Voir la source de Problème de Burnside

En [[mathématiques]], le '''problème de Burnside''' est l'une des questions les plus anciennes et qui a eu le plus d'influence en théorie des [[Groupe (mathématiques)|groupes]]. En 1902, [[William Burnside]] demanda si un [[groupe de torsion]] [[Groupe de type fini|de type fini]] est nécessairement [[Groupe fini|fini]]. Cette [[conjecture]] fut réfutée soixante ans plus tard, ainsi que [[#Problème de Burnside borné|sa variante « bornée »]], tandis que [[#Problème de Burnside restreint|sa variante « restreinte »]] a été démontrée, plus récemment, par [[Efim Zelmanov]]. De nombreux problèmes sur ces sujets sont encore ouverts aujourd'hui.

== Histoire ==
Dans l'article<ref>{{article|lang=en|auteur=William Burnside|titre=On an unsettled question in the theory of discontinuous groups|revue=Quart. J. Math.|vol=33|année=1902|passage=230-238}}.</ref> décrivant sa conjecture, Burnside traite le cas où le groupe est non seulement de torsion mais d'[[Exposant d'un groupe|exposant fini]] ''n ''égal à 2 ou 3, ainsi que le cas où ''n ''est égal à 4 et où le groupe est engendré par deux éléments<ref>Cependant, il affirme qu'un tel groupe est d'ordre ''égal'' à 2{{exp|12}}, alors qu'en réalité ce nombre n'est qu'un majorant de l'ordre.</ref> (en fait, un groupe ''G ''de type fini tel que l'[[Ordre (théorie des groupes)|ordre]] de tout élément de ''G ''est un diviseur de 4 est toujours fini, quel que soit le nombre de ses générateurs). [[Théorème de Burnside (problème de 1902)|En 1905, il démontre]] que tout [[sous-groupe]] d'exposant fini du [[groupe linéaire]] {{nobr|GL(''n'', [[nombre complexe|ℂ]])}} est fini. En 1911, [[Issai Schur]] prouve que tout sous-groupe de torsion de type fini de GL(''n'', ℂ) est fini, et précise sa structure par le [[théorème de Jordan-Schur]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Charles|nom1=Curtis|lien auteur1=Charles W. Curtis|auteur2=[[Irving Reiner]]|titre=Representation Theory of Finite Groups and Associated Algebras|éditeur=[[John Wiley & Sons]]|année=1962|passage=256-262|lire en ligne={{Google Livres|RKwjeZKMr8oC|page=256}}}}.</ref>.

Cependant, la conjecture générale de Burnside est [[théorème de Golod-Chafarevitch|réfutée en 1964]] par [[Evgeny Golod]] et [[Igor Shafarevich]]. En 1968, [[Piotr Novikov]] et [[Sergueï Adian]] réfutent même la version bornée. En 1982, A. Yu. Ol'shanskii trouve quelques contre-exemples saisissants pour des exposants impairs suffisamment grands (plus grands que 10{{exp|10}}) et fournit une preuve considérablement plus simple basée sur des idées géométriques<ref>{{Ouvrage|langue=en|langue originale=ru-Latn|prénom1=A. Yu.|nom1=Ol'shanskii|traducteur=de l'original en russe de 1989 : Yu. A. Bakhturin|titre=Geometry of defining relations in groups|lieu=Dordrecht|éditeur=[[Wolters Kluwer|Kluwer Academic Publishers]]|collection=Mathematics and its Applications (Soviet Series)|numéro dans collection=70|année=1989|pages totales=505|isbn=0-7923-1394-1|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=jwNkqFQn-GcC&printsec=frontcover}}.</ref>.

Le cas des exposants pairs s'est révélé beaucoup plus difficile à traiter. Sergei Vasilievich Ivanov a annoncé en 1992 et publié en 1994<ref>{{article|lang=en|auteur=S. V. Ivanov|année=1994|titre=The free Burnside groups of sufficiently large exponents|revue=Internat. J. Algebra Comput.|vol=4}}.</ref> des contre-exemples pour les exposants pairs suffisamment grands et divisibles par une grande [[Puissance de deux|puissance de 2]], puis a fourni, avec Ol'shanskii, une solution négative à un problème analogue à celui de Burnside pour les [[Groupe hyperbolique|groupes hyperboliques]], pourvu que l'exposant soit suffisamment grand<ref name=OI96>{{article|lang=en|prénom=S. V.|nom=Ivanov|prénom2=A. Yu.|nom2=Ol'shanskii|année=1996|url=http://www.ams.org/tran/1996-348-06/S0002-9947-96-01510-3/home.html|titre=Hyperbolic groups and their quotients of bounded exponents|revue=[[Transactions of the American Mathematical Society|Trans. Amer. Math. Soc.]]|vol=348|passage=2091-2138}}.</ref>. À l'opposé, quand l'exposant est petit mais différent de 2, 3, 4 et 6, on sait très peu de choses.

Par ailleurs, [[Alexeï Kostrikin|Alexei Kostrikin]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|langue originale=ru-Latn|auteur1=A. I. Kostrikin|traducteur=du russe, avec préface : James Wiegold|titre=Around Burnside|éditeur=Springer|collection={{Lien|lang=de|Ergebnisse der Mathematik und ihrer Grenzgebiete}}|numéro dans collection=(3), 20|année=1990|pages totales=219|url={{Google Livres|tlzsCAAAQBAJ}}}}.</ref> (1958, cas d'un exposant premier) et [[Efim Zelmanov]]<ref>{{article|lang=ru|auteur=E. Zelmanov|année=1990|titre={{Lang|en|Solution of the restricted Burnside problem for groups of odd exponent}}|revue=Izv. Akad. Nauk SSSR (Ser. Mat.)|vol=54|numéro=1|passage=42-59, 221|url=http://mi.mathnet.ru/eng/izv1104}}, traduit dans {{article|lang=en|revue=Math. USSR-Izv.|vol=36|année=1991|numéro=1|passage=41-60|doi=10.1070/IM1991v036n01ABEH001946|titre=Solution of the restricted Burnside problem for groups of odd exponent|auteur=E. I. Zel'manov}}.</ref>{{,}}<ref>{{article|lang=ru|auteur=E. Zelmanov|année=1991|titre={{Lang|en|Solution of the restricted Burnside problem for 2-groups}}|journal=Mat. Sb.|volume=182|numéro=4|passage=568-592|url=http://mi.mathnet.ru/eng/msb1311}}, traduit dans {{article|lang=en|revue=Math. USSR-Sb.|vol=72|année=1992|numéro=2|passage=543-565|doi=10.1070/SM1992v072n02ABEH001272|titre=A solution of the restricted Burnside problem for 2-groups|auteur=E. I. Zel'manov}}.</ref> (1989, cas général) ont démontré que parmi les [[groupes finis]] à ''m ''générateurs et d'exposant ''n'', il en existe un [[Objet initial et objet final|« plus gros »]] (pour chaque couple {{nobr|(''m'', ''n'')),}} et Zelmanov a reçu en 1994 la [[médaille Fields]] pour sa preuve de cette version « restreinte » de la conjecture.

== Problème de Burnside général ==
Un groupe ''G ''est dit [[Groupe de torsion|de torsion]] si chacun de ses éléments est d'ordre fini, c'est-à-dire si pour tout ''g ''dans ''G'', il existe un entier ''n ''> 0 tel que ''g{{exp|n}} ''= 1. Tout groupe fini est clairement de torsion. Il est facile de définir des [[Groupe infini|groupes infinis]] qui sont aussi de torsion (comme les [[Produit direct (groupes)#Somme restreinte d'une famille de groupes|sommes directes]] d'une [[Ensemble infini|infinité]] de groupes finis non [[Groupe trivial|triviaux]]), mais difficile d'en trouver qui soient en même temps de type fini.

Le problème de Burnside général était :
{{énoncé|Un groupe de torsion de type fini est-il nécessairement fini ?}}

Golod et Shafarevich y ont répondu négativement en 1964, en donnant un exemple de [[p-groupe|''p''-groupe]] infini de type fini (voir [[Théorème de Golod-Chafarevitch]]). Cependant, les ordres des éléments de ce groupe ne sont pas, ''a priori'', bornés par une même constante.

== Problème de Burnside borné ==
[[Fichier:FreeBurnsideGroupExp3Gens2.png|vignette|droite|Le [[graphe de Cayley]] du groupe de Burnside ''B''(2,3) à 27 éléments]]
Une partie de la difficulté, dans le problème de Burnside général, était que les contraintes « de type fini » et « de torsion » donnent très peu d'informations sur la structure possible d'un groupe. Une contrainte plus forte que « de torsion » est « d'exposant fini », c'est-à-dire qu'on demande qu'il existe un ''n'', le même pour tous les éléments ''g ''du groupe, tel que tous les ''g{{exp|n}}'' soient égaux à 1.

Le problème de Burnside borné demandait :
{{énoncé|Un groupe d'exposant fini et de type fini est-il nécessairement fini ?}}

Pour les groupes d'exposant ''n ''à ''m ''générateurs, ce problème équivaut à la finitude du '''groupe de Burnside''' « [[Propriété universelle#Propriété universelle des familles libres|libre]] » B(''m'', ''n''), qui est « le plus gros » groupe de cette famille, au sens où tous sont [[Canonique (mathématiques)|canoniquement]] des [[Groupe quotient|quotients]] de celui-là (donc tous sont finis si et seulement si celui-là l'est). On peut construire ce groupe, solution d'un [[problème universel]], par la [[Présentation d'un groupe|présentation]] donnée par ''m ''générateurs<ref>Les deux paramètres de B(''m'', ''n'') sont intervertis dans {{Hall1}}, [https://books.google.fr/books?id=oyxnWF9ssI8C&pg=PA320 {{chap.|18}}].</ref> ''x''{{ind|1}}, … , ''x{{ind|m}}'' et une infinité<ref>Il suffit parfois d'un nombre fini de relations. Par exemple, le groupe [https://groupprops.subwiki.org/wiki/Unitriangular_matrix_group:UT(3,3) B(2, 3) est l'unique groupe non abélien d'exposant 3 et d'ordre 27 donc est isomorphe au groupe de matrices unitriangulaires] [https://groupprops.subwiki.org/wiki/Unitriangular_matrix_group_of_degree_three UT(3, '''F'''{{ind|3}}), qui a pour] [[Présentation d'un groupe|présentation]] <math>\langle x,y\mid x^3,y^3,[x,y]^3,[x,[x,y]],[y,[x,y]]\rangle</math>.</ref> de relations : ''x{{exp|n}} ''= 1 pour tout [[Monoïde#Bases et monoïdes libres|mot]] ''x ''sur l'alphabet {{nobr|''x''{{ind|1}}, … , ''x{{ind|m}}'', ''x''{{ind|1}}{{exp|–1}}, … , ''x{{ind|m}}''{{exp|–1}}.}}

On peut alors préciser la question :
{{énoncé|Pour quels entiers ''m'', ''n ''> 0 le groupe de Burnside B(''m'',''n'') est-il fini ?}}

La réponse à cette question n'est connue que partiellement. Dans son article originel, Burnside étudiait quelques cas faciles :

* B(1, ''n'') est le [[groupe cyclique]] d'ordre ''n''.
* B(''m'', 2) est le [[Produit direct (groupes)|produit]] de ''m ''copies du groupe cyclique d'ordre 2, puisqu'[[Ordre (théorie des groupes)#Structure de groupe|il est abélien]].

On sait de plus (Burnside, Sanov, Hall<ref>{{Harvsp|Hall 1976}}, {{chap.|18}}.</ref>) que

* B(''m'', 3), B(''m'', 4) et B(''m'', 6) sont finis pour tout ''m''<ref>B(''m'', 3) est d'ordre 3{{exp|''r''(''m'')}} avec <math>r(m)=m+{m\choose2}+{m\choose3}</math> : {{Harvsp|Hall 1976|p=324}}.</ref>.

On ne sait pas si B(2, 5) est fini.

En 1968, par un argument combinatoire élaboré, Novikov et Adian ont construit, pour tout ''n ''impair supérieur ou égal à {{formatnum:4381}}, un groupe infini d'exposant ''n ''et de type fini. Adian a par la suite ramené ce minorant à 665<ref>[[John Britton (mathématicien)|John Britton]] a proposé en 1973 une autre preuve, de près de 300 pages, mais Adian y a finalement décelé une erreur.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=S. I. Adian|langue originale=ru|traducteur=[[John Lennox]] et {{Lien|James Wiegold}}|titre=The Burnside Problem and Identities in Groups|éditeur=[[Springer Verlag|Springer]]|collection=Ergebnisse der Mathematik und ihrer Grenzgebiete|numéro dans collection=95|année=1979|pages totales=314|isbn=978-3-642-66934-7}}.</ref>.

Le cas ''n ''pair s'est révélé considérablement plus difficile. Ce n'est qu'en 1992 que Sergei Vasilievich Ivanov réussit à démontrer un analogue du théorème de Novikov-Adian : pour tout ''m'' > 1, il existe un entier pair ''n'' ≥ 2{{exp|48}}, ''n'' divisible par 2{{9}}, tel que B(''m'', ''n'') soit infini. Tant Novikov-Adian qu'Ivanov ont établi des résultats bien plus précis sur la structure des B(''m'', ''n''). Il a été démontré que pour ''n ''impair, tous les sous-groupes finis de B(''m'', ''n'') sont cycliques et que pour ''n ''pair, chaque sous-groupe fini est inclus dans un produit de deux [[groupes diédraux]], et certains sont non cycliques. On sait de plus que (quelle que soit la parité de ''n'') les problèmes [[Problème du mot pour les groupes|du mot]] et {{Lien|langue=en|trad=Conjugacy problem|fr=Problème de conjugaison|texte=de la conjugaison}} dans B(''m'', ''n'') sont [[Problème de décision|décidables]].

Une classe célèbre de contre-exemples au problème de Burnside est celle des « {{Lien|langue=en|trad=Tarski monster group|fr=Groupe monstre de Tarski|texte=monstres de Tarski}} » : les groupes infinis de type fini non cycliques dont tout sous-groupe propre est cyclique fini. Ol'shanskii a construit en 1979, par des méthodes géométriques, de premiers exemples de tels groupes, répondant ainsi par l'affirmative à une question de O. Yu. Schmidt. En 1982, Ol'shanskii put renforcer ses résultats et établir l'existence, pour ''p ''[[nombre premier|premier]] assez grand (on peut prendre ''p'' > 10{{exp|75}}), d'un groupe infini de type fini dont tout sous-groupe propre non trivial est cyclique d'ordre ''p''. Dans un article publié en 1996<ref name=OI96/>, Ivanov et Ol'shanskii ont résolu par la négative un problème analogue à celui de Burnside pour les [[Groupe hyperbolique|groupes hyperboliques]] d'exposant suffisamment grand.

== Problème de Burnside restreint ==

Le problème de Burnside restreint, formulé dans les années 1930, pose une autre question liée :

{{énoncé|L'ordre des groupes ''finis ''d'exposant ''n ''à ''m ''générateurs est-il majoré par une constante ne dépendant que de ''n ''et ''m ''? ou encore : le nombre de ces groupes (à [[isomorphisme de groupes|isomorphisme]] [[à quelque chose près|près]]) est-il fini ?}}

Cette variante du problème de Burnside peut, elle aussi, être formulée en termes d'un certain groupe universel à ''m ''générateurs et d'exposant ''n '': soit ''M ''l'intersection de tous les sous-groupes de B(''m'', ''n'') d'[[Indice d'un sous-groupe|indice]] fini. Alors ''M ''est un [[sous-groupe normal]], ce qui permet de définir le [[groupe quotient]] B{{ind|0}}(''m'', ''n'') = B(''m'', ''n'')/''M''. Tout groupe fini d'exposant ''n ''à ''m ''générateurs est un quotient de B{{ind|0}}(''m'', ''n''), et le problème restreint se reformule en :

{{énoncé|Le groupe B{{ind|0}}(''m'', ''n'') est-il fini ?}}

Le cas où l'exposant ''n ''est un entier premier ''p ''a été étudié en détail par Kostrikin dans les années 1950, avant la réfutation de la conjecture générale de Burnside. Sa solution, qui établit la finitude de B{{ind|0}}(''m'', ''p''), utilisait une relation avec des questions profondes sur des identités dans des [[Algèbre de Lie|algèbres de Lie]] en [[Caractéristique d'un anneau|caractéristique]] positive. La finitude de B{{ind|0}}(''m'', ''n'') pour ''n ''quelconque a été établie par Zelmanov.

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Burnside's problem|437767717|type=note}}
{{Références}}

== Liens externes==
*{{MacTutor|class=history|id=HistTopics/Burnside_problem|title=A history of the Burnside problem}}
*{{EncycloMath|id=Burnside problem|titre=Burnside problem}}
*{{EncycloMath|id=Burnside group|titre=Burnside group}}

{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Théorie des groupes]]
[[Catégorie:Problème non résolu en mathématiques|Burnside]]