Voir la source de Quaternion

{{Redirect|Quaternions|autres=le [[Liste des petits groupes#Petits groupes non abéliens|groupe Q{{ind|8}}]]|homonymie=Groupe des quaternions}}
[[Fichier:William Rowan Hamilton Plaque - geograph.org.uk - 347941.jpg|vignette|Plaque commémorative de la naissance des quaternions sur le [[Broom Bridge|pont de Broom]] ([[Dublin]]).<br />
{{citation|Ici, le 16 octobre 1843, alors qu'il se promenait, Sir [[William Rowan Hamilton]] découvrit dans un éclair de génie la formule fondamentale sur la multiplication des quaternions<br/>
{{math|i{{2}} {{=}} j{{2}} {{=}} k{{2}} {{=}} ijk {{=}} –1}}<br />
et la grava sur une pierre du pont.}}]]

En [[mathématiques]], un '''quaternion''' est un [[nombre]] dans un sens généralisé<ref>Hors champ des mathématiques, le terme apparaît en français au {{s-|XVI}}, signifiant alors « ensemble de quatre » (cf [https://www.cnrtl.fr/etymologie/quaternion CNRTL]).</ref>. Les quaternions englobent les [[Nombre réel|nombres réels]] et [[Nombre complexe|complexes]] dans un système de nombres plus vaste où la multiplication n'est cette fois-ci plus une [[loi commutative]]. Les quaternions furent introduits par le [[mathématicien]] [[irlande (île)|irlandais]] [[William Rowan Hamilton]] en 1843<ref>Lettre à {{Lien|langue=en|John T. Graves}}, ''On Quaternions; or on a new System of Imaginaries in Algebra'', 17 octobre 1843.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|lang=en|auteur=[[Boris Rosenfeld|B. A. Rosenfeld]]|titre=A History of Non-Euclidean Geometry: Evolution of the Concept of a Geometric Space|éditeur=Springer|année=1988|pages totales=471|passage=385|isbn=978-0-387-96458-4|lire en ligne={{Google Livres|3wzSBwAAQBAJ|page=385}}}}.</ref>. Ils trouvent aujourd'hui des applications en mathématiques, en [[physique]], en [[informatique]] et en [[sciences de l'ingénieur]].

Les quaternions sont ainsi le premier exemple de [[Nombre hypercomplexe|nombres hypercomplexes]]. D'après le [[Théorème de Frobenius (algèbre)|théorème de Frobenius]] ce sont aussi les derniers, au sens où  il n'existe pas de système de nombres plus général à moins de renoncer à l'[[associativité]] de la multiplication. Mathématiquement, l'ensemble des quaternions <math>\mathbb{H}</math> est une algèbre associative [[Élément neutre|unifère]] sur le [[nombre réel|corps des nombres réels]] <math display="inline">\R</math> engendrée par trois éléments {{nobr|<math>i</math>,}} <math>j</math> et <math>k</math> satisfaisant les ''relations quaternioniques'' :{{bloc emphase|<math>i^2 = j^2 = k^2 = ijk = -1</math>.}}

C'est une [[algèbre à division]] : tout quaternion non nul admet un inverse. La multiplication des quaternions n'étant pas [[Loi commutative|commutative]], <math>\mathbb{H}</math> est le premier exemple de [[corps gauche|corps non commutatif]].

Dans une publication sur les [[octonion]]s, le mathématicien [[John Baez]] rappelle une perte progressive de propriétés : les réels sont complets et ordonnés, les complexes ne sont pas ordonnés, mais se comportent « algébriquement bien », les quaternions ne sont plus [[Loi commutative|commutatifs]], et les octonions ne sont même plus [[associativité|associatifs]]<ref>{{article|auteur=John Baez|titre=The Octonions|langue=en|citation=The real numbers are the dependable breadwinner of the family, the complete ordered field we all rely on. The complex numbers are a slightly flashier but still respectable younger brother: not ordered, but algebraically complete. The quaternions, being noncommutative, are the eccentric cousin who is shunned at important family gatherings. But the octonions are the crazy old uncle nobody lets out of the attic: they are nonassociative|année=2002|journal=[[Bulletin of the American Mathematical Society|Bull. Amer. Math. Soc.]]|url=http://www.ams.org/journals/bull/2002-39-02/S0273-0979-01-00934-X/home.html}}</ref>.

== Histoire ==

Les quaternions furent « découverts » par [[William Rowan Hamilton|Hamilton]] en [[1843]]. D'importants précurseurs de ses travaux sont l'[[identité des quatre carrés d'Euler]] (1748) et la [[Formule d'Euler–Rodrigues|formule d'Euler-Rodrigues]] (1840). [[Carl Friedrich Gauss|Gauss]] « découvrit » également les quaternions en 1819, mais ses travaux ne furent publiés qu'en 1900{{Note|texte={{en}} Jose Pujol, ''[https://projecteuclid.org/journalArticle/Download?urlId=cma%2F1349803591   Hamilton, Rodrigues, Gauss, quaternions and rotations : a historical reassessment]'', sur le [[Projet Euclide]], 2012.}}.

Hamilton savait que les nombres complexes pouvaient être représentés dans le plan à deux dimensions, et il chercha longtemps une opération dans l'espace à trois dimensions qui généraliserait la [[multiplication complexe]]. [[Ferdinand Georg Frobenius|Frobenius]] [[Théorème de Frobenius (algèbre)|montrera en 1877 que cette recherche était vaine]], il fallait introduire une dimension supplémentaire. D'après les dires de Hamilton, l'étincelle se produisit le {{date-|16 octobre 1843}}, alors qu'il marchait le long du Royal Canal à [[Dublin]] en compagnie de son épouse. La solution lui vint à l'esprit sous la forme des relations : <math>i^2 = j^2 = k^2 = ijk = -1</math>. Il grava cette formule dans une pierre du [[Broom Bridge|pont de Brougham]]. Cette inscription, aujourd'hui effacée par le temps, est remplacée par une plaque à sa mémoire. Il donna leur nom aux quaternions et consacra le restant de sa vie à les étudier et à les diffuser.

Dans le sillage de Hamilton, d'autres « nombres » comme les octonions furent découverts, qualifiés de [[nombre hypercomplexe|nombres hypercomplexes]]. Les quaternions et autres hypercomplexes furent toutefois délaissés au profit de l'analyse vectorielle à la fin du {{s-|XIX|e}}. Ils ont connu un regain d'intérêt depuis la fin du {{s-|XX}}, notamment [[#Applications|dans certaines sciences de l'ingénieur]] en raison de la représentation qu'ils offrent des rotations spatiales, qui évite de s'encombrer de matrices.

== Définition ==
{|class="wikitable" align="right" style="text-align:center" border:12px solid white
|+[[Table de multiplication]]
|-
!width=15|×
!width=15|{{math|1}}
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|{{math|1}}
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|-
|+(les cases colorées montrent la non-commutativité de la multiplication)
|}

L'ensemble <math>\mathbb{H}</math> des quaternions peut être décrit comme l'[[Algèbre associative sur un corps|algèbre associative unifère]] sur le [[Nombre réel|corps des nombres réels]] <math>\mathbb{R}</math> engendrée par trois éléments <math>i</math>, <math>j</math> et <math>k</math> satisfaisant les '''relations quaternioniques''' <math>i^2 = j^2 = k^2 = ijk = -1</math><ref name="villemin.gerard.free.fr">{{Lien web |titre=Nombres imaginaires, quaternions |url=http://villemin.gerard.free.fr/Wwwgvmm/Type/ImagQuat.htm |site=villemin.gerard.free.fr<!--|consulté le=29/11/2021-->}}.</ref>.

Concrètement, tout quaternion <math display="inline">q</math> s'écrit de manière unique sous la forme <math display="block">q = a + bi + cj + dk</math> où <math>a</math>, <math>b</math>, <math>c</math>, et <math>d</math> sont des nombres réels et <math>i</math>, <math>j</math> et <math>k</math> sont trois symboles.

Les quaternions s'ajoutent et se multiplient comme d'autres nombres ([[associativité]] de la multiplication et de l'addition, [[distributivité]] de la multiplication sur l'addition{{, etc.}}), en prenant garde à ne pas s'autoriser de changer l'ordre des facteurs dans un produit (la multiplication n'est pas commutative), sauf pour un facteur réel<ref name="villemin.gerard.free.fr"/>. Lorsque des produits des symboles <math>i</math>, <math>j</math> et <math>k</math> sont rencontrés, ils sont remplacés par leurs valeurs :

:<math>\begin{alignat}{4}
i^2 &= -1, &\qquad ij & = k, & \qquad ji & = -k, \\
j^2 &= -1, &\qquad jk & = i, & kj & = -i, \\
k^2 &= -1, &\qquad ki & = j, & ik & = -j, 
\end{alignat}</math>

La formule <math>i^2 = j^2 = k^2 = ijk = -1</math> condense toutes ces relations.

Par exemple, multiplions les quaternions <math>q_1 = 3i - k</math> et <math>q_2 = 2 + j + k</math> :

<math display="block">\begin{align}
q_1 \,q_2 & = (3i - k)(2 + j + k) \\
& = 3i(2+j+k) - k(2+j+k)\\
& = 6i + 3ij + 3ik - 2k -kj - k^2\\
& = 6i + 3k - 3j - 2k +i + 1\\
& = 1 + 7i - 3j + k\,.
\end{align}</math>
alors que:
<math display="block">\begin{align}
q_2 \,q_1 & = (2 + j + k) (3i - k) \\
& = 2(3i-k) + j(3i-k) + k(3i-k)\\
& = 6i - 2k + 3ji - jk + 3ki - k^2\\
& = 6i - 2k - 3k - i + 3j + 1\\
& = 1 + 5i + 3j -5k\,.
\end{align}</math>

En tant qu'[[espace vectoriel]] réel, <math>\mathbb{H}</math> est canoniquement [[isomorphisme|isomorphe]] à <math>\mathbb{R}^4</math>, une [[Base (algèbre linéaire)|base]] de <math>\mathbb{H}</math> étant donnée par le quadruplet <math>(1, i, j, k)</math>.

Comme toute [[algèbre unitaire]], <math>\mathbb{H}</math> contient le corps de base <math>\mathbb{R}</math> dans son [[Centre (algèbre)|centre]] ; il y a en fait égalité des deux : les réels sont les uniques quaternions qui commutent avec tous les autres. <math>\mathbb{H}</math> contient également le [[Nombre complexe|corps des complexes]] <math>\Complex</math> : l'expression <math>z = a + bi</math> peut désigner indifféremment un nombre complexe ou un quaternion (c'est une manière commode de représenter le fait qu'il existe un unique morphisme d'algèbres <math>\Complex \hookrightarrow \mathbb{H}</math> qui envoie le nombre complexe usuellement noté <math>i</math> sur le quaternion <math>i</math>). En particulier <math>\mathbb{H}</math> est naturellement un <math>\Complex</math>-espace vectoriel de dimension 2. En tant qu'algèbre, <math>\mathbb{H}</math> peut être représentée comme une sous-algèbre des algèbres de matrices <math>\mathcal{M}_4(\R)</math> et <math>\mathcal{M}_2(\Complex)</math> (voir plus bas).

À l'instar de tout nombre réel ou complexe non nul, tout quaternion non nul admet un inverse (unique, nécessairement). <math>\mathbb{H}</math> est donc un [[corps gauche|corps non commutatif]], en l'occurrence une <math>\R</math>-[[algèbre à division]]. Le [[Théorème de Frobenius (algèbre)|théorème de Frobenius]] assure que c'est l'unique <math>\mathbb{R}</math>-algèbre à division de dimension finie associative et unifère hormis le corps des nombres réels <math>\mathbb{R}</math> et le corps des nombres complexes <math>\Complex</math>. Si l'on autorise la perte de l'associativité de la multiplication, on trouve également l'algèbre des octonions.

== Parties réelle et imaginaire, conjugaison, norme et inverse ==
Soit <math>q = a + bi + cj + dk</math> un quaternion (où <math>a</math>, <math>b</math>, <math>c</math>, et <math>d</math> sont des nombres réels).

Le nombre réel <math>a</math> est appelé '''partie réelle''' (ou scalaire) de <math>q</math> et est noté <math>\operatorname{Re}(q)</math>. Le quaternion <math>bi + cj + dk</math>, qualifié d''''imaginaire pur''', est appelé '''partie imaginaire''' (ou vectorielle) de <math>q</math> et est noté <math>\operatorname{Im}(q)</math>. On peut donc écrire <math>q = \operatorname{Re}(q)+ \operatorname{Im}(q)</math>.

Le quaternion <math>\operatorname{Re}(q)- \operatorname{Im}(q)</math> est appelé '''conjugué (quaternionique)''' de <math>q</math> et est noté <math>\overline{q}</math> (d'autres notations sont utilisées, par exemple <math>q^*</math> et <math>q^t</math>). La conjugaison quaternionique <math>q \mapsto \overline{q}</math> est un [[antimorphisme|antiautomorphisme]] involutif de <math>\mathbb{H}</math> : elle est <math>\mathbb{R}</math>-linéaire, [[Involution (mathématiques)|involutive]], et renverse les produits : on a toujours <math>\overline{q_1 \,q_2} =  \overline{q_2} \,\, \overline{q_1}</math>.

Le nombre réel positif <math>\Vert q \Vert</math> défini par <math>\Vert q \Vert^2 = a^2 + b^2 + c^2 + d^2 = q \, \overline{q}</math> est appelé '''norme''' de <math>q</math>. C'est la [[Norme (mathématiques)|norme euclidienne]] associée au produit scalaire usuel sur <math>\mathbb{R}^4</math>. Les propriétés de la conjugaison quaternionique rendent cette norme multiplicative : on a toujours <math>\Vert q_1 \,q_2 \Vert =  \Vert q_1 \Vert \, \Vert q_2 \Vert</math>.

Tout quaternion non nul <math>q</math> admet un inverse (unique) donné par <math>q^{-1} = \frac{1}{\Vert q \Vert ^{2}} \overline{q}</math>. Cela permet la division d'un quaternion <math>q_1</math> par un quaternion non nul <math>q_2</math>, mais cette division peut être effectuée à gauche ou à droite (en ne produisant pas le même résultat en général) : <math>{q_2}^{-1} \,q_1</math> ou <math>q_1 \, {q_2}^{-1}</math>. Pour cette raison la notation <math>\frac{q_1}{q_2}</math> est ambiguë et ne doit pas être utilisée.

== Représentations matricielles ==
De même qu'il est possible d'associer à un nombre complexe <math>z = a + i b\,</math> la matrice <math>\begin{pmatrix}a & -b \\b & a\end{pmatrix}\,</math>, on peut associer des matrices aux quaternions. Il y a deux manières standard de le faire, la première est d'utiliser des matrices réelles de dimension 4×4, la seconde des matrices complexes de dimension 2×2. Ces associations permettent respectivement d'identifier <math>\mathbb{H}</math> comme une sous-algèbre de <math>\mathcal{M}_4(\R)</math> et <math>\mathcal{M}_2(\Complex)</math>.

=== Représentation des quaternions comme matrices 4×4 de nombres réels ===
Faisons agir <math>\mathbb{H}</math> sur lui-même par multiplication à gauche. Cette action est <math>\mathbb{R}</math>-linéaire et fidèle, elle définit donc un morphisme d'algèbres injectif <math>\mathbb{H} \hookrightarrow \operatorname{End}_{\R}(\mathbb{H}) \approx \mathcal{M}_4(\R).</math> La matrice associée au quaternion <math>q = a + b i + c j + d k\,</math> est la matrice suivante <math display="block">\begin{pmatrix}\quad a&\quad -b &\quad -c &\quad -d\\
                     \quad b&\quad  a &\quad -d &\quad c\\ 
                     \quad c&\quad  d &\quad a  &\quad -b\\
                     \quad d&\quad -c &\quad b  &\quad a
       \end{pmatrix}\,</math>

=== Représentation des quaternions comme matrices 2×2 de nombres complexes ===
Choisir la base <math>(1, j)</math> de <math>\mathbb{H}</math> en tant que <math>\Complex </math>-espace vectoriel permet d'identifier <math>\mathbb{H}</math> à <math>\mathbb{C}^2</math>. Pour des raisons de non-commutativité, il est préférable ici de considérer <math>\mathbb{H}</math> comme un <math>\Complex </math>-espace vectoriel '''à droite'''. Ainsi le quaternion <math>q = a + b i + c j + d k\,</math> est identifié au couple <math>(z_1, z_2) \in \Complex^2</math> tel que <math>q = z_1 + j z_2 </math>, à savoir <math>z_1 = a + bi </math> et <math>z_2 = c - di</math>.

Faisons agir <math>\mathbb{H}</math> sur <math>\mathbb{H} \approx \Complex^2</math> par multiplication à gauche. Cette action est <math>\Complex</math>-linéaire (ce qui ne serait pas le cas si on considérait <math>\mathbb{H}</math> comme un  <math>\Complex </math>-espace vectoriel à gauche). Elle est également fidèle, donc définit un morphisme d'algèbres injectif <math>\mathbb{H} \hookrightarrow \operatorname{End}_{\Complex}(\mathbb{H}) \approx \mathcal{M}_2(\Complex).</math> La matrice associée au quaternion <math>q = a + b i + c j + d k\,</math> est la matrice :<math display="block">M_q = \begin{pmatrix}a+ib & -c-di \\ c-di & a-ib\end{pmatrix}</math>

soit encore <math>M_q = a \mathbf{1} + b I + cJ + dK</math>, où les matrices <math>\mathbf{1} = \begin{pmatrix}1&0\\0&1\end{pmatrix}</math>, <math>I = \begin{pmatrix}i&0\\0&-i\end{pmatrix}</math>, <math>J = \begin{pmatrix}0&-1\\1&0\end{pmatrix}</math> et <math>K = \begin{pmatrix}0&-i\\-i&0\end{pmatrix}</math> sont les matrices complexes associées aux quaternions <math>1</math>, <math>i</math>, <math>j</math> et <math>k</math> respectivement. Ces matrices sont étroitement liées aux [[matrices de Pauli]] en [[physique quantique]].

== Quaternions unitaires et forme polaire ==
Les '''quaternions unitaires''' sont, par définition, les quaternions de norme 1.

=== Forme polaire ===
Tout quaternion non nul <math>q</math> peut s'écrire de manière unique sous la forme <math>q = \rho \, u</math>, où <math>\rho = \Vert q \Vert</math> est un nombre réel strictement positif et <math>u = \frac{1}{\Vert q \Vert} q</math> est un quaternion unitaire.

De manière analogue aux [[Module d'un nombre complexe#Nombres complexes de module 1|nombres complexes de module 1]], tout quaternion unitaire <math>u</math> peut s'écrire sous la forme <math>u = e^{\theta s} = \cos(\theta) + \sin(\theta) s</math>, où <math>\theta</math> est un nombre réel et <math>s</math> est un quaternion unitaire imaginaire pur. La notation <math>e^{\theta s}</math> peut être considérée comme une simple notation désignant le quaternion <math>\cos(\theta) + \sin(\theta) s</math>, mais on peut définir la [[Fonction exponentielle#Fonctions exponentielles dans d'autres espaces|fonction exponentielle dans les quaternions]] par la série exponentielle usuelle.

Finalement, tout quaternion s'écrit sous la forme <math>q= \rho e^{\theta s} = \rho\left(\cos(\theta) + \sin(\theta) s\right)</math>, où <math>\rho = \Vert q \Vert</math> est un nombre réel positif, <math>\theta</math> est un nombre réel et <math>s</math> est un quaternion unitaire imaginaire pur. On peut noter que la décomposition de l'argument quaternionique <math>\theta s\over i</math> n'est pas unique, à moins d'imposer par exemple <math>\Vert s \Vert = 1</math> (donc de le choisir sur la sphère unitaire à partie réelle nulle, c'est-à-dire ni 1 ni -1) et d'imposer de choisir le réel <math>\theta</math> dans un intervalle semi-ouvert de largeur <math>2\pi</math>).

Notamment, on reconnait l'[[identité d'Euler]] dans cette écriture du quaternion <math>-1=e^{\pi i}</math>, où la décomposition donne le module unique <math>\rho=1</math> et l'argument complexe <math>{\theta s\over i} = \pi</math> se décompose par exemple en <math>\theta=1, s=\pi i</math>, mais seulement en <math>\theta=\pi, s=i</math> si on impose <math>s</math> unitaire et <math>\theta</math> par exemple dans <math>]-\pi, \pi]</math>.

=== Le groupe Sp(1) ===
Les quaternions unitaires forment un groupe multiplicatif (sous-groupe de <math>\mathbb{H}^\times = \mathbb{H} \setminus \{0\}</math>). C'est un [[groupe de Lie]] noté <math>\operatorname{Sp}(1)</math>.

Topologiquement, <math>\operatorname{Sp}(1)</math> est la [[3-sphère|sphère de dimension 3]] <math>S^3</math> puisqu'il s'agit de la sphère unité dans <math>(\mathbb{H}, \Vert \cdot \Vert) \approx \R^4.</math>

L'action de <math>\operatorname{Sp}(1)</math> par multiplication à gauche sur <math>\mathbb{H}</math> représente tous les automorphismes de <math>\mathbb{H}</math> en tant que <math>\mathbb{H}</math>-espace vectoriel à droite de dimension 1 qui sont des isométries, pour cette raison <math>\operatorname{Sp}(1)</math> peut être appelé '''groupe hyperunitaire de rang 1''' et peut également être noté <math>\operatorname{U}(1, \mathbb{H})</math>.

Plus bas il est expliqué que <math>\operatorname{Sp}(1)</math> est un [[Revêtement (mathématiques)|revêtement double]] du [[groupe spécial orthogonal]] <math>\operatorname{SO}(3)</math>, ce qui montre en particulier que <math>\operatorname{SO}(3)</math> a pour [[groupe fondamental]] <math>\Z/2\Z</math> et [[Revêtement (mathématiques)#Revêtements universels|revêtement universel]] <math>\operatorname{Sp}(1) \approx S^3</math>. <math>\operatorname{Sp}(1)</math> est donc également le [[groupe spinoriel]] <math>\operatorname{Spin}(3)</math>.

Par ailleurs, l'identification de <math>\mathbb{H}</math> comme une sous-algèbre de <math>\mathcal{M}_2(\Complex)</math> identifie <math>\operatorname{Sp}(1)</math> au [[groupe spécial unitaire]] <math>\operatorname{SU}(2)</math>.

== Quaternions et géométrie de R<sup>3</sup> ==

=== Parties scalaire et vectorielle, produit de Hamilton ===
Notons <math>\operatorname{Im} \mathbb{H}</math> l'ensemble des quaternions [[Nombre imaginaire pur|imaginaires purs]], de sorte que <math>\mathbb{H} = \R \oplus \operatorname{Im} \mathbb{H}</math>. Muni de la base <math>(i, j, k)</math> et de la norme euclidienne induite, <math>\operatorname{Im} \mathbb{H}</math> est un [[espace euclidien]] de dimension 3 canoniquement isomorphe à <math>\R^3</math>. Sous cet isomorphisme, un vecteur <math>\vec{v} \in \R^3 = (b, c, d)</math> est identifié au quaternion imaginaire pur <math>bi + cj + dk \in \operatorname{Im} \mathbb{H}</math> et on peut s'autoriser à noter le quaternion <math>q = a + b i + c j + d k\,</math> comme <math>q = a + \vec{v}</math>. Lorsque cette notation est utilisée, il est usuel d'appeler <math>a</math> la '''partie scalaire''' de <math>q</math> et <math>\vec{v}</math> sa '''partie vectorielle'''.

Le '''produit de Hamilton '''(c'est à-dire le produit de quaternions) de <math>q_1 = a_1 + \vec{v_1}</math> et <math>q_2 = a_2 + \vec{v_2}</math> est alors donné par :<math display="block">q_1 q_2 = (a_1 + \vec{v_1})(a_2 + \vec{v_2}) = a + \vec{v}</math>où :<math display="block">a = a_1 a_2 - \vec{v_1} \cdot \vec{v_2} \qquad \mathrm{et} \qquad \vec{v} = a_1 \vec{v_2} + a_2 \vec{v_1} + \vec{v_1} \wedge \vec{v_2}\,.</math>Ici <math>\vec{v_1} \cdot \vec{v_2}</math> dénote le [[produit scalaire]] dans <math>\R^3</math> et <math>\vec{v_1} \wedge \vec{v_2}</math> le [[produit vectoriel]]. En particulier (prendre <math>a_1 = a_2 = 0</math>), le produit scalaire et le produit vectoriel de deux vecteurs dans <math>\R^3</math> peuvent être "récupérés" respectivement comme la partie scalaire (au signe près) et la partie vectorielle de leur produit de Hamilton.

=== Quaternions unitaires et rotations spatiales ===
{{Article détaillé|Quaternions et rotation dans l'espace}}

Considérons l'action de <math>\operatorname{Sp}(1)</math> sur <math>\mathbb{H}</math> [[Action par conjugaison|par conjugaison]] : l'action d'un quaternion <math>u \in \operatorname{Sp}(1)</math> est donnée par <math>q \in \mathbb{H} \mapsto c_u(q) := u q u^{-1}</math>. Cette action préserve la décomposition <math>\mathbb{H} = \R \oplus \operatorname{Im} \mathbb{H}</math>. Le noyau de l'action est l'intersection de <math>\operatorname{Sp}(1)</math> avec le centre de <math>\mathbb{H}</math> (qui est <math>\mathbb{R}</math>), à savoir <math>\{\pm 1\}</math>. De plus, cette action est isométrique par multiplicativité de la norme, et on peut vérifier qu'elle préserve l'orientation. L'action induite sur <math>\operatorname{Im} \mathbb{H} \approx \R^3</math> définit donc un morphisme de groupes <math display="block">\begin{align}
  c \colon \operatorname{Sp}(1) &\to SO(\operatorname{Im} \mathbb{H}) \approx SO(3)\\
  u & \mapsto (c_u : q \mapsto u q u^{-1})
\end{align}</math>dont le noyau est <math>\{\pm 1\}</math>. Il n'est pas difficile de vérifier que si on note <math>u \in \operatorname{Sp}(1)</math> sous forme polaire <math>u = e^{\theta s} = \cos(\theta) + \sin(\theta) s</math>, alors <math>c_u</math> est la rotation d'axe dirigé (et orienté) par <math>s</math> et d'angle <math>2 \theta</math>. En particulier, le morphisme <math>c : \operatorname{Sp}(1) \to \operatorname{SO}(3)</math> est [[Surjection|surjectif]], donc induit un isomorphisme <math>\operatorname{Sp}(1) / \{\pm 1\} \stackrel{\sim}{\to} \operatorname{SO}(3)</math>.

== Généralisations ==
{{Section vide ou incomplète}}{{Article connexe|Nombre hypercomplexe|Biquaternion|Algèbre de quaternions|Octonion|Algèbre de Clifford}}

== Applications ==
{{Section vide ou incomplète}}

=== En sciences de l'ingénieur ===
{{Article connexe|Quaternions et rotation dans l'espace}}
Les quaternions et autres hypercomplexes furent délaissés au profit de l'analyse vectorielle à partir de la fin du {{s-|XIX|e}}. Ils ont connu un regain d'intérêt depuis la fin du {{s-|XX}} pour le calcul dans l'espace à trois dimensions, surtout en raison de la représentation qu'ils offrent des rotations spatiales. Celle-ci est plus performante d'un point de vue calculatoire que les représentations matricielles (car plus compacte, efficace et numériquement stable), et n'a pas l'inconvénient du [[blocage de cardan]] des [[angles d'Euler]]. Elle donne également un moyen commode de calculer une interpolation entre deux rotations (en suivant une [[géodésique]] sur <math>S^3</math>).

Ils sont utilisés notamment en [[Infographie tridimensionnelle|infographie]], [[robotique]], [[théorie du contrôle]], [[traitement du signal]], [[dynamique moléculaire]], [[mécanique spatiale]], [[Automatique|théorie de la commande]]. Par exemple, il est fréquent que les systèmes de commande de déplacement d'un vaisseau spatial soient régis en termes de quaternions.

=== En physique ===
En physique, les quaternions apparaissent en [[cristallographie]], en [[mécanique quantique]] et en [[cosmologie]].

=== En mathématiques ===
En mathématiques, ils trouvent des applications notamment en [[théorie des nombres]] et en [[géométrie différentielle]].

== Références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets|wikibooks=Mathématiques_avec_Python_et_Ruby/Quaternions_et_octonions_en_Python|wikibooks titre=Quaternions avec Python et Ruby}}
=== Articles connexes ===
*{{Lien|trad=Quaternionic representation|Représentation quaternionique}}
*{{Lien|trad=Quaternionic structure|Structure quaternionique}}
*[[Sédénion]]
=== Bibliographie ===
{{article|auteur=[[Bartel Leendert van der Waerden|B. L. van der Waerden]]|année=1976|titre=Hamilton's Discovery of Quaternions|langue=en|périodique=[[Mathematics Magazine]]|volume=49|numéro=5|pages=227-234|doi=10.1080/0025570X.1976.11976586}}
=== Lien externe ===
{{en}} {{pdf}} [http://www.sudleyplace.com/APL/Hypercomplex%20Numbers%20in%20APL.pdf Nombres hypercomplexes en] [[APL (langage)|APL]]

{{Palette|Notion de nombre|Nombres hypercomplexes}}
{{portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Nombre hypercomplexe]]
[[Catégorie:Géométrie dans l'espace]]