Voir la source de Minette lorraine

{{voir homonymes|Minette}}
[[Fichier:Hettangemine.JPG|thumb|[[Mine Charles-Ferdinand]]]]
La '''minette''' est un [[minerai de fer]] [[Lorraine|lorrain]] formé d'[[oolithe]]s et de [[limonite]] liées par un ciment, le plus souvent carbonaté et riche en [[phosphate de calcium]] ([[apatite]]) ; les débris et empreintes de fossiles marins sont fréquents. Sa trop faible teneur en fer et l'impérative nécessité de le déphosphorer ont conduit progressivement à son abandon face à la concurrence d'autres minerais de fer actuellement plus compétitifs et ont conduit au lent déclin de l'[[sidérurgie|industrie sidérurgique]] en Lorraine.

== Gisement ==

Le gisement s'étend sur une quarantaine de kilomètres de large, le long d'une bande d'environ cent kilomètres allant du nord de [[Longwy]] au sud de [[Nancy]]<ref>Charles Barthel, [http://sites.univ-provence.fr/mines/Geographie/geo_luxembourg/geo_notice_lux.htm ''Terres rouges. Le Bassin minier du Grand-Duché de Luxembourg''], 2004.</ref>, le long de la [[Cuestas de Lorraine|cuesta bajocienne]] (les [[côtes de Moselle]]), couvrant notamment le [[Pays Haut]] lorrain. La couche, de plusieurs dizaines de mètres d'épaisseur s'étend en affleurements continus<ref name=LeroyCarlierMerluzzo>{{ouvrage |format électronique= pdf
 |prénom1= Marc |nom1= Leroy
 |prénom2= Cécile |nom2= Le Carlier
 |prénom3= Paul |nom3= Merluzzo
 |année= 2007
 |éditeur= Laboratoire de Métallurgies et Cultures, IRAMAT – UMR 5060
 |titre=Entre bas et haut fourneau. L’utilisation de la minette de Lorraine au Moyen Age : une parfaite adéquation avec la technique du bas fourneau
 |lire en ligne = http://medieval-europe-paris-2007.univ-paris1.fr/M.%20Leroy%20et%20al..pdf}}</ref>.

Il s'est formé surtout au [[Toarcien]] et un peu à l'[[Aalénien]]<ref>{{Ouvrage |auteur1=Élise Chenot |auteur2=Ewen Dennielou |auteur3=Bernard Lathuilière |auteur4=Cédric Carpentier |année=2023 |sous-titre=Neuves-Maisons : la minette de Lorraine dans les mines du Val-de-fer |titre=Contribution ORAGE originale à la Banque de données du sous-sol |volume=32 |pages=37 |éditeur=Observatoire régional des affleurements géologiques (Université de Lorraine) |lire en ligne=https://orage.univ-lorraine.fr/s/orage/item/13076 |lieu=Nancy |consulté le=4 février 2024}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |auteur1=Ewen Dennielou |auteur2=Élise Chenot |auteur3=Bernard Lathuilière |année=2023 |sous-titre=Villers-lès-Nancy : coupe géologique du Spéléodrome de Nancy |titre=Contribution ORAGE originale à la Banque de données du sous-sol |volume=34 |pages=38 |éditeur=Observatoire régional des affleurements géologiques (Université de Lorraine) |lire en ligne=https://orage.univ-lorraine.fr/s/orage/item/13089 |lieu=Nancy |consulté le=4 février 2024}}</ref>, à la transition entre [[Jurassique inférieur]] et [[Jurassique moyen]], il y a environ {{nombre|180|Ma}}, en bordure continentale<ref name=LeroyCarlierMerluzzo/>.

La [[gangue]] est un ciment [[calcaire]], riche en [[phosphore]], provenant des organismes marins fossilisés au moment du dépôt<ref name=LeroyCarlierMerluzzo/>. Mais la présence de gisements localisés de minerai à [[gangue]] [[silice]] (donc acide) simultanément avec le minerai à gangue calcaire (basique) est un des avantages du gisement lorrain. En effet :

{{début citation}}la plupart des principaux gisements du monde ont des gangues essentiellement siliceuses et il faut ajouter du calcaire (pour les minerais des [[Grands Lacs (Amérique du Nord)|Grands Lacs]] aux [[États-Unis]], on a 50 % de fer, 10 %  de silice et il faut ajouter 25 % de [[Castine (pierre)|castine]]). En Lorraine, on se contente de mélanger {{unité|4|tonnes}} de minerai à gangue calcaire avec une {{unité|1|tonne}} de minerai à gangue siliceuse ; on obtient ainsi une « basicité {{Note|texte=L'[[Liste d'indices en chimie et physique|indice]] de [[Base (chimie)|basicité]] ''i<sub>c</sub>'' est calculé par le rapport suivant des [[Concentration massique|concentrations massiques]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Julius H. |nom1=Strassburger |prénom2=Dwight C. |nom2=Brown |prénom3=Terence E. |nom3=Dancy |prénom4=Robert L. |nom4=Stephenson |titre=Blast furnace |sous-titre=Theory and practice, {{vol.}}1 |lieu=New-York |éditeur=Gordon and Breach Science Publishers |année=1984 |pages totales=275 |passage=221-239 |isbn=0-677-13720-6 |lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=n7oOAAAAQAAJ&printsec=frontcover}}</ref> :
: <math>i_c = \frac{[CaO]+[MgO]} {[SiO_2]+[Al_2O_3]}</math>.

On simplifie souvent en se contentant de calculer un indice de basicité simplifié ''i'', égal au rapport {{nobr|[[Chaux (matière)|CaO]] / [[Silice|{{fchim|SiO|2}}]]}}<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jacques |nom1=Corbion |préface=Yvon Lamy |titre=Le savoir… fer — Glossaire du haut-fourneau |sous-titre=Le langage… (savoureux, parfois) des hommes du fer et de la zone fonte, du mineur au… cokier d'hier et d'aujourd'hui |éditeur= |année=1989 |numéro d'édition=5 |passage=Tome 1, {{p.|421}} |isbn= |lire en ligne=http://savoir.fer.free.fr/pGLO/5e_ed/V_pdf/B/basg-bes-rM.pdf |référence=Référence:Le savoir...fer : glossaire du haut fourneau (Jacques Corbion)}}</ref>.|group=note}} » moyenne du minerai de 1,33, ce qui est très satisfaisant. [En 1962,] on extrait donc 80 % de minerai calcaire surtout en [[Moselle (département)|Moselle]], à [[Briey (Meurthe-et-Moselle)|Briey]] et à [[Audun-le-Roman]], et 20 % de siliceux à [[Longwy]] et [[Nancy]]. Mais les réserves, évaluées à {{unité|6|milliards de tonnes}} se partagent à peu près également entre les deux types […]. On dispose en outre d'environ {{unité|1|milliard de tonnes}} de minerai pauvre de teneur 22 à 24 % […]<ref>{{article
 |titre= La sidérurgie française
 |prénom1= J. |nom1= Beaujeu-Garnier
 |périodique= L'information géographique
 |année= 1962
 |volume= 26 |numéro= 3
 |passage= 99
 |lire en ligne= http://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1962_num_26_3_2150}}</ref>.{{fin citation|J. Beaujeu-Garnier|La sidérurgie française}}

Avant d'extraire la minette, la sidérurgie archaïque se focalisait sur l'extraction du minerai de surface, le ''fer-fort'' du [[Pays Haut]] lorrain. Ce minerai, d'une nature différente de la minette, se rencontre en larges gîtes accessibles en surface du plateau calcaire. Il remplit de grandes poches en forme d'entonnoir, prolongées par un réseau de cavités [[karst]]iques, qu'il a vraisemblablement comblées au cours de l'[[Tertiaire (géologie)|ère tertiaire]]. Il se présente en grains et rognons, parfois en blocs de plusieurs kilos, emballés dans une gangue d'[[argile]]. Il présente donc une composition essentiellement [[Aluminosilicate|silico-alumineuse]], avec moins de 1% de [[Chaux (matière)|chaux]]. C'est un minerai nettement plus riche en fer, en moyenne entre 50 et 60 %, et il ne contient pas de phosphore. Pour ces raisons, le minerai de fer-fort a toujours été considéré comme plus attractif pour la sidérurgie ancienne<ref name=LeroyCarlierMerluzzo/>.

Enfin, d'autres minerais, dits en ''dragées'', associés à des sables d'alluvions et déposés au pied de la grande falaise qui termine le plateau jurassique des [[Arrondissement de Briey |arrondissements de Briey]] et de [[Arrondissement de Thionville|Thionville]], très siliceux et les plus pauvres. Ils contiennent également un peu d'[[arsenic]] et de [[soufre]], et n'ont été exploités qu'à [[Florange]] et à [[Russange]]<ref name=Casarotto20;24-25>{{ouvrage
 |titre= La sidérurgie des Wendel entre Orne et Fensch 1704-1978
 |prénom= Jean Thomas |nom= Casarotto
 |mois= février |année= 2023
 |éditeur= Fensch Vallée Éditions
 |isbn= 978-2-916782-93-5
 |passage= 142}}</ref>.

== Exploitation ==
{{Article détaillé|Histoire des mines de fer}}
[[File:Valdefer1.jpg|thumb|Wagonnet, mine du val de fer à Neuves-Maisons]]

Avant le {{s-|XIX}}, la métallurgie lorraine exploitait principalement des gisements alluvionnaires à ''fer fort'' ([[hématite]]) comme celui qu'on trouvait à [[Saint-Pancré]]<ref>{{Lien web |url=https://sites.ac-nancy-metz.fr/base-geol/fiche.php?dossier=023&p=3descrip |titre=Sentier des Minières de St-Pancré |site=ac-nancy-metz.fr  |consulté le=4 février 2024}}.</ref>. Mais on a découvert en [[1984 en Lorraine|1984]], près de Nancy, un important site d'exploitation de la minette remontant aux {{sp-|VIII|e|–|X|e|s}}<ref name=LeroyCarlierMerluzzo/>.

Ce [[minerai de fer|minerai]] est couramment appelé ''minette'', diminutif péjoratif du mot [[Mine (gisement)|mine]], à cause de sa teneur faible en [[fer]] (de 28 à 34 %)<ref name=LeroyCarlierMerluzzo/> et de la haute teneur en [[phosphore]] (0,5 à 1 %), sous forme de [[phosphate de calcium]] ([[apatite]]). C'est à cause de la présence du phosphore que la minette lorraine n'a pu être exploitée massivement qu'au milieu du {{s-|XIX}}, après la mise au point du [[procédé Thomas]], permettant une déphosphoration efficace.

Le gisement lorrain fut alors classé parmi les plus vastes du monde et ses réserves furent estimées à six milliards de tonnes de minerai, susceptibles de contenir 1,95 milliard de tonnes de fer. En [[1913 en Lorraine|1913]], la production du [[Bassin sédimentaire|bassin]] ferrifère lorrain dépasse les 41 millions de tonnes, dont 21 pour la [[Moselle (département)|Moselle]] et 20 pour la [[Meurthe-et-Moselle]]. Représentant 20 à 25 % de l'extraction mondiale, la [[Lorraine]] était alors la deuxième région productrice au monde, derrière les [[États-Unis]]<ref name=LeroyCarlierMerluzzo/>.

Après une durée d'exploitation d’environ un siècle et demi, la masse de minerai arrachée au sous-sol lorrain serait de trois milliards de tonnes. Cependant, la trop faible teneur en [[fer]] de ce minerai, sa teneur en phosphore et en [[arsenic]] encouragea les [[sidérurgie|sidérurgistes]] à le remplacer peu à peu par des minerais d’outre-mer plus riches (teneurs moyennes de l'ordre de 60 %). En effet, une faible teneur en fer impose une plus grande consommation de combustible pour fondre la gangue stérile. La différence est sensible : en 1922, chaque unité de fer en moins dans le minerai amenait une dépense supplémentaire de coke de {{Unité|30| à= 40|kg}}. La minette de Moselle, inférieure en teneur de 4 à 6 unités aux minerais de Meurthe-et-Moselle, conduisait à consommer {{unité|1500|kg}} de coke à la tonne de [[fonte brute|fonte]], alors qu'en 1913, en Meurthe-et-Moselle, on considérait comme normale une dépense de {{unité|1000|kg}}<ref>{{Ouvrage
 | prénom1= J. |nom1= Levainville
 |titre= L'Industrie du Fer en France
 |lieu= Paris
 |éditeur= [[Armand Colin]]
 |collection= Armand Colin |numéro dans collection= 19
 |année= 1922
 |pages totales= 210
 |passage= 167
 |lire en ligne=https://archive.org/details/lindustriedufere00levauoft}}</ref>.

Peu compétitive face aux minerais importés, les [[Mine (gisement)|mine]]s de fer de [[Lorraine]] ont peu à peu cessé d’être exploitées. La dernière à avoir fermé, en 1997, est celle des [[Terres Rouges]] à [[Audun-le-Tiche]] ([[Moselle (département)|Moselle]]).

== Enjeu franco-allemand ==

Ce n'est qu'en 1880-1890 que les [[géologue]]s comprennent que les meilleurs gisements de minette se situent en [[Lorraine]] non annexée. {{citation|Les géologues consultés par Bismark se sont trompés […], le bassin de Briey qui continue celui de Longwy, est l'une des plus riches parties de la France}}. Pendant la [[Première Guerre mondiale]], la maîtrise de la minette devient un enjeu essentiel pour l'industrie du [[Reich allemand|Reich]], mais aussi pour l'agriculture qui tient à utiliser les [[scories Thomas]] issues de son utilisation. Le {{date-|31 janvier 1915}}, le métallurgiste allemand M. E. Schrodter résumé ainsi la situation au ''{{Langue|de|texte=Verein Deutsher Eisenhüttenleute}}''<ref name=Casarotto337-339>{{harvsp|Casarotto|2023|p=337-339}}</ref> :

{{début citation}}Vous savez que les Français n'ont découvert que vers 1890 les richesses minérales cachées en Lorraine française. Ce n'est que de cette époque que date le développement merveilleux de la sidérurgie française dans cette région minière ; si merveilleux qu'en 1913 la production de fonte du département de [[Meurthe-et-Moselle]] était de {{nombre|3546000|t}} sur les {{nombre|5123000|t}} produites dans toute la France. […]

Si la production de minette était troublée, la guerre serait quasiment perdue. Or comment se présente la production de minette dans cette guerre, et comment se présenterait-elle dans une guerre future ? […] La sécurité de l'Empire d'Allemagne dans une guerre future nécessite donc impérieusement la possession de toutes les mines de minette, y compris les forteresses de Longwy et Verdun sans lesquelles cette région ne saurait être défendue<ref name=Casarotto337-339/>.{{fin citation|M. E. Schrodter|La Sidérurgie mondiale pendant la guerre vue par les Allemands}}

== Patrimoine ==
* [[Fond-de-Gras]]
* [[Mine du Val de Fer]]
* [[Mine Charles-Ferdinand]]
* [[Féru des Sciences]]
* [[Écomusée des mines de fer de Lorraine]]

== Bibliographie ==
{{Ouvrage| langue = fr|auteur= André Lauff| titre = Le Sous-sol lorrain, Rétrospective 1950-2006|éditeur= Éditions Fensch-Vallée|collection = Mineurs au quotidien| année = 2007| mois = avril|isbn = 978-2-916782-05-8|isbn2= 2-916782-05-2}}

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=note}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Liens externes ===
* [http://pagesperso-orange.fr/amo.fjep/la_minette.htm Caractéristiques et historique de la minette]
* [http://www.patrimoineindustriel-apic.com/parcours/mines%20lorraine/lorraine%20intro.htm Au pays des mines de fer de Lorraine]
* [http://www.musee-minesdefer-lorraine.com/dossier%20enseignant.doc  Écomusée des mines de fer de Lorraine]

{{Palette|Mines}}
{{Portail|Minéraux et roches|mine|Meurthe-et-Moselle}}

[[Catégorie:Industrie minière en France]]
[[Catégorie:Roche sédimentaire de France]]
[[Catégorie:Lorraine]]
[[Catégorie:Minerai]]
[[Catégorie:Fer]]