Voir la source de Nombre colossalement abondant

En [[mathématiques]], un '''nombre colossalement abondant''' est un [[entier naturel]] qui, en un sens mathématique précis, possède un grand nombre de [[diviseur]]s.

Plus formellement, un nombre ''n'' est dit colossalement abondant s'il existe un nombre ε > 0 tel que pour tout ''k'' > 1,

:<math>\frac{\sigma(n)}{n^{1+\epsilon}} \geq \frac{\sigma(k)}{k^{1+\epsilon}},</math>

où σ est la fonction [[somme des diviseurs]]<ref>{{MathWorld|nom_url=ColossallyAbundantNumber|titre=Colossally Abundant Number}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article
 | langue                 = en
 | prénom1                = Keith
 | nom1                   = Briggs
 | titre=Abundant Numbers and the Riemann Hypothesis
 | périodique             = Experimental Mathematics
 | numéro                 = 15
 | année                  = 2006
 | pages                  = 251–256
 | doi                    = 10.1080/10586458.2006.10128957|url=http://projecteuclid.org/euclid.em/1175789744
}}, [http://keithbriggs.info/documents/RH_abundant-pp.pdf présentation], [http://keithbriggs.info/abundant.html illustration numérique].</ref>. La suite des nombres colossalement abondants croît très rapidement. Les huit premiers<ref name=OEIS>La {{OEIS|id=A004490}} donne les 22 premiers nombres colossalement abondants et (§ Links) les 150 premiers.</ref> sont [[2 (nombre)|2]], [[6 (nombre)|6]], [[12 (nombre)|12]], [[60 (nombre)|60]], [[120 (nombre)|120]], [[360 (nombre)|360]], {{formatnum:2520}}, {{formatnum:5040}}. Tous les nombres colossalement abondants sont [[Nombre superabondant|superabondants]], mais la [[réciproque]] est fausse.

== Histoire ==

Les nombres colossalement abondants ont d'abord été étudiés par [[Ramanujan]]. Ses travaux étaient destinés à être inclus dans son article de [[1915]] traitant des [[Nombre hautement composé|nombres hautement composés]]<ref>{{Article
 | langue                 = en
 | prénom1                = Srinivasa
 | nom1                   = Ramanujan
 | titre=Highly Composite Numbers
 | périodique             = [[London Mathematical Society|Proc. London Math. Soc.]]
 | numéro                 = 14
 | année                  = 1915
 | pages                  = 347–407
 |math reviews=2280858
}}.</ref>. Malheureusement, l'éditeur du journal auquel Ramanujan avait soumis son travail, la revue de la ''[[London Mathematical Society]]'', était en difficulté financière à cette époque, et Ramanujan accepta de laisser de côté une partie de son travail, dans l'idée de diminuer le coût d'[[Imprimerie|impression]]<ref>{{Ouvrage
 | langue                 = en
 | prénom1                = Srinivasa
 | nom1                   = Ramanujan
 | titre=Collected papers
 | éditeur                = Chelsea
 | année                  = 1962
}}.</ref>. Ses recherches étaient en grande partie soumises à la véracité de l'[[hypothèse de Riemann]], et l'acceptation de cette dernière comme vraie lui permit de trouver un encadrement de la taille des nombres colossalement abondants, et de prouver que ce qui est de nos jours appelé l'''inégalité de Robin'' (voir [[#Lien avec l'hypothèse de Riemann|ci-dessous]]) est vrai pour tout ''n'' suffisamment grand<ref>{{Article
 | langue                 = en
 | prénom1                = Srinivasa
 | nom1                   = Ramanujan
 | titre=Highly composite numbers. Annotated by J.-L. Nicolas ([[Université Claude-Bernard Lyon 1|université Claude-Bernard (Lyon 1)]]) and G. Robin ([[université de Limoges]]) 
 | périodique             = Ramanujan Journal
 | numéro                 = 1
 | année                  = 1997
 | pages                  = 119–153|url=http://math.univ-lyon1.fr/~nicolas/ramanujanNR.pdf
}}.</ref>.

Cette catégorie de nombres fut réexplorée en 1944, dans une forme plus forte, par [[Leonidas Alaoglu]] et [[Paul Erdős]], qui tentèrent d'approfondir et de généraliser les résultats de Ramanujan<ref>{{Article
 | langue                 = en
 | prénom1                = Leonidas
 | nom1                   = Alaoglu
 | prénom2                = Paul
 | nom2                   = Erdős
 | titre=On highly composite and similar numbers
 | périodique             = [[Transactions of the American Mathematical Society|Trans. Amer. Math. Soc]]
 | numéro                 = 56
 | année                  = 1944
 | pages                  = 448–469
|math reviews=0011087
}}.</ref>.

== Propriétés ==

Les nombres colossalement abondants font partie des catégories de nombres basées sur un nombre de [[diviseur]]s considéré comme grand. Pour tout [[entier naturel]] strictement positif, la fonction [[somme des diviseurs]] σ(''n'') donne la somme de tous les [[diviseur]]s de ''n'', y compris 1 et ''n''. [[Paul Bachmann]] a montré<ref name=HW>{{HardyWright}}.</ref> qu'en moyenne, σ(''n'') vaut approximativement {{Sfrac|π{{2}}''n''|6}}. Cependant, le théorème de [[Thomas Hakon Grönwall|Grönwall]] montre que σ(''n'') a une valeur légèrement plus élevée. En effet, d'après ce théorème, il existe une suite croissante d'entiers ''n'' pour lesquels σ(''n'') ~ e<sup>γ</sup>''n''log(log(''n'')), où γ est la [[constante d'Euler-Mascheroni]]<ref name=HW />. Par conséquent, les nombres colossalement abondants doivent faire partie des nombres ayant un grand nombre de diviseurs, puisqu'ils constituent, pour un ε > 0 donné, des valeurs élevées de la [[Fonction (mathématiques)|fonction]] :

:<math>\frac{\sigma(n)}{n^{1+\epsilon}},</math>

lorsque l'on considère l'ensemble des valeurs de ''n''. Les résultats de Bachmann et de Grönwall permettent d'affirmer que pour tout ε > 0, cette fonction admet un [[Extremum|maximum]] et que, lorsque ε [[Limite (mathématiques)|tend vers]] 0, ce maximum croît indéfiniment. Conséquemment, il y a une infinité de nombres colossalement abondants, bien qu'ils soient assez rares, et ce de plus en plus quand ils croissent. Par exemple<ref name=OEIS/>{{,}}<ref>{{Article
 | langue                 = en
 | prénom1                = Jeffrey Clark
 | nom1                   = Lagarias
 | titre=An elementary problem equivalent to the Riemann hypothesis
 | périodique             = [[The American Mathematical Monthly|American Mathematical Monthly]]
 | numéro                 = 109
 | année                  = 2002
 | pages                  = 534–543
|url=http://www.math.lsa.umich.edu/~lagarias/doc/elementaryrh.pdf
}}.</ref>, il n'y en a que 22 inférieurs à 10{{18}}.

Pour chaque ε, la fonction ci-dessus admet un maximum, mais il n'est pas évident, et, finalement, pas vrai, que ce maximum est unique. Alaoglu et Erdős ont étudié la question suivante : pour une valeur de ε donnée, y a-t-il unicité du maximum et, sinon, combien de valeurs de ''n'' différentes font prendre à la fonction son maximum ? Ils ont montré que, pour la plupart des ε, il y a un maximum unique. Plus tard, cependant, Paul Erdős et {{Lien|Jean-Louis Nicolas}} ont montré que pour un ensemble donné de valeurs discrètes de ε, il peut y avoir deux ou quatre valeurs différentes de ''n'' donnant la même valeur maximale<ref>{{Article
 | langue                 = fr
 | prénom1                = Paul
 | nom1                   = Erdős
 | prénom2                = Jean-Louis
 | nom2                   = Nicolas
 | titre=Répartition des nombres superabondants
 | périodique             = [[Société mathématique de France|Bull. Soc. Math. France]]
 | numéro                 = 103
 | année                  = 1975
 | pages                  = 65–90
}}.</ref>.

Dans leur article de 1944, Alaoglu et Erdős ont réussi à démontrer que le quotient de deux [[Nombre superabondant|nombres superabondants]] consécutifs est toujours un [[nombre premier]], mais ne sont pas parvenus à étendre ce théorème aux nombres colossalement abondants. Ils ont néanmoins [[Conjecture|conjecturé]] cette propriété, et ont montré qu'elle découlerait d'un cas particulier de la [[conjecture des quatre exponentielles]], en théorie des [[Nombre transcendant|nombres transcendants]] ; formellement : pour tous nombres premiers distincts ''p'' et ''q'', les seuls [[Nombre réel|nombres réels]] ''t'' pour lesquels à la fois ''p{{exp|t}}'' et ''q{{exp|t}}'' sont [[Nombre rationnel|rationnels]] sont les [[Entier naturel|entiers positifs]]. En utilisant le résultat correspondant pour 3 nombres premiers — un cas particulier du [[théorème des six exponentielles]] — ils ont réussi à prouver que le quotient de deux nombres colossalement abondants consécutifs est soit premier, soit [[nombre semi-premier|semi-premier]], c'est-à-dire produit de deux nombres premiers distincts.

La conjecture d'Alaoglu et Erdős reste encore à prouver, bien qu'elle ait été vérifiée rigoureusement jusqu'à 10{{7}}. Si elle se révèle vraie, on peut en déduire que le ''n''-ième nombre colossalement abondant est le produit du précédent par un nombre premier ''p{{ind|n}}''. Cette suite (''p{{ind|n}}'') commencerait alors par : 2, 3, 2, 5, 2, 3, 7, 2… ({{OEIS|id=A073751}}). La conjecture d'Alaoglu et Erdős impliquerait également qu'il n'existe aucun ε donnant quatre entiers distincts comme maxima de la fonction ci-dessus.

== Lien avec l'hypothèse de Riemann ==

Dans les années 1980, Guy Robin, étudiant de thèse de Jean-Louis Nicolas, a montré<ref>{{Article
 | langue                 = fr
 | prénom1                = Guy
 | nom1                   = Robin
 | titre=Grandes valeurs de la fonction somme des diviseurs et hypothèse de Riemann
 | périodique             = [[Journal de mathématiques pures et appliquées]]
 | numéro                 = 63
 | année                  = 1984
 | pages                  = 187-213
}}.</ref> que l'[[hypothèse de Riemann]] équivaut à :

:<math>\forall n>5040\quad\sigma(n) < e^\gamma n \log \log n.</math>

Cette inégalité, appelée désormais ''inégalité de Robin'', est fausse pour ''n'' = {{formatnum:5040}}, et donc, si l'hypothèse de Riemann est vraie, alors {{formatnum:5040}} est le plus grand entier pour lequel elle n'est pas vérifiée. On sait aussi que si l'hypothèse de Riemann se révèle fausse, alors les entiers ''n'' ne vérifiant pas l'inégalité de Robin doivent nécessairement être des nombres colossalement abondants.

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Colossally abundant number|563036650|type=n}}
{{Références}}

{{Palette|Ensembles de divisibilité}}
{{Portail|arithmétique}}

[[Catégorie:Propriété arithmétique|Colossalement abondant]]