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Le '''modèle intertemporel d'évaluation des actifs''' ([[modèle d'évaluation des actifs financiers|MEDAF]] intertemporel ou ICAPM<ref>Intertemporal Capital Asset Pricing Model</ref>) détermine le rendement théorique d'un [[actif financier]] lorsque les investisseurs ne sont pas seulement intéressés par la fortune à la fin de la période, comme dans le modèle [[modèle d'évaluation des actifs financiers|MEDAF]] (ou CAPM), mais aussi par les possibilités de consommation et d'investissement tout au long de la période. Une variable d'état est utilisée pour tenir compte des modifications des possibilités d'investissement. Par conséquent, le risque de consommation change avec le temps. L'utilité instantanée dépend de la consommation (C) et de la variable d'état. On écrit:
<math> U[C(t),t] </math>.

== Version en temps continu ==

[[Robert Merton|Merton]]<ref>Robert Merton, " An Intertemporal Capital Asset Pricing Model ", Econometrica, 1973, p. 867-887</ref> considère le cas où les transactions ont lieu de manière continue et le marché est toujours en équilibre. 
Il suppose que la variable d'état (X) suit un [[mouvement brownien|processus brownien]]:
:<math> dX = \mu dt + s dZ </math>
L'investisseur maximise l'utilité espérée:
:<math>E_o \left\{\int_o^T U[C(t),t]dt + B[W(T),T] \right\} </math>
où T est l'horizon temporel envisagé et B[W(T,T)] l'utilité de la fortune (W) pour des buts de réserve ou d'héritage.

La contrainte budgétaire est donnée par la fortune du consommateur (W). Soit <math> w_i </math> la part de la fortune investie dans le titre i. On peut écrire:
:<math> W(t+dt) = [W(t) -C(t) dt]\sum_{i=0}^n w_i[1+ r_i(t+ dt)] </math>
où <math> r_i </math> est le rendement du titre i.
La variation de la fortune est:
:<math> dW=-C(t)dt +[W(t)-C(t)dt]\sum w_i(t)r_i(t+dt) </math>

Pour résoudre ce problème, on va utiliser la [[programmation dynamique]] en prenant une série de problèmes discrets:
:<math>\max E_o \left\{\sum_{t=o}^{T-dt}\int_t^{t+dt} U[C(s),s]ds + B[W(T),T] \right\} </math>
D'autre part, un développement en [[série de Taylor]] donne:
:<math> \int_t^{t+dt}U[C(s),s]ds= U[C(t),t]dt + \frac{1}{2} U_t [C(t^*),t^*]dt^2 \approx U[C(t),t]dt </math>
où <math>t^*</math> est une valeur entre t et dt.

Supposons que le [[processus stochastique]] des rendements soit un [[mouvement brownien|processus brownien]]:
:<math> r_i(t+dt) = \alpha_i dt + \sigma_i dz_i</math>
avec:
:<math> E(r_i) = \alpha_i dt \quad ;\quad E(r_i^2)=var(r_i)=\sigma_i^2dt \quad ;\quad cov(r_i,r_j) = \sigma_{ij}dt </math>
En développant la variation de la fortune et en éliminant les variations de deuxième ordre on obtient:
:<math> dW \approx [W(t) \sum w_i \alpha_i - C(t)]dt+W(t) \sum w_i \sigma_i dz_i</math>

En utilisant l'[[Commande_optimale#.C3.89quation_de_Hamilton-Jacobi-Bellman|équation de Bellman]], on peut écrire de la manière suivante la maximisation de l'utilité espérée:
:<math> J(W,X,t) = max \; E_t\left\{\int_t^{t+dt} U[C(s),s]ds + J[W(t+dt),X(t+dt),t+dt]\right\}</math>
sous la contrainte ci-dessus.

En utilisant le [[Lemme d'Ito]] on peut écrire:
:<math> dJ = J[W(t+dt),X(t+dt),t+dt]-J[W(t),X(t),t+dt]= J_t dt + J_W dW + J_X dX + \frac{1}{2}J_{XX} dX^2 + \frac{1}{2}J_{WW} dW^2 + J_{WX} dX dW</math>
tandis que la valeur espérée est:
:<math> E_t J[W(t+dt),X(t+dt),t+dt]=J[W(t),X(t),t]+J_t dt + J_W E[dW]+ J_X E(dX) + \frac{1}{2} J_{XX} var(dX)+\frac{1}{2} J_{WW} var[dW] + J_{WX} cov(dX,dW)</math>
Après quelques simplifications<ref> :<math> E(dW)=-C(t)dt + W(t) \sum w_i(t) \alpha_i dt </math>
:<math> var(dW) = [W(t)-C(t)dt]^2 var[ \sum w_i(t)r_i(t+dt)]= W(t)^2 \sum_{i=1} \sum_{i=1} w_i w_j \sigma_{ij} dt </math>
:<math> \sum_{i=o}^n w_i(t) \alpha_i = \sum_{i=1}^n w_i(t)[\alpha_i - r_f] + r_f </math> </ref>
, on obtient la [[fonction objectif]] suivante:
:<math> max \left\{ U(C,t) + J_t + J_W W [\sum_{i=1}^n w_i(\alpha_i-r_f)+r_f] - J_WC + \frac{W^2}{2} J_{WW}\sum_{i=1}^n\sum_{j=1}^n w_i w_j \sigma_{ij} + J_X \mu + \frac{1}{2}J_{XX} s^2 + J_{WX} W \sum_{i=1}^n w_i \sigma_{iX} \right\} </math>
où <math>r_f</math> est le rendement de l'actif sans risque.
Les conditions de premier ordre sont:
:<math> J_W(\alpha_i-r_f)+J_{WW}W \sum_{j=1}^n w^*_j \sigma_{ij} + J_{WX} \sigma_{iX}=0 \quad i=1,2,\ldots,n</math>
Sous forme matricielle, on peut écrire:
:<math> (\alpha - r_f {\mathbf 1}) = \frac{-J_{WW}}{J_W} \Omega w^* W + \frac{-J_{WX}}{J_W} cov_{rX} </math>
où <math>\alpha</math> est le vecteur des rendements espérés, <math> \Omega </math> la matrice de la covariance des rendements, <math> {\mathbf 1}</math> un vecteur unité et <math> cov_{rX} </math> la covariance des rendements avec la variable d'état. Les proportions optimales sont alors:
:<math> {\mathbf w^*} = \frac{-J_W}{J_{WW} W}\Omega^{-1}(\alpha - r_f {\mathbf 1}) - \frac{J_{WX}}{J_{WW}W}\Omega^{-1} cov_{rX}</math>
Comme ces proportions sont celles de l'investisseur représentatif, elles doivent être celles du portefeuille de marché selon la terminologie du [[modèle d'évaluation des actifs financiers|CAPM]]. On peut donc exprimer le rendement espéré de la manière suivante:
:<math> \alpha_i = r_f + \beta_{im} (\alpha_m - r_f) + \beta_{ih}(\alpha_h - r_f)</math>
où m désigne le portefeuille de marché et h un portefeuille utilisé pour se protéger des changements de la variable d'état.

Le modèle ICAPM permet d'expliquer le rendement supérieur des titres de valeur ou [[action dépréciée|actions dépréciées]] (avec un rapport valeur comptable / [[valeur de marché]] élevé) par rapport aux [[action de croissance|titres de croissance]]. Si les titres de croissance protègent l'investisseur des changements de la variable d'état, la couverture de ce risque contrebalance le rendement inférieur. 

== Version en temps discret ==

Campbell<ref>J.Y. Campbell, "Intertemporal Asset Pricing without Consumption", American Economic Review, 1993, p. 487-512</ref> propose une version en temps discret du modèle intertemporel de Merton. Il utilise une [[Approximation affine|approximation linéaire]] dans les logarithmes de la contrainte budgétaire et la fonction d'utilité suggérée par Epstein et Zin<ref>L.Epstein and S. Zin, " Substitution, Risk Aversion, and Temporal Behavior of Consumption and Asset Returns: A Theoretical Framework ", Econometrica, 1989, p. 937-969</ref>. D'autres versions en temps discret ont été proposées, en particulier par Fama<ref>E. Fama, " Multifactor Portfolio Efficiency and Multifactor Asset Pricing ", Journal of Financial and Quantitative Analysis, 1996, p. 441-465</ref>.

Soit la fonction d'utilité de l'investisseur représentatif:
:<math> \sum_{j=o}^\infty \delta^j u(c_{t+j},z_{t+j})</math>
où u est l'utilité instantanée, <math>c_{t+j} </math> la consommation à la période <math> t+j </math>, <math>z_{t+j} </math> une variable d'état et <math>\delta = 1/(1+\rho) </math> est le taux subjectif de préférence pour le temps<ref>Le facteur d'escompte psychologique des utilités futures</ref> (<math> \rho </math> est le [[taux d'escompte]] subjectif).

L'investisseur maximise l'utilité espérée:
:<math> \max \quad u(c_t,z_t) + \sum_{j=1}^\infty \delta^j E_t[u(c_{t+j},z_{t+j})]</math>
sous la contrainte:
:<math> \sum_{j=1}^n x_{j,t+1} + F_{t+1} = \sum_{j=1}^n (1+r_{jt}) x_{jt} + (1+r_{ft})F_t - c_t </math>
où <math> F </math> est l'actif sans risque et <math> r_{ft} </math> le [[Taux sans risque|taux d'intérêt sans risque]].

En utilisant l'[[Commande_optimale#.C3.89quation_de_Hamilton-Jacobi-Bellman|équation de Bellman]] de la [[programmation dynamique]]<ref>K.J. Arrow and M. Kurz, Public Investment, The Rate of Return, And Optimal Fiscal Policy, London, 1970, p. 28</ref> on peut écrire:
:<math>V(W_t,z_t) = \max_{x_{i,t+1},F_{t+1}} \left\{ u(W_t - \sum_{j=1}^n x_{j,t+1} - F_{t+1}) + \delta E_t \left[V(W_{t+1},z_{t+1})\right] \right\} </math>
où W est la fortune de l'investisseur:
:<math> W_t = \sum_{j=1}^n (1+r_{jt}) x_{jt} + (1+r_{ft}) F_t </math>
Les conditions de premier ordre sont:
:<math> \frac{\partial V}{\partial x_{i,t+1}} = - u^{\prime}(c_t,z_t) + \delta E_t \left[V_W(W_{t+1},z_{t+1}) \frac{\partial W_{t+1}}{\partial x_{i,t+1}} \right] = 0 \quad i=1,\ldots,n </math>
:<math> \frac{\partial V}{\partial F_{t+1}}= -u^{\prime}(c_t,z_t) + \delta E_t \left[V_W(W_{t+1},z_{t+1}) \frac{\partial W_{t+1}}{\partial F_{t+1}} \right] = 0 </math>

où <math> V_W </math> est la dérivée par rapport à <math> W_{t+1} </math> ([[utilité marginale]] de la fortune).

De ces conditions on tire:
:<math> E_t \left[V_W(W_{t+1},z_{t+1}) (1+r_{jt}) \right] = E_t \left[V_W(W_{t+1},z_{t+1}) (1+r_{ft}) \right] </math>

La [[covariance]] de deux variables aléatoires x,y est:
:<math> cov(x,y)= E(xy)-E(x) E(y) </math> 
Pour les actifs risqués on peut donc écrire:
:<math> E_t \left[V_W(W_{t+1},z_{t+1}) (1+r_{jt}) \right]  = cov_t[(V_W(W_{t+1},z_{t+1}),(1+r_{jt})] + E_t[V_W(W_{t+1},z_{t+1})] E_t[(1+r_{jt})] </math>
tandis que pour l'actif sans risque on a:
:<math> E_t \left[V_W(W_{t+1},z_{t+1}) (1+r_{ft}) \right]  =  (1+r_{ft}) E_t[V_W(W_{t+1},z_{t+1})] </math>
La condition ci-dessus devient alors:
:<math> E(r_{jt}) - r_{ft} = - \frac{ cov_t[(V_W(W_{t+1},z_{t+1}),(1+r_{jt})]}{ E_t[V_W(W_{t+1},z_{t+1})]} </math>
En prenant l'approximation de premier ordre:
:<math> V_W(W_{t+1},z_{t+1}) \approx V_W(W_t,t_t) + V_{WW}(W_t,z_t) \Delta W_{t+1} + V_{Wz}(W_t,z_t) \Delta z_{t+1}</math>
on obtient:
:<math> E(r_{jt}) - r_{ft} = - \gamma cov_t[\Delta W_{t+1},(1+r_{jt})] + \frac{V_{Wz}}{E_t(V_W)} cov[\Delta z_{t+1},(1+r_{jt})] </math>
où <math> \gamma </math> est l'indice relatif d'[[aversion au risque]] de <math> V</math>.

La variation de la fortune est liée au [[coefficient bêta]] du modèle CAPM. La variation de la variable d'état est liée aux possibilités d'investissement. Le rendement espéré d'un titre dépend donc de la covariance avec le portefeuille de marché et de la covariance avec la variable d'état qui est une approximation des possibilités d'investissement. Les investisseurs augmentent la quantité d'actifs risqués qui sont corrélés négativement avec la variable d'état.

== Estimations empiriques ==

Le modèle intertemporel d'évaluation des actifs (ICAPM) peut être considéré comme un fondement théorique de [[modèle Fama-French à trois facteurs]]<ref> E.F. Fama and K.R. French, "The Capital Asset Pricing Model: Theory and Evidence", Journal of Economic Perspectives, 2004, 3, p. 39</ref>. Par conséquent, les résultats favorables au modèle Fama-French sont aussi des résultats qui confirment le modèle ICAPM.

Campbell et al. <ref> J.Y. Campbell, S. Giglio and C. Polk, "Hard Times", Review of Asset Pricing Studies, 2013, p. 95-132</ref> trouvent que les restrictions imposées par le modèle ICAPM améliorent les capacités de prévision de rendement des actifs financiers.

== Notes et références ==

<references/>

== Voir aussi ==

* [[modèle d'évaluation des actifs financiers]]
* [[modèle d'évaluation des actifs basé sur la consommation]]
* [[modèle Fama-French à trois facteurs]]

== Bibliographie ==

* J.Y. Campbell, "Intertemporal Asset Pricing without Consumption", [[American Economic Review]], 1993, p. 487-512
* J.Y. Campbell, S. Giglio, C. Polk, "Hard Times", Review of Asset Pricing Studies, 2013, p. 95-132
* J.Y. Campbell and T. Vuolteenaho, "Bad Beta, Good Beta", American Economic Review, 2004, p. 1249-1275
* J.H. Cochrane, Asset Pricing, Princeton University Press, 2001
* E.F. Fama, "Multifactor Portfolio Efficiency and Multifactor Asset Pricing", Journal of Financial and Quantitative Analysis, 1996, p. 441-465
* R.C. Merton, Continuous-Time Finance, Blackwell, 1992

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[[Catégorie:Évaluation d'actif]]