appartiens moi aussi au reste du monde ; d’un côté il ne reste donc rien, de l’autre le monde qui est unique. Ainsi, l’idéalisme, rigoureusement développé, conduit au réalisme.|(''Carnets'', p. 158.)}}}}

Outre ce rôle logique de coordination, on peut remarquer que la notion intervient entre l'analyse de la proposition et les considérations éthiques du ''Tractatus''. Le sujet métaphysique peut être vu comme source de valeurs, lesquelles ne sont pas dans le monde{{sfn|Marion|2004|p=117}}. Comme le sujet métaphysique, l'éthique est transcendantale ({{small|6.421}}) et ne se laisse pas énoncer, décrire.

==== Wittgenstein II : les formes de vie ====
Après le tournant grammatical, Wittgenstein laisse l'« ordre des matières » du ''Tractatus'' pour l'« ordre d'argumentation », avance [[Gilles Gaston Granger]]. Il s'agit dans les ''[[Investigations philosophiques|Recherches philosophiques]]'' de décrire le fonctionnement du langage et de la pensée en acte, et non plus d'énoncer l'ontologie et les règles de représentation du monde{{Sfn|Granger|1990|p=264}}. Pour cela, Wittgenstein cristallise l'aspect matériel du langage dans le concept des ''formes de vie''. Celles-ci désignent les types d'activités humaines structurées par des règles différentes (un peu comme des jeux de société). À chaque forme de vie correspond un ''jeu de langage'', c'est-à-dire une façon d'utiliser le langage dans une certaine perspective et selon certaines règles qui déterminent le sens des mots. Les problèmes philosophiques proviennent de confusions et d'interférences entre des [[jeux de langage]] différents.

=== Sémantique : image, pensée, conditions et limites du sens ===
{{Citation bloc|3. – L'image logique des faits est la pensée.<br>
4. – La pensée est la proposition pourvue de sens.|3=''[[Tractatus logico-philosophicus]]''.|dans une liste=|référence=}}Wittgenstein poursuit sa démarche logico-philosophique de délimitation du dicible et de l'indicible en cherchant la forme logique des objets et du réel.

Par quels moyens la logique arrive-t-elle à cette figuration de la réalité ? Par combinaison des propositions élémentaires jusqu'ici décrites de l'[[atomisme logique]] auquel Wittgenstein adhère à cette époque, après [[Bertrand Russell|Russell]], son professeur à [[Université de Cambridge|Cambridge]]. La proposition (en allemand ''der Satz'') élémentaire est un agencement de noms : elle forme alors un fait et un [[Signification (philosophie)|signe]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=87}}{{,}}{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=140|loc=in Peter Kampits, ''Ludwig Wittgenstein, penseur herméneutique du langage''}}.

* En tant que fait, donc porteur de sens ({{Cita|Seuls des faits peuvent exprimer un sens, une classe de noms ne le peut pas.}} {{Small|(3.142)}}), elle appartient au monde – qui n'est rien d'autre que {{citation|la totalité des faits}} <small>(1.1).</small>
* En tant que signe, elle appartient à la représentation même du fait : la proposition comporte plus que l'agrégat de mots dont elle est composée, à l'inverse de ce qu'énonce le ''[[Begriffsschrift]]'' de [[Gottlob Frege]]. C'est cette structure interne de la proposition qui lui donne un sens, Wittgenstein donne l'image d'un {{Citation|tableau vivant}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=88}}.

En résumé, l'état de choses est une ''possibilité'' de la substance (autrement dit de ce qui existe) et est composé d'objets. Cet état peut être représenté par une proposition, qui représente donc la connexion entre l'être et l'image{{Sfn|Badiou|2017|p=48}}. L'opposition entre dire et montrer, développée ci-dessous, prend forme dans les deux processus disjoints suivants{{Sfn|Badiou|2017|p=46}} :

* Le fait de ''nomination'', c'est-à-dire la représentation sans pensée des objets par un symbole,
* Le fait de ''décrire'', donner une image (ou un tableau, une représentation) signifiant les liaisons d'objets au moyen d'une proposition.

Enfin, la pensée (''Gedanke'') s'ajoute aux rapports entre le langage et le monde ; elle est introduite dans les aphorismes « 3. – L'image logique des faits est la pensée. » et « 4. – La pensée est la proposition pourvue de sens ». Sans la pensée, l'image serait en mesure de représenter sa propre forme de représentation, ce qui n’est pas le cas (2.171-2.174){{Sfn|Marion|2004}}. La pensée est {{Citation|le souffle qui anime la proposition}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=89}}{{,}}<ref group="n">Le lecteur désireux de saisir en détail l'ontologie du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' peut se référer à la [[Tractatus logico-philosophicus#« Ontologie »|section dédiée]]. Le site [https://www.wittgenstein.fr wittgenstein.fr] fait une lecture détaillée et suivie du ''Tractatus.''</ref>.

==== Dire et montrer ====
Wittgenstein peut alors déterminer ce qui peut être ''dit'' (''Sagen'') et ''montré'' (''Zeigen'')''.'' Un objet ne peut être dit ; seuls les faits et états de choses peuvent l'être. Le sens technique de dire est pour Wittgenstein de dépeindre le fait ou l'état de choses, à la manière d'une image partageant la même forme logique. Ici apparaît le double fonctionnement du langage, en ce que la proposition ''montre'' en même temps que de ''dire'' le fait — la structure commune du fait à l'image. {{Citation|En disant un fait, la proposition en montre un autre, qu'elle montre par le ''fait'' de dire}}, explique Christiane Chauviré{{Sfn|Chauviré|1989|p=90}}. Ce faisant, Wittgenstein rompt avec la [[théorie des types]] de [[Bertrand Russell]] et par avance avec la ''Syntaxe logique du langage'' de [[Rudolf Carnap]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=90}}.

La [[théorie picturale du langage]] du ''Tractatus'' est fondée sur le concept de ''projection''. On retrouve l'influence des études [[mathématiques]] et d'[[ingénierie]] du jeune Ludwig : c'est la projection qui assure l'effectivité de la représentation du fait et de l'image{{Sfn|Chauviré|1989|p=94}}. Il précise dans le ''Tractatus'' que {{Citation|la méthode de projection est la pensée du sens de la proposition.}} {{Small|(3.11)}}.

Pour Wittgenstein, les images font partie du monde, ce sont elles-mêmes des faits. Une illustration simple de cette idée peut être donnée en pensant à une photographie ou à une carte topographique. Les photographies et les cartes sont dans le monde et ce sont bien des images au sens wittgensteinien : on peut établir une correspondance ''projective'' point à point avec la carte d'une ville et la ville réelle. L'image est donc un {{Citation|modèle de la réalité; une miniature, empruntée à la réalité elle-même<ref>{{Harvsp|Granger|2011|loc=«''Bild'' et ''Gleichnis'' : remarques sur le style philosophique de Wittgenstein »|p=190}}, (repris de {{Harvsp|id=Cometti1986|texte=''Sud'', 1986|p=123}}).</ref>}} {{Small|(2.12)}}.

==== Conditions du sens ====

===== Wittgenstein I : la représentation =====
[[Fichier:Die_Grenzen_meiner_Sprache_bedeuten_die_Grenzen_meiner_Welt._Ludwig_Wittgenstein,_1889-1951_-de.pdf|alt=visage d'un homme accompagné de notes|vignette|{{citation|''Les frontières de mon langage'' sont les frontières de mon monde}}, exergue du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' en allemand.]]
Les images appartiennent à la catégorie des propositions dotées de sens (''sinnvoll''). Cela les distingue des deux autres catégories : les propositions éthiques sont par exemple hors du sens (''sinnloss''), les propositions mathématiques tautologiques sont elles dénuées de sens (''unsinnig''). En effet, Chauviré précise qu'{{Citation|exprimer une pensée ou une proposition, montrer son sens, présenter une situation possible sont une seule et même chose}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=96}}. Wittgenstein n'attribue ni valeur de vérité ni de fausseté à la représentation par l'image ; celle-ci désigne indépendamment de son adéquation à ce qui existe{{Sfn|Bouveresse|1976|p=37}}. L'image logique d'un fait, à savoir la pensée (''Gedanke''), ne peut pas dépasser la limite tracée à l'intérieur du langage. Ce qui est situé au-delà est seulement du ''non-sens''{{Sfn|Wittgenstein|2001|loc=''Préambule'' du traducteur|p=10}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=91-92}}. Au sens de Wittgenstein, seul est pensable ce que nous pouvons nous figurer. Il y a [[Isomorphisme|isomorphie]] entre le représentant et le représenté{{Sfn|Chauviré|1989|p=93}}. Cette isomorphie ne doit pas être prise en un sens « concret » : avoir la même forme ne signifie pas ''ressembler''. Ce qui permet de dire que deux choses ont la même forme c'est qu'on puisse établir une correspondance entre chacun des éléments de ces deux choses{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=141|loc=in Peter Kampits, ''Ludwig Wittgenstein, penseur herméneutique du langage'', p. 140.}}.

Une proposition est donc pourvue de sens pour le premier Wittgenstein si et seulement si elle représente un fait qui existe dans l'espace logique : situé dans les limites de mon langage, donc de mon monde (5.6). L'irréel ne peut donc pas être représenté, seul le possible est pensable et réciproquement : {{Citation|La pensée contient la possibilité des situations qu'elle pense. Ce qui est pensable est aussi possible.}} (3.02){{Sfn|Chauviré|1989|p=96}}.

===== Wittgenstein II : l'usage =====
[[Fichier:La_mimica_degli_antichi_Andrea_de_Jorio_fig._21_(detail).png|alt=Dessin d'une Napolitaine se passant les doigts sous le menton.|gauche|vignette|Illustration de [[Gaetano Gigante]]. [[Piero Sraffa|Sraffa]], remercié dans la préface des ''[[Recherches philosophiques|Recherches]]''<ref>{{harvsp|Wittgenstein|2004|p=22}}.</ref>{{,}}{{note|Sraffa est également mentionné par Wittgenstein en 1931 dans une liste d'auteurs l'ayant influencé (publiée dans les ''[[Remarques mêlées]]'')<ref>{{chapitre|langue=en|titre chapitre=Wittgenstein’s Debt to Sraffa|auteur=Nuno Venturhina|titre ouvrage=Forms of Life and Language Games|auteurs ouvrage=Jesús Padilla Gálvez and Margit Gaffal|lieu=Berlin|éditeur=De Gruyter|année=2011|doi=10.1515/9783110321906.187}}.</ref>.|groupe=n}}, aurait{{note|Bien que cette anecdote soit éclairante sur le cheminement de la pensée de Wittgenstein après le ''Tractatus'' et la nature de ses échanges avec Sraffa, ce dernier en conteste toutefois la véracité<ref name=Albani>{{article|langue=en|titre=Sraffa and Wittgenstein, Profile on an Intellectual Friendship|auteur=Paolo Albani|périodique=History of Economic Ideas|volume=6|numéro=3|année=1998|jstor=23722611}}.</ref>.|groupe=n}} joué un rôle déterminant en se passant les doigts sous le menton, dans un {{citation|geste napolitain}} de scepticisme<ref name="Albani" /> que la [[Théorie picturale du langage|conception iconique du langage]] dans le ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]]'' ne pouvait expliquer{{note|Si la valeur iconique de ce geste échappait tant à Wittgenstein qu'au toscan Sraffa<ref>{{article|langue=en|titre=Sraffa, Wittgenstein, and Gramsci|auteur=
Amartya Sen|périodique=Journal of Economic Literature|volume=41|numéro=4 |année=2003|jstor=3217460}}.</ref>, elle était encore manifeste pour le napolitain [[Andrea De Jorio|De Jorio]] au {{s-|xix}}<ref>{{Ouvrage|langue=it|auteur1=[[Andrea De Jorio]]|titre=La mimica degli antichi investigata nel gestire napoletano|lieu=Naples|éditeur=Fibreno|année=|passage=232|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/bub_gb_NeQGAAAAQAAJ/page/n267/mode/2up}}.</ref>.|groupe=n}} , demandant à Wittgenstein : {{citation|c'est quoi la forme logique de ça ?}}<ref>{{harvsp|Malcolm|1984|p=57-58}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=K.T. Fann|titre=Wittgenstein's conception of philosophy|passage=48-49|lieu=Berkeley|éditeur=[[University of California Press]]|année=1969}}.</ref>.]]
Le ''Tractatus'' se fondait sur l'hypothèse que le but de l'analyse logique était de découvrir les formes que peuvent prendre les propositions exprimées dans le langage{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=3.1. ''Transition and Critique of'' Tractatus}}. Le changement de perspective principal de la seconde philosophie de Wittgenstein est celui de la signification, dont la nature [[Ontologie (philosophie)|ontologique]] devient grammaticale. Le sens d'une proposition, ou d'un état de faits, est déterminé par l'expérience donc par la grammaire qui en résulte : {{Citation|Le sens d'un mot est son usage.}} (''Recherches philosophiques'', 43). Le second Wittgenstein remet ainsi en question la [[Histoire de la philosophie en Occident|conception orthodoxe]] de la signification, laquelle désigne un effet d'extérieur à la proposition qui lui conférerait un sens{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=3.3 ''Meaning as Use''}}{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=137-138}}.

Dès [[1933 en philosophie|1933]], Wittgenstein s'est efforcé dans le ''[[Cahier bleu et Cahier brun|Cahier bleu]]'' de remettre en question ces conceptions, arrivant à la conclusion que « si nous devions nommer quelque chose qui soit la vie du signe, nous devrions dire que c'est son usage » (''Cahier Bleu'', 4). Au contraire, lorsqu'il étudie le sens d'un mot, le philosophe doit « regarder et voir » la variété des usages auxquels ce dernier est soumis. Donner le sens d'un mot, c'est la description de son usage{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=3.3 ''Meaning as Use''}}.

Chercher une définition délimitée, restrictive, de la signification semble donc vain : elle est tantôt règle, usage, ou expérience. Cette nouvelle perspective porte sur les cas particuliers et non plus sur les généralisations{{Sfn|Laugier|2001|p=42}}. Le jeu de langage permet d'aborder la multiplicité des usages, leur caractère mouvant''{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=3.3 ''Meaning as Use''}}''.

==== Limites du sens : le dicible et l'indicible ====
Le ''Tractatus'' est présenté par Wittgenstein comme un ouvrage de délimitation : il y expose les critères du sens et dans quels cas ces critères ne sont pas remplis{{Sfn|Wittgenstein|2001|loc=Préambule du traducteur|p=10}}. Tout ne peut en effet être dit de façon sensée, il y a pour Wittgenstein une ''limite'' à l'expression des pensées. L'auteur soutient que le domaine de ce qui peut être dit et celui du sens se recoupent. Essayer d'exprimer l'indicible dans la langue n'amène qu'à un [[discours]] insensé.

Wittgenstein commence par montrer que les disciplines normatives traditionnelles (la [[logique]], l'[[éthique]] et l'[[esthétique]]) ne sont pas ''descriptives'' de l'objet ou de la vie, mais seulement ''énonciatives'' d'une volonté de donner une forme à cette dernière{{Sfn|Chauviré|1989|p=78}}''.'' Les discours éthique et esthétique sont bien vecteurs de sens, dans la mesure où ils ''affectent'' les choses du monde en elles-mêmes indifférentes : {{Citation|Le monde est en lui-même éthiquement et esthétiquement indifférent{{Sfn|Chauviré|1989|p=79}}.}}

Le langage est limité, dans la mesure où l'existence d'un [[métalangage]] est impossible<ref>{{Harvsp|Granger|1970}}, « Wittgenstein et la métalangue », {{JSTOR|23940753}}, repris dans {{Harvsp|Granger|2011|p=159-171}}.</ref> :{{Citation bloc|La limite de la langue se montre dans l'impossibilité de décrire le fait qui correspond à une proposition (qui est sa traduction) sans justement répéter la proposition{{sfn|Wittgenstein|2002|loc=1931|p=63 [10]}}.}}

=== Syntaxe : langage et grammaire ===
{{Citation bloc|5. – La proposition est une [[fonction de vérité]] des propositions élémentaires.<br>
6. – La forme générale de la fonction de vérité est <math>[\bar p,\bar\xi, N(\bar\xi)]</math>. C'est la forme générale de la proposition.|3=''[[Tractatus logico-philosophicus]]''.}}.

==== Wittgenstein I : formaliser la logique ====
Initialement, Wittgenstein considère la logique comme langage premier, position qu'il abandonnera ensuite. Son statut transcendantal ({{small|6.13}}) devrait impliquer qu'on ne puisse rien en dire au sein du langage{{sfn|Wittgenstein|2022|p=33|ps=Présentation par C. Chauviré et S. Plaud}} et pourtant le ''Tractatus'' parle de sa formalisation dans un dialogue critique avec Russell et Frege.

Dans un effort d'épuration, Wittgenstein s'efforce de renvoyer la logique à une mécanique d'inférence n'ayant pas besoin d'appel à l'intuition de vérités premières{{sfn|Wittgenstein|2022|p=54|ps=Présentation par C. Chauviré et S. Plaud}}. Il se distingue ainsi des formalisation axiomatiques{{sfn|Marion|2004}}, toutes les propositions étant d'égale légitimité {{small|(6.1224)}}. Il met en valeur les principes de combinaisons de signes conformes à la syntaxe et de procédures de preuve avec [[table de vérité|tables de vérité]] {{small|(4.31)}} et [[condition de vérité|conditions de vérité]] {{small|(4.431)}} qui sont aujourd'hui un élément standard du [[calcul des propositions]].

===== Éléments de langage =====
De manière générale, la formalisation reprend les principes de l'[[atomisme logique]] et fournit les bases pour un [[calcul propositionnel]] et une esquisse de [[calcul des prédicats]]{{sfn|Wittgenstein|2022|p=54|ps=Présentation par C. Chauviré et S. Plaud}}. Devant refléter le monde {{small|(6.13)}}, elle en reprend des éléments structurels : aux trois niveaux objet/état de chose/fait correspondent noms/propositions élémentaires/propositions complexes.

L'interprétation algébrique de la proposition élémentaire comme fonction et argument {{small|(3.318)}} et l'idéographie {{small|(3.325)}} comme système de signes univoques sont repris de Frege et Russell. Mais Wittgenstein rejette les objets idéaux de Frege{{sfn|Wittgenstein|2022|p=62|ps=Présentation par C. Chauviré et S. Plaud}} : son « idée fondamentale » est que « les “constantes logiques” ne tiennent lieu de rien » {{small|(4.0312)}}, c'est-à-dire qu'elles ne représentent pas des objets logiques et notamment, il récuse la thèse faisant du Vrai et du Faux des objets logiques abstraits que dénoteraient les propositions.

==== Syntaxe : règles d'usage ====
La « syntaxe logique » ou « grammaire logique » {{small|(3.325)}} doit donner des règles d'usage des signes, compréhensibles d'elles-mêmes, dès lors que l'on sait ce que dénote chaque signe {{small|(3.334)}}. Foncièrement la syntaxe ne doit pas faire référence aux significations des éléments, elle doit se contenter de ''montrer'' leur fonctionnement. Le ''Tractatus'' rejette ici la [[théorie des types]] de Russell qui implique un système de métalangage chargé d'expliciter la signification de signes hors de la simple présentation de leur usage formel {{small|(3.332)}}. De manière plus générale, il rejette l'idée qu'une fonction logique puisse se prendre pour argument ce qui lui permet d'éviter le [[paradoxe de Russell]] {{small|(3.333)}}.

==== Usages : analyse des propositions, opérations et preuve ====
Par l'analyse des propositions, leur décomposition « atomique », on doit parvenir à la même structure que la réalité, la ''montrer''. En fin d'analyse, les propositions doivent être logiquement indépendantes les unes des autres exprimant ainsi leur caractère élémentaire {{small|(5.134)}}{{sfn|Marion|2004|p=58|ps=Wittgenstein reviendra sur cette question dans [[Quelques remarques sur la forme logique]] (1929) et considérera que cela n'est pas toujours le cas : les propositions concernant des degrés de qualité comme la luminosité impliquent une relation d'exclusion vis-à-vis des autres degrés, il n'y a donc pas d'indépendance bien qu'on ne puisse pousser l'analyse plus loin. C’est toute la conception de l’analyse du ''Tractatus'' qui était remise en question.}}.

La [[Tautologie (logique)|tautologie]] prend avec Wittgenstein le sens logique communément accepté aujourd'hui et devient un élément central rendant superflu l'appel à des « lois de la déduction » {{small|(5.132)}}. Elle est apparentée à une procédure de preuves {{small|(6.126)}} et joue un rôle important dans la déduction qui finalement ne sert qu'à voir des tautologies {{small|(6.1262)}} : si un argument est formellement valide, la conjonction des prémisses est logiquement équivalente à la conclusion et cela se voit dans une table de vérité. La logique de preuve se rapproche ainsi de la [[déduction naturelle]] de Getzen avec une conception opérationnelle de la conséquence{{sfn|Wittgenstein|2022|p=63|ps=Présentation par C. Chauviré et S. Plaud}}. L'important est dans les opérations du calcul logique fondée sur une combinatoire de possibilités de vérité {{small|(4.27)}} permettant de déterminer les fonctions de vérité et donc les tables de vérité{{sfn|Marion|2004|p=85}}.

Finalement, la logique est un langage formel devant mettre en ordre des possibilités, celles-ci étant ses faits {{small|(2.0121)}}, pour qu'apparaissent des relations nécessaires correspondant à la forme commune entre image du monde et monde réel. Elle doit le faire autant que possible d'elle-même, dans l'autonomie d'un langage coextensif à un monde.

==== Wittgenstein II : pragmatisme et langage ordinaire ====
[[Fichier:31._Wittgenstein,_1925.jpg|alt=Portait d'un homme qui semble en proie au doute, dont le tourment se reflète dans son regard profond.|vignette|Ludwig Wittgenstein, photographié en [[1925]].]]
Les principales thèses développées lors du retour à la philosophie de Wittgenstein doivent se comprendre comme des correctifs et compléments aux thèses du ''Tractatus''. Parmi elles figurent les suivantes :

* Il existe une ''grammaire du sens'', ou grammaire philosophique, dont les règles gouvernent l'emploi des mots et s'''ajoutent'' aux règles logiques{{Sfn|Plaud|2017|p=102-104}}{{,}}{{Note|texte=Par exemple, la proposition « si nous sommes à Noël, alors nous devons décorer le sapin » contient une inférence valide en vertu d'une certaine règle de sens et non d'une règle logique.}}.
* La notion de signification qui était ''réaliste'' chez le premier Wittgenstein connaît un tournant ''pluraliste, contextualiste'', ''pragmatique'' et enfin ''conventionnaliste.'' Les sens des mots et du discours sont sensibles au contexte et s'établissent grâce à l'ensemble des règles fixées par la grammaire des ''[[Jeu de langage (philosophie)|jeux de langages]]''{{Sfn|Plaud|2017|p=106}}.

===== Grammaire =====
Le concept de grammaire selon Wittgenstein dépasse son aspect syntaxique ordinaire : « la grammaire est à la fois l'ensemble des règles gouvernant l'usage ''effectif'' d'une expression et la façon concrète dont elle est utilisée », résume [[Christiane Chauviré]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=135}}. Les [[Couleur|couleurs]] sont d'un usage récurrent dans la philosophie de Wittgenstein. Il écrira ''[[Remarques sur les couleurs]]'' vers la fin de sa vie. Par exemple, le concept [[Oxymore|oxymorique]] de « rouge verdâtre » ne devrait pas être acceptée par la grammaire. Des ''règles'', rarement explicites, permettent, par opposition aux propositions du ''Tractatus'', de déterminer ce qui est un fait. Ces règles ne sont pas dictées par une réalité. Elles sont uniquement le fruit de l'expérience des conditions de ''vérification''{{Note|texte=Cette attitude [[vérificationnisme|vérificationniste]] est à rapprocher de [[Philosophie des mathématiques de Ludwig Wittgenstein#Le second Wittgenstein et le non-interventionnisme|sa philosophie des mathématiques]] élaborée à la même époque.}} de la réalité{{Sfn|Chauviré|1989|p=137}}.

===== Jeux de langage et airs de famille =====
{{Article détaillé|Jeu de langage|Ressemblance familiale {{!}} Airs de famille}}
La vision du langage unitaire du ''Tractatus'' qui aspirait à un modèle indépassable de la réalité, est pour le second Wittgenstein dépassée dès le début des ''[[Recherches philosophiques]]''. Les règles auxquelles est soumis le langage sont anthropologiques et Wittgenstein se donne d'abord pour tâche d'analyser ce qui rapproche les différents parlers ''a priori'' fragmentés : ce sont les ''[[Ressemblance familiale|airs de famille]]'' ; ensuite d'étudier les règles qui régissent l'état de la langue et son effectivité : ce sont les ''[[Jeu de langage|jeux de langage]]''{{sfn|Chauviré|1989|p=140}}.

Le « jeu de langage » est d'abord décrit dans le ''[[Cahier bleu et Cahier brun|Cahier bleu]]'' comme une {{Cita|forme primitive du langage}} (''RP'', §7), enfantine et naturelle. C'est comme une comptine d'enfant apprise à l'école maternelle, qui intègre le sens des mots par l'usage{{Sfn|Laugier|2001|p=24}}{{,}}{{Sfn|Plaud|2017|p=118,120}}. Le second Wittgenstein déplace plus tard, dans les ''Recherches'', sa vision du concept : l'enfant n'est plus apprenti dans un environnement langagier établi et vaste dont les formes et règles lui apparaissent au fur et à mesure. Il est lui-même maître du jeu, n'apprenant qu'une ''partie'' du langage par analogie et ressemblance{{Sfn|Chauviré|1989|p=142}}. Le concept de jeu de langage désigne alors l'ensemble des pratiques linguistiques et leurs relations en contexte{{Sfn|Plaud|2017|p=119}}.

Les jeux de langages présentés dans les ''Recherches philosophiques'' {{citation|cristallisent l'abandon de l'atomisme logique du ''Tractatus''}}{{sfn|Chauviré|1989|p=142}}. Les règles ''a priori'' autonomes, qui structurent la forme que prend le [[Philosophie du langage ordinaire|langage ordinaire]], remettent en question l'irréductibilité et l'indépendance logique des propositions atomiques. À la manière du jeu d'[[échecs]] : les pièces n'ont indépendamment aucune signification et seules les ''règles du jeu'' confèrent à la pratique et aux pièces une réalité{{sfn|Chauviré|1989|p=142}}{{,}}{{Note|groupe=n|texte=Dans le ''Cahier brun'', Wittgenstein convoque une autre métaphore : un {{cita|câble tressé}} dont la solidité est uniquement garantie par l'entrelat des fibres qui composent le câble{{sfn|Plaud|2017|p=133-134}}.}}. Apprendre à jouer aux échecs, comme apprendre à parler, suppose un savoir et une ''praxis'' : Wittgenstein utilise le terme d'''Abrichtung'' (dressage){{sfn|Chauviré|1989|p=143}}.

Entre ces jeux de langages se perçoivent des analogies, celles-ci se regroupent en ''familles''. Il n'est par définition pas possible de donner une définition exhaustive du concept de ''jeu''{{Sfn|Chauviré|1989|p=146}}, elle ne peut être que monstrative, ou encore ostentatoire. Ces ressemblances sont décrites dans les ''Recherches philosophiques'' comme suit :{{Citation bloc|Je ne puis caractériser mieux ces analogies que par le mot : « air de famille », car c’est de la sorte que s’entrecroisent et s’enveloppent les unes sur les autres les différentes ressemblances qui existent entre les différents membres d’une famille ; la taille, les traits du visage, la couleur des yeux, la démarche, le tempérament, etc. et je disais : les « jeux » constituent une famille.|référence={{sfn|Chauviré|1989|p=145}}.}}{{images|Photos de 3 femmes et d'un homme.|position=centre|hauteur=180|image1=Galton Composite Photograph of Family.jpg|alt1=Photos composites d'une famille et leurs composantes.|image2=Photos from Wittgenstein's Family album.jpg|image3=Composite photograph of Ludwig Wittgenstein and his sisters.jpg|alt3=Portrait composé des 4 photos précédentes superposées.|légende=Le concept d'air de famille est inspiré des expériences de [[Francis Galton]] sur le [[portrait composite]]. À gauche, portraits composites d'une famille par Galton. Au centre, portraits de [[Margarethe Stonborough|Margarethe Stonborough-Wittgenstein]], Helene Wittgenstein, Hermine Wittgenstein et Ludwig Wittgenstein par [[Moritz Nähr]]. À droite, portrait composite du même photographe sur la base des quatre clichés précédents<ref>{{chapitre|langue=en|auteur=Lila Lee-Morrison|titre chapitre=Wittgenstein and the Composite Portrait|titre ouvrage=Portraits of Automated Facial Recognition|sous-titre ouvrage=On Machinic Ways of Seeing the Face|lieu=Bielefeld|éditeur=Transcript Verlag|année=2019|url= https://www.transcript-publishing.com/chunk_detail_seite.php?doi=10.14361%2F9783839448465-006}}.</ref>{{,}}<ref>{{chapitre|langue=en|auteur=Andreas Gruber|titre chapitre=The Wittgenstein Composite Portrait Reconstructed|auteurs ouvrage=Uwe Schögl, Sandra Tretter et Peter Weinhäupl|éditeur=Klimt Foundation|titre ouvrage=Moriz Nähr (1859–1945)|sous-titre ouvrage=Photographer for Habsburg, Klimt and Wittgenstein|lieu=Vienne|année=2021|url=https://www.moriz-naehr.com/en/download/NAEHR_Gruber_WittgensteinCompositePortrait_E-Paper_E.pdf|format=pdf}}.</ref>.}}L'articulation des jeux et de leurs familles opère le déplacement fondamental suivant : les instruments qui assurent le rapport du langage à la réalité ne sont plus du côté du représenté (l'ontologie du ''Tractatus'' attribue la condition de sens à l'éternité des objets), mais du côté de la représentation{{Sfn|Chauviré|1989|p=147}}.

==== Comment « suivre une règle » ? ====
Wittgenstein nie qu'il existe une manière de suivre une règle qu'imposent ces jeux de langages. Pour illustrer cette difficulté, disons être soumis au jeu de langage consistant à suivre une flèche. La règle à laquelle nous sommes soumis est entièrement dépendante de l'''interprétation'' que nous en faisons. Le jeu de langage semble pouvoir se passer de l'existence conceptuelle de cette règle. Être en accord ou désaccord avec une règle n'a de fait plus de sens. Aux yeux de Wittgenstein, il faut repousser cette idée de contrainte qui ne correspond à rien de réel{{Sfn|Chauviré|1989|p=149}}. Les ''[[Investigations philosophiques|Recherches]]'' répondent à cela que la compréhension de la signification n'est pas en soi une interprétation{{Sfn|Laugier|2001|p=27}}. La signification est usage en tant qu'elle se fonde sur l'habitude et la coutume ; elle est une règle en tant que ces habitudes admettent une justification{{Sfn|Laugier|2001|p=39}}. S'établit entre la règle et l'usage une connexion qui s'effectue ''dans'' la grammaire — [[Christiane Chauviré|Chauviré]] parle de ''connexion interne'' (c’est-à-dire qu’il est impossible de penser l’une sans l’autre). Celle-ci dépasse toute connexion empirique et c'est elle qui pousse à croire que la règle contient ''a priori'' toutes ses applications ; le sens d'un mot est l'ensemble de ses significations{{Sfn|Chauviré|1989|p=149-150}}.

Quelle différence alors entre la règle et l'usage ? Le second Wittgenstein précise que la différence est certes modale (la règle est une nécessité là où l'usage est un fait) mais réside surtout dans la dicibilité de chacune : la règle doit être énoncée pour exister, l'usage se satisfait de l'absence de formulation{{Sfn|Laugier|2001|p=38}}.

==== L'expérience du langage privé ====
{{Article détaillé|Recherches Philosophiques {{!}} ''Recherches philosophiques''}}
Pour saisir comment l'individu saisit une règle, comment cette dernière interagit et évolue, Wittgenstein propose entre autres l'expérience d'un ''langage privé.'' Y aurait-il un sens à être le seul détenteur d'un langage ? Les questions d'usage et d'établissement des jeux de langage et des règles en seraient alors considérablement simplifiées. Wittgenstein affirme par l'expérience de pensée du ''langage privé'' qu'il ne pourra jamais exister une telle conception de la signification{{Sfn|Laugier|2001|p=43}}.

Ce concept n'apparaît pas d'un bloc dans les ''Recherches'' mais en réseaux d'arguments concentrés dans les paragraphes 243 au 258 {{Incise|comme souvent avec Wittgenstein, ce sont les « petites différences, que nous tenons généralement pour des détails insignifiants et négligeables, qui font toute la différence{{Sfn|Laugier|2001|p=43}}. »|v}}

Un tel langage serait ''logiquement'' privé : pratiqué par un seul locuteur, sans personne avec qui il pourrait converser ; à usage personnel et le locuteur serait le seul à intérioriser les règles du langage ; et observable et imitable par un autre individu potentiel, par mimétisme ou description ostensive. Par conséquent un tel langage serait uniquement composé de correspondances symboliques à mes sensations internes : ce que je désigne par « rouge* » ne désigne pas la [[Rouge|couleur rouge]] mais la sensation de rouge. De même, un « mal de ventre* » désigne non l'altération que mon corps ressent potentiellement mais l'impression qu'il procure{{Sfn|Laugier|2001|p=47}}.

L'établissement de la signification des termes de mon langage doit alors être effectué sans aucun objet externe ni comportement corporel propre et ne reposer sur aucun mot ayant déjà une signification. Ainsi un tel langage serait une correspondance de certains symboles propres de mon langage privé à certaines de mes sensations : Wittgenstein entend montrer qu'une telle description ostensive privée est une impossibilité logique{{Sfn|Laugier|2001|p=48}}.

En substance, l'impossibilité d'un tel langage s'explique par le fait que les signes de la langue ne peuvent fonctionner que s'il existe une possibilité de juger de la justesse de leur utilisation{{Sfn|Biletzki|Matar|5=2021|loc=in ''3.5 Rule-following and Private Language''}} : {{Citation|ainsi l'usage d'un mot tient à condition d'une justification que tout le monde comprend.}} (''Recherches philosophiques'', 261).

À l'inverse, un langage ''public'' est tout à fait réalisable (et réalisé avec les [[Langage naturel|langages naturels]]), l'enfant apprend les significations des termes par ostentations, il s'accommode et comprend les règles et les jeux de langages qui l'entourent. J.-J. Rosat en donne une illustration dans ''La cérémonie inutile'' :{{Citation bloc|D'abord, pris isolément, mon geste de pointer du doigt pourrait avoir n'importe quel sens et désigner n'importe quoi d'autre que l'espèce « cormoran » : il pourrait désigner une classe plus large (celles des oiseaux), un individu déterminé, une couleur, une forme, etc. Mon geste d'ostension ne fixera un sens déterminé à « cormoran » que si l'enfant sait en quelque sorte déjà ''à l'avance'' dans quelle catégorie grammaticale faire entrer le mot. Une définition ostensive ne peut exister qu'''à l'intérieur du langage''.|référence={{sfn|Laugier|2001|p=58}}.}}Deux objections émergent alors des ''Recherches'' et montrent l'impossibilité d'un tel langage :

# Si j'essaye de ''pointer'' l'objet auquel je veux me référer, cela impliquerait l'existence d'un arrière-plan permettant la transformation de l'acte de montrer en l'instauration d'une règle : chose impossible dans le cadre d'un langage privé. Ainsi, la question de savoir ce que je vise est indécidable dans ce langage : le langage ne peut se pointer lui-même.
# Wittgenstein rapporte l'expérience de pensée du « carnet privé » : j'essaye de répertorier dans un carnet par un symbole, disons « S », les occurrences d'une sensation qui se répète. Qu'est-ce qui me permet d'être sûr que les sensations correspondantes aux différents « S » écrits se correspondent ? Puisque aucune règle ne peut s'établir sur ce langage, ''aucun critère'' ne me permet de répondre à cette question ; et la correction de l'usage du terme « S » n'a pas de sens{{Sfn|Laugier|2001|p=61-62}}.

L'utilisation ultérieure de l'expérience du langage privé n'a pas d'application précise dans la pensée de Wittgenstein. Des commentateurs font valoir ce dernier dans les questions contemporaines liées au [[solipsisme]] et au [[Scepticisme (philosophie)|scepticisme]]{{Note|texte=Voir par exemple {{Harvsp|Kripke|1996}}, {{Harvsp|Cavell|2012}}.}} ; celles des relations entre subjectivité et intersubjectivité{{Note|texte=Voir par exemple {{Harvsp|Tugendhat|1995}}.}} ; celles des rapports du langage à la signification et à la communication{{Sfn|Candlish|2019|loc=''2. The Significance of the Issue''}}.

=== Mathématiques ===
{{Article détaillé|Philosophie des mathématiques de Ludwig Wittgenstein}}
La philosophie des mathématiques de Wittgenstein est un des aspects les plus négligés de sa pensée. Or plus de la moitié de ses écrits entre 1929 et 1944 sont pourtant dédiés aux [[mathématiques]] et Wittgenstein écrira lui-même que sa {{citation|principale contribution a été en philosophie des mathématiques}}{{sfn|Monk|2021|p=463}}{{,}}{{Sfn|Rodych|2018|loc=Introduction}}. Les commentateurs suggèrent que cela est dû d'une part à sa réticence à entrer dans les détails techniques et à se limiter à des exemples [[Mathématiques récréatives|très simples]] ; d'autre part au fait que Wittgenstein n'apporte pas « sa » solution au problème des [[fondements des mathématiques]] mais montre plutôt qu'un tel problème n'a pas de raison d'être{{Sfn|Schmitz|1988|p=6-7}}.

Par sa critique du langage, Wittgenstein montrait comment des questions sans objet pouvaient naître en philosophie. Il poursuit ce travail en interrogeant [[Platonisme mathématique|la vision platonicienne]] des mathématiques qui les font indûment apparaître comme une science d'observation traitant d'objets abstraits mais réels. Ainsi ni le ''Tractatus'' ni ses écrits ultérieurs n'ont proposé de « théorie » ni de « philosophie » mathématique consistante. Son geste consiste d'abord à montrer aux philosophes que les mathématiques peuvent être vues de telle sorte que « s'évanouissent aussi bien la préoccupation fondatrice à l'égard des mathématiques, en particulier le souci philosophique général de s'assurer définitivement de ce qui est et de ce que l'on ne peut en connaître »{{Sfn|Schmitz|1988|p=11}}. Trois mouvements de pensée qui traversent les {{XIXe s}} et {{XXe s}} siècles en [[philosophie des mathématiques]] inspirent la pensée de Ludwig Wittgenstein{{Sfn|Schmitz|1988|p=26}} :

* Du [[logicisme]], Wittgenstein retient que la logique et les mathématiques sont le cadre formel nécessaire à tout discours ''a priori'' ayant prétention de vérité.
* Du [[formalisme]], le concept de « jeu » qui traverse toute sa seconde philosophie : l'accord tacite des règles avec lesquels les mathématiciens jouent sans la considération d'une supra-réalité mathématique.
* De l'[[intuitionnisme]] enfin, que les mathématiques sont d'abord une ''activité humaine'' qui n'a d'autre réalité que celle que lui donne l'homme{{Sfn|Schmitz|1988|p=26}}.

==== Le statut de la proposition mathématique dans le ''Tractatus'' ====
{{article détaillé|Philosophie des mathématiques de Ludwig Wittgenstein#Le statut de la proposition mathématique dans le ''Tractatus''}}
La première philosophie de Wittgenstein présente la science des mathématiques comme un jeu formel et syntaxique{{Sfn|Rodych|2018|loc=''1. Wittgenstein on Mathematics in the Tractatus''|ps={{citation étrangère bloc| langue=en|Though mathematics and mathematical activity are purely formal and syntactical, in the Tractatus Wittgenstein tacitly distinguishes between purely formal games with signs, which have no application in contingent propositions, and mathematical propositions, which are used to make inferences from contingent proposition(s) to contingent proposition(s). […] the later Wittgenstein returns to the importance of extra-mathematical application and uses it to distinguish a mere “sign-game” from a genuine, mathematical language-game.}}}}. De plus, la valeur de vérité d'une proposition peut toujours être vue comme [[Fonction (mathématiques)|fonction]] de ses propositions atomiques, soumises aux règles du [[calcul des propositions]]{{Sfn|Rodych|2018|loc=''1. Wittgenstein on Mathematics in the Tractatus''}}{{,}}<ref group="n">La géométrie de la proposition selon Wittgenstein est détaillée à partir de 4.2 dans le ''Tractatus''.</ref>. La proposition mathématique, telle qu'une égalité ou plus généralement une suite d'énoncés logiques cohérente, est ''dénuée de sens''{{Sfn|Bouveresse|1988|p=13}} :{{Citation bloc|6.2 – La mathématique est une méthode logique. 

Les propositions de la mathématique sont des équations, et par conséquent des pseudo-propositions.}}

Par conséquent, Wittgenstein peut écrire que {{Citation|6.21 – La proposition de la mathématique n'exprime aucune pensée{{Note|texte=La pensée à un sens précis dans le ''Tractatus'' : « 4 — la pensée est la proposition pourvue de sens »}}.}} Un théorème a donc le même statut logique qu'une [[Tautologie (logique)|tautologie]], et {{Citation|[sa] démonstration n'est qu'un auxiliaire mécanique pour reconnaître plus aisément une tautologie quand elle est compliquée.}} {{Small|(6.1262)}}. En particulier, les tautologies et les [[Contradiction|contradictions]] ne représentent pas la réalité ou des ''états de choses'' possibles ou des ''faits'' possibles {{Small|(4.462)}}. La vision formaliste de la mathématique est maintenue par Wittgenstein jusqu'à sa mort en 1951{{Sfn|Rodych|2018|loc=''1. Wittgenstein on Mathematics in the Tractatus''}}.

==== Wittgenstein du milieu et le formalisme finitiste ====
{{article détaillé|Philosophie des mathématiques de Ludwig Wittgenstein#Wittgenstein du milieu et le formalisme finitiste}}
{{Aphorisme|Les mathématiques sont un phénomène anthropologique{{sfn|Wittgenstein|1983|id=RFM|loc=VII|p=318, § 33}}.|''[[Remarques sur les fondements des mathématiques]]''.}}À cette période, Wittgenstein adopte une vision anthropologique du formalisme, selon laquelle « nous ''faisons'' des mathématiques » (''[[Remarques philosophiques]]'' (abrégées ''RP''), 159). Le mathématicien invente des calculs mathématiques purement formels, des axiomes « stipulés » (''RP'', 202), des règles syntaxiques de transformation et des procédures de décision qui nous permettent d'inventer la « vérité mathématique » et la « fausseté mathématique »{{Sfn|Rodych|2018|loc=''2. The Middle Wittgenstein’s Finitistic Constructivism''}}. Parallèlement, Wittgenstein développe une philosophie [[Finitisme|finitiste]] des mathématiques et rejette les extensions mathématiques ''infinies'', la [[Quantificateur (logique)|quantification]] non bornée en mathématiques, ou encore de différentes [[Cardinalité (mathématiques)|cardinalités]] infinies{{Sfn|Bouveresse|1988|p=140-144}}{{,}}{{Sfn|Rodych|2018|p=''2.2 Wittgenstein’s Intermediate Finitism''}}.

Une expression n'est une proposition mathématique significative que si nous connaissons une ''procédure de décision applicable'' pour la décider (''GP'', 400){{Sfn|Rodych|2018|p=''2.2 Wittgenstein’s Intermediate Finitism''}}.

==== Le non-interventionnisme du second Wittgenstein ====
{{article détaillé|Philosophie des mathématiques de Ludwig Wittgenstein#Le second Wittgenstein et le non-interventionnisme}}
Wittgenstein conserve le point de vue anthropologique des mathématiques durant toute sa seconde philosophie{{Sfn|Rodych|2018|loc=''1. Wittgenstein on Mathematics in the Tractatus''}}, et ses propos sur les mathématiques illustrent sa position philosophique qui ne transforme pas le monde mais tente de l'élucider. Le philosophe n'a pas à ''intervenir'' dans la pratique mathématique qui « doit prendre soin d'elle-même », et ne peut ni ne doit essayer de fonder les mathématiques{{Sfn|Chauviré|1989|p=164}}.

À titre d'exemple, le [[Platonisme mathématique|platonisme]] est pour Wittgenstein trompeur parce qu'il suggère une préexistence, donc une découverte des entités mathématiques{{Sfn|Rodych|2018|p=''3.1 Mathematics as a Human Invention''}}. Wittgenstein ne cherche cependant pas à ''réfuter'' le platonisme. Son objectif est plutôt de clarifier ce qu'est le platonisme et ce qu'il dit, implicitement et explicitement. Le platonisme est soit « un simple truisme »{{Sfn|Diamond|1976|loc=§239}}, soit une ''image'' consistant en « une infinité de mondes obscurs »{{Sfn|Diamond|1976|loc=§145}} qui, en tant que telle, manque d'utilité parce qu'elle n'explique rien et qu'elle induit souvent en erreur le mathématicien<ref>''Recherches philosophiques'', 254.</ref>{{,}}{{Sfn|Rodych|2018|p=''3.1 Mathematics as a Human Invention''}}.

=== Les valeurs : éthique et esthétique ===

==== Wittgenstein I et le silence ====
Longtemps mise de côté (notamment par les milieux tels que le [[Cercle de Vienne]]), la dimension morale du ''Tractatus'' est pourtant pour Wittgenstein {{Citation|la signification de mon livre. En effet, mon livre trace les limites de l'éthique pour ainsi dire de l'intérieur{{Sfn|Chauviré|1989|p=108}}.}} L'ouvrage s'adresse aux artistes et intellectuels viennois tels que [[Karl Kraus]], [[Adolf Loos]], ou [[Fritz Mauthner]], plutôt qu'à Frege et Russell. La volonté de réunir [[éthique]] et [[esthétique]], but que poursuit le ''Tractatus'', précise Christiane Chauviré, est de fait commune à tous ces intellectuels{{Sfn|Chauviré|1989|p=110}}.

Le traité de Wittgenstein se conclut sur le célèbre aphorisme {{Citation|Sur ce dont on ne peut parler, il faut se taire.}} {{Small|(7)}}, injonction éthique au silence, ou à la recherche d'autres formes d'expression telles que l'[[art]] selon Christiane Chauviré{{Sfn|Chauviré|1989|p=110-111}}. Le philosophe n'est pas paralysé, dans la mesure où il peut ''essayer'' de montrer ce qu'il veut dire. Wittgenstein note dans l'avant-propos du ''Tractatus'' que {{Citation|ce livre ne sera peut-être compris que par qui aura déjà pensé lui-même les pensées qui s'y trouvent exprimées {{incise|ou du moins des pensées semblables|fin}}{{Sfn|Wittgenstein|2001|loc=''Avant-propos''}}.}} L'intention du ''Tractatus'' est éthique<ref>{{Chapitre|auteur=Pierre Clanché|champ libre=paragraphe10|titre=Éthique et pragmatique: Wittgenstein et Freinet instituteurs|titre ouvrage=Anthropologie de l'écriture et pédagogie Freinet|éditeur=Presses universitaires de Caen|année=2016|url=https://books.openedition.org/puc/7315#bodyftn3|passage=19-30}}</ref>, et de montrer la voie d'une vie bonne{{Note|texte=Wittgenstein définit au début de sa [[Conférence sur l'éthique]] l'éthique comme: {{citation bloc|l'investigation du sens de la vie, ou de ce qui rend la vie digne d'être vécue, ou de la façon correcte de vivre.}}}} :{{citation bloc|6.54 – Mes propositions sont des éclaircissements en ceci que celui qui me comprend les reconnaît à la fin comme dépourvues de sens, lorsque par leur moyen {{incise|en passant sur elles}} il les a surmontées. (Il doit pour ainsi dire jeter l’échelle après y être monté.)
Il faut dépasser ces propositions pour voir correctement le monde{{sfn|Wittgenstein|2001|p=112}}.}}Ce silence, Wittgenstein l'appliquera après la publication du ''Tractatus'' en 1921. La création artistique sera [[Architecture|architecturale]] pour deux années, pendant lesquelles Wittgenstein établira les plans très détaillés de la [[Maison Wittgenstein|maison]] que sa sœur [[Margarethe Stonborough|Margarethe]] demanda à [[Paul Engelmann]], l'élève de l'architecte Loos. Pour Wittgenstein, {{Citation|l'architecture éternise et magnifie quelque chose. C'est pourquoi il ne peut y avoir d'architecture là où il n'y a rien à magnifier{{sfn|Wittgenstein|2002|loc=environ 1947-1948|p=139 [69]}}.}}

L'œuvre d'art autant que la fin qu'elle exprime est ainsi moyen d'expression : l'œuvre ''dit'' et ''montre'' à la fois. Chauviré précise que Wittgenstein concède à l'art moins un {{citation|caractère ''autoréférentiel''}} qu'une autonomie sémantique : {{citation|Si la phrase musicale ne dit rien d'autre qu'elle même, c'est qu'elle s'autocontient au sens où en elle « l'exprimable [est] inexplicablement contenu dans ce qui est exprimé »}}{{sfn|Chauviré|1989|p=115}}. Puisque « le monde est », il se montre directement et il n'y a pas de dimension angélique à l'ineffable wittgensteinien : ni médiateur ni messager entre le monde visible et la mystique{{Sfn|Gil|1990|p=119|loc=in ''Que faire de l'ineffable'' par F. Nef}}.

===== L'erreur des esthètes =====
Les philosophes et esthéticiens ont pensé pouvoir mettre à la portée du langage la possibilité d'un propos éthique ou esthétique sensé. De ce fait, il est courant que l'on considère l'impression « indescriptible » d'une expérience esthétique comme lourde de sens. Cette prétention à saisir l'indescriptible est pour Wittgenstein une illusion de la posture philosophique : le vécu est descriptible et l'expérience éthique ou esthétique n'en diffère pas{{Sfn|Chauviré|2016|p=12}}. Ces notions ne peuvent qu'être ''montrées'' pour Wittgenstein. Nombre de ses ''[[Remarques mêlées]]'' portent sur les conditions d'expression et d'évaluation de l'art : {{Citation|Il est difficile en art de dire quelque chose d'aussi bon que… ne rien dire{{Sfn|Wittgenstein|2002|loc=Environ 1932-1934|p=79 [23]}}.}}

Énoncer un fait significatif sur le monde, c'est exprimer un état de choses ''possible'' et donc nécessairement circonscrit par les limites du langage. Les limites du monde ne sont pas limites en extension, mais limites de la factualité. Ainsi, il ne peut rien avoir de réel en dehors du monde ni de proposition portant sur une réalité plus vaste. À l'extérieur de ces limites se situent le « sens » et la « valeur »{{Sfn|Bouveresse|1973|p=42}}.

Cette solution négative revêt en fait un contenu positif pour Wittgenstein. L'ensemble des réponses possibles, ce qui est dicible, « fait signe » vers les limites du monde. Elles permettent une ''délimitation'' des frontières de celui-ci en représentant clairement le dicible{{Sfn|Bouveresse|1973|p=22}}. Il précise dans une lettre adressée à l'éditeur du ''Tractatus'' [[Ludwig von Ficker]]<ref>{{Article|prénom1=Maria Filomena|nom1=Molder|titre=Énigme de la deuxième partie: Au sujet d'une lettre de Wittgenstein|périodique=Rue Descartes|volume=n° 39|numéro=1|date=2003-03-01|issn=1144-0821|doi=10.3917/rdes.039.0028|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2003-1-page-28.htm?ref=doi|consulté le=2023-01-22|pages=28–40}}.</ref> :{{Citation bloc|L'[[intention]] du livre est éthique. […] Mon œuvre comprend deux parties: celle qui est présentée, plus tout ce que je n'ai pas écrit. Et ''c'est précisément la seconde qui importe''. Mon livre trace les limites de l'éthique en quelque sorte de l'intérieur et je suis convaincu que c'est la seule façon rigoureuse de les tracer{{sfn|Gil|1990|p=53}}.}} L'éthique et l'esthétique sont, au même titre que les [[Philosophie des mathématiques|mathématiques]], un « phénomène anthropologique » qui n'a pas de réalité essentielle. Donner raison à un fait éthique ne peut que se fonder sur les règles humaines établies par l'usage. Les ''raisons'' que je donne pour justifier la beauté d'une œuvre, la justesse d'une action morale, ou une démonstration mathématique obéissent elles-mêmes à mon état « civil » et ne sont révélatrices que {{Citation|de la manière dont nous pensons et vivons}}{{Sfn|Bouveresse|1973|p=110}} — et Wittgenstein évacue ainsi l'existence de ''cause'' ; il n'y a pas de causalité entre les différents faits qui composent le monde{{Sfn|Bouveresse|1973|p=44}}.

==== Wittgenstein II ====
Si Wittgenstein aborde peu les thèmes de l'[[éthique]] et de l'[[esthétique]] dans son œuvre avant 1929 et sa ''[[Conférence sur l'éthique]]'', ainsi que ses ''[[Leçons et Conversations sur l'esthétique, la psychologie et la croyance religieuse]]'', ils sont pourtant toujours associés dès les ''Carnets'' et le ''Tractatus''. Ce qui lie plus précisément ces deux notions aux sujets ''a priori'', la [[Beau|beauté]] et le [[Bonté|bien]], c'est notre incapacité à en parler. Wittgenstein entreprend de mettre une fois pour toutes hors d'atteinte ces notions ; tous les livres sur l'éthique ou l'esthétique n'ont été que « verbiages »{{Sfn|Bouveresse|1973|p=10-11}}.

Ces deux concepts sont compris dans l'''élément mystique'' introduit par Wittgenstein. On retrouve la combinaison usuelle d'une apostase et d'une mystique non-théiste, dans laquelle les deux seules divinités sont le monde et moi{{Sfn|Gil|1990|p=120|loc=in ''Que faire de l'ineffable ?'' par F. Nef}}.

L'éthique occupe en ce sens la « place vraiment importante » dans sa philosophie, comme il l'écrit à la fin du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' : {{Citation|6.42 — Il est clair que l'éthique ne se laisse pas énoncer. L'éthique est transcendantale (éthique et esthétique sont une seule et même chose.)}} L'attitude philosophique de Wittgenstein peut être qualifiée d'artistique, sans contradiction avec la rigueur qui traverse son œuvre philosophique. La musique joue pour lui un rôle central et il fait sien le commentaire de [[Arthur Schopenhauer|Schopenhauer]] : {{Citation|La musique est un monde en elle-même}}{{Sfn|Bouveresse|1973|p=13}}{{,}}{{note|En 1960, [[Maurice Drury]] déclare {{cita|To watch Wittgenstein listening to music was to realize that this was something very central and deep in his life. He told me that this he could not express in his writings, and yet it was so important to him that he felt without it he was sure to be misunderstood. I will never forget the emphasis with which he quoted Schopenhauer’s dictum: ‘Music is a world in itself’{{note|{{Harvsp|Drury|2017|loc=Contribution to a BBC Symposium|p=89}}, {{Harvsp|Fann|1967|loc=A Symposium: Assessments of the Man and the Philosopher. II|p=67-68}}}}.}}. Ce rôle central de la musique est évoqué par Wittgenstein lors d’une conversation en 1949 avec Drury{{sfn|Schulte|1992|p=24}} : {{cita|il m’est impossible de dire dans mon livre un mot sur ce que la musique a signifié dans ma vie. Comment, dès lors, pourrais-je espérer être compris ?}} ({{Harvsp|Drury|2002|p=182}}, {{Harvsp|Drury|2017|p=136}}).|groupe=n}}. C'est, avec [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]], une caractéristique partagée par les ''antiphilosophes'' tels que définis par [[Alain Badiou]]{{sfn|Badiou|2017|p=7}}.

===== L'expérience éthique =====
Il n'existe pas pour Wittgenstein de système éthique privilégié ni de moyen absolu de les comparer entre eux. Et s'il y a une éthique, il ne peut avoir de « savoir-vivre » correspondant{{Sfn|Bouveresse|1973|p=86}}. Seul rendre compte de notre expérience esth/étique est possible. Wittgenstein considère que le geste est aussi monstratif qu'une description de cette expérience : opposer l'un à l'autre serait aller dans le sens du « mythe de l'indescriptible »{{Sfn|Chauviré|2016|p=15}}. Essayant de répondre à la question « décrivez l'arôme du café » dans ses [[Investigations philosophiques|''Recherches philosophiques'']], §610, Wittgenstein insiste sur la nécessité de se satisfaire du langage :{{Citation bloc|Ces tons expriment quelque-chose de superbe, mais je ne sais quoi. Ces tons sont un geste puissant, mais je ne puis en donner aucune explication. […] les mots nous manquent. Pourquoi alors ne pas les introduire ? Quel devrait être le cas pour que nous puissions le faire ?|référence={{sfn|Chauviré|2016|p=17}}.}}La seule indication que donne Wittgenstein sur ce que pourrait être une constante éthique dans la vie des hommes est d'''être heureux :'' « la vie heureuse se justifie elle-même. » Mais essayer de démontrer quoi que ce soit quant au bien-fondé d'une vie heureuse ou non est vain. Le [[sens de la vie]], la vie harmonieuse ou encore la vie heureuse sont des concepts ne décrivant aucun état de choses et par conséquent dénués de sens. Avoir résolu le problème de la vie pour Wittgenstein, c'est avoir cessé de se poser le problème{{Sfn|Bouveresse|1973|p=87}}. Dans la mesure où il considère la seule possibilité réelle d’affranchissement dans le réel et l'éternité dans la vie présente, l'« éthique » de Wittgenstein se rapproche de l'immanence du donné développée par [[Éthique (Spinoza)|celle de Spinoza]]{{Sfn|Bouveresse|1973|p=79}}.

Dans sa ''[[Conférence sur l'éthique]]'', Wittgenstein donne comme exemple d'expérience éthique monstrative trois instances personnelles. Le premier et le plus important, l'« étonnement devant le monde qui existe ». L'existence du monde n'est pas un fait et ne désigne rien ; ''ressentir'' cette expérience est tout ce que l'on peut faire. Les deux autres sont moins importantes en ce qu'elles découlent d'une forme altérée de la première expérience : la « sensation de sûreté ''absolue'' » et la « sensation de culpabilité ''en soi'' »{{Sfn|Bouveresse|1973|p=96}}{{,}}{{Sfn|Wittgenstein|1992}}. Son but est d'une part de débarrasser la pensée d'une réflexion [[Essentialisme|essentialiste]] sur la nature ou la valeur du [[Bien (philosophie)|Bien]] ; d'autre part de déterminer l'{{Citation|emploi abusif du langage qui se retrouve à travers ''toutes'' nos expressions religieuses et éthiques<ref>{{Harvsp|Bouveresse|1973|p=97}} {{Harv|Wittgenstein|1992|p=151}}.</ref>}}.

Comprendre une œuvre d'art pour Wittgenstein ne signifie pas (seulement), comme [[Léon Tolstoï|Tolstoï]] le défendait dans ses ''[[Écrits sur l'art]]'', avoir ressenti ce qui pourrait s'appeler un « sentiment de beauté »{{Sfn|Chauviré|2016|p=56}}. Son appréciation, qui est différente de sa compréhension, passe par la connaissance des règles et des techniques de l'art en question et la capacité à pouvoir ''distinguer'' les pratiques correctes<ref>{{article|auteur=Christiane Chauviré|titre=Wittgenstein : apprécier une œuvre d'art, avec ou sans émotion ?|périodique=Al-mukhatabat Journal|numéro=9|année=2014|issn=1737-6432|url=https://www.academia.edu/5779559/Christiane_Chauviré_Université_Panthéon_sorbonne_Paris_1_Wittgenstein_apprécier_une_oeuvre_dart_avec_ou_sans_émotion_|passage=11-20}}.</ref>. Tout jugement esthétique n'a de sens que situé dans un système éthique-esthétique{{Sfn|Bouveresse|1973|p=163}}.

===== L'expérience du ''Gros livre'' de Wittgenstein =====
{{Extrait|Conférence sur l'éthique|Gros livre}}

=== Le politique ===

Les appréciations sur les idées politiques de Wittgenstein ont été divergentes, voire contradictoires. Malgré sa sympathie pour le [[communisme]] {{Incise|il se dit {{cita|communiste de cœur}}}}, il n'adhère à aucun programme, déclarant dans les ''[[Remarques mêlées]]'' : {{Citation|Sera révolutionnaire celui qui peut se révolutionner lui-même}}. Rejoindre un parti politique est cependant contraire selon Wittgenstein aux devoirs du philosophe. Pratiquer la philosophie, précise-t-il, implique de pouvoir changer de direction et de penser le communisme indifféremment des autres idéologies{{Sfn|Monk|2021|p=479}}. Lui-même s'appliqua à être aussi [[Apolitisme|apolitique]] qu'il le pouvait, aussi bien comme personne que comme philosophe{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=327|loc=in Allan Janik, ''Notes pour une philosophie politique wittgensteinienne''}}.

Wittgenstein s'ouvre à la pensée de [[Karl Kraus]] très tôt dans sa jeunesse et ce probablement par l’intermédiaire de sa sœur Margarete, qui a sur lui l’influence intellectuelle la plus significative à cette période{{sfn|Monk|2021|p=26}}{{,}}{{note|Dès son premier numéro (1899) de ''Die Fackel'' (''la torche''), Margarete devint une lectrice « enthousiaste » de la revue et « sympathisa » avec presque toutes les idées défendues par Kraus. Kraus dénonçait l’hypocrisie du gouvernement autrichien des Balkans, la corruption, la « persécution légale des prostituées » et la « condamnation sociale des homosexuels »{{sfn|Monk|2021|p=27}}.|groupe=n}}. Selon [[Ray Monk]], Wittgenstein considère les {{cita|questions d'intégrité personnelle}} plus importantes que les {{cita|questions politiques}} : {{cita|Contentez-vous de vous améliorer, c'est tout ce que vous pouvez faire pour améliorer le monde}}, déclare-t-il à ses amis. En ce sens, certaines des conceptions de Wittgenstein adulte sont proches de celles de Kraus pour qui {{Cita|la politique est ce qu'un homme fait pour cacher ce qu'il est et qu'il ne sait pas lui-même}}{{sfn|Monk|2021|p=27}}.

=== Le métaphysique : mystique et théologique ===
L'influence de la [[religion]] et de la [[croyance]] est un point délicat de l'œuvre et de l'homme. Wittgenstein ne fut jamais explicite sur les formes et les rapports religieux qui s'établirent chez lui, bien qu'il ait reçu une éducation catholique et ait été élevé dans un milieu sévère et croyant. La notion de Dieu intervient selon des modalités différentes : Dieu comme notion éthico-mystique, assimilé au Dieu du ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]]'' et des ''Carnets'' ; Dieu comme élément de langage dans le réseau des ''jeux'' et de la grammaire, présent dans sa ''[[Conférence sur l'éthique]]'', dans les ''[[Investigations philosophiques|Recherches philosophiques]]'' ou dans ses ''Leçons sur la croyance religieuse'' ; et enfin le Dieu (chrétien) lié l'expérience personnelle de Wittgenstein{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=149-150|loc=in Jean-Marc Joubert, ''Wittgenstein, Dieu et le monde''.}}.

Le biographe de Wittgenstein [[Norman Malcolm]] voit une {{Citation|signification religieuse}} aux éléments de vie suivant du philosophe{{sfn|Malcolm|2022|p=33-34}} :

* Le « sentiment d'absolue sûreté » qu'il a éprouvé à partir de ses {{nobr|21 ans}} et qu'il mentionne dans sa ''Conférence sur l'éthique'' ;
* Le désir de devenir un être humain décent, sentiment puissant qui naquit lors de son enrôlement dans la [[première Guerre mondiale]] ;
* Le don de la fortune héritée de son père, [[Karl Wittgenstein]], qui fut un des industriels les plus puissants d'Autriche ;
* L'espoir et la crainte d'un Dieu représenté comme ''Juge'' et sa lecture assidue des [[Évangile|Évangiles]]{{Note|texte={{Harvsp|Malcolm|2022|p=34}} fait référence au [[Jugement dernier]] explicitement. Il est plus prudent d'affirmer avec Joubert et {{Harvsp|Bouveresse|1973}} que le Dieu expérimenté par Wittgenstein le mena à un [[éthique déontologique|sens du devoir]]. Il pria ses amis lors de son retour de Norvège de lire ses « Confessions »{{sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=162}}.}}.

La plupart des biographies de Wittgenstein lui ont attribué une incapacité totale à adhérer à une religion, au sens classique du terme{{Sfn|Bouveresse|1973|p=91}}. Ludwig résume à son ami [[Maurice Drury]] son attitude religieuse : {{Citation|Je ne suis pas un homme religieux, mais je ne puis m'empêcher de voir chaque problème d'un point de vue religieux{{note|{{harvsp|Rhees|1984|p=94}}, repris dans {{Harvsp|Drury|2017|p=151}}. Trad. fr dans {{Harvsp|Drury|2002|p=46-47}}.}}}}{{note|si cette analogie ne dénote ni ne prouve un lien direct entre le « point de vue religieux » et sa méthode philosophique, au moins [[Peter Winch]] note-t-il dans son commentaire sur l'essai ''Wittgenstein : le point de vue religieux ?'' de [[Norman Malcolm]] que le sentiment d'étonnement, la curiosité pure qui s'en dégage ne sont pas sans liens}}.

==== Éducation chrétienne et rapport personnel au dogme ====
[[Fichier:10._Ludwig_Wittgenstein,_aged_about_eighteen.jpg|alt=Portrait photographique en noir et blanc d'un jeune homme aux cheveux bruns coupés courts, tourné de profil et semblant amusé.|gauche|vignette|Ludwig Wittgenstein, âgé d'environ dix-huit ans.]]
Wittgenstein est [[baptisé]], nourrisson, par un prêtre catholique et reçoit l'enseignement du catéchisme, comme cela est courant à l'époque<ref name="MW" />. Dans une interview, sa sœur Gretl Stonborough-Wittgenstein déclare que le « [[christianisme]] fort, sévère et partiellement ascétique » de leur grand-père a fortement influencé tous les enfants Wittgenstein<ref>[[Margarethe Stonborough|Gretl Stonborough-Wittgenstein]], ''in'' : {{harvsp|Flowers III|Ground|p=|2015|loc=''Portraits of Wittgenstein''|id=FlowersGround2015}}</ref>{{,}}{{sfn|McGuinness|1991|p=67}}.

Durant son passage à la ''Realschule'', son manque de foi religieuse et Gretl le poussent à la lecture d'[[Arthur Schopenhauer]]{{sfn|Monk|1990|p=18}}. Adolescent, Wittgenstein adopte l'[[Idéalisme transcendantal|idéalisme épistémologique]] de Schopenhauer, duquel il prend plus tard ses distances pour le [[Réalisme (philosophie)|réalisme conceptuel]] de [[Gottlob Frege]]{{sfn|Malcolm|1958|p=6}}.

Wittgenstein a toujours professé une sympathie sincère et dévouée envers le [[christianisme]] et avec la [[religion]] en général. Son rapport au religieux a, tout comme ses idées philosophiques, évolué au cours de sa vie. À distance de la pratique religieuse – il lui est difficile de « plier le genou »{{note|{{harvsp|Flowers|Ground|2015|p=113}}, {{Harvsp|McGuinness|1991|p=67}}, {{Harvsp|Monk|2021|p=483}}, {{Harvsp|Malcolm|2022|p=35}}. En 1946, Wittgenstein écrit : {{Citation|Je ne puis me mettre à genoux pour prier, mes genoux étant pour ainsi dire raides. Je crains de me dissoudre si jamais je devenais mou{{sfn|Wittgenstein|2002|p=122 [55-56].}}.}}|groupe=n}} – sa perception philosophique est cependant traversée par le « point de vue religieux »<ref>Wittgenstein, Ludwig, revue dans ''Wittgenstein's Religious Point of View'', Tim Labron</ref>{{,}}<ref>{{article|prénom=Bruce R.|nom=Ashford|titre=Wittgenstein's Theologians: A Survey of Ludwig Wittgenstein's Impact on Theology|journal=Journal of the Evangelical Theological Society|volume=50|numéro=2|date=juin 2007|passage=357–75|url=https://www.etsjets.org/files/JETS-PDFs/50/50-2/JETS_50-2_357-375_Ashford.pdf}}.</ref>. Sa croyance religieuse se développe pendant son service dans l'armée autrichienne lors de la Première Guerre mondiale{{sfn|Monk|1990|p=148}}, corrélativement à sa lecture assidue des écrits religieux de Dostoïevski et de Tolstoï{{sfn|Monk|1990|p=136}}. Avec l'âge, l'approfondissement de sa spiritualité personnelle l'amène à plusieurs élucidations et clarifications, alors qu'il démêle les problèmes de langage en religion{{mdash}} en essayant, par exemple, de penser l'existence de Dieu comme une question scientifique<ref name=":02">Ludwig Wittgenstein, "Lectures on Religious Belief"</ref>. Dans ses ''[[Remarques mêlées]]'', il écrit :

{{Citation|Une des leçons du Christianisme, à ce que je crois, est que toutes les bonnes doctrines ne servent à rien. C'est la ''vie'' qu'il faut changer. (Ou l'''orientation'' de la vie). […]
La sagesse est sans passion. La Foi, en revanche, Kierkegaard la nomme une ''passion''{{sfn|Wittgenstein|2002|loc=1946|p=118 [53]}}}}

En 1947, trouvant plus difficile de travailler, il écrit :{{Citation bloc|J'ai reçu une lettre d'un vieil ami en Autriche, un prêtre. Il y dit qu'il espère que mon travail se passera bien, si c'est la volonté de Dieu. Or, c'est tout ce que je veux : ''si c'est la volonté de Dieu''<ref name="ReferenceA">{{ouvrage|langue=en|nom= Rhees|prénom=Rush|titre= Ludwig Wittgenstein : Personal Recollections|éditeur=Rowman & Littlefield|année=1981|isbn= 978-0847662531|oclc=489745800}}, traduction française dans {{Harvsp|Drury|2002|loc=1949|p=196-197}}.</ref>.}}Vers la fin de sa vie, Wittgenstein note que « Bach a écrit sur la page-titre de son [[Orgelbüchlein]] : « À la gloire du Très-Haut et que mon prochain puisse s'en trouver bien. ». Voilà ce que j'aurais aimé dire à propos de mon travail<ref name="ReferenceA" />{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=118}}. »

==== Le Dieu du ''Tractatus'' ====
Le ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' compte quatre occurrences du concept du [[Dieu|divin]], dont l'aphorisme {{Small|(6.432)}} montre le plus clairement l'approche de l'auteur des ''Carnets'' et du ''Tractatus'' de Dieu : {{Citation|Comment est le monde, ceci est pour le Supérieur parfaitement indifférent. Dieu ne se révèle pas ''dans'' le monde.}} L'équivalence éthique des faits implique en particulier qu'un « fait premier », comme la création d'un être divin, n'a en soi aucune [[Valeur (philosophie)|valeur]]. La notion de Dieu n'est donc « pas ''dans'' le monde » et reste utilitaire et hors de contrainte logique{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=152|loc=in Jean-Marc Joubert, ''Wittgenstein, Dieu et le monde''.}}.

[[Georg Henrik von Wright|G. H. von Wright]] et [[Norman Malcolm|Malcolm]] notent que bien que Wittgenstein n'ait jamais donné un sens à la conception d'un [[Dieu le Père|Dieu créateur]] du monde, les idées divines de justice, jugements et rédemptions étaient des intérêts de premier ordre{{Sfn|Malcolm|1958|p=71}}. En cela, la conception de Dieu de Wittgenstein et son hostilité à toute ''preuve'' ou tout fondement ''rationnel'' de l'[[Arguments sur l'existence de Dieu|existence de Dieu]] le rapprochent de [[Kierkegaard]]{{Sfn|Bouveresse|1973|p=88}}. La conception éthique de Wittgenstein se rapproche, selon [[Jacques Bouveresse]], de la [[Philosophie pratique d'Emmanuel Kant|théorie de Kant]] : le fait et le jugement sont clairement distingués. Ils s'opposent cependant sur les trois postulats de la raison pratique kantienne : l'immortalité de l'âme {{Incise|la possibilité de concevoir une durée pour l'âme humaine à l'« accomplissement complet de la loi morale »}} ; la liberté humaine {{Incise|condition nécessaire à l'existence de la loi morale{{note|Wittgenstein est clair sur ce point : « le monde est indépendant de ma volonté » {{Small|(6.373)}}. Par là, Wittgenstein ne signifie pas que mon action sur le monde ne le transforme pas, puisqu'elle en fait partie{{Sfn|Bouveresse|1973|p=90}}.|group=n}}}} ; et l'existence de Dieu {{Incise|idée régulatrice qui assure la synthèse de la vertu et du bonheur dans l'autre monde|v}}{{Sfn|Bouveresse|1973|p=97-90}}.

Cependant, si Wittgenstein récuse les spéculations philosophiques sur la bonté ou la méchanceté de l'homme, le progrès moral, ou la valeur de la vie, il n'intervient pas dans les entreprises d'amélioration des ''conditions de vie'' de l'homme. En effet, si la question du [[sens de la vie]] est dénuée de sens (''sinnlos'') et est donc une pseudo-question, la question de la forme et de la condition de la vie est empiriquement lourde de sens. Tous les problèmes résolus par la science et posés par l'existence, mentionne le ''Tractatus'', pourraient très bien être résolus sans que la question de la ''signification'' de la vie ne soit abordée. La raison étant que ce n'est pas une question et sa résolution revient à cesser de la vivre comme problématique : {{Citation|La solution au problème de la vie, on la remarque à la disparition de ce problème (Cela n'est-il pas la raison pour laquelle des hommes pour qui le sens de la vie est devenu clair au terme de longs doutes n'ont pas pu dire en quoi ce sens consistait.)}} {{Small|(6.521)}}{{Sfn|Bouveresse|1973|p=91-92}}. Joubert note que « Dieu » n'apparait, ni dans les ''Carnets'' ni dans le ''Tractatus'' comme solution, mais comme ''nom'' du problème de la vie{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=154|loc=in Jean-Marc Joubert, ''Wittgenstein, Dieu et le monde''.}}.

Résoudre le problème éthique consiste non pas en la reconnaissance d'une valeur intrinsèque de certains faits privilégiés, mais {{Citation|on parvient au but de l'existence [lorsque l'on] n'a plus besoin de buts hors de la vie. C'est-à-dire celui qui est apaisé{{Sfn|Wittgenstein|1997|loc=(6.7.16)|p=141}}.}} C'est donc accepter que le monde soit monde. En cela, Wittgenstein reformule la croyance en un Dieu comme suit dans ses ''Carnets :''{{Citation bloc|Croire en un Dieu signifie comprendre la question du sens de la vie.

Croire en un Dieu signifie voir que les faits du monde ne résolvent pas tout.

Croire en un Dieu signifie voir que la vie a un sens.|référence={{sfn|Wittgenstein|1997|loc=(8.7.16)|p=141}}.}}

==== La quête d'explication ====
Wittgenstein se réfère de manière récurrente au ''terme'' qu'aurait le déroulement en cascade d'une série d'explications. Autrement dit, jusqu'à quel point peut-on justifier un acte, une pensée ? Y a-t-il un fond, un stade où la raison ne peut plus justifier ? Lorsqu'il écrit que {{Citation|Nous devons nous débarrasser de toute explication}}, il ne veut pas exclure d'emblée tout motif explicatif, cela illustre au contraire la position ''antiphilosophique'' du penseur : la volonté de clarification précède tout le reste{{Sfn|Malcolm|2022|p=13}}.

Cette question est abordée dès le ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'', où est mentionnée l'existence d'une limite à l'explication :{{Citation bloc|6.372 – Aussi [les hommes] tiennent-ils devant les lois de la nature comme devant quelque chose d'intouchable, comme les Anciens devant Dieu et le Destin.
Et les uns et les autres ont en effet raison et tort. Cependant les Anciens ont assurément une idée plus claire en ce qu'ils reconnaissent une limitation, tandis que dans le système nouveau il doit sembler que tout est expliqué.}}

=== Wittgenstein par-delà la philosophie ===
La pratique de la philosophie telle que conçue par Wittgenstein doit chercher son auto-dépassement, le questionnement de son propre raisonnement philosophique{{Sfn|Chauviré|1989|p=189}}. Ce dépassement prend la forme d'une part d'une annulation de la production de philosophie ; d'autre part d'une création culturelle distincte et nouvelle{{Sfn|Chauviré|1989|p=189}}.

Cette conception hétérodoxe est loin d'être la règle dans l'entourage universel de Wittgenstein : il est, pour le penseur viennois, extrêmement difficile de pratiquer « honnêtement » le métier de philosophe sans que se produise une perdition intellectuelle et morale, la tentation de se duper soi-même et autrui{{Sfn|Bouveresse|1973|p=73}}.

La philosophie n'est donc pour Wittgenstein pas une ''doctrine'' mais une ''activité.'' [[Christiane Chauviré|Chauviré]] et [[Jacques Bouveresse|Bouveresse]] le rapprochent de la perception de [[Paul Valéry]], lorsque ce dernier écrit par exemple {{Citation|Toutes les figures interrogatives du langage interviennent et sont les monstres instantanés d’une mythologie abstraite. Les énigmes illégitimes nous assiègent […]. Nous ne pouvons pas concevoir de réponse exacte et certaine à ces demandes. Si nous pouvions en concevoir, ces questions ne se poseraient pas<ref>{{Chapitre|auteur1=[[Jacques Bouveresse]]|titre chapitre=VIII-La philosophie d'un anti-philosophe : Paul Valéry|titre ouvrage=Essais IV. Pourquoi pas des philosophes|lieu=Marseille|éditeur=Agone|année=2004|isbn=9782748900309|passage=243-281}}.</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|1989|p=190-194}}.}} La seule réaction positive à son exercice serait une nouvelle façon de questionner la question posée, comme Wittgenstein l'énonce{{sfn|Wittgenstein|1983|id=RFM|loc=III, 5|p=140}} :{{Citation bloc|En philosophie, il est toujours bon de poser une question en lieu et place d’une réponse à une question. Car une réponse à la question philosophique peut aisément être inappropriée (''ungerecht'') ; régler la question au moyen d’une autre question ne l’est pas.|référence={{sfn|Chauviré|1989|p=193}}.}}En ce sens la pratique de la philosophie selon Wittgenstein serait thérapeutique pour plusieurs commentateurs<ref name= Tirvaudey>{{article|auteur=Robert Tirvaudey|titre=Wittgenstein et le pouvoir thérapeutique de la philosophie|périodique=Enseignement philosophique|numéro=2|année=2014|url=https://www.cairn.info/revue-l-enseignement-philosophique-2014-2-page-53.htm|passage=53 à 85}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|auteur=Ballériaux Omer|titre=André-Jean Voelke, La philosophie comme thérapie de l'âme|périodique=Études de philosophie hellénistique. In: L'antiquité classique|tome=64|année=1995|url=https://www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_1995_num_64_1_1237_t1_0377_0000_2|passage=377-378}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web |langue=en |auteur=Anat Biletzki et Anat Matar |titre=2.4 Interpretative Problems |url=https://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein/#PhilInve |site=plato.stanford.edu}}</ref>{{,}}<ref>{{article|auteur=Cedric Mouriès|titre=Une brève introduction à la pensée de Jacques Bouveresse, en guise d’hommage|périodique=Philosophique|numéro=25|année=2022|doi=10.4000/philosophique.1711|url=https://journals.openedition.org/philosophique/1711|passage=161-165}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|auteur=Luce Fontaine-de Vischer|titre=Wittgenstein. Le langage à la racine de la question philosophique|périodique=Revue Philosophique de Louvain|année=1985|url=https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1985_num_83_60_6381|passage=559-584}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web |titre=Wittgenstein : Philosophie et pratique de la philosophie |url=http://poincare.univ-lorraine.fr/fr/manifestations/wittgenstein-philosophie-et-pratique-de-la-philosophie |site=Archives Henri-Poincaré - Philosophie et Recherches sur les Sciences et les Technologies |date=3 mai 2007}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web |auteur=Philip Mills |titre=Nietzsche et Wittgenstein, la philosophie comme thérapie |url=https://www.academia.edu/29992757/Nietzsche_et_Wittgenstein_la_philosophie_comme_thérapie}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|auteur=Jean-Claude Monod et Valeria Spadini|titre=La vocation thérapeutique de la philosophie Wittgenstein – Blumenberg|périodique=Archives de philosophie|tome=79|numéro=1|année=2016|url=https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2016-1-page-103.htm|passage=103-107}}.</ref> et en ses propres mots de {{citation|montrer à la mouche comment sortir du piège à mouches}}<ref name= Tirvaudey/>{{,}}<ref>{{article|titre= La mouche de Wittgenstein|périodique= Libération|date=3 février 2005|url= https://www.liberation.fr/livres/2005/02/03/la-mouche-de-wittgenstein_508371/}}.</ref>.

== Influence et réception ==
Wittgenstein a dans l'histoire de la pensée contemporaine une place de premier plan, tant ses quelques écrits {{Incise|trois œuvres publiées de son vivant}} ont eu échos et répercussions. Son influence est notable en [[philosophie du langage]], des [[Philosophie des sciences|sciences]], de l'[[esthétique]] ou encore en [[philosophie politique]] et en [[sciences sociales]]. Plus largement, ses rapports à la [[linguistique]], l'[[Ethnologie|éthnologie]], l'[[anthropologie]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Talal|nom1=Asad|titre=Thinking about Religion through Wittgenstein|périodique=Critical Times|volume=3|numéro=3|date=2020-12-01|issn=2641-0478|doi=10.1215/26410478-8662304|lire en ligne=https://doi.org/10.1215/26410478-8662304|consulté le=2022-05-26|pages=403–442}}.</ref>, la [[psychanalyse]] et la [[psychologie]], ou la [[théologie]] sont aussi étudiés. Sa méthode philosophique, qui se veut concrète et conséquente, méfiante à l'égard des thèses et parfois d'une grande abstraction, note son biographe McGuiness, est une des premières à instaurer l'utilisation systématique d'analogies et exemples directement au service de sa pensée{{Sfn|Gil|1990|p=75}}.

La réception de l’œuvre du philosophe en France est tardive. Si l'influence dans les milieux anglo-saxons fut rapide notamment grâce au [[Cercle de Vienne]], quoique limitée au commentaire analytique, centré sur son [[atomisme logique]] et sa pensée du [[Fondements des mathématiques|fondement des mathématiques]]{{Sfn|Chauviré|1989|p=19}}, presque aucune mention n'est faite du ''[[Tractatus logico-philosophicus]]'' dans l'[[Hexagone (France)|Hexagone]] au moment de sa publication pendant l'[[entre-deux-guerres]]{{Note|groupe=n|texte=Seul un article de [[jean Cavaillès]] le mentionne en 1935{{sfn|Gil|1990|p=175|loc=in ''Incompréhension du Tractatus en France'' par F. Schmitz}} (« L'École de Vienne au congrès de Prague.»)}}. Ce n'est qu'avec sa première traduction en français {{Incise|qui vient après les traductions en chinois, italien, espagnol et même yougoslave}} en 1961 et les travaux de [[Léon Brunschvicg]] et [[Jean Cavaillès]] que l'intérêt grandit{{sfn|Gil|1990|p=175-176|loc=in ''Incompréhension du Tractatus en France'' par F. Schmitz}}. Une fois reconnue, sa philosophie, en particulier le ''Tractatus'' a donné lieu à de nombreuses interprétations<ref name="Malherbe2">{{article|prénom1=Jean-François|nom1=Malherbe|lien auteur=Jean-François Malherbe|titre=Interprétations en conflit à propos du « Traité » de Wittgenstein|périodique=[[Revue philosophique de Louvain]], Tome 76|numéro=30|année=1978|doi=10.3406/phlou.1978.5980|url=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1978_num_76_30_5980|passage=180-204}}</ref>, parfois difficilement conciliables<ref name="RIP2">{{article|nom1=Latraverse François|titre=Signe, proposition, situation : éléments pour une lecture du tractatus logico-philosophicus|périodique=[[Revue internationale de philosophie]]|numéro=219|mois=1|année=2002|url=http://www.cairn.info/revue-internationale-de-philosophie-2002-1-page-125.htm|passage=125-140.}}.</ref>.

=== Philosophie ===
{{article détaillé|Cercle de Vienne|Tournant linguistique|}}
La pensée philosophique du premier Wittgenstein inspira certains mouvements néopositivistes comme le [[Cercle de Vienne]], et l'[[empirisme logique]]. Ces écoles reprennent la définition vérificationniste de la signification du ''Tractatus'' et le rejet de la métaphysique comme non-sens. La méthode analytique opérée par Wittgenstein dans son ''Tractatus'' initie ce que [[Gustav Bergmann]] nomma le [[tournant linguistique]] désignant un changement méthodologique et substantiel, affirmant que le travail conceptuel de la [[philosophie]] ne peut avoir lieu sans une analyse préalable du [[langage]]. Une partie de ces interprétations ont été rassemblées dans l'ouvrage {{Lien|langue=en|trad=The New Wittgenstein|fr=The New Wittgenstein|texte=''The New Wittgenstein''}}.

Les ''[[Investigations philosophiques|Recherches philosophiques]]'' ont été un ouvrage important dans la [[philosophie du langage ordinaire]], courant dans la [[philosophie analytique]] qui écarte les excès de formalisme pour donner plus d'attention aux usages et aux pratiques du langage ordinaire et du [[sens commun]]. Sa seconde pensée est parfois comparée au [[Post-structuralisme|post-structuralisme français]] et au [[Pragmatisme|pragmatisme américain]]<ref>{{Chapitre|langue=en|auteur=Ernesto Laclau| titre chapitre=Deconstruction, Pragmatism, Hegemony|titre ouvrage=Deconstruction and Pragmatism|éditeur=Routledge|année= 1996|isbn=978-0-203-43148-1|lire en ligne=https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780203431481-5/deconstruction-pragmatism-hegemony-ernesto-laclau?context=ubx&refId=d818c3de-b929-43ea-9473-86e0bbd25cb1|consulté le=2022-05-26|passage=57–78}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Ludwig|nom1=Nagl|prénom2=Chantal|nom2=Mouffe|titre=The legacy of Wittgenstein|sous-titre=pragmatism or deconstruction|éditeur=[[Peter Lang (maison d'édition)|Peter Lang]]|année=2001|isbn=978-3-653-01928-5|isbn2=3-653-01928-1|oclc=812911703|présentation en ligne=https://books.google.fr/books/about/The_legacy_of_Wittgenstein.html?id=bzMQAQAAIAAJ
|consulté le=2022-05-26}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Stanley|nom1=Cavell|titre=Philosophical passages|sous-titre=Wittgenstein, Emerson, Austin, Derrida|lieu=Cambridge/Oxford (Mass.)|éditeur=Blackwell|année=1995|pages totales=200|isbn=0-631-19269-7|isbn2=978-0-631-19269-5|isbn3=0-631-19271-9|oclc=30318706|consulté le=2022-05-26}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|langue=en|prénom1=Martin|nom1=Stone|titre chapitre=Wittgenstein On Deconstruction|titre ouvrage=The New Wittgenstein|éditeur=Taylor & Francis|passage=83|lire en ligne=https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9780203449400-9/wittgenstein-deconstruction-martin-stone?context=ubx&refId=b8f85c80-ab76-431c-abf4-d9676d2425c1|consulté le=2022-05-26}}.</ref>.

Bien qu'ayant inspiré ces écoles philosophiques, Wittgenstein ne peut cependant ni être considéré comme positiviste, ni comme philosophe analytique{{Sfn|Bouveresse|2011|p=8}}.

=== Sciences sociales ===
La « seconde philosophie de Wittgenstein », celle des ''[[Investigations philosophiques]]'', a aussi inspiré des chercheurs en sciences sociales. Mais déplacées du « jeu de langage » de la philosophie dans ceux des sciences sociales, les ressources wittgensteiniennes ont été prises dans d’autres usages, revêtant ainsi des significations diverses, parfois contradictoires comme le ''Tractatus''<ref name="Malherbe2" />.

La « seconde philosophie de Wittgenstein » a ainsi alimenté l'[[ethnométhodologie]], courant de la sociologie américaine incarné notamment par [[Harold Garfinkel]] et [[Aaron Cicourel]], puis dans son sillage des sociologies de l'action et de la cognition<ref>Pour une vue d'ensemble, voir [[Albert Ogien]], ''Les formes sociales de la pensée. La sociologie après Wittgenstein'', Paris, Armand Colin, 2007.</ref>{{,}}<ref name="sc2">{{article|auteur=Salgues Camille|titre= Un nouveau Wittgenstein encore inapprochable |sous-titre= Le rôle et la place du philosophe dans l’anthropologie|périodique= L’Homme|année=2008|numéro=187-188|passage= 201-222|doi=10.4000/lhomme.29259|url= https://journals.openedition.org/lhomme/29259}}.</ref>. Sa philosophie des formes de vie et des usages ordinaires a également constitué un référent dans la constitution de sa sociologie de la pratique par [[Pierre Bourdieu]]<ref>Voir notamment [[Pierre Bourdieu]], ''Le Sens pratique'', Paris, Minuit, 1980.</ref>. Sa critique du [[substantialisme]] dans ''[[Cahier bleu et Cahier brun|Le Cahier bleu]]'' (caractérisée comme la recherche « d'une substance qui réponde à un substantif ») a par ailleurs marqué la [[Constructivisme social|sociologie]] [[Constructivisme (épistémologie)|constructiviste]] des groupes sociaux, qui a notamment été initiée en France par [[Luc Boltanski]]<ref>Voir [[Luc Boltanski]]. ''Les cadres. La formation d'un groupe social'', Paris, Minuit, 1982.</ref>. Plus largement, elle a instruit une vigilance envers les tentations de substantialisation des objets sociaux dans les sciences sociales<ref>Pour un panorama, voir [[Philippe Corcuff]], ''Les Nouvelles Sociologies'', Paris, Nathan, collection « 128 », 1995; Paris, Armand Colin, collection « 128 », 2007, {{2e|édition}} refondée.</ref>.

Le sociologue des sciences [[David Bloor]] s'est référé, de manière appuyée et controversée, sur le commentaire de Wittgenstein sur ce qu'est « suivre une règle » pour légitimer ses positions relativistes<ref>[[David Bloor]], ''Wittgenstein. {{langue|en|texte=A Social Theory of Knowledge}}'', Londres, Macmillian Press, 1983. Pour une critique de sa lecture de Wittgenstein, voir par ex. [[Pierre Bourdieu]], « Wittgenstein, le sociologisme et la science sociale », in Jacques Bouveresse, Sandra Laugier & Jean-Jacques Rosat, eds, ''Wittgenstein, dernières pensées'', Marseille, Agone, 2002.</ref>.

En anthropologie<ref name="sc2" />, dont [[Clifford Geertz]] a fait de Wittgenstein l’un des piliers philosophiques de sa réflexion qui a conduit au « tournant linguistique » dans la discipline aux États-Unis. Jean Bazin, en France, et [[Rodney Needham]], en Grande-Bretagne, ont utilisé le philosophe pour appuyer leurs critiques du savoir anthropologique<ref>Par exemple [[Rodney Needham]] ''{{langue|en|texte=Belief, Language, and Experience}}'', Oxford, University of Chicago Press, 1972. Jean Bazin, « Questions de sens », ''Enquête 6 : La description'' : 13-34, 1998. Bazin s'y oppose à Geertz, un autre exemple de lectures contradictoires de Wittgenstein.</ref>. L'anthropologue indienne Veena Das a, pour sa part, tenté de développer dans les quinze dernières années une anthropologie d'inspiration wittgensteinienne en s'appuyant sur la lecture, plus existentialiste, qu'en propose [[Stanley Cavell]]<ref>Voir en particulier Veena Das, ''Wittgenstein and Anthropology'', ''Annual Review of Anthropology'' 27 : 171-195.</ref>.

Dans son ouvrage ''[[Le Raisonnement sociologique]]'', le sociologue [[Jean-Claude Passeron]] mobilise la terminologie wittgensteinienne pour montrer que {{citation|la mise à l'épreuve empirique d'une proposition théorique ne peut jamais revêtir en sociologie la forme logique de la réfutation (« falsification ») au sens poppérien}}{{Sfn|Passeron|2006|p=542|loc=Proposition 3}}. Il reprend notamment à Wittgenstein ses définitions de « monde » et d'« espace logique ». Passeron propose de parler d'un monde empirique, c' est-à-dire l'{{citation|Ensemble des co-occurrences observables ; tout ce qui est observable, rien qui ne le soit}}{{Sfn|Passeron|2006|p=615|loc=}}, et d'un monde historique, c’est-à-dire l' {{citation|Ensemble des occurrences observables lorsqu'elles ne peuvent être désassorties de leurs coordonnées spatio-temporelles sauf à perdre le sens que l'on vise en assertant sur elles{{sfn|Passeron|2006|p=615}}}}. Il veut distinguer l'espace logique des sciences naturelles ou « espace nomologique » et l'espace non poppérien dans lequel se construisent les raisonnements des sciences sociales{{Sfn|Passeron|2006|p=575|loc=}}.

Pour Bastien Bosa, la métaphore des airs de famille permet {{citation|de penser les concepts comme des outils de comparaison (comme des « étalons », aurait dit Wittgenstein), plutôt que comme des idées préconçues face auxquelles la réalité devrait se situer<ref>{{article|auteur=Bastien Bosa|titre=C’est de famille ! L'apport de Wittgenstein au travail conceptuel dans les sciences sociales|périodique=Sociologie|volume=6|numéro=1|année=2015|url=https://www.cairn.info/revue-sociologie-2015-1-page-61.htm|passage=61-80}}.</ref>.}}

=== Philosophie politique ===
La philosophie de Wittgenstein a eu des échos en [[philosophie politique]], indépendamment des positionnements de Wittgenstein lui-même. Ces interprétations sont elles-mêmes très variées. Le traitement du langage de Wittgenstein a été interprété en des thèses diverses, parfois antagoniques{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=325|loc=in Allan Janik, ''Notes pour une philosophie politique wittgensteinienne''}}. Partant de la seconde philosophie de Wittgenstein, J. C. Nyiri en déduit l'{{Cita|obéissance aveugle aux règles}} et son corollaire : Wittgenstein serait un penseur conservateur dont l'œuvre tend à étayer philosophiquement le [[conservatisme]]{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=325|loc=in Allan Janik, ''Notes pour une philosophie politique wittgensteinienne''}}. Alors que F. Russi-Landi ou David Rubinstein voient en Wittgenstein une analyse de l'[[Aliénation (Marx)|aliénation par le langage]] marxiste et l'élaboration d'une théorie sociale pratique solide{{Sfn|Bouveresse-Quilliot|1995|p=325|loc=in Allan Janik, ''Notes pour une philosophie politique wittgensteinienne''}}. [[Christiane Chauviré]] fait cependant valoir que l'appel réitéré à accepter le donné tel qu'il est offre ainsi une vision du monde plus résignée et fataliste que celle défendue par [[Marxisme|Marx]]<ref>{{Article|auteur1=Christiane Chauviré|titre=Engagement et politique chez Wittgenstein|périodique=Cités|volume=38|numéro=2|date=2009|passage=25-32|doi=https://doi.org/10.3917/cite.038.0025|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-cites-2009-2-page-25.htm|consulté le=23 février 2023}}.</ref>.

Ainsi [[Sandra Laugier]]<ref>Voir [[Sandra Laugier]], « Wittgenstein : anthropologie, scepticisme et politique », ''Multitudes'', {{numéro|9}}, mai-juin 2002, et ''Une autre pensée politique américaine. La démocratie radicale d'Emerson à Cavell'', Paris, Michel Houdiard, 2004.</ref>, en prenant notamment appui sur Wittgenstein et la lecture par [[Stanley Cavell]]<ref>Voir [[Stanley Cavell]], ''Les voix de la raison. Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie'' ({{1re}} éd. américaine : 1979), Paris, Seuil, 1996.</ref> de son traitement de la question du scepticisme, a esquissé une pensée politique de la [[démocratie radicale]] et de l'individualisme communautaire. Par ailleurs, le sociologue [[Philippe Corcuff]] prend appui sur des ressources wittgensteiniennes pour critiquer la pensée politique dite « post-moderne » (en particulier chez [[Jean Baudrillard]])<ref>Voir [[Philippe Corcuff]], ''La société de verre. Pour une éthique de la fragilité'', Paris, Armand Colin, 2002, {{p.|135-146}} et 166-177.</ref>.

=== Critiques de Wittgenstein ===
Wittgenstein fut le premier critique de sa première philosophie lorsqu'il revient à Cambridge en 1922. À ce propos, voir la section ''[[#Recherches philosophiques|Recherches philosophiques]]''.

Concernant la seconde philosophie, [[Bertrand Russell]], qui avait depuis longtemps coupé les ponts avec Wittgenstein, déclara : « Wittgenstein a bradé son talent et s’est abaissé devant le sens commun tout comme Tolstoï s’était abaissé devant les paysans »{{Sfn|Chauviré|1989|p=16}}. Le philosophe contemporain [[Alain Badiou]] récuse aussi sa seconde philosophie, dans la mesure où {{Citation|les mathématiques sont méprisées et réduites […] à un jeu d'enfant}}{{Sfn|Badiou|2017|p=12}}.

La lettre W (comme Wittgenstein) de l'[[L'Abécédaire de Gilles Deleuze|Abécédaire de Gilles Deleuze]] est consacrée aux « assassins de la philosophie » qu'ont été pour lui les wittgensteiniens{{note|texte=« pour moi c'est une catastrophe philosophique ; c'est le type même d'une école… c'est une régression de toute la philosophie, une régression massive de la philosophie, c'est… c'est très triste l'affaire Wittgenstein. Ils ont foutu un système de terreur où tout… où sous prétexte de faire quelque chose de nouveau… c'est la pauvreté instaurée en grandeur… il n'y a pas de mot pour décrire ce danger-là… c'est un danger qui revient, c'est pas la première fois que c'est survenu mais c'est grave, surtout qu'ils sont méchants les wittgensteiniens et puis ils cassent tout. Si ils l'emportent alors là il y aura un assassinat de la philosophie, si ils l'emportent. C'est des assassins de la philosophie. Ça… Il faut une grande vigilance [rire]. » {{Lien web |langue=fr |titre= W comme Wittgenstein |url=https://www.youtube.com/watch?v=cEYRzyTsvas |date= |site= YouTube|consulté le=13 mars 2023}}}}. Cet extrait a suscité divers commentaires, critiquant [[Gilles Deleuze|Deleuze]]<ref>{{Article|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=''Wittgenstein et les Sortilèges du Langage''|périodique=les Inrockuptibles|numéro=323|date=29 janvier 2002|pages=47 et 56-57}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|titre=Bouveresse, Wittgenstein, Deleuze et la philosophie|périodique=Magazine Littéraire|numéro=352|date=mars 1997|lire en ligne=https://phiphilo.blogspot.com/2011/11/bouveresse-wittgenstein-deleuze-et-la.html Bouveresse, Wittgenstein, Deleuze et la philosophie}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Le philosophe et le réel : entretiens avec Jean-Jacques Rosat|passage=10, 13, 19|éditeur=Hachette littératures|date=1998|isbn=2-01-235368-1|isbn2=978-2-01-235368-8|oclc=468035134|consulté le=2023-03-13}}.</ref> ou marquant la situation paradoxale d'un Wittgenstein se revendiquant effectivement « le terminus ad quem de la grande philosophie occidentale » mais source de nombreux concepts et engendrant une école de ''wittgensteiniens''<ref>{{chapitre|auteur1=Rola Younes|titre chapitre=Conclusion / Wittgenstein, assassin de la philosophie ?|titre ouvrage=Introduction à Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=La Découverte|collection=Repères|année=2016|passage=109-112|lire en ligne= https://www.cairn.info/introduction-a-wittgenstein--9782707189509-page-109.htm}}{{citation bloc|Si mon nom doit survivre, ce ne sera que comme le terminus ad quem de la grande philosophie occidentale. Comme le nom de celui qui a incendié la bibliothèque d'Alexandrie » [CCS, p. 64]. […] C'est donc en contradiction avec sa propre vision de la philosophie que Wittgenstein a laissé à la postérité les outils conceptuels wittgensteiniens comme l'« air de famille », la « forme de vie », le « jeu de langage » ou la « vue synoptique ». Tout cela fait de notre philosophe un exemple, certes, des vertus de l'ignorance en philosophie […] mais aussi de l'incohérence. Son cas n'en devient que plus intéressant si l'on considère le contraste entre sa position anti-intellectualiste et sa postérité intellectuelle, avec le nombre croissant d'auteurs qui se réclament de lui en philosophie et en sciences sociales et les milliers de pages de réflexion que son œuvre a suscitées. […] ce serait mal remercier Wittgenstein que d'en devenir le disciple.}}.</ref> ou bien encore faisant des rapprochements entre des pensées pourtant vues en opposition<ref>{{article|auteur1=Thibaut Vaillancourt|titre=Deleuze et Wittgenstein : « comme » deux jumeaux assis dos à dos ? »|périodique=Études de lettres|année=2014/4|DOI=10.4000/edl.1109|lire en ligne=http://journals.openedition.org/edl/1109|consulté le=25 février 2023}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|auteur1=Pierre Cassou-Noguès|titre=Le modèle de la carte : Wittgenstein, Deleuze et les neurosciences »|périodique=Revue de métaphysique et de morale|numéro=104|année=2019/4|DOI=10.3917/rmm.194.0351.|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2019-4-page-351.htm|pages=351-361}}.</ref>{{,}}<ref>Bouveresse lui-même :{{citation bloc|[Wittgenstein] fournit justement une des illustrations les plus typiques et les plus conséquentes que l'on puisse trouver dans la philosophie du vingtième siècle de ce que [Deleuze] appelle une philosophie de l'immanence, une philosophie construite tout entière sur un refus radical des transcendances de toute nature, celles de sujet, du sens, des règles, de la nécessité logique, des objets mathématiques, etc.|Bouveresse, Magazine Littéraire, mars 1997, n° 352 cité dans cette source intéressante mais pas publiée dans un cadre académique : cf. [https://phiphilo.blogspot.com/2011/11/bouveresse-wittgenstein-deleuze-et-la.html Bouveresse, Wittgenstein, Deleuze et la philosophie], autre url [https://www.philosophie-portail.com/t3940-bouveresse-wittgenstein-deleuze-et-la-philosophie Bouveresse, Wittgenstein, Deleuze et la philosophie]}}.</ref>.

Cependant, [[Jacques Bouveresse]] mentionne qu'une critique systématique des idées de l'auteur serait délicate en ce que {{Cita|nous sommes peu assurés au fond d'avoir compris exactement ce que [Wittgenstein] voulait dire et faire}}{{Sfn|Bouveresse|1976|p=72}}, et que Wittgenstein lui-même adopta une grande variété de points de vue.
==== La pensée « antiphilosophique » de Wittgenstein ====
{{Article détaillé|Antiphilosophisme}}
[[Alain Badiou]] développe le concept d'[[Antiphilosophisme|antiphilosophie]]{{Note|texte=Le terme, utilisé par Badiou, revient à [[Jacques Lacan]]{{sfn|Badiou|2017|p=17}}.}}, dont les trois mouvements sont d'abord une critique langagière et logique des énoncés philosophiques ; une pensée qui n'est pas que discursive mais qui relève de l'acte ; et enfin l'appel à un autre acte supra-philosophique, qui mène au propre dépassement de la philosophie{{Sfn|Badiou|2017|p=18}}. Selon lui Wittgenstein, autant que [[Friedrich Nietzsche]], en sont des figures{{sfn|Badiou|2017|p=7}}. Ceux-ci considèrent la philosophie comme une maladie, qui s'incarne en un « bavardage » pour le premier, en un « [[nihilisme]] » pour le second. Chez les deux philosophes s'opère une [[Lexique de Friedrich Nietzsche#Critique du langage|inversion de l'usage du langage philosophique]]. L'attitude du philosophe qui abuse du langage entre en contradiction d'une part avec l'énoncé {{Small|(4.112)}} du ''Tractatus'' : {{Citation|La philosophie n'est pas une théorie, mais une activité}} ; et d'autre part avec la [[Œuvre de Friedrich Nietzsche#Critique de la philosophie universitaire|fonction du prêtre et de l'universitaire]] chez Nietzsche. Le dépassement de la philosophie est pour le premier un « acte esthétique ». La philosophie de Wittgenstein tente de tracer les limites du dicible{{Sfn|Wittgenstein|2001|loc=''Avant-propos''}}. Au-delà, l'esthétique prend le pas sur la pensée et soulève une {{Citation|conviction poétique}} suffisante à elle-même{{Sfn|Badiou|2017|p=137}}. Ce dépassement prend la forme d'une [[Renversement des valeurs|transvaluation des valeurs]] chez Nietzsche{{Sfn|Badiou|2017|p=20-26}}. Le parallèle entre les deux philosophes ne peut cependant pas s'étendre au-delà : Wittgenstein s'est retrouvé « gravement affecté » par la [[critique du christianisme]] du philosophe allemand{{Sfn|Badiou|2017|p=27}}.

Wittgenstein fuit le milieu académique, est très critique de la position intellectuelle de l'universitaire et insiste même dans ses cours à Cambridge pour écarter ses élèves d'une carrière philosophique au profit d'un métier « décent »{{Sfn|Bouveresse|1973|p=73}}. La perception radicalement opposée, voire {{Citation|au sens strict, révolutionnaire}}{{Sfn|Wittgenstein|2022|loc=« Introduction générale »|p=23}}, de la pratique philosophique wittgensteinienne par rapport à la philosophie traditionnelle consiste en la destruction ''en nous'' des hiérarchies philosophiques{{Sfn|Wittgenstein|2022|loc=« Introduction générale »|p=23}}. Le travail philosophique n'est donc pas abstrait, mais extrêmement concret :{{Citation bloc|Nos problèmes ne sont pas abstraits, mais au contraire peut-être les plus concrets qui soient{{note|groupe=n|{{harv|Wittgenstein|2001|p=92}} ''Tractatus logico-philosophicus'' {{Small|(5.5563)}}. Wittgenstein reprend cette proposition dans ses ''[[Recherches philosophiques]]''{{sfn|Wittgenstein|2022|p=192-193}} {{harv|Wittgenstein|2004|loc=§97|p=80}}.}}.}}En ce sens, la pratique philosophique est indissociable de celui qui la pratique et le philosophe doit ''a minima'' être à la hauteur de sa pensée{{Note|texte={{Harvsp|Chauviré|1989}} traite dans cet esprit la philosophie de Wittgenstein corrélativement à son œuvre et précise que pour Wittgenstein comme pour son travail sur lui, {{citation|la vie ''fait partie'' de l'œuvre.}}{{sfn|Chauviré|1989|p=19}}}}. Wittgenstein, qui s'attache avec rigueur à une posture morale stricte, attribue par exemple ces qualités à [[Léon Tolstoï|Tolstoï]] et [[William James]]{{Sfn|Bouveresse|1973|p=74}}.

Wittgenstein opère dans cette « première philosophie » une inversion des valeurs de [[Sens (philosophie)|sens]] et de [[vérité]]. Le sens serait d'ordinaire attribué aux conditions d'énonciation et d'expérience et la vérité, à une qualité qui serait intrinsèque au sujet d'étude. Pour Wittgenstein, le sens {{Incise|comme image d'une possibilité dans l'espace des états de choses}} se voit devenir éternel ; la vérité est développée selon une ligne empirique et contingente. Les conditions de vérité d'une proposition sont toujours le résultat d'une [[Réfutation|vérification]] de l'image à la réalité{{Sfn|Badiou|2017|p=52}}. En cela, le philosophe [[Alain Badiou]] voit dans cet « acte antiphilosophique » de destitution de la vérité la même finalité que celle entreprise par [[Friedrich Nietzsche|Friedrich Niezsche]], quoique par des moyens distincts, au {{XIXe siècle}}{{Sfn|Badiou|2017|p=52}}.

Cette interprétation est remise en cause par [[Antonia Soulez]] dans son ouvrage ''Détrôner l'Être, Wittgenstein antiphilosophe ? (en réponse à Badiou)''{{Sfn|Soulez|2016}}.

== Représentations culturelles de Wittgenstein ==

=== Cinéma ===
''[[Wittgenstein (film)|Wittgenstein]]'', film britannique de [[Derek Jarman]] sorti en [[1993 au cinéma|1993]], est une comédie dramatique qui retrace la pensée et la vie de Ludwig Wittgenstein au travers de différentes saynètes<ref>{{Lien web |langue=en-US |prénom=Derek |nom=Elley |titre=Wittgenstein |url=https://variety.com/1993/film/reviews/wittgenstein-1200431414/ |site=Variety |date=1993-02-24 |consulté le=2023-01-28}}.</ref>.

Sorti en 2008, le [[Thriller (genre)|thriller]] franco-britannico-espagnol ''[[Crimes à Oxford]]'' d'[[Álex de la Iglesia]], comporte comme personnage principal un professeur spécialiste de l’œuvre de Ludwig Wittgenstein. Wittgenstein y est lui-même brièvement incarné par l'acteur Tom Frederic dans une scène au début du film<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Review: The Oxford Murders by Guillermo Martínez |url=http://www.theguardian.com/books/2005/feb/05/featuresreviews.guardianreview13 |site=the Guardian |date=2005-02-05 |consulté le=2023-01-28}}.</ref>.

Le film de [[science-fiction]] britannique sorti en 2015 ''[[Ex machina (film)|Ex machina]]'' d'[[Alex Garland]] fait référence au ''[[Cahier bleu et Cahier brun|Cahier bleu]]'' de Wittgenstein. Certains de ses passages sont cités<ref>{{Lien web |langue=en-US| prénom=Anil|nom=Seth|titre=Ex Machina: Quest to create an AI takes no prisoners |url=https://www.newscientist.com/article/mg22530054-600-ex-machina-quest-to-create-an-ai-takes-no-prisoners/ |site=New Scientist |consulté le=2023-01-28}}.</ref>.

Un opéra, composé et créé à Genève en 2003 par [[Julien Pinol]], lui a été consacré<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Presse |url=https://www.julienpinol.site/presse |site=julienpinol |consulté le=2023-01-27}}</ref>.

=== Littérature ===
Outre l'influence intellectuelle de Ludwig Wittgenstein, sa figure et le mystère de sa personne ont aussi inspiré certains écrivains. [[Jerome Charyn]] et Bruce Duffy{{sfn|Duffy|2010}} ont par exemple écrit par l'influence du ''Mémoire'' de [[Norman Malcolm]]. Charyn, l'auteur de ''The Tar Baby'', décrit un Wittgenstein en Californie où ce dernier est instituteur pour enfants aphasiques{{sfn|Charyn|1995}}. Le Wittgenstein de Charyn ne meurt pas en 1951, il vit au sommet d'une falaise à [[Îles Galápagos|Galapagos]] en 1970{{Sfn|Chauviré|2019|p=280}}.

Wittgenstein apparait en tant qu'ingénieur dans ''Tateline !'' de Guy Davenport. Dans ''V''{{sfn|Pynchon|2001}}, écrit par [[Thomas Pynchon]] en 1961, se déroule le décryptage en Afrique du Sud d'un étrange message dont la sélection d'une lettre sur trois fait apparaitre « Diewiletistalleswasderfallist » — c'est-à-dire le premier aphorisme du ''[[Tractatus logico-philosophicus|Tractatus]]''. L'ingénieur ayant découvert ce code s'écrit alors « J'ai entendu cela quelque part », ce qui est remarquable sachant que la scène se déroule la même année que la publication du ''Tractatus'', note [[Christiane Chauviré]]{{Sfn|Chauviré|2019|p=239}}.

[[Thomas Bernhard]] a consacré à  Wittgenstein sa pièce ''Déjeuner chez Wittgenstein''<ref>{{Ouvrage|prénom1=Michel|nom1=Nebenzahl|nom2=Normandie Impr.)|titre=Déjeuner chez Wittgenstein|éditeur=[[L'Arche (éditeur)|L'Arche]]|année=1990|isbn=2-85181-247-5|isbn2=978-2-85181-247-6|oclc=417567271|consulté le=2023-01-27}}</ref>{{,}}{{Sfn|Chauviré|2019|p=239}}, parue sous le titre original ''Ritter, Dene, Voss''<ref>Le traducteur ou l'éditeur français ont introduit le nom « Wittgenstein » dans le titre en considérant qu'une transposition littérale aurait été 'trop obscure' pour le public français (voir ''Déjeuner chez Wittgenstein'', Thomas Bernhard, page 2, L'Arche 2004). Ce souci d'éclaircissement n'a pas été ressenti par exemple dans la traduction en anglais, fidèle au titre original (voir ''Three Plays'', Université de Chicago, 1990 [https://books.google.com/books?id=D-M99LNLc4UC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=voss%20is%20ludwig&f=false]).</ref>, du nom de trois acteurs fétiches de Thomas Bernhard ayant contribué à la création de ses pièces. Cette pièce, également inspirée des liens de Thomas Bernhard avec [[Paul Wittgenstein (philosophe)|Paul Wittgenstein]] (cousin du philosophe Ludwig Wittgenstein)<ref>Un des personnages se prénomme ''Ludwig'', bien que par une [[synecdoque]], l'auteur le désigne par ''Voss'', aussi bien dans les [[Didascalie (théâtre)|didascalies]] que dans les en-têtes de répliques, tout comme il le fait pour les personnages des sœurs, désignées elles-aussi par le nom des actrices, Ritter et Dene : ''Voss est Luwig, Dene sa sœur ainée, Ritter sa sœur cadette''.</ref> met en scène le retour de l'hôpital psychiatrique de Ludwig chez ses deux sœurs, au cours d'un déjeuner dégénérant en bataille de [[profiterole]]s. Le personnage principal y vilipende le théâtre et les mécènes<ref>[http://www.lecture-ecriture.com/5626-D%C3%A9jeuner-chez-Wittgenstein-Thomas-Bernhard Voir sur ''lecture-ecriture.com''.]</ref>. Sur son amitié avec Paul, Bernhard écrit le roman  le roman ''Le neveu de Wittgenstein''<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jean-Claude,|nom1=Hémery|titre=Le Neveu de Wittgenstein une amitié|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|date=cop. 1985|isbn=2-07-038447-0|isbn2=978-2-07-038447-1|oclc=491222964|consulté le=2023-01-27}}</ref>.

Selon [[Marjorie Perloff]], Wittgenstein aurait influencé plusieurs artistes, notamment [[Gertrude Stein]]<ref> {{ouvrage|auteur=Marjorie Perloff|titre= L'échelle de Wittgenstein : le langage poétique et l'étrangeté de l’ordinaire|éditeur= Questions théoriques|année=2023|isbn=978-2-917131-55-8|présentation en ligne= https://www.fabula.org/actualites/112650/marjorie-perloff-l-echelle-de-wittgenstein-le-langage-poetique-et-l-etrangete-de-l-ordinaire.html}}.</ref>.

En France, le poète ayant le plus abondamment travaillé en s'inspirant de Wittgenstein est [[Emmanuel Hocquard]]<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Philippe|nom1=Charron|titre=L’intention ludique et pratique. Humour et déliaison chez Emmanuel Hocquard|périodique=Études françaises|volume=52|numéro=3|date=2016|issn=0014-2085|issn2=1492-1405|doi=10.7202/1038061ar|lire en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/2016-v52-n3-etudfr02808/1038061ar/|consulté le=2023-02-27|pages=127–147}}.</ref>.

=== Hommage ===
Un « monument Wittgenstein » est érigé en {{date-|2018}} dans le village de [[Skjolden]] en Norvège près de la cabane du philosophe. Il s'agit d’une sculpture en bois conçue par Sebastian Kjølaas, Marianne Bredesen et Siri Hjorth, elle représente d'un côté une main, celle qu’utilise un écrivain et de l'autre côté une bouche qui si elle ne parle pas, du moins, par l’effet du vent, siffle. Wittgenstein était reconnu comme un excellent siffleur, capable de siffler avec précision et expressivité des compositions musicales classiques<ref>{{lien web|langue=nn-NO |prénom=Kaia Johnsen |nom=Viki |titre=Wittgenstein-monument på plass i Skjolden |url=https://www.nrk.no/sognogfjordane/wittgenstein-monument-pa-plass-i-skjolden-1.14170522 |website=NRK |date=17 August 2018 |consulté le=28 mars 2019}}.</ref>{{,}}<ref>{{lien web|langue=en|auteur=P.M.S. Hacker|titre=Wittgenstein, Ludwig Josef Johann|date= 2004|site=oxforddnb.com |doi= 10.1093/ref:odnb/36986}}.</ref>.

== Œuvres ==
{{voir aussi|Liste des œuvres de Ludwig Wittgenstein}}
{{Catégorie principale|Œuvre de Ludwig Wittgenstein}}

Le {{date-|31| octobre| 2017}}, environ 20.000 pages de travaux de Wittgenstein sont inscrites sur la liste des documents du patrimoine documentaire mondial de l'[[Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture|UNESCO]]<ref>{{lien web| langue=de| titre=Unesco Weltdocumentenerbe- Zwei Neuaufnahmen| date= 31 octobre 2017| site= www.unesco.at| url=https://www.unesco.at/presse/artikel/article/unesco-weltdokumentenerbe-zwei-neuaufnahmen/}}.</ref>.

Posthume à trois ouvrages près, l'œuvre de Ludwig Wittgenstein est néanmoins philosophiquement l'une des plus importantes du {{s-|XX}}. Après le ''Tractatus'', les quelques remarques sur la forme logique, et un ''{{langue|de|Wörterbuch für Volkschulen}}'', Wittgenstein avait préparé la publication de certains de ses manuscrits en chargeant ses trois exécuteurs testamentaires de les éditer. Les œuvres du philosophe s'étendent pourtant au-delà des quelques ouvrages pour lesquels il avait pris soin de donner des consignes. Rush Rhees, Georg Henrik von Wright, et [[G. E. M. Anscombe]] ne se sont donc pas bornés à suivre la volonté de leur ancien compagnon, et leur travail d'édition (ensuite continué par d'autres) s'est étendu bien au-delà.
{{Citation bloc|Chaque phrase que j’écris vise toujours déjà le tout, donc toujours à nouveau la même chose, et toutes ne sont pour ainsi dire que des aspects d’un objet considéré sous des angles différents.||[[Remarques mêlées]]{{sfn|Wittgenstein|2002|loc=(1930)|p=59 [7]}}.}}

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|lang1=en|art1=Ludwig Wittgenstein|lang2=fr|art2=Recherches philosophiques|lang3=fr|art3=Thomas Bernhard}}

=== Notes ===
{{Références|groupe=n}}

=== Références ===
{{Références nombreuses|taille=24}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}

==== De Wittgenstein ====
*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|traducteur=[[Jean-Pierre Cometti]]|titre=Carnets secrets, 1914-1916|lieu=Tours|éditeur=Farago|année=2001|pages totales=122|isbn=2-84490-061-5|id=Wittgenstein2001b|libellé=Wittgenstein 2001b|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|traducteur=[[Gilles Gaston Granger]]|titre=Carnets 1914-1916|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1997|pages totales=249|isbn=2-07-074772-7|id=Wittgenstein1997|libellé=Wittgenstein 1997|plume=oui}}

*{{Ouvrage|titre=[[Tractatus logico-philosophicus]]|éditeur=|année=|isbn=}}
**{{Ouvrage|traducteur=Gilles Gaston Granger|champ libre=introduction [[Bertrand Russell]]|titre=Tractatus logico-philosophicus|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2001|pages totales=189|isbn=978-2-07-075864-7|id=Wittgenstein2001|libellé=Wittgenstein 2001|plume=oui}}
**{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|traducteur=[[Christiane Chauviré]] et Sabine Plaud|champ libre=introduction générale [[Sandra Laugier]]|titre=Tractatus logico-philosophicus|lieu=Paris/impr. en Espagne|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|année=2022|pages totales=252|isbn=978-2-08-024499-4|id=Wittgenstein2022|libellé=Wittgenstein 2022|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr/en|traducteur=[[Élisabeth Rigal]]|titre=[[Quelques remarques sur la forme logique]]|lieu=Mauvezin|éditeur=TER|année=1985|pages totales=38|isbn=2-905670-15-0|id=Wittgenstein1985|libellé=Wittgenstein 1985|plume=oui}}

*{{Ouvrage|traducteur=Jacques Fauve|titre=[[Remarques philosophiques]]|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1984|pages totales=330|isbn=978-2-07-070226-8|id=Wittgenstein1984|libellé=Wittgenstein 1984|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|traducteur=Marie-Anne Lescourret|titre=Grammaire philosophique|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1980|pages totales=494|isbn=2-07-028782-3|id=Wittgenstein1980|libellé=Wittgenstein 1980|plume=oui}}

*{{Ouvrage|titre=[[Remarques mêlées]]|titre original={{langue|de|Vermischte Bemerkungen}}|éditeur=|année=|isbn=}}
**{{Ouvrage|langue=fr/de|traducteur=[[Gérard Granel]]|titre=Remarques mêlées|lieu=Mauvezin|éditeur=TER|année=1990|année première édition=1984|pages totales=211|isbn=2-905670-25-8|libellé=Wittgenstein 1990|plume=oui}}
**{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|traducteur=Gérard Granel|préface=[[Georg Henrik von Wright]]|champ libre=introduction et notes Jean-Pierre Cometti|titre=Remarques mêlées|lieu=Paris|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|année=2002|pages totales=224|isbn=2-08-070815-5|id=Wittgenstein2002|libellé=Wittgenstein 2002|plume=oui}}

*{{Ouvrage|titre=[[Cahier bleu et Cahier brun|Le cahier bleu et Le cahier brun]]|éditeur=|année=|isbn=}}
**{{Ouvrage|traducteur=Guy Durand|préface=[[Jean Wahl]]|champ libre=préface éditeur [[Rush Rhees]]|titre=Le cahier bleu et Le cahier brun|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1988|isbn=2-07-071450-0|id=Wittgenstein1988|libellé=Wittgenstein 1988|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|[[Norman Malcolm]], « Ludwig Wittgenstein », p. 329-424 (trad. de {{harvsp|Malcolm|1958}}).}}
**{{Ouvrage|traducteur=Marc Goldberg et Jérôme Sackur|préface=[[Claude Imbert (philosophe)|Claude Imbert]]|titre=Le cahier bleu et Le cahier brun|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2004|pages totales=313|isbn=978-2-07-074018-5|id=Wittgenstein2004b|libellé=Wittgenstein 2004b|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|traducteur=Marie-Anne Lescourret|titre=[[Remarques sur les fondements des mathématiques]]|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1983|pages totales=351|isbn=2-07-021693-4|id=RFM|libellé=Wittgenstein 1983|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr/de|traducteur=Gérard Granel|titre=Remarques sur la philosophie de la psychologie|volume=I|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=1989|pages totales=244|isbn=2-905670-21-5|id=Wittgenstein1989|libellé=Wittgenstein 1989|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr/de|traducteur=Gérard Granel|titre=Remarques sur la philosophie de la psychologie|volume=II|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=1994|pages totales=142|isbn=2-905670-35-5|id=Wittgenstein1994|libellé=Wittgenstein 1994}}.

*{{Ouvrage|langue=fr/de|langue originale=de|traducteur=Gérard Granel|titre=Études préparatoires à la 2nd partie des "Recherches philosophiques"|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R|année=1985|pages totales=328|isbn=2-905670-16-9|id=Wittgenstein1985b|libellé=Wittgenstein 1985b|plume=oui}}

*{{Ouvrage|langue=fr/de|langue originale=de|traducteur=Gérard Granel|titre=L'intérieur et l'extérieur, 1949-1951|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=2000|pages totales=129|isbn=2-905670-43-6|id=Wittgenstein2000|libellé=Wittgenstein 2000}}.

*{{Ouvrage|traducteur=[[Françoise Dastur]], Maurice Élie, Jean-Luc Gautero, [[Dominique Janicaud]], [[Élisabeth Rigal]]|champ libre=avant-propos et apparat critique d’Élisabeth Rigal|titre=[[Recherches philosophiques]]|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2004|pages totales=367|isbn=978-2-07-075852-4|id=Wittgenstein2004|libellé=Wittgenstein 2004|plume=oui}}

*{{Ouvrage|traducteur=Jacques Fauve|titre=[[De la certitude]]|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1987|pages totales=151|isbn=2-07-071105-6|id=Wittgenstein1987|libellé=Wittgenstein 1987|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|[[Georg Henrik von Wright]], « Notice biographique », p. 7-30 (trad. de {{Harvsp|Malcolm|1958}}; revue dans {{harvsp|Wright|1986}}).}}.

*{{Ouvrage|langue=fr/de|traducteur=Gérard Granel|postface=Élisabeth Rigal|titre=[[Remarques sur les couleurs]]|éditeur=TER|année=1983|isbn=|sudoc=008873380|id=Wittgenstein1983b|libellé=Wittgenstein 1983b|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL| « Le vu, le peint et le parlé » (postface), p. 75-120.}}.
*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|traducteur=Jacques Fauve|champ libre=présentation Christiane Chauviré|titre=[[Leçons et Conversations sur l'esthétique, la psychologie et la croyance religieuse]]|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1992|pages totales=186|isbn=2-07-032688-8|id=Wittgenstein1992|libellé=Wittgenstein 1992|plume=oui}}{{Commentaire biblio SRL|suivies de ''[[Conférence sur l'éthique]]''.}}.
*{{Ouvrage|titre=Philosophical occasions, 1912-1951|éditeur=|année=1993|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/philosophicalocc0000witt|id=PO|plume=oui}}
**{{Ouvrage|langue=de|langue originale=de|titre=Philosophica I|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=1997|pages totales=140|isbn=2-905670-40-1}}.
**{{Ouvrage|langue=en|langue originale=en|titre=Philosophica II|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=1999|pages totales=251|isbn=2-905670-41-X}}.
**{{Ouvrage|langue=en|langue originale=en|titre=Philosophica III|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=2001|pages totales=73|isbn=2-905670-45-2}}.
**{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|titre=Philosophica|sous-titre=IV|lieu=Mauvezin|éditeur=T.E.R.|année=2005|pages totales=216|isbn=2-905670-47-9}}.
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=public and private occasions|lieu=Lanham (Md.)|éditeur=Rowman & Littlefield publ|année=2003|pages totales=419|isbn=0-7425-1270-3|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=LiwgjNiHkm4C|libellé=PPO}}{{Commentaire biblio SRL|{{Article|prénom1=James C.|nom1=Klagge|titre=The Wittgenstein Lectures, Revisited|périodique=Nordic Wittgenstein Review|volume=8|numéro=1-2|date=2019-12-19|issn=2242-248X|issn2=2194-6825|doi=10.15845/nwr.v8i0.3550|lire en ligne=https://www.nordicwittgensteinreview.com/article/download/3550/4197/|pages=11–82}}}}.
*{{Ouvrage|langue=en|titre=Wittgenstein in Cambridge|sous-titre=Letters and Documents 1911–1951|éditeur=[[John Wiley & Sons|Wiley]]|année=2008|isbn=|doi=10.1002/9781444301243|id=McGuinness2008}}.

*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=Ludwig Wittgenstein|auteur2=[[Paul Engelmann]]|traducteur=François Latraverse|titre=Lettres, rencontres, souvenirs|lieu=Paris|éditeur=Éclat|année=2010|pages totales=251|isbn=978-2-84162-183-5|isbn2=978-2-84162-623-6|doi=10.14375/NP.9782841626236|plume=oui}}
*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|traducteur=[[Élisabeth Rigal]]|titre=Correspondance philosophique|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2015|pages totales=902|isbn=978-2-07-012765-8|doi=10.14375/NP.9782070127658|id=Rigal2015|plume=oui}}
*{{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|traducteur=Françoise Stonborough|titre=Lettres à sa famille|sous-titre=correspondances croisées, 1908-1951|lieu=Paris/impr. en Espagne|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|année=2021|pages totales=408|isbn=978-2-08-151354-9|isbn2=978-2-08-151358-7|doi=10.14375/np.9782081513587|plume=oui}}

==== Bibliographie secondaire ====
* {{Ouvrage|auteur1=[[Christophe Al-Saleh]]|titre=Ludwig Wittgenstein|éditeur=Vrin|collection=Sils Maria - 5 concepts|année=2015|mois=mars|pages totales=132|isbn=978-2-930242-69-9}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Paul-Laurent Assoun]]|titre=[[Freud]] et Wittgenstein|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|collection=Quadrige|année=1996|pages totales=357|isbn=978-2-13-047456-2}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Paul Audi]]|titre=Supériorité de l'éthique|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|collection=« Champs »|année première édition=1999|id=Audi2007|libellé=Audi 2007|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Alain Badiou]]|titre=L'antiphilosophie de Wittgenstein|lieu=Caen|éditeur=[[Éditions Nous|Nous]]|collection=Antiphilosophique Collection|année=2017|pages totales=140|isbn=978-2-37084-043-1|libellé=Badiou 2017|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[W. W. Bartley, III]]|titre=Wittgenstein|éditeur=|année=1994|année première édition=1973|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/wittgenstein00bart|id=Bartley1994|libellé=Bartley 1994}}{{Commentaire biblio SRL|trad. première édition : {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|traducteur=Paul-Louis van Berg|titre=Wittgenstein, une vie|lieu=Bruxelles/Paris|éditeur=Complexe|année=1978|pages totales=158|isbn=2-87027-027-5}}}}.
* {{lien web |langue=en |prénom1=Anat |nom1=Biletzki |prénom2=Anat |nom2=Matar |titre=Ludwig Wittgenstein |site=The Stanford Encyclopedia of Philosophy |date=2021 |lire en ligne=https://plato.stanford.edu/archives/win2021/entries/wittgenstein/ |consulté le=2022-12-07 |plume=oui}}
* {{lien web|langue=en|prénom1=Stewart|nom1=Candlish|titre=Private Langage|site=The Stanford Encyclopedia of Philosophy|date=2019|lire en ligne=https://plato.stanford.edu/entries/private-language|consulté le=2023-01-29|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Jacques Bouveresse]]|titre=Wittgenstein, la rime et la raison|sous-titre=science, éthique et esthétique|lieu=Paris|éditeur=[[Les Éditions de Minuit|Editions de Minuit]]|année=1973|pages totales=238|isbn=2-7073-0299-6|libellé=Bouveresse 1973|plume=oui}}
* {{Ouvrage|prénom1=Jacques|nom1=Bouveresse|titre=Le Mythe de l'intériorité|sous-titre=expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein|éditeur=[[Les Éditions de Minuit|Éditions de Minuit]]|année=1976|isbn=2-7073-0110-8|libellé=Bouveresse 1976|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|réed {{Ouvrage|titre=Le Mythe de l'intériorité : expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein|éditeur=[[Les Éditions de Minuit|Éditions de Minuit]]|année=1987|isbn=2-7073-0110-8|id=Bouveresse1987a|libellé=Bouveresse 1987a|plume=oui}}}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=La force de la règle|sous-titre=Wittgenstein et l'invention de la nécessité|lieu=Paris|éditeur=[[Les Éditions de Minuit|Éditions de Minuit]]|année=1987|pages totales=175|isbn=2-7073-1134-0|id=Bouveresse1987b|libellé=Bouveresse 1987b}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Le pays des possibles|sous-titre=Wittgenstein, les mathématiques et le monde réel|lieu=Paris|éditeur=[[Les Éditions de Minuit|Editions de Minuit]]|année=1988|pages totales=219|isbn=2-7073-1181-2|libellé=Bouveresse 1988|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Essais I. Wittgenstein, la modernité, le progrès et le déclin|éditeur=Agone|année=2000|pages totales=254|isbn=978-2-910846-28-2|doi=10.3917/agon.bouv.2000.01|libellé=Bouveresse 2000|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Essais. III, Wittgenstein & les sortilèges du langage|lieu=Marseille|éditeur=Agone|année=2003|pages totales=249|isbn=2-910846-75-X|doi=10.3917/agon.bouv.2003.01|libellé=Bouveresse 2003|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Langage, perception et réalité|tome=2|titre tome=Physique, phénoménologie et grammaire|lieu=Nîmes|éditeur=J. Chambon|année=2004|pages totales=438|isbn=2-87711-277-2|libellé=Bouveresse 2004|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Essais. VI, Les lumières des positivistes|volume=6|éditeur=Agone|date=impr. 2011|isbn=978-2-7489-0066-8|isbn2=2-7489-0066-9|oclc=779728609|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/779728609|consulté le=2023-03-13|plume=oui|libellé= Bouveresse 2011}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Les vagues du langage|sous-titre=le "paradoxe de Wittgenstein" ou comment peut-on suivre une règle ?|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=2022|pages totales=657|isbn=978-2-02-078771-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=UeRvEAAAQBAJ|libellé=Bouveresse 2022}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|directeur1=oui|auteur2=[[Sandra Laugier]]|directeur2=oui|auteur3=Jean-Jacques Rosat|directeur3=oui|titre=Wittgenstein, dernières pensées|sous-titre=actes du colloque organisé au Collège de France du 14 au 16 mai 2001|lieu=Marseille/Montréal (Québec)|éditeur=Agone|année=2002|pages totales=378|isbn=2-910846-85-7|libellé=Bouveresse, Laugier et Rosat 2002}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Jacques Bouveresse|directeur1=oui|auteur2=Jean-Jacques Rosat|directeur2=oui|titre=Philosophies de la perception|sous-titre=phénoménologie, grammaire et sciences cognitives|éditeur=[[Éditions Odile Jacob|Odile Jacob]]|année=2003|pages totales=326|isbn=978-2-7381-1352-8|doi=10.3917/oj.bouve.2003.01|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=wsDjHBkG7jUC&printsec=frontcover|libellé=Bouveresse et Rosat 2003|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr/en|auteur1=[[Renée Bouveresse-Quilliot]]|directeur1=oui|titre=Visages de Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=Beauchesne|année=1995|pages totales=393|isbn=2-7010-1324-0|libellé=Bouveresse-Quilliot 1995|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[Stanley Cavell]]|traducteur=Sandra Laugier et Nicole Balso|titre=Les voix de la raison|sous-titre=Wittgenstein, le scepticisme, la moralité et la tragédie|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|collection=L'ordre philosophique|année=2012|année première édition=1996|pages totales=720|isbn=978-2-02-107239-6|libellé=Cavell 2012}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Ranjit|nom1=Chatterjee|titre=Wittgenstein and Judaism|sous-titre=A Triumph of Concealment|éditeur=|année=2005|pages totales=224|isbn=978-0-8204-7256-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=4PnNtyGEyk0C&pg=PA178}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Christiane Chauviré]]|titre=Le grand miroir|sous-titre=essais sur Peirce et sur Wittgenstein|éditeur=Presses univ. Franche-Comté|collection=Annales littéraires de l'Université de Franche-Comté|série=Agon|numéro dans collection=11|année=2003|mois=janvier|jour=1|pages totales=386|isbn=978-2-84867-044-7|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=PIiyIZnMGwAC|libellé=Chauviré 2003}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christiane Chauviré|directeur1=oui|titre=Lire le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=Vrin|année=2009|pages totales=278|isbn=978-2-7116-2229-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=wvDjgSFESbMC&printsec=frontcover|libellé=Chauviré 2009|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Christiane Chauviré|titre=Wittgenstein en héritage|éditeur=[[Éditions Kimé|Kimé]]|année=2010|isbn=|doi=10.3917/kime.chauv.2010.01|libellé=Chauviré 2010|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Christiane Chauviré|directeur1=oui|titre=Wittgenstein et les questions du sens|éditeur=|collection=L’Art du comprendre|série=2011|numéro dans collection=20|année=2011|mois=août|pages totales=274|isbn=978-2-9519820-8-6|libellé=Chauviré 2011}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christiane Chauviré|titre=Comprendre l'art|sous-titre=l'esthétique de Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Kimé]]|année=2016|pages totales=118|isbn=978-2-84174-764-1|libellé=Chauviré 2016|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Chistiane Chauviré|titre=Ludwig Wittgenstein|lieu=Caen/Paris|éditeur=Nous|année=2019|pages totales=284|isbn=978-2-37084-065-3|libellé=Chauviré 2019|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|réed. de {{Ouvrage|auteur1=Christiane Chauviré|titre=Ludwig Wittgenstein|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=1989|isbn=|doi=10.3917/lsrel.chauv.1989.01|libellé=Chauviré 1989|plume=oui}}}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christiane Chauviré|directeur1=oui|prénom2=Sandra|nom2=Laugier|directeur2=oui|prénom3=Jean-Jacques|nom3=Rosat|directeur3=oui|titre=Wittgenstein : les mots de l'esprit : philosophie de la psychologie|lieu=Paris|éditeur=Vrin|année=2001|pages totales=376|isbn=2-7116-1484-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=SnvOj3MefgcC&printsec=frontcover|libellé=Chauviré, Laugier et Rosat 2001}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Christiane Chauviré|directeur1=oui|auteur2=Sandra Laugier|directeur2=oui|titre=Lire les recherches philosophiques|éditeur=Vrin|année=2006|isbn=2-7116-1882-X|libellé=Chauviré et Laugier 2006}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Christiane Chauviré|directeur1=oui|auteur2=Sabine Plaud|directeur2=oui|titre=Wittgenstein|lieu=Paris/86-Ligugé|éditeur=[[Éditions Ellipses|Ellipses]]|année=2012|pages totales=427|isbn=978-2-7298-7437-7|libellé=Chauviré et Plaud 2012|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Jean-Pierre Cometti]]|directeur1=oui|titre=Ludwig Wittgenstein|éditeur=Sud|année=1986|isbn=2-86446-056-4|libellé=Cometti 1986|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jean-Pierre Cometti|titre=Philosopher avec Wittgenstein|lieu=Tours|éditeur=Farrago|année=2001|numéro d'édition=2|pages totales=187|isbn=2-84490-062-3|libellé=Cometti 2001}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Jean-Pierre Cometti|titre=Ludwig Wittgenstein et la philosophie de la psychologie|sous-titre=essai sur la signification de l'intériorité|éditeur=Presses universitaires de France|année=2004|pages totales=251|isbn=978-2-13-051675-0|doi=10.3917/puf.comet.2004.01|libellé=Cometti 2004}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Cora Diamond]]|traducteur=Emmanuel Halais et Jean-Yves Mondon|titre=L'esprit réaliste|sous-titre=Wittgenstein, la philosophie et l'esprit|éditeur=Presses universitaires de France|année=2004|pages totales=524|isbn=978-2-13-054074-8|doi=10.3917/puf.diamo.2004.01|libellé=Diamond 2004|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[Maurice Drury]]|champ libre=édition et préface de [[Rush Rhees]] ; traduction et présentation de [[Jean-Pierre Cometti]]|titre=Conversations avec Ludwig Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|année=2002|isbn=2-13-051558-4|libellé=Drury 2002|plume=oui}}{{Commentaire biblio SRL|{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Maurice O’Connor|nom1=Drury|champ libre=édition et introduction de John Hayes; avant-propos de [[Ray Monk]]|titre=The Selected Writings of Maurice O’Connor Drury : On Wittgenstein, Philosophy, Religion and Psychiatry|lieu=Londres|éditeur=[[Bloomsbury Publishing]]|année=2017|pages totales=446|isbn=978-1-4742-5638-4|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=iwAvDwAAQBAJ|libellé=Drury 2017}}}}.
* {{chapitre|libellé=Eames 1989|langue=en|auteur=Elizabeth Ramsden Eames|titre=Russell and Wittgenstein|titre ouvrage=Bertrand Russell's Dialogue with His Contemporaries|éditeur=Routledge|date=2013|année première édition=1989|doi=10.4324/9780203523773|url=https://books.google.fr/books?id=SalEAQAAQBAJ&pg=PA136|id=Eames1989|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[David Edmonds]]|auteur2=John Eidinow|titre=[[Wittgenstein's Poker]]|sous-titre=the story of a ten-minute argument between two great philosophers|éditeur=Ecco|année=2001|isbn=0-06-621244-8|lire en ligne=https://archive.org/details/wittgensteinspok00edmo|libellé=Edmonds et Eidinow 2001}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=K. T. Fann|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=the man and his philosophy|éditeur=|année=1967|lire en ligne=https://archive.org/details/ludwigwittgenste0000fann|id=Fann1967|libellé=Fann 1967|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=F.A. Flowers III|auteur2=Ian Ground|titre=Portraits of Wittgenstein|volume=1|éditeur=[[Bloomsbury Academic]]|année=2015|numéro d'édition=2|pages totales=928|isbn=978-1-4725-8978-1|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=7VfiCgAAQBAJ|id=FlowersGround2015|libellé=Flowers III et Ground, 2015}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=F.A. Flowers III|auteur2=Ian Ground|titre=Portraits of Wittgenstein|lieu=New York (N.Y.)|éditeur=[[Bloomsbury Academic]]|année=2018|numéro d'édition=Abridged|pages totales=489|isbn=978-1-350-04663-4|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=KVlkDwAAQBAJ|libellé=Flowers III et Ground, 2018}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sébastien Gandon|titre=Logique et langage|sous-titre=études sur le premier Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=Vrin|année=2002|pages totales=272|isbn=2-7116-1553-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=YImADNt8X54C&printsec=frontcover|libellé=Gandon 2002}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Fernando Gil]]|directeur1=oui|titre=La Réception de Wittgenstein|lieu=Collège international de philosophie|éditeur=TER|année=1990|pages totales=231|isbn=2-905670-27-4|libellé=Gil 1990|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pascale Gillot|directeur1=oui|auteur2=Élise Marrou|directeur2=oui|titre=Wittgenstein en France|lieu=Paris/21-Beaune|éditeur=[[Éditions Kimé|Kimé]]|année=2022|pages totales=369|isbn=978-2-38072-078-5|libellé=Gillot et Marrou 2022|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|prénom1=Hans-Johann|nom1=Glock|titre=Dictionnaire Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2003|pages totales=613|isbn=2-07-075510-X|libellé=Glock 2003|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Hans-Johann Glock|directeur1=oui|auteur2=John Hyman|directeur2=oui|titre=A Companion to Wittgenstein|éditeur=[[John Wiley & Sons]]|année=2017|isbn=|doi=10.1002/9781118884607|libellé=Glock et Hyman 2017|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Gilles Gaston Granger]]|directeur1=oui|titre=Wittgenstein et le Problème d'une philosophie de la science|éditeur=CNRS|année=1970|isbn=|id=Granger1970|libellé=Granger 1970}}{{Commentaire biblio SRL|Actes du colloque à Aix-en-Provence, 21-26 juillet 1969, publiés dans la ''Revue Internationale de Philosophie'', Vol. 23, No. 88/89 (2/3) (1969) {{lire en ligne|url=https://www.jstor.org/stable/i23940746}}.}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Gilles-Gaston|nom1=Granger|titre=Philosophie de la logique et philosophie du langage. 2, Langues et calculs|volume=2|lieu=Paris|éditeur=O. Jacob|année=1993|pages totales=276|isbn=2-7381-0219-0|isbn2=978-2-7381-0219-5|oclc=468641894|consulté le=2022-12-03|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Gilles Gaston Granger|titre=Invitation à la lecture de Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=Archives Karéline|année=2011|année première édition=1990|pages totales=278|isbn=978-2-35748-086-5|id=Granger2011|libellé=Granger 2011|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|réed {{Ouvrage|titre=Invitation à la lecture de Wittgenstein|éditeur=Alinéa|année=1990|isbn=978-2904631900|id=Granger1990|libellé=Granger 1990|plume=oui}}}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pierre Hadot]]|titre=Wittgenstein et les limites du langage|sous-titre=1959-1962|éditeur=Vrin|collection=Bibliothèque d'histoire de la philosophie|année=2004|mois=octobre|pages totales=128|isbn=978-2-7116-1704-3}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Brigitte|nom1=Hamann|titre=Hitler's Vienna|sous-titre=a dictator's apprenticeship|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=2000|pages totales=492|isbn=0-19-514053-2|isbn2=978-0-19-514053-8|isbn3=0-19-512537-1|oclc=827937629|consulté le=2023-02-07}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Gilbert Hottois]]|préface=[[Jacques Bouveresse]]|titre=La philosophie du langage de L. Wittgenstein|éditeur=Éditions de l'Université libre de Bruxelles|année=1976|isbn=}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Roland Jaccard]]|titre=L'Enquête de Wittgenstein|éditeur=[[Presses universitaires de France]]|collection=Perspectives critiques|année=1998|mois=novembre|pages totales=89|isbn=978-2-13-049592-5|libellé=Jaccard 1998}}{{commentaire biblio SRL|{{Ouvrage|titre=L'Enquête de Wittgenstein|éditeur=[[Arléa]]|année=2019|pages totales=110|isbn=|libellé=Jaccard 2019}}}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=James Carl|nom1=Klagge|directeur1=oui|titre=Wittgenstein|sous-titre=biography and philosophy|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=2001|pages totales=272|isbn=0-521-80397-7|doi=10.1017/CBO9780511624797|libellé=Klagge 2001|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[Saul Kripke]]|traducteur=[[Thierry Marchaisse]]|titre=Règles et langage privé|sous-titre=introduction au paradoxe de Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=1996|pages totales=170|isbn=2-02-017279-8|libellé=Kripke 1996}}{{commentaire biblio SRL|{{Ouvrage|prénom1=Saul|nom1=Kripke|titre=Wittgenstein on Rules and Private Language.|éditeur=[[Harvard University Press]]|année=1982|pages totales=164|isbn=0-674-95401-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=N5I3hNIS_yIC&printsec=frontcover}}}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Oskari Kuusela|directeur1=oui|auteur2=Marie McGinn|directeur2=oui|titre=The Oxford Handbook of Wittgenstein|lieu=Oxford/New York|éditeur=[[Oxford University Press]]|date=2011-10-27|pages totales=824|isbn=978-0-19-928750-5|doi=10.1093/oxfordhb/9780199287505.001.0001|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=bisiGaxtIlcC&printsec=frontcover|libellé=Kuusela et McGinn 2011|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Sandra Laugier]]|directeur1=[[Sandra Laugier]]|titre=Wittgenstein, métaphysique et jeux de langage|lieu=Paris|éditeur=[[PUF]]|collection=Débats philosophiques|année=2001|isbn=|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sandra Laugier|titre=Wittgenstein|sous-titre=Les sens de l'usage|lieu=Paris|éditeur=Ed. Vrin|collection=Moments philosophiques|année=2009|pages totales=360|isbn=978-2-7116-2230-6|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=CqnUST5SfvAC}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Norman|nom1=Malcolm|lien auteur1=Norman Malcolm|champ libre=With a Biographical Sketch by [[Georg Henrik von Wright]]|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=A Memoir|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=1984|numéro d'édition=2|année première édition=1958|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/ludwigwittgenste00malcrich/|libellé=Malcolm 1984|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL| « A memoir » est traduit par Guy Durand dans {{Harvsp|Wittgenstein|1988}}. Première édition : {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Norman Malcolm|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=A Memoir|éditeur=B. Blackwell|année=1958|libellé=Malcolm 1958|plume= oui}}}}
* {{Ouvrage|auteur1=Norman Malcolm|traducteur=Michel Le Du|champ libre=suivi d’une réponse de [[Peter Winch]]|titre=Wittgenstein|sous-titre=un point de vue religieux ?|éditeur=|année=2022|pages totales=232|isbn=978-2-84162-627-4|doi=10.14375/NP.9782841626274|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=hnd3EAAAQBAJ&printsec=frontcover|plume=oui}}
* {{ouvrage|auteur1=Mathieu Marion |titre=Introduction au « Tractatus logico philosophicus »|année=2004 |éditeur=Presses universitaires de France |lieu=Paris |isbn1=9782130636472 |isbn2=9782130533344|lire en ligne=https://www.cairn.info/ludwig-wittgenstein--9782130533344.htm}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[Brian McGuinness]]|traducteur=Yvonne Tenenbaum|titre=Wittgenstein. 1, Les années de jeunesse, 1889-1921|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=1991|pages totales=394|isbn=2-02-013417-9|libellé=McGuinness 1991|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|trad. de {{Ouvrage|titre=Wittgenstein|sous-titre=a life : young Ludwig (1889-1921)|éditeur=|année=1988|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/wittgensteinlife0000mcgu|id=McGuinness1988|libellé=McGuinness 1988}}}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[Ray Monk]]|traducteur=Abel Gerschenfeld|titre=Wittgenstein|sous-titre=le devoir de génie|lieu=Paris/impr. en Espagne|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]|année=2021|pages totales=624|isbn=978-2-08-020522-3|lire en ligne=https://www.cairn.info/ludwig-wittgenstein--9782080205223.htm|libellé=Monk 2021|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|première ed. : {{Ouvrage|auteur1=Ray Monk|titre=Wittgenstein|sous-titre=le devoir de génie|éditeur=[[Éditions Odile Jacob|Odile Jacob]]|année=1993|pages totales=628|isbn=978-2-7381-0220-1|libellé=Monk 1993|plume=oui}}; trad. de {{Ouvrage|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=the duty of genius|éditeur=|année=1990|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/ludwigwittgenste0000monk|id=Monk1990|libellé=Monk 1990}}}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Jean-Claude Passeron]]|titre=Le raisonnement sociologique|sous-titre=un espace non poppérien de l'argumentation (édition revue et augmentée)|éditeur=Albin Michel (Paris)|collection=Bibliothèque de l'évolution de l'humanité|année=2006|mois=mars|jour=8|pages totales=666|isbn=978-2-226-15889-5|id=Passeron2006|libellé=Passeron 2006|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Chiara Pastorini]]|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=une introduction|éditeur=|année=2011|isbn=|lire en ligne=https://www.cairn.info/ludwig-wittgenstein-une-introduction--9782266183802.htm}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[David Pears]]|traducteur=Christiane Chauviré|titre=La pensée-Wittgenstein|sous-titre=du "Tractatus" aux "Recherches philosophiques"|titre original=The false prison|lieu=Paris|éditeur=Aubier|année=1993|pages totales=536|isbn=2-7007-3652-4|libellé=Pears 1993}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Marjorie Perloff]]|titre=Wittgenstein's Ladder|sous-titre=Poetic Language and the Strangeness of the Ordinary|éditeur=[[University of Chicago Press]]|année=1996|pages totales=306|isbn=|présentation en ligne=https://www.degruyter.com/document/doi/10.7208/9780226924861/html|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=QRQ4AAAAQBAJ}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Denis Perrin|directeur1=oui|auteur2=Ludovic Soutif|directeur2=oui|titre=Wittgenstein en confrontation|lieu=Paris|éditeur=l'Harmattan|année=2011|pages totales=229|isbn=978-2-296-54398-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=El7WaC1NlFwC|libellé=Perrin et Soutif 2011|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Sabine Plaud|titre=Ludwig Wittgenstein|sous-titre=sortir du labyrinthe|lieu=Paris|éditeur=[[Belin éditeur|Belin]]|année=2017|pages totales=285|isbn=978-2-7011-9438-7|libellé=Plaud 2017|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Céline|nom1=Poisson|directeur1=oui|titre=Penser, dessiner, construire|sous-titre=Wittgenstein & l’architecture|lieu=Paris/Tel-Aviv|éditeur=[[Éditions de l'Éclat]]|année=2007|pages totales=252|isbn=978-2-84162-149-1|doi=10.3917/ecla.poiss.2007.01|libellé=Poisson 2007|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Rush Rhees]]|titre=Recollections of Wittgenstein : Hermine Wittgenstein--Fania Pascal--F.R. Leavis--John King--M. O'C. Drury|éditeur=[[Oxford University Press]]|année=1984|isbn=0-19-287628-7|isbn2=978-0-19-287628-7|libellé=Rhees 1984}}.
* {{Article|prénom1=Ludwig|nom1=Wittgenstein|titre=II: Notes for Lectures on "Private Experience" and "Sense Data"|périodique=The Philosophical Review|volume=77|numéro=3|date=1968|issn=0031-8108|doi=10.2307/2183568|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/2183568|langue=en|consulté le=2023-03-09|pages=275–320|libellé=Rhees 1968}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Élisabeth Rigal]]|directeur1=oui|titre=Wittgenstein et les mathématiques|sous-titre=[journée d'études, Paris, École normale supérieure, 30 avril 1998]|lieu=Mauvezin|éditeur=TER|année=2004|pages totales=146|isbn=2-905670-44-4|libellé=Rigal 2004}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Élisabeth Rigal|directeur1=oui|titre=Wittgenstein|sous-titre=état des lieux|lieu=Paris|éditeur=Vrin|année=2008|pages totales=400|isbn=978-2-7116-1959-7|libellé=Rigal 2008}}.
* [[Claude Romano]], ''Wittgenstein et la tradition phénoménologique'', Le Cercle herméneutique, 2009.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Claude Romano|directeur1=oui|titre=Wittgenstein|lieu=Paris|éditeur=Cerf|année=2013|pages totales=604|isbn=978-2-204-08685-1|libellé=Romano 2013}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Bertrand Russell]]|traducteur=Georges Auclair|titre=[[Histoire de mes idées philosophiques]]|titre original=My Philosophical Development|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1988|année première édition=1959|pages totales=349|isbn=2-07-071474-8|id=Russell1988|libellé=Russell 1988|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=Bertrand Russell|titre=Autobiographie, 1872-1967|lieu=Paris|éditeur=[[Les Belles Lettres]]|année=2012|pages totales=910|isbn=978-2-251-20030-9|libellé=Russell 2012|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=de|auteur1=Joachim Schulte|titre=Lire Wittgenstein|sous-titre=dire et montrer|lieu=Combas|éditeur=L'Eclat|année=1992|pages totales=223|isbn=2-905372-73-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=-RTR-2EPX8MC&printsec=frontcover|libellé=Schulte 1992|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jan Sebestik|directeur1=oui|auteur2=[[Antonia Soulez]]|directeur2=oui|titre=Wittgenstein et la philosophie aujourd’hui|lieu=Paris|éditeur=[[Klincksieck|Méridiens Klincksieck]]|année=1992|pages totales=438|isbn=2-86563-285-7|libellé=Sebestik et Soulez 1992|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Hans Sluga|directeur1=oui|auteur2=David G. Stern|directeur2=oui|titre=The Cambridge Companion to Wittgenstein|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=2018|numéro d'édition=2|isbn=|doi=10.1017/9781316341285|libellé=Sluga et Stern 2018|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|{{Ouvrage|titre=The Cambridge Companion to Wittgenstein|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1996|isbn=|doi=10.1017/ccol0521460255|id=SlugaStern1996|libellé=Sluga et Stern 1996|plume=oui}}}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Antonia Soulez]]|titre=Wittgenstein et le tournant grammatical|éditeur=Presses universitaires de France|année=2004|pages totales=127|isbn=978-2-13-053985-8|doi=10.3917/puf.soule.2004.01|libellé=Soulez 2004|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Antonia Soulez]]|titre=Détrôner l'Être, Wittgenstein antiphilosophe ? (en réponse à Badiou)|éditeur=Lambert-Lucas|année=2016|pages totales=300|isbn=978-2-35935-169-9|libellé=Soulez 2004|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Ernst Tugendhat|titre=Conscience de soi et autodétermination|éditeur=[[Armand Colin]]|année=1995|isbn=|présentation en ligne=https://www.decitre.fr/livres/conscience-de-soi-et-autodetermination-9782200216238.html|consulté le=2022-12-15}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1={{lien|Alexander Waugh}}|traducteur=Marie d'Origny|titre=Les Wittgenstein|sous-titre=une famille en guerre|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Perrin|Perrin]]|année=2011|pages totales=414|isbn=978-2-262-03393-4|doi=10.3917/perri.waug.2011.01|libellé=Waugh 2011|plume=oui}}{{commentaire biblio SRL|trad. de {{Ouvrage|titre=The house of Wittgenstein|sous-titre=a family at war|éditeur=|année=2008|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/houseofwittgenst0000waug|id=Waugh2008|libellé=Waugh 2008}}}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Georg Henrik von Wright]]|traducteur=Élisabeth Rigal|titre=Wittgenstein|éditeur=T.E.R.|année=1986|isbn=2-905670-18-5|id=Wright1986|libellé=Wright 1986}}{{commentaire biblio SRL|{{Ouvrage|langue=en|titre=Wittgenstein|éditeur=University of Minnesota Press|année=1982|isbn=|lire en ligne=https://archive.org/details/wittgenstein0000wrig|id=Wright1982|libellé=Wright 1982|plume=oui}} ; la « Notice biographique », publiée en 1958 dans {{harvsp|Malcolm|1958}}, est traduite de l'anglais par Guy Durand dans ''[[Cahier bleu et Cahier brun|Le cahier bleu et le cahier brun]]'', Gallimard, 1965, puis dans ''[[De la certitude]]'', Galimard, 1987 {{ISBN|2-07-071450-0}}, {{p.|7-30}}}}.

==== Concernant les mathématiques ====
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Jacques Bouveresse|titre=Le pays des possibles|sous-titre=Wittgenstein, les mathématiques et le monde réel|lieu=Paris|éditeur=[[Les Éditions de Minuit|Editions de Minuit]]|année=1988|pages totales=219|isbn=2-7073-1181-2|libellé=Bouveresse 1988|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Cora Diamond|titre=Wittgenstein's Lectures on the Foundations of Mathematics|éditeur=[[Cornell University Press]]|année=1976|isbn=}}.
* {{Article|langue=en|auteur1=Juliet Floyd|titre=Wittgenstein on Philosophy of Logic and Mathematics|périodique=The Oxford Handbook of Philosophy of Logic and Mathematics|date=2005|pages=75–128}}.
* {{Article|langue=en|auteur1=Robert Fogelin|titre=Wittgenstein and Intuitionism|périodique=American Philosophical Quarterly|volume=5|date=1968|pages=267–274}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Pasquale Frascolla|titre=Wittgenstein’s Philosophy of Mathematics|éditeur=[[Routledge (maison d'édition)|Routledge]]|année=1994|isbn=}}.
* {{Article|langue=en|auteur1=Steve Gerrard|titre=Wittgenstein’s Philosophies of Mathematics|périodique=Synthese|volume=87|date=1991|doi=10.1007/BF00485331|pages=125–142}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Charles Kielkopf|titre=Strict Finitism|éditeur=The Hague : Mouton|année=1970|isbn=}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=V. H.|nom1=Klenk|titre=Wittgenstein's Philosophy of Mathematics|éditeur=Springer Netherlands|année=1976|isbn=978-94-010-1391-8|isbn2=94-010-1391-8|oclc=851384285|consulté le=2022-12-24}}.
* {{Article|langue=en|prénom=Brian|nom=McGuinness|lien auteur=Brian McGuinness|titre=Wittgenstein and the Vienna Circle|périodique=Synthese|volume=64|numéro=3|date=1985|issn=0039-7857|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/20116169|consulté le=2022-12-24|pages=351–358|id=McGuinness1985|libellé=McGuinness 1985|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Mathieu Marion|titre=Wittgenstein, Finitism, and the Foundations of Mathematics|lieu=Oxford|éditeur=[[Oxford University Press|Clarendon Press]]|année=1998|isbn=|doi=10.1093/acprof:oso/9780199550470.001.0001}}.
* {{Lien web |langue=en |auteur=Victor Rodych |titre=Wittgenstein's Philosophy of Mathematics |url=https://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein-mathematics |accès url=libre |site=plato.stanford.edu |date=2018 |consulté le=22 décembre 2022 |id=Rodych2018 |libellé=Rodych 2018 |plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=François Schmitz|titre=Wittgenstein, la philosophie et les mathématiques|lieu=Paris|éditeur=[[PUF]]|année=1988|pages totales=281|isbn=2-13-041867-8|lire en ligne=https://www.cairn.info/wittgenstein-la-philosophie-et-les-mathematiques--9782130418672.htm|id=Schmitz1988|libellé=Schmitz 1988|plume=oui}}
* {{Article|langue=en|auteur1=Michael Wrigley|titre=The Continuity of Wittgenstein’s Philosophy of Mathematics|périodique=''in'' Puhl, Klaus, (ed.), 1993, Wittgenstein’s Philosophy of Mathematics|date=1993|pages=73-84}}.

==== Ouvrages de fiction ====

* {{Ouvrage|auteur1=[[Thomas Bernhard]]|titre=Le Neveu de Wittgenstein (Wittgensteins Neffe)|lieu=Paris|éditeur=[[Gallimard]]|collection=Folio n° 2323.|année=1992|isbn=}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Thomas Bernhard|titre=Déjeuner chez Wittgenstein (Ritter, Dene, Voss)|éditeur=|année=1984|isbn=}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Antoine Billot|titre=Le Désarroi de l'élève Wittgenstein|éditeur=arléa|année=2021|isbn=}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Théo Bourgeron|titre=Ludwig dans le living|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=2022|isbn=}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Jerome Charyn]]|titre=The Tar Baby|lieu=Normal (Ill.)|éditeur=Dalkey Archive Press|année=1995|pages totales=243|isbn=1-56478-078-3}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Bruce Duffy|titre=The World As I Found It|éditeur=|année=2010|isbn=978-1-59017-360-2}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=en|auteur1=[[Thomas Pynchon]]|titre=V.|sous-titre=roman|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|année=2001|pages totales=632|isbn=2-02-041877-0}}.

=== Articles connexes ===

*[[Bertrand Russell]]
* [[Gottlob Frege]]
* [[Histoire de la notion de vérité]]
* [[Philosophie analytique]]
* [[Philosophie du langage]]
* [[Théorie du prototype]]
* [[L'Art du Comprendre]]
* [[Maison Wittgenstein]]
* [[Ressemblance familiale]]

=== Liens externes ===
{{Autres projets|commons=Category:Ludwig Wittgenstein|wikiquote=Ludwig Wittgenstein|wikisource=auteur:Ludwig Wittgenstein}}
* {{Lien web|langue=en |url=http://wab.uib.no|titre=The Wittgenstein Archives at the University of Bergen (WAB)|site=wab.uib.no}}
* {{Lien web|langue=fr+en |url=http://www.signosemio.com/wittgenstein/index.asp |titre=Biographie, bibliographie et explication de la théorie des Jeux du langage de Wittgenstein |auteur=Louis Hébert (dir.) |site=Signo |lieu=Rimouski (Québec, Canada)}}
* {{Lien web |url=http://theoremes.revues.org/210 |titre=Wittgenstein et le religieux |site=ThéoRèmes - Enjeux des approches empiriques des religions}}
* {{Lien web |url=http://www.implications-philosophiques.org/actualite/une/%C2%AB-ludwig-wittgenstein-en-dialogues-%C2%BB-presentation-sommaire/ |titre=Wittgenstein en dialogues |site=Implications Philosophiques}}
* {{Lien web |titre=Lectures de Ludwig Wittgenstein |url=https://www.wittgenstein.fr |site=Lectures de Ludwig Wittgenstein : lecture détaillée de l'œuvre du philosophe ; en cours d'écriture (2023). |consulté le=7 février 2023}}
* [https://www.wittgensteinproject.org/w/index.php/Main_Page The Ludwig Wittgenstein Project] projet sous le patronage de Wikimédia, visant à rendre tous les textes de Wittgenstein libres et accessibles.

==== Bases de données et dictionnaires ====
{{Liens}}

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[[Catégorie:Décès en avril 1951]]
[[Catégorie:Décès à Cambridge]]
[[Catégorie:Décès à 62 ans]]
[[Catégorie:Mort d'un cancer de la prostate]]
[[Catégorie:Mort d'un cancer au Royaume-Uni]]
[[Catégorie:Réfugié autrichien]]
[[Catégorie:Réfugié au Royaume-Uni]]
[[Catégorie:Article incluant une approche sociologique]]