Voir la source de Noyau atomique

{{voir homonymes|noyau}}
[[Fichier:Helium atom QM.png|vignette|Noyau atomique de l'hélium.]]
Le '''noyau atomique''' est la région située au centre d'un [[atome]], constituée de [[proton]]s et de [[neutron]]s (les [[nucléon]]s). La taille du noyau (de l'ordre du [[femtomètre]], soit {{unité|e-15 m}}) est environ {{nombre|100000 fois}} plus petite que celle de l'atome ({{unité|e-10 m}})<ref group=alpha>L'atome est donc essentiellement constitué de [[vide quantique|vide]], son [[volume]] étant très supérieur au volume cumulé des [[électron]]s et du noyau qui le constituent.</ref> et concentre quasiment toute sa [[masse]]. Les [[Force nucléaire|forces nucléaires]] qui s'exercent entre les nucléons sont à peu près un million de fois plus grandes que les forces entre des atomes ou des [[molécule]]s. 

De nombreux noyaux, dits [[Radioactivité|radioactifs]], sont instables et se transforment spontanément en d'autres noyaux en émettant un électron, un [[positon]] ou un [[hélion (chimie)|hélion]], en capturant un électron ou en se divisant en plusieurs noyaux, voire {{incise|pour certains noyaux particulièrement excédentaires en protons ou bien en neutrons}} en émettant un ou plusieurs neutrons ou [[proton]]s.

Les noyaux peuvent aussi être sujets à une [[transmutation]] provoquée par l'impact d'un autre noyau, d'une [[particule subatomique|particule]] ou d'un [[rayonnement électromagnétique]].

== Notation ==
Un noyau atomique est représenté par le symbole  {{Nucléide|{{mvar|A}}|{{mvar|Z}}|{{serif|M}}}}, composé de :
* son symbole chimique {{serif|M}} ([[Liste des éléments chimiques|H, He, Li, etc.]]) ;
* son [[nombre de masse]] {{mvar|A}} (égal au nombre de [[nucléon]]s de l'atome, soit  [[proton]]s +  [[neutron]]s), placé en haut et à gauche du symbole chimique ;
* son [[numéro atomique]] {{mvar|Z}} (égal au nombre de [[proton]]s), placé en bas et à gauche du symbole chimique ; ce dernier est souvent omis car il est implicitement défini par le symbole chimique.

== Isotopes, isobares et isomères ==
=== Isotopes ===
{{Article détaillé| Isotope}}
Les [[isotope]]s sont des noyaux (ou des atomes) ayant le même nombre de protons (même [[numéro atomique]] <math>Z</math>) mais un nombre différent de neutrons <math>N</math>, d'où un [[nombre de masse]] <math>A</math> différent (<math>A=Z+N</math>). Le numéro atomique est ce qui caractérise un [[élément chimique]], il est égal au nombre d'[[électron]]s dans l'atome neutre.

Pour un même élément, il existe dans le milieu naturel différents isotopes possédant des nombres de neutrons différents, et on en produit d'autres au laboratoire. Par exemple, le [[protium]] {{Nucléide|1|1|H|Protium}}, le [[deutérium]] {{Nucléide|2|1|H|Deutérium}} et le [[tritium]] {{Nucléide|3|1|H|Tritium}} sont trois [[isotopes de l'hydrogène]] présents dans la nature, et on a synthétisé les isotopes {{Nucléide|4|1|H|Isotopes de l'hydrogène#Hydrogène 4 (quadrium)}}, {{Nucléide|5|1|H|Isotopes de l'hydrogène#Hydrogène 5}}, {{Nucléide|6|1|H|Isotopes de l'hydrogène#Hydrogène 6}} et {{Nucléide|7|1|H|Isotopes de l'hydrogène#Hydrogène 7}}.

Les différents isotopes d'un même élément possèdent des propriétés physiques et chimiques similaires<ref group=alpha>Ces propriétés ne sont toutefois pas identiques, surtout quand elles caractérisent des états éloignés de l'équilibre (voir l'article « [[Fractionnement isotopique]] »). Les différences sont particulièrement notables pour les éléments les plus légers ([[hydrogène|H]], [[hélium|He]], [[lithium|Li]], [[béryllium|Be]], [[bore|B]], [[carbone|C]], [[azote|N]] et [[oxygène|O]]).</ref>, car elles dépendent essentiellement de son nombre d'électrons. Cependant, leur différence de [[masse atomique]] permet de les séparer à l'aide d'une [[centrifugation|centrifugeuse]] ou d'un [[spectrométrie de masse|spectromètre de masse]].

Les isotopes se différencient également par leur stabilité et leur [[demi-vie]] (ou [[période radioactive]]) : les isotopes déficitaires ou excédentaires en neutrons sont souvent instables, et donc [[Radioactivité|radioactifs]]. Par exemple, le {{nobr|[[carbone 12]]}} (le plus abondant) et le {{nobr|[[carbone 13]]}} sont [[Isotope stable|stables]], alors que sont radioactifs les isotopes du carbone plus « lourds » que {{Nucléide|13||C|Carbone 13}} (comme le {{nobr|[[carbone 14]]}}, avec une demi-vie de {{unité|5730|années}}) ou plus « légers » que {{Nucléide|12||C|Carbone 12}} (comme le {{nobr|[[carbone 11]]}}, avec une demi-vie de {{unité|20|minutes}})<ref>{{en}} [http://environmentalchemistry.com/yogi/periodic/C-pg2.html#Nuclides Table des isotopes du carbone] sur environmentalchemistry.com, et qui indique, entre autres, la stabilité (ou l’instabilité) de ces isotopes. En particulier voir la colonne « Half Life », laquelle indique la [[demi-vie]] de l’isotope, sauf s’il s’agit d’un isotope stable. Consultée le 6 février 2011.</ref>. À noter qu’il existe également des éléments pour lesquels ''tous'' les isotopes sont instables, comme le [[technétium]] ou le [[prométhium]], ainsi que tous les [[Élément synthétique|éléments synthétiques]].

Par [[abus de langage]] on parle souvent d'''un'' isotope pour désigner un [[nucléide]] caractérisé par son numéro atomique et son nombre de masse, sans référence ''aux'' isotopes de l'élément chimique correspondant.

=== Isobares ===
{{Article détaillé| Isobare (chimie)}}
Des noyaux (ou des atomes) sont isobares s'ils ont le même [[nombre de masse]] <math>A</math>, c'est-à-dire s'ils ont le même nombre de [[nucléon]]s ([[neutron]]s et [[proton]]s). Par exemple, le {{nobr|soufre 40}} {{nobr|(&thinsp;{{Nucléide|40|16|S||24}}&thinsp;)}}, le {{nobr|chlore 40}} {{nobr|(&thinsp;{{Nucléide|40|17|Cl||23}}&thinsp;)}}, l'{{nobr|[[isotopes de l'argon#Argon 40|argon 40]]}} {{nobr|(&thinsp;{{Nucléide|40|18|Ar||22}}&thinsp;)}}, le {{nobr|[[potassium 40]]}} {{nobr|(&thinsp;{{Nucléide|40|19|K||21}}&thinsp;)}} et le {{nobr|[[calcium 40]]}} {{nobr|(&thinsp;{{Nucléide|40|20|Ca||20}}&thinsp;)}} sont isobares : leurs noyaux contiennent {{nobr|40 nucléons}} répartis en {{nombre|16 à 20 protons}} et {{nombre|24 à 20 neutrons}}, respectivement.

=== Isomères ===
{{Article détaillé| Isomérie nucléaire}}

Les [[Isomérie nucléaire|isomères nucléaires]] sont des atomes ayant les mêmes nombres de protons et de neutrons (et qui appartiennent donc à un même isotope) mais qui présentent des états énergétiques différents, généralement en raison d'une organisation différente des [[nucléon]]s au sein du noyau. L'état présentant la plus faible énergie est dit ''[[état fondamental|fondamental]]'' et tous les autres, de plus haute énergie, sont dits ''[[excitation (physique)|excités]]''.

Lorsque la distinction est nécessaire, les isomères autres que l'état fondamental sont identifiés par la lettre « m » rajoutée après le [[nombre de masse]] et éventuellement suivie d'un nombre s'il existe plusieurs états excités pour l'isotope en question. Ainsi, l'{{nobr|[[aluminium 26]]}} possède deux isomères notés {{Nucléide|26||Al|Aluminium 26}} pour l'état fondamental et {{Nucléide|26m||Al|Aluminium 26m}} pour l'état excité. Autre exemple, le {{nobr|[[tantale 179]]}} possède pas moins de sept isomères, notés (de l'état fondamental à l'état excité de plus haute énergie) {{Nucléide|179||Ta}}, {{Nucléide|179m1||Ta}}, {{Nucléide|179m2||Ta}}, {{Nucléide|179m3||Ta}}, {{Nucléide|179m4||Ta}}, {{Nucléide|179m5||Ta}} et {{Nucléide|179m6||Ta}}.

Les états excités sont généralement très instables, subissant rapidement une [[transition isomérique]] qui les ramène à l'état fondamental ou à un état excité de moindre énergie, et pendant laquelle le surplus d’énergie est évacué sous forme de [[photon]](s). Il existe cependant des exceptions, certains états excités de certains isotopes ayant une [[demi-vie]] plus grande que l'état fondamental correspondant, par exemple {{nobr|[[tantale 180m]]}} et {{nobr|[[américium 242m]]}}.

== Caractéristiques physiques ==
=== Composition et masse atomique ===
Le noyau d'un atome est composé de [[nucléon]]s : des [[proton]]s chargés positivement et des [[neutron]]s électriquement neutres, fortement liés entre eux (l'{{nobr|[[hydrogène]] 1}} ou [[protium]], {{1}}H, fait exception car son noyau n'est formé que d'un proton, sans neutrons). La cohésion du noyau est assurée par l'[[interaction forte]], qui maintient les nucléons ensemble et les empêche de s'éloigner les uns des autres, contrecarrant notamment la répulsion [[électrostatique]] entre les protons.

La [[masse atomique]] d'un isotope est la masse de <math>N_\mathrm A</math> atomes neutres de ce même isotope, <math>N_\mathrm A</math> étant le [[nombre d'Avogadro]] (environ {{unité|6,02214 e23 mol-1}}) :
* en raison de l'origine historique de la définition du nombre d'Avogadro, la masse atomique du {{nobr|[[carbone 12]]}} est presque exactement de {{unité|12 g}} (incertitude relative de {{nombre|4,5 e-10}}) ;
* la masse atomique d'un nucléide autre que {{12}}C exprimée en [[gramme]]s ({{unité|g}}) et la masse d'un noyau exprimée en [[unité de masse atomique unifiée|unités de masse atomique unifiées]] ({{unité|u}}) sont numériquement voisines de leur [[nombre de masse]] (nombre de nucléons dans chaque noyau) mais peuvent en différer significativement parce que le rapport {{mvar|N/Z}} des nombres de neutrons et de protons peut être différent de 1 (valeur de {{mvar|N/Z}} pour le {{nobr|carbone 12}}) et que le proton et le neutron n'ont pas exactement la même masse, et surtout parce que le nucléide peut être mieux ou moins bien lié que le {{nobr|carbone 12}} et que cette différence d'énergie de liaison (voir la section suivante) se traduit en une différence de masse (par nucléon). L'{{nobr|hydrogène 2}} ([[deutérium]]) a ainsi une masse atomique d'environ {{unité|2,014 g}} et le {{nobr|[[fer 56]]}} d'environ {{unité|55,934 g}} (le deutérium est moins bien lié que le {{nobr|carbone 12}}, et le {{nobr|[[fer 56]]}} mieux).

La masse atomique <math>M_\mathrm X</math> d'un [[élément chimique]] <math>\mathrm X</math> est la moyenne pondérée des masses atomiques <math>M_i</math> de ses [[isotope naturel|isotopes naturels]] : <math>M_\mathrm X=\sum_ix_iM_i\ </math> où <math>x_i</math> désigne la [[fraction molaire]] de l'isotope {{n°|<math>i</math>}} dans le mélange naturel (<math>\sum_ix_i=1</math>). Certains éléments possèdent des [[radioisotope|isotopes radioactifs]] de très longue [[période radioactive|période]] : leur composition isotopique naturelle et par conséquent leur masse atomique évoluent sur de longues périodes de temps, telles que les [[ère géologique|ères géologiques]] ; c'est notamment le cas pour l'[[uranium]].

=== Défaut de masse et énergie de liaison ===
{{article détaillé| Liaison nucléaire}}
Pour qu'un noyau puisse exister il faut, sauf bien sûr pour celui du protium {{1}}H (uniquement constitué d'un proton), que ses nucléons soient liés, donc que l'énergie du noyau soit inférieure à la somme des énergies des nucléons qui le composent. En raison de l'égalité [[E=mc2|<math>E=mc^2</math>]], cette différence d'énergie s'exprime comme une différence de masse : la masse <math>m</math> d'un isotope {{nucléide|A|Z|X}} est inférieure à la somme des masses de ses nucléons. La différence <math>\,\delta m=Z\,m_\mathrm p+(A-Z)\,m_\mathrm n-m</math>, où <math>m_\mathrm p</math> désigne la masse du proton et <math>m_\mathrm n</math> celle du neutron, est appelée ''défaut de masse'' (toujours positif, sauf encore pour le protium dont le défaut de masse est nul).

On définit aussi l'''[[excès de masse]]'' <math>\Delta m=m-A\,\mathrm u</math>, où <math>\mathrm u</math> désigne l'[[unité de masse atomique unifiée]] et <math>m</math> est exprimé en termes de cette unité. En raison de l'origine historique de cette unité, l'excès de masse du {{nobr|[[carbone 12]]}} est nul, et l'excès de masse d'un autre noyau est négatif ou positif selon qu'il est plus ou moins bien lié que le {{nobr|carbone 12}}.

L{{'}}''[[Liaison nucléaire#Énergie de liaison|énergie de liaison]]'' est <math>\,\delta E=\delta m\,c^2</math>. Pour évaluer la plus ou moins bonne liaison des différents types de noyau, on utilise l'''énergie de liaison par nucléon'', <math>\delta E/A</math>.

=== Structure ===
{{Article détaillé|Structure nucléaire}}

Deux modèles de la structure du noyau ont été développés dans les années 1930-1950 : le [[modèle de la goutte liquide]] en 1930 puis 1939, et le [[modèle en couches]] en 1949. Le premier conduit à une [[loi empirique|formule semi-empirique]] de l'[[Liaison nucléaire#Énergie de liaison|énergie de liaison]], et le second à la mise en évidence des [[nombre magique (physique)|nombres magiques]] de protons et de neutrons. Aujourd'hui les principaux modèles sont des [[Structure nucléaire#Théories de champ moyen|théories de champ moyen]], qui [[approximation|approximent]] le [[problème à N corps|problème à {{mvar|A}} corps]] (l'interaction des {{mvar|A}} nucléons) par {{mvar|A}} problèmes à 1 corps (chaque nucléon, soumis au « champ moyen » des <math>(A-1)</math> autres).

La {{lien| trad=electron scattering| diffusion des électrons}} permet de cerner expérimentalement la distribution des protons et des neutrons dans le noyau, ainsi que sa forme. Ainsi, le {{nobr|[[plomb 208]]}}, qui possède à la fois un [[nombre magique (physique)|nombre magique]] de protons (82) et de neutrons (126), a ses protons et ses neutrons répartis à peu près uniformément (en moyenne) dans une sphère, mais une sphère plus grande pour les neutrons que pour les protons {{nobr|(<math>r_\mathrm n-r_\mathrm p=</math>}} {{unité|0,283 ± 0,071 fm}})<ref>{{Article| langue=en| titre= Lead-208 nuclei have thick skins| auteur1=Christine Middleton| périodique=[[Physics Today]]| volume=74| numéro=7| date=juillet 2021| pages=12-14| doi=10.1063/PT.3.4787| accès doi=libre| consulté le=15 novembre 2023}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article| langue=en| titre=Accurate Determination of the Neutron Skin Thickness of {{exp|208}}Pb through Parity-Violation in Electron Scattering| auteur1=D. Adhikari| et al.=oui| périodique=[[Physical Review Letters]]| volume=126| numéro article=172502| date=27 avril 2021| doi=10.1103/PhysRevLett.126.172502}}.</ref>. Les noyaux ne sont pas tous sphériques, certains sont aplatis et d’autres allongés, quelques-uns ont même la forme d'une [[poire]]<ref name=Miller2023>{{Article| langue=en| titre=Electron scattering provides a long-awaited view of unstable nuclei| auteur1=Johanna L. Miller| périodique=[[Physics Today]]| volume=76| numéro=11| date=1 novembre 2023| pages=14-16| doi=10.1063/PT.3.5338| accès doi=libre| consulté le=15 novembre 2023}}.</ref>. Les noyaux très instables (de [[période radioactive|demi-vie]] très courte) peuvent avoir des structures étranges, par exemple une structure en [[bulle (physique)|bulle]]s avec zone centrale peu dense, ou avoir un ou deux nucléons de valence formant un halo autour d'un noyau central compact<ref name=Miller2023/>.

=== Taille et forme ===
Le rayon d'un nucléon est de l'ordre de {{unité|e−15|m}}, soit {{unité/2|1|fm}} ([[femtomètre]]), le terme de rayon s'entendant ici au sens d'avoir une probabilité significative de détecter le nucléon dans le volume d'espace considéré. En première approximation, on considère généralement que le rayon {{mvar|r}} d'un noyau de [[nombre de masse]] ''A'' vaut ([[modèle de la goutte liquide]]) {{nobr|{{mvar|r}} {{=}} {{mvar|r}}{{ind|o}}{{racine|[[Nombre de masse|''A'']]|n=3}}}}, avec {{nobr|{{mvar|r}}{{ind|o}} {{=}} {{unité/2|1.4|fm}}}}. Lorsque ''A'' est petit, notamment inférieur à 16, {{mvar|r}}{{ind|o}} peut valoir {{unité/2|1.2|fm}}.

Cela représente moins de 0,01 % du rayon total de l'atome. La [[masse volumique]] du noyau est donc considérablement plus grande que celle de l'atome lui-même. Elle est à peu près constante pour tous les noyaux dans leur [[état fondamental]] (non [[Excitation (physique)|excité]]) : environ {{nobr|200 millions}} de [[tonne]]s par [[centimètre cube]] ({{unité|2 e14 g/cm3}}), [[masse volumique]] du ''fluide'' nucléaire.

La taille et la forme réelles d'un noyau spécifique dépendent fortement du nombre de nucléons qui le composent, ainsi que de leur état énergétique. Les noyaux les plus stables ont en général une forme sphérique au repos et peuvent prendre, par exemple, la forme d'un [[ellipsoïde]] s'ils sont excités. Des formes assez étranges peuvent être observées selon les états d'excitation : en [[poire]], en soucoupe, voire en [[arachide|cacahuète]].

Dans le cas des [[Noyau à halo|noyaux à halo]], quelques nucléons peuvent avoir des [[Fonction d'onde|fonctions d'onde]] nettement distendues, entourant donc d'un halo le noyau plus compact formé par les autres nucléons. Le {{nobr|[[lithium 11]]}} semble par exemple composé d'un noyau de {{nobr|[[lithium 9]]}} entouré d'un halo de deux neutrons ; sa taille est proche de celle du {{nobr|[[plomb 208]]}} alors que ce dernier possède vingt fois plus de nucléons.

=== Stabilité ===
{{article détaillé| Isotope stable| Radioisotope}}
Certains noyaux sont stables, c'est-à-dire qu'ils ont une durée de vie illimitée. D'autres sont instables et tendent à se transformer spontanément en un autre (parfois plusieurs) de plus grande énergie de liaison par nucléon, en émettant une ou plusieurs [[particule (physique)|particules]].

Le noyau stable le plus lourd est le [[plomb 208]], constitué de {{nobr|82 protons}} et {{nobr|126 neutrons}}. Les éléments de [[numéro atomique]] ''Z'' supérieur à 82 sont tous instables ; jusqu'à {{nobr|1=''Z'' = 92}} (l'[[uranium]]), ils sont présents naturellement sur Terre<ref group=alpha>En revanche, deux éléments plus légers que l'uranium ne sont pas présents naturellement : la [[technétium]] et le [[prométhium]]. Comme les éléments [[transuranien]]s, ils ont été synthétisés en laboratoire.</ref>, au-delà ils ont été [[Élément synthétique|synthétisés]] en laboratoire jusqu'à {{nobr|1=''Z'' = 118}} (l'[[oganesson]], l'élément le plus lourd connu en {{CURRENTYEAR}}).

==== Stabilité ou extrêmement longue durée de vie ? ====
Le noyau le mieux lié, c'est-à-dire celui dont l'énergie de liaison par nucléon est la plus grande, est le [[nickel 62]]{{note| groupe=alpha|On lit parfois que c'est le [[fer 56]], mais avec une énergie de liaison par nucléon de {{unité|8,7904 MeV}} il n'est que le troisième, derrière le nickel 62 ({{unité|8,7946 MeV}}) et le [[fer 58]] ({{unité|8,7922 MeV}}). En revanche le fer 56 est le nucléide ayant la plus petite masse par nucléon ({{unité|930,174 MeV}} contre {{unité|930,186 MeV}} pour le {{nobr|nickel 62}}).}}. Comme un noyau ne peut se transformer spontanément qu'en un noyau de masse atomique égale ou inférieure, le problème de la stabilité ne se pose pas dans les mêmes termes pour les noyaux plus légers (de masse atomique inférieure à 62) que pour les noyaux plus lourds : les noyaux stables plus légers sont en principe stables absolument{{note| groupe=alpha| Ils pourraient cependant ne pas l'être tout à fait, certaines [[physique au-delà du modèle standard|extensions du modèle standard]] prédisant que le [[proton]] se désintègre en [[pion (particule)|pion]] neutre et [[positon]] avec une [[période radioactive|demi-vie]] de l'ordre de 10{{33}} ans. Mais cela n'a pas encore été démontré expérimentalement<ref>{{Monde subatomique}}.</ref>.}}, alors que les noyaux stables plus lourds sont potentiellement instables, mais avec des [[période radioactive|demi-vies]] extrêmement longues. Le [[bismuth 209]], notamment, a été considéré comme stable jusqu'à ce qu'on découvre en 2003 qu'il est radioactif, avec une demi-vie de {{unité|2,01 ± 0,08 e19 ans}} (presque deux milliards de fois l'[[âge de l'Univers]])<ref>{{Article| langue=en| auteur1=J. W. Beeman| auteur2=M. Biassoni| auteur3=C. Brofferio| auteur4=C. Bucci| auteur5=S. Capelli|et al.=oui| titre=First Measurement of the Partial Widths of {{exp|209}}Bi Decay to the Ground and to the First Excited States| périodique=[[Physical Review Letters]]| volume=108| numéro=6| numéro article=062501| date=9 février 2012| doi=10.1103/PhysRevLett.108.062501}}.</ref>{{,}}{{note| groupe=alpha| Ce n'est pas la plus longue demi-vie connue. Le record actuel est détenu par le {{nobr|[[tellure 128]]}} : {{unité|3,49 ± 1,99 e24 ans}}<ref>{{Article| langue=en| titre=On Systematics of Double-Beta Decay Half Lives| auteur1=B. Pritychenko| périodique=15th International Conference on Nuclear Data for Science and Technology| date=juillet 2022| pages=1-6| lire en ligne=https://www.osti.gov/servlets/purl/1984794| format=pdf| accès url=libre| consulté le=4 décembre 2023}}.</ref>, deux-cent-cinquante mille milliards de fois l'[[âge de l'Univers]].}}.

==== Stabilité et composition du noyau ====
[[fichier:Isotopes and half-life.PNG| vignette| [[Vallée de stabilité]].]]
L'instabilité des noyaux est due, sauf pour les plus lourds d'entre eux, à un déséquilibre entre le nombre de neutrons {{mvar|N}} et le nombre de protons {{mvar|Z}} (comme le montre la figure ci-contre, le rapport {{mvar|N/Z}} optimal croît en fonction de {{mvar|Z}} de 1 à 1,6). Les noyaux les plus lourds ont globalement trop de [[nucléon]]s.

[[fichier:Abondances cosmiques.svg| vignette| gauche| redresse=1.5| [[Abondance des éléments chimiques|Abondances relatives des éléments chimiques]] dans l'[[Univers]] ([[silicium|Si]] = 10{{6}} par convention).]]
La stabilité d'un noyau atomique dépend de {{mvar|Z}} et {{mvar|N}}. On constate qu'un grand nombre (152) de noyaux stables ont {{mvar|Z}} et {{mvar|N}} pairs. Ce nombre est encore de 55 pour {{mvar|Z}} pair et {{mvar|N}} impair, et de 52 pour {{mvar|Z}} impair et {{mvar|N}} pair. Peu de noyaux stables ont {{mvar|Z}} et {{mvar|N}} impairs. Plus généralement, les noyaux sont mieux liés (leur énergie de liaison par nucléon est plus grande) quand {{mvar|Z}} ou bien {{mvar|N}} est pair que quand les deux sont impairs, et encore mieux liés quand les deux sont pairs. Ce phénomène se traduit par un meilleur rendement des processus de [[nucléosynthèse]] pour ces noyaux, qui explique la forme en dents de scie de la courbe représentant l'[[abondance des éléments chimiques]] dans l'[[Univers]] en fonction de {{mvar|Z}} (courbe ci-contre, où les disques rouges indiquent les [[élément chimique|éléments]] de [[numéro atomique]] pair et les cercles verts ceux de numéro impair).

Pour les noyaux ayant {{mvar|Z}} ou {{mvar|N}} pair(s), on observe l'existence de [[Nombre magique (physique)|nombres « magiques »]] (de protons et/ou de neutrons) pour lesquels les noyaux sont particulièrement bien liés (leur énergie de liaison par nucléon est particulièrement grande) : 2, 8, 20, 28, 50, 82, 126 et 184. C'est par exemple le cas de l'[[hélium 4]], de l'[[oxygène 16]] ou du [[plomb 208]], doublement magiques ({{nobr|2 + 2}}, {{nobr|8 + 8}} et {{nobr|82 + 126}}). Les noyaux stables ayant ces nombres magiques de protons ou de neutrons ont une abondance naturelle plus grande que celle des noyaux de [[masse atomique]] ({{mvar|1=A = Z + N}}) comparable, et les noyaux lourds instables une plus grande [[période radioactive|demi-vie]]. L'existence et la valeur des nombres magiques sont expliquées par le [[modèle en couches]] des noyaux atomiques.

==== Stabilité et énergie de liaison ====
Les noyaux mal liés sont instables ([[radioactivité|radioactifs]]). D'une manière générale les noyaux les moins bien liés ont les [[période radioactive|demi-vies]] les plus courtes, mais sans qu'il y ait de relation générale (ni même de [[fonction monotone|relation monotone]]) entre la demi-vie et l'énergie de liaison par nucléon, parce que les processus de désintégration radioactive sont régis par des considérations cinétiques<ref group=alpha>C'est le cas pour un grand nombre de transformations spontanées en physique et chimie. Par exemple, la vitesse d'une [[réaction chimique]] est en général d'autant plus grande que la réaction est plus [[réaction exothermique|exothermique]], mais sans qu'il y ait de relation générale entre la [[Cinétique chimique#Vitesse de réaction|vitesse de réaction]] et l'[[enthalpie de réaction]].</ref>.

=== Désintégration des noyaux instables ===
==== Modes de désintégration ====
<!-- {{article détaillé| Mode de désintégration}} Plus tard, quand l'article sera plus étoffé -->
La désintégration radioactive d'un noyau instable peut se faire selon différents processus appelés [[mode de désintégration|modes de désintégration]]. Les plus courants sont :
* la [[Radioactivité β#Désintégration β−|désintégration β{{exp|−}}]], pour les noyaux dont le rapport {{mvar|N/Z}} est trop grand (par rapport au rapport idéal de la [[vallée de stabilité]]) : le noyau « père » {{nucléide|''A''|''Z''|P}} se désintègre en un noyau « fils » {{nucléide|''A''|''Z''+1|F}}, avec l'émission d'une particule β{{exp|−}} (un [[électron]], e{{exp|−}}) et d'un [[neutrino électronique|antineutrino]] {{surligner|{{mvar|ν}}}}{{ind|e}}. Exemple : le {{nobr|[[carbone 14]]}} ({{Nucléide|14|6|C}} ⟶ {{Nucléide|14|7|N|Azote 14}} + {{nucléide|0|−1|[[Électron|e{{exp|−}}]]}} + {{nucléide|0|0|[[Antineutrino électronique|{{Surligner|{{mvar|ν}}}}{{ind|e}}]]}}) ;
* la [[Radioactivité β#Désintégration β+|désintégration β{{exp|+}}]] ou la [[capture électronique]], pour les noyaux dont le rapport {{mvar|N/Z}} est trop petit : {{nucléide|''A''|''Z''|P}} se désintègre en {{nucléide|''A''|''Z''−1|F}}, avec l'émission d'une particule β{{exp|+}} (un [[positon]], e{{exp|+}}) et d'un [[neutrino électronique|neutrino]] {{mvar|ν}}{{ind|e}} (cas de la désintégration β{{exp|+}}) ou bien l'absorption d'un électron du [[configuration électronique|cortège électronique]] et l'émission d'un neutrino (cas de la capture électronique). Exemples : le {{nobr|[[fluor 18]]}} ({{Nucléide|18|9|F|Fluor 18}} ⟶ {{Nucléide|18|8|O|Oxygène 18}} + {{nucléide|0|1|[[Positon|e{{exp|+}}]]}} + {{nucléide|0|0|[[Neutrino électronique|{{mvar|ν}}{{ind|e}}]]}}) et {{nobr|l'[[aluminium 26]]}} ({{Nucléide|26|13|Al|Aluminium 26}} + {{nucléide|0|−1|[[électron|e{{exp|−}}]]}} ⟶ {{Nucléide|26|12|Mg|Magnésium 26}} + {{nucléide|0|0|[[Neutrino électronique|{{mvar|ν}}{{ind|e}}]]}}) ;
* la [[Radioactivité α|désintégration α]], pour les noyaux dont le rapport {{mvar|N/Z}} est correct mais dont le nombre global de [[nucléon]]s est trop élevé : {{nucléide|''A''|''Z''|P}} se désintègre en {{nucléide|''A''−4|''Z''−2|F}}, avec l'émission d'une particule α (un noyau d'[[hélium 4]], {{nucléide|4|2|He}}). Exemple : le {{nobr|[[isotopes du samarium|samarium 147]]}} ({{nucléide|147|62|Sm}} → {{nucléide|143|60|Nd}} + {{nucléide|4|2|α|particule α}}).
Ces désintégrations sont généralement accompagnées d'un [[radioactivité γ|{{nobr|rayonnement γ}}]] (émission de [[photon]]s), en raison de la formation intermédiaire de [[isomérie nucléaire|noyaux excités]].

Il existe d'autres modes de désintégration, qui concernent moins de [[nucléide]]s :
* pour les noyaux trop riches en neutrons : l'[[émission de neutron]] et la [[double désintégration bêta]] ;
* pour les noyaux trop riches en protons : l'[[émission de proton]]s  (un ou [[Émission de deux protons|deux]]) et la [[double capture électronique]] ;
* pour les noyaux trop lourds : l'[[radioactivité de clusters|émission de noyaux plus lourds que l'hélium 4]] et la [[fission spontanée]] (binaire ou [[fission ternaire|ternaire]]).

Remarques :
* un même nucléide instable peut se désintégrer concurremment selon plusieurs modes (chacun avec une certaine probabilité). Exemple : le potassium 40 peut se désintégrer par désintégration β{{exp|−}} (89,28 % des cas), par capture électronique (10,72 %) ou par désintégration β{{exp|+}} (environ 0,001 %) ;
* un noyau instable ne se désintègre pas nécessairement en un noyau stable : il peut avoir pour fils un autre noyau instable, qui de même peut donner naissance à un troisième noyau instable{{etc.}}, jusqu'à finalement aboutir à un noyau stable ([[chaîne de désintégration]]s). Exemple : l'[[uranium 238]] ([[période radioactive|demi-vie]] {{unité|4,468 Ga}}) se désintègre en [[isotopes du thorium#Thorium 234|thorium 234]] ({{unité|24,1 j}}), qui se désintègre en [[Protactinium 234|Protactinium 234m]] ({{unité|1,17 min}}){{etc.}}, jusqu'à aboutir au [[isotopes du plomb#Plomb 206|plomb 206]], stable ;
* en raison de la multiplicité des modes de désintégration de certains nucléides, les chaînes de désintégrations sont ramifiées. Néanmoins, les quatre chaînes connues aboutissent chacune à un unique nucléide stable : celle de l'[[uranium 238]] au [[plomb 206]], celle de l'[[uranium 235]] (ou du [[plutonium 239]]) au [[plomb 207]], celle du [[thorium 232]] (ou de l'[[uranium 232]]) au [[plomb 208]] et celle du [[plutonium 241]] au [[thallium 205]].

==== Demi-vie ====
{{article détaillé| Période radioactive}}
La demi-vie (ou [[période radioactive]]) d'un nucléide est la durée au bout de laquelle la moitié des noyaux d'un échantillon initial se seront désintégrés, statistiquement. Les demi-vies connues s'étagent de {{unité|e-23 s}} à {{unité|e24 [[année julienne|ans]]}} ([[hydrogène 7]] : {{unité|2,2 e-23 s}}<ref>{{Article| prénom1=M| nom1=Thoennessen| titre=Reaching the limits of nuclear stability| périodique=Reports on Progress in Physics| volume=67| numéro=7| doi=10.1088/0034-4885/67/7/r04| lire en ligne=http://stacks.iop.org/0034-4885/67/i=7/a=R04?key=crossref.97cd88746048c7f282afda2cdd36205b| pages=1215| année=2004| langue=en}}.</ref> ; [[tellure 128]] : {{Unité|2,41 ± 0,39 e24 ans}}<ref group=alpha>Le [[Isotopes du tellure|tellure 128]] se désintègre par désintégration double bêta mais aucune désintégration n'a jamais été observée. Sa demi-vie est déduite de celle de <sup>130</sup>Te et du rapport (connu) des demi-vies de <sup>130</sup>Te et <sup>128</sup>Te.</ref>). Un nucléide n'est considéré comme le noyau d'un atome que si sa demi-vie est assez longue pour qu'un cortège électronique ait le temps de se former (de l'ordre de {{unité|e-15 s}}).

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe=alpha}}

=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
{{colonnes|nombre=2|taille=15|
* [[Masse atomique]]
* [[Numéro atomique]]
* [[Isotope]]
* [[Énergie de liaison atomique]]
* [[Formule de Bethe-Weizsäcker]]
* [[Structure nucléaire]]
* [[Matière nucléaire (physique)]]
* [[Noyau exotique]]
* [[Hypernoyau]]
* [[Particule (physique)]]
* [[Physique nucléaire]]
* [[Radioactivité]]
* [[Fusion nucléaire]]
* [[Fission nucléaire]]
* [[Réaction nucléaire]]
* [[Réactions nucléaires avec des ions lourds]]
}}

=== Bibliographie ===
* {{Monde subatomique}}

=== Liens externes ===
* [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-conversation-scientifique/quoi-de-neuf-dans-le-noyau-1592815 « Quoi de neuf dans le noyau ? »], ''La Conversation scientifique'', France Culture, 2 février 2025.
* [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-conversation-scientifique/que-se-passe-t-il-dans-un-noyau-d-atome-4718650 « Que se passe-t-il dans un noyau d’atome ? »], ''La Conversation scientifique'', France Culture, 29 mars 2024.

{{Palette|Tableau particules}}
{{portail|physique|chimie|nucléaire}}

[[Catégorie:Physique nucléaire]]
[[Catégorie:Radiochimie]]
[[Catégorie:Chimie nucléaire]]