Voir la source de Nombre surréel

{{confusion|surréalisme|Nombre réel|Nombre pseudo-réel|Nombre superréel|Nombre hyperréel}}

[[Fichier:Surreal number tree.svg|vignette|Représentation d'une partie de l'arbre des nombres surréels.]]
En [[mathématiques]], les '''nombres surréels''' sont les éléments d'une classe incluant celle des [[Nombre réel|réels]] et celle des [[Nombre ordinal|nombres ordinaux]] [[Nombre transfini|transfinis]], et sur laquelle a été définie une structure de [[corps commutatif|corps]] ; ceci signifie en particulier que l'on définit des inverses des nombres ordinaux transfinis ; ces ordinaux et leurs inverses sont respectivement plus grands et plus petits que n'importe quel nombre réel positif. Les surréels ne forment pas un ensemble au sens de la [[Théorie des ensembles de Zermelo-Fraenkel|théorie usuelle]].

Les nombres surréels ont été introduits par [[John Conway]] et popularisés par [[Donald Knuth]] en [[1974]] dans son livre ''{{Langue|en|Surreal Numbers: How Two Ex-Students Turned on to Pure Mathematics and Found Total Happiness}}'' (littéralement ''Les Nombres surréels : comment deux ex-étudiants se mirent aux mathématiques pures et trouvèrent le bonheur total'')<ref>{{Harvsp|Knuth|1974}}.</ref>.

Les [[Nombre pseudo-réel|nombres pseudo-réels]], également introduits par Knuth, sont une sur-classe des nombres surréels, construits avec des conditions plus faibles que ces derniers.

== Nombres surréels ==
=== Présentation ===
La construction des nombres surréels est similaire à la [[construction des nombres réels]] via les [[coupure de Dedekind|coupures de Dedekind]], mais utilise le concept de [[récurrence transfinie]]. Elle repose sur la construction de nouveaux nombres représentés grâce à deux ensembles de nombres déjà construits, <math>L</math> et <math>R</math> (pour ''left'' et ''right'', gauche et droite), éventuellement vides. Le nouveau nombre ainsi construit, noté <math>\left \{ L | R \right \}</math>, sera plus grand que tout nombre de <math>L</math> et plus petit que tout nombre de <math>R</math>, selon un ordre qui sera défini plus loin. Pour que cela soit possible, on impose une restriction sur <math>L</math> et <math>R</math> : il faut que chaque nombre de <math>L</math> soit plus petit que chaque nombre de <math>R</math>.

=== Définition ===
Soient <math>L</math> et <math>R</math> deux ensembles de nombres surréels tels que :
* pour tout <math>x \in L</math> et tout <math>y \in R</math>, <math>x < y</math> (version stricte de la [[relation d'ordre]] large définie plus bas).
Alors, <math>\left \{ L | R \right \}</math> est un nombre surréel.

Étant donné un nombre surréel <math>X = \left \{ X_L | X_R \right \}</math>, on appelle <math>X_L</math> et <math>X_R</math> l'ensemble de gauche et l'ensemble de droite de <math>X</math>, respectivement.

Pour éviter l'inflation d'accolades, on abrégera <math>\left\{ \left\{X_{L_1}, X_{L_2}, \cdots \right\} | \left\{ X_{R_1},X_{R_2}, \cdots \right\} \right\}</math> en <math>\left\{ X_{L_1},X_{L_2},\cdots | X_{R_1},X_{R_2},\cdots \right\}</math>, <math>\left\{ \left\{ X_L \right\} | \emptyset \right\}</math> en <math>\left\{ X_L | \right\}</math> et <math>\left\{ \emptyset | \left\{ X_R \right\} \right\}</math> en <math>\left\{ | X_R \right\}</math>.

On constate qu'il s'agit d'une définition [[Fonction récursive|récursive]] (ou [[définition par récurrence|par récurrence]]) ; ce point est explicité plus loin.

=== Ordre ===
Pour que la définition ci-dessus ait un sens, il est nécessaire de définir une [[relation binaire]] (notée ≤) sur les nombres surréels.

Soient deux nombres surréels <math>X = \left \{ X_L | X_R \right \}</math> et <math>Y = \left \{ Y_L | Y_R \right \}</math>. <math>X\le Y</math> si et seulement si pour tout <math>x\in X_L</math>, on n’a jamais <math>Y\le x</math> et si pour tout <math>y\in Y_R</math>, on n'a jamais <math>y\le X</math>.

Là encore, cette définition est récurrente.

Cette relation ne définit qu'un [[préordre]] car elle n'est pas antisymétrique (on peut avoir <math>X\le Y</math> et <math>Y\le X</math> sans que <math>X = Y</math>, c'est le cas par exemple avec <math>\left\{ | \right\}</math> et <math>\left\{ -1|1 \right\}</math>). Pour contourner ce problème, on définit une nouvelle relation sur les nombres surréels :
: <math>X == Y \Leftrightarrow X \le Y \wedge Y \le X.</math>

Il s'agit d'une [[relation d'équivalence]] et l'ordre induit par ≤ sur les classes d'équivalence est un ordre total, une classe d'équivalence pouvant alors être considérée comme un nombre unique.

=== Opérations ===
* On définit l'addition de deux nombres surréels par :

::<math>X+Y = \left\{ X_L+Y \cup X+Y_L | X_R+Y \cup X+Y_R \right\}</math>

:avec <math>A+Y = \left\{ a+Y / a\in A \right\}</math> et <math>X+B = \left\{ X+b / b\in B \right\}</math>.

* La négation :

::<math>-X = \left\{ -X_R | -X_L \right\}</math>

:avec <math>-A = \left\{ -a / a\in A \right\}</math>.

* Quant à la multiplication de deux nombres surréels :

::<math>\begin{matrix} XY = & \left\{ (X_LY+XY_L-X_LY_L) \cup (X_RY+XY_R-X_RY_R) \right. \\ \ & | \left. (X_LY+XY_R-X_LY_R) \cup (X_RY+XY_L-X_RY_L) \right\} \end{matrix}</math>

:avec <math>AB = \left\{ ab / a\in A \wedge b\in B \right\}</math>.

Il est possible de montrer que ces opérations sont bien définies sur les nombres surréels. On peut les généraliser sans ambiguïté aux classes d'équivalence définies plus haut par :
* Si <math>[X]=[X']</math> et <math>[Y]=[Y']</math>, alors <math>[X+Y]=[X'+Y']</math>,
* <math>[-X]=[-X']</math> et
* <math>[XY]=[X'Y']</math>.

Finalement, on peut montrer que ces opérations sur les classes d'équivalence définissent un [[corps ordonné]], à ceci près qu'elles ne forment pas un [[ensemble]], mais une [[Classe (mathématiques)|classe propre]]. Il est possible de montrer qu'il s'agit du plus grand corps ordonné, c'est-à-dire que tout corps ordonné peut y être plongé (en respectant sa structure) ; en particulier, ce corps est [[corps réel clos|réel clos]].

À partir de maintenant, on ne fera plus la distinction entre un nombre surréel et sa classe d'équivalence et on appellera directement cette dernière nombre surréel.

=== Construction ===
On l'a vu, les deux définitions précédentes utilisent le principe de récurrence. Il est possible d'utiliser la [[Raisonnement par récurrence|récurrence ordinaire]], mais il est plus intéressant de prendre en compte la [[récurrence transfinie]].

Il peut sembler également nécessaire de créer un nombre surréel afin d'initier la récurrence<ref group=note>En réalité, ce n'est pas nécessaire si l'on applique correctement la définition de l'ensemble vide ; voir l'article « [[Récurrence transfinie]] » pour plus de détails à ce sujet.</ref> ; <math>\left\{ | \right\}</math> peut être défini grâce à l'[[ensemble vide]] et répond à cette fonction.

Désignons par <math>N_n</math>, pour un [[nombre ordinal|ordinal]] <math>n</math>, l'ensemble des nombres surréels créés à l'étape <math>n</math> de la récurrence, en prenant <math>N_0=\left\{ | \right\}</math>. On appelle '''date de naissance''' d'un nombre surréel <math>X</math> le plus petit ordinal <math>n</math> tel que <math>X \in N_n</math>.

Les nombres surréels créés en un nombre fini d'étapes (par un raisonnement de récurrence ordinaire, donc) sont assimilés aux [[fraction dyadique|rationnels dyadiques]] (c'est-à-dire les nombres <math>p/2^n</math> où p et n sont entiers).

=== Exemples ===
On définit de proche en proche :
* Les entiers :
:<math>0 = \left\{ | \right\}</math>
:<math>1 = \left\{ 0 | \right\}</math> et <math>-1 = \left\{ | 0 \right\}</math>
:<math>2 = 1+1 = \left\{ \left\{0,1\right\} | \right\}=\left\{ 1 | \right\}</math> et <math>-2 = \left\{ | -1 \right\}</math>
:<math>\cdots</math>
:<math>n+1 = \left\{ \left\{0,1,\cdots,n\right\} | \right\} = \left\{ n | \right\}</math>.

* Les [[Nombre dyadique|nombres dyadiques]] :
:<math>{1 \over 2} = \left\{ 0 | 1 \right\}</math>
:<math>{3 \over 2} = \left\{ 1 | 2 \right\}</math>
:<math>{1 \over 4} = \left\{ 0 | {1 \over 2 } \right\}</math>
:<math>\cdots</math>
:<math>\frac{N}{2^p} = \left \{ \frac{N - 1}{2^p} | \frac{N + 1}{2^p} \right \}</math> avec <math>N</math> impair et <math>p</math> entier <math> \geqslant 1</math>

* Les autres [[Nombre rationnel|nombres rationnels]], comme [[Coupure de Dedekind|coupures]] entre deux ensembles de nombres dyadiques, de la même façon que les [[Nombre irrationnel|nombres irrationnels]] sont définis comme coupures entre rationnels.
* Des infiniment grands, comme les [[nombre ordinal|ordinaux]] :
:<math>\omega = \left\{ \left\{0,1,2,3,\cdots\right\} | \right\} = \left\{ \mathbb N | \right\}</math> qui est plus grand que n'importe quel nombre entier
:<math>\omega + 1 = \left\{ \omega | \right\}</math>
:<math>\omega^2 = \left\{ \left\{\omega, 2\omega, 3\omega, \cdots \right\} | \right\}</math>
:<math>\omega^\omega = \left\{ \left\{\omega, \omega^2, \omega^3, \cdots \right\} | \right\}</math>
:: et aussi de nouveaux objets infiniment grands qui ne sont pas des ordinaux, comme
:<math>\omega - 1 = \left\{\left\{0,1,2,3,\cdots\right\}  | \omega \right\}</math>
:<math>\omega - 2 = \left\{\left\{0,1,2,3,\cdots\right\}  | \omega-1 \right\}</math>
:<math>\omega/2 = \left\{\left\{0,1,2,3,\cdots\right\}  | \left\{\omega,\omega-1,\omega-2,\cdots \right\}\right\}</math>
:<math>\sqrt \omega = \left\{\left\{0,1,2,3,\cdots\right\}  | \left\{\omega,\frac{\omega}{2},\frac{\omega}{3},\cdots \right\}\right\}</math>
(Attention : les opérations définies plus haut sur les surréels ne sont pas les opérations usuelles sur les ordinaux ; ainsi, la multiplication ordinale n'est pas commutative, contrairement à celle des surréels).

* Des infiniment petits :
:<math>\epsilon = \left\{ 0 | \left\{1, {1 \over 2}, {1 \over 3}, \cdots \right\} \right\}</math> qui est strictement positif mais inférieur à tout <math>1 \over n</math>, pour <math>n</math> entier positif.
On peut montrer que <math>\epsilon =1/ \omega</math>, c'est-à-dire que <math>\epsilon \times \omega = 1</math>.

À l'image des infiniment grands, il est possible de définir des objets comme
:<math>\sqrt \epsilon = \left\{ \left\{\epsilon , 2\epsilon , 3\epsilon , \cdots \right\} | \left\{1, {1 \over 2}, {1 \over 3}, \cdots \right\} \right\}</math>

* Mais aussi des objets plus inattendus, comme <math>\omega^{1/\omega}</math>, qui est infiniment grand, mais plus petit que <math>\sqrt\omega</math>, par exemple.

== Nombres pseudo-réels ==
{{loupe|Nombre pseudo-réel}}
On obtient les nombres pseudo-réels (''pseudo-real numbers'' selon la terminologie de Knuth) au lieu des nombres surréels si on enlève la condition qu'aucun élément de l'ensemble de droite ne peut être inférieur ou égal à un élément quelconque de l'ensemble de gauche. Les nombres surréels forment une sous-classe des nombres pseudo-réels.

Ces nombres pseudo-réels peuvent s'interpréter comme les valeurs de certains [[théorie des jeux|jeux]]. Ils sont à la base de la [[théorie des jeux combinatoires]] initiée par John Conway.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=note}}

=== Références ===
{{Références}}

== Annexes ==
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Donald Ervin|nom1=Knuth|titre=Surreal Numbers : How Two Ex-Students Turned on to Pure Mathematics and Found Total Happiness : A Mathematical Novelette|éditeur=Addison-Wesley Professional|année=1974|pages totales=119|isbn=0-201-03812-9}} ;
** Traduction française de Daniel E. Loeb et Hélène Loeb, ''Les Nombres Surréels, ou comment deux anciens étudiants découvrirent les mathématiques pures et vécurent heureux. Une romance mathématique de D. E. Knuth'' [http://tex.loria.fr/historique/loeb-nombres-surreels.pdf lire en ligne]
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[John Horton Conway|John H. Conway]]|titre=[[On Numbers and Games]]|lieu=Natick|éditeur=AK Peters|année=2001|numéro d'édition=2|année première édition=1976|pages totales=242|isbn=1-56881-127-6|oclc=45024457|lccn=00046927|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=tXiVo8qA5PQC&printsec=frontcover}}.
* {{ouvrage | langue = en | auteur = Lionel Elie Mamane | titre = Surreal Numbers in Coq | périodique = TYPES | année = 2004 | page = 170-185 | collection = Lecture Notes in Computer Science | volume = 3839 |éditeur = Springer | ISBN = 3-540-31428-8}}

=== Articles connexes ===
* [[Nombre]]
* [[Nombre ordinal]]
* [[Nombre hyperréel]]
* [[Nombre dyadique]]

=== Liens externes ===
* ''[http://tex.loria.fr/historique/loeb-nombres-surreels.pdf Les nombres surréels]'' - Traduction en français du livre de [[Donald Knuth]] par Daniel E. Loeb et Hélène Loeb, 1997 {{pdf}}
* [[Jean-Paul Delahaye]], « [https://www.pourlascience.fr/sd/mathematiques/surrealisme-mathematique-1207.php Surréalisme mathématique] », ''[[Pour la Science]]'', {{n°|372}}, {{date-|octobre 2008}}.


{{Palette|Notion de nombre}}{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Type de nombres|Surreel]]
[[Catégorie:Théorie des ordres]]
[[Catégorie:Théorie des jeux combinatoires]]
[[Catégorie:John Horton Conway]]