Voir la source de Micro-ARN

[[Fichier:MiRNA-fr.svg|vignette|redresse=2|alt=microARN| '''Représentation synthétique de la biosynthèse et du fonctionnement des micro-ARN.''']]

Les '''micro-[[ARN]]''' (abréviation : '''miARN''' ou '''miR''') constituent une catégorie de {{Lien|langue=en |trad=Small RNA |fr=petits ARN}} [[Monocaténaire|simple brin]], [[ARN non codant|non codants]] et propres aux cellules [[Eukaryota|eucaryotes]]<ref name="Bartel DP, 2018">{{Lien PMID|29570994}} {{Accès libre}}</ref>.
Ils ont une longueur moyenne de 22 [[nucléotide]]s (21 à 24 en général), nettement moins que la plupart des [[Liste de types d'ARN|autres ARN]]  (au moins une centaine).

Les miARN sont des [[Régulation post-transcriptionnelle|régulateurs post-transcriptionnels]] capables d’[[Extinction de gène|extinction]] de l’expression d’un [[gène]]<ref>{{Lien PMID|19167326}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|17426780}} {{Accès libre}}</ref> ; leur appariement à un [[Acide ribonucléique messager|ARN messager]] (ARNm) cible peut conduire à l'inhibition de sa [[Traduction génétique|traduction]] ou à sa dégradation, selon le degré de [[Complémentarité (acide_nucléique)|complémentarité]] entre la séquence du miARN et celle de son ARNm cible<ref>{{Lien PMID|21245828}}</ref>.
Parce qu’ils affectent l’expression de nombreux gènes, les miARN interviennent dans la plupart des processus biologiques, allant du [[Biologie du développement|développement]]<ref name="Kloosterman WP, 2006">{{Lien PMID|17011485}} {{Accès libre}}</ref> à la formation de [[cancer|tumeurs]]<ref>{{Lien PMID|25137592}} {{Accès libre}}</ref>.

Le [[génome]] [[Homo sapiens|humain]] contiendrait environ {{unité|2000|gènes}} à l’origine de la [[Transcription (biologie)|transcription]] de miARN<ref>[http://www.mirbase.org/cgi-bin/mirna_summary.pl?org=hsa ''Homo sapiens'' miRNAs in the miRBase] at [[Université de Manchester|Manchester University]]</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|15965474}}</ref> qui cibleraient environ 60 % des gènes <ref>{{Lien PMID|15652477}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|18955434}} {{Accès libre}}</ref>.
Il a été mis en évidence que les miARN peuvent être exprimés différentiellement d’un tissu ou d’un type cellulaire à l’autre. Ils sont abondants dans plusieurs types cellulaires chez l'humain{{Référence souhaitée}}.

L’expression aberrante de certains miARN est associée à de nombreuses pathologies<ref name="Kloosterman WP, 2006"/>. Des thérapies fondées sur une correction de leur abondance sont actuellement à l’étude<ref name="Im HI, 2012"/>.

== Historique ==

Le premier miARN, {{lien|langue=en|Lin-4_microRNA_precursor|texte=''lin-4''}}, a été caractérisé au début des années 1990 chez le [[Nematoda|nématode]] ''[[Caenorhabditis elegans]]''<ref> Cette publication décrit la découverte de ''lin-4'', le premier miRNA découvert chez [[Caenorhabditis elegans|''C.elegans'']].{{Lien PMID|8252621}}</ref>.
Les auteurs de cette étude ont découvert que ce petit ARN s'exprimait à la fin du premier stade du développement [[larve|larvaire]]. Il se fixait alors à l'ARNm de la [[protéine]] LIN-14, inhibait sa [[Biosynthèse des protéines|synthèse]] et, ce faisant, induisait la transition entre les deux premières phases larvaires. ''lin-4'' jouait donc un rôle essentiel dans le contrôle de la séquence des phases du développement.

Il a fallut attendre le début des années 2000 et la découverte de {{lien|langue=en|Let-7_microRNA_precursor|texte=''let-7''}} chez [[Caenorhabditis elegans|''C. elegans'']], ainsi que celle d'autres miARN chez différentes espèces, pour qu'un mécanisme de régulation post-transcriptionnel par les miARN puisse être généralisable<ref>{{Lien PMID|11679670}}</ref>.

Le prix Nobel de médecine a été décerné aux Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun le 7 octobre 2024 pour leurs découvertes sur les micro-ARN<ref>[/www.nobelprize.org/uploads/2024/10/press-medicineprize2024.pdf]</ref>.

== Biosynthèse ==

[[Fichier:MiRNA-biogenesis.jpg|vignette|redresse=1.5|'''Figure 1. Biosynthèse des miARN chez l'animal.''' Les miARN sont obtenus dans le noyau par [[Transcription (biologie)|transcription]] ou par épissage à partir d'un [[intron]].]]

=== Origine et évolution ===
Les miARN sont bien conservés chez les organismes [[Eukaryota|eucaryotes]] et seraient une composante ancestrale et indispensable de la régulation de l’expression des gènes{{référence souhaitée}}.
La voie des miARN, chez les animaux et chez les plantes, pourrait avoir une origine différente et être apparue de manière indépendante<ref>{{Lien PMID|21554756}}</ref>.
La voie des miARN dériverait d'un système plus ancestral, l'[[interférence par ARN]]<ref>{{Lien PMID|18715673}}</ref>.
Les enzymes Dicer sont notamment responsables de la production de [[Interférence par ARN|petits ARN interférents (pARNi)]] à partir de longs ARN double brin<ref>Cette publication discute des processus où sont impliqués les siRNAs et les microARN, dans le contexte de deux articles publiés dans le journal ''[[Science (revue)|Science]]''. {{Lien PMID|12242426}}</ref>.
Ce processus, décrit chez la plante, agit comme défense antivirale<ref>{{Lien PMID|15753004}}</ref>.

{{Article détaillé|Interférence par ARN}}

=== Traitement nucléaire ===
Les miARN sont transcrits, de manière canonique, par une [[ARN polymérase II|ARN polymérase de type II]] sous la forme de longs précurseurs [[tige-boucle]] appelés miARN primaires ('''pri'''-miARN)<ref name="Bartel DP, 2018"/>'' (figure 1, gauche)''.
Ces pri-miARN sont ensuite clivés par un [[Protéine hétérotrimérique|complexe protéique hétérotrimérique]] nommé {{Lien|langue=en |trad=Microprocessor_complex |fr=Complexe microprocesseur |texte=« microprocesseur »}}, formé, notamment, d'une molécule de la [[ribonucléase III]] {{Lien|fr= Drosha|lang = en|trad = Drosha}} et deux molécules de son partenaire {{Lien|fr= DGCR8|lang = en|trad = DGCR8}} ([[Microdélétion 22q11|''{{lang|en|texte=Di George syndrome Critical Region 8}}'']] - appelé Pasha chez la [[Drosophila melanogaster|drosophile]] et le nématode)<ref>{{Lien PMID|15531879}}</ref>.
Un produit intermédiaire appelé miARN précurseur ('''pré'''-miARN) est ainsi produit.

Un certain nombre de miARN échappent au traitement par Drosha.
Dans certains cas, les pré-miARN sont produits à partir d'[[intron]]s par le [[splicéosome]] lors de l'[[épissage]], et alors appelés « miRtrons »<ref>{{Lien PMID|17599402}}</ref>'' (figure 1, droite)''.
Dans d'autres cas, les pré-miARN sont produits à partir d'[[Acide ribonucléique de transfert|ARNt]]<ref>{{lien PMID|20181738}}</ref> ou de [[Petit ARN nucléolaire|petits ARN nucléolaires]] (snoRNA pour ''small nucleolar RNAs'')<ref>{{lien PMID|19026782}}</ref>.

Le pré-miARN a une longueur d'environ 60 nucléotides, replié en [[tige-boucle]] imparfaite par [[Paire de bases|complémentarité de bases]] entre la première moitié et la deuxième moitié de sa séquence.

Les pré-miARN sont transportés de manière active, dépendante du [[Guanosine triphosphate|GTP]], depuis le noyau vers le [[cytosol]] par l'{{Lien|langue=en|XPO5|texte=exportine 5}}.

=== Traitement cytoplasmique ===
Le pré-miARN est clivé par un complexe enzymatique comprenant un membre de la famille de la ribonucléase III [[Dicer]] et son partenaire protéique TRBP (appelé Loquatious chez la drosophile).
La protéine Dicer reconnaît les deux nucléotides de l'extrémité [[Sens 5' vers 3'|3']] cohésive en utilisant ses [[Domaine protéique|domaines protéiques]] plateforme et PAZ<ref>{{Lien PMID|29706542}}{{Accès libre}}</ref>.
Dicer agit comme une règle en mesurant 22 nucléotides à partir de l'extrémité 5' ou 3' déterminant ainsi le site de clivage du pré-miARN<ref name="Park JE, 2011">{{Lien PMID|21753850}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref name="MacRae IJ, 2006">{{Lien PMID|16410517}}</ref>.
Les pré-miARN possédant une extrémité 5' relativement instable (mésappariements, paires [[Guanine|G]]-[[Uracile|U]] ou [[Adénosine|A]]-U) s’insèrent dans la poche 5' du domaine plateforme de Dicer.
Le site de clivage est alors déterminé à partir de l'extrémité 5', on parle de règle de comptage 5' (''5' counting rule'')<ref name="Park JE, 2011"/>.
Lorsque l'extrémité 5' est stable (paire G-[[Cytosine|C]]), c'est l’extrémité 3' du pré-miARN qui interagit avec la poche 3' de Dicer localisée dans le domaine PAZ ; dans ce cas, le site de clivage est localisé à 22 nucléotides de l'extrémité 3' (règle de comptage 3')<ref name="MacRae IJ, 2006"/>.
Dicer permet l'[[hydrolyse]] de la structure boucle du pré-miARN et libère un miARN mature, aux extrémités 3' cohésives, appelé « duplex miARN/miARN* (lire miARN ''étoile'') » - ou miARNdb (db pour double brin) - avec un brin guide et un brin passager ''(figure 1)''.

Il existe au moins une exception à la maturation des miARN par Dicer, c'est le cas de {{lien|langue=en|trad=Mir-451 microRNA|fr=miR-451|texte=miR-451}}, un miARN spécifique des [[vertébrés]] et impliqué dans l’[[érythropoïèse]].
Dans ce cas, c'est la protéine AGO2 (de la famille Argonaute) qui clive la structure tige-boucle au milieu du bras 3'<ref>{{lien PMID|20424607}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref>{{lien PMID|20448148}} {{Accès libre}}</ref>.
Une ribonucléase ([[PARN]]) rogne ensuite dans le sens 3' vers 5' pour générer le brin guide de miR-451<ref>{{lien PMID|24209750}} {{Accès libre}}</ref>.

== Mode d'action ==

[[Fichier:Figure-miARN-v2.png|vignette|redresse=2|alt=Interaction miARN:ARNm| '''Figure 2. Représentation schématique d'une interaction canonique entre un miARN et sa cible, dans ce cas un ARNm.''' L'ARNm possède généralement une [[Coiffe (biologie)|coiffe]], un [[cadre de lecture ouvert]] (ORF), une région [[3'-UTR]] et une [[Polyadénylation|queue poly(A)]]. Le miARN interagit avec un domaine de la région 3'UTR de l'ARNm, appelé élément de réponse au miARN, principalement grâce une région « graine ».]]

Un brin du duplex miARN/miARN* interagit avec une protéine de la famille [[Argonaute (protéine)|Argonaute]] (AGO1 à 4) pour former un [[complexe RISC]] ('''''R'''NA-'''i'''nduced '''s'''ilencing '''c'''omplex'') parfois appelé « miRISC » ''(figure 3)''.
Les protéines de la famille Argonaute possèdent un domaine PAZ et un domaine PIWI.
Chez les mammifères, les miARN semblent chargés indifféremment par l'un des quatre membres de la famille Ago.
Ce n'est pas le cas chez la [[Drosophila melanogaster|mouche]] où il n'existe que deux Ago et où les miARN sont préférentiellement orientés vers AGO1.

Le complexe RISC, d'environ 160 kDa, a été décrit comme suffisant à l'activité de ''gene silencing'' des miARN, cependant d'autres protéines tel que la [[géminine]] peuvent s'y associer pour former des complexes allant jusqu'à 550 kDa{{référence souhaitée}}.
Le complexe RISC s'associe à d'autres partenaires comme les protéines de la famille GW182 qui recrute à son tour d'autres effecteurs impliqués, notamment, dans la destruction de la queue poly(A), l'élimination de la coiffe 5' ou  l'interférence avec l'initiation de la traduction de l'ARNm cible.

[[Fichier:Figure-miARN2-v1.png|vignette|redresse=2|alt=|gauche| '''Figure 3. Représentation schématique des deux voies de régulations post-transcriptionnelles de l'expression des gènes par les miARN.''' En fonction du degré de complémentarité entre le miARN et sa cible, le miRISC induit : soit une inhibition de la traduction soit une dégradation de l'ARNm.]]

Au cours de la formation du miRISC, il y a passage d'un miARNdb à un miARNsb (sb=simple brin).
La sélection du brin associé au miRISC s'effectue selon deux règles principales, avec en général une voie majeure pouvant coexister avec une voie mineure<ref>{{Lien PMID|18376413}}</ref>.
Au sein de la protéine Ago, le domaine MID joue un rôle central dans l'interaction avec l'extrémité 5' du brin guide.
La sélection du brin par Ago repose sur l'instabilité de l'extrémité 5' du miARN le rendant plus accessible au domaine MID de la protéine<ref>{{Lien PMID|14567918}} {{Accès libre}}</ref>.
D'autre part, Ago favorise la présence d'un nucléotide A ou U à l'extrémité 5'<ref>{{Lien PMID|19917635}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref name="Bartel DP, 2018"/>.
Une fois le miARN chargé, la protéine AGO présente vers l'extérieur de la molécule les nucléotides 2 à 8 du brin guide.

L'ARNm cible est ensuite chargé au sein du complexe miRISC selon la [[Complémentarité des bases azotées|règle de complémentarité des bases]] avec le miARN.
L’hybridation des miARN à leur cible est cependant déterminée préférentiellement par une région restreinte du miARN s’étendant des nucléotides 2 à 7 et appelée « graine » ''(figure 2)''.
Un miARN peut donc cibler plusieurs sites sur un même ARNm ou cibler plusieurs ARNm ayant une séquence de reconnaissance similaire, appelée élément de réponse aux miARN (MRE, pour '''''m'''iRNA '''R'''esponse '''E'''lements'') ''(figure 2)''.
Chez les [[métazoaires]], le site d’hybridation se trouve majoritairement dans la [[Région non traduite|région 3’ non traduite (3’UTR)]].

Deux voies de [[Extinction de gène|« ''silencing'' »]] sont alors possibles, soit un clivage [[endonucléase|endonucléolytique]] de l'ARNm cible si la complémentarité avec le miARN est importante, soit une répression de la traduction, associée à une dégradation [[exonucléase|exonucléolytique]] des ARNm, dans le cas où la complémentarité entre miARN et ARNm est imparfaite'' (figure 3)''. La dégradation des ARNm semble cependant dominer sur l'inhibition de la traduction.

=== Chez les plantes ===

[[Fichier:Bol-pre-MIR319c-RNAfold.png|vignette|redresse=1.5| '''Figure 4. [[Structure de l'ARN|Structure]] secondaire du précurseur d'un miARN.''' La [https://www.ncbi.nlm.nih.gov/nucleotide/124302265 séquence]  de ''MIR319c'' appartient au [[chou commun]] (''Brassica oleracea'') et a été modélisée par le programme [http://rna.tbi.univie.ac.at/cgi-bin/RNAWebSuite/RNAfold.cgi RNAfold]<ref>{{lien PMID|18424795}}</ref>.]]

Il existe certaines différences entre la biosynthèse et le mode d'action des miARN chez les [[plante]]s et chez les [[métazoaires]].
Chez les plantes, le nombre de miARN serait plus restreint et il n'y aurait pas d'intermédiaires pri-miARN ''(figure 4)''.
La formation du duplex miARN/miARN* par {{lien|langue=en|trad=DCL1|fr=DCL (gène)|texte=DCL1}} (''Dicer-like 1'', un homologue de Dicer) a lieu dans le [[noyau (biologie)|noyau]] ; le duplex mature est ensuite transporté dans le cytoplasme par l'[[Transport nucléo-cytoplasmique|exportine]] HASTY.
De plus, la répression post-transcriptionnelle implique généralement une hybridation parfaite ou quasi parfaite entre le miARN et son ARNm cible, elle va induire une coupure de l'ARNm au milieu du site d'hybridation du miARN<ref>{{Lien PMID|18483398}}</ref>.
Enfin, chez les plantes, si le site d’hybridation avec le miARN peut se trouver dans la région 3’UTR de l'ARNm, il se situe le plus souvent dans la [[séquence codante]]{{référence souhaitée}}.

Dans certains cas, comme chez la mousse ''[[Physcomitrella patens]]'', l'accumulation de duplex miARN:ARN cible pourrait participer à la formation d'un complexe appelé « {{Lien|langue=en|RNA-induced_transcriptional_silencing|texte=RITS}} » ('''''R'''NA-induced '''i'''nitiation of '''t'''ranscriptional gene '''s'''ilencing'') qui, s'associant directement à l'ADN induirait sa [[méthylation]] conduisant à une {{citation|extinction}} de cibles des miARN<ref>{{Lien PMID|20085706}}</ref>.
Il n'est pas exclu qu'un tel processus existe chez l'animal{{référence souhaitée}}.

== Régulations ==
Les miARN sont régulés transcriptionnellement comme les gènes codant des protéines.
Les miRtrons sont pour leur part régulés transcriptionnellement de la même manière que leur gènes hôtes<ref>{{Lien PMID|15701730}}</ref>.

== Fonctions ==
Les miARN sont impliqués dans un grand nombre de fonctions physiologiques essentielles<ref>{{Lien PMID|21742789}}</ref> telles que :
* la croissance<ref>{{Lien PMID|21315819}}</ref> et la [[différenciation cellulaire]]<ref>{{Lien PMID|20621048}}</ref> ;
* l'[[apoptose]]<ref>{{Lien PMID|17028597}}</ref> ;
* le [[métabolisme]]<ref>Pour revue, voir : {{Lien PMID|22436747}}</ref>.

=== Apprentissage et mémoire ===
==== Contexte ====
La [[mémoire à long terme]] dépend de l'[[Transcription (biologie)|expression génique]], [[Traduction génétique|protéique]] et de modifications structurales des [[neurone]]s.
Par ailleurs, elle repose sur des mécanismes de [[plasticité synaptique]] au niveau d'un nombre restreint de [[synapse]]s spécifiquement impliquées dans la modification du [[comportement]] mémorisé<ref>{{Ouvrage |auteur1=Dale Purves |auteur2=George J. Augustine |auteur3=David Fitzpatrick |auteur4=William C. Hall |auteur5=Anthony-Samuel LaMantia |auteur6=James O. McNamara |auteur7=S. Mark Williams |titre=Neurosciences |lieu=Bruxelles |éditeur=[[De Boeck Supérieur|De Boeck Université]] |collection=Neurosciences & Cognition |année=2005 |numéro d'édition=3 |pages totales=811 |passage=575-610 |isbn=978-2-8041-4797-6 |lire en ligne=https://www.hse.ru/data/2011/06/22/1215686482/Neuroscience.pdf |numéro chapitre=24 |titre chapitre=Plasticité des synapses et des circuits adultes}}.</ref>.
L'expression génique induite par la formation de la mémoire à long terme ayant lieu au niveau [[Noyau (biologie)|nucléaire]], se pose la question de savoir si le produit de l'expression des gènes est véhiculé jusqu'aux quelques synapses impliquées dans le comportement à mémoriser ou s'il est réparti de manière homogène dans le neurone, puis traduit localement<ref>{{Lien PMID|11691980}}</ref>.
Il s'agit de questions majeures dans l’étude de la biologie de la mémoire<ref name="Sutton MA, 2006">{{Lien PMID|17018276}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|9428516}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|10535740}} {{Accès libre}}</ref>.
La traduction locale, et dépendante de l'activité neuronale, d'ARNm localisés au niveau des [[axone]]s et des [[dendrite (biologie)|dendrites]] permettrait de renforcer localement l'efficacité synaptique et de constituer ainsi une « trace » de l'apprentissage et de la conserver en mémoire<ref name="Sutton MA, 2006"/>{{,}}<ref>{{Lien PMID|30861464}}</ref>.

Les miARN auraient un rôle central dans ce processus<ref>{{Lien PMID|19888283}}</ref>.
Les ARNm seraient exprimés et répartis de manière homogène dans l'ensemble des neurones mais verrouillés (''locked'') par des miARN et le [[complexe RISC]].
Lors d'une activité particulière au niveau d'une synapse, le complexe RISC libérerait des ARNm qui seraient alors traduits localement<ref name="Ashraf SI, 2006">{{Lien PMID|16413491}} {{Accès libre}}</ref>{{,}}<ref name="Park AJ, 2017"/>.
Les protéines ainsi traduites participeraient à une modulation de l’efficacité synaptique et permettraient la formation d'un trace mémorielle locale<ref>{{Lien PMID|31416904}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|16962314}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|16413478}}</ref>.
Plusieurs processus pourraient conduire à une modulation locale de la synthèse protéique : maturation de certains miARN, libération d'ARNm verrouillés, ou bien encore dégradation de miARN spécifiques.

==== Implication du complexe RISC ====
La première équipe à avoir impliqué le complexe RISC dans la formation de la mémoire à long terme a utilisé un [[conditionnement classique]] chez la [[Drosophila melanogaster|mouche du vinaigre]]<ref name="Ashraf SI, 2006"/>.
Dans ce modèle de mémorisation, les mouches apprennent à associer une odeur (stimulus conditionnel) à un choc électrique léger (stimulus inconditionnel)<ref>{{Lien PMID|3939242}}</ref>.
Lorsque les mouches sont ensuite soumises à cette odeur, elles vont chercher à s'en éloigner, il sera possible d'évaluer leur mémoire en analysant leur [[comportement]].
Un intérêt du système olfactif est que chaque odorant y active des régions spécifiques des lobes antennaires (équivalent des [[bulbe olfactif|bulbes olfactifs]] chez les mammifères).

Les auteurs de l'étude ont mis en évidence qu'un protocole induisant une mémoire à long terme stimulait le transport de l'ARNm de la [[Protéine kinase Ca2+/calmoduline-dépendante|CaMKII]], une protéine importante pour la mémoire, vers les dendrites et induisait la [[Biosynthèse des protéines|synthèse protéique]] locale.
La région [[3'-UTR]] de la CaMKII, ainsi que de composants (chaîne lourde de la [[Kinésine]], {{lien|langue=en|trad=Staufen|fr=Staufen}}) de la machinerie de transport des ARNm<ref>{{Lien PMID|11733796}}</ref>, contiennent des sites cibles de miARN (miR-280, miR-289 et {{lien|langue=en|trad=Mir-305 microRNA precursor family|fr=miR-305}}).
L'apprentissage olfactif induit une dégradation d'un composant associé au complexe RISC - Armitage, orthologue de {{lien|langue=en|trad=MOV10|fr=MOV10|texte=Mov10l1}} chez les vertébrés - par le [[protéasome]], spécifiquement dans les régions activées par l'odorant appris.
Cette dégradation d'Armitage déstabiliserait le complexe RISC libérant les ARNm qu'il verrouille, permettant leur traduction et participant à la formation d'une trace à long terme de l'apprentissage dans les réseaux du lobe antennaire sous la forme d'une modification de l'efficacité synaptique.

À la suite de cette étude, un certain nombre de questions demeurent.
En effet, les auteurs n'interviennent pas (par inactivation ou sur-expression) sur les miARN identifiés qui, s'ils peuvent théoriquement se lier à la région 3'UTR de la CaMKII, ne présume pas qu'ils aient effectivement une action répressive en conditions physiologiques.
Par ailleurs, la protéine Armitage intervient dans la physiologie d'un autre type d'ARN, les [[ARN interagissant avec Piwi]] (''piRNA'') suggérant qu'un autre type d'ARN puisse intervenir dans le processus d'apprentissage et de mémorisation.

==== Implication du complexe transline/trax ====
Plus récemment, un autre mécanisme a été décrit.
Le complexe {{lien|langue=en|trad=Translin|fr=Transline (biologie)|texte=transline}}/{{lien|langue=en|trad=Translin-associated factor X|fr=Trax (biologie)|texte=trax}} pourrait être recruté par les synapses activées et participer à la dégradation de miARN libérant ainsi l'expression protéique localement<ref>{{Lien PMID|30017897}}</ref>.
L'affinité de [[Protéine de liaison à l'ARN|liaison à l'ARN]] de la transline est modulée par phosphorylation, lui permettant de se lier à des ARNm cibles, de plus, elle se lie à l'[[actine]] lui permettant de se déplacer le long du [[cytosquelette]].
Dans l'hippocampe, à la suite d'un apprentissage, la transline serait transloquée vers le compartiment synaptique (en réalité des {{lien|langue=en|trad=synaptosomes|fr=synaptosome|texte=synaptosomes}}).
Le complexe transline/trax, ayant une activité endonucléolytique, grâce à trax, dégraderait plusieurs miARN dont {{lien|langue=en|trad=Let-7 microRNA precursor|fr=let-7|texte=let-7c}}, miR-125b et miR-128.
Ces miARN participant tous à l'inhibition de l'expression du récepteur à l'[[Activine]] ({{lien|langue=en|trad=ACVR1C|fr=ACVR1C}}), leur dégradation libère la traduction de ce récepteur et contribue ainsi au renforcement de l'efficacité synaptique en lien avec la mémorisation à long terme<ref name="Park AJ, 2017">{{Lien PMID|28927503}} {{Accès libre}}</ref>.

==== MiARN spécifiques ====
Plusieurs miARN<ref>Pour revue, voir : {{Lien PMID|24486712}}</ref> ont été plus spécifiquement impliqués dans la mémorisation comme {{lien|langue=en|trad=mir-124 microRNA precursor family|fr=miR-124}}<ref name="Rajasethupathy P, 2009">{{Lien PMID|19778509}} {{Accès libre}}</ref>, miR-128b<ref>{{Lien PMID|21841775}}</ref>, {{lien|langue=en|trad=miR-132|fr=MiR-132|texte=miR-132}}<ref>{{Lien PMID|20159450}}</ref>, {{lien|langue=en|trad=MiR-134|fr=miR-134}}<ref>{{Lien PMID|20622856}}</ref>, {{lien|langue=en|trad=mir-181 microRNA precursor|fr=miR-181|texte=miR-181a}}<ref name="Rodriguez-Ortiz CJ, 2020"/>, ou miR-182<ref>{{Lien PMID|23345246}}</ref>.

===== MiR-124 =====
MiR-124 est le premier miARN à avoir été impliqué dans un processus de [[plasticité synaptique]] en lien avec l'apprentissage et la mémorisation<ref>{{Lien PMID|19778498}} {{Accès libre}}</ref>.
Il s'agit d'un miARN fortement conservé par l'[[Évolution (biologie)|évolution]], le plus abondant dans le [[système nerveux central]] et connu à l'origine pour son rôle dans la [[Différenciation cellulaire|différenciation]] neuronale.
L'équipe du {{Pr}} [[Eric Kandel]] étudiait alors une forme de plasticité synaptique appelée [[Plasticité synaptique#La_sensibilisation|sensibilisation]] chez un mollusque, le [[Aplysia californica|lièvre de mer]].
Lors de ce phénomène, la rétraction [[réflexe]] des [[branchie]]s, lors d'un stimulus sensoriel neutre sur le [[Siphon (anatomie)|siphon]], est amplifiée par un stimulus [[nocicepteur|nociceptif]] préalable sur une autre partie du corps.
Ce stimulus conduit à la libération de [[sérotonine]], un [[neurotransmetteur]], sur les neurones sensoriels, amplifiant ainsi leur réponse.

L'équipe du {{Pr}} Kandel a mis en évidence que l'application répétée de sérotonine induisait une diminution rapide de l'abondance de miR-124 dans les neurones sensoriels.
Cette diminution, dépendante de la [[MAP kinases|MAPK]], libérait l'expression de la protéine [[CREB (protéine)|CREB1]], un [[facteur de transcription]] central pour la formation de la mémoire à long terme.
CREB1 induisait ensuite l'expression de {{lien|langue=en|trad=Immediate early gene|fr=gènes précoces immédiats}} impliqués dans les modifications neuronales support de la mémorisation.
Les auteurs en ont conclu que miR-124 faisait partie des nombreux « verrous » à lever lors de la formation de la mémoire à long terme et qu'il s'agissait d'un mécanisme fortement régulé<ref name="Rajasethupathy P, 2009"/>.

===== MiR-181a, maturation locale et dépendante de l'activité neuronale =====
En [[2017 en science|{{date|2017}}]], l'équipe du {{Dr}} [[Erin Schuman]] - neurobiologiste spécialiste de la synthèse protéique locale et actuellement directrice de l'[[institut Max-Planck pour la recherche sur le cerveau]] - a publié dans la revue [[Science (revue)|''Science'']] une étude démontrant qu'un miARN pouvait contrôler l'expression protéique au niveau d'une seule synapse<ref>{{Lien PMID|28183980}}</ref>.

Les auteurs ont tout d'abord mis en évidence que le précurseur de {{lien|langue=en|trad=mir-181 microRNA precursor|texte=miR-181a}} (pré-miR-181a) était fortement exprimé dans les dendrites des neurones de la région CA1 de l'[[Hippocampe (cerveau)|hippocampe]], une région cérébrale ayant un rôle central dans la formation de la [[Mémoire (psychologie)|mémoire]].
En utilisant une sonde fluorescente permettant de visualiser le clivage du pré-miARN en miARN mature, ils ont montré que l'activité neuronale, sous forme de [[Potentiel d'action|potentiels d'action]], induisait une maturation de miR-181a.
Cette maturation était effectuée par Dicer dont l'activité était stimulée par une augmentation de la concentration intracellulaire en <chem>Ca^2+</chem> via les récepteurs au [[glutamate]] de type [[Récepteur NMDA|NMDA]].
En utilisant une autre technique, dites des neurotransmetteurs « cagés »<ref>{{Lien web |auteur=Alexandre Mourot |titre=Une cape d’invisibilité pour le glutamate |url=https://www.insb.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/une-cape-dinvisibilite-pour-le-glutamate |date=12 mars 2020 |site=insb.cnrs.fr |consulté le=23 mai 2020}}.</ref>, les auteurs ont libéré du glutamate par {{lien|langue=en|trad=photostimulation}} à proximité immédiate d'une seule synapse afin de n'activer que celle-ci.
Ils ont ainsi mis en évidence que miR-181a était maturé uniquement dans cette synapse et qu'il inhibait l'expression de la [[Protéine kinase Ca2+/calmoduline-dépendante|CaMKII]], seulement dans cette synapse.
Ce mécanisme permettrait ainsi de contrôler l'expression des gènes au niveau de chaque synapse de manière individuelle et ainsi participer aux mécanismes de [[plasticité synaptique]] locaux associés à la formation de la mémoire<ref name="Sutton MA, 2006"/>.

=== Controverse ===
On a pu spéculer que les miARN contenus dans des aliments comme le [[riz]], pouvaient être retrouvés dans l'organisme hôte et influencer son [[métabolisme]], si bien qu'ils pourraient être considérés comme une nouvelle classe de [[Nutriment|micronutriments]], au même titre que les [[vitamine]]s, les [[phytohormone]]s et les autres [[Nutriment essentiel|phytonutriments]]<ref>{{Lien web | langue = en | auteur = Anne-Marie C. Hodge | titre = Food We Eat Might Control Our Genes - Scientists find rice microRNA inside human cells | url = http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=vitamins-minerals-and-microrna&WT.mc_id=SA_sharetool_Twitter | éditeur = Scientific American | année = 2011 | consulté le = 14 mars 2020 }}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|21931358}}</ref>.
Ceci pouvait pourtant paraître surprenant car les [[acide nucléique|acides nucléiques]] sont normalement [[hydrolyse|hydrolysés]] en [[nucléotide]]s (mono, di et tri) par les [[Ribonucléase pancréatique|nucléases pancréatiques]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |langue originale=en |auteur1=Elaine N. Marieb |auteur2=Katja Hoehn |titre=Anatomie et Physiologie Humaines |lieu=Montréal |éditeur=Pearson ERPI |année=2014 |numéro d'édition=9 |pages totales=1291 |passage=1052 |isbn=978-2-7613-6932-9 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=5qagBQAAQBAJ&printsec=frontcover}}</ref>.
Les enzymes de la [[bordure en brosse]] ([[Nucléoside|nucléosidase]]s et [[phosphatase]]s) hydrolysent à leur tour les nucléotides en bases azotées et en pentoses avant que ces derniers ne pénètrent dans les [[entérocyte]]s supprimant ainsi la séquence des miARN et par la même leur caractère informatif.
L'hypothèse a été invalidée par la suite, une première étude contestant tout d'abord la reproductibilité des résultats<ref>{{Lien PMID|24213763}}</ref> puis une seconde démontrant que l'utilisation des outils de [[Séquençage de l'ADN|séquençage de nouvelle génération]], extrêmement sensibles, n'avaient fait que détecter une contamination des échantillons de l'hôte par des miARN de plantes<ref>{{Lien PMID|24729469}}</ref>.

Cette controverse pourrait paraître anecdotique si elle ne traduisait pas des enjeux majeurs de la [[recherche scientifique]] à l'heure actuelle.
Il y a tout d'abord un besoin de [[Crise de la reproductibilité|reproductibilité]] des [[Méthode expérimentale|expériences]], ensuite, la nécessité d'établir des [[Groupe de contrôle|groupes contrôles]] adaptés.
Par ailleurs, elle alimente un débat qui agite depuis longtemps la [[Évolution (biologie)|biologie de l'évolution]] et qui pourrait se résumer en un « affrontement » des théories de [[Charles Darwin]] et de [[Jean-Baptiste de Lamarck]]<ref>Article de synthèse sur les différences existants entre les théories de Darwin et de Lamarck ainsi que sur l'influence de l'épigénétique : {{Lien web |auteur=Jean-Claude BREGLIANO |titre=Lamarck et Darwin : deux visions divergentes du monde vivant |url=https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/lamarck-darwin-deux-visions-divergentes-monde-vivant/ |date=04 mars 2020 |site=Encyclopédie de environnement |consulté le= 4 avril 2020}}.</ref>.
En bref, une des problématiques est de déterminer l'influence que peut avoir l'environnement (les « circonstances externes ») sur le patrimoine génétique, s'y inscrire, et dans quelle mesure ces influences pourraient se transmettre d'une génération à l'autre.
Le débat est relancé de manière récurrente par des idéologies comme le [[Trofim Lyssenko|lyssenkisme]], ou à l'occasion de nouvelles découvertes comme le récent développement de l'[[épigénétique]], à laquelle participent les miARN<ref>{{lien PMID|30825741}}</ref>.

=== Autres rôles ===
==== Mitochondrial ====
Le rôle central des [[mitochondrie]]s dans le [[métabolisme cellulaire]] induit qu'elles soient l'objet d'une régulation fine et réactive.
Les gènes importants pour la fonction mitochondriale, et localisés dans le [[Noyau (biologie)|noyau]], sont la cible d'une régulation par les miARN, notamment par {{lien|langue=en|trad=Mir-210 microRNA|texte=miR-210}}<ref>{{Lien PMID|19808020}}</ref>.
D'autres liens entre miARN et mitochondrie ont été suggérés par la découverte de miARN localisés dans la [[mitochondrie]] et nommés « mitomiR »<ref>{{Lien PMID|26030833}}</ref>, ainsi que par la présence de la protéine AGO2<ref>{{Lien PMID|21695135}}</ref>.
De manière surprenante, il a été mis en évidence que {{lien|langue=en|trad=Mir-1 microRNA precursor family|fr=miR-1}}, lors de la [[Différenciation cellulaire|différentiation]] des cellules musculaires, pénétrait dans la mitochondrie où il stimulait la traduction de gènes mitochondriaux, au lieu de la réprimer comme on s'y serait attendu pour un miARN<ref>{{Lien PMID|25083871}}</ref>.
Plusieurs autres études sont venues confirmer la présence de miARN dans la mitochondrie, ainsi que la présence de composants du complexe RISC, et renforcer de cette manière l'idée selon laquelle les mitomiRs influenceraient le métabolisme mitochondrial et auraient un potentiel impact physiopathologique<ref>Pour revue voir : {{Lien PMID|27563705}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien PMID|23792138}}</ref>.
La possibilité d'utiliser une régulation de l'expression des miARN pour moduler directement l'homéostasie et la fonction mitochondriales a donc été proposée et un brevet déposé dans ce sens<ref>{{Ouvrage |prénom1=Alexandra |nom1=Henrion-Caude |prénom2=Simonetta |nom2=Bandiera |prénom3=Stanislas |nom3=Lyonnet |titre=Methods for Adjusting Expression of Mitochondrial Genome by Microrna |éditeur= |date=2012/12/07 |isbn= |lire en ligne=https://patentscope.wipo.int/search/en/detail.jsf?docId=WO2012164058 |consulté le=2017-05-19}}</ref>.

==== Viral ====
Quelques équipes ont étudié l'impact des miARN sur le [[Contagion|fonctionnement viral]].
En effet, certains miARN des cellules hôtes seraient capables de cibler des ARN viraux, conférant un rôle antiviral aux miARN, ou au contraire permettraient au virus de s'accumuler dans la cellule<ref>{{Lien PMID|17028601}}</ref>.
Cette situation a été notamment décrite pour [[micro-ARN 122|miR-122]], spécifiquement exprimé dans le [[foie]], il favoriserait la [[Réplication virale|réplication]] de l'ARN des virus de l'[[hépatite B]] et [[hépatite C|C]]<ref>{{Lien PMID|18291553}}</ref>.

== Pathologies ==
=== Bilharziose ===
Les [[schistosomes]] sont des vers plats [[Parasitisme|parasitaires]] causant une maladie appelée la schistosomiase ou [[bilharziose]]<ref>{{Lien PMID|24698483}} {{Accès libre}}</ref>.
Les infections par schistosomes sont [[Maladie chronique|chroniques]] et peuvent perdurer pendant des décennies suggérant que le parasite altère le [[système immunitaire]] de son hôte afin de ne pas être éliminé.
 
Une étude récente indique que ''[[Schistosoma japonicum]]'', une des cinq [[Agent infectieux|espèces pathogènes]], utiliserait des miARN pour détourner la réponse immunitaire de son hôte et ainsi faciliter sa survie dans son hôte<ref>{{Lien PMID|31163079}} {{Accès libre}}</ref>.
Les auteurs de cette étude ont montré que ''S. japonicum'' relargue des [[Vésicule extracellulaire|vésicules extracellulaires]] contenant des miARN, principalement miR-125b et bantam.
Leurs résultats suggèrent que les miARN sont internalisés par des cellules immunitaires périphériques, les [[macrophage]]s.
Une fois internalisés, ces miARN modifieraient l'expression de nombreux gènes de l’hôte et, ce faisant, augmenteraient la [[Prolifération cellulaire|prolifération]] des macrophages ainsi que la production de [[Facteur_de_nécrose_tumorale|TNF-α]].
Les auteurs suggèrent que ces mécanismes permettent à ''S. japonicum'' d’altérer le système immunitaire de l’hôte et mettent en évidence qu'une réduction de la quantité de [[monocyte]]s ainsi que de TNF-α - par injection de [[Acide clodronique|clodronate]] - réduit la charge en schistosomes et la formation de [[granulome]]s hépatiques.

Bien que l’hypothèse des auteurs soit séduisante, jusqu'à très récemment, une controverse perdurait concernant le rôle fonctionnel de la transmission des miARN par les vésicules extracellulaires<ref>{{Lien PMID|26967288}} {{Accès libre}}</ref>.
En effet, les quantités de miARN véhiculées étant tellement faibles, elles pourraient ne pas avoir d'action physiologique et ce bien qu'elles soient détectées par les techniques de [[Séquençage de l'ADN#Séquençage haut débit (HTS)|séquençage de nouvelle génération]] extrêmement sensibles.

=== Cardiaques ===
Certains micro-ARN sont nombreux ({{lien|langue=en|trad=mir-1 microRNA precursor family|fr=miR-1|texte=miR-1}}, [[micro-ARN 133|miR-133a]], miR-499) ou exprimés de manière spécifique dans les [[muscle]]s et en particulier le [[cœur]] ({{lien|langue=en|trad=MiR-208|fr=miR-208|texte=miR-208a}}).
La survenue d'un [[infarctus du myocarde]] entraînerait leur libération dans la [[Appareil cardiovasculaire|circulation sanguine]] lors de la [[mort cellulaire]] ; leur quantification pourrait donc être utilisée comme un marqueur plasmatique précoce de la survenue de l'infarctus<ref>{{Lien PMID|20159880}}</ref>.

=== Du système nerveux ===
Plusieurs [[maladie neurodégénérative|maladies neurodégénératives]] ([[maladie d'Alzheimer]], [[maladie de Parkinson|de Parkinson]], [[maladie de Huntington|de Huntington]]) sont associées à des modifications de l'abondance de certains miARN spécifiques ({{lien|langue=en|trad=Mir-34 microRNA precursor family|fr=miR-34}}, {{lien|langue=en|trad=Mir-124 microRNA precursor family|fr=miR-124}} et {{lien|langue=en|trad=miR-132|fr=miR-132}})<ref name="Hernandez-Rapp J, 2017">{{Lien PMID|27117821}}</ref>.

==== Maladie d'Alzheimer ====
La maladie d'Alzheimer est la cause la plus commune de [[démence]] chez les personnes âgées.
C'est une maladie neurodégénérative progressive notamment caractérisée, dans sa phase précoce, par des pertes de [[Mémoire (psychologie)|mémoire]], des déficits cognitifs et intellectuels.
Au niveau cellulaire, la maladie se caractérise par une [[Maladie neurodégénérative#Mort cellulaire programmée|perte de neurones]], une accumulation extracellulaire de [[Bêta-amyloïde|peptide β-amyloïde]] et intracellulaire de [[protéine tau]] pouvant interférer avec le fonctionnement normal des neurones, notamment la [[plasticité synaptique]].
 
L'abondance de miR-132 est fortement diminuée dans le cerveau de patients Alzheimer et plus précisément dans des structures impliquées dans la mémorisation comme l'[[Hippocampe (cerveau)|hippocampe]], le [[cortex préfrontal]] et [[Lobe temporal|temporal]] et le [[cervelet]].
MiR-132 régulerait de nombreux gènes ({{lien|langue=en|trad=MeCP2|fr=MeCP2}}, [[Sirtuine 1|SIRT1]]) impliqués dans les [[plasticité synaptique|mécanismes moléculaires de l'apprentissage et de la mémorisation]], sa dérégulation pourrait donc expliquer une partie des déficits associés à la maladie d'Alzheimer.
 
MiR-124 est un autre miARN dont l'abondance est diminuée chez les patients souffrant de cette maladie.
Ce miARN maintiendrait l'identité des neurones et la plasticité synaptique support de la mémoire à long terme<ref name="Rajasethupathy P, 2009"/> (voir plus haut), sa dérégulation aurait des conséquences néfastes sur ces mécanismes.

L'expression de miR-181a est fortement augmentée dans l'[[Hippocampe (cerveau)|hippocampe]] de souris 3xTg-AD, un [[Expérimentation animale|modèle murin]] de la maladie d'Alzheimer<ref name="Rodriguez-Ortiz CJ, 2020">{{Lien PMID|32087004}}</ref>.
Cette augmentation est associée à la diminution de l'expression de protéines associées à la [[plasticité synaptique]] (sous-unité {{lien|langue=en|trad=GRIA1|fr=GRIA1|texte=GluA1}} et {{lien|langue=en|trad=GRIA1|fr=GRIA2|texte=GluA2}} des [[Récepteur AMPA|récepteurs AMPA]], {{lien|langue=en|trad=DLG4|fr=PSD95}} et {{lien|langue=en|trad=Translin|fr=Transline (biologie)|texte=Transline}}).
Cependant, l'inhibition de miR-181a est à même de restaurer l'expression de GluA1 et GluA2 et d'améliorer les performances de mémoire spatiale dans un test de localisation d’objets.

{| class="wikitable alternance center"
 |+ Liste des principaux miARN impliqués dans la maladie d'Alzheimer
 |-
 ! scope="col" | miARN
 ! scope="col" | Régulation
 ! scope="col" | Causes
 ! scope="col" | Cibles
 ! scope="col" | Fonctions
 ! scope="col" | Références
 |-
 | miR-132
 | style="text-align:center;" | ↓
 | style="text-align:center;" | ? (CREB, REST)
 | style="text-align:center;" | MeCP2, SIRT1
 | style="text-align:center;" | Survie neuronale, plasticité synaptique, mémoire et apprentissage
 | style="text-align:center;" | <ref name="Hernandez-Rapp J, 2017"/>
 |-
 | miR-124
 | style="text-align:center;" | ↓
 | style="text-align:center;" | ? (MAPK, REST)
 | style="text-align:center;" | PTBT1, Cdc42, Rac1, Zif268, Glu2A
 | style="text-align:center;" | Maintien identité neuronale, plasticité synaptique
 | style="text-align:center;" | <ref name="Hernandez-Rapp J, 2017"/>
 |-
 | miR-34
 | style="text-align:center;" | ↑
 | style="text-align:center;" | p53, SIRT1
 | style="text-align:center;" | VAMP2, Notch1, mGluR7, ARC, synaptotagmine, syntaxine
 | style="text-align:center;" | Activité neuronale, mémoire et apprentissage
 | style="text-align:center;" | <ref name="Hernandez-Rapp J, 2017"/>
 |-
 | miR-181a
 | style="text-align:center;" | ↑
 | style="text-align:center;" | Transline
 | style="text-align:center;" | GluA1 et GluA2
 | style="text-align:center;" | Plasticité synaptique, mémoire et apprentissage
 | style="text-align:center;" | <ref name="Rodriguez-Ortiz CJ, 2020" />
 |}

Certains miARN circulants ({{lien|langue=en|trad=mir-9/mir-79 microRNA precursor family|fr=miR-9}}, miR-125b, {{lien|langue=en|trad=miR-146|fr=miR-146}}, {{lien|langue=en|trad=mir-181 microRNA precursor|fr=miR-181|texte=miR-181c}}, {{lien|langue=en|trad=let-7 microRNA precursor|fr=let-7|texte=let-7g-5p}}, et {{lien|langue=en|trad=miR-191|fr=miR-191|texte=miR-191-5p}}) pourraient être utilisés comme biomarqueurs précoces de la maladie d'Alzheimer<ref>{{Lien PMID|27264337}}</ref>.
Ces miARN se présentent sous forme libre dans les fluides ou encapsulés dans des [[Exosome_(vésicule)|exosomes]]<ref>{{Lien PMID|17486113}}</ref>.

==== Maladie de Parkinson ====
Des miARN circulants pourraient également être utilisés comme [[biomarqueur]]s de la [[maladie de Parkinson]]<ref>{{Lien PMID|29163029}}</ref>.

=== Tumorales ===
Une mutation ou une dérégulation de certains miARN semble être à l'origine, directement ou indirectement, d'un grand nombre de [[tumeur]]s.
Ceux qui induisent directement un mécanisme d'initiation du [[cancer]] sont qualifiés d'{{Lien|langue=en|trad=Oncomir|fr=Oncomir|texte=oncomiRs}}<ref>{{Lien PMID|16557279}}</ref>.
Un même miARN, comme [[micro-ARN 22|miR-22]], semble pouvoir être tantôt oncogène, tantôt au contraire contribuer à la suppression tumorale<ref>{{Lien PMID|22300138}}</ref>.
De nombreux miARN sont dérégulés dans les tumeurs solides de façon récurrente.
Par exemple, dans les tumeurs du [[foie]], on retrouve souvent une surexpression de [[Micro-ARN 21|''miR-21'']] et une sous-expression de [[Micro-ARN 122|''miR-122'']]<ref>{{Lien PMID|19480827}}</ref>.
De plus, il existe des dérégulations d'expression de miARN associées à des facteurs de risques des [[Carcinome hépatocellulaire|carcinomes hépatocellulaires]]<ref>{{Lien PMID|18433021}}</ref>.

Certains types de miARN sont également présents dans le [[plasma sanguin]], comme {{lien|langue=en|trad=Mir-92_microRNA_precursor_family|fr=miR-92|texte=miR-92a}}, et pourraient être de bons [[biomarqueur]]s de [[leucémie]]s<ref>{{Lien PMID|19440243}}</ref>.

Il semble donc exister des voies de [[Cancérogenèse|carcinogenèse]] spécifiques aux miARN qui agiraient alors comme des facteurs de risques ; ceci indique tout l'intérêt des miARN comme marqueurs de diagnostic, de pronostic voir de thérapeutique.

Une étude montre que l'on peut diagnostiquer précocement des cancers du [[système nerveux central]], notamment les [[glioblastome]]s, par l'analyse des microARN contenus dans l'[[urine]] des patients. L'équipe de chercheurs a mis au point un dispositif facile à industrialiser, composé d'une centaine de millions de nanofibres en [[oxyde de zinc]], qui permet de collecter les microARN en quantité suffisante<ref>https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/cancer-cerveau-simple-test-urine-permettra-detection-tumeurs-cerebrales-88186/</ref>{{,}}<ref>Yotaro Kitano {{etal}}, ''Urinary MicroRNA-Based Diagnostic Model for Central Nervous System Tumors Using Nanowire Scaffolds'', 2021. {{DOI|10.1021/acsami.1c01754}}</ref>.
 
==== [[Virus oncogène|Oncogenèse virale]] ====
Il semblerait que certains [[rétrovirus]] au pouvoir [[oncogène]] possèdent des miARN au sein de leur génome.
Ces miARN, à la suite de leur transcription, pourraient participer à une répression d'ARN viraux et/ou de la cellule hôte et ainsi participer à la progression tumorale<ref>{{Lien PMID|23345446}}</ref>.
Un défi sera donc de pouvoir mieux identifier les gènes ciblés par ces miARN afin de mieux comprendre leur rôle et les conséquences de leur dérégulation dans le processus d'oncogenèse.

== Cibles thérapeutiques ==
Un certain nombre d'inhibiteurs des miARN sont en cours de développement, ce sont essentiellement de courtes chaînes d'ARN, des [[oligonucléotide]]s antisens appelés « [[antagomir]]s », se fixant par complémentarité sur une partie du microARN cible<ref>{{Lien PMID|16258535}}</ref>.
Un vecteur qui permettrait leur administration serait un virus non pathogène qui introduirait la séquence de nucléotides dans la cellule<ref>{{Lien PMID|24352214}}</ref>.

L'administration de miARN à but thérapeutique n'est pas simple car ces derniers sont dégradés avant qu'ils atteignent leur cible. L'utilisation d'[[acide nucléique bloqué|acides nucléiques bloqués]] - analogues conformationnels des [[nucléotide]]s mais relativement plus résistants aux [[nucléase]]s - pourrait servir au développement de solutions thérapeutiques basées sur les miARN<ref name="Im HI, 2012">{{Lien PMID|22436491}}</ref>.

Des tests sont ainsi en cours pour le traitement de l'[[hépatite C]]<ref>{{Lien PMID|23534542}}</ref> et le [[syndrome d'Alport]]<ref>{{Lien PMID|25415439}}</ref>.

== Notes et références ==
{{Références nombreuses|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* Caroline Hartmann, Fabienne Corre-Menguy, Adnane Boualem, Mariana Jovanovic, et Christine Lelandais-Brière, '''Les microARN - Une nouvelle classe de régulateurs de l’expression génique''', [[Médecine/sciences|Med Sci (Paris)]], 2004, 20, 894–898 ([http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/5315/MS_2004_10_894.html lire en ligne], consulté le 16 mars 2020).
* {{en}} Alberts B., Johnson A., Lewis J., Raff M., Roberts K. and Walter P., ''Molecular Biology of the Cell'', 5th edition, Garland Science, New York, 2007, {{pp.|493-495}} {{ISBN|978-0815341055}}.

=== Articles connexes ===
{{Colonnes|taille=30|
* [[Acide ribonucléique]]
* [[Liste de types d'ARN]]
* [[Interférence par ARN]]
* [[Acide ribonucléique messager]] (ARNm)
* [[Acide ribonucléique de transfert]] (ARNt)
* [[Régulation post-transcriptionnelle]]
* [[Épigénétique]]
* [[Liste de sigles de biologie cellulaire et moléculaire]]
* [[Victor Ambros]]
* {{lien|langue=en|trad=David Bartel|fr=David Bartel}}
* {{lien|langue=en|trad=Thomas Tuschl|fr=Thomas Tuschl}}
}}

=== Liens externes ===
* [https://www.igh.cnrs.fr/fr/recherche/departements/genetique-et-developpement/27-impact-systemique-des-petits-arn-regulateurs Site internet de l'équipe de recherche "Impact systémique des petits ARN régulateurs" du CNRS à l'IGH - UMR9002]
* {{en}} [http://www.nature.com/focus/rnai/animations/animation/ui_main.swf Animation expliquant le fonctionnement de l'interférence par ARN]
* {{en}} [https://www.umassmed.edu/ambroslab/ Site du laboratoire de Victor Ambros à ''UMASS Medical School'']
* {{en}} [http://bartellab.wi.mit.edu/ Site du laboratoire de David Bartel au ''MIT'']
* {{en}} [https://www.rockefeller.edu/our-scientists/heads-of-laboratories/911-thomas-tuschl/ Site du laboratoire de Thomas Tuschl au ''Rockefeller University'']
* {{en}} [http://www.mirbase.org/ La base de données ''miRBase'']

{{Palette|micro-ARN|Acides nucléiques|Expression des gènes}}
{{Portail|Biologie|Biologie cellulaire et moléculaire|médecine|Neurosciences}}

[[Catégorie:Biologie cellulaire]]
[[Catégorie:Biologie moléculaire]]
[[Catégorie:ARN]]
[[Catégorie:ARN non codant]]
[[Catégorie:MicroARN]]