Voir la source de Rapport eau-ciment

[[Fichier:MixingConcrete2.jpg|vignette|Mélange de [[Béton de ciment|béton]] à la main]]
Le '''rapport eau-ciment''' ('''rapport e/c''', encore appelé '''rapport massique eau-ciment''' ou '''facteur eau-ciment''', '''{{mvar|f}}''') est le rapport entre la masse de l'eau ({{mvar|e}}) et la masse de [[ciment]] ({{mvar|c}}) utilisées pour préparer un mélange de [[Béton de ciment|béton]] frais :
:<math>f = \frac{\text{masse d'eau}}{\text{masse de ciment}} = \frac{e}{c}</math>

Les valeurs typiques de ce rapport {{mvar|f}} = {{frac|e|c}} sont généralement comprises dans l'intervalle situé entre les valeurs limites de 0.40 et 0.60.

Le rapport eau-ciment du mélange de béton frais est un des principaux facteurs, si pas le plus important, déterminant la qualité et les propriétés du béton durci, car il affecte directement la [[porosité]] du béton, et un bon béton est toujours le béton le plus compact et le plus dense possible. Un bon béton doit donc être préparé avec le moins d'eau possible, mais avec suffisamment d'eau pour hydrater les minéraux du ciment et le manipuler correctement.

Une valeur plus basse de ce rapport confère une [[Résistance des matériaux|résistance]] et une [[Durabilité d'un produit|durabilité]] plus élevées au béton durci, mais peut rendre le mélange de béton frais plus difficile à manipuler et à mettre en place. L'ouvrabilité du béton à l'état frais peut être améliorée par l'addition de [[Plastifiant pour matériau cimentaire|plastifiants]] ou de [[superplastifiant]]s. Une valeur plus haute de ce rapport donne un béton frais plus fluide et plus facile à couler, mais qui finalement résultera dans un béton durci plus [[porosité|poreux]] et donc de moindre qualité, diminuant ainsi sa résistance mécanique et réduisant sa durée de vie.

Souvent, le concept de rapport e/c fait référence au rapport eau/matériaux cimentaires, e/cm. Les matériaux cimentaires comprennent le ciment et les matériaux cimentaires supplémentaires (MCS) tels que le [[Laitier (métallurgie)|laitier sidérurgique]] broyé (S), les [[cendre volante|cendres volantes]] (V), la [[fumée de silice]] (SF), les [[pouzzolane]]s naturelles, le [[métakaolin]] (MK), ou la cendre de [[balle de riz]] très riche en [[silice]] (régions productrices de riz). La plupart des matériaux cimentaires supplémentaires sont des sous-produits d'autres industries et présentent des propriétés intéressantes comme [[liant hydraulique]]. Après réaction avec les [[alcali]]s (activation du [[Laitier (métallurgie)|laitier de haut fourneau]]) et la [[portlandite]] ({{fchim|lien=Hydroxyde de calcium|Ca(OH)|2}}), ils forment également des [[silicate de calcium hydraté|silicates de calcium hydratés]] (en anglais : ''calcium silicate hydrates'', abrégés en C-S-H), la "[[colle]]" de la pâte de ciment durcie. Ces C-S-H supplémentaires [[Colmatage|colmatent]] la [[porosité]] du béton et contribuent ainsi à le renforcer. Les MCS permettent également d'abaisser la teneur du ciment en [[clinker]] et donc d'économiser de l'énergie et de réduire les coûts, tout en recyclant des déchets industriels autrement destinés à l'[[Décharge (déchet)|enfouissement]] en [[Décharge (déchet)|décharge]].

L'effet du rapport eau-ciment (e/c) sur la [[Résistance des matériaux|résistance mécanique]] du béton a été découvert pour la première fois par René Féret (1892) en France. [[Duff Abrams|Duff A. Abrams]] (1918) (également l'inventeur de l'[[essai d’affaissement au cône d’Abrams]]) est arrivé aux mêmes conclusions aux États-Unis, et Jean Bolomey (1929) les a confirmé plus tard en Suisse en raffinant la formule de Féret.

Le code de construction uniformisé aux États-Unis (Uniform Building Code, États-Unis) de 1997 spécifie un rapport e/c de maximum 0,5 lorsque le béton est exposé au [[Solidification|gel]] et au [[dégel]] dans des conditions humides ou aux [[fondant routier|sels de déneigement]], et un maximum de 0,45 pour le béton dans des conditions d'attaque [[Sulfate|sulfatiques]] sévères ou très sévères.

La prise et le durcissement du béton sont dus à des réactions chimiques d'[[Réaction d'hydratation|hydratation]] des minéraux du [[clinker]] (le principal constituant du [[ciment Portland]]) avec dégagement concomitant de [[Chaleur (thermodynamique)|chaleur]] ([[Réaction exothermique|réactions exothermiques]]). Pour chaque quantité (masse, kg) de ciment (c), environ {{nombre|0,35|fois}} la quantité (masse, kg) d'eau (e) est nécessaire pour permettre les réactions d'hydratation<ref>{{Ouvrage|prénom1=Shan|nom1=Somayaji|titre=Civil Engineering Materials|lieu=Upper Saddle River|éditeur=Prentice Hall|année=2001|pages totales=129|isbn=0-13-083906-X|extrait=The water-to-cement ratio is the ratio between the weights of water and cement in a concrete mix. For proper hydration, this ratio (commonly called the w/c ratio) should be about 0.30, assuming no contribution to hydration from external water sources.}}</ref>. Le besoin chimique (quantité [[Stœchiométrie|stœchiométrique]] nécessaire) en eau requis par l'hydratation des minéraux du clinker exige un rapport e/c minimum de 0,25, tandis que la quantité d'eau [[Adsorption|physiquement adsorbée]] à la surface des phases minérales du béton représente un rapport e/c de l'ordre de 0,10.

Cependant, un béton frais avec un rapport e/c de 0,35 peut être difficile à malaxer et manquer de [[fluidité]] pour être correctement placé et remplir tous les vides des [[coffrage]]s, surtout si le réseau d'[[Armature (technique)|armatures]] du [[béton armé]] est très dense. On utilise donc souvent plus d'eau qu'il n'est chimiquement et physiquement nécessaire pour réagir avec le ciment. Des rapports e/c compris entre 0,40 et 0,60 sont couramment utilisés. Pour du béton à plus haute résistance, des rapports e/c plus bas sont nécessaires, ainsi que l'addition d'un [[Plastifiant pour matériau cimentaire|plastifiant]] ou d'un [[superplastifiant]] pour augmenter la fluidité du béton frais et augmenter la résistance mécanique à l’état durci.

Il convient de ne pas dépasser un rapport e/c de 0,60 car le béton frais devient alors trop liquide<ref name="Carpe_Diem_Magnel">{{Lien web |langue=nl |auteur=De Boevere |prénom=M.J. |titre=''Carpe Diem'' – Gustaaf Paul Robert Magnel |url=https://www.carpediem-toenennu.nl/bekende_(oud)_inwoners/i_gustaafmagnel_essen-gent.htm |série=carpediem-toenennu.nl |date=7 July 2021 |consulté le=10 septembre 2022 |extrait=Prof. Gustave Magnel famous quote: ''Americans make soup, not concrete''}}</ref>, ce qui donne une porosité trop élevée et un béton durci trop peu résistant. Le Prof. [[Gustave Magnel]] (1889-1955, de l'[[Université de Gand]] en Belgique) l'avait d'ailleurs fait remarquer de façon assez imagée lors d'une allocution publique tenue devant un parterre d'entrepreneurs américains de travaux publics: ''"les américains font de la soupe, pas du béton"''<ref>Engineering News Record, 1954, February 25</ref>. Gustave Magnel avait prononcé cette phrase mémorable à l'occasion d'une de ses visites aux États-Unis dans les années 1950 pour y construire le tout premier [[Pont à poutres|pont]] en [[Béton de ciment|béton précontraint]] sur le continent américain : le Walnut Lane Memorial Bridge à [[Philadelphie]] ouvert à la circulation en 1951<ref name="Taerwe">{{Lien web |langue=en |auteur=Taerwe |prénom=L.R. |titre=Contributions of Gustave Magnel to the development of prestressed concrete. Presentation SP-231-1 at the Ned H. Burns Symposium 2015 - PDF Free Download |url=https://docplayer.net/64698208-Contributions-of-gustave-magnel-to-the-development-of-prestressed-concrete.html |série=docplayer.net |date=2015 |consulté le=10 septembre 2022}}</ref>{{,}}<ref name="Budek_Benzoni_2009">{{Article|auteur1=Budek|prénom1=Andrew|auteur2=Benzoni|prénom2=Gianmario|titre=Obtaining ductile performance from precast, prestressed concrete piles|périodique=Prestressed Concrete Institute (PCI) Journal|volume=54|numéro=3|date=1 June 2009|issn=0887-9672|pmid=|doi=10.15554/PCIJ.06012009.64.80|lire en ligne=|pages=64–80}}</ref>{{,}}<ref name="Zoliman_1978">{{Article|auteur1=Zoliman|prénom1=Charles C.|titre=Dynamic American engineers sustain Magnel's momentum. In the special issue: Reflections on the Beginnings of Prestressed Concrete in America|périodique=Prestressed Concrete Institute (PCI) Journal|volume=23|numéro=3|date=1978|isbn=0-937040-18-5|lire en ligne=https://www.pci.org/PCI_Docs/About/25YRBPCA.pdf|pages=34}}</ref>{{,}}<ref name="WorldCat">{{Lien web |auteur=Nasser |prénom=George D. |auteur2=LeBrun |prénom2=Deborah J. |titre=Reflections on the beginnings of prestressed concrete in America {{!}} WorldCat.org |url=https://www.pci.org/PCI_Docs/About/25YRBPCA.pdf |date=1981 |consulté le=2022-09-10}}</ref>. Gustave Magnel avait alors vertement réagi face aux réticences des entrepreneurs américains auxquels il demandait de réaliser un béton à rapport e/c très bas et à affaissement nul au [[Essai d’affaissement au cône d’Abrams|cône d'Abrams]], comme il avait coutume de le préparer dans l'atelier de son laboratoire lorsqu'il y coulait les premières [[Poutrelle|poutres]] en béton précontraint suivant la technique inventée par [[Eugène Freyssinet]].

Lorsque l'excès d'eau ajouté pour améliorer l'ouvrabilité du béton frais, et non consommé par les réactions d'hydratation, s'évapore après le durcissement du béton, cela augmente la [[porosité]] du béton et la proportion de vides qu'il contient dans sa microstructure. Une porosité plus élevée réduit la [[Résistance des matériaux|résistance]] du béton à la compression car l'air contenu dans les pores est [[Compressibilité|compressible]] et la [[Microstructure (matériaux)|microstructure]] du béton résiste moins bien à l'[[Compression (physique)|écrasement]].

En outre, une porosité plus élevée augmente également la [[conductivité hydraulique]] (''K'', m/s) du béton et les coefficients de [[Diffusion de la matière|diffusion]] effectifs (''D<sub>e</sub>'', m<sup>2</sup>/s) des [[Solution (chimie)|solutés]] et des [[gaz]] dissous dans la matrice de béton. Cela accroît la perméabilité du béton à l'eau, accélère sa [[Solubilité|dissolution]] ([[lixiviation]] du [[calcium]]), favorise les réactions chimiques internes expansives néfastes ([[réaction alcali-granulat]] (RAG), [[réaction sulfatique interne]] (RSI) et externe (RSE), toutes grandes consommatrices d'eau) et facilite le transport des espèces chimiques indésirables telles que les [[chlorure]]s ([[corrosion par piqûres]] des [[Armature (technique)|armatures]]) et les [[sulfate]]s (attaques sulfatiques du béton mentionnées ci-dessus).

Lorsque l'on a recours à des matrices cimentaires pour immobiliser et encapsuler des [[Élément-trace métallique|métaux lourds]] [[Toxicologie|toxiques]] ou des [[Radioisotope|radionucléides]] (conditionnement des [[Déchet radioactif|déchets radioactifs]]), un rapport eau/ciment le plus faible possible est essentiel afin de diminuer la porosité du béton ainsi que les coefficients de diffusion effectifs des substances toxiques mobiles encore dissoutes dans l'eau interstitielle. Un rapport e/c peu élevé permet ainsi de limiter la lixiviation et la migration des éléments toxiques hors de leur matrice d'immobilisation.

Une porosité trop élevée facilite également la [[Diffusion de la matière|diffusion]] des gaz dans la [[Microstructure (matériaux)|microstructure]] du béton. Une diffusion plus rapide du {{Formule chimique|lien=dioxyde de carbone|CO|2}} atmosphérique dans la porosité du béton augmente sa [[Cinétique chimique|vitesse]] de [[carbonatation]]. Lorsque le front de carbonatation atteint les [[Armature (technique)|armatures d'acier]], le [[Potentiel hydrogène|pH]] de l'eau interstitielle du béton au contact de l'acier diminue. À un pH inférieur à 10,5, l'[[acier au carbone]] n'est plus [[Passivation|passivé]] par un [[Base (chimie)|pH alcalin]] et commence à se corroder ([[Corrosion|corrosion généralisée]]). Une diffusion plus rapide de l'[[oxygène]] atmosphérique ({{Formule chimique|lien=oxygène|O|2}}) dans la microstructure du béton accélère également la corrosion des armatures.

Qui plus est, à long terme, un béton préparé avec trop d'eau subira plus de [[Fluage du béton|fluage et de retrait de dessiccation]] au fur et à mesure que l'eau ajoutée en excès disparaît. Ceci provoque la formation de [[Mécanique de la rupture|fissures]] et réduit la résistance mécanique du béton.

Finalement, l'eau ajoutée en excès facilite aussi la [[Ségrégation en milieu granulaire|ségrégation des granulats fins et grossiers]] ([[sable]]s et [[Gravier (granulat)|graviers]]) dans le mélange frais et provoque la formation de nids de gravier dans les voiles en béton ou autour des armatures. En cas de [[ressuage]] d'eau (en anglais :  "''bleeding''") à la surface des [[Plancher béton|dalles]] ou des [[radier]]s, après son évaporation, la surface obtenue est poussiéreuse.

Pour toutes ces raisons, il est strictement interdit d'ajouter de l'eau dans un camion de béton prêt à l'emploi lorsque le délai de livraison est dépassé et que le béton commence à être difficile à mettre en œuvre en raison de sa prise. Un tel béton perd toute [[certification]] (p. ex. [[Association française de normalisation|Afnor]]) et la responsabilité de l'entrepreneur qui accepte pareille pratique est également engagée. Dans le pire des cas, un ajout de [[superplastifiant]] est autorisé pour réaugmenter l'ouvrabilité du béton et sauver le chargement du [[camion malaxeur]] à condition toutefois que le délai maximum de livraison ne soit jamais dépassé.

== Références ==
{{Traduction/Référence|en|Water–cement ratio|1111023321}}
{{Références}}

== Bibliographie ==
{{Refbegin}}
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* {{article|langue=french|prénom=M.|nom=Ros|titre=La résistance des mortiers et bétons|journal=Rapport {{n°|7}} du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux annexé à l'École polytechnique de Zurich|date=December 1925|traduction titre=The resistance of mortars and concretes}}
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* {{lien web|auteur=Structurae |titre=Jean Bolomey (1879 - 1952) – Bibliography {{!}} Structurae |url=https://structurae.net/en/persons/jean-bolomey/bibliography |site=Structurae |date= |consulté le=9 septembre 2022}}
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* {{lien web|langue=fr |prénom=F. |nom=Campus |titre=René Féret (1860-1947) |url=https://orbi.uliege.be/bitstream/2268/223396/1/ST_Campus_194.pdf |site=orbi.uliege.be |date=1948 |consulté le=9 septembre 2022}}
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{{Refend}}

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