Voir la source de Nombre transcendant

{{Nombres irrationnels}}
En [[mathématiques]], un '''nombre transcendant''' est un nombre [[nombre réel|réel]] ou [[nombre complexe|complexe]] qui n'est [[Racine d'un polynôme|racine]] d'aucun [[polynôme]] non nul<center><math>a_0+a_1X+a_2X^2+\cdots +a_nX^n  </math></center>où {{math|''n''}} est un [[entier naturel]] et les coefficients {{math|''a{{ind|i}}''}} sont des [[Nombre rationnel|rationnels]] non tous nuls, ou encore (en multipliant ces {{math|''n'' + 1}} rationnels par un [[dénominateur commun]]) qui n'est racine d'aucun polynôme non nul à coefficients [[Entier relatif|entiers]]. Un nombre réel ou complexe est donc transcendant si et seulement s’il n'est pas [[nombre algébrique|algébrique]].

Comme tout nombre rationnel est algébrique, tout nombre transcendant est donc un [[nombre irrationnel]]. La [[réciproque]] est fausse : par exemple [[racine carrée de deux|{{sqrt|2}}]] est irrationnel mais n'est pas transcendant, puisqu'il est solution de l'[[équation polynomiale]] {{math|1=''x''{{2}} – 2 = 0}}.

Puisque [[Nombre algébrique#Propriétés|l'ensemble des nombres algébriques est dénombrable]], l'ensemble des réels transcendants est [[Ensemble infini non dénombrable|non dénombrable]] (il a la [[puissance du continu]]), et [[Ensemble négligeable#Mesure de Lebesgue|presque tout]] nombre (parmi les réels ou les complexes) est transcendant. Néanmoins, seulement peu de classes de nombres transcendants sont connues et prouver qu'un nombre donné est transcendant peut être extrêmement difficile.

Les exemples les plus connus de nombres transcendants sont [[Pi|{{math|π}}]] et [[e (nombre)|{{math|e}}]].

== Histoire ==

[[Leibniz]] {{évasif|fut probablement la première personne à croire en l'existence}} de nombres transcendants. Le nom « transcendant » vient de sa publication de [[1682]], où il démontra que [[sinus (mathématiques)|sinus]] n'est pas une [[fonction algébrique]]. L'existence des nombres transcendants fut prouvée pour la première fois en [[1844]] par [[Joseph Liouville]]<ref group=N name=NombreLiouville>Voir l'article « [[Nombre de Liouville]] ».</ref>, qui exhiba des exemples, incluant la [[nombre de Liouville|constante de Liouville]] :

:<math>
c = \sum_{j=1}^\infty 10^{-j!} = 0{,}110001000000000000000001000\ldots
</math>

dans laquelle le ''n''-ième chiffre après la virgule est 1 si ''n'' est une [[factorielle]] (l'un des nombres 1, 2, 2×3 = 6, 2×3×4 = 24, etc.) et 0 sinon ; ce nombre est particulièrement bien approché par les [[nombre rationnel|nombres rationnels]]. Joseph Liouville montra que les nombres ayant cette propriété (que nous nommons maintenant [[nombre de Liouville|nombres de Liouville]]) sont tous transcendants<ref group=N>Voir l'article « [[Théorème de Liouville (approximation diophantienne)]] ».</ref>.

[[Jean-Henri Lambert]], prouvant entre autres<ref group=N>Pour plus de détails sur les résultats de Lambert, voir la [[Fraction continue et approximation diophantienne#Irrationalité|section « Irrationalité » de l'article « Fraction continue et approximation diophantienne »]].</ref> l'[[nombre irrationnel|irrationalité]] de {{math|π}} et redémontrant celle de {{math|e}}, [[Conjecture|conjectura]] qu'ils étaient même transcendants. Le premier nombre à avoir été démontré transcendant sans avoir été construit spécialement pour cela fut {{math|e}}, par [[Charles Hermite]] en [[1873]]<ref group=N name=HermiteLindemann>Voir l'article « [[Théorème d'Hermite-Lindemann]] ».</ref>.

En [[1874]], [[Georg Cantor]] démontra que les nombres algébriques réels sont [[Ensemble dénombrable|dénombrables]] et les nombres réels sont [[Ensemble infini non dénombrable|non dénombrables]] ; il fournit également une nouvelle méthode permettant de construire des nombres transcendants<ref>[http://www.digizeitschriften.de/main/dms/img/?PPN=GDZPPN002155583 Über eine Eigenschaft des Inbegriffes aller reellen algebraischen Zahlen]. Traduction française : [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86243w/f24.item Sur une propriété du système de tous les nombres algébriques réels].</ref>. En [[1878]], Cantor publia une construction démontrant qu'il y a « autant » de nombres transcendants que de nombres réels<ref>En 1878, Cantor ne construisit qu'une [[bijection]] entre l'ensemble des nombres irrationnels et l'ensemble des nombres réels (voir [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86243w/f42.item Une contribution à la théorie des ensembles], {{p.}}323-324). Toutefois, l'année suivante, il indiqua que sa construction s'applique à tout ensemble formé en supprimant une quantité dénombrable de nombres d'un intervalle réel (voir [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k86243w/f52.item Sur ensembles infinis et linéaires de points], {{p.}}353).</ref>. Ces résultats établissant l'ubiquité des nombres transcendants.

En [[1882]], [[Ferdinand von Lindemann]] démontra que {{math|e}} à n'importe quelle puissance algébrique non nulle est transcendant, prouvant ainsi entre autres la transcendance de {{math|π}}<ref group=N name=HermiteLindemann/>. Cette approche fut généralisée par [[Karl Weierstrass]] avec le [[théorème de Lindemann-Weierstrass]] (en 1885).

La transcendance de {{math|π}} a permis la démonstration de l'impossibilité de résoudre plusieurs problèmes anciens de construction géométrique [[Construction à la règle et au compas|à la règle et au compas]], incluant le plus célèbre d'entre eux, la [[quadrature du cercle]].

En [[1900]], [[David Hilbert]] a posé une importante question à propos des nombres transcendants, connue sous le nom de [[septième problème de Hilbert]] : « Si ''a'' est un nombre algébrique non nul et différent de 1 et si ''b'' est un nombre algébrique irrationnel, alors le nombre ''a{{exp|b}}'' est-il nécessairement transcendant ? »
La réponse, affirmative, fut donnée en [[1934]] par le [[théorème de Gelfond-Schneider]]. On peut obtenir facilement des nombres transcendants grâce à lui, par exemple 2<sup>{{racine|2}}</sup>.

Ce travail fut étendu par [[Alan Baker]] dans les [[années 1960]].

== Quelques nombres transcendants connus ==

* Par le [[théorème d'Hermite-Lindemann]],
** le [[e (nombre)|nombre {{math|e}}]] (base des [[logarithme]]s [[John Napier|népériens]]), et plus généralement
*** les nombres <math> \mathrm e^a</math> pour tout nombre <math>a</math> algébrique non nul ;
** le nombre <math>\sin 1</math>, et plus généralement
*** les nombres <math>\cos a</math> et <math>\sin a</math>, pour tout nombre <math>a</math> algébrique non nul.
* Par la [[contraposée]] de ce même théorème,
** le [[pi|nombre {{math|π}}]],
** les nombres <math>\ln a</math> si <math>a</math> est un réel algébrique strictement positif et différent de 1,
** le [[nombre de Dottie]].
* Par le [[théorème de Gelfond-Schneider]],
** le nombre 2<sup>{{racine|2}}</sup> ([[constante de Gelfond-Schneider]]),
** le nombre réel {{math|1=e{{exp|π}} = (–1){{exp|–i}}}} ([[constante de Gelfond]]),
** le nombre réel {{math|e{{exp|–π/2}} {{=}} i{{exp|i}}}} ([[racine carrée]] de l'inverse du précédent),
** plus généralement les nombres <math>a^b</math> où <math>a</math> est un nombre algébrique différent de 0 et de 1 et où <math>b</math> est algébrique mais non rationnel.
* Par la contraposée de ce même théorème,
** des nombres tels que <math>{\ln3\over \ln2}=\log_23 </math>.
* Des nombres tels que <math>x\ln 2 + y\ln 3 + z\ln 5</math> avec <math>x, y, z</math> algébriques non tous nuls (voir le [[théorème de Baker]]).
* {{math|Γ(1/3)}}, {{math|Γ(1/4)}} et {{math|Γ(1/6)}}, où {{math|Γ}} est la [[fonction gamma|fonction gamma d'Euler]] (chacun de ces nombres est même [[Indépendance algébrique|algébriquement indépendant]] de {{math|π}}).
* Le [[Constante de Champernowne|nombre de Champernowne]] 0,12345678910111213… obtenu en écrivant à la suite les [[entier naturel|entiers naturels]] en [[Système décimal|base dix]] (théorème de [[Kurt Mahler|Mahler]], [[1961]])
* Les [[Nombre de Liouville|nombres de Liouville]], comme <math>\sum_{k=0}^{+\infty} 10^{-\lfloor \beta^{k} \rfloor};\qquad \beta > 1\; , </math><br />où <math>\lfloor x \rfloor</math> est la [[partie entière]] du réel <math>x</math>. Par exemple, si <math>\beta=2</math>, ce nombre est 0,11010001000000010000000000000001000…
* Les sommes de certaines séries à convergence rapide, mais moins que celle des nombres de Liouville, ont été montrées transcendantes par des généralisations de son résultat ; c'est par exemple le cas de la série des inverses des [[Nombre de Fermat|nombres de Fermat]]<ref>{{article |lang=en |titre=Remarks on the Irrationality and Transcendence of certain series |auteur1=Wolfgang Schawrz |périodique=Mathematica Scandinavica |volume=20 |numéro=2 |année=1967 |pages=269-274}}</ref> ou des nombres de Fredholm de deuxième espèce<ref>{{article |lang=en |titre=Simple Continued Fractions for the Fredholm Numbers |auteur1=Attila Peth |périodique=Journal of Number Theory |volume=14 |pages=232-236 |année=1982 |lire en ligne=https://pdf.sciencedirectassets.com/272482/1-s2.0-S0022314X00X01412/1-s2.0-0022314X82900488/main.pdf?X-Amz-Security-Token=IQoJb3JpZ2luX2VjEIT%2F%2F%2F%2F%2F%2F%2F%2F%2F%2FwEaCXVzLWVhc3QtMSJGMEQCIECBIr7njwMij9AiZoUFJAMNdeO%2FrQKch9u6J%2BNcFGIYAiBgrZA3a7BB3fvb6B6w464xUluSV9UDJC0BHB6hRWkG0CqzBQhdEAUaDDA1OTAwMzU0Njg2NSIM4Dqk7gM5bzYASPwdKpAFnCD0GiwNqGcuERCdAEECL4A6QuLDAr8BpYrA4PktlpG6mWAY5nZnP3SXj%2Bho3vBWmMJKv0BFxtUnUs90WFkXLLp6KjUtj%2ByBZGYu4OgZKU2cEjICzfR2g65TdwC%2Fg3woXgnEGSf9kyosoTMbH3HLF5FsReb3JIb3onplbU%2F4dhmRiB6Zo%2BogSXa3w9G3pjlsE8KKZhyac%2Fkqo6y0x1P0jR%2FuDKaTDFDnMw73iMx86WK6YQuMyCrKO9v%2FnRFWKHxqBwIwmv3CpkBiyyZkg7r2mM5qa0igynApSvmu79JFXyxZjzD1N7A0b%2FZX7A9l%2Bb9h6iolq0OhCaUuv5NYiYUdFTjr0nhm9vXDXUm7bYOH9Sd%2B8c8zsJA2UCaNsluPDnqw1UFnSq2xZx4XBnnseTHSl6nSKpe6cKTTYPhCCOuqbTrAY081Pi7LLTZKyBnla%2B%2BxW73SGOn6Gfk1Vx60iRvGPHDQnsgIFgl%2F11LSFBSD%2F9T7BZZAYiZ1CO4OOHHn1f8KZPfKSbtO6yAqt%2Fq2ps6xlo5Np8sGGqfWN5ZR0gyPLM8Jm0PngiSiabFMAlJsLIoAJtVbhXEFvyNgc9pdCFIpJwJNDLu%2Fnn3ildwDE2ZNw2NIqGWae9db%2FFOsQvdPpsyyrQE3dV7VSxkcUZQQRAnaoMwdeCXrLyppB1JqqBQEvoRR9%2Fkz1KxAnmN6WEkBkbtzeEipiRFliQnz723xcjKPIeL6ZFsbSi3LiSNrs0%2Bjg8JJP3TS82gDNYaqlCltkS8MXxvI1pzgBYBgcZpiy0mwoT4hvJWBZwlk4CZQHshT6EaLOLGCqLbuPrlhNq0eXwx8ojtWDBGkmaMHW4RjRIB3TjzMsT5JOYUw90VAJE3DBiswh6PcpwY6sgHuJ9bxXCLZ5nNQjPWw3m4k4feCrXwCrtYzvSBQfR9HIzn0RjWswhIyBLnTTr%2BSKwXGmvvAG%2FCbKiDJ7GEM0RGeVmTeGYjIbN5ryb3cWrupNtFJt42dpNzGKis5pSCUIRhaUPWu%2F5pjB1a2CyLpE4GdLyIAoEuVve1%2BWVv0DJ2pJ7DDWzn%2F3A44BGo3d%2F9MQLcimNz%2BWzXztXuw%2FRY774UZ7N0UK%2BtLNiN5twhOePuD4GdV&X-Amz-Algorithm=AWS4-HMAC-SHA256&X-Amz-Date=20230905T121055Z&X-Amz-SignedHeaders=host&X-Amz-Expires=300&X-Amz-Credential=ASIAQ3PHCVTY4OEP3XWK%2F20230905%2Fus-east-1%2Fs3%2Faws4_request&X-Amz-Signature=9ee90bf486727d8ee828c0a2ac41187a6cace0abec254b4715eec49f7aa56e2a&hash=e0789750448022c97169a752d952682ada383f7dba86d69c2ee73370e9869128&host=68042c943591013ac2b2430a89b270f6af2c76d8dfd086a07176afe7c76c2c61&pii=0022314X82900488&tid=spdf-347a0acd-066a-4850-b836-99dbbfdd1496&sid=bb11d5de7fc8034e6e19e2b8371c8a59fc43gxrqb&type=client&tsoh=d3d3LnNjaWVuY2VkaXJlY3QuY29t&ua=1c145853550b5208570406&rr=801e5f2cde9a0d75&cc=fr}}</ref>.
* À l'aide de [[Suite automatique|suites automatiques]] :
** les nombres dont le [[développement décimal]] (ou dans une autre base) est défini par une suite automatique<ref name=ab>{{article|lang=en|auteur=Boris Adamczewski|auteur2=Yann Bugeaud
|titre=On the complexity of algebraic numbers. I. Expansions in integer bases
|journal=Ann. of Math
|volume=165|numéro=2|année=2007|pages=547-565|url=http://adamczewski.perso.math.cnrs.fr/ComplexityI.pdf}}.</ref> qui n'est pas périodique à partir d'un certain rang<ref group = N>Les nombres dont le développement décimal est périodique sont les [[nombres rationnels]].</ref> ;
** les [[Fraction continue|fractions continues]] dont la suite des quotients partiels est automatique<ref>{{Article|lang=en|auteur=Yann Bugeaud|titre=Automatic continued fractions are transcendental or quadratic|revue=[[Annales scientifiques de l'École normale supérieure|ASENS]]|série=4|vol=46|année=2013|numéro=6|p.=1005-1022|doi=10.24033/asens.2208|arxiv=1012.1709}}.</ref> mais n'est pas<ref group=N>D'après [[Fraction continue d'un irrationnel quadratique#Période|un théorème de Lagrange]], les fractions continues périodiques à partir d'un certain rang correspondent aux [[Irrationnel quadratique|irrationnels quadratiques]].</ref> [[Suite périodique|périodique]] à partir d'un certain rang.
* {{math|Ω}}, [[constante de Chaitin]], et plus généralement : chaque nombre non [[nombre calculable|calculable]] est transcendant (puisque tous les nombres algébriques sont calculables).
* La [[constante de Prouhet-Thue-Morse]]

Toute [[fonction algébrique]] non constante à une variable donne une valeur transcendante lorsqu'on lui applique une valeur transcendante. Donc, par exemple, en sachant que {{math|π}} est transcendant, nous pouvons immédiatement déduire que {{math|5π}}, {{sfrac|(π – 3)|√2}}, ({{racine|π}} – {{racine|3}}){{8}} et ({{math|π}}{{5}}+7){{expInd|{{sfrac|1|7}}|}} sont aussi transcendants.

Néanmoins, une fonction algébrique à plusieurs variables peut donner un nombre algébrique lorsqu'elle est appliquée aux nombres transcendants si ces nombres ne sont pas [[Indépendance algébrique|algébriquement indépendants]]<ref group=N name=SommeProduit/>. On ignore si {{math|π + e}}, par exemple est transcendant, mais au moins l'un des deux nombres {{math|π + e}} et {{math|πe}} est transcendant. Plus généralement, pour deux nombres transcendants ''a ''et ''b'', au moins l'un des nombres ''a + b ''et ''ab ''est transcendant. Pour voir cela, considérons le polynôme {{nobr|1=(''X – a'')(''X – b'') = ''X''{{2}} – (''a + b'')''X + ab'' ;}} si ''a + b ''et ''ab ''étaient tous deux algébriques, alors ce polynôme serait à coefficients algébriques. Comme les nombres algébriques forment un [[corps algébriquement clos]], ceci impliquerait que les racines du polynôme, ''a'' et ''b'' soient algébriques. Mais ceci est une contradiction et ainsi, au moins un des deux coefficients est transcendant.

== Classification des nombres transcendants ==
[[Kurt Mahler]] a introduit en 1932 une [[partition (mathématiques)|partition]] des nombres transcendants en trois ensembles, qu'il note '''S''', '''T''', et '''U'''<ref name=Bug250>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Yann Bugeaud|titre=Distribution Modulo One and Diophantine Approximation|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|collection=Cambridge Tracts in Mathematics|numéro dans collection=193|année=2012|pages totales=300|passage=250|isbn=978-0-521-11169-0|lire en ligne={{Google Livres|NeEpoAf7k0IC|page=250}}}}.</ref>. La définition de ces classes repose sur une généralisation de la notion de [[mesure d'irrationalité]].

=== Mesure de transcendance d'un nombre complexe ===
Soit <math>z</math> un nombre complexe. On cherche à évaluer à quel point il est possible d'approcher <math>z</math> par une racine d'un polynôme à coefficients entiers en fonction de son degré (inférieur ou égal à un entier <math>n</math>) et de ses coefficients (de module majoré par un entier <math>H</math>).

Soit <math>m(z,n,H)</math> la plus petite valeur non nulle prise par <math>|P(z)|</math> quand <math>P</math> parcourt cet [[ensemble fini]] de polynômes. On note (avec <math>\limsup</math> désignant la [[Limites inférieure et supérieure|limite supérieure]]) :
* <math>\omega(z, n, H) = - \frac{\log m(z, n, H)}{n\log H}</math>
* <math>\omega(z, n)= \limsup_{H\to\infty} \omega(z,n,H)</math>.

Dans le cas où <math>n = 1</math> on reconnaît le logarithme de la mesure d'irrationalité.
On définit trois classes<ref name = "boyer">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pascal Boyer|titre=Petit compagnon des nombres et de leurs applications|lieu=Paris|éditeur=Calvage et Mounet|année=2019|pages totales=648|passage=284 - 286|isbn=978-2-916352-75-6|partie=III - Corps et théorie de Galois|numéro chapitre=2.6|titre chapitre=Classification de Mahler des nombres transcendants}}.</ref>
*'''U''' est l'ensemble des nombres complexes <math>z</math> tels que <math>\omega(z, n)= +\infty</math> au-delà d'un certain <math>n</math> (qu’on appelle le degré de <math>z</math>) ;
*'''T''' est l'ensemble des nombres complexes <math>z</math> tels que la suite <math>\left(\omega(z, n)\right)</math> est à valeurs finies mais n'est pas bornée ;
*'''S''' est l'ensemble des nombres complexes <math>z</math> tels que la suite <math>\left(\omega(z, n)\right)</math> est bornée.

=== Exemples ===
Tout nombre transcendant est dans l'une des classes '''S''', '''T''' ou '''U''' ; mais la classification précise est parfois difficile à établir. On ne sait par exemple pas si <math>\pi</math> est dans '''S''' ou dans '''T'''<ref>{{Ouvrage | langue=en | auteur1=Edward B. Burger | auteur2=Robert Tubs | titre=Making Transcendence Transparent : An Intuitive Approach to Classical Transcendental Number Theory | lieu=New York | éditeur=[[Springer Science+Business Media|Springer]] | année=2004 | pages totales=263 | passage=182 | isbn=978-0-387-21444-3 | lire en ligne={{Google Livres|TRNxKFMuNPkC|page=182}}}}.</ref>. En revanche dans certains cas particuliers il est possible de conclure plus finement.

==== Éléments de la classe U ====
* Par définition, un [[nombre de Liouville]] <math>\lambda</math> est tel que <math>\omega(\lambda, 1)= +\infty</math>. La classe '''U''' contient donc l'ensemble des nombres de Liouville<ref name = "boyer"/>, qui a la [[puissance du continu]]<ref group=N name=NombreLiouville/>.
* Pour tout entier <math>n</math>, la [[Racine d'un nombre|racine ''n''-ième]] {{sqrt|''λ''|n=''n''}} de tout nombre de Liouville ''λ'' est un élément de '''U''' de degré <math>n</math><ref>{{Harvsp|Baker|1990|p=90}}.</ref>.

==== Éléments de la classe S ====
La [[fonction exponentielle]] envoie tout nombre algébrique non nul sur un élément de '''S'''<ref name="BurgerTubbs">{{Harvsp|Burger|Tubs|2004|p=169}}.</ref>, ce qui précise le [[théorème d'Hermite-Lindemann]]. D'après le [[théorème de Lindemann-Weierstrass]], '''S''' contient donc un [[ensemble dénombrable]] [[indépendance algébrique|algébriquement libre]] (sur <math>\Q</math>).

Le [[Nombre cardinal|cardinal]] de '''S''' (égal à son [[degré de transcendance]]) est en fait la [[Théorème de Steinhaus#Corollaire|puissance du continu, et même]] : [[presque tout]] réel appartient à '''S'''<ref>{{Harvsp|Bugeaud|2012|p=251}}.</ref>.

==== Éléments de la classe T ====
Lorsque Mahler publia sa partition des nombres transcendants, il conjecturait que '''T''' est non [[Ensemble vide|vide]]. Cette conjecture ne fut démontrée que 35 ans plus tard, par [[Wolfgang M. Schmidt]]<ref>{{en}} W. M. Schmidt, « T-numbers do exist », ''Symposia Math. IV, {{Lien|lang=it|Istituto nazionale di alta matematica|texte=Ist. Naz. di Alta Math.}}, Rome, 1968'', Academic Press, 1970, {{p.|3-26}}.</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|lang=en|auteur=W. M. Schmidt|titre=Mahler's T-numbers|titre ouvrage=1969 Number Theory Institute|collection=Proc. Symp. Pure Math.|numéro dans collection=20|année=1971|page=275-286}}.</ref>{{,}}<ref name = "boyer"/>. La classe '''T''' a même la puissance du continu<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Yann Bugeaud|titre=Approximation by Algebraic Numbers|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=2004|pages totales=292|passage=147|isbn=978-0-521-82329-6|lire en ligne={{Google Livres|iAg8FL5jKSgC}}|numéro chapitre=7|titre chapitre=On T-numbers and U-numbers}}.</ref>.

=== Propriétés algébriques ===
La somme ou le produit de deux nombres transcendants peuvent ne pas être transcendants, ni même irrationnels<ref group="N" name="SommeProduit">Par exemple <math>\pi + (- \pi) =0</math> et <math>\pi\times\frac1\pi=1</math>.</ref>. La partition de Mahler offre cependant une [[condition suffisante]] d'indépendance algébrique :
{{Théorème|
Deux nombres transcendants appartenant à deux classes différentes sont [[Indépendance algébrique|algébriquement indépendants]]<ref name="BurgerTubbs"/>.
|style=display:table}}
<!--
La réciproque est fausse {{supra|Éléments de la classe S}}.
De toutes façons, si elle était vraie, en prenant 4 nombres algébriquement indépendants on tomberait sur une absurdité.-->

== Problèmes ouverts ==

On ignore si les nombres suivants sont ou non transcendants :
* {{math|e + π}}, {{math|eπ}}, {{math|e{{exp|e}}}}, {{math|π{{exp|e}}}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=[[Eli Maor]] |titre=E : The Story of a Number |éditeur=[[Princeton University Press]] |année=1994 |passage=38 |lire en ligne={{Google Livres|CtPvBvouvmYC|page=38}} |titre chapitre=Some Curious Numbers related to e}}.</ref> , mais il est sûr que l'une des deux {{math|e + π}}, ou  {{math|eπ}} est transcendante.
*{{math|π - e}}, {{math|e/π}}, {{math|π{{exp|π}}}} ;
* la [[constante d'Euler-Mascheroni]] {{math|γ}}, la [[constante de Catalan]] et la [[constante de Brun]] (dont on ignore même si elles sont irrationnelles) ;
* la [[constante d'Apéry]] {{math|ζ(3)}} (dont on sait qu'elle est irrationnelle).
* la [[Constante de Gompertz|constante d'Euler-Gompertz]] <math> \delta = \int_0^\infty\ln(1+x)e^{-x}\mathrm{d}x </math>, mais l'une des deux [[Constante d'Euler-Mascheroni|constantes d'Euler-Mascheroni]] et d'Euler-Gompertz est  transcendante<ref>{{Article|langue=EN|prénom1=Tanguy|nom1=Rivoal|titre=On the arithmetic nature of the values of the gamma function, Euler's constant, and Gompertz's constant|périodique=Michigan Mathematical Journal|volume=61|numéro=2|pages=239-254|date=2012|issn=0026-2285|doi=10.1307/mmj/1339011525|lire en ligne=https://projecteuclid.org/euclid.mmj/1339011525}}.</ref>.

Tous les [[Nombre de Liouville|nombres de Liouville]] sont transcendants mais les nombres transcendants ne sont pas tous des nombres de Liouville. Tout nombre de Liouville doit avoir des termes non bornés dans son développement en [[fraction continue]], donc en utilisant un argument de dénombrement, on peut montrer qu'il existe des nombres transcendants qui ne sont pas des nombres de Liouville. En utilisant le développement explicite en fraction continue de {{math|e}}, on peut montrer que {{math|e}} n'est pas un nombre de Liouville. [[Kurt Mahler]] montra en 1953 que {{math|π}} n'est pas non plus un nombre de Liouville. On conjecture souvent<ref>{{Article|lang=en|revue=[[Acta Mathematica|Acta Math.]]|vol=95|no=1|année=2005|p.=1-20|titre=On the complexity of algebraic numbers, II. Continued fractions|auteur=Boris Adamczewski|auteur2=Yann Bugeaud|url=https://projecteuclid.org/euclid.acta/1485891760}}.</ref> que toutes les fractions continues à quotients partiels bornés qui ne sont pas périodiques à partir d'un certain rang sont transcendantes.

La généralisation du [[septième problème de Hilbert]] qui serait de caractériser les transcendants parmi tous les nombres ''a{{exp|b}}'' lorsque ''a'' ≠ 0 et ''a'' ≠ 1 est algébrique, {{refsou|reste non résolue}}. On sait que si ''b'' est rationnel alors ''a{{exp|b}}'' est algébrique, et (d'après le théorème de Gelfond-Schneider mentionné plus haut) que si ''b'' est algébrique irrationnel alors ''a{{exp|b}}'' est transcendant, mais qu'en est-il si ''b'' est transcendant ? (Il peut arriver que ''a{{exp|b}}'' soit algébrique, comme dans l'exemple ''a'' = 2, ''b'' = log(3)/log(2).)

== Généralisations ==

Si ''L ''est une [[extension de corps]] de ''K'', un élément de ''L ''est dit transcendant sur ''K ''s’il n'est pas [[élément algébrique|algébrique]] sur ''K''. C’est en particulier le cas des [[fonction transcendante|fonctions transcendantes]].

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Transcendental number|796494317|type=note}}

=== Notes ===
{{Références|group = N}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
| wiktionary=nombre transcendant
| wikisource=de:David Hilbert Gesammelte Abhandlungen Erster Band – Zahlentheorie/Kapitel 1 | wikisource titre=Über die Transzendenz der Zahlen e und π.
}}

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Alan Baker]]|titre=Transcendental Number Theory|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1990|année première édition=1975|pages totales=165|isbn=978-0-521-39791-9|lire en ligne={{Google Livres|SmsCqiQMvvgC}}}}
* {{Ouvrage|auteur1=Daniel Duverney|titre=Théorie des nombres|éditeur=[[Dunod]]|année=2007}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=[[Joseph Lipman]]|titre=Transcendental Numbers|lieu=Kingston (Ontario)|éditeur=[[Queen's University]]|année=1966|lire en ligne=https://www.math.purdue.edu/~lipman/papers-older/%5B1966%5D%20Transcendental%20Numbers.pdf}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur={{Lien|Kumiko Nishioka}}|titre=Mahler Functions and Transcendence|éditeur=[[Springer Science+Business Media|Springer]]|collection=Lecture Notes in Mathematics|numéro dans collection=1631|année=1996}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Andrei Shidlovskii|titre=Transcendental Numbers|éditeur=[[de Gruyter]]|collection=Studies in Mathematics|numéro dans collection=12|année=1989}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Michel Waldschmidt]]|titre=Nombres transcendants|éditeur=Springer|collection=Lecture Notes in Mathematics|numéro dans collection=402|année=1974|lire en ligne={{Google Livres|IJ17CwAAQBAJ}}}}

=== Articles connexes ===
* [[Nombre algébrique]]
* [[Théorème des six exponentielles]]
* [[Théorie des nombres transcendants]]
* [[Transcendance#En mathématiques|Transcendance]]

{{Palette|Notion de nombre}}
{{Portail|théorie des nombres}}

[[Catégorie:Nombre transcendant|*]]
[[Catégorie:Type de nombres|Transcendant]]