Voir la source de Polynôme formel

En [[algèbre]], le terme de '''polynôme formel''', ou simplement [[polynôme]], est le nom générique donné aux éléments d'une structure construite à partir d'un ensemble de nombres. On considère un ensemble ''A'' de nombres, qui peut être celui des [[Entier relatif|entiers]] ou des [[nombre réel|réels]], et on lui adjoint un élément ''X'', appelé [[Construction de l'anneau des polynômes|indéterminée]]. La structure est constituée par les nombres, le polynôme ''X'', les puissances de ''X'' multipliées par un nombre, aussi appelés [[monôme (mathématiques)|monômes]] (de la forme ''aX{{exp|n}}''), ainsi que les sommes de monômes. La structure est généralement notée ''A''[''X'']. Les règles de notation de l'addition et de la multiplication ne sont pas modifiées dans la nouvelle structure, ainsi ''X''&nbsp;+&nbsp;''X'' est noté 2.''X'', ou encore ''X''.''X'' est noté ''X''{{exp|2}}. Des exemples de polynômes formels sont :
<center><math>X^2 + 2X + 1,\quad 3X^3 + 4X + 5.</math></center>

L'ensemble ''A'', utilisé pour bâtir la structure ''A''[''X''], peut être composé de nombres, mais ce n'est pas indispensable. On lui demande seulement de supporter deux opérations : l'addition et la multiplication. Si ces deux opérations possèdent certaines propriétés comme l'[[associativité]], la [[commutativité]] et la [[distributivité]] de la multiplication sur l'addition, on dit que ''A'' est un [[anneau commutatif]]. On lui demande souvent de posséder un [[élément neutre]] pour la multiplication. Seul ce cas est traité dans cet article.

Parfois, ''A'' possède des propriétés encore plus fortes, comme d'être un [[corps commutatif]], ce qui signifie que tout élément différent de 0 est inversible pour la multiplication, à l'image des [[nombre rationnel|rationnels]] ou des réels. Dans ce cas, en plus de l'addition et de la multiplication, la structure ''A''[''X''] possède une [[division euclidienne]], à l'image de l'anneau des entiers et il devient possible d'utiliser les techniques de l'[[arithmétique élémentaire]] pour travailler sur les polynômes formels. L'[[Théorème de Bachet-Bézout|identité de Bézout]] s'applique, comme le [[lemme d'Euclide]] ou le [[théorème fondamental de l'arithmétique]]. Il existe un équivalent des [[nombre premier|nombres premiers]] constitué par les polynômes [[polynôme unitaire|unitaires]] [[polynôme irréductible|irréductibles]]. Quelle que soit la nature de l'anneau commutatif et unitaire ''A'', la structure ''A''[''X''] possède au moins les caractéristiques d'un anneau commutatif. On parle d'anneau des polynômes formels.

Le polynôme formel est un des outils à la base de l'algèbre. Initialement, il était utilisé pour résoudre des [[Racine d'un polynôme réel ou complexe|équations dites algébriques]]. Résoudre l'équation algébrique revient à répondre à la question : par quelle valeur doit-on remplacer ''X'' pour que l'expression obtenue soit égale à 0 ? Une solution est appelée [[racine d'un polynôme|racine]] du polynôme. Le polynôme formel est maintenant utilisé dans de vastes théories comme la [[théorie de Galois]] ou la [[géométrie algébrique]] et qui dépassent le cadre de la théorie des équations.

De même que l'anneau ''A'' peut être étendu à une structure plus vaste ''A''[''X''], l'anneau des polynômes à une indéterminée peut encore être étendu, soit par un [[polynôme en plusieurs indéterminées|anneau à plusieurs indéterminées]], soit par le corps des [[fraction rationnelle|fractions rationnelles]], soit par l'anneau des [[série formelle|séries formelles]].

Dans toute la suite de l'article, ''A'' désigne un [[anneau intègre]], ''K'' un corps commutatif, ℤ l'anneau des nombres entiers, ℝ le corps des nombres réels et ℂ celui des [[nombre complexe|nombres complexes]].

== Préambule ==
=== Approche intuitive ===
Une manière simple de concevoir un polynôme formel est d'ajouter une lettre ''X'', à un ensemble de nombres comme ℤ ou ℝ. Cette lettre ne possède aucune relation algébrique avec les nombres, les seules choses que l'on peut écrire sont des égalités comme ''X''&nbsp;+&nbsp;''X''&nbsp;=&nbsp;2.''X'', ou encore ''X''.''X''&nbsp;=&nbsp;''X''{{exp|2}}. Sur l'ensemble obtenu, on souhaite que l'addition et la multiplication disposent des mêmes propriétés que celles qu'elles avaient dans l'ensemble de nombres et qui sont formalisées sous le nom d'anneau. Les [[identité remarquable|identités remarquables]] sont toujours vérifiées, ainsi, si ''a'' désigne un nombre quelconque :
<center><math>(X + a)^2 = (X + a)(X + a)= X(X+a) + a(X+a)=X^2 + aX + aX + a^2 = X^2 + 2aX + a^2.~</math></center>

Un polynôme formel est une expression comportant un nombre fini de termes, tous composés de la même manière, le produit d'un nombre et d'une puissance de ''X''. Un tel terme est appelé un ''monôme'', le nombre le ''coefficient'' du monôme et la puissance de ''X'' le ''degré'' du monôme. Le polynôme 5''X''{{exp|2}}&nbsp;+&nbsp;3''X''&nbsp;+&nbsp;4, contient un monôme de degré 2 et de coefficient 5. Dans le cas général, un polynôme formel ''P'' quelconque prend la forme suivante, si ''a<sub>i</sub>'' désigne un nombre et ''i'' est un entier variant de 0 à ''n'' :
<center><math>P = a_nX^n + a_{n-1}X^{n-1}+\cdots + a_1X + a_0.</math></center>

Les additions se font comme pour les nombres usuels, ainsi ''aX<sup>n</sup> + bX<sup>n</sup>'' est égal à (''a''&nbsp;+&nbsp;''b'')''X<sup>n</sup>''. La multiplication suit aussi les mêmes règles, auxquelles on ajoute la loi : ''X<sup>n</sup>.X<sup>m</sup>&nbsp;=&nbsp;X<sup>n+m</sup>'' qui implique que (''X<sup>n</sup>'')''<sup>m</sup>&nbsp;=&nbsp;X<sup>m.n</sup>'', si ''n'' et ''m'' désignent deux [[Entier naturel|entiers positifs]].

=== Fragments d'histoire ===
{{Article détaillé|Histoire des polynômes}}
L'idée d'ajouter une lettre à un ensemble de nombres pour résoudre une question qui se formalise sous la forme d'une [[Racine d'un polynôme réel ou complexe|équation]] est ancienne. On la trouve chez [[Diophante]] dès le {{IIIe siècle}} : il donne à la lettre ''S'' le même sens que notre ''X'' dans son pré-langage symbolique<ref>{{Article|auteur=L. Radford|url=http://archimede.mat.ulaval.ca/amq/archives/1991/4/1991-4-part17.pdf|titre=Diophante et l'algèbre pré-symbolique|revue=Bulletin AMQ|année=1991}}.</ref> et la qualifie de ''quantité indéterminée d'unités''. Il définit<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Paul Ver Eecke]]|titre=Diophante d'Alexandrie|sous-titre=Les Six Livres Arithmétiques et le Livre des Nombres Polygones|lieu=Liège|éditeur=[[Éditions Desclée de Brouwer|Desclée de Brouwer]]|année=1926|passage=3}}.</ref> ensuite les mécanismes opératoires de l'addition et de la multiplication d'une expression contenant sa lettre ''S''. Sa motivation est la recherche de solutions d'équations dites [[équation diophantienne|diophantiennes]] où les coefficients ainsi que les solutions recherchées sont des nombres entiers ou rationnels<ref>Voir à ce sujet {{Harvsp|Ver Eecke|1926|p=3}}.</ref>. Cette idée est reprise par les [[mathématiques arabes|mathématiciens arabes]] qui généralisent l'étude aux cas où les solutions ne sont pas rationnelles<ref>[[Roshdi Rashed]], ''Entre arithmétique et algèbre : recherches sur l'histoire des mathématiques arabes'', Paris, [[Les Belles Lettres]], 1984.</ref>. L'indéterminée chez eux prend le nom de ''say''' et signifie la ''chose que l'on recherche''. On leur doit la lettre ''X'' provenant du mot ''gizr' ''et qui signifie ''racine'', le nom maintenant donné à une [[racine d'un polynôme|solution de l'équation polynomiale]]. Certaines méthodes<ref>Hélène Bellosta indique : {{Citation|Son successeur Sharaf al-Dîn al-Tûsî ({{s-|XII}}) va étudier de façon plus rigoureuse les conditions d’existence de ces points d’intersection, dont l’abscisse détermine la racine positive demandée ; ceci va l’amener à se pencher sur des problèmes de localisation et de séparation des racines, l’obliger à définir la notion de maximum d’une expression algébrique (en introduisant la dérivée formelle d’un polynôme). Une autre innovation d’al-Tûsî consiste à traiter, en même temps que la résolution géométrique, la résolution numérique des équations du troisième degré. Il développe pour cela une variante de la méthode de Ruffini Horner.}} : {{Article|auteur=H. Bellosta|url=http://smf4.emath.fr/Publications/Gazette/1999/82/smf_gazette_82_37-44.pdf|titre=À propos de l'histoire des sciences arabes|revue=[[Gazette de la SMF]]|vol=82|année=1999|p.=37-44}} ({{p.|40}}).</ref> sont développées, comme la ''dérivation formelle'' d'un polynôme dès le {{XIIe siècle}}.

Cette formulation est reprise par [[François Viète]], un mathématicien du {{XVIe siècle}} qui utilise parfois le terme de polynôme<ref>{{en}} [[Florian Cajori|F. Cajori]], ''A History of Mathematics'', New York, Macmillan, 1919 ({{2e}} éd.), [https://archive.org/stream/ahistorymathema02cajogoog#page/n153/mode/1up {{p.|139}}].</ref> et qui l'étudie toujours sous l'angle de l'équation. Un siècle plus tard, le formalisme du polynôme est modifié, le polynôme n'est plus une expression à laquelle on a ajouté une lettre ''X'', qui se comporte comme un nombre; mais une fonction, qui à un nombre associe un nombre, ce que l'on appelle maintenant une [[fonction polynomiale]], concept différent de celui du polynôme formel. Au {{XIXe siècle}}, la nécessité du polynôme formel réapparaît. Dans ses ''{{Lang|la|[[Disquisitiones arithmeticae]]}}'', [[Carl Friedrich Gauss]] factorise le [[polynôme cyclotomique]] pour trouver un nouveau [[polygone]] régulier [[Construction à la règle et au compas|constructible à la règle et au compas]]. Il utilise des polynômes à coefficients dans des [[corps fini]]s, nécessitant impérativement le concept de polynôme formel<ref>[[Carl Friedrich Gauss]] ''[[Disquisitiones arithmeticae]]'' 1801 (page 434 dans l'édition de 1807 traduite en français par [[Antoine Charles Marcelin Poullet-Delisle|Poullet-Delisle]] et publié aux éditions Jacques Gabay en 1989 {{ISBN|2876470543}}</ref>, remis ainsi à l'honneur.

Jusque dans les années 1940, le formalisme change peu ; le terme d'« indéterminée » désigne toujours la lettre ''X'' ajoutée à un ensemble de nombres et, si les notations ont évolué, le formalisme reste celui élaboré par Viète. Maintenant, différentes constructions permettent de définir l'indéterminée comme un véritable objet mathématique et non plus comme une lettre et les polynômes sont construits rigoureusement. Durant l'époque charnière, [[Claude Chevalley]] écrit, dans un texte préparatoire à la première édition du chapitre II des ''[[Éléments de mathématique]]'' de [[Nicolas Bourbaki|Bourbaki]] de 1942 : {{Citation|<!--typo conforme à la source-->[…] on dit souvent qu'on introduit n "{{Souligner|lettres}}" X<sub>1</sub>,...,X<sub>n</sub> ; il est alors tacitement admis que ces lettres sont des symboles pour des éléments d'une certaine algèbre<ref>{{Chapitre|auteur=[[Claude Chevalley|C. Chevalley]]|url=http://math-doc.ujf-grenoble.fr/archives-bourbaki/PDF/101_nbr_012.pdf|titre ouvrage=Algèbre|titre=Chapitre III|auteurs ouvrage=Association des collaborateurs de Nicolas Bourbaki|page=22}}.</ref> […]}}. Maintenant, le terme ''indéterminée'' ne désigne plus que rarement la lettre qui le symbolise, mais l'élément lui-même, même si les constructions varient<ref>Même les textes très élémentaires présentent l'indéterminée comme un élément d'une structure d'algèbre et non plus comme une lettre : {{cf.}} lien externe {{harvsp|Sarlat|2001}}.</ref>{{,}}<ref>Dans l'[[enseignement supérieur]], l'indéterminée est définie comme le polynôme ''X'', construit comme une suite : lien externe {{harvsp|Cours de MPSI}}.</ref>{{,}}<ref>Le lien externe  {{harvsp|Cours de classe préparatoire}} note l'indéterminée ''x'' et la définit comme la suite (0,1,0,...).</ref>{{,}}<ref>Les cours universitaires suivent la même convention ; l'indéterminée est un objet défini comme un polynôme particulier : lien externe {{harvsp|GUIP|2003}}.</ref>{{,}}<ref>Cette idée est appliquée au cas de plusieurs indéterminées. L'indéterminée est encore définie à partir d'une généralisation de la suite précédente : {{Lien web|url=http://www.mat.uniroma3.it/users/fontana/didattica/coursg1.pdf.pdf|titre=Algèbre commutative|auteur=[[Antoine Chambert-Loir]]|page=18|année=2006}}.</ref>{{,}}<ref>Les livres d'algèbre suivent largement cette convention : [[Michel Queysanne]], ''Algèbre'', Armand Colin, coll. « U », 1964, {{p.|413}}.</ref>{{,}}<ref>Une présentation d'un niveau de premier cycle universitaire : [[Jacqueline Lelong-Ferrand|J. Lelong-Ferrand]] et [[Jean-Marie Arnaudiès|J.-M. Arnaudiès]], ''Cours de mathématiques, tome 1 : Algèbre'', Dunod, 2003 {{ISBN|2100081977}}, {{p.|139}} (dans l'édition consultée de 1971).</ref>{{,}}<ref>Une autre technique est possible ; elle correspond à une définition axiomatique, un peu à l'image de celle de Chevalley. C'est celle proposée par {{Lien web|auteur=Patrick Polo|url=https://webusers.imj-prg.fr/~patrick.polo/M1Galois/ATGch3-4.pdf|titre=Algèbres, polynômes, algèbres de type fini|site=[[Institut de mathématiques de Jussieu|IMJ]]|année=2004}}.</ref>{{,}}<ref name=BourbakiChap4>N. Bourbaki, ''Éléments de mathématique : Algèbre, chapitres 4 à 7'', Dunod, 1981 {{ISBN|2225685746}} [http://tomlr.free.fr/Math%E9matiques/Bourbaki/Alg%E8bre,%20Chapitre%204%20%E0%207.pdf chap. 4].</ref>.

== Anneau des polynômes ==
=== Écriture d'un polynôme ===
{{Article détaillé|Construction de l'anneau des polynômes}}

Pour construire rigoureusement l'anneau des polynômes ''A''[''X''], il faut définir {{Citation|le polynôme ''X'' appelé indéterminée}}<ref>Cette citation est extraite du lien externe {{harvsp|Cours de MPSI}}.</ref>, cette partie est traitée dans l'article détaillé. Pour écrire un polynôme sous sa forme générale, il faut disposer d'un nombre fini d'éléments de ''A'', par exemple ''a''<sub>0</sub>, ''a''<sub>1</sub>, ''a''<sub>2</sub>, … , ''a<sub>k</sub>'', … , ''a<sub>n</sub>'', tel que ''a<sub>n</sub>'' est différent de 0. On peut écrire le polynôme ''P'' sous les deux formes suivantes :
<center><math>P=a_0+a_1X+a_2X^2+\cdots+a_kX^k+\cdots+a_nX^n=\sum_{k=0}^na_kX^k.</math></center>
Dans la définition suivante, « la [[Suite (mathématiques)|suite]] des coefficients de ''P'' » désigne alors : (''a''<sub>0</sub>, ''a''<sub>1</sub>, ''a''<sub>2</sub>, … , ''a<sub>k</sub>'', … , ''a<sub>n</sub>'', 0, 0, … ).
{{Théorème|Égalité de deux polynômes|Deux polynômes sont dits égaux si les deux suites correspondantes de leurs coefficients sont égales. En particulier le polynôme nul est celui dont la suite des coefficients est nulle<ref>Cette propriété est explicitée dans le lien externe {{harvsp|GUIP|2003}}.</ref>.}}

Un [[monôme (mathématiques)|monôme]] est un terme de la forme ''aX<sup>p</sup>'', constitutif du polynôme ; ''a'' est appelé le coefficient du monôme et ''p'' son degré. Le plus grand degré des monômes à coefficients non nuls, ici ''n'', est appelé le [[Degré d'un polynôme|degré du polynôme]] — sauf si le polynôme est nul : on dit alors que son degré est moins l'infini<ref name=BourbakiChap4/>. Le plus petit degré des monômes à coefficient non nul est appelé la [[valuation]] du polynôme — sauf si le polynôme est nul : on dit alors que sa valuation est plus l'infini<ref>Ces définitions proviennent du {{harvsp|Cours de classe préparatoire}} en lien externe ; elles sont justifiées par les formules sur la somme et le produit données plus bas.</ref>.

=== Opérations sur les polynômes ===
{{Article détaillé|Construction de l'anneau des polynômes}}
L'ensemble des polynômes ''A''[''X''] ressemble à bien des égards à celui des entiers. Les deux ensembles sont équipés de deux opérations : l'addition et la multiplication et ces opérations vérifient des propriétés regroupées sous le nom d'axiomes et définissant une structure dite d'[[anneau unitaire|anneau]]. L'élément neutre de l'addition est le polynôme constant 0 et si ''A'' contient un élément neutre pour la multiplication, généralement noté 1, l'élément neutre de ''A''[''X''] pour la multiplication est le '''polynôme constant''' 1. L'expression « [[polynôme constant]] » signifie qu'il s'exprime uniquement à l'aide d'une constante et sans monôme de degré strictement supérieur à 0.

L'analogie va plus loin M. Delord remarque<ref>Cet exemple est tiré du site de M. Delord (membre du {{Page h'|GRIP}}) : ''[http://michel.delord.free.fr/ar-alg.pdf Opérations arithmétiques et algèbre des polynômes]''.</ref> que l'[[écriture décimale positionnelle]] du nombre {{Unité|3021}} s'écrit aussi 3.10{{exp|3}}&nbsp;+&nbsp;2.10{{exp|1}}&nbsp;+&nbsp;1. Cette écriture possède des analogies avec le polynôme 3''X''{{exp|3}}&nbsp;+&nbsp;2''X''&nbsp;+&nbsp;1. La valeur 10 a été remplacée par l'indéterminée. Cette analogie est flagrante si l'on cherche à additionner 3021 avec 21. Les coefficients des différentes puissances de 10 s'additionnent entre eux comme les coefficients des puissances de l'indéterminée. Dans un cas on trouve 3.10{{exp|3}}&nbsp;+&nbsp;4.10{{exp|1}}&nbsp;+&nbsp;2 et dans l'autre 3''X''{{exp|3}}&nbsp;+&nbsp;4''X''&nbsp;+&nbsp;2. Une multiplication des deux nombres et des deux polynômes donnent encore des résultats semblables :
<center><math>6\cdot 10^4 + 3\cdot10^3 + 4\cdot 10^2 + 4\cdot 10 + 1\quad\text{et}\quad 6X^4+3X^3+4X^2 + 4X + 1.</math></center>

L'analogie n'est pas totale, sa limite apparaît si une retenue se présente dans les opérations. Les mécanismes de retenues dans l'addition et la multiplication des entiers en système décimal ne sont pas les mêmes que pour les polynômes.

La somme de deux monômes de même degré est un monôme de même degré et de coefficients la somme de deux coefficients :
<center><math>(1 + 2X + 3X^2) + (3X + 4X^2 + 5X^3) = 1 + 5X + 7X^2 + 5X^3,\quad \sum_{k=0}^n a_k X^k + \sum_{k=0}^n b_k X^k = \sum_{k=0}^n (a_k + b_k) X^k.</math></center>

La multiplication est un peu plus difficile ; elle s'appuie sur la règle, si ''n'' et ''m'' sont deux entiers positifs : ''X''<sup>n</sup>.''X''<sup>m</sup>&nbsp;=&nbsp;''X''<sup>n+m</sup>. On peut prendre un exemple, issu d'une [[identité remarquable]] :
<center><math>(X + 3)^2 = (X + 3)(X + 3)= X(X + 3) + 3(X + 3)= X^2 + 3X + 3X + 9 = X^2 + 6X + 9.~</math></center>

Dans le cas général, on obtient :
<center><math>\left(\sum_{i=0}^n a_iX^i\right)\left(\sum_{j=0}^m b_jX^j\right) = \sum_{k=0}^{n+m} \left(\sum_{i+j = k}a_ib_j\right)X^k.</math></center>

Le degré du produit de deux polynômes est la somme des degrés des deux polynômes. C'est pour que cette règle soit toujours vérifiée que le degré du polynôme nul est défini comme égal à moins l'infini<ref>Cette présentation s'inspire du lien externe {{harvsp|Sarlat|2001}}.</ref>. Ces propriétés sont explicitées et démontrées dans l'article détaillé.

=== Division euclidienne ===
{{Article détaillé|Division d'un polynôme}}
Si tous les éléments non nuls de l'[[anneau commutatif]] ''A'' sont inversibles comme pour ℚ, ℝ ou ℂ, on dit que ''A'' est un [[corps commutatif]], noté ici ''K''. L'ensemble des polynômes à coefficients dans ''K'' est alors équipé d'une division :

{{Théorème|Division euclidienne|Soit ''A'' et ''B'' deux polynômes à coefficients dans un corps ''K''. Si ''B'' est non nul, il existe un unique couple de polynômes (''Q'',&nbsp;''R'') à coefficients dans ''K'' tel que ''A'' soit égal à ''B.Q''&nbsp;+&nbsp;''R'' et que le degré de ''R'' soit strictement plus petit que celui de ''B''.}}

Une autre division, appelée '''division selon les puissances croissantes''', existe. Elle est développée dans l'article détaillé.

=== Arithmétique ===
{{Article détaillé|Arithmétique des polynômes}}
La division euclidienne est à l'origine des résultats de l'[[arithmétique élémentaire]] sur les entiers. Elle permet de démontrer l'[[Théorème de Bachet-Bézout|identité de Bézout]], qui indique que si ''a'' et ''b'' n'ont pas de diviseurs communs autres que 1 et –1, il existe deux entiers ''p'' et ''q'' tel que ''ap''&nbsp;+&nbsp;''bq''&nbsp;=&nbsp;1. La division euclidienne sur les polynômes à coefficients dans un corps commutatif montre l'équivalent :

{{Théorème|Identité de Bézout pour les polynômes|Deux polynômes ''P'' et ''Q'' à coefficients dans un corps ''K'' sont premiers entre eux si, et seulement si, il existe deux polynômes ''A'' et ''B'' tels que :
<center><math>AP+BQ=1.</math></center>}}

Deux polynômes sont dits premiers entre eux lorsque les seuls diviseurs communs sont les [[#Opérations sur les polynômes|polynômes constants]] non nuls. L'identité de Bézout permet de montrer le lemme d'Euclide, qui indique que si ''P'' est un [[polynôme irréductible]] qui divise un produit de polynômes ''A.B'', il divise soit ''A'', soit ''B''. Enfin, dans l'univers des polynômes, l'équivalent des [[nombre premier|nombres premiers]] sont les polynômes irréductibles et [[Polynôme unitaire|unitaire]], ce qui permet d'exprimer un équivalent du [[théorème fondamental de l'arithmétique]] :

{{Théorème|Décomposition en facteurs premiers|Un polynôme non nul, à coefficients dans ''K'', se décompose de manière unique en un produit, composé d'un polynôme constant et d'un produit de polynômes unitaires irréductibles.}}

Les résultats sur les [[plus petit commun multiple|plus petits communs multiples]] et les [[plus grand commun diviseur|plus grands communs diviseurs]] s'appliquent exactement comme pour les entiers.

S'il existe des coefficients non nuls et non inversibles, l'arithmétique est un peu différente, elle est traitée dans l'article détaillé.

== Factorisation ==
=== Équation algébrique ===
La question à l'origine de la découverte du polynôme est celle de l'[[Racine d'un polynôme réel ou complexe|équation]]. Pendant près de mille ans, cette question et les méthodes pour y parvenir représentaient l'essentiel de l'algèbre<ref>{{DahanPeiffer}}{{refinc|date=juillet 2017}}.</ref>. Si ''P'' est un polynôme à coefficients dans le corps ''K'', noté :
<center><math>P = a_n X^n + a_{n-1}X^{n-1} + \cdots + a_1X + a_0.</math></center>

La question revient à trouver les valeurs ''x<sub>i</sub>'', appelées [[Racine d'un polynôme|racines]], telles que l'expression suivante soit nulle :
<center><math>a_n x_i^n + a_{n-1}x_i^{n-1} + \cdots + a_1x_i + a_0 = 0.</math></center>

Bien avant la formalisation moderne de la notion de fonction, on avait remarqué que ''remplacer'' l'indéterminée par une valeur donne le même résultat dans toutes les expressions de ''P''. Si ''k'' est un élément de ''K'', souvent un nombre, il est possible de diviser ''P'' par le polynôme ''X''&nbsp;-&nbsp;''k''. Le reste est un polynôme constant ''c'', car de degré strictement inférieur à celui de ''X''&nbsp;-&nbsp;''k''. On obtient une nouvelle expression de ''P'', à savoir ''P''&nbsp;=&nbsp;''Q''.(''X''&nbsp;-&nbsp;''k'')&nbsp;+&nbsp;''c''.

Substituer la valeur ''k'' à l'indéterminée ''X'' donne le même résultat dans l'expression de droite et de gauche. Si ''c'' est non nul, ''k'' n'est pas racine car l'expression est égale à ''c''. En revanche si ''c'' est nul, alors ''k'' est racine.

{{Théorème|Racine et factorisation d'un polynôme|Soit ''P'' un polynôme à coefficients dans le corps ''K'', un nombre ''r'' est racine du polynôme ''P'' si, et seulement si le polynôme ''X''&nbsp;-&nbsp;''r'' divise le polynôme ''P''.}}

Vue sous l'angle arithmétique, la recherche des racines d'un polynôme est équivalente à la recherche des facteurs du premier degré de ''P''. Ces facteurs sont nécessairement irréductibles, le produit de deux polynômes non constants n'est en effet jamais de degré 1, car le produit de deux polynômes est de degré la somme des degrés des deux polynômes. Résoudre une équation revient à trouver les facteurs irréductibles d'un type particulier, ceux du premier degré. On retrouve un problème déjà connu en arithmétique.

L'intégralité des méthodes de résolutions algébriques d'une équation peuvent être vues comme une factorisation du polynôme en éléments irréductibles du premier degré. La méthode classique de l'[[équation du second degré]] se résume finalement à cela. On peut en déduire un premier résultat.
{{Théorème|Proposition|Un polynôme à coefficients dans ''K'' n'admet jamais plus de racines que son degré.}}

{{boîte déroulante début|align=left|titre=Démonstration de la proposition}}
Si le polynôme ''P'' ne comporte, dans sa décomposition en facteurs irréductibles, que des polynômes du premier degré, alors une analyse sur le terme du plus haut degré indique que ''P'' contient autant de facteurs que son degré, noté ici ''n''. Ainsi un polynôme ''P'' ne peut contenir plus de facteurs du premier degré que son degré. Dans le cas général, ''P'' est le produit d'un polynôme qui n'est pas divisible par un polynôme du premier degré et de ''m'' facteurs du premier degré avec ''m'' plus petit que ''n'', ce que l'on peut écrire :
<center><math>P = Q\cdot(X -r_1)\cdots (X- r_m).</math></center>

Le polynôme ''Q'' est irréductible, ainsi si l'on remplace dans son expression l'indéterminée par une valeur ''k'' quelconque, on ne trouve jamais 0, sinon ''X''&nbsp;-&nbsp;''k'' diviserait ''Q''. Comme le produit de nombres non nuls n'est jamais nul, pour que le produit de droite soit nul quand on remplace l'indéterminée par une valeur ''k'', il faut qu'un des facteurs soit nul c'est-à-dire égal à l'un des ''r<sub>j</sub>'', ce qui démontre la proposition.
{{boîte déroulante fin}}

=== Polynômes irréductibles à coefficients dans ℂ, ℝ et ℚ ===
Selon le choix du corps des coefficients, les polynômes irréductibles n'ont pas la même forme. Considérons le polynôme ''P'' égal à ''X''<sup>5</sup>&nbsp;-&nbsp;''X''{{exp|4}}&nbsp;-&nbsp;4''X''&nbsp;+&nbsp;4. Rechercher ses facteurs irréductibles du premier degré revient à résoudre l'équation polynomiale associée. Si cette équation est étudiée dans ℂ, le [[théorème de d'Alembert-Gauss]] indique l'existence d'au moins une racine. Dans le cas particulier étudié on trouve la racine évidente '''1''', et une division euclidienne montre que :
<center><math>P = (X^4 - 4)(X-1).~</math></center>

Le polynôme ''P'' s'écrit comme le produit de deux polynômes dont un du premier degré. L'usage du même théorème montre que l'autre polynôme possède au moins une racine, ce qui indique l'existence d'un autre facteur du premier degré. De proche en proche on factorise ''P'' en polynômes du premier degré. En pratique une [[identité remarquable]] appliqué 3 fois permet la factorisation de l'exemple étudié :
<center><math>P = (X- \sqrt 2)(X + \sqrt 2)(X- i\sqrt 2)(X + i\sqrt 2)(X-1).~</math></center>

Et dans le cas général :
{{Théorème|Polynôme irréductible sur ℂ|Les seuls polynômes à coefficients dans le corps des nombres complexes irréductibles, sont ceux du premier degré.}}

La même équation sur ℝ donne des résultats différents. Le terme '''i''', désignant l'[[unité imaginaire]], n'existe pas. La factorisation donne :
<center><math>P = (X^2 + 2)(X- \sqrt 2)(X + \sqrt 2)(X-1).~</math></center>

Il est aisé de se rendre compte que le premier facteur est irréductible. ''Remplacer'' l'indéterminée par une valeur donne toujours un nombre plus grand que 2, le polynôme ''X''{{exp|2}}&nbsp;+&nbsp;2 ne contient aucun diviseur du premier degré et, comme il est de degré 2, il est nécessairement irréductible. Dans le cas général :
{{Théorème|Polynôme irréductible sur ℝ|Les seuls polynômes irréductibles à coefficients réels, sont ceux du premier degré et ceux du deuxième degré ayant un [[discriminant]] strictement négatif.}}
Une démonstration est fournie dans [[Théorème de d'Alembert-Gauss#Énoncés|Théorème de d'Alembert-Gauss, § Énoncés]].

Sur ℚ, l'exemple choisi montre qu'il n'existe qu'un seul facteur du premier degré, car la [[racine de 2]] n'est pas un nombre rationnel. Les polynômes irréductibles à coefficients dans ℚ sont beaucoup plus variés, on en trouve de tous les degrés, comme le montre le [[critère d'Eisenstein]].

=== Coefficients et racines ===
{{Article détaillé|Relations entre coefficients et racines}}
À condition d'accepter d'''élargir'' l'ensemble de nombres, pour les configurations classiques comme les nombres rationnels, réels ou complexes, il est toujours possible de factoriser un polynôme ''P''. Cela donne deux manières d'écrire ''P''. En utilisant les mêmes notations que précédemment :
<center><math>P = a_nX^n + a_{n-1}X^{n-1} + \cdots + a_0 = a_n(X - r_1)(X - r_2)\cdots (X -r_n).</math></center>

Ici ''r<sub>k</sub>'' pour ''k'' variant de 1 à ''n'', désigne les différentes racines du polynôme ''P''. Les valeurs que prennent les ''r<sub>k</sub>'' peuvent être semblables, on parle alors de '''racines multiples'''. La décomposition correspond à celles des facteurs premiers de ''P'', la constante ''a''<sub>n</sub> supposée non nulle, correspond à l'élément du [[groupe des unités]], sa valeur est celle du coefficient du [[monôme (mathématiques)|monôme dominant]].

Dans le cas du polynôme unitaire du deuxième degré, l'égalité devient :
<center><math> P = X^2 + a_1X + a_0 = (X - r_1)(X - r_2).~</math></center>

Le développement du terme de droite donne les relations :
<center><math>(X - r_1)(X - r_2)= X^2 -(r_1+r_2)X + r_1r_2 = X^2 + a_1X + a_0 \quad\text{et}\quad a_1 = -(r_1+r_2),\quad a_2 = r_1r_2.</math></center>

Cette factorisation donne une relation entre les coefficients et les racines. Elle se généralise.

Si l'on ''remplace'' maintenant ''r''<sub>1</sub> et ''r''<sub>2</sub> par deux indéterminées ''X'' et ''Y'', on obtient deux polynômes ''X.Y'' et ''X+Y'' dit [[polynôme symétrique|symétriques]]. Un polynôme à plusieurs indéterminées est dit symétrique si une [[permutation]] des indéterminées ne modifie pas le polynôme. Ainsi ''X.Y'' est symétrique, mais ''X''{{exp|2}}&nbsp;+&nbsp;''Y'' ne l'est pas. Pour générer des polynômes symétriques à ''n'' variables, il suffit d'utiliser ce procédé avec un polynôme de degré ''n''. On obtient exactement ''n'' polynômes symétriques. Tous les polynômes symétriques s'obtiennent par combinaison linéaires de produits de ces ''n'' polynômes symétriques.

== Algèbre linéaire ==
=== Espace vectoriel ===
L'anneau ''A'' est naturellement [[Isomorphisme d'anneaux|isomorphe]] au [[sous-anneau]] de ''A''[''X''] constitué des polynômes constants. Ceci permet de définir une nouvelle opération sur ''A''[''X''], une multiplication externe, qui à un [[Scalaire (mathématiques)|scalaire]] ''a'' et à un polynôme ''P'' associe le polynôme ''aP'', produit du polynôme ''a'' (vu comme un polynôme constant) et du polynôme ''P''. Par construction, cette multiplication externe de ''A''×''A''[''X''] dans ''A''[''X''] est compatible avec l'addition et la multiplication de l'anneau ''A''[''X''] ; plus précisément : muni de ces trois opérations, ''A''[''X''] est une [[algèbre associative|''A''-algèbre associative]].

En particulier, si ''A'' est un corps, l'ensemble ''A''[''X''], muni de l'addition et de la multiplication externe, est un ''A''-[[espace vectoriel]]. Si ''A'' n'est pas un corps, ''A''[''X''] possède, de même, une structure de [[Module sur un anneau|''A''-module]].

Ce ''A''-module est [[Module libre|libre]], c'est-à-dire qu'il possède au moins une [[Base (algèbre linéaire)|base]] : la famille <math>(X^n)_{n\in\N}</math> (elle est [[Famille génératrice|génératrice]] de ''A''[''X''] par construction, et elle est aussi [[Famille libre|libre]]).

{{Théorème|Base canonique|La famille <math>(X^n)_{n\in\N}</math> des puissances de l'indéterminée est une base de ''A''[''X''], appelée [[base canonique]].}}

Un [[sous-module]] particulier est celui des polynômes de degré inférieur ou égal à un entier positif ''p''. Par définition, il possède comme base (1, ''X'', … , ''X<sup>p</sup>''). C'est donc un [[module libre]] de [[Dimension d'un espace vectoriel|dimension]] ''p'' + 1<ref>Lien externe {{harvsp|Cours de classe préparatoire}}.</ref>.

=== Substitution et fonction polynomiale ===
{{Citation|Le mot polynôme désigne en fait deux entités mathématiques distinctes : le polynôme formel et la fonction polynomiale. Cette dernière fournit la valeur prise par le polynôme lorsqu’on y remplace la variable x par une valeur numérique donnée<ref>{{Lien web|titre=Polynômes|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Ffr.encarta.msn.com%2Fencyclopedia_761575923%2Fpolynomes.html|site=[[MSN]] [[Encarta]]|année=2008}}.</ref>.}}

À un polynôme formel à coefficients entiers, comme ''X''{{2}}&nbsp;+&nbsp;2''X''&nbsp;+&nbsp;1, on peut associer une [[fonction polynomiale]] ''f'' définie sur ℤ par : ''f''(''x'')&nbsp;=&nbsp;''x''{{2}}&nbsp;+&nbsp;2''x''&nbsp;+&nbsp;1.

Dans le cas général d'un polynôme à coefficients dans un anneau ''A'', il suffit d'indiquer l'ensemble de départ ''B'', un anneau contenant ''A'' (par exemple : un anneau de polynômes à coefficients dans ''A''), et de ''substituer'' l'indéterminée ''X'' par la variable ''x'' dans l'écriture du polynôme formel. On définit ainsi une application Φ, de ''A''[''X''] dans l'anneau des fonctions de ''B'' dans ''B'', qui à un polynôme formel associe sa fonction polynomiale. Cette application Φ est un [[morphisme d'anneaux]], c'est-à-dire qu'elle est compatible avec l'addition et la multiplication :
<center><math>\forall P, Q \in A\quad \Phi(P + Q) = \Phi(P) + \Phi(Q)\quad\text{et}\quad \Phi(P\cdot Q) = \Phi(P)\cdot\Phi(Q).</math></center>

Puisqu'elle fixe les polynômes constants, c'est donc un morphisme d'algèbres, c'est-à-dire qu'elle est de plus compatible avec la multiplication externe :
<center><math>\forall P\in A\quad \forall \lambda \in A \quad\Phi(\lambda P) = \lambda \Phi(P)</math>.</center>

C'est donc une [[application linéaire]] ({{c.-à-d.}} compatible avec + et avec la [[Loi de composition|loi externe]]).

L'application Φ n'est pas toujours [[Injection (mathématiques)|injective]]. Un premier cas se présente, si l'anneau ''A'' contient une copie de l'ensemble ℤ des entiers. C'est par exemple le cas de ℚ, ℝ ou ℂ. Dans ce cas, l'application Φ est injective. La démonstration est donnée à la suite de cet article dans le paragraphe ''Équation algébrique''. Il existe d'autres cas où Φ n'est pas injective, par exemple celui où ''A'' est un [[corps fini]]. Quelques exemples sont donnés si ''A'' désigne l'[[Anneau ℤ/nℤ|anneau ℤ/''p''ℤ]] où ''p'' est un nombre premier. L'ensemble des polynômes formels est toujours infini, tous les polynômes ''X<sup>n</sup>'' sont distincts, et si ''n'' parcourt l'ensemble des entiers positifs, on obtient une infinité de polynômes distincts. En revanche, les [[fonction polynomiale|fonctions polynomiales]] forment un sous-ensemble des fonctions de ''A'' dans ''A'', si ''A'' est un corps fini de cardinal ''p'', il existe ''p<sup>p</sup>'' fonctions distinctes et donc au maximum ''p<sup>p</sup>'' fonctions polynomiales. Comme il ne peut y avoir d'injection d'un ensemble infini vers un [[ensemble fini]], l'application Φ n'est pas injective. Il existe quelques cas où Φ est injective :
{{Théorème|Proposition|Si ''B'' est [[ensemble infini|infini]] et [[Anneau intègre|intègre]], alors Φ est injective<ref>{{Douady1}}, {{p.|146}}.</ref>.}}

Un anneau commutatif à au moins deux éléments est dit intègre si un produit de deux éléments ''a'' et ''b'' de l'anneau est nul uniquement si ''a'' ou ''b'' l'est. De nombreux anneaux usuels de nombres (entiers, rationnels, réels, complexes…) sont infinis et intègres. Pour eux, l'anneau des fonctions polynomiales et celui des polynômes formels sont donc des copies l'un de l'autre et tous les résultats algébriques établis ici s'appliquent aux fonctions polynomiales.

{{boîte déroulante début|align=left|titre=Démonstrations}}
:* '''Dans un corps fini, toute fonction est polynomiale<ref>Pour l'étude des polynômes formels, l'application Φ est parfois utile. Quand les coefficients sont choisis dans un corps fini '''F'''<sub>''p''</sub>, on a parfois besoin de connaître l'ensemble des fonctions polynomiales et comment construire un polynôme prenant des valeurs précises. Cette question apparait par exemple pour la construction d'un [[code correcteur]] et particulièrement d'un [[code cyclique]] : {{Lien web|auteur=C. Bachoc|url=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=https%3A%2F%2Fwww.math.u-bordeaux.fr%2F~kbelabas%2Fteach%2FAgreg%2Fcode.pdf|titre=Cours de code|site=[[Université Bordeaux I]]|année=2004}}{{refinc|date=juillet 2017}}.</ref> :'''
Pour construire un polynôme P ayant les mêmes valeurs qu'une fonction ''f''(''x''), on construit d'abord la fonction polynomiale ''P''<sub>0</sub>(''x''), qui vaut 1 en 0 et 0 partout ailleurs, puis ''P''<sub>h</sub>(''x'') qui vaut 0 partout sauf en ''h'' ou il vaut 1 :
<center><math>P_0(x) = \prod_{k \in \mathbb F_p^*} (1 - k^{-1}x)\quad\text{et}\quad \forall h \in \mathbb F_p\quad P_h(x) = P_0(x-h).</math></center> 

La fonction ''f''(''x'') est égale à la combinaison linéaire des polynômes ''P''<sub>h</sub>(''x'') avec les coefficients ''f''(''h'') quand ''h'' parcours le corps ''F''<sub>p</sub>.

:* '''Si ''B'' contient une infinité d'éléments et est unitaire et [[Anneau intègre|intègre]], alors Φ est injective :'''
Si ''B'' est un anneau unitaire et intègre, il est possible de construire son [[corps des fractions]] ''K'' et de considérer ''P'' comme un polynôme à coefficients dans ''K''. Le polynôme ''P'' ne peut avoir plus de racines dans ''K'' que son degré par définition fini. Si ''P'' n'est pas le polynôme nul, comme ''B'' est infini, il contient une valeur ''b'' telle que ''P''(''b'') n'est pas nul. En conséquence, le noyau de l'application Φ est réduit au vecteur nul, ce qui montre que Φ est injectif.
{{Boîte déroulante fin}}

== Dérivée formelle ==
=== Définition ===
Il existe une application linéaire de ''A''[''X''] parfois très utile, elle est appelée '''dérivée formelle'''. Comme toute application linéaire, elle est parfaitement définie par la connaissance de l'image d'une base.

{{Théorème|Définition de la dérivée formelle<ref name="Mercier-p300">D. J. Mercier ''L'épreuve d'exposé au CAPES mathématiques'', vol. II Sciences Mathématiques, 2006 {{ISBN|2748330013}}, {{p.|300}}.</ref>|La dérivée formelle est l'application linéaire de ''A''[''X''] dans lui-même, qui à ''X<sup>n</sup>'' associe ''nX''<sup>''n''–1</sup>.}}

(Le produit du polynôme ''X''<sup>''n''–1</sup> par l'entier ''n'' est bien défini, puisque (''A''[''X''], +) est un [[groupe abélien]].)

Si ''A'' est l'anneau des entiers ou le corps des nombres complexes, la dérivée formelle est le pendant de l'application dérivée dans le monde des polynômes formels. La définition présentée ici s'applique néanmoins à n'importe quel anneau de polynômes construit sur un anneau commutatif.

Si le polynôme ''P'' s'écrit de la manière habituelle, on a l'expression ''P''' de sa dérivée formelle :
<center><math>P = a_nX^n + a_{n-1}X^{n-1} + \cdots + a_1X + a_0 \quad\text{et}\quad P' = na_nX^{n-1} + (n-1)a_{n-1}X^{n-2} + \cdots a_1.</math></center>

=== Propriétés ===
(Rappelons que l'anneau ''A'' est supposé intègre.)
*En [[analyse réelle]], toute application [[dérivable]] de ℝ dans ℝ et [[Fonction monotone#Monotonie et signe de la dérivée|de dérivée nulle est constante]] (ce résultat se déduit du [[théorème des accroissements finis]]). L'analogue de ce résultat pour les polynômes formels n'est pas toujours valide. En effet, supposons par exemple que dans l'anneau ''A'', l'élément 3.1{{ind|''A''}} = 1{{ind|''A''}} + 1{{ind|''A''}} + 1{{ind|''A''}} soit égal à 0{{ind|''A''}} — on dit alors que la [[Caractéristique d'un anneau|caractéristique de l'anneau]] est 3. Alors, dans ''A''[''X''], le polynôme dérivé de ''X''{{3}} est le polynôme nul. Pourtant, ''X''{{3}} n'est pas un [[#Opérations sur les polynômes|polynôme constant]]. Cette situation ne se produit pas si l'anneau est de caractéristique nulle, c'est-à-dire si pour tout entier ''n'' > 0, l'élément ''n''1{{ind|''A''}} n'est pas nul :<center>En caractéristique nulle, le [[Noyau (algèbre)|noyau]] de l'application linéaire <math>P\mapsto P'</math> est réduit aux polynômes constants.</center>
*Le degré de la dérivée d'un polynôme formel de degré ''n'' est strictement inférieur à ''n'' (égal à ''n'' – 1 en caractéristique nulle) ; en conséquence, la [[Dérivation itérée|dérivée (''n'' + 1)-ième]] d'un polynôme de degré ''n'' est le polynôme nul.
*C'est une [[Dérivation (algèbre)|dérivation]], c'est-à-dire que si ''P'' et ''Q'' sont deux polynômes :<center><math>(PQ)' = P'Q + PQ'</math>.</center>
*Le polynôme dérivé d'un polynôme composé <math>P\circ Q:=P(Q)</math> (défini par [[#Substitution et fonction polynomiale|substitution]]) est donné par :<center><math>(P\circ Q)'=(P'\circ Q)\times Q'</math>.</center>En particulier, <math>\left(P(aX+b)\right)'=aP'(aX+b)</math> donc (par récurrence) <math>\left(P(aX+b)\right)^{(k)}=a^kP^{(k)}(aX+b)</math>.

Une autre propriété relie l'existence de racines multiples à la dérivée formelle, on dit qu'un polynôme à coefficients dans ''K'' est '''séparable''' s'il admet autant de racines distinctes que son degré, dans au moins un corps ''L'' contenant ''K''.
 
{{Théorème|Critère de présence d'une racine multiple<ref>{{Lien web|auteur=A. Kraus|url=http://www.infotheque.info/cache/2961/www.institut.math.jussieu.fr/m2/aa/dea02-03/Galois.pdf|titre=Théorie de Galois — Cours accéléré de DEA|lieu=[[Université de Paris VI]]|site=[[Institut de mathématiques de Jussieu|IMJ]]|année=1998}}, Proposition 2.2, {{p.|12}}.</ref>|Un polynôme, à coefficients dans ''K'', est séparable si et seulement si lui et sa dérivée formelle sont premiers entre eux.}}

On trouve une démonstration dans l'article « [[Extension séparable]] ». Par exemple, le polynôme ''X''{{2}}&nbsp;+&nbsp;2, à coefficients dans le corps ℚ des rationnels, est séparable, car il admet deux racines distinctes dans le corps ℂ des complexes, qui contient ℚ. Il est bien premier avec sa dérivée formelle, égale à 2''X''.

=== Développement de Taylor ===
En caractéristique nulle, le [[Théorème de Taylor|développement de Taylor]] s'applique aux polynômes formels.

{{Théorème|Développement de Taylor<ref name="Mercier-p300"/>|Soient ''A'' un [[anneau intègre]] et de caractéristique nulle, ''P'' un polynôme de ''A''[''X''] de degré inférieur ou égal à ''n'' et <math>a</math> un élément de ''A''. La formule suivante, dite développement de Taylor de ''P'' en <math>a</math>, est vérifiée :
<center><math>P = \sum_{i=0}^n \frac {P^{(i)}(a)}{i!} (X-a)^i.</math></center>}}

Cette formule mérite quelques explications. Le terme ''P''<sup>(''i'')</sup>(''a'') désigne l'élément de ''A'' obtenu en [[#Substitution et fonction polynomiale|substituant]] ''a'' à l'indéterminée ''X''. La notation [[Factorielle|''i''!]] désigne ici l'élément ''i''! 1{{ind|''A''}} de l'anneau. La division n'est pas toujours définie sur ''A'' ; en revanche, on démontre (ci-dessous) que le terme ''P''<sup>(''i'')</sup>(''a'') est toujours un multiple de ''i''!. Comme ''A'' est intègre, l'élément ''b<sub>i</sub>'' de ''A'' tel que ''i''!''b<sub>i</sub>'' soit égal à ''P''<sup>(''i'')</sup>(''a'') est unique, ce qui donne un sens au développement de Taylor.

{{Démonstration|
Soit <math>P=\sum_{i=0}^na_iX^i</math> avec <math>a_i\in A</math>.
*Pour <math>k</math> de <math>0</math> à <math>n</math>, on a <math>P^{(k)}=\sum_{i=k}^na_i\frac{i!}{(i-k)!}X^{i-k}</math> (par récurrence), donc <math>P^{(k)}(0)=a_kk!</math>, c'est-à-dire (compte tenu des explications ci-dessus) <math>a_k=\frac{P^{(k)}(0)}{k!}</math>. On en déduit l'égalité <math>P=\sum_{i=0}^n\frac{P^{(i)}(0)}{i!}X^i</math>, parfois appelée le développement de Taylor-Young de ''P''.
*Le développement de Taylor-Young du polynôme <math>Q(Y):=P(Y+a)</math> est alors :
*::<math>Q(Y)=\sum_{i=0}^n\frac{Q^{(i)}(0)}{i!}Y^i</math>.
*:Or <math>Q^{(i)}(Y)=\left(P(Y+a)\right)^{(i)}=P^{(i)}(Y+a)</math> (d'après une [[#Propriétés|propriété de la dérivation]]), donc <math>Q^{(i)}(0)=P^{(i)}(a)</math>. Par conséquent :
*::<math>P(Y+a)=\sum_{i=0}^n\frac {P^{(i)}(a)}{i!}Y^i</math>.
*:En « [[#Substitution et fonction polynomiale|remplaçant]] » <math>Y</math> par <math>X-a</math>, on obtient la formule annoncée.
}}

=== Résultant, discriminant ===
{{Article détaillé|Résultant|Discriminant}}
Le '''résultant''' de deux polynômes est le [[déterminant (mathématiques)|déterminant]] d'une matrice construite à l'aide des deux polynômes. Ce déterminant est non nul si, et seulement si, les deux polynômes sont premiers entre eux. Le '''discriminant''' d'un polynôme ''P'' est, à un facteur multiplicatif près, le résultant du polynôme et de sa dérivée, ce qui permet d'écrire que :
{{Théorème|Discriminant|le discriminant d'un polynôme est nul, si, et seulement si, le polynôme admet au moins une racine multiple, dans son corps de décomposition.}}

Si ''a'' est le coefficient du monôme dominant, ''n'' le degré du polynôme et α <sub>k</sub>, pour ''k'' variant de 1 à ''n'', les racines du polynôme ''P'', son discriminant Δ(''P'') est égal à :
<center><math>\Delta(P)=a^{2n-2}\prod_{i<j}{(\alpha_i-\alpha_j)^2}.</math></center>

Le discriminant s'exprime aussi en fonction des coefficients du polynôme, l'expression est néanmoins complexe si ''n'' est élevé. Dans le cas de la dimension 2 et si le polynôme ''P'' s'écrit ''aX''{{exp|2}}&nbsp;+&nbsp;''bX''&nbsp;+&nbsp;''c'', on retrouve l'expression classique :
<center><math>\Delta(P)= b^2 -4ac \quad\text{ou encore}\quad \Delta(P) = a^2(\alpha_1 - \alpha_2)^2.</math></center>

Ce qui permet de retrouver aisément les formules donnant les racines de l'équation en fonction des coefficients, sachant que l'opposé de la somme des racines est égal à ''b''. Si ''n'' est strictement plus grand que 2, le discriminant n'offre pas de moyen simple d'exprimer les racines<ref>Voir à ce sujet {{Lang1}}, chap IV, § 8.</ref>.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|colonnes=2}}

=== Liens externes ===
{{Légende plume}}
* {{Lien web|id=Cours de classe préparatoire|titre=Cours de classe préparatoire|sous-titre=Chapitre I : Anneau des Polynômes|lire en ligne=http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fmedia.wikiupvd.fr%2Fautres%2Fpdf%2Fmathematiques%2Falgebre_1%2FChapitre%25201-Anneau_des_Polynomes.pdf}}{{Plume}}
* {{Lien web|id=Cours de MPSI|titre=Cours de MPSI|sous-titre=Introduction à l'indéterminée|lire en ligne=http://melusine.eu.org/syracuse/immae/mpsi/mathematiques/algebre_geometrie/06.pdf}}{{Plume}}
* {{Lien web|auteur=R. Ferréol|url=http://mapage.noos.fr/r.ferreol/atelecharger/textes/polynomes.pdf|titre=Polynôme}} : un cours de [[Classes préparatoires physique, chimie, sciences de l'ingénieur|PCSI]]
* {{Lien web|auteur=GUIP|titre=Présentation et construction de l'anneau des polynômes à coefficients dans un corps|url=http://uel.unisciel.fr/mathematiques/polynomes1/polynomes1_ch01/co/apprendre_ch1.html|éditeur=Ulysse|lieu=Université Bordeaux I|année=2003}}{{Plume}}
* {{Lien web|prénom1=J. M.|nom1=Sarlat|titre=Introduction aux polynômes|année=2001|lire en ligne=http://melusine.eu.org/syracuse/exemples/sarlat/foils01/foils01.pdf}}{{Plume}} 

{{Portail|algèbre}}

[[Catégorie:Polynôme]]