Voir la source de Polynôme d'endomorphisme

{{à sourcer|date=avril 2011}}
En [[algèbre linéaire]], un '''polynôme d'endomorphisme''' (ou '''de [[matrice (mathématiques)|matrice]]''') est une [[combinaison linéaire]] de puissances (au sens de la [[composition de fonctions]]) d'un [[endomorphisme linéaire]].

Pour un endomorphisme fixé d'un ''K''-[[espace vectoriel]] ''E'', cette notion donne à ''E'' une structure de [[Module sur un anneau|module]] sur l'[[Anneau commutatif|anneau]] ''K''[''X''] des [[polynôme]]s à coefficients dans le [[corps commutatif|corps]] ''K''.

L'application la plus intéressante réside dans la recherche des '''polynômes annulateurs''' de l'endomorphisme : les relations caractéristiques des [[projecteur (mathématiques)|projecteurs]] (''p''{{2}} = ''p''), des [[Symétrie (transformation géométrique)|symétries]] (''s''{{2}} = Id) constituent les exemples les plus simples de polynômes annulateurs.

De plus, la recherche de polynômes annulateurs permet de déterminer les [[Valeur propre (synthèse)|valeurs propres]] d'une matrice sans en calculer le [[polynôme caractéristique]], voire de prouver très simplement qu'elle est [[Matrice diagonalisable|diagonalisable]].

== Intérêt du concept ==
Si ''u'' est un endomorphisme de ''E'', on peut l'appliquer deux fois de suite à un vecteur de ''E ''; on note alors ''u''{{2}} l'application associée. En fait, on peut l'appliquer autant de fois qu'on le souhaite. Ceci permet d'élever un endomorphisme à une puissance entière positive. On peut aussi additionner plusieurs endomorphismes et les multiplier par un [[Scalaire (mathématiques)|scalaire]]. En conséquence, il est possible d'appliquer un polynôme à un endomorphisme.

Le [[morphisme]] d'[[Algèbre associative sur un corps|algèbres]] naturellement associé à ''u'', des polynômes vers les endomorphismes, permet d'exporter les propriétés de [[commutativité]], des [[Idéal principal|idéaux principaux]], d'appliquer l'[[Arithmétique des polynômes#Identité de Bézout|identité de Bézout]] ou une [[interpolation lagrangienne]] et de démontrer l'essentiel des théorèmes strictement associés aux [[Application linéaire|applications linéaires]] sans trop de dédales calculatoires.

Cette démarche permet de démontrer l'existence du [[Polynôme minimal d'un endomorphisme|polynôme minimal]] de ''u ''et de déterminer la structure de ses polynômes annulateurs. Dans le cas où le corps est [[Corps algébriquement clos|algébriquement clos]], elle mène à l'étude des [[Sous-espace caractéristique|sous-espaces caractéristiques]], qui fournit une réduction simple de l'endomorphisme, dite [[réduction de Jordan]]. Elle permet alors de comprendre pourquoi le [[polynôme caractéristique]] est un multiple du polynôme minimal, et fournit donc une démonstration du [[théorème de Cayley-Hamilton]]. Elle est enfin la base d'une famille d'algorithmes souvent largement plus rapides qu'une approche par les [[Déterminant (mathématiques)|déterminants]].

== Définition et premières propriétés ==

Soit ''E'' un ''K''-espace vectoriel. Nous utilisons la notation usuelle ''L''(''E'') pour désigner l'ensemble de ses endomorphismes. Soit ''u'' un endomorphisme de ''E'' et
<center><math>P=a_0+a_1X+\ldots+a_pX^p=\sum_{k=0}^p a_k X^k\in K[X]</math></center>
un polynôme. 

On définit le polynôme d'endomorphisme {{math|''P''(''u'') ∈}} ''L''(''E'') par
<center><math>P(u)=a_0 \mathrm{Id}_E+a_1u+a_2u^2+\ldots+a_pu^p=\sum_{k=0}^p a_k u^k</math></center>
(en notant {{math|''u''{{exp|0}} {{= }} Id{{ind|''E''}}}}).

L'anneau des polynômes est aussi un ''K''-espace vectoriel et ces deux structures sont compatibles, ce qui fait de ''K''[''X''] une [[Algèbre sur un corps|''K''-algèbre]]. Il en est de même pour les endomorphismes munis de la composition comme multiplication.

* L'application ''P ''↦ ''P''(''u'') est un [[morphisme]] de ''K''-algèbres de ''K''[''X''] dans ''L''(''E'').
* L'[[Image d'une application|image de ce morphisme]], notée ''K''[''u''], est une sous-algèbre [[anneau commutatif|abélienne]] de ''L''(''E'').
*Si ''x ''est un [[vecteur propre]] de ''u ''pour une [[valeur propre]] λ, alors il est aussi vecteur propre de ''P''(''u'') avec comme valeur propre ''P''(λ).
En particulier, lorsque ''P''(''u'') = 0, toute valeur propre de ''u ''est [[Racine d'un polynôme|racine de ''P'']]. (La [[réciproque]] est [[trivial]]ement fausse puisqu'on peut grossir l'ensemble des racines d'un polynôme annulateur en le multipliant par un polynôme quelconque.)
{{démonstration|titre=Démonstrations|
*L'application ''P ''↦ ''P''(''u'') est un morphisme de ''K''-algèbres :<br />Cela signifie ici que : <math>(\lambda P+\mu Q)(u)=\lambda P(u)+\mu Q(u)</math> et <math>(P\cdot Q)(u)=P(u)\circ Q(u)</math>.<br />Pour prouver la propriété pour le produit on commence par prouver que <math> (X^kQ)(u)=u^k\circ Q(u)</math> puis on utilise la linéarité.
*L'image de ce morphisme est une sous-algèbre abélienne de ''L''(''E'') :<br />Cela signifie que deux polynômes du même endomorphisme commutent entre eux. Cette propriété provient du fait que la commutativité est toujours transportée par un morphisme et que – à la différence des endomorphismes – les polynômes forment une algèbre commutative.
*Si <math>x</math> est un vecteur propre de <math>u</math> pour une valeur propre <math>\lambda</math>, alors il est aussi vecteur propre de <math>P(u)</math> avec comme valeur propre <math>P(\lambda)</math> :<center><math>P(u)(x)=\sum_{k=0}^p a_ku^k(x)=\sum_{k=0}^p a_k \lambda^kx=P(\lambda)x.</math></center>
}}

== Idéaux annulateurs ==
Dans le reste de l'article, on suppose que ''E ''est de [[Dimension d'un espace vectoriel|dimension]] finie ''n''.

Comme pour tout [[morphisme d'anneaux]], le [[Noyau (algèbre)|noyau]] du morphisme ''P ''↦ ''P''(''u'') est un [[idéal]] de l'anneau de départ, ce qui donne un sens à la dénomination suivante :

{{énoncé|Définition de idéal annulateur|On appelle « idéal annulateur » de ''u '' l'ensemble des polynômes qui annulent ''u ''et « polynômes annulateurs » de ''u ''les éléments de cet idéal.}}

Comme ''K''[''X''] est un anneau euclidien, donc un [[anneau principal]], cet idéal mentionné ci-dessus est [[Idéal principal|principal]]. De plus, ce noyau n'est pas réduit à 0, puisque ''K''[''X''] (de dimension infinie) ne peut s'injecter dans ''L''(''E'') (de dimension ''n''{{2}}). Ceci donne un sens à la définition :

{{énoncé||Le [[polynôme minimal d'un endomorphisme|polynôme minimal]] de ''u ''est le [[polynôme unitaire]] qui engendre son idéal annulateur.}}

Pour chaque vecteur de ''E'', on définit de même :
{{énoncé|Définition du polynôme minimal|Soit ''x ''un vecteur de ''E'', alors l'ensemble des polynômes ''P ''tels que ''P''(''u'') s'annule en ''x ''est un idéal principal contenant l'idéal annulateur de ''u''. On l'appelle l'idéal annulateur de ''x ''relatif à ''u''. Le polynôme unitaire qui l'engendre est appelé le polynôme minimal de ''x ''relatif à ''u''.}}

== Polynôme minimal ==
{{Article détaillé|Polynôme minimal d'un endomorphisme}}

Le polynôme minimal de ''u ''cache une décomposition en [[somme directe]] de [[Sous-espace stable|sous-espaces stables par ''u'']]. Sur ces sous-espaces stables, l'endomorphisme peut s'exprimer plus simplement. Cette [[réduction d'endomorphisme]] correspond à la décomposition du polynôme en facteurs premiers entre eux. Elle permet d'établir des théorèmes parmi les plus importants de l'algèbre linéaire pure :
* Elle nous renseigne sur l'existence d'un vecteur dont le polynôme minimal est le polynôme minimal de l'endomorphisme, et elle donne un majorant du degré de ce polynôme,
* Elle intervient dans la [[décomposition de Dunford]], pour l'analyse du polynôme minimal et permet de trouver des réductions puissantes dans le [[#Cas où le polynôme minimal est scindé|cas où ce polynôme est scindé]],
* Elle donne une condition nécessaire et suffisante de [[diagonalisation]],
* Enfin, elle permet de démontrer le [[théorème de Cayley-Hamilton]].

=== Décomposition en somme directe de sous-espaces stables ===
{{Voir|Lemme des noyaux}}

La réduction de l'endomorphisme <math>u</math> repose sur la remarque que pour tout polynôme <math>P</math>, [[Sous-espace stable#Commutation et stabilité|le noyau de <math>P(u)</math> est un sous-espace vectoriel stable par <math>u</math>]], et sur le résultat suivant :

{{Théorème|Lemme des noyaux|Soit <math>(P_i)</math> une famille finie de polynômes premiers entre eux deux à deux. Alors les noyaux <math>\ker \Big(P_i(u)\Big)</math> sont en somme directe et cette somme est égale à <math>\ker \Big(\prod_i P_i(u)\Big)</math>. De plus, les projecteurs associés s'expriment comme des polynômes en <math>u</math>.
}}

Soient <math>\chi</math> le polynôme minimal d'un endomorphisme <math>u</math>, et <math>\chi_i</math> une décomposition de <math>\chi</math> en facteurs premiers entre eux deux à deux et non [[Polynôme constant|constants]]. D'après le lemme ci-dessus, les <math>\ker (\chi_i(u))</math> (qui sont des sous-espaces stables) forment une décomposition de ''E ''en somme directe. De plus :
{{énoncé|Propriétes de décomposition|
#Les <math>\ker (\chi_i(u))</math> sont non [[Espace nul|nuls]].
#Il existe un vecteur <math>x</math> de <math>E</math> dont le polynôme minimal est égal à <math>\chi</math>.
#Le polynôme minimal est de degré inférieur ou égal à <math>n</math>.
}}

{{démonstration|
#Le polynôme <math>\prod_{j \neq i} \chi_j</math> est de degré strictement plus petit que le degré de <math>\chi</math>, donc il n'annule pas <math>u</math>, donc la somme directe <math>\bigoplus_{j \neq i} \ker \Big( \chi_i(u)\Big)</math> n'est pas l'espace entier. Cela démontre que <math>\ker \Big( \chi_i(u) \Big)</math> n'est pas réduit au vecteur nul.
#Voir « [[Décomposition de Frobenius]] ».
#Soit <math>x</math> comme ci-dessus. La famille <math>(x, u(x), u^2(x), \dots, u^n(x))</math>  est [[Famille liée|liée]] car elle contient plus de vecteurs que la dimension de l'espace. Cela démontre l'existence d'un polynôme annulateur de degré ''n''. 
}}

=== Cas où le polynôme minimal est scindé ===
{{Article détaillé|Réduction d'endomorphisme#Décomposition de Dunford{{!}}Réduction d'endomorphisme : § Décomposition de Dunford}}

Le polynôme minimal {{math|χ}} est dit [[Polynôme scindé|scindé]] lorsqu'il s'exprime comme produit de polynômes du premier degré :
<center><math>\chi(X)=\prod_\lambda(X-\lambda)^{n_\lambda}</math></center>
Dans ce cas, d'après le paragraphe précédent, les noyaux des endomorphismes (''u ''– λ{{math|Id}}{{ind|''E''}}){{exp|''n''{{ind|λ}}}} sont des sous-espaces stables non nuls en somme directe, et leur somme est égale à ''E''. On les appelle les [[Sous-espace caractéristique|sous-espaces caractéristiques]]. C'est la première étape dans la réduction d'un endomorphisme possédant un polynôme minimal scindé. Ses deux principales propriétés sont :
*L'espace ''E'' est somme directe des sous-espaces caractéristiques.
*L'endomorphisme ''u ''est la somme d'un endomorphisme diagonalisable et d'un endomorphisme nilpotent, qui commutent entre eux.

=== Diagonalisabilité ===
{{Article détaillé|Diagonalisation}}

Le paragraphe précédent fournit un critère de diagonalisabilité<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jean-Pierre|nom1=Ramis|lien auteur1=Jean-Pierre Ramis|prénom2=André|nom2=Warusfel|lien auteur2=André Warusfel|nom3=al.|lien auteur3=et al.|titre=Mathématiques. Tout-en-un pour la Licence|volume=2|éditeur=[[Dunod]]|année=2014|numéro d'édition=2|année première édition=2007|pages totales=880|passage=235|isbn=978-2-10-071392-9|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=FhnpAwAAQBAJ&pg=PA235}}.</ref> :

{{énoncé|Condition nécessaire et suffisante à la diagonalisation|Un endomorphisme est diagonalisable si et seulement si son polynôme minimal est scindé sur ''K'' et à [[Racine simple|racines simples]].}}

En effet, si les racines sont simples alors la composante nilpotente est nulle, donc l'endomorphisme est diagonalisable (la réciproque est immédiate).

=== Théorème de Cayley-Hamilton ===
{{Article détaillé|Théorème de Cayley-Hamilton}}

Le [[polynôme caractéristique]] d'un endomorphisme ''u ''est celui défini par le [[Déterminant (mathématiques)|déterminant]] de l'application λ{{math|Id}}''{{ind|E}} – u''. Ses racines sont les valeurs propres de ''u''. Cette propriété est partagée par le polynôme minimal. Elle amène donc la question : quel est le rapport entre polynôme caractéristique et polynôme minimal ? La réponse est le théorème de Cayley-Hamilton :

{{théorème|Théorème de Cayley-Hamilton|Le polynôme minimal divise le polynôme caractéristique. De plus, le polynôme minimal et le polynôme caractéristique ont les mêmes facteurs irréductibles.}}

Il existe beaucoup de démonstrations de ce théorème. L'une d'elles fait appel à la [[réduction de Jordan]], après avoir plongé le corps dans une [[clôture algébrique]]. Sa représentation matricielle est alors triangulaire avec comme valeurs diagonales les valeurs propres. L'ordre de multiplicité de chacune dans le polynôme caractéristique est la dimension de l'espace caractéristique associé. Cette multiplicité est toujours supérieure à celle dans le polynôme minimal, qui est l'ordre de l'application [[nilpotent]]e associée.

==Notes et références==
{{Références}}
==Lien externe==
Alaeddine Ben Rhouma, ''Autour de la décomposition de Dunford. Théorie spectrale et méthodes effectives'', [[CreateSpace.com|CreateSpace]] Independent {{Lien|lang=de|trad=Self-Publishing-Plattform|Plateforme d'auto-édition|texte=Publishing Platform}}, 2013, 38 p. {{ISBN|978-1492343080}} {{Arxiv2|1307.4410}}

{{Palette|Algèbre linéaire}}
{{Portail|algèbre}}

[[Catégorie:Application linéaire]]
[[Catégorie:Polynôme]]