Voir la source de Robert Oppenheimer

{{En-tête label|BA|année=2014}}
{{Voir homonymes|Oppenheimer}}
{{Infobox Scientifique
 | nom                 = Robert Oppenheimer
 | image               = JROppenheimer-LosAlamos.jpg
 | légende             = Robert Oppenheimer vers 1944, alors directeur scientifique du [[projet Manhattan]]<ref group=note>Cette photo provient d'un livre imprimé. Il s'agit très probablement d'un extrait retouché de la photo officielle prise pour le compte du [[projet Manhattan]]. La [//catalog.archives.gov/id/558579 photo officielle] est publiée sur le site du [[National Archives and Records Administration]] (NARA).</ref>.
 | alt                 = Portrait photographique en noir et blanc. Visage et épaules d'un homme portant un complet.
 | date de naissance   = 22 avril 1904
 | lieu de naissance   = [[New York]]
 | pays de naissance   = [[États-Unis]]
 | date de décès       = 18 février 1967
 | lieu de décès       = [[Princeton (New Jersey)|Princeton]]
 | pays de décès       = [[États-Unis]]
 | nationalité         = [[Américains|Américaine]]
 | champs              = [[Physique théorique]]{{-}}
(1) Enseignement universitaire en physique{{-}}
(2) Direction d'un laboratoire scientifique{{-}}
(3) Conseil scientifique{{-}}
(4) Direction d'un institut de recherche fondamentale
 | institutions        = (1) [[université de Californie à Berkeley|Berkeley]] et [[California Institute of Technology|Caltech]]{{-}}
(2) [[Laboratoire national de Los Alamos]]{{-}}
(3) {{lang|en|General Advisory Committee}}{{-}}
(4) [[Institute for Advanced Study]]
 | diplôme             = [[Université Harvard]] ([[Baccalauréat universitaire#États-Unis|''{{lang|en|Bachelor of Arts}}'']]){{-}}
[[Université de Göttingen]] ([[Doctorat en sciences|doctorat]] en physique)
 | directeur thèse     = [[Max Born]]
 | étudiants thèse     = [[Samuel W. Alderson]]<ref>{{article |langue=en
|url=//www.wired.com/thisdayintech/2011/02/0211sam-alderson-crash-test-dummie-inventor/
|titre=Feb. 11, 2005: This Guy’s No Dummy
|prénom1= Randy |nom1=  Alfred
|périodique= [[Wired (magazine)|Wired]]
|jour= 11 |mois= février |année= 2011
|consulté le= 15 août 2013
}}.</ref>{{-}}
[[David Bohm]]<ref name=AS>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.americanscientist.org/bookshelf/pub/a-puzzle-of-a-man
|titre=A Puzzle of a Man
|auteur=Silvan S. Schweber
|année= 2013
|éditeur=American Scientist
|consulté le= 14 septembre 2013
}}.</ref>{{-}}
[[Robert F. Christy]]<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.caltech.edu/content/caltech-mourns-passing-robert-f-christy-1916%E2%80%93%C2%AD2012
|titre=Noted Physicist Robert F. Christy Dies 
|auteur=Kathy Svitil
|année= 2013
|éditeur=Caltech
|consulté le= 15 septembre 2013
}}.</ref>{{-}}
[[Sidney Dancoff]]<ref>{{article |langue=en 
|url= http://old.post-gazette.com/pg/11100/1137883-51.stm 
|titre= He wrote the law on risk-taking, yet theoretical physicist Sidney Dancoff couldn't save his own life 
|prénom1= Patricia |nom1= Lowry 
|périodique= Pittsburgh Post-Gazette 
|lieu= Pittsburgh, PA 
|date= 10 avril 2011
|consulté le= 3 septembre 2013
}}.</ref>{{-}}
[[Leslie Lawrance Foldy]]<ref>{{lien web |langue=en |url=https://genealogy.math.ndsu.nodak.edu/id.php?id=14001 |titre=Julius Robert Oppenheimer |éditeur=Mathematics Genealogy Project |date=2021}}</ref>{{-}}
[[Stan Frankel]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=116}}{{-}}
[[Harvey Hall]]<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.arlingtoncemetery.net/harvey-hall.htm
|titre=Harvey Hall - Commander, United States Navy
|auteur=ANC
|date= 23 juillet 2004
|éditeur=[[Cimetière national d'Arlington|Arlington National Cemetery]]
|consulté le= 15 octobre 2013
}}.</ref>{{-}}
[[Willis Eugene Lamb]]{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=88}}{{-}}
[[Harold Lewis]]{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=387}}{{-}}
[[Philip Morrison]]<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://web.mit.edu/newsoffice/2005/morrison.html
|titre=Institute Professor Philip Morrison dies at 89
|auteur=Elizabeth A. Thomson
|mois=septembre |année= 2013
|éditeur=MIT news
|consulté le= 14 septembre 2013
}}.</ref>{{-}}
[[Bernard Peters]]<ref name=AS/>{{-}}
[[Melba Phillips]]<ref>{{article |langue=en
|url=http://www-news.uchicago.edu/releases/04/041116.phillips.shtml
|nom1=University of Chicago
|titre=Melba Phillips, physicist, 1907-2004
|périodique=University of Chicago News Office
|date=16 novembre 2004
|consulté le=13 septembre 2013
}}.</ref>{{-}}
[[Robert Serber]]{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=102}}{{-}}
[[Hartland Snyder]]<ref name=PhysToday>{{article |langue=en
|nom1=Physics Today
|titre=Hartland S. Snyder
|périodique=Physics Today
|date=juillet 1962
|volume=15 |numéro=7
|pages=78
|url=http://www.physicstoday.org/resource/1/phtoad/v15/i7/p78_s1?bypassSSO=1
|doi=10.1063/1.3058300
}}.</ref>{{-}}
[[George Volkoff]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=89}}{{-}}
[[Joseph Weinberg]]<ref name=AS/>{{-}}
[[Siegfried Adolf Wouthuysen]]<ref>{{article |langue=en
|url=http://scitation.aip.org/deliver/fulltext/aip/magazine/physicstoday/50/11/1.882018.pdf;jsessionid=7859g2gq2l3kl.x-aip-live-02?itemId=/content/aip/magazine/physicstoday/article/50/11/10.1063/1.882018&mimeType=pdf&containerItemId=content/aip/magazine/physicstoday/issues
|titre=Siegfried A. Wouthuysen
|prénom1= Leopold |nom1= Halpern
|périodique= [[Physics Today]]
|mois= novembre |année= 1997
|consulté le= 12 janvier 2014
|doi=10.1063/1.882018
}}.</ref>
 | renommé pour        = [[Mécanique quantique]]{{-}}
[[Physique des particules]]{{-}}
[[Physique nucléaire]]{{-}}
[[Astrophysique]]{{-}}
[[Projet Manhattan]]{{-}}
Régulation internationale des [[arme nucléaire|armes nucléaires]]{{-}}
[[audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer|Victime du maccarthysme]]
 | prix                = Médaille présidentielle du mérite (1946)<ref name=NYT19670219/>{{-}}
[[Ordre national de la Légion d'honneur|Chevalier de la Légion d'honneur]] (1958){{-}}
Membre étranger de la [[Royal Society]] (1962)<ref>{{Lien web |langue=en
|url=//docs.google.com/spreadsheet/ccc?key=0AmIblj8F2r_GdG9aaFZRMjNrYUZXVHkzeXRzdmhFTmc&usp=sharing#gid=0
|titre=Fellowship of the Royal Society
|auteur=Royal Society
|année= 2014
|éditeur=Royal Society
|consulté le= 9 février 2014
}} {{commentaire biblio|Il s'agit d'une feuille de calculs publiée par Google sur le Web (Google Documents). Pour la consulter, il faut posséder un compte Google.}}</ref>{{-}}
[[Prix Nessim-Habif]] (1962){{-}}
[[Prix Enrico-Fermi]] (1963){{-}}
Doctorats honorifiques
 | signature           = J Robert Oppenheimer signature.svg
 | conjoint            = [[Katherine Oppenheimer]]
 | surnom              = Oppie
 | notes               = Frère du physicien [[Frank Oppenheimer]]
}}
'''Julius Robert Oppenheimer''', généralement [[Nom d'usage|appelé]] '''Robert Oppenheimer''' voire '''J. Robert Oppenheimer''', est un [[physicien]] [[États-Unis|américain]], né le {{date de naissance|22 avril 1904}} à [[New York]] et mort le {{date de décès|18 février 1967}} à [[Princeton (New Jersey)|Princeton]] ([[New Jersey]]). Il s'est distingué en [[physique théorique]] puis comme directeur scientifique du [[projet Manhattan]]. Par son rôle éminent, il est régulièrement surnommé le « père de la [[bombe A|bombe atomique]] »{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=xi}}. Opposé au développement d'[[bombe H|armes thermonucléaires]], il est discrédité par le [[gouvernement américain]] dans les {{nobr|années 1950}} à l'époque du [[maccarthysme]]. Réhabilité dans les années 1960, il termine brillamment sa carrière universitaire.

Élevé dans une famille fortunée, intellectuelle et [[libérale]], il maîtrise l'[[allemand]], l'[[anglais]] et le [[français]] au point qu'il peut lire les ouvrages des meilleurs [[chimiste]]s, [[mathématicien]]s et [[physicien]]s de l'époque dans leur langue d'origine. Profitant des enseignements des meilleurs physiciens européens, il publie des articles importants en [[mécanique quantique]], [[physique des particules]] et [[physique nucléaire]]. Il est également reconnu par la [[communauté scientifique]] pour la publication d'une thèse concernant la naissance des [[trou noir|trous noirs]] dans l'[[Univers]]. Pendant les {{nobr|années 1930}}, ses travaux théoriques et son prestige font de l'[[université de Californie à Berkeley]] l'un des plus importants centres de recherche en physique.

En {{date-|février 1943}}, malgré l'opposition des services de sécurité de l'[[Forces armées des États-Unis|armée américaine]] due aux relations passées d'Oppenheimer avec des militants de [[Gauche (politique)|gauche]], le général [[Leslie Richard Groves]] le nomme directeur scientifique du [[projet Manhattan]]. Sous sa direction efficace, le [[laboratoire national de Los Alamos]] met au point les trois premières [[Bombe A|bombes atomiques]] de l'Histoire. S'il est partisan de l'usage tactique de ce type de bombe à des fins de [[dissuasion nucléaire|dissuasion]], il s'est en revanche un temps opposé au développement de [[bombe H|bombes thermonucléaires]], plus puissantes, jugeant ces dernières potentiellement trop destructrices pour un usage défensif. Après la [[Seconde Guerre mondiale]], il est nommé président du {{lang|en|General Advisory Committee}} qui conseille la [[Commission de l'énergie atomique des États-Unis]].

En 1954, pendant le [[maccarthysme]], Oppenheimer voit son [[Audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer|habilitation de sécurité révoquée]] en raison de ses positions sur les armes thermonucléaires. En 1963, il est réhabilité politiquement lorsque le [[Administration aux États-Unis|gouvernement des États-Unis]] lui décerne le [[prix Enrico-Fermi]]. Il termine sa carrière à l’[[Institute for Advanced Study]] qui devient, sous sa direction, un centre de recherche fondamentale de premier plan.
== Jeunesse et formation ==
=== Jeune enfance ===
Le {{date-|23 mars 1903}}, l'Allemand Julius Oppenheimer, homme d'affaires prospère établi aux États-Unis, épouse l'Américaine Ella Friedman, femme d'une {{citation|grande sensibilité, aux goûts artistiques prononcés}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=16-17}}. Le {{date-|22 avril 1904}}{{sfn|Cassidy|2005|p=5}}, Ella, installée avec son mari à [[New York]], donne naissance à Julius Robert Oppenheimer{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=9-11}}{{,}}{{#tag:ref|Le père de Robert est un juif allemand, très probablement un [[ashkénaze]]. À cette époque, ajouter le prénom d'un parent vivant est contraire à la tradition juive ashkénaze<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.chabad.org/library/article_cdo/aid/820540/jewish/Can-a-Child-Be-Named-After-a-Living-Person.htm
|titre=Can a Child Be Named After a Living Person?
|auteur=Chabad.org
|année= 2014
|éditeur=Chabad-Lubavitch Media Center
|consulté le= 13 janvier 2014
}}.</ref> même si des auteurs ({{harvsp|Bird|Sherwin|2006|p=11}} et {{harvsp|Thorpe|2006|p=304}}) mentionnent une {{citation|tradition juive européenne}} contraire. Sur l'[[acte de naissance]], le prénom « Julius » apparaît ainsi. Aux [[États-Unis]], il est courant de n'utiliser qu'un prénom, les autres étant indirectement mentionnés par une seule lettre majuscule, comme dans « J. Robert Oppenheimer ». Robert a toujours affirmé que le « J. » ne signifiait rien{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=11}}.|group=note}}. Quelques années plus tard naît un autre enfant, Lewis Frank, qui meurt en bas âge. En 1912 naît [[Frank Oppenheimer|Frank]], qui sera physicien comme Robert{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=16-17}}.

Leur mère Ella dirige avec gentillesse et rigueur la maison, où se trouvent plusieurs œuvres d'art acquises par son mari (notamment des toiles de [[Pablo Picasso]], [[Rembrandt]], [[Auguste Renoir]] et [[Vincent van Gogh]]). Le couple emploie trois bonnes qui demeurent sur place. Après la mort de Lewis Frank et à la suite des fréquentes maladies de l'aîné, Ella devient {{citation|très protectrice}}. En effet, une nourrice, puis une gouvernante accompagne toujours le jeune Robert. Leur relation est étroite et Robert la vénère. Son père est extraverti et jovial, ce qui heurte les valeurs de sa mère et, par ricochet, de Robert, qui éprouve de la honte à ne pas apprécier suffisamment son père{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=11-13}}.

Les parents sont de confession juive, mais ne pratiquent pas. Ils adhèrent à une association [[agnosticisme|agnostique]] qui gère une école, que Robert commence à fréquenter à partir de {{date-|septembre 1911}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=17}}. L'association promeut la [[justice sociale]] avant l'accroissement des biens personnels. Le jeune Robert est plongé dans un milieu qui prône la recherche indépendante, l'exploration empirique et la pensée libre, valeurs représentatives de la science{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=10}}.

=== Études secondaires aux États-Unis ===
{{citation|À la maison, l'éveil intellectuel du jeune garçon est fortement stimulé.}} Par exemple, s'il s'intéresse à un auteur, le père achète toutes ses œuvres. À l'adolescence, Robert démontre un vif intérêt pour les langues et la littérature. Plus tard, quand il travaillera en physique, il écrira encore des [[poème]]s et des [[nouvelle]]s{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=17}}. En 1911 pendant un voyage en Allemagne, Robert a sept ans, son grand-père paternel lui donne des échantillons minéralogiques. Il s'intéresse tellement aux minéraux qu'il monte une collection {{citation|assez remarquable}} qu'il offrira au chimiste [[Linus Pauling]], en 1928{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=18}}. Son père est fier des capacités intellectuelles de Robert et de ses {{citation|excellents}} résultats scolaires, tout en étant étonné des centres d'intérêt de son fils, à propos desquels il ironise. Sa mère éprouve de l'appréhension, car il ne participe pas aux jeux des enfants de son âge{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=18}}. Il préfère pratiquer l'escalade, rechercher des minéraux ou apprendre à naviguer à la voile. À partir de {{nobr|16 ans}}, il fait régulièrement des excursions à la voile dans l'[[océan Atlantique]] pendant les tempêtes, à la limite de la sécurité{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=24}}.

À l'école, Robert est grandement influencé par Augustus Klock, un enseignant de physique-chimie{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=23}}. Il se lie d'amitié avec son professeur d'anglais Herbert Winslow Smith, qui fera office, entre autres, de père de substitution{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=22-23}}. L'influence de Smith est si grande qu'Oppenheimer, en 1945, lui confiera {{citation|l'ambivalence de ses sentiments sur la réalisation et l'emploi de l'arme nucléaire}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=19}}. Robert se passionne pour la [[chimie]] et les [[mathématiques]]. Par exemple, il étudie seul le [[calcul infinitésimal]] et la [[géométrie analytique]], puis obtient l'{{citation|autorisation exceptionnelle}} de faire des exposés auprès des élèves{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=20}}. Il lit les auteurs grecs [[Homère]] et [[Platon]] dans leur langue, tout comme [[Virgile]] et [[Horace]] en latin. Lors de sa dernière année scolaire, il obtient la note la plus élevée en allemand, français, grec et latin{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=22-23}}.

En 1921-1922, il est victime d'une attaque de [[dysenterie]] puis d'une [[colite]], ce qui repousse d'un an son entrée à l'[[université Harvard]]. Il profite de cette période pour se rendre au [[Nouveau-Mexique]] avec son ancien professeur d'anglais. Il y devient amateur de promenades à cheval ainsi que d'excursions dans les montagnes et sur les plateaux de cette région. Il fait aussi connaissance de Katherine Chaves Page, {{citation|une séduisante femme mariée de vingt-huit ans}} qui gère un [[ranch]] l'été et enseigne à New York le reste de l'année. Robert, {{citation|envoûté par Katherine}}, lui restera attaché sa vie durant{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=23-24}}. En effet, pour la première fois de sa vie, il se sent aimé, admiré et recherché. Fort de cette expérience, il continuera à cultiver ses compétences sociales pour obtenir l'admiration de son entourage{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=27}}. Selon l'historien [[Richard Rhodes]], sa {{citation|rencontre avec le monde naturel l'a libéré des entraves d'une vie trop civilisée ; elle s'avère décisive pour lui, une véritable guérison miraculeuse}}{{sfn|Rhodes|1986|p=121}}.

=== Études universitaires aux États-Unis ===
En {{date-|septembre 1922}}, Oppenheimer entre à l'[[université Harvard]]. En plus du cursus habituel en chimie, il suit quelques cours supplémentaires : [[littérature française]], [[mathématiques]], [[sanskrit]]{{etc.}} Il profite de la [[Bibliothèque Widener]] de Harvard pour augmenter ses connaissances en physique. Il lit les ouvrages scientifiques du Français [[Henri Poincaré]] et des Allemands [[Walther Nernst]], [[Wilhelm Ostwald]] et [[Arnold Sommerfeld]] dans leur langue{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=25-26}}.

[[Fichier:Bridgman.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme portant des lunettes et un complet.|C'est en suivant les cours de [[Percy Williams Bridgman|Percy Bridgman]] que Robert Oppenheimer découvre la physique expérimentale selon l'[[opérationnisme]], approche scientifique qui exige de s'appuyer exclusivement sur les phénomènes observables. Bridgman a obtenu le [[prix Nobel de physique]] en 1946<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1946/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1946
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for the invention of an apparatus to produce extremely high pressures, and for the discoveries he made therewith in the field of high pressure physics
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>.]]

Oppenheimer affirme n'avoir suivi aucun cours de physique en première année, seulement avoir demandé à suivre des cours de niveau maîtrise, requête accordée pour sa deuxième année de formation. [[Percy Williams Bridgman|Percy Bridgman]], {{citation|l'un des plus prestigieux professeurs de physique de Harvard}}, lui fait découvrir la physique expérimentale selon l'[[opérationnisme]]. Cette approche, qui découle du [[positivisme]], affirme que l'expérience physique n'a de sens que si elle peut être définie en termes d'opérations et que toute connaissance doit se limiter à ce qui est directement observable. Elle {{citation|se révélera d'une immense fécondité intellectuelle}}, car les physiciens théoriciens de Copenhague ([[Niels Bohr]] en tête) et de Göttingen ([[Werner Heisenberg]], par exemple) auront recours à cette approche lorsqu'ils poseront les bases de la [[physique quantique]], préférant se confiner aux valeurs calculables, plutôt qu'explorer les conséquences paradoxales des phénomènes observés. Oppenheimer, influencé par Bridgman, sera plus sensible aux enseignements qu'il recevra à Göttingen{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=26-28}}.

{{encadré|titre=Études|contenu=Pendant ses études à Harvard, Oppenheimer lit dans son intégralité l'ouvrage d'Edward Gibbon, ''[[Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain|The Decline and Fall of the Roman Empire]]'', qui comprend pas moins de {{unité|3000|pages}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=32}}. Seuls un collègue et lui ont le {{Citation|courage}} de suivre un cours donné par le philosophe mathématicien [[Alfred North Whitehead]] pendant lequel ils parcourent ensemble les trois volumes de ''[[Principia Mathematica]]''. Oppenheimer mentionnera que l'expérience lui fut plaisante{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=34-35}}.}}

À l'université, il rejoint un club où sont discutées de grandes questions politiques et sociales contemporaines (renaissance du [[Ku Klux Klan]], conséquences du [[Traité de Versailles]], [[putsch de la Brasserie]] de 1923{{etc.}}). Même si le club n'a aucune visée [[gauchisme|gauchiste]], des partisans de la [[Révolution d'Octobre|révolution bolchevique]] et du [[socialisme]] y prononcent des conférences{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=28}}.

Oppenheimer participe à d'autres activités sociales, mais {{citation|reste un solitaire}}. Pendant ses études, il n'entretient aucune relation féminine et n'a que deux amis, William Boyd et Frederick Bernheim, qu'il fréquente assidûment. Cet isolement social est la conséquence de plusieurs traits : difficulté à se lier socialement, {{citation|intellectualisme compulsif}}, érudition et gaucherie, lesquels exaspèrent des collègues qui le jugent {{citation|arrogant et hautain}}. Cependant, des collègues d'études diront qu'il était {{citation|extraordinairement [brillant] et [intéressant]}}, {{citation|exceptionnel, doté d'une intelligence remarquable}}. Il fait aussi montre d'un large vocabulaire, s'amusant avec les mots en compagnie de collègues{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=28-30}}. En 1975, Bernheim dira : {{citation|Je le vis briller subitement, de l'éclat d'un immense physicien, alors que moi je peinais à seulement terminer Harvard{{trad|en|I had visions of him suddenly bursting forth as a great physicist, and here I was just trying to get through Harvard.}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=31}}.}}

Pendant ses deuxième et troisième années à Harvard, tout en poursuivant ses études, il est assistant de laboratoire de Bridgman. À cette époque, il étudie la théorie classique de l'[[électron]] et la [[conduction thermique]]. Pourtant, à l'université, le physicien [[John Clarke Slater]], avec l'aide de [[Niels Bohr]] et [[Hendrik Anthony Kramers]], tente d'établir une théorie qui concilierait la nature particulaire des [[photon]]s et l'aspect continu du [[rayonnement électromagnétique]]. Oppenheimer expliquera son manque d'intérêt pour la recherche de pointe par son désir de connaître ce qui avait déjà été découvert, pas de trouver ce qui restait à découvrir. En {{date-|juin 1925}}, il est reçu ''[[Bachelor of Arts]]'' de chimie avec la mention [[Mention honorifique|''{{lang|la|summa cum laude}}'']]. Il obtient donc son diplôme en trois ans, au lieu des quatre années habituelles{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=30-31}}.

Au mois d'{{date-|août 1925}}, il retourne au Nouveau-Mexique en compagnie de ses parents, qui s'y plaisent. Avec l'historien [[Paul Horgan]] et son frère [[Frank Oppenheimer|Frank]], il fait de longues promenades à cheval. Katherine Chaves Page lui conseille de voyager le plus légèrement possible, ce qu'il fait. Cependant, lors d'une excursion, il vient à manquer d'aliments. Pour apaiser les douleurs de la faim, un compagnon lui prête une [[pipe]] à tabac. C'est à cette époque qu'il prend l'habitude de fumer la pipe et la [[cigarette]], qu'il conservera toute sa vie{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=39-40}}.

=== Études doctorales en Europe ===
[[Fichier:The Cavendish Laboratory - geograph.org.uk - 631839.jpg|vignette|alt=Façade en pierres d'un immeuble percée d'une imposante entrée.|Porte d'entrée du [[laboratoire Cavendish]] de l'[[université de Cambridge]] en Angleterre. C'est en travaillant dans ce laboratoire qu'Oppenheimer découvre sa vocation de physicien théoricien{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=39}}.]]
Avant la fin de ses études, Oppenheimer envoie une demande à [[Ernest Rutherford]] pour travailler sous sa supervision au [[laboratoire Cavendish]] de l'[[université de Cambridge]] en [[Angleterre]]. Il a en effet réalisé qu'il préfère la physique à la chimie{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=31-32}}. À cette époque, le laboratoire est {{citation|mondialement célèbre pour ses recherches en physique atomique et nucléaire}}. Les chercheurs qui s'y sont distingués ont surtout fait preuve de talents d'observation et d'analyse, car le laboratoire ne possède pas de coûteux instruments de pointe{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=31-32}}. Oppenheimer sait qu'il risque d'être dépassé dans un tel environnement de recherche, où il faut procéder avec minutie et patience pour mettre en évidence un phénomène particulier. Même si Rutherford n'estime pas beaucoup Bridgman et que ce dernier, dans sa lettre de recommandation, précise qu'Oppenheimer est malhabile dans un laboratoire, il demande à [[Joseph John Thomson]] de le superviser, ce que l'Anglais accepte{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=32-33}}. Le choix de l'Américain peut sembler paradoxal, mais il est probablement influencé par les écrits des grands physiciens anglais et il veut réaliser une grande entreprise : étudier l'interaction des faisceaux électroniques avec les films métalliques, ce qui exige de faire des expériences de laboratoire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=33}}.

Oppenheimer arrive en Angleterre en {{date-|septembre 1925}} et, après deux semaines, il exprime son désarroi dans une lettre : {{citation| Tous [les scientifiques du laboratoire] sont incroyablement adeptes de l'art de souffler du verre et de résoudre des équations différentielles. Le niveau académique ici dépeuplerait Harvard du jour au lendemain.}} Relégué au sous-sol du laboratoire, il éprouve beaucoup de difficultés à fabriquer des films de [[béryllium]]. Ses difficultés lui font réaliser qu'il n'est pas à la hauteur du défi qu'il s'est lancé. Son abattement est amplifié par la vacuité de sa vie sociale{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=35-36}}.

En {{date-|décembre 1925}}, Oppenheimer passe les vacances de Noël à Paris avec un ancien collègue de l'université Harvard, [[Francis Fergusson]]. Son désarroi est si grand qu'il tente d'étrangler Fergusson, qui parvient à le repousser. Oppenheimer se rend immédiatement auprès d'un psychiatre à Paris. De retour à Cambridge, il consulte régulièrement un psychiatre. Cet état est la conséquence de ses échecs répétés auprès de la gent féminine et de son incapacité à progresser au laboratoire. Plus tard en 1926, son sentiment d'isolement est si prononcé qu'il demande à Bernheim, établi lui aussi à Cambridge, de renoncer à sa fiancée, ce qu'il refuse tout en prenant ses distances avec Oppenheimer{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=36-37}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=43-48}}. En {{date-|mars 1926}}, Oppenheimer accompagne des amis en [[Corse]]. Il montre alors des signes de [[mythomanie]] et se dira atteint de [[schizophrénie]]. Il affirmera plus tard avoir vécu {{citation|l'Amour}} ; des amis diront qu'il s'agissait probablement d'une très grande attirance pour une femme mariée qui n'a pas voulu quitter son époux{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=38-39}}, mais il peut aussi s'agir d'un amour intellectuel{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=51-52}}. À cette époque, il souffre également de [[Dépression (psychiatrie)|dépression]], un mal qui l'affectera à plusieurs reprises au cours de sa vie{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=35, 44, 51, 320 et 353}}. Pour tenter de trouver une solution à ses troubles mentaux, il voit un psychiatre londonien lors d'une ultime consultation, mais n'obtient pas satisfaction et préférera s'occuper lui-même de sa santé mentale{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=39}}.

[[Fichier:Dirac 4.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme souriant légèrement et moustachu portant un complet.|Oppenheimer a décrit [[Paul Dirac]] {{citation|comme le plus grand théoricien du {{s-|XX}} après [[Albert Einstein]]}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=41}}. Dirac et [[Erwin Schrödinger]] ont obtenu le [[prix Nobel de physique]] en 1933<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1933/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1933
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for the discovery of new productive forms of atomic theory
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>.]]

Le passage d'Oppenheimer à Cambridge révèle sa vocation. Il apprend l'existence d'un petit groupe de physiciens théoriciens {{citation|particulièrement actifs}} menés par [[Paul Dirac]] et [[Ralph H. Fowler]]. Auparavant, il n'aurait jamais accepté d'être uniquement théoricien car, selon son jugement, leurs travaux dépendent des résultats des expérimentateurs, ce qui en fait donc des suiveurs plutôt que des créateurs, ce qui aurait heurté son [[éthique déontologique]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=39}}. Les échanges avec Dirac et Fowler sont déterminants pour la carrière scientifique d'Oppenheimer car ces derniers sont au courant des derniers développements en [[physique quantique]], qui vit une {{citation|très grave crise}}. En effet, la [[mécanique newtonienne]], macroscopique, postule qu'il existe une [[causalité (physique)|causalité]] entre les phénomènes, ce qui n'est pas le cas en [[mécanique quantique]], microscopique. Les équations newtoniennes ne peuvent donc s'appliquer aux phénomènes quantiques, d'où les incohérences{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=39-40}}.

Toujours à Cambridge, Oppenheimer échange avec [[Niels Bohr]] et y apprend l'existence des trois articles, le premier publié en {{date-|septembre 1925}} par [[Werner Heisenberg]] (''Über quantentheoretische…''<ref group=article>{{Article |langue=de
|titre=Über quantentheoretische Umdeutung kinematischer und mechanischer Beziehungen
|prénom1=Werner |nom1=Heisenberg |lien auteur1=Werner Heisenberg
|périodique=[[The European Physical Journal|Zeitschrift für Physik]]
|mois=décembre |année=1925
|volume=33 |numéro=1
|pages=879-893
|doi=10.1007/BF01328377
}} {{commentaire biblio|Titre en français : « Réinterprétation des relations cinématique et mécanique dans le cadre de la théorie quantique ». Article traduit en anglais dans 
{{Ouvrage |langue=en |prénom1=B. L. |nom1=van der Waerden |directeur1=oui |titre=Sources of Quantum Mechanics |lieu=New York |éditeur=[[Dover Publications]] |année=1968 |pages totales=430 |passage=261-276 |isbn=0-486-61881-1 |lire en ligne=//archive.org/details/SourcesOfQuantumMechanics}} sous le titre ''Quantum-Theoretical Re-interpretation of Kinematic and Mechanical Relations''.}}
</ref>), qui ont fondé la mécanique quantique en termes de [[mécanique matricielle]]. En {{date-|novembre 1925}}, Dirac donne une formulation algébrique de la théorie de Heisenberg. En {{date-|janvier 1926}}, [[Erwin Schrödinger]] publie un article qui propose une [[Équation de Schrödinger|mécanique quantique ondulatoire]] (''Quantisierung als Eigenwertproblem I''<ref group=article>{{article |langue=de
 | nom1= Schrödinger | prénom1= E.
 | titre =Quantisierung als Eigenwertproblem I
 | journal = [[Annalen der Physik]]
 | volume = 384 |numéro = 4
 | passage = 361–376
 | jour=27 |mois=janvier | année= 1926
 | doi = 10.1002/andp.19263840404
 | url=http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/andp.19263840404/pdf
 | format électronique=pdf
}}.</ref>). Comparativement à la mécanique newtonienne, la mécanique quantique se révèle à la fois plus proche de l'expérience et plus abstraite, car elle se préoccupe plus de valeurs calculables que de modèles physiques{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=41}}.

Oppenheimer s'enthousiasme pour cette nouvelle physique ; il suit un cours de mécanique quantique donné par Dirac. Fowler, prenant conscience du potentiel intellectuel de l'étudiant, l'encourage à faire des recherches en s'appuyant sur la méthode algébrique de Dirac. Oppenheimer abandonne l'étude des films de béryllium et maîtrise rapidement le formalisme mathématique de Dirac. Sur les conseils de Fowler, jovial et généreux, il s'attaque à des problèmes de niveaux d'énergie et de transitions d'états dans les atomes. Il publie ses deux premiers articles en mai et {{date-|juin 1926}} (''On the Quantum Theory of Vibration-Rotation Bands''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1926a}}.</ref> et ''On the Quantum Theory of the Problem of the Two Bodies''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1926b}}.</ref>){{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=41-42}}.

[[Fichier:Max Born.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme portant un complet.|C'est sous la supervision du physicien [[Max Born]] qu'Oppenheimer prépare sa thèse de doctorat en physique à l'[[université de Göttingen]], thèse soutenue en {{date-|mai 1927}}. Born sera colauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1954<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1954/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1954
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his fundamental research in quantum mechanics, especially for his statistical interpretation of the wavefunction
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>.]]

Au printemps 1926, il assiste à un séminaire donné à [[Leyde]] aux [[Pays-Bas]] sous la direction de [[Paul Ehrenfest]]. Il y rencontre le physicien [[George Uhlenbeck]], assistant d'Ehrenfest. Les deux se lient immédiatement d'amitié, ce qui réconforte Oppenheimer. Toujours au printemps 1926, il rencontre [[Max Born]], un physicien éclectique qui est aussi un auteur de renom. En 1925-1926, avec l'aide de Heisenberg et de [[Pascual Jordan]], Born a en effet rédigé les deux autres articles qui ont jeté les bases de ce qui sera appelé la « [[mécanique quantique]] » (''Zur Quantenmechanik''<ref group=article>{{article |langue=de
|prénom1= M. |nom1= Born |lien auteur1=Max Born
|prénom2= P. |nom2= Jordan |lien auteur2=Pascual Jordan
|titre= Zur Quantenmechanik
|périodique= Zeitschrift für Physik
|volume= 34
|pages= 858-888
|année= 1925 
}}{{commentaire biblio|Titre en français : « Sur la mécanique quantique ». Article traduit en anglais dans 
{{Ouvrage |langue=en |prénom1=B. L. |nom1=van der Waerden |directeur1=oui |titre=Sources of Quantum Mechanics |lieu=New York |éditeur=[[Dover Publications]] |année=1968 |pages totales=430 |passage=277-305 |isbn=0-486-61881-1 |lire en ligne=//archive.org/details/SourcesOfQuantumMechanics}} sous le titre ''On Quantum Mechanics''.}}
</ref> et ''Zur Quantenmechanik II''<ref group=article>{{article |langue=de
|prénom1= M. |nom1= Born |lien auteur1=Max Born
|prénom2=W. |nom2=Heisenberg |lien auteur2=Werner Heisenberg
|prénom3= P. |nom3= Jordan |lien auteur3=Pascual Jordan
|titre= Zur Quantenmechanik II
|périodique= Zeitschrift für Physik
|volume= 35
|pages= 557-615
|année= 1925 
}}{{commentaire biblio|Titre en français : « Sur la mécanique quantique II ». Article traduit en anglais dans 
{{Ouvrage |langue=en |prénom1=B. L. |nom1=van der Waerden |directeur1=oui |titre=Sources of Quantum Mechanics |lieu=New York |éditeur=[[Dover Publications]] |année=1968 |pages totales=430 |passage=321-386 |isbn=0-486-61881-1 |lire en ligne=//archive.org/details/SourcesOfQuantumMechanics}} sous le titre ''On Quantum Mechanics II''.}}
</ref>). Percevant le potentiel intellectuel de l'Américain, il l'invite à [[université de Göttingen|Göttingen]] pour y préparer son doctorat, offre qu'Oppenheimer accepte sans hésiter{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=42}}.

Dans la ville allemande, Oppenheimer est en contact avec des scientifiques de premier plan. [[James Franck]] est à la tête d'un institut de physique, [[Max Born]] dirige un autre institut de physique, alors que [[David Hilbert]] et [[Richard Courant]] dirigent l'institut de mathématiques {{citation|qui jouit d'une renommée mondiale}}, lequel accueille des mathématiciens renommés : [[Hermann Weyl]], [[Emmy Noether]], [[Norbert Wiener]] et [[John von Neumann]]. À cette époque, les chercheurs de Göttingen publient régulièrement des résultats en physique théorique, ce qui amènera le physicien [[Karl Compton]] à qualifier l'endroit de {{citation|fontaine de sagesse quantique}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=43-44}}.

L'[[antisémitisme]] est généralisé en Allemagne à cette époque, mais le milieu universitaire de Göttingen est peu sensible à ce courant, car plusieurs des plus éminents scientifiques sur place sont juifs, notamment Franck, Born et Courant. Dans une lettre de novembre 1926 adressée à Fergusson, Oppenheimer écrit : {{citation|On y est violemment opposé à la névrose, aux Juifs, aux Prussiens et aux Français.}}, et croit que la situation ne peut mener qu'à un {{Citation|terrible drame}}. [[Paul Dirac]] et lui occupent chacun une chambre dans une maison près de l'université, ce qui renforce leur lien d'amitié. L'Allemagne traverse une sombre période économique, dont profiteront les [[nazisme|nazis]]. Fortuné, Oppenheimer fait montre de largesses autour de lui{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=45-46}}. Le physicien [[Walter M. Elsasser]] découvre un {{citation|aspect inattendu de la personnalité}} de l'Américain : une soif de [[spiritualité]] sans limites qu'il met à profit pour explorer les textes sacrés de la [[Hindouisme|religion hindoue]]. Il lit le [[sanskrit]] et peut traduire sur-le-champ des [[verset]]s entiers de la ''[[Bhagavad-Gita]]'' et des ''[[Upanishad]]s''{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=46-47}}.

[[Fichier:Bhagavad Gita, a 19th century manuscript.jpg|vignette|gauche|alt=textes inscrits dans des cadres colorés|Extraits de la ''[[Bhagavad-Gita]]'', ouvrage qu'Oppenheimer lit en [[sanskrit]].]]

Toujours à Göttingen, Oppenheimer échange avec de grands scientifiques de l'époque : [[Richard Courant]], [[Werner Heisenberg]], [[Gregor Wentzel]] et [[Wolfgang Pauli]]. Pour lui, c'est un moment important, car il peut avoir des échanges de vues. Ainsi, il acquiert {{citation|graduellement un sens de la physique}}. Puisque la mécanique quantique est récente, ses créateurs n'ont pas encore découvert toutes ses conséquences. À la fin de l'année 1926, après avoir étudié l'[[atome d'hydrogène]], le jeune chercheur réalise sa première découverte importante{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=49-50}}.

À cause de la nature ondulatoire des [[électron]]s, Oppenheimer en vient à postuler la possibilité qu'un électron puisse franchir la barrière de potentiel qui entoure le [[Noyau atomique|noyau de l'atome]] et donc déstabiliser l'atome en se logeant dans le noyau. L'[[effet tunnel]] permet aussi le passage de particules dans le sens inverse. Découvert empiriquement par [[Robert Andrews Millikan]] et [[Charles Christian Lauritsen]], ce phénomène permet d'expliquer l'émission des [[Particule α|particules α]] lors de désintégrations nucléaires. Il est resté inexpliqué depuis sa découverte par [[Ernest Rutherford]] en 1898. {{Citation|Curieusement}}, Oppenheimer relègue cette importante découverte théorique dans la troisième note d'un article publié en janvier 1928 dans la revue ''[[Physical Review]]'' (''Three Notes on the Quantum Theory of Aperiodic Effects''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1928}}.</ref>). Il expliquera cette décision par son incapacité à distinguer les bons résultats du reste{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=50-51}}. Historiquement, c'est le premier article sur l'effet tunnel{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=66}}.

Il prend contact avec [[Percy Williams Bridgman|Percy Bridgman]], son ancien professeur à Harvard, pour lui mentionner que la théorie classique de la conduction métallique risque d'être remise en cause à la suite de ses travaux. Impressionné par les explications d'Oppenheimer, Bridgman lui suggère de demander une bourse d'études postdoctorales et de revenir à l'[[université Harvard]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=52}}. De son côté, en {{date-|février 1927}}, Max Born écrit au président du [[Massachusetts Institute of Technology]] à propos des étudiants américains qui travaillent avec lui à Göttingen : {{citation|l'un d'eux est particulièrement brillant, c'est M. Oppenheimer}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=64}}.

La même année, Born et Oppenheimer publient un article qui établit solidement la réputation de l'Américain (''Zur Quantentheorie der Molekeln''<ref group=article>{{harvsp|Born|Oppenheimer|1927}}.</ref>). Elle représente en effet une percée significative dans la compréhension du comportement des [[molécule]]s{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=66}}. En s'appuyant sur les postulats de la mécanique quantique, les deux parviennent à modéliser les mouvements électroniques, vibrationnels et rotationnels des molécules, ce qui permet d'établir une [[Équation des ondes|équation d'onde]] suffisamment précise de celles-ci. Appelée [[approximation de Born-Oppenheimer]], cette procédure {{citation|extrêmement complexe}} est encore utilisée en physique dans les années 1990{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=52-53}}. Plus tôt en 1927, après avoir échangé avec Born sur l'approximation, l'Américain a pris des vacances à l'étranger, d'où il a fait parvenir au physicien allemand quatre-cinq feuillets qui détaillent l'approximation. Born, {{citation|horrifié}}, a repris le travail d'Oppenheimer et a rédigé un article de trente pages. Selon ce dernier, l'article n'ajoute rien à son travail et comporte des {{citation|théorèmes assez évidents}}. Cette différence de style a causé une brouille entre les deux hommes. Cependant Born intervient en sa faveur lorsqu'il apprend qu'Oppenheimer a omis de s'inscrire officiellement comme étudiant, ce qui a amené les autorités de l'université à vouloir bloquer l'obtention de son doctorat{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=65-66}}. Acceptée en {{date-|mai 1927}}, Oppenheimer juge négativement sa thèse, dont un abrégé fait pourtant l'objet d'une publication avancée en février 1927 dans ''[[The European Physical Journal|Zeitschrift für Physik]]'' (''Zur Quantentheorie kontinuierlicher Spektren''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1927}}.</ref>){{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=53-55}}.

Achevée moins de cinq ans après la fin de ses études secondaires (un record{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=58}}), cette thèse est l'une des premières applications de la mécanique ondulatoire de Schrödinger à un problème de physique atomique et aura d'importantes retombées dans l'étude des [[étoile]]s. En 1968, le physicien [[Hans Bethe]] écrira que les calculs d'Oppenheimer s'accordaient bien avec les mesures d'absorption des [[rayon X|rayons X]], mais n'expliquaient pas l'[[Absorbance|opacité]] de l'hydrogène dans le [[Soleil]]. Au début des années 1930, les astrophysiciens pensent que le Soleil est surtout composé d'éléments chimiques lourds, comme l'[[oxygène]], alors qu'il est surtout composé d'[[hydrogène]]. {{citation|[Dans les années 1960], l'opacité est calculée essentiellement sur la base de la théorie d'Oppie et elle est l'un des principaux outils pour la compréhension des intérieurs stellaires}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=54}} (« Oppie » est le surnom que ses étudiants anglophones donnent à Oppenheimer{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=84}}).

Max Born donne la mention « très bien » à la thèse d'Oppenheimer, soutenue en {{date-|mai 1927}}. La partie orale de l'examen se déroule en présence de [[James Franck]]. Par la suite, un collègue demande à Franck comment s'est déroulée la soutenance et ce dernier répond : {{citation|Je suis parti juste à temps. Il commençait à me poser des questions !}} L'embarras de Franck tient probablement au fait que l'Américain s'est hissé à la hauteur des meilleurs scientifiques de Göttingen. En moins d'un an, il a publié sept articles, dont {{citation|trois fondamentaux}} en mécanique quantique. La même année, le physicien [[Earle Hesse Kennard]] écrit que [[Pascual Jordan|Jordan]], [[Paul Dirac|Dirac]] et Oppenheimer sont des {{Citation|physiciens théoriciens de génie et sont tous trois plus inintelligibles l'un que l'autre}}. Göttingen a donc fait éclore son talent ; il peut dorénavant échanger d'égal à égal avec les meilleurs physiciens théoriciens{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=55}}{{,}}<ref>Pour la citation de Earle Hesse Kennard, voir également {{Harvsp|Bird|Sherwin|2006|p=65}}.</ref>.

=== Études postdoctorales en Europe ===
{{CitaBloc|[[Niels Bohr]] était Dieu [...] et Oppie était son prophète{{trad|en|Niels Bohr was God [...] and Oppie was his prophet.}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=274+7|ps=(Voir légende de la dernière photo en bas à droite)}}.|[[Joseph Weinberg]], commentant les travaux d'Oppenheimer en [[mécanique quantique]]}}

Profitant d'une bourse postdoctorale de la National Research Fellowship, Oppenheimer retourne aux États-Unis en {{date-|juillet 1927}}, où il partage son temps entre l'[[université Harvard]] à [[Boston]] sur la côte Est américaine, et le [[California Institute of Technology]] (Caltech), à [[Pasadena]] sur la côte Ouest. Son ancienne université lui {{citation|paraît provinciale}} comparativement à Göttingen. Il publie pourtant quelques articles, dont un sur l'[[effet Ramsauer-Townsend]] où il fait une erreur de calcul. Robert Oppenheimer aura ce travers à plusieurs reprises par la suite{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=52, 55-56}}. C'est peut-être la conséquence de sa difficulté à travailler seul et calmement pendant de longues périodes, attitude nécessaire pour compléter de longs calculs complexes, et de son désir d'être dans l'action, à s'intéresser aux problèmes de l'heure plutôt qu'à des thèmes importants, mais éloignés du feu des projecteurs{{sfn|Dyson|2013}}.

[[Fichier:Linus Pauling 1941.png|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Un homme debout regarde vers le bas. Devant lui se trouve de petits objets ronds soutenus par des tiges verticales.|À l'[[université de Göttingen]] et au [[California Institute of Technology|Caltech]], Oppenheimer échange avec le chimiste [[Linus Pauling]], qui sera lauréat du [[prix Nobel de chimie]] en 1954 pour ses travaux sur la [[liaison chimique]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/chemistry/laureates/1954/
|titre=The Nobel Prize in Chemistry 1954
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his research into the nature of the chemical bond and its application to the elucidation of the structure of complex substances
|consulté le= 18 août 2010}}.</ref>, puis lauréat du [[prix Nobel de la paix]] en 1962 pour sa campagne contre les essais nucléaires<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/1962/
|titre=The Nobel Prize in Peace 1962
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his fight against the nuclear arms race between East and West
|consulté le= 16 août 2023}}.</ref>.]]

Arrivé au Caltech en {{date-|janvier 1928}}, il retrouve le chimiste [[Linus Pauling]] qu'il a connu à Göttingen. Il rencontre aussi les physiciens [[Robert Andrews Millikan]], [[Carl David Anderson]], [[Charles Christian Lauritsen]], [[Paul Sophus Epstein]] et [[Richard Tolman]]. Sur place, Oppenheimer continue ses recherches sur la mécanique quantique tout en suivant les travaux de Millikan, devenu un spécialiste des [[Rayonnement cosmique|rayons cosmiques]]. Ce domaine d'études mènera au développement de la [[physique des particules]], où il se distinguera{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=56-57}}.

En 1928, Oppenheimer reçoit ses premières propositions d'emploi. L'[[université Harvard]] lui propose un poste d'instructeur et promet une rapide évolution de sa carrière. Cependant, les propositions du Caltech et de l'[[université de Californie à Berkeley]] lui apparaissent plus intéressantes, car il préfère la vie en Californie et Berkeley lui offre la possibilité de créer une école de physique théorique. Il accepte donc l'offre de Berkeley à deux conditions : repartir étudier un an en Europe et, à son retour, enseigner en parallèle au Caltech. Il craint en effet de ne pouvoir suivre les développements théoriques s'il commence immédiatement à Berkeley, où le seul enseignant de physique théorique est un ancien militaire autodidacte. En outre, il pense que s'il maintient des relations avec les physiciens du Caltech, son travail sera critiqué, ce qui l'incitera à se surpasser{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=57-58}}.

Avant de se rendre en Europe, Oppenheimer passe l'été à [[Ann Arbor]], dans le [[Michigan]], où il assiste à un colloque de physique. Ayant contracté la [[tuberculose]], il se rend au [[Nouveau-Mexique]] pour se rétablir. Il embarque pour l'Europe fin {{date-|août 1928}} et se rend d'abord à [[Leyde]] aux [[Pays-Bas]] pour y retrouver [[Paul Ehrenfest]], qui lui a fait un accueil cordial en 1926. Ehrenfest vit alors une {{citation|grave}} dépression qui l'amènera à se suicider en 1933. L'atmosphère est donc {{citation|lugubre}} dans le département de physique. L'Américain décide de se rendre à [[Utrecht]] pour y passer du temps en compagnie d'[[Hendrik Anthony Kramers]] et [[George Uhlenbeck]]. Il en profite aussi pour échanger avec [[Samuel Goudsmit]] et [[Hendrik Casimir]], tout comme donner quelques séminaires {{citation|dans un assez mauvais [[hollandais]]}} selon ses dires{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=58-59}}. C'est pendant cette période que les étudiants néerlandais lui donnent le diminutif « ''Opje'' »{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=73-74}}, que ses étudiants anglophones changeront en « Oppie »{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=84}}.

[[Fichier:Leiden Kamerlingh-Onnes Lab.jpg|vignette|gauche|upright=1.5|alt=Photo en noir et blanc. Devant un immeuble, plusieurs hommes debout font face à l'appareil-photo.|À [[Leyde]] aux [[Pays-Bas]] en 1926, au laboratoire de [[Heike Kamerlingh Onnes]].<br/>De g. à d., au premier rang : [[George Uhlenbeck]], [[Helmut Hönl]], Henri Bernard Joseph Florin, [[Hendrik Casimir]], [[Adriaan Fokker]], [[Hendrik Anthony Kramers]] et [[Samuel Goudsmit]] ; au {{2e|rang}} : [[Karel Niessen]], [[Paul Dirac]], Robert Oppenheimer, [[Christian Møller]], [[Tatiana Afanassieva]], [[Paul Ehrenfest]] (mari de la précédente) et [[Jan Woltjer (astronome)|Jan Woltjer]] ; au {{3e|rang}} : Roelof Luppo Krans et {{Lien|langue=ru|trad=Полак, Лев Соломонович|fr=Lev Solomonovitch Polak}}.]]

Conscient qu'Oppenheimer possède un esprit vif mais brouillon, Ehrenfest l'oriente vers le physicien autrichien [[Wolfgang Pauli]] qui enseigne à l'[[École polytechnique fédérale de Zurich]] en [[Suisse]], alors que l'Américain a prévu d'étudier sous la supervision de [[Niels Bohr]] à [[Copenhague]]. Oppenheimer explique à ce propos : {{citation|Bohr, avec son esprit large et généreux, n'était pas le remède dont j'avais besoin [...] Il me fallait un physicien professionnel et méticuleux}}, c'est-à-dire Pauli. Ehrenfest juge aussi que l'Américain, qui souffre d'une toux persistante consécutive à la tuberculose, ne doit pas subir le climat humide de Copenhague. Cependant, rendu à Zurich, Oppenheimer tombe à nouveau malade, car la Suisse subit un {{citation|froid terrible}} durant l'hiver 1928-1929. Il quitte le pays pendant six semaines pour se rétablir{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=59-60}}.

De son côté, en 1929, Pauli commence à élaborer, avec [[Werner Heisenberg]], une première version de l'[[électrodynamique quantique]], une {{citation|branche fondamentale de la physique}} qui attire l'intérêt d'Oppenheimer pendant les années 1930. Les deux physiciens partagent de nombreux traits de caractère. Ils sont notamment {{citation|exceptionnellement brillants}}, supportent mal la médiocrité, qu'ils ne se gênent pas pour critiquer durement, et sont malhabiles dans un laboratoire. Selon Pauli, Oppenheimer est tellement déférent à son égard qu'il est incapable de faire preuve d'[[esprit critique]]{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=75-76}}. L'Américain écrira : {{citation|Ce temps passé avec Pauli m'apparut tout simplement parfait{{trad|en|The time with Pauli seemed just very, very good indeed.}}}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=78}}.

Dans un article publié en mars 1930 dans ''[[Physical Review]]'' (''Note on the Theory of the Interaction of Field and Matter''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1930}}.</ref>), Oppenheimer démontre que la première version de l'électrodynamique quantique, proposée par Pauli et Heisenberg, n'est pas viable. En effet, si l'on traite l'[[électron]] comme une charge ponctuelle, les résultats ne correspondent à aucune réalité physique puisque la charge électrique de l'électron est contenue dans une masse ponctuelle (d'une taille infinitésimale). La charge interagit donc avec le champ de rayonnement de l'électron, ce qui en théorie mène à une énergie infinie. Cette interaction produit un {{citation|déplacement infini des états quantiques de l'atome}}, ce qui rend impossible l'application de la théorie aux atomes. C'est seulement en 1948, avec les travaux de [[Sin-Itiro Tomonaga]], [[Julian Schwinger]] et [[Richard Feynman]], qu'elle connaîtra un renouveau grâce à la [[renormalisation]] qui élimine les infinités perturbatrices. Elle se révélera alors {{citation|un outil extrêmement efficace}} pour expliquer différents phénomènes physiques : [[supraconductivité]], [[superfluidité]] de l'[[hélium]], [[moment magnétique]] de l'électron{{etc.}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=62-63}}

Pendant ses études en Europe, de 1926 à 1929, Oppenheimer publie pas moins de {{nobr|16 articles}}, {{citation|une production stupéfiante pour n'importe quel scientifique{{trad|en|an astonishing output for any scientist}}}}. S'il a manqué la première vague d'éclosion de la [[mécanique quantique]], en 1925-1926, il participe largement à sa deuxième vague sous la supervision de Pauli. Sa production s'explique par le fait qu'il est le premier physicien à maîtriser la mécanique ondulatoire de Schrödinger{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=78}}.

== Professeur et chercheur aux États-Unis ==
=== Sur la côte Ouest ===
{{CitaBloc|La physique m'est plus nécessaire que des amis.{{trad|en|I need physics more than friends.}}|Robert Oppenheimer, déclaration faite à son frère [[Frank Oppenheimer|Frank]] à l'automne 1929{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=91}}}}

De retour aux États-Unis à l'été 1929, Robert Oppenheimer poursuit un but : fonder une grande école de [[physique]] théorique sur le sol américain. Cependant, les meilleurs théoriciens travaillent en [[Europe]]. La situation change pendant les années 1930 sous la pression du [[nazisme]]. [[Albert Einstein]], [[Enrico Fermi]], [[Hans Bethe]], [[Eugene Wigner]], [[Edward Teller]], [[Samuel Goudsmit]] et [[George Uhlenbeck]] quittent en effet leur pays pour s'établir aux États-Unis. D'autres théoriciens visitent les États-Unis : [[Niels Bohr]], [[Arnold Sommerfeld]] et [[Max Born]]. Le retard américain en physique est d'autant plus important que l'aspect théorique a pris le pas sur l'expérimentation. En 1910, environ 20 % de la littérature mondiale en physique se compose d'articles théoriques. Avec l'importance grandissante de la [[mécanique quantique|physique quantique]], la proportion passe à 50 % en 1930. Les grands noms américains de la physique, [[Robert Andrews Millikan|Millikan]], [[Charles Christian Lauritsen|Lauritsen]], [[Carl David Anderson|Anderson]] et [[Ernest Orlando Lawrence|Lawrence]], sont surtout connus pour leur talent d'expérimentateurs. À cette époque, la circulation de l'information est plus lente qu'aujourd'hui, ce qui rend ardus les échanges avec les meilleurs centres de recherche, qui se trouvent en Europe. Cet isolement est encore plus prononcé à l'[[université de Californie à Berkeley]] comparativement à la [[côte est des États-Unis]] (où se trouve l'[[université Harvard]]). Ces facteurs expliquent pourquoi Oppenheimer a pu fixer ses conditions d'emploi à Berkeley{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=65-66}}.

Dans les classes où il enseigne, le chercheur surestime le potentiel intellectuel des étudiants, qui se plaignent de ne rien comprendre. Pourtant, des élèves suivent le même cours plusieurs fois, car il sait faire montre de talents oratoires et communique {{citation|son enthousiasme pour la beauté formelle de la physique}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=66-67}}. Une coterie se développe autour du jeune professeur et des étudiants l'admirent jusqu'à l'idolâtrie{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=96}}. Certains étudiants du [[California Institute of Technology|Caltech]], où il donne des cours à l'automne, le suivent à Berkeley pour l'entendre à nouveau au printemps{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=67}}. Avec les années, Oppenheimer atténuera son intransigeance et ses cours gagneront en clarté pédagogique{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=82-84}}.

[[Fichier:UCBerkeleyCampus.jpg|vignette|gauche|alt=Photo d'un bâtiment surmonté d'une tour carrée.|Le campus de l'[[université de Californie à Berkeley]].]]
L'après-midi, après ses cours, il réunit ses étudiants à la [[Deuxième cycle universitaire|maîtrise]] et au [[doctorat]] en groupes de huit à dix ; ceux en études postdoctorales en groupes de six. Ils discutent alors de l'avancement de leurs travaux. Cette approche expose ainsi ses étudiants à différents domaines et va à contre-courant de ce qui se fait en physique à l'époque. Plus tard, [[Robert Serber]] écrira : {{citation|En un après-midi, les étudiants pouvaient discuter d'[[électrodynamique]], de [[Rayon cosmique|rayons cosmiques]], d'[[astrophysique]] et de [[physique nucléaire]]{{sfn|Thorne|1997|p=195-196}}.}} Par ailleurs, Oppenheimer ne répugne pas à répondre aux questions des étudiants, même si cela le mène tard dans la nuit. Il étend sa collaboration jusqu'à faire participer ses étudiants à ses recherches et à cosigner des articles à partir de 1931{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=67-68}}.

Malgré sa charge académique, Robert Oppenheimer maintient un important réseau social. Il fréquente des collègues qui travaillent sur la [[Côte ouest des États-Unis|côte Ouest]] et sort avec des étudiants. Il suit des cours de [[sanskrit]] donnés à Berkeley par [[Arthur W. Ryder]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=68-69}}, professeur que lui a présenté [[Harold Cherniss]] et dont l'influence intellectuelle sur Oppenheimer est perceptible ; ce dernier écrit en 1948 que {{citation|Ryder sentait, pensait et parlait comme un [[stoïcisme|stoïcien]]}}<ref name="TIME">{{article |langue=en 
|url=http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,853367-6,00.html 
|périodique=[[Time (magazine)|Time]] 
|titre=The Eternal Apprentice 
|jour=8 |mois=novembre |année=1948 
|pages=75
}} {{FCR}}.</ref>.

C'est à cette époque qu'il rencontre [[Ernest Orlando Lawrence]], qui utilise un [[cyclotron]] de sa conception pour sonder la matière à la recherche d'une particule hypothétique que [[Paul Dirac]] mentionne dans un article paru en 1928 (''The Quantum Theory of the Electron''<ref group=article>{{article |langue=en
|titre=The Quantum Theory of the Electron
|prénom1= P. A. M. |nom1= Dirac |lien auteur1=Paul Dirac
|périodique= Proceedings of the Royal Society A: Mathematical, Physical and Engineering Sciences
|volume=117 |numéro=778
|pages=610-624
|année= 1928
|consulté le= 5 juillet 2013
|lire en ligne=http://rspa.royalsocietypublishing.org/content/117/778/610
|format électronique=Pdf
|doi=10.1098/rspa.1928.0023
}}.</ref>). Ce dernier a établi un pont théorique entre la [[relativité restreinte]] et la [[mécanique quantique]] grâce à l'[[équation de Dirac]], dont les deux solutions possibles sont de signes opposés. Puisque l'électron est une particule négativement chargée, Dirac en conclut que le proton {{incise|seule autre particule chargée connue à l'époque}} pourrait satisfaire son équation{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=69-70}}. Dans une lettre aux éditeurs de ''[[Physical Review]]'' publiée en {{date-|mars 1930}} (''On the Theory of Electrons and Protons''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1930a}}.</ref>), Oppenheimer affirme que cette hypothèse est physiquement impossible{{#tag:ref|Ce rejet s'inscrit dans un débat plus vaste sur les états d'énergie. Si une particule est dans un état d'énergie positive, elle est simplement dite « particule ». Si elle se trouve dans un état d'énergie négative, elle est nommée « trou ». Pour Oppenheimer, l'ensemble des électrons, peu importe leur état d'énergie, forme une mer d'électrons ; l'ensemble des protons, peu importe leur état d'énergie, forme une mer de protons. Étant distinctes, ces deux mers ne peuvent pas échanger de charges électriques, par exemple. Même si l'approche d'Oppenheimer résout plusieurs problèmes issus de l'équation de Dirac, qui n'interdit pas l'annihilation des particules positives et négatives {{incise|qui n'est pourtant pas observée}}, ce dernier prend un an et demi avant de se rallier à la position d'Oppenheimer<ref>{{harvsp|Fernandez|2006|p=302}}</ref>.|group=note}}. Selon lui, il faut rechercher une particule de même masse que l'électron, mais de charge opposée. [[Wolfgang Pauli]] et [[Niels Bohr]] rejettent avec vigueur l'affirmation d'Oppenheimer, tandis que Dirac éprouve du malaise. Le Britannique reconnaît son erreur en 1931 puis, en 1932, [[Carl David Anderson]] découvre le [[Positon|positron]] en étudiant les [[Rayonnement cosmique|rayons cosmiques]]{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=87}}.

[[Fichier:James Chadwick.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Homme aux cheveux foncés portant un veston.|[[James Chadwick]] est principalement connu pour la découverte du [[neutron]], particule qui joue un rôle central dans la [[fission nucléaire]], ce qui lui vaut de recevoir le [[prix Nobel de physique]] en 1935<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1935/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1935
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for the discovery of the neutron
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>.]]

[[Fichier:Willis Lamb 1955.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Torse d'un homme au cheveux noir portant un complet.|[[Willis Eugene Lamb]], élève de Robert Oppenheimer{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=88}}, sera colauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1955 {{Citation|pour ses découvertes concernant la [[structure fine]] du [[spectre de l'atome d'hydrogène|spectre de l'hydrogène]]}}<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1955/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1955
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his discoveries concerning the fine structure of the hydrogen spectrum
|consulté le= 16 juin 2010
}}.</ref>.]]

En {{date-|février 1931}}, en collaboration avec [[Paul Ehrenfest]] qui visite Caltech, Oppenheimer publie son premier article de [[physique nucléaire]] (''Note on the Statistics of Nuclei''<ref group=article>{{harvsp|Ehrenfest|Oppenheimer|1931}}.</ref>){{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=70}}. Selon l'astrophysicien [[Kip Thorne]], {{citation|à cette époque, le neutron n'avait pas encore été découvert et les noyaux restaient une énigme}}{{sfn|Thorne|1997|p=191}}. Selon le physicien [[Freeman Dyson]], vers {{citation|la fin des années 1920 [...] personne ne savait de quoi étaient constitués les noyaux ni la façon dont leurs composants étaient agencés}}{{sfn|Dyson|2006|p=244}}. Les physiciens pensent que le noyau est seulement constitué de [[proton]]s et d'[[électron]]s. L'article d'Ehrenfest et Oppenheimer montre qu'une telle hypothèse exige de ne plus utiliser la [[physique statistique|mécanique statistique]] pour les noyaux d'[[azote]] et, donc, que ces noyaux ne contiennent pas d'électrons. L'année suivante, [[James Chadwick]] démontre l'existence des [[neutron]]s, ce qui mènera à la théorie moderne des atomes, où les noyaux sont composés de [[proton]]s et neutrons{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=70-71}}.

Même si Oppenheimer connaît de grands succès conceptuels en physique, il fait des erreurs mathématiques notables. Dans l'un de ses articles (''Two Notes On the Probability of Radiative Transitions''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|1930b}}.</ref>), il omet un facteur <math>2 \pi</math>. Dans un autre (''Relativistic Theory of the Photoelectric Effect…''<ref group=article>{{harvsp|Hall|Oppenheimer|1931}}.</ref>), le calcul s'écarte de la valeur réelle par un facteur <math>44 / 3</math>. Selon [[Willis Eugene Lamb]] : {{citation|Ses cours étaient des révélations, mais les équations qu'il écrivait au tableau n'étaient pas toujours fiables.}} Pourtant, selon le physicien [[Hans Bethe]], Oppenheimer maîtrise très bien les principaux outils de la physique mathématique. Également, il se trompe parfois lors d'analyses de phénomènes physiques. Par exemple, en {{date-|octobre 1931}}, avec J. Franklin Carlson, il avance que les [[Rayonnement cosmique|rayons cosmiques]] primaires sont constitués de [[neutrino]]s, des particules neutres, car il croit que ces rayons n'interagissent pas avec le [[champ magnétique terrestre]], ce qui est faux selon certaines observations publiées. Des recherches ultérieures démontreront que ces rayons sont surtout constitués de protons (à 92 %), le reste d'électrons ou de noyaux d'[[hélium]]. Néanmoins, la qualité des travaux d'Oppenheimer est reconnue et Berkeley attire de plus en plus de lauréats américains de bourses d'études en physique théorique{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=71-73}}.

<center>{{encadré|alignement=centré|largeur=80%|titre=Une supervision adaptée|contenu=[[Joseph Weinberg]] rapporte qu'Oppenheimer peut se montrer rude ou indulgent avec ses étudiants. Par exemple, dans le bureau d'Oppenheimer, Weinberg s'est mis à fouiller parmi des papiers sur une table au centre de la pièce. En lisant le premier paragraphe d'une feuille, il observe à voix haute que c'est un {{citation|excellent}} sujet de thèse doctorale, qu'il est prêt à explorer. Oppenheimer lui réplique qu'il n'est pas à son intention.

Plus tard, rapporte Weinberg, un autre étudiant d'Oppenheimer, qui ne parvenait pas à trouver un sujet, explore justement cette proposition. L'étudiant en question, au contraire de ses collègues, est régulièrement {{citation|déconcerté, interloqué et mal à l'aise{{trad|en|baffled and nonplussed and ill at ease}}}} quand Oppenheimer lui adresse la parole, même s'il est {{Citation|génial}} et convenable. Pourtant, Oppenheimer fait régulièrement montre de rudesse avec ses étudiants.

Toujours selon Weinberg, Oppie a laissé la feuille bien en vue pour que l'étudiant la trouve et s'en approprie le sujet. Plus tard, il est devenu un physicien à qui l'on doit plusieurs avancées notables en physique expérimentale{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=170-171}}. (Weinberg n'a pas révélé le nom de l'étudiant.)}}</center>

Le décès de sa mère, en {{date-|octobre 1931}}, l'affecte profondément. Il surmonte son chagrin par l'[[ascèse]] et le renoncement, disciplines expliquées dans les textes [[hindouisme|hindous]] qu'il a lus. Il se rapproche de son père, qui vient le rejoindre sur la côte Ouest, allant même jusqu'à l'inviter dans son cercle d'amis{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=98-99}}. Son détachement lui permet de se concentrer à nouveau sur les avancées de la physique. En {{date-|juin 1932}}, [[John Cockcroft]] et [[Ernest Walton]] provoquent la première désintégration nucléaire artificielle. Ils mesurent également la masse des particules en jeu et vérifient donc expérimentalement la relation [[E=mc2|E=mc{{2}}]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=73-74}}. Il manque de découvrir les paires [[électron]]s-[[Positon|positrons]], ce qu'ont réalisé [[Patrick Blackett]] et [[Giuseppe Occhialini]] au début de 1933. Selon [[Abraham Pais]], Oppenheimer aurait dû faire cette découverte avant eux, car il a régulièrement accès aux résultats expérimentaux de [[Pasadena]], expériences qui recueillent des données sur les [[Rayonnement cosmique|rayons cosmiques]]. En juillet de la même année, avec [[Milton S. Plesset]], il explique correctement le mécanisme de création des paires par la collision de [[rayon gamma|rayons gamma]] sur des noyaux atomiques (''On the Production of the Positive Electron''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|Plesset|1933}}.</ref>). La découverte et l'explication constituent une {{citation|percée scientifique majeure}}, rien moins qu'une preuve supplémentaire de la validité de la relation E=mc{{2}} et la découverte même remet en cause le concept de [[particule élémentaire]]. Selon [[Werner Heisenberg]], c'est l'un {{citation|des plus grands changements parmi les grands changements de la physique de notre siècle}}. En 1973, Heisenberg écrira que la particule élémentaire est un système composite qui présente la même complexité qu'une [[molécule]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=74-76}}.

En {{date-|janvier 1934}}, [[Frédéric Joliot-Curie|Frédéric Joliot]] et [[Irène Joliot-Curie|Irène Curie]] induisent pour la première fois la [[radioactivité artificielle]] d'un élément chimique. À la suite de leurs travaux, [[Enrico Fermi]] bombarde de [[neutron]]s différents éléments chimiques, créant ainsi plusieurs éléments artificiellement radioactifs. [[Bruno Pontecorvo]] améliore la technique de Fermi en ralentissant les neutrons, ce qui permet de créer des quantités appréciables de substances radioactives{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=79}}. Lorsque [[Ernest Orlando Lawrence]] apprend les travaux réalisés en Europe, il se lance dans la création d'éléments radioactifs, puisqu'il utilise le plus puissant [[accélérateur de particules]] de l'époque. Il crée alors un grand nombre d'éléments radioactifs, plusieurs trouvant des applications en [[médecine nucléaire]] en tant que [[Traceur (chimie)|traceurs]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=80}}. En {{date-|septembre 1935}}, Oppenheimer et son étudiante [[Melba Phillips]] publient un article (''Note on the Transmutation Function for Deuterons''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|Phillips|1935}}.</ref>) qui explique pourquoi certains éléments chimiques deviennent radioactifs lorsqu'ils sont bombardés par des [[deutérium|deutérons]]. Ces paires sont composées d'un [[proton]] et d'un [[neutron]]. Lorsque ces particules approchent suffisamment près du noyau d'un atome, le proton est repoussé par la [[barrière coulombienne]], auquel le neutron est insensible. Ce dernier peut donc être capturé par le [[noyau atomique|noyau]], ce qui rend certains atomes radioactifs. Tous ces travaux trouveront des applications militaires à partir de 1938, lorsqu'[[Enrico Fermi]] démontrera la faisabilité de la [[fission nucléaire]] artificielle{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=80-81}}. Selon le physicien [[Hans Bethe]], le [[processus Oppenheimer-Phillips]] est {{citation|un outil d'importance dans l'étude des [[nucléon]]s, tant pour leur niveau d'énergie que leurs propriétés{{trad|en|an important tool in the study of nucleon energy levels and their properties}}{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Cassidy |nom1=David C. |lien auteur1=David C. Cassidy |titre=A Short History of Physics in the American Century |éditeur=[[Harvard University Press]] |année=2011 |mois=octobre |pages totales=244 |passage=57 |isbn=978-0-674-06274-0 |présentation en ligne=http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674062740&content=book |lire en ligne=//books.google.ca/books?id=IyypW641SgIC&pg=PA57&dq=Oppenheimer%E2%80%93Phillips+process&hl=fr&sa=X&ei=UcxaUrWTJ8fukQfUz4DQBw&ved=0CEYQ6AEwAw#v=onepage&q=Oppenheimer%E2%80%93Phillips%20process&f=false}}.</ref>.}}

[[Fichier:James Franck 1925.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme aux cheveux foncés portant un complet.|[[James Franck]], colauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1927 pour la {{Citation|découverte des lois régissant la collision d'un [[électron]] sur un [[atome]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1925/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1925
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for their discovery of the laws governing the impact of an electron upon an atom
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>}}, a quitté l'[[Troisième Reich|Allemagne nazie]] en 1933 en raison de la promulgation des [[Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933|premières lois antijuives]]<ref group="note">Franck, bien que Juif, n'était pas visé par ces premières lois car il était un vétéran de la première guerre mondiale. Il a néanmoins donné sa démission en solidarité avec certains de ses collègues juifs qui étaient touchés.</ref>. James Franck avait assisté à la soutenance de thèse d'Oppenheimer à l'[[université de Göttingen]] en 1927.]]

À cause de son enviable situation financière (un fonds établi par son père lui assure un niveau de vie confortable), Oppenheimer peut se consacrer à la physique et à l'enseignement, tout en négligeant les évènements qui bouleversent le monde. Par exemple, il n'apprend le [[krach de 1929]] que durant l'automne de la même année, {{citation|longtemps après qu'il [s'est] produit}}. Ce détachement diminue à partir de 1933, quand [[Adolf Hitler]] prend le pouvoir en Allemagne. En effet, deux de ses anciens maîtres à l'[[université de Göttingen]], [[Max Born]] et [[James Franck]], ont démissionné de leur poste à cause de leurs origines juives et se sont exilés. Les physiciens [[Eugene Wigner]] et [[Rudolf Ladenburg]], qui ont aussi fui l'[[Troisième Reich|Allemagne nazie]], font un appel à la solidarité en {{date-|décembre 1933}} pour apporter un soutien financier aux scientifiques touchés par ces mesures d'exclusion{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=81-82}}.

{{Article connexe|Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933}}

Oppenheimer, qui éprouve une {{citation|haine froide}} envers le régime, offre 3 % de son revenu annuel (Wigner et Ladenburg ont suggéré entre 2 % et 4 %). Il félicite les deux physiciens de ne pas l'avoir demandé à tous les physiciens en sol américain, car les universités américaines font parfois montre d'[[antisémitisme]]. En cette époque de chômage massif, les emplois qualifiés sont rares et embaucher des étrangers serait vivement critiqué. En effet, plus de treize millions de chômeurs cherchent activement un emploi, car ils vivent {{citation|dans des conditions de dénuement effroyables, souffrant de maladies et de malnutrition}}. Les effets du ''[[New Deal]]'', mis en vigueur en {{date-|mars 1933}} par le président américain [[Franklin Delano Roosevelt]], sont encore peu ressentis. Oppenheimer observe directement les ravages de la crise économique, car même si la [[Californie]] est un État riche, l'aide publique et les organisations caritatives ne suffisent pas à la tâche. Il s'engage donc dans la vie politique{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=82-83}}.

En 1936, Robert Oppenheimer, {{citation|reconnu comme l'un des premiers physiciens américains}}, est nommé [[professeur titulaire]] à la fois à [[université de Californie à Berkeley|Berkeley]] et au [[California Institute of Technology|Caltech]]. Conséquence de ses efforts, Berkeley est considéré comme le plus important centre de [[physique théorique]] américain{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=81}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=xi}}.

En {{date-|septembre 1936|septembre de la même année}}, il rencontre [[Jean Tatlock]], une militante [[communisme|communiste]] de dix ans sa cadette, fille de [[John Tatlock]], professeur à Berkeley qui discute régulièrement avec Oppenheimer de [[littérature anglaise]]{{#tag:ref|Selon {{harvsp|Rival|1995|p=83-84}}, Jean s'oppose aux valeurs de son père qui est un {{citation|réactionnaire et antisémite notoire}}. Cependant, {{harvsp|Bird|Sherwin|2006}} ne mentionnent ni ce comportement, ni ces traits de caractère.|group=note}}. Elle entretient des liens orageux avec le [[Parti communiste des États-Unis d'Amérique]] (CPUSA), jamais satisfaite des actions entreprises. Sa relation avec le chercheur a un {{citation|caractère passionnel, orageux et intermittent}}. Elle lui fait rencontrer des amis qui défendent la cause des [[républicains espagnols]] ou des travailleurs espagnols immigrés en Californie. Oppenheimer participe aux collectes de fonds et envoie de l'argent à différentes organisations de gauche poursuivant des visées humanitaires. Même s'il ne sera jamais membre du CPUSA, il lit des ouvrages de [[Karl Marx]] et de [[Vladimir Ilitch Lénine|Lénine]]. En 1936, son frère [[Frank Oppenheimer|Frank]] épouse une Canadienne membre du CPUSA (Frank deviendra plus tard membre du parti). Les trois échangent des idées et des projets, s'influençant mutuellement{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=83-85}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=111-114, 121-123 et 131-135}}.

En {{date-|juin 1937}}, Oppenheimer et [[Robert Serber]] publient un article (''Note on the Nature of Cosmic-Ray Particles''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|Serber|1937}}.</ref>) dans lequel ils tentent d'identifier une particule, plus tard appelée « [[méson]] », à la particule « U » prédite par le physicien japonais [[Hideki Yukawa]] en 1935 pour expliquer l'[[interaction forte]] dans le noyau atomique. C'est seulement en 1945, après la découverte du pi-méson, aujourd'hui appelé « [[pion (particule)|pion]] », vecteur de l'interaction forte, que les incohérences entre la théorie de Yukawa et les observations seront éliminées. L'article des Américains a le {{citation|grand mérite}} d'attirer l'attention de la communauté internationale sur la théorie du Japonais, jugée erronée pendant dix ans, mais qui se révélera d'une {{citation|immense portée}} sur l'évolution de la [[physique nucléaire]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=87-88}}.

<center>{{encadré|alignement=centré|largeur=80%|titre=Le méson, particule de discorde|contenu=Découvert en 1936 par [[Carl David Anderson]] et [[Seth Neddermeyer]] qui étudient les rayons cosmiques dans les [[chambre à brouillard|chambres à brouillard]], l'existence du méson (aujourd'hui appelé « [[muon]] ») est confirmée en 1937 par J. C. Street et E. C. Stevenson<ref>{{Article |langue=en
|nom1= Street |prénom1=J. C.
|nom2= Stevenson |prénom2=E. C.
|titre=New Evidence for the Existence of a Particle Intermediate Between the Proton and Electron
|périodique=Physical Review
|volume=52 
|pages=1003
|année=1937
|lire en ligne=http://web.ihep.su/dbserv/compas/src/street37b/eng.pdf
}}.</ref>. Même si cette découverte permet de concilier l'[[électrodynamique quantique]] et l'expérience, [[Werner Heisenberg]] est le seul, parmi les grands physiciens de l'époque, à nier l'existence de cette particule{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=77}}.

Par exemple, à l'été 1939, lors d'un symposium sur les rayons cosmiques qui se tient à l'[[université de Chicago]], Oppenheimer et Heisenberg s'affrontent verbalement sur l'existence de cette particule. Le côté ironique de la situation apparaîtra plus tard. En effet, Heisenberg sera nommé responsable des [[Recherches atomiques sous le régime nazi|recherches atomiques du Troisième Reich]] alors qu'Oppenheimer sera nommé directeur scientifique du [[projet Manhattan]], deux programmes visant le développement d'une arme atomique. De plus, c'est à cette université qu'[[Enrico Fermi]] réalisera la première réaction en chaîne atomique contrôlée{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=77}}.}}</center>

Le père de Robert décède en {{date-|septembre 1937}}. En signe de solidarité avec les différentes causes sociales qu'il défend, il lègue sa part de l'héritage paternel à l'[[université de Californie]]. Toujours en 1937, il se lie d'amitié avec [[Haakon Chevalier]], un professeur de [[littérature française]] à [[Université de Californie à Berkeley|Berkeley]]. Ce dernier milite pour la défense des [[droits civiques]] et [[syndicat|syndicaux]], tout comme il fréquente des écrivains progressistes californiens, tels [[John Steinbeck]] et [[Lincoln Steffens]]. Leur rencontre {{citation|va s'avérer décisive pour les deux hommes{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=84-86}}.}}

À la fin de 1937, Oppenheimer rejoint les rangs d'un [[syndicat]] d'enseignants, auquel appartient Chevalier, qui défend le droit des enseignants à s'exprimer librement, car ils sont {{citation|victimes des options conservatrices des responsables universitaires américains}}. Le syndicat intervient dans les conflits du travail, veut éveiller le sens politique chez ses membres, milite pour les [[républicains espagnols]] et soutient, à partir de {{date-|juin 1941}}, les victimes de la [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|guerre qui se déroule en Russie]]. La ferveur militante et l'activisme politique d'Oppenheimer amènent Chevalier à conclure que le chercheur aura un {{citation|grand destin national}}. La femme de Chevalier croit plutôt qu'il est égoïste et sans scrupule, à cause de sa fortune et de son intelligence. Cette ambivalence peut s'expliquer par un engagement motivé par une {{citation|expiation personnelle}} plutôt que par une analyse approfondie de la situation politique et sociale américaine. Cependant, après quelques années d'observations, Oppenheimer juge que le modèle socialiste appliqué en [[Union des républiques socialistes soviétiques|URSS]] est un leurre, qu'il sert à imposer un [[totalitarisme|régime totalitaire]]. En 1938, après des échanges avec trois physiciens qui ont vécu en URSS, [[Georges Placzek]], [[Marcel Schein]] et [[Victor Weisskopf]], il est définitivement convaincu de la justesse de sa position, ce que confirme la signature du [[pacte germano-soviétique]] en {{date-|août 1939}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=86-87}}. En {{date-|décembre 1941}}, après l'[[attaque de Pearl Harbor]], il cesse de s'intéresser à la cause des républicains espagnols, jugeant que d'autres crises sont plus urgentes{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=178}}.

En 1940, le [[Federal Bureau of Investigation|FBI]] met sur [[Renseignement d'origine électromagnétique|écoute]] des responsables du CPUSA, sans autorisation d'un juge ou d'un procureur (elles sont donc illégales). Par recoupements, des agents déterminent qu'Oppenheimer est en relation avec le parti. Le FBI ouvre donc un dossier à son nom en {{date-|mars 1941}}. Lorsqu'il sera clos, le dossier comprendra plus de {{unité|7000|pages}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=137-138}}.

=== Apports en astrophysique ===
Depuis quelques années, des scientifiques publient des articles sur les [[étoile à neutrons|étoiles à neutrons]] et autres objets stellaires « exotiques »{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=88}}. Par exemple, les astronomes [[Walter Baade]] et [[Fritz Zwicky]] ont émis l'hypothèse en 1934 qu'une [[supernova]] est une transition dans le processus qui amène une [[étoile]] ordinaire à se transformer en étoile à neutrons, d'un rayon très petit et d'une densité très élevée puisque les neutrons peuvent s'entasser plus étroitement que les protons et les électrons<ref>{{harvsp|Thorne|1997|p=172-180}}, plus particulièrement l'encadré de la page 180, qui se trouve également [http://jila.colorado.edu/~ajsh/astr2030_12/sn/baade.html en ligne].</ref>{{,}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=88}}.

[[Fichier:Landau.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme aux cheveux blonds et portant un complet.|[[Lev Landau]] est lauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1962 {{Citation|pour ses théories pionnières sur l'[[Physique de la matière condensée|état condensé de la matière]], particulièrement l'[[hélium liquide]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1962/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1962
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his pioneering theories for condensed matter, especially liquid helium
|consulté le= 17 juin 2010}}.</ref>}}.]]

En 1938, Oppenheimer se questionne sur la limite supérieure de taille pour les noyaux stellaires neutroniques. En {{date-|octobre 1938}}, il publie avec [[Robert Serber]] un article (''On the Stability of Stellar Neutron Cores''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|Serber|1938}}.</ref>) qui critique les résultats obtenus en 1938 par le physicien soviétique [[Lev Landau]], puis, en {{date-|février 1939}}, dans un article rédigé avec [[George Volkoff]] (''On Massive Neutrons Cores''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|Volkoff|1939}}.</ref>), il calcule les conditions d'équilibre entre l'état de la matière dans les étoiles et leur structure macroscopique. Il parvient ainsi à établir que la densité dans un tel type d'étoile est de l'ordre de 10{{exp|14}} à {{nobr|10{{exp|16}} g/cm{{3}}}}{{sfn|Thorne|1997|p=197, 199, 214 et 217}}. Selon ce résultat, qui sera légèrement révisé plus tard, un [[dé à coudre]] d'une étoile à neutrons pèse environ un milliard de tonnes. L'existence de telles étoiles sera confirmée en 1967 lorsque les [[pulsar]]s seront découverts{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=88-89}}.

{{Article détaillé|Limite d'Oppenheimer-Volkoff}}

Par la suite, Oppenheimer et son étudiant [[Hartland Snyder]] réfléchissent à l'[[effondrement gravitationnel]] d'étoiles hyperdenses. Le chercheur américain écrit alors {{citation|l'une des pages majeures de l'astrophysique}} en complétant la rédaction, en {{date-|juillet 1939}}, de l'article ''On Continued Gravitational Contraction''<ref group=article>{{harvsp|Oppenheimer|Snyder|1939}}.</ref> (« ''De la contraction gravitationnelle continue'' »{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=89}}). Les deux, en appliquant les principes de la [[relativité générale]] à la structure stellaire, avancent qu'une étoile suffisamment massive s'effondre sur elle-même quand toutes les sources d'[[Énergie nucléaire|énergie thermonucléaire]] sont épuisées, ce qui provoque une contraction qui se prolonge indéfiniment dans le temps. Le rayon de l'étoile s'approchant asymptotiquement de son [[Rayon de Schwarzschild|rayon gravitationnel]], la lumière de l'astre [[décalage vers le rouge|se décale progressivement vers le rouge]] et ne peut plus s'échapper que selon un nombre de plus en plus restreint d'angles. Si le rayon d'une étoile de forme sphérique et d'une certaine masse est plus petit que ce rayon gravitationnel, alors aucune lumière ne peut s'en échapper ; l'étoile est devenue un [[trou noir]]. Le concept existe depuis les travaux de [[Karl Schwarzschild]] (1916), mais est considéré comme une spéculation mathématique{{#tag:ref|{{citation|Dans les mois qui suivent [la publication de l'article d'[[Albert Einstein]] et [[Marcel Grossmann]]‌], le physicien Karl Schwarzschild s'empare des équations de la [relativité générale] et remarque qu'elles ouvrent la possibilité d'objets dont la densité est tellement grande que le champ gravitationnel y serait... infini. C'est amusant mathématiquement, mais un tel objet est absolument inconcevable dans la nature<ref>{{article 
|titre=Trous noirs : les voir enfin ?
|auteur1=
|périodique= [[Science et Vie]]
|mois= janvier |année= 2016
|consulté le= 2 avril 2016
|pages=80
}}.</ref>.}} Selon le physicien [[Juan Maldacena]], le {{citation|trou de ver de la solution de Schwarzschild diffère ''a priori'' des trous noirs qui se forment dans le cosmos à la suite de l'effondrement d'étoiles massives en cela qu'il ne contient pas de matière, mais uniquement de l'espace-temps courbe [...] La plupart des chercheurs considèrent la solution de Schwarzschild présentant deux extérieurs comme une curiosité mathématique sans pertinence pour le monde réel<ref>{{article 
|auteur1=[[Juan Maldacena]] 
|titre= Trous noirs intriqués : une porte sur l'espace temps quantique 
|périodique=[[Pour la science]] 
|date=mai 2017 
|numéro=475
|pages=30
}}</ref>.}}|group=note}}. Puisqu'ils laissent entendre qu'une telle structure peut exister dans l'[[Univers]], Oppenheimer et Snyder ouvrent la voie à un nouveau champ d'investigation scientifique{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=89-90}}{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Jean‐Louis |nom1=Tassoul |lien auteur1=Jean-Louis Tassoul |prénom2=Monique |nom2=Tassoul |titre=A Concise History of Solar and Stellar Physics |éditeur=[[Princeton University Press]] |année=2004 |mois=juillet |jour=6 |pages totales=344 |passage=165 |isbn=978-0-691-11711-9 |lire en ligne=//books.google.com.br/books?id=nRtUait0qTgC&pg=PA165&lpg=PA165&dq=Hartland+Snyder+1962&source=bl&ots=XPEboVIuBj&sig=0U1wFOpK2RvZR6vsg11zjg_AwZs&hl=pt-PT&sa=X&ei=oxO-UdCBPMm40AHO9IHYCw&ved=0CGEQ6AEwCQ#v=onepage&q=Hartland%20Snyder%201962&f=false}}.</ref>.

Selon l'historien des sciences [[Jeremy Bernstein]], c'est l'{{citation|un des plus importants articles de la physique du {{s-|XX}}{{trad|en|one of the great papers in twentieth-century physics}}}}{{sfn|Bernstein|2005|p=48}}. Pourtant, il attire peu l'attention de la communauté scientifique à l'époque, car il est publié le {{date-|1 septembre 1939}}, jour de l'[[Campagne de Pologne (1939)|invasion de la Pologne]] par les forces armées de l'Allemagne nazie{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=89}}. L'astronome [[Werner Israel]] jugera en 1987 que l'article est {{citation|le plus audacieux et le plus singulièrement prophétique}} de l'[[astrophysique]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=89}}. Selon le physicien et mathématicien [[Freeman Dyson]], la thèse est {{citation|la seule et unique contribution scientifique révolutionnaire d'Oppenheimer{{trad|en|Oppenheimer's one and only revolutionary contribution to science}}}} et, malgré l'importance des trous noirs dans l'évolution de l'Univers, le chercheur ne se penchera plus jamais sur le sujet{{sfn|Dyson|2013}}.

{{article détaillé|On Continued Gravitational Contraction}}

Après coup, les physiciens et les historiens jugent que c'est sa plus importante contribution à la physique, même si elle n'a jamais été prise au sérieux par ses confrères à l'époque{{sfn|Hufbauer|2005|p=31-47}}. Le physicien et historien [[Abraham Pais]] a demandé à Oppenheimer quelles étaient selon lui ses plus importantes contributions scientifiques ; le physicien a mentionné ses travaux sur les [[électron]]s et les [[Positon|positrons]], mais pas son travail sur la contraction gravitationnelle{{sfn|Pais|2006|p=33}}. Selon le physicien [[Luis Walter Alvarez]] en 1987, s'il avait été vivant pendant les années 1970, il aurait reçu un [[prix Nobel de physique]] pour ces travaux théoriques, puisque l'existence des [[pulsar]]s ne faisait plus de doute et la recherche pour les [[trou noir|trous noirs]] était bien engagée{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=90}}.

== Projet Manhattan ==
{{Article connexe|Projet Manhattan}}
=== Engagement dans les recherches nucléaires ===
{{CitaBloc|Nous inventions toujours de nouveaux trucs, trouvant des façons de calculer, et rejetant la plupart des trucs après avoir calculé. J'étais aux premières loges pour observer la formidable puissance intellectuelle d'Oppenheimer qui était sans l'ombre d'un doute le leader incontesté de notre groupe... L'expérience intellectuelle est inoubliable{{trad|en|We were forever inventing new tricks, finding ways to calculate, and rejecting most of the tricks on the basis of calculations. Now I could see at firsthand the tremendous intellectual power of Oppenheimer who was the unquestioned leader of our group... The intellectual experience was unforgetteable.}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=182}}.|[[Hans Bethe]]}}
[[Fichier:Enrico Fermi ID badge.png|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme chauve portant une chemise et une cravate.|[[Enrico Fermi]] est lauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1938 {{Citation|pour sa démonstration de l'existence de nouveaux éléments [[radioactivité|radioactifs]] produits par bombardements de [[neutron]]s, et pour sa découverte des [[réaction nucléaire|réactions nucléaires]] créées par les neutrons lents<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1938/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1938
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his demonstrations of the existence of new radioactive elements produced by neutron irradiation, and for his related discovery of nuclear reactions brought about by slow neutrons
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>.}}]]
==== Contexte scientifique ====
En {{date-|mars 1934}}, le physicien italien [[Enrico Fermi]] croit avoir créé un élément chimique radioactif plus lourd que l'[[uranium]], car il ne parvient pas à l'identifier parmi les éléments connus, ce qu'il a toujours été capable de faire grâce à un [[procédé de séparation]] chimique éprouvé. Selon la théorie de l'époque, le [[neutron]] est capturé par le noyau atomique sans le rendre instable. En s'appuyant sur certaines observations expérimentales, Fermi avance que le neutron capturé se divise en deux particules de charges électriques opposées, un [[proton]] et une [[particule β]], cette dernière étant expulsée du noyau ; le noyau comprend alors un proton de plus que celui de l'uranium. En septembre, la chimiste allemande [[Ida Tacke|Ida Noddack]] critique vivement son hypothèse et avance plutôt (dans ''{{lang|de|Über das Element 93}}''<ref group=article>{{Article|langue=de
|prénom1=Ida |nom1=Noddack |lien auteur1=Ida Noddack
|titre=Über das Element 93
|périodique=Zeitschrift für Angewandte Chemie
|volume=47 |numéro=37
|pages=653
|jour=15 |mois=septembre |année=1934 
|doi=10.1002/ange.19340473707
}}.</ref>) que le noyau a éclaté en plusieurs parties et que Fermi n'est pas parvenu à les identifier. À son tour, elle est critiquée, puisque Ernest Rutherford [[expérience de Rutherford|a démontré en 1911]] que le noyau atomique est {{Citation|très cohérent}}. Les physiciens ne peuvent donc envisager qu'un seul neutron puisse briser un noyau atomique et préfèrent rechercher une confirmation de la thèse de Fermi. En 1935, [[Otto Hahn]] et [[Lise Meitner]] reprennent les expériences de Fermi et croient avoir créé d'autres éléments chimiques plus lourds que l'uranium. En {{date-|octobre 1937}}, [[Irène Joliot-Curie|Irène Curie]] et le physicien chimiste serbe [[Pavle Savić]] créent un autre élément chimique qui leur semble plus léger que l'uranium, mais refusent de confirmer la thèse de Noddack. Quand Otto Hahn apprend les résultats des deux savants, il entreprend d'autres expériences avec [[Fritz Strassmann]]. Le {{date-|22 décembre 1938}}, ils découvrent la [[fission nucléaire]] et l'annoncent dans un article qui paraît le {{date-|6 janvier 1939}} (''Über den Nachweis und das Verhalten…''<ref group=article>{{Article |langue=de
|titre=Über den Nachweis und das Verhalten der bei der Bestrahlung des Urans mittels Neutronen entstehenden Erdalkalimetalle
|nom1=Hahn |prénom1=Otto |lien auteur1=Otto Hahn
|nom2=Strassmann |prénom2=Fritz |lien auteur2=Fritz Strassmann
|périodique=Naturwissenschaften
|volume=27 |numéro=1
|pages=11-15
|mois=janvier |année=1939
|doi=10.1007/BF01488241
}} {{commentaire biblio|La traduction du titre en français pourrait être ''De la détection et des caractéristiques des métaux alcalino-terreux créés à la suite de l'irradiation de l'uranium par des neutrons''}}</ref>). Des vérifications sont organisées dans les principaux laboratoires du monde et, à la fin {{date-|février 1939}}, quinze articles confirment les résultats{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=91-94}}.

Dans un premier temps, Oppenheimer rejette la découverte de Hahn et Strassmann. Devant des collègues, il tente de démontrer mathématiquement qu'il y a une erreur. Le lendemain, [[Luis Walter Alvarez]] reproduit l'expérience en sa présence. En moins d'un quart d'heure, il admet que la réaction est réelle et envisage presque immédiatement que les noyaux ainsi brisés puissent libérer des neutrons qui, à leur tour, vont briser d'autres noyaux. Il fait l'hypothèse que ces fissions puissent générer de l'énergie ou servir à fabriquer des bombes. Selon Alvarez, dans un ouvrage publié en 1987, la rapidité de sa pensée était {{citation|incroyable}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=166}}. Cependant, le chercheur est probablement au courant des travaux de [[Leó Szilárd]] qui a fait l'hypothèse, en 1933, que des atomes puissent libérer deux neutrons après en avoir absorbé un seul et, si ces atomes sont assemblés d'une manière appropriée, il est alors possible de démarrer une [[Réaction en chaîne (nucléaire)|réaction en chaîne nucléaire]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=94-95}}.

[[Fichier:Irène et Frédéric Joliot-Curie 1935.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Un couple de chimistes en blouse blanche dans leur laboratoire.|[[Irène Joliot-Curie]] et son mari [[Frédéric Joliot-Curie|Frédéric Joliot]] ont reçu le [[prix Nobel de chimie]] en 1935 {{Citation|en reconnaissance de leur [[Radioactivité artificielle|synthèse de nouveaux éléments radioactifs]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/chemistry/laureates/1935/
|titre=The Nobel Prize in Chemistry 1935
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=in recognition of their synthesis of new radioactive elements
|consulté le= 12 août 2010}}.</ref>}}.]]

==== Genèse du projet ====
Szilárd, qui a envisagé les applications militaires que pourraient tirer les [[nazisme|nazis]] de la [[fission nucléaire]], est {{Citation|atterré}} lorsque la [[Nature (revue)|revue ''Nature'']] publie deux articles de [[Hans von Halban]], [[Frédéric Joliot-Curie|Frédéric Joliot]] et [[Lew Kowarski]], en mars et en {{date-|avril 1939}} (''Liberation of Neutrons in the Nuclear Explosion of Uranium''<ref group=article>{{article |langue=en
|titre=Liberation of Neutrons in the Nuclear Explosion of Uranium
|nom1= von Halban |prénom1= H. |lien auteur1=Hans von Halban
|nom2= Joliot |prénom2= F. |lien auteur2=Frédéric Joliot
|nom3= Kowarski |prénom3= L. |lien auteur3=Lew Kowarski
|lien périodique= Nature (revue)
|périodique= Nature
|volume=143
|pages=470-471
|jour= 18 |mois= mars |année= 1939
|consulté le= 21 juillet 2013
|doi=10.1038/143470a0
|présentation en ligne=http://www.nature.com/nature/journal/v143/n3625/abs/143680a0.html
}}.</ref>
et ''Number of Neutrons Liberated in the Nuclear Fission of Uranium''<ref group=article>{{article |langue=en
|titre=Number of Neutrons Liberated in the Nuclear Fission of Uranium
|nom1= von Halban |prénom1= H. |lien auteur1=Hans von Halban
|nom2= Joliot |prénom2= F. |lien auteur2=Frédéric Joliot
|nom3= Kowarski |prénom3= L. |lien auteur3=Lew Kowarski
|lien périodique= Nature (revue)
|périodique= Nature
|volume=143
|pages=680-680
|jour= 22 |mois= avril |année= 1939
|consulté le= 21 juillet 2013
|doi=10.1038/143680a0
|présentation en ligne=http://www.nature.com/nature/journal/v143/n3625/abs/143680a0.html
}}.</ref>), qui détaillent grossièrement la [[fission nucléaire]]. Szilárd décide d'alerter le gouvernement américain sur ces travaux. Avec l'aide d'[[Eugene Wigner]], il rédige une lettre qu'il fait signer par [[Albert Einstein]] en {{date-|août 1939}} et la fait parvenir au président des États-Unis, [[Franklin Delano Roosevelt]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=96-97}}. L'émissaire de Szilárd la remet seulement en octobre, après l'[[Campagne de Pologne (1939)|invasion de la Pologne]].

{{Article détaillé|Lettre Einstein-Szilárd}}

Roosevelt est au courant des recherches nucléaires en Allemagne, car les services de renseignement l'ont averti que [[Siegfried Flügge]], un collaborateur d'Otto Hahn, a publié un article dans ''[[Naturwissenschaften]]'' qui détaille la réaction en chaîne dans l'uranium. De plus, les recherches nucléaires à l'[[Société Kaiser-Wilhelm|Institut Kaiser-Wilhelm]] sont dirigées par [[Werner Heisenberg]]. Roosevelt crée donc le [[Comité consultatif pour l'uranium]] (CCU). Son président, [[Lyman James Briggs]], ne voit pas l'intérêt militaire de l'énergie nucléaire et le comité ne se concentre donc que sur les applications civiles{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=99}}.

De son côté, Oppenheimer suit l'actualité internationale et s'inquiète vivement de la progression des armées allemandes sur le continent européen. À cette époque, les États-Unis appliquent une politique de non-intervention, position à laquelle est {{citation|hostile}} le chercheur. En {{date-|mai 1941}}, dans une lettre envoyée à un couple d'amis, il croit que les États-Unis ne s'engageront pas dans le conflit avant longtemps. Cependant, le {{date-|22 juin 1941}}, les [[Opération Barbarossa|troupes allemandes envahissent l'URSS]]. Le chercheur déclare alors que les États-Unis vont entrer en guerre, car de nombreux milieux politiques américains ont cru que le [[communisme]] et le [[fascisme]] sont deux facettes du [[totalitarisme]]. Il est dès lors possible d'envisager une action concertée des forces communistes et démocratiques{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=101-102}}.

À cette époque, différentes recherches semblent démontrer qu'il est impossible de fabriquer une bombe atomique qui puisse être transportée par un aéronef. Par exemple, Frédéric Joliot et ses collaborateurs ont déposé le {{date-|4 mai 1939}} une demande de brevet pour un explosif nucléaire dans lequel ils évaluent la [[masse critique (réaction nucléaire)|masse critique]] à quelques dizaines de tonnes. Cependant, tous leurs calculs s'appuient sur l'hypothèse que l'explosif doit être composé d'un mélange d'uranium 231, 235 et 238, car il n'existe pas de méthode efficace de [[séparation isotopique]]. Pendant l'hiver 1940, [[Rudolf Peierls]] et [[Otto Frisch]], qui ont trouvé refuge en Grande-Bretagne, se demandent ce qu'il se passerait s'ils étaient en présence d'une {{citation|quantité d'[[uranium 235]] pur}}, l'isotope principalement responsable de la fission nucléaire. Leurs calculs démontrent la faisabilité d'une bombe atomique maniable, puisqu'il ne faut plus que {{unité|5|kilogrammes}} de cette substance pour déclencher une explosion nucléaire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=102-103}}.

[[Fichier:Ernest Orlando Lawrence.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Homme portant des lunettes.|[[Ernest Orlando Lawrence]] est lauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1939 {{citation|pour l'invention et le développement du [[cyclotron]] et pour les résultats obtenus, particulièrement les [[radioactivité|éléments radioactifs artificiels]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1939/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1939
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for the invention and development of the cyclotron and for results obtained with it, especially with regard to artificial radioactive elements
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>}}.]]

Après l'étude du [[mémorandum de Frisch et Peierls]], la [[commission MAUD]] remet un rapport qui valide les thèses des deux scientifiques. Cependant, la Grande-Bretagne, engagée frontalement dans la guerre, ne peut consacrer des ressources significatives au développement d'un explosif nucléaire. Les responsables britanniques font parvenir, en {{date-|octobre 1940}}, le rapport MAUD aux autorités américaines. En {{date-|août 1941}}, le gouvernement britannique envoie le physicien [[Marcus Oliphant]] évaluer la progression des recherches américaines. Ce dernier découvre que le président du CCU n'a pas transmis le rapport MAUD aux autres membres du comité. Oliphant se lance alors dans une campagne de sensibilisation, sans considération d'étiquette ou de diplomatie. Les responsables américains décident de former d'autres comités et de rassembler les meilleurs physiciens sur la fission lors d'une séance extraordinaire de l'[[Académie nationale des sciences]] américaine, qui se tient les 21 et {{date-|22 octobre 1941}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=104-108}}. [[Ernest Orlando Lawrence]] insiste auprès du physicien [[Arthur Compton]] pour qu'il invite Oppenheimer, qui a {{citation|d'importantes idées nouvelles}}, tout en le rassurant sur sa loyauté{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=176-177}}.

==== Implication d'Oppenheimer ====
Même si Oppenheimer ne suit plus de près les travaux sur la [[fission nucléaire]] depuis trois ans, il reste intéressé par leurs conséquences. Comme le [[National Defense Research Committee]] (NDRC) a initié plusieurs programmes de recherche pour soutenir l'effort de guerre américain, certains des membres du département de physique de Berkeley sont partis et le professeur-chercheur a vu sa charge administrative augmenter. Il a aussi rencontré [[Katherine Oppenheimer|Katherine Puening Harrison]] (couramment appelée Kitty) en {{date-|juin 1939}}<ref group=diff>{{harvsp|Bird|Sherwin|2006|p=154}}, affirment que leur première rencontre a en fait eu lieu deux mois plus tard, en {{date-|août 1939}}.</ref>, une jeune [[biologiste]] très récemment mariée à un médecin, intelligente et {{citation|pleine de tempérament}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=108-109}}, qui a fréquenté les milieux communistes américains au milieu des années 1930 : elle a notamment vécu deux ou trois ans avec un activiste, {{Lien|trad=Joe Dallet}}, qui a été tué en 1937 pendant la [[guerre d'Espagne]]. Née le {{date-|8 août 1910}}, Kitty est la fille unique d'un ingénieur métallurgiste allemand aisé qui a immigré avec sa famille en [[Pennsylvanie]] en 1913. Jeune, Kitty affirmait régulièrement appartenir à une famille princière, mais son père le lui a interdit : les Allemands étaient mal vus aux États-Unis depuis l'époque de la [[Première Guerre mondiale]]. Malgré une vie mouvementée, elle obtient un ''Bachelor of Arts'' en {{date-|juin 1939}} et vient suivre son mari en Californie, où un emploi lui a été offert dans un laboratoire de physique au [[California Institute of Technology|Caltech]], laboratoire qui étudie aussi les effets sur la santé des [[Rayon X|rayons X]]. Peu après son arrivée, par l'entremise de son directeur de laboratoire, elle rencontre Oppenheimer et commence à le fréquenter ouvertement. En {{date-|novembre 1940}}, elle est enceinte d'Oppenheimer et l'épouse, quelques semaines après son divorce. Selon son {{Citation|bon ami}} [[John Tileston Edsall]], qui rend visite au couple en {{date-|janvier 1941}}, Oppenheimer apparaît {{citation|beaucoup plus solide}}, ses crises font partie du passé et il semble montrer une {{citation|grande résolution intérieure}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=155-164}}. Le couple mène une {{citation|vie extrêmement active}} à Berkeley ; en plus de leur emploi, les deux participent à toutes sortes d'activités militantes{{Pas clair|date=août 2023}}. Leur premier enfant, Peter, naît en {{date-|mai 1941}}. Néanmoins, le chercheur éprouve le sentiment d'être inutile, puisque des collègues ont rejoint des laboratoires militaires pour soutenir l'effort de guerre. La session d'{{date-|octobre 1941-}} de l'[[Académie nationale des sciences]] changera complètement sa situation. Par ailleurs, son frère [[Frank Oppenheimer|Frank]], pour avoir tenu des propos à tendance communiste, est renvoyé de [[université Stanford|Stanford]] ; Robert convainc [[Ernest Orlando Lawrence|Lawrence]] de l'embaucher au [[Laboratoire national Lawrence-Berkeley|Radiation Laboratory de Berkeley]] sous la condition qu'il s'abstienne de tout activisme politique{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=109-111}}.

[[Fichier:Compton Heisenberg 1929 Chicago.jpg|vignette|gauche|alt=Photo sépia. Deux hommes en veston souriants légèrement font face à l'appareil-photo.|[[Arthur Compton]] et [[Werner Heisenberg]] à Chicago en 1929.
{{Saut|5px}}
[[Arthur Compton]] est colauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1927 {{citation|pour la découverte de l'[[Diffusion Compton|effet portant son nom]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1927/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1927
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his discovery of the effect named after him
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>}}.
{{Saut|5px}}
[[Werner Heisenberg]] est lauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1932 {{citation|pour la création de la [[mécanique quantique]], dont l'application a mené, entre autres, à la « découverte des [[allotropie|variétés allotropiques]] de l'[[hydrogène]] »<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1932/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1932
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for the creation of quantum mechanics, the application of which has, inter alia, led to the discovery of the allotropic forms of hydrogen
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>}}.]]

Pendant cette session extraordinaire d'octobre de l'Académie nationale des sciences, Oppenheimer intervient régulièrement et avance même qu'il est possible de fabriquer une bombe avec {{unité|100|kilogrammes}} d'uranium 235 pur. [[Arthur Compton]] est si impressionné par ses capacités de synthèse qu'il l'invite à devenir conseiller officieux à la recherche sur les armes nucléaires. Le physicien commence à créer des modèles de bombes et à effectuer des calculs d'efficacité selon les matériaux fissiles et leur degré de pureté. Également, il apporte son aide à Lawrence qui a mis au point le [[calutron]], un appareil de [[séparation isotopique]] de l'uranium. Lawrence applique un principe simple en apparence dont la réalisation est ardue. Oppenheimer fera des suggestions qui augmenteront des deux tiers la capacité de production des calutrons utilisés au ''[[Y-12 National Security Complex]]''{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=111-112}}.

Entre-temps, les travaux sur un explosif nucléaire se poursuivent de façon indépendante dans plusieurs universités américaines ([[Université Cornell|Cornell]] dans l'État de New York, [[Université de Princeton|Princeton]] au New Jersey, [[Université Purdue|Purdue]] en Indiana{{etc.}}), ce qui, entre autres, freine les échanges entre les scientifiques et entraîne des désaccords sur certains résultats{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=112-113}}. Après l'[[attaque de Pearl Harbor]] en {{date-|décembre 1941}}, les États-Unis entrent officiellement en guerre. Le {{date-|3 janvier 1942}}, Oppenheimer suggère à Compton, membre du [[Comité consultatif pour l'uranium|CCU]], de rassembler dans un seul laboratoire toutes les recherches sur la bombe. Un mois plus tard, Compton opère un premier regroupement en fondant le [[Metallurgical Laboratory]] qui a pour objectif de créer un système capable d'amorcer une réaction en chaîne avec de l'[[uranium 235]] ou du [[plutonium 239]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=112-113}}.

Le physicien [[Gregory Breit]] fédère les recherches sur la bombe. Cependant, il est très soucieux de sécurité et exige des scientifiques sous ses ordres de transmettre le moins d'informations possible. Compton a demandé à plusieurs reprises à Breit de lui transmettre les calculs qui donneraient une idée du potentiel destructeur d'une bombe à fission, ce que ce dernier refuse pour des raisons de sécurité. Breit se retire le {{date-|18 mai 1942}} après des désaccords sur la sécurité. Compton demande à Oppenheimer d'accepter cette responsabilité, car il entretient d'{{citation|excellents rapports}} avec lui et le juge {{citation|extrêmement capable}}. Le physicien, se souvenant de ses difficultés au [[laboratoire Cavendish]], demande l'assistance d'un expérimentateur ; il veut aussi poursuivre ses recherches théoriques à Berkeley. Compton accepte et engage [[John H. Manley]], qui se montre d'abord réticent. En effet, Manley a assisté à une conférence d'Oppenheimer quelques années plus tôt et l'a trouvé plutôt abstrait ; il doute qu'ils puissent s'entendre. Pourtant, le tandem va bien fonctionner dans les mois suivants, car Oppenheimer apprécie à leur juste valeur les travaux de laboratoire et, pour lui, la mise au point de la bombe est un problème de [[physique appliquée]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=114-115}}.

==== Une course de vitesse avec l'Allemagne ====
À cause de la tradition universitaire allemande, le [[Recherches atomiques sous le Troisième Reich|programme de recherches atomiques allemand]] est mené sous la responsabilité d'un théoricien, [[Werner Heisenberg]], de qui émanent la plupart des idées importantes. Pour cette raison, le programme nazi, lancé en {{date-|août 1939}}, est exécuté selon une approche {{citation|purement théoricienne}}, ce qui occasionne une {{citation|série d'erreurs}}, telles une conception de [[pile atomique]] irréaliste et des fautes de calculs en ce qui concerne les neutrons secondaires et la [[neutronique|diffusion neutronique]] dans le [[graphite]]. À l'opposé, l'Américain préfère une approche ouverte basée sur les faits. {{citation|L'intrication des aspects théoriques et expérimentaux [est] parfaitement maîtrisée sous l'influence d'Oppenheimer et naturelle pour tous ceux qui [travaillent] avec lui{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=115-116}}.}} Selon l'historien des sciences [[Gerald Holton]], son approche a joué pour beaucoup dans le succès du programme américain<ref>{{chapitre |langue=en
|prénom1=Gerald |nom1=Holton |lien auteur1=Gerald Holton
|titre chapitre=Success Sanctifies the Means : Heisenberg, Oppenheimer, and the Transition to Modern Physics
|auteurs ouvrage=Everett Mendelsohn
|titre ouvrage=Transformation and Tradition in the Sciences. Essays in Honour of I. Bernard Cohen
|pages totales=582
|éditeur=Cambridge University Press
|année=1984
|isbn=9780521524858
|passage=160
|présentation en ligne=//www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1139597/
}}.</ref>.

<center>{{encadré|alignement=centré|largeur=80%|titre=Manque de foi|contenu=En septembre 1943, les Américains ont mis en branle la [[opération Alsos|mission Alsos]] qui cherche à déterminer l'étendue des recherches atomiques en Allemagne{{sfn|Groves|1962|p=187–190}}. Le physicien néerlandais [[Samuel Goudsmit]] y sert de conseiller scientifique. Pour cette raison, il rencontre le physicien allemand [[Werner Heisenberg]] le {{date-|5 mai 1945}}{{sfn|Alcante|Bollée|Rodier|2020|p=280-283}}. Quelques jours plus tard, Goudsmit échange avec le militaire américain [[Kenneth Nichols]] sur le programme atomique allemand. Selon Nichols, l'Allemagne était dotée de ressources suffisantes pour mettre au point une bombe atomique. Goudsmit réplique que les militaires allemands ont démontré {{citation|un manque de foi dans ce projet}} à partir de juin 1942 lorsqu'Heisenberg a insisté auprès du ministre de l'Armement allemand sur {{citation|les difficultés extrêmes et le coût gigantesque pour un résultat terriblement incertain}}. Par ailleurs, Goudsmit considère qu'Heisenberg laisse planer un doute sur son rôle dans l'échec allemand, de crainte de passer pour un traître aux yeux de ses compatriotes{{sfn|Alcante|Bollée|Rodier|2020|p=284-285}}.}}</center>

[[Fichier:Hans Bethe.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme avec un grand front et souriant portant un veston.|[[Hans Bethe]] recevra le [[prix Nobel de physique]] en 1967 {{Citation|pour ses contributions à la théorie des [[réaction nucléaire|réactions nucléaires]], particulièrement ses découvertes concernant l'énergie produite dans les étoiles<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1967/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1967
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his contributions to the theory of nuclear reactions, especially his discoveries concerning the energy production in stars
|consulté le= 18 juin 2010}}.</ref>}}.]]

Oppenheimer {{citation|sait parfaitement}} que les nazis ont démarré leur programme trois ans plus tôt{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=116}}. En {{date-|septembre 1941}}, Heisenberg a en effet rendu visite à [[Niels Bohr]] à Copenhague pour échanger sur les difficultés techniques de réalisation d'une bombe atomique{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=270-271}}. Bohr, {{citation|terrifié par les conséquences}}, a transmis l'information aux services secrets britanniques, qui l'ont à leur tour transmise aux Américains. Oppenheimer se voit donc obligé d'agir rapidement en faisant le point sur ce qui est déjà accompli. En {{date-|juillet 1942}}, il réunit, à huis clos, plusieurs physiciens à Berkeley : [[Hans Bethe]] (l'un des meilleurs spécialistes de physique nucléaire aux États-Unis), [[Robert Serber]], [[Edward Teller]] (concepteur de la future [[bombe H]]), [[Félix Bloch]], [[John Hasbrouck van Vleck]], [[Emil Konopinski]], ainsi qu'Eldred C. Nelson et [[Stan Frankel]] (deux étudiants à Berkeley qui ont créé le premier modèle valable de la diffusion neutronique dans une masse critique). Le groupe reçoit la tâche d'étudier les travaux expérimentaux et théoriques américains et anglais, puis d'évaluer de manière indépendante la faisabilité d'une bombe atomique. Pendant plusieurs semaines, les membres travaillent à leur rapport, puis les soumettent à une {{citation|critique serrée}}. Selon Oppenheimer, c'est la première fois que les Américains s'attaquent de façon concertée au problème des bombes et des explosifs atomiques. Pendant ces échanges, Teller mentionne la possibilité d'amorcer une [[fusion nucléaire]] à l'aide d'une explosion atomique, ce qui permettrait de fabriquer des bombes encore plus puissantes ; son idée est jugée suffisamment réaliste pour lancer un programme de développement. À la fin d'{{date-|août 1942}}, le groupe en vient à la conclusion que le seul obstacle théorique majeur à la mise au point d'une bombe atomique est l'impossibilité de créer une réaction en chaîne. Cependant, du côté technique, la situation est difficile. La mise au point d'un tel engin explosif est très complexe et Oppenheimer pense que les efforts de recherche doivent être regroupés dans un laboratoire central, un lieu où les spécialistes pourront parler librement, où la théorie enrichira l'expérimentation et vice-versa, où il y aura moins de gâchis, de frustrations et d'erreurs causés par des recherches compartimentées ; où seront résolus les problèmes de chimie, de métallurgie, d'ingénierie et d'artillerie (auxquels personne ne s'est encore attaqué). Pour des raisons de sécurité, les chercheurs éloignés doivent [[cryptologie|communiquer en code]], ce qui rend plus difficiles les échanges. Autre difficulté, Oppenheimer voyage régulièrement entre Berkeley et Chicago pour donner des nouvelles et connaître les résultats des différents laboratoires{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=116-117}}.

En parallèle, l'administration américaine exige que la recherche progresse plus vigoureusement. Elle est donc prête à subventionner cinq filières de production de matériaux fissiles. L'armée américaine reçoit comme mission de s'engager elle aussi dans la création d'une bombe atomique, en premier lieu en fondant un département de génie qui sera renommé {{Citation étrangère|lang=en|Manhattan Project}}. Trois mois plus tard, jugeant que les efforts ne sont pas suffisamment vigoureux, [[Vannevar Bush]] insiste pour que le responsable soit remplacé par un soldat plus énergique. Le {{date-|17 septembre 1942}}, le chef d'état-major [[George Marshall (général)|George Marshall]] nomme [[Leslie Richard Groves]] responsable du [[projet Manhattan]]. Ce dernier vient de superviser la construction du [[Pentagone (États-Unis)|Pentagone]], {{citation|le plus important immeuble [de] bureaux au monde}} et, bien qu'il montre des défauts importants, {{citation|imbu de lui-même, brusque à l'extrême dans ses manières et dans ses propos}}, il sait se montrer à la hauteur des tâches difficiles, est tenace, intelligent et capable de travailler de façon autonome{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=118-119}}.

=== Los Alamos ===
{{Article connexe|Projet Y}}
{{CitaBloc|Oppenheimer était avant tout un bon soldat. C'est pourquoi il travailla si bien avec le général Groves, et c'est pour cette raison que Groves lui fit confiance{{trad|en|Oppenheimer was above all a good soldier. That is why he worked so well with General Groves, and that is why Groves trusted him.}}{{,}}{{sfn|Dyson|2013}}.
|[[Freeman Dyson]] en 2013, ancien chercheur à l'[[Institute for Advanced Study]]}}

[[Fichier:Groves Oppenheimer.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Deux hommes debout, un habillé d'un uniforme, l'autre d'un complet, discutent près d'une table.|Le général [[Leslie Richard Groves]] et Robert Oppenheimer à l'époque du programme de recherche à [[Laboratoire national de Los Alamos|Los Alamos]].]]

Le général [[Leslie Richard Groves|Groves]], convaincu qu'il faut lancer immédiatement les travaux sur la bombe sans attendre la réussite expérimentale d'une réaction en chaîne, ni le démarrage de la production des matériaux fissiles, rencontre Oppenheimer à Berkeley le {{date-|8 octobre 1942}}. L'officier accepte de créer un laboratoire central, ce {{citation|qui va contribuer de façon décisive au succès du projet}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=119-120}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=185}}.

Groves assigne la recherche d'un site pour le nouveau laboratoire à un lieutenant-colonel qui propose trois endroits, mais aucun ne répond aux exigences. Le site doit en effet accueillir des centaines de travailleurs dans un lieu facile à contrôler tout en étant isolé du reste du pays. Oppenheimer propose, à proximité de son ranch au [[Nouveau-Mexique]], la [[mesa (géomorphologie)|mesa]] de Pajarito. Plate et longue de quatre kilomètres, elle est entourée de [[canyon]]s et de mesas, qui pourront servir aux tests. Après examen des lieux comprenant des bâtiments susceptibles d'accueillir les premiers chercheurs, Groves ordonne l'achat des {{unité|4500|[[hectare]]s}} de terrain{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=120-121}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=205-206}}.

Entre-temps, la ''[[Chicago Pile-1]]'', conçue par [[Enrico Fermi]], démontre la faisabilité d'une [[réaction en chaîne (nucléaire)|réaction en chaîne nucléaire]] contrôlée. Sur recommandation d'un comité scientifique, le président [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]] autorise la construction de deux unités de [[séparation isotopique]], une à [[Y-12 National Security Complex|Oak Ridge]] et l'autre à [[Complexe nucléaire de Hanford|Hanford]]. Pour superviser l'ensemble des travaux de recherche, Groves envisage de nommer Fermi, mais le savant est citoyen d'un pays contre lequel les États-Unis sont en guerre. Le militaire refuse dans un premier temps de demander à Oppenheimer car, même s'il admire ses capacités intellectuelles et sait qu'il est un physicien compétent, il n'a aucune expérience administrative et n'est pas lauréat d'un prix Nobel. En effet, les scientifiques avec lesquels Groves a échangé laissent entendre que seul un lauréat peut occuper un tel poste, mais tous les lauréats compétents occupent déjà des postes de responsabilité essentiels à l'effort de guerre. Bien que le physicien soit un théoricien et qu'il ait un passé militant, Groves nomme Oppenheimer directeur scientifique du [[projet Manhattan]] le {{date-|25 février 1943}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=121-123}}.

Le {{date-|12 octobre 1942}}, conscient qu'il sera difficile de recruter du personnel scientifique compétent, Oppenheimer a écrit à Manley qu'ils doivent se lancer dans une {{citation|campagne agressive de recrutement}}. La plupart des scientifiques sont en effet affectés à des programmes de recherche prioritaires, tels le [[radar]], le [[sonar]] et les [[torpille]]s. En 1954, Oppenheimer écrira que {{citation|la réputation du projet uranium n'était pas bonne parmi les savants directement engagés dans la recherche militaire}}, car le projet piétinait et il était fort possible qu'il n'ait aucune incidence sur le cours de la guerre. Même [[Hans Bethe]], pourtant au courant des dernières recherches dans le domaine et de la puissance théorique de la bombe atomique, refuse dans un premier temps d'assister à la conférence de {{date-|juillet 1942}} à Berkeley. Oppenheimer doit donc faire montre de beaucoup de séduction pour attirer les meilleurs cerveaux au futur [[Laboratoire national de Los Alamos|site de Los Alamos]]. Il profite de sa grande réputation et de son vaste réseau de relations. Lorsqu'il parle aux scientifiques, il sait faire montre d'un {{citation|talent de persuasion hors pair}}, car il les informe qu'ils seront isolés du reste du monde pendant une période indéterminée, mais qu'ils participeront à une grande entreprise qui pourrait décider de l'issue de la guerre. Selon l'un des assistants de [[Robert R. Wilson|Robert Rathbun Wilson]], Oppenheimer les aurait interpellés {{citation|avec une sorte de ferveur mystique}}. Pour obtenir la collaboration des plus grands spécialistes de physique, il sillonne le pays de fin 1942 à fin 1943 à bord d'un train (pour des raisons de sécurité personnelle, Groves lui interdit de prendre l'avion). Grâce à l'aide de [[John H. Manley]], [[Edwin McMillan]], Groves, ainsi que de [[James Bryant Conant|James B. Conant]] qui, en tant que directeur du [[National Defense Research Committee|NDRC]], a tout pouvoir pour libérer les scientifiques de leurs autres tâches, Oppenheimer obtient la collaboration de {{citation|théoriciens de premier plan}} (Hans Bethe, [[Félix Bloch]], [[Edward Condon]], Enrico Fermi, [[Richard Feynman]], [[Joseph William Kennedy|Joseph W. Kennedy]], [[Emilio Segrè]], [[Robert Serber]], [[Edward Teller]], [[John Hasbrouck van Vleck]] et [[Victor Weisskopf]]) et d'{{citation|expérimentateurs renommés}} ([[Robert Bacher]], [[Donald William Kerst]], [[Seth Neddermeyer]], [[Robert R. Wilson|Robert Rathbun Wilson]] et [[Bruno Rossi]]). Par la suite, Bethe et Bacher l'épauleront dans ses efforts de recrutement. Pourtant, Oppenheimer ne parvient pas à recruter [[Isidor Isaac Rabi]] qui ne peut accepter de voir {{citation|trois siècles de recherches en physique [culminer] dans la fabrication d'une arme de destruction massive}}. Oppenheimer réplique que les nazis ne laissent d'autre choix que de mener à terme la fabrication d'une bombe atomique{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=125-127}}. Il tente aussi d'obtenir la collaboration de [[Linus Pauling]] en lui proposant la direction du département de chimie, mais ce dernier refuse en invoquant son [[pacifisme]]{{sfn|Cassidy|2005|p=151–152}}.

[[Fichier:II Rabi.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme portant des lunettes et un complet.|[[Isidor Isaac Rabi]] est lauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1944 {{Citation|pour sa méthode de résonance servant à enregistrer les propriétés magnétiques du [[noyau atomique]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1944/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1944
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his resonance method for recording the magnetic properties of atomic nuclei
|consulté le= 15 juin 2010}}.</ref>}}.]]
Puisque la bombe doit servir à des fins militaires, Leslie Groves souhaite que tous les scientifiques à Los Alamos soient ''de facto'' enrôlés dans l'armée et donc soumis à la hiérarchie militaire. Oppenheimer n'y voit pas d'inconvénient, mais plusieurs collègues s'y opposent. En effet, lors d'une réunion à Washington, D.C., les scientifiques Rabi, Bacher, [[Luis Walter Alvarez|Alvarez]] et McMillan expriment {{citation|leur franche hostilité}}. Selon eux, le laboratoire doit être démilitarisé, sinon il y aura des conflits causés par des clivages sociaux (puisque les scientifiques recevront des grades militaires), mais acceptent que la sécurité du projet relève des militaires, à quelques réserves près pour les chercheurs. Dans une lettre adressée à Groves le {{date-|1 février 1943}}, Oppenheimer ajoute que les physiciens doivent être solidaires pour assurer le succès du programme de recherche ; une telle mesure minerait le moral du personnel et pourrait inciter certains à revenir sur leur engagement. Conant et Groves proposent une solution inhabituelle : pendant le développement de l'arme, les scientifiques seront des civils ; lors de la phase de tests, ils seront intégrés à l'armée (Groves n'imposera jamais ce changement). Par ailleurs, Groves souhaite que les membres du projet viennent sur place sans leur famille. Oppenheimer fait valoir que cette disposition risque de {{citation|fortement compromettre ses chances de recruter des physiciens de valeur}}. Groves cédera. Par ailleurs, Oppenheimer est placé sous l'autorité de Groves, qui supervise aussi la sécurité du site et le personnel militaire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=128-129}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=210-211}}.

Il est évalué que la production des matériaux fissiles à Hanford et Oak Ridge doit prendre deux ans, il en résulte que, pour éviter de grever l'effort de guerre américain, cela devient le temps dont dispose Los Alamos pour concevoir la bombe. {{citation|Oppenheimer a une conscience aiguë de l'extrême gravité de la situation.}} En effet, les savants allemands ont, en apparence, déjà acquis une avance considérable. Oppenheimer écrira plus tard : {{citation|Nous fûmes dès le début soumis à une pression intense qui ne se relâcha jamais{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=129-130}}.}}

[[Fichier:Serber-robert.jpg|vignette|redresse=1.0|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme portant des lunettes.|Le physicien [[Robert Serber]] a rassemblé les notes de ses conférences explicatives de 1943 à [[Projet Y|Los Alamos]], pour constituer le ''[[Los Alamos Primer]]'', un précis technique destiné aux chercheurs nouveaux arrivants dans le projet Manhattan{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=131}}. Dès leur rencontre en 1934, lui et Oppenheimer s'étaient liés d'une amitié qui dura toute leur vie{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=102-103}}.]]

En {{date-|mars 1943}}, l'armée s'affaire à construire à la hâte les installations de Los Alamos. Le premier groupe de scientifiques, une cinquantaine, est réparti dans les divers ranchs de la région. Le {{date-|15 avril 1943-}}, même si les installations ne sont pas achevées, Robert Serber tient, à l'attention des scientifiques qui commencent à arriver, une première série de cinq conférences, s'étendant sur trois semaines, qui résument tout ce qui est connu à l'époque pour concevoir et construire une bombe atomique. Puis Serber réunit dans un seul document, le ''[[Los Alamos Primer]]'', les {{citation|données fondamentales}} du programme de recherche qui résument sa série de conférences<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Carey Sublette, d'après le ''LANL Daily News Bulletin'' du 3 juin 1997 |titre=Robert Serber 1909-1997 |url=http://nuclearweaponarchive.org/News/Serberobit.html |site=nuclearweaponarchive.org |date=mai 2005 |consulté le=31 8 2023}}</ref>. Son contenu est discuté en profondeur. Les participants en viennent à la conclusion, puisque les matériaux fissiles sont difficiles à produire, qu'il n'y aura qu'un ou deux tests préliminaires de la bombe. Ils devront donc s'appuyer sur les données et la théorie pour concevoir chacun des composants, qui seront testés individuellement. Plusieurs informations essentielles à la réussite du programme sont encore inconnues. Les gens sur place doivent donc concevoir de nouveaux instruments et étudier plusieurs aspects de la future bombe{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=131-134}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=219-221}}.

En {{date-|mai 1943}}, Oppenheimer, sur la suggestion d'Enrico Fermi, envisage d'empoisonner les ressources alimentaires des Allemands à l'aide de substances radioactives{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=221-222}}{{,}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=134-135}}. Selon [[Michel Rival]], le chercheur américain est aveuglé par l'aspect sanglant de la guerre. Toujours selon Rival, le programme de recherche sur la bombe se déroulant bien, il n'y aura jamais d'étude approfondie de l'utilisation de ces poisons radioactifs{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=134-135}}. [[Kai Bird|Bird]] et [[Martin J. Sherwin|Sherwin]] rapportent plutôt que le projet a été abandonné parce qu'aucune méthode efficace d'empoisonnement massif n'est apparue{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=221-222}}.

Le programme de recherche est si complexe — protection des travailleurs, [[neutronique]] naissante, [[métallurgie]] exploratoire de l'[[uranium]] et du [[plutonium]], [[artillerie]]{{Pas clair|date=août 2023}} de nouveaux types de bombe, [[détonation]] de nouveaux matériaux explosifs, [[Dynamique des fluides|hydrodynamique]] des explosions nucléaires — qu'Oppenheimer, malgré sa polyvalence scientifique, forme un conseil pour l'aider dans ses décisions, qu'il appellera son « cabinet ». À la suggestion d'Hans Bethe, il souhaite créer un forum de discussions dans le but d'augmenter la fluidité des échanges d'informations entre les membres des équipes. Groves, pour des raisons de sécurité, s'oppose à ce que tout le personnel ait une vue d'ensemble des travaux. Le physicien obtient l'accord du militaire en adoptant une formule où les membres des différentes divisions peuvent échanger s'ils ont le même rang ou la même expérience. Par ailleurs, puisqu'Oppenheimer relève directement de la hiérarchie militaire et qu'il est directeur scientifique du programme, une enquête de sécurité est diligentée. Après étude de son passé militant, les services de renseignement de l'armée refusent son habilitation. [[Leslie Richard Groves|Groves]], conscient que le physicien est essentiel à la réussite du programme et ne jugeant pas que le militantisme passé d'Oppenheimer soit un obstacle sérieux, ordonne son habilitation dans un mémorandum qu'il rédige le {{date-|20 juillet 1943}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=135-139}}.

[[Fichier:Robert F. Bacher.GIF|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Homme portant lunettes et un complet.|[[Robert Bacher]], un proche collaborateur d'Oppenheimer pendant le projet Manhattan.]]

L'intervention de Groves soulage Oppenheimer d'un fardeau et pèse probablement dans sa décision de continuer en tant que directeur scientifique. Il est en effet soumis à une pression triple : lancement du laboratoire, recrutement du personnel et harcèlement des services de sécurité{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=139-140}}. Le scientifique est continuellement épié : il est sur écoute téléphonique au travail et à la maison, son courrier est ouvert et ses rencontres sont observées. Le [[Federal Bureau of Investigation|FBI]] et les services de sécurité de l'armée le font parfois conjointement ou parallèlement{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=230-231}}. Sans l'insistance de [[Robert Bacher]], Oppenheimer aurait probablement démissionné au début de l'été 1943{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=139-140}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=231}}. Alors que la situation s'est éclaircie pour lui à fin juillet, il prend une initiative qui remet en question son habilitation. L'hiver précédent, son ami [[Haakon Chevalier]] a été contacté par George Eltenton, un sympathisant communiste, qui a suggéré que, puisque les États-Unis et l'URSS sont devenus alliés, il y ait partage d'informations scientifiques et que Chevalier pourrait contacter Oppenheimer pour lui suggérer de collaborer. Quelques semaines plus tard, Chevalier a rapporté cette conversation à son ami, qui a {{citation|violemment}} réagi, refusant de transmettre des informations confidentielles aux Soviétiques. En juillet, Oppenheimer, se sachant toujours surveillé par le service de contre-espionnage de l'armée, réalise qu'il aurait dû rapporter l'incident : il le fait, mais préfère demander qu'on surveille Eltenton qui, selon ses dires, aurait utilisé les services d'un intermédiaire pour contacter trois collaborateurs de Los Alamos. Le contre-espionnage souhaite connaître le nom de cet intermédiaire, mais Oppenheimer ne souhaite pas donner le nom de son ami Chevalier. Devant son mutisme, Groves conclut qu'il pourrait s'agir de son frère [[Frank Oppenheimer|Frank]]. Lors d'un interrogatoire en {{date-|septembre 1943}}, Oppenheimer mentionne le nom de plusieurs sympathisants communistes, mais l'officier du contre-espionnage insiste pour connaître le nom dudit intermédiaire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=140-144}}. C'est finalement en décembre que Groves ordonne à Oppenheimer de lui révéler ce nom ; le physicien lui raconte alors toute l'histoire et lui révèle le nom de Chevalier{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=247}}. L'épisode est officiellement clos, mais le chercheur, pour protéger sa réputation, est devenu délateur en mentionnant les noms de sympathisants. Son comportement peut s'expliquer par sa difficulté à reconnaître les réalités de l'existence. {{citation|[Le] plus surprenant dans toute l'affaire}}, c'est qu'il maintient son sang-froid malgré la pression. Chevalier apprendra la dénonciation en 1947 et, vingt ans plus tard, il écrira qu'Oppenheimer, à cause de sa position dans le programme de recherches nucléaires, était devenu {{citation|prisonnier de ses supérieurs}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=142-144}}.

Au départ, Oppenheimer estime que la conception et la fabrication des prototypes de la bombe exigent une centaine de scientifiques et quelques spécialistes de l'armée. D'après ses calculs, la communauté de Los Alamos doit en conséquence réunir de 500 à {{unité|600|personnes}}. Il s'avère qu'à la fin de la guerre, elle comptera {{unité|1100|chercheurs}} et plus de {{unité|5000|habitants}}. En raison de la croissance soutenue que rencontre le site, les infrastructures peinent à répondre aux besoins de la communauté. Oppenheimer et son « cabinet » sont constamment préoccupés par ce sujet, car la venue de nouveaux scientifiques à Los Alamos dépend naturellement de la capacité à les accueillir de manière convenable. Dans l'attente de la nomination d'un directeur adjoint, Oppenheimer se retrouve aussi responsable d'une équipe administrative qui s'occupe du classement des documents, des demandes de brevets et de fournitures de matériel, tout comme de la gestion de l'hôpital, de l'école, de la bibliothèque et de l'entretien des locaux{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=144-145}}.

<center>{{encadré|alignement=centré|largeur=80%|titre=Los Alamos, une ville qui n'existe pas|contenu=Officiellement, pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], la ville de Los Alamos n'existe pas. Les actes de naissance des enfants nés sur place mentionnent l'adresse d'une boîte postale dans le [[comté de Sandoval]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=145}}. L'âge moyen de la population est de {{nobr|25 ans}} et très peu de personnes dépassent {{nobr|50 ans}}, ce qui est une {{citation|anomalie}}. Les [[permis de conduire]] ne comportent aucun nom, les détenteurs sont seulement identifiés par un numéro{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=255}}. Le matériel commandé, des instruments techniques et scientifiques, doit régulièrement emprunter des circuits compliqués pour égarer la vigilance des espions. Les délais en sont d'autant plus longs, situation qui peut empirer lorsque la commande est mal enregistrée, que ce soit à Chicago, Los Angeles ou New York{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=145}}.

[[Fichier:Los-alamos.jpg|vignette|upright=3.0|centré|alt=Une forêt se trouve à l'avant-plan et des montagnes se trouvent en arrière-plan. Une élévation au sommet relativement horizontal sépare les deux.|Les installations du [[Laboratoire national de Los Alamos]] se trouvent à la gauche en haut sur la photo. Photo prise en novembre 2005.]]}}</center>

À Los Alamos, la journée de travail commence par le lever à sept heures. Les chercheurs travaillent régulièrement six jours par semaine, mais ne sont pas astreints à la discipline militaire. Pour se détendre, certains font des randonnées ou s'intéressent à la culture [[amérindienne]] locale. À la suite de la création d'une piste de ski par des travailleurs sur place, ce sport devient une activité populaire. La famille Oppenheimer organise des réceptions officielles pour accueillir les visiteurs de marque. Cependant, le physicien prend peu de congés. Souvent levé avant sept heures, ses journées se terminent après minuit, peu importe le moment de la semaine. La porte de son bureau reste toujours ouverte aux scientifiques qui veulent discuter d'une idée, qu'Oppenheimer peut critiquer avec sarcasme s'il la juge impraticable. Grâce à {{citation|la rapidité de sa pensée et sa puissance de synthèse}}, il suit facilement l'évolution des travaux de recherche. Il fait de temps à autre des suggestions, mais son influence est surtout liée à sa personnalité, car il sait faire montre de présence et d'intensité lorsqu'il discute avec les chercheurs{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=145-146}}. Selon Hans Bethe, les recherches auraient pu aboutir sans Oppenheimer, mais moins rapidement et dans une atmosphère plus tendue et moins enthousiaste{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=281}}. Selon [[Edward Teller]] en 1980, il savait {{citation|diriger sans en avoir l'air [...] L'incroyable succès de Los Alamos est à mettre au compte de la direction brillante, enthousiaste et charismatique d'Oppenheimer{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=147}}.}}

Entre {{date-|juin 1943}} et {{date-|août 1944}}, le programme obtient plusieurs succès qui laissent présager la réalisation d'une bombe atomique. Par exemple, les résultats de l'équipe d'[[Emilio Segrè]] permettent de concevoir une bombe dont la masse et la longueur autorisent son emport par un [[Boeing B-29 Superfortress|bombardier B-29]]. Cependant, en {{date-|avril 1944}}, la production d'uranium enrichi à Oak Ridge éprouve de sérieuses difficultés. Oppenheimer se tourne alors vers un procédé d'[[enrichissement de l'uranium]] mis au point par [[Philip Abelson]] pour le compte de l'[[United States Navy|US Navy]]. Selon le chercheur, même s'il a étudié avec attention le procédé d'Abelson en {{date-|janvier 1943}}, il n'a pas estimé qu'il soit valable (erreur qu'il juge sévèrement). Groves ordonne alors la construction d'une usine qui exploitera cette technologie ; elle est terminée en {{unité|90|jours}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=148-151}}.

En {{date-|septembre 1943}}, Oppenheimer plaide auprès de [[James Bryant Conant]] et [[Vannevar Bush]] que les travaux à Los Alamos sont en retard sur les autres programmes du [[projet Manhattan]] et souhaite avoir recours à des experts britanniques ; sa demande est acceptée. En plus du savant danois Niels Bohr, la délégation [[Grande-Bretagne|britannique]] comprend [[James L. Tuck]], [[James Chadwick]], [[Geoffrey Ingram Taylor]], [[Otto Frisch]], [[Rudolf Peierls]] et [[Klaus Fuchs]]. Bohr, qu'Oppenheimer admire depuis leurs discussions à Cambridge, apporte des conseils et plaide en faveur d'une coopération internationale pour le contrôle des armements nucléaires. Le Danois rencontrera [[Winston Churchill|Churchill]] en {{date-|mai 1944}} et [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]] en {{date-|août 1944}} pour les inviter à révéler le projet Manhattan, mais sa proposition sera écartée. Oppenheimer épouse les vues de Bohr et les fera valoir après la guerre{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=154-155}}.

En {{date-|janvier 1944}}, son ancienne maîtresse [[Jean Tatlock]] se suicide. À Los Alamos, la femme d'Oppenheimer, incapable de soutenir la tension omniprésente, boit trop et refuse de servir d'hôtesse pour les réceptions officielles. Elle mettra au monde leur deuxième enfant en {{date-|décembre 1944}}, ce qui apaisera les tensions du couple{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=155-156}}.

Les chercheurs du laboratoire travaillent dans les faits à la conception de deux modèles de bombe{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=150-157}} :
* de type canon (ou insertion) : deux masses de matériau fissile sont réunies à très grande vitesse, formant ainsi une [[masse critique (réaction nucléaire)|masse critique]] engendrant une explosion atomique si elle est soumise à un bombardement intensif de [[neutron]]s (modèle utilisé pour [[Little Boy]]) ;
* à implosion : une masse de matériau sous-critique est compressée en une boule uniforme à l'aide d'explosifs. Après l'implosion, à cause du rapprochement des atomes, la masse devient critique (modèle utilisé pour [[Gadget (bombe atomique)|Gadget]] et [[Fat Man]]).
Au lancement du programme de recherches atomiques, les scientifiques ont envisagé d'utiliser le modèle de type canon à la fois pour l'uranium 235 et le plutonium 239 (<sup>239</sup>Pu). Cependant, le plutonium produit (en petites quantités) par le [[Y-12 National Security Complex|réacteur nucléaire d'Oak Ridge]] présente un taux de fission trop élevé pour assembler une masse critique à l'aide d'un canon. Plus précisément, la proportion de <sup>240</sup>Pu, matériau qui présente un taux de fission cinq fois supérieur au <sup>239</sup>Pu, est suffisamment élevée pour provoquer une fission spontanée, ce qui pourrait provoquer une réaction en chaîne accidentelle. Pour assurer le succès du programme de recherches, les deux modèles sont donc étudiés. En effet, si l'un des deux était abandonné, l'autre devrait absolument réussir, {{citation|une situation totalement inacceptable aux yeux des responsables du Projet Manhattan}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=156-157}}.

[[Fichier:Kistiakowsky.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme portant un complet.|[[George Kistiakowsky]], spécialiste des explosifs, travaille à Los Alamos sur l'implosion d'une masse de plutonium, même s'il croit qu'Oppenheimer est {{citation|cinglé de penser qu'un projet aussi absurde pourrait marcher}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=152}}.]]

L'implosion est étudiée depuis plusieurs mois, mais les essais menés sous la supervision du spécialiste [[George Kistiakowsky]] ne sont pas concluants. Oppenheimer réorganise le laboratoire pour une étude concertée de l'implosion qui vise à former une boule de plutonium uniformément dense en comprimant une masse de plutonium sous-critique. Les scientifiques conçoivent des [[lentille explosive|lentilles explosives]] pour concentrer les ondes de l'explosion, dont la seule mise au point demande {{unité|20000|essais}}. Le plutonium est l'un des matériaux les plus difficiles à travailler, car il présente six [[allotropie|variétés allotropiques]] sous sa forme métallique. Pourtant, les métallurgistes parviennent à mouler une masse de plutonium de façon qu'elle puisse retenir les lentilles explosives. La mise à feu des lentilles doit être déclenchée de façon synchronisée par un courant électrique, domaine inconnu à l'époque. Les premiers essais d'implosion, avec une boule de plutonium creuse, sont des échecs malgré plusieurs calculs. [[Robert F. Christy]] suggère d'utiliser des boules pleines, en faisant l'hypothèse que les explosifs seront capables de les comprimer suffisamment. Les essais des 7 et {{date-|14 février 1945}} démontrent qu'elles sont uniformément comprimées{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=157-160}}.

Le {{date-|28 février 1945}}, Groves, Oppenheimer, James Bryant Conant, [[Richard Tolman]] et d'autres scientifiques prennent plusieurs décisions sur la future bombe au plutonium. À leurs yeux, la probabilité de succès de la bombe à l'uranium (de type canon) est grande, au contraire de celle au plutonium (à implosion). Pour cette raison, Oppenheimer organise un tir d'essai à ''Jornada del Muerto'', à l'intérieur d'un champ de tir de l'armée de l'air américaine près d'[[Alamogordo]] au Nouveau-Mexique{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=160}}.

=== Bombardements atomiques ===
{{Article connexe|Bombardements stratégiques sur le Japon|Bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki}}

{{CitaBloc|Je deviens la Mort, le Destructeur des Mondes<ref>{{Ouvrage |langue=fr |langue originale=zh |traducteur=Gwennaël Gaffric |titre=[[La Forêt sombre]] |titre original=黑暗森林 |lieu=Arles |éditeur=[[Actes Sud]] |collection=[[Exofictions]] |année=2016 |pages totales=648 |passage=188 |isbn=978-2-330-08231-4}}</ref>.|Robert Oppenheimer, mots empruntés de la ''[[Bhagavad-Gita]]'' qu'il déclare s'être remémorés quelques instants après l'[[Trinity (essai atomique)|essai atomique Trinity]] du {{date-|16 juillet 1945}}<ref>
* À la suite de l'explosion, Oppenheimer a pensé : {{citation étrangère|langue=en|Now I am become death, the destroyer of worlds.}} {{harv|Bird|Sherwin|2006|p=305 et 309}}.
* Dans sa vieillesse, Oppenheimer prononce cette phrase à haute voix dans une courte vidéo.
*: Consulter {{Lien web |langue=en
|url=https://www.atomicarchive.com/media/videos/oppenheimer.html
|titre=J. Robert Oppenheimer "Now I am become death..."
|site=AtomicArchive.com
|année= 1998-2015
|éditeur=National Science Digital Library
|consulté le= 15 février 2021
|format=vid
}}</ref>}}
[[Fichier:J._Robert_Oppenheimer_at_the_Guest_Lodge,_Oak_Ridge,_in_1946_4.jpg|vignette|Oppenheimer au [[Laboratoire national d'Oak Ridge]], en 1946.]]
À Los Alamos, des savants tentent de faire entendre leur voix sur les conséquences de l'usage des armes atomiques, mais Oppenheimer s'y oppose, faisant entre autres valoir qu'ils sont isolés et tenus au secret. [[Leó Szilárd]], qui milite toujours pour un contrôle international des armements nucléaires, obtient un rendez-vous avec le président des États-Unis, [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]], qui est inquiet des conséquences de l'usage des armes atomiques. Cependant, le {{nobr|12 avril 1945}}, Roosevelt meurt d'une crise cardiaque. La nouvelle ébranle les chercheurs à Los Alamos, car il est admiré pour la sagesse de ses décisions{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=163-166}}. Oppenheimer organise une cérémonie d'hommage pour le dimanche {{nobr|15 avril}} où il souligne les compétences du défunt{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=290}}.

Même si le [[Troisième Reich]] capitule le {{nobr|8 mai 1945}}, les recherches se poursuivent activement à Los Alamos, car l'armée américaine rencontre une résistance de plus en plus acharnée des Japonais au fur et à mesure qu'elle se rapproche du Japon. Par exemple, la [[bataille d'Iwo Jima]], terminée le {{nobr|27 mars 1945}}, coûte la vie à plus de {{unité|4550|[[United States Marine Corps|marines]]}} et {{unité|360|marins}}, les pertes américaines les plus sévères pour une seule bataille, où les Japonais perdent {{unité|18000|soldats}}. À Okinawa, [[bataille d'Okinawa|archipel conquis le {{nobr|2 juillet}}]], les Américains accusent des pertes de {{unité|12500|soldats}} (morts ou disparus), mais les Japonais comptent {{unité|110000|soldats}} morts ; chez les civils sur place, on dénombre {{unité|75000|morts}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=166-167}}. Dans la nuit du {{nobr|9 au 10 mars 1945}}, plus de {{nobr|300 bombardiers}} B-29 [[Bombardements de Tokyo|lancent contre Tokyo des centaines de bombes incendiaires]], détruisant le quart de la ville (construite en bois) et tuant plus de {{unité|100000|personnes}}<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.history.com/this-day-in-history/firebombing-of-tokyo
|titre= Mar 9, 1945: Firebombing of Tokyo
|auteur=A&E
|année= 1996-2013
|éditeur=A&E Television Networks, LLC.
|consulté le= 2 janvier 2014
}}.</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=en
|url=//www.wired.com/thisdayintech/2011/03/0309incendiary-bombs-kill-100000-tokyo/
|titre=March 9, 1945: Burning the Heart Out of the Enemy
|prénom1= Tony |nom1= Long
|périodique= Wired
|date= 9 mars 2011
|consulté le= 2 janvier 2014
}}.</ref>. D'autres bombardements massifs sont planifiés{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=167}}.

[[Fichier:Harry S Truman, bw half-length photo portrait, facing front, 1945-crop.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Photo du torse d'un homme qui porte un veston et des lunettes.|En 1945, le président américain [[Harry S. Truman]] ordonne les [[bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki]].]]

C'est dans ce contexte de {{citation|carnage}} que [[Harry S. Truman]], qui succède à Roosevelt, apprend l'existence du [[projet Manhattan]]. Le {{date-|2 mai 1945}}, il autorise la création d'un comité consultatif sur l'usage des armes atomiques qui convie des experts à exposer leur point de vue{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=167-168}}. Lors d'une rencontre du {{date-|31 mai}}, Oppenheimer recommande que, une fois la guerre terminée, les chercheurs retournent dans leurs universités et leurs laboratoires, où ils pourraient continuer à étudier l'[[énergie nucléaire]]. Il conseille également de partager avec les Soviétiques les informations sur l'usage des atomes. [[James F. Byrnes]], représentant de Truman, préfère que les États-Unis maintiennent le secret sur leurs recherches pour avoir un meilleur rapport de force avec l'URSS. Ensuite, Oppenheimer prédit que {{unité|20000|personnes}} seront tuées à la suite de l'explosion d'une [[Bombe A|bombe atomique]] (une sous-estimation évidente, ''a posteriori''). Le comité rejette l'idée de faire une démonstration de la bombe atomique et recherche plutôt une cible japonaise constituée d'une usine militaire entourée de logements ouvriers, où la bombe devra être lâchée sans avertissement{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=294-296}}.

À Chicago, des savants sont tenus au courant des derniers développements et, sous la conduite de [[James Franck]], un comité rédige un rapport dans lequel il souligne que l'usage par surprise de la bombe atomique contre le Japon ne pourrait mener qu'à la perte du {{citation|soutien de l'opinion publique à travers le monde}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=169}} (le rapport, saisi et classé secret-défense par l'armée américaine, ne sera jamais transmis au président Truman{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=297}}). Le comité consultatif demande alors à Compton, Fermi, Lawrence et Oppenheimer de rédiger un rapport sur la possibilité de faire une démonstration. Fermi et Oppenheimer concluent les premiers que cette option n'est pas réaliste pour plusieurs raisons. Les deux modèles de bombes n'ont jamais été testés, elles risquent donc de faire long feu et la démonstration n'influencerait pas les observateurs japonais. Par ailleurs, un tir réussi dans le désert, pour éviter des pertes inutiles, ne crée aucune destruction notable. Finalement, les quatre sont conscients des pertes américaines à venir dans le conflit du Pacifique et souhaitent que la guerre se termine au plus tôt. Les quatre savants ne voient {{citation|aucune alternative acceptable à l'emploi militaire direct}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=170-171}}. Les quatre ignorent toutefois que, grâce au [[Magic (cryptographie)|projet Magic]], les haut responsables américains connaissent la teneur des communications chiffrées des diplomates japonais. Entre autres, les responsables politiques japonais sont prêts à capituler dès le {{date-|28 mai 1945}} si les Américains acceptent le maintien de l'empereur et de la Constitution du Japon (les haut responsables japonais craignent en effet que le pays ne devienne sévèrement instable si aucun ordre n'est maintenu après la capitulation){{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=300}}.

[[Fichier:Kurchatov 1930th.jpeg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme s'appuyant sur un appareil.|[[Igor Kourtchatov]], chef du projet de la bombe atomique soviétique, alors qu'il travaille à l'[[Institut panrusse de recherche scientifique en physique expérimentale|Institut du radium soviétique]] dans les années 1930.]]

En prévision de [[Conférence de Potsdam|sa rencontre avec Joseph Staline à Potsdam]], Truman demande que l'essai atomique à ''Jornada del Muerto'' soit réalisé autour du {{date-|15 juillet}}. Il pourra ainsi utiliser cette information comme levier auprès du dirigeant soviétique. Même si [[Trinity (essai atomique)|Trinity]] est un {{citation|succès complet}}, [[Joseph Staline]] ne montre aucune surprise lorsque le président américain lui annonce l'existence d'une arme aussi puissante et recommande à Truman d'en faire bon usage contre le Japon. Le Soviétique est en effet au courant des recherches américaines grâce à son réseau d'espions et ordonne à ses aides de pousser [[Igor Kourtchatov]], chef du projet de la bombe atomique soviétique, à accélérer le programme de recherches atomiques soviétique. Le {{date-|26 juillet 1945}}, le président américain rend publique la déclaration de Potsdam et exige une reddition inconditionnelle du Japon assortie de diverses obligations et sanctions{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=172-173}}.

Après le rejet officiel de la demande de capitulation par le baron [[Kantarō Suzuki]], Truman ordonne au général [[Carl A. Spaatz]] de procéder au bombardement atomique de l'une des quatre villes japonaises retenues par un comité : [[Hiroshima]], [[Kokura]], [[Niigata]] ou [[Nagasaki]]. Le {{date-|6 août 1945}}, le bombardier ''[[Enola Gay]]'' largue [[Little Boy]] au-dessus d'Hiroshima, tuant sur le coup {{unité|130000|habitants}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=169 et 173-175}}.

Oppenheimer apprend la réussite du bombardement de [[John H. Manley]], dépêché exprès à Washington pour en informer au plus tôt Oppenheimer une fois la nouvelle communiquée aux instances gouvernementales. Trois heures plus tard, Groves l'appelle pour le féliciter : « Je suis fier de vous et de vos hommes [...] l'une des choses les plus judicieuses que j'ai jamais faite a été de sélectionner le directeur de Los Alamos »{{trad|en|I am proud of you and all of your people [...] I think one of the wisest things I ever did was when I selected the director of Los Alamos}}. Oppenheimer, cependant, doute du bien-fondé de cette décision. Plus tard dans la journée, la nouvelle est transmise à l'ensemble de Los Alamos{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=315}}.

[[Fichier:Luis Walter Alvarez 1961.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Photo du torse d'un homme souriant qui porte un veston et des lunettes.|Le physicien [[Luis Walter Alvarez]] sera lauréat du [[prix Nobel de physique]] en 1961 pour des travaux sur les [[Particule élémentaire|particules élémentaires]]<ref group=nobel>{{Lien web Nobel
|url=http://nobelprize.org/nobel_prizes/physics/laureates/1968/
|titre=The Nobel Prize in Physics 1968
|auteur=Fondation Nobel
|année= 2010
|éditeur=[[Fondation Nobel]]
|citation=for his decisive contributions to elementary particle physics, in particular the discovery of a large number of resonance states, made possible through his development of the technique of using hydrogen bubble chamber and data analysis
|consulté le= 18 juin 2010}}.</ref>.]]

Le {{date-|9 août 1945}}, le bombardier ''[[Bockscar]]'' largue [[Fat Man]] au-dessus de [[Nagasaki]], tuant plus de {{unité|70000|civils}}. Selon plusieurs observateurs, le délai entre les deux bombardements aurait été trop court pour donner l'occasion aux autorités japonaises d'évaluer l'étendue des dégâts provoqués par Little Boy. Les stratèges américains ont préféré un court délai pour suggérer aux Japonais qu'ils ont de nombreuses bombes atomiques en réserve. Même si Oppenheimer estime que l'usage des armes atomiques a été nécessaire, le coût humain lui semble trop élevé. [[George Kistiakowsky]] fera remarquer que des informations émanant des services de renseignement américains laissaient présager qu'il y aurait une recrudescence de bombardements incendiaires pendant l'été, ce qui aurait causé plus de morts que les deux bombes atomiques. Pour [[Luis Walter Alvarez]] en 1987, la situation ressemblait à un incendie se propageant à travers une ville. Le seul recours pour arrêter sa progression était de dynamiter les maisons à proximité. Les bombes auraient tenu, avant la [[capitulation du Japon]], le rôle de la dynamite en arrêtant les feux consécutifs aux bombardements incendiaires. En 1962, Oppenheimer justifiera l'usage des armes atomiques en mentionnant que, selon les estimations de l'époque, l'invasion américaine aurait au minimum coûté la vie à {{unité|500000|Américains}} et à {{unité|1000000|de Japonais}}. Toutefois, il ajoutera qu'il aurait dû y avoir {{citation|plus d'avertissements et moins de tueries gratuites}}. À cette époque, les généraux américains excluent une victoire à l'aide des seules attaques aériennes et planifient une invasion terrestre. En effet, le président Truman a donné son accord à un plan du général [[George Marshall (général)|George Marshall]] : dans un premier temps, débarquement de {{unité|760000|hommes}} sur l'île de [[Kyūshū]] en {{date-|novembre 1945}}, suivi d'une invasion du Japon au complet avec l'intervention de {{unité|1500000|soldats}}. Les Japonais auraient probablement opposé une {{citation|féroce résistance}}, ce qui aurait mené à des pertes énormes dans les deux camps{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=176-178}}. Le géopolitologue français [[Barthélemy Courmont]] doute cependant du bien-fondé de l'usage de l'arme atomique pour mettre fin à la guerre : {{citation|Les forces japonaises étaient considérablement réduites et totalement dispersées, les capacités industrielles ne permettaient plus de produire des armes en quantité suffisante et les diplomates japonais étaient engagés dans des pourparlers pour une capitulation honorable.}} Néanmoins, ajoute-t-il, le contexte de la politique américaine de l'époque rendait l'usage de la bombe atomique {{citation|inévitable}} pour plusieurs raisons : le président Truman voulait {{citation|imposer son style}}, justifier les {{citation|dépenses pharaoniques du projet Manhattan}} et renforcer la position présidentielle face au [[Congrès des États-Unis]] en ce qui concerne la politique extérieure du pays ; de son côté, l'[[United States Air Force|US Air Force]] cherchait à augmenter son influence en démontrant la valeur de la guerre aérienne<ref>{{article 
|url=//www.ledevoir.com/non-classe/447400/la-replique-seconde-guerre-mondiale-pourquoi-hiroshima-etait-inevitable
|titre=Pourquoi Hiroshima était inévitable
|auteur1= [[Barthélemy Courmont]]
|lien périodique= Le Devoir
|périodique= Le Devoir
|date= 13 août 2015
|consulté le= 2 février 2017
}}</ref>.

Le Japon capitule le {{date-|14 août 1945}}. À Los Alamos, des fêtes sont organisées pour souligner la fin de la guerre. Des chercheurs sont cependant angoissés des conséquences des nouvelles armes, y compris Oppenheimer. Il envoie des lettres à des parents et des amis pour exprimer ses sentiments intérieurs, qui apprennent alors son rôle clé dans la conception des bombes atomiques américaines. Dans une lettre adressée au secrétaire à la Guerre, [[Henry Lewis Stimson]], il affirme que sera bientôt conçue une « superbombe » (la future [[bombe H]]) et souligne qu'il n'existe aucune contre-mesure contre les armes atomiques. Il lui conseille donc de recourir à d'autres mesures pour assurer la sécurité du pays{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=178-180}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=318}}.

Oppenheimer demande à être libéré de ses responsabilités à Los Alamos (peut-être à cause de l'emploi de l'arme atomique contre les Japonais{{sfn|Roy|Chabot|Mauffette|2003|p=176}}). Le physicien [[Norris Bradbury]] le remplace officiellement à partir du {{date-|16 octobre 1945}}. Le chercheur doute de ses capacités à faire à nouveau de la recherche car, dans une lettre adressée à Pauli, il écrit : {{citation|Ces quatre dernières années, je n'ai eu que des pensées classées "confidentiel-défense".}} Néanmoins, son rôle à Los Alamos fait de lui un {{citation|héros national}} et les universités du pays souhaitent s'attacher ses services. Il choisit un poste à Caltech, où se trouvent des amis, puis rejoint Berkeley en {{date-|août 1946}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=180}}. La même année, le président des États-Unis Harry S. Truman lui remet la ''[[Medal for Merit]]'' pour ses services en tant que directeur du laboratoire de Los Alamos<ref>{{article |langue=en
|url=https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/learning/general/onthisday/bday/0422.html
|titre=J. Robert Oppenheimer, Atom Bomb Pioneer, Dies
|périodique=[[The New York Times]]
|date=19 février 1967
}}</ref>.

=== Contrôle des armes nucléaires ===
Même si la guerre est terminée et qu'Oppenheimer ne dirige plus le Laboratoire national de Los Alamos, les responsables politiques le sollicitent régulièrement sur des questions nucléaires. Il est favorable à deux projets de lois qui visent à réguler les activités touchant le nucléaire. Le premier est cependant rejeté, car il impose un contrôle militaire sur tout ce qui touche de près ou de loin à l'[[énergie nucléaire]]. Le {{date-|1er août 1946}}, le gouvernement fédéral américain, en adoptant l’''Atomic Energy Act'', crée, à la satisfaction de la communauté scientifique américaine, la [[Commission de l'énergie atomique des États-Unis]], uniquement composée de civils{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=183-185}}.

[[Fichier:David E Lilienthal c1947.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Un homme debout, portant un veston, sourit.|[[David E. Lilienthal]] occupe le poste de président de la [[Commission de l'énergie atomique des États-Unis]] du {{Date-|28 octobre 1946}} au {{Date-|15 février 1950}}.]]

Au niveau international, le [[département d'État des États-Unis]] souhaite obtenir un accord de contrôle avec le Royaume-Uni et l'Union soviétique. Le comité responsable est supervisé par le sous-secrétaire d'État [[Dean Acheson]], qui nomme [[David E. Lilienthal]] responsable d'un groupe de consultants. Ce dernier rencontre Oppenheimer pour la première fois en {{date-|janvier 1946}}. Même s'il est frappé par la qualité et la rapidité de la pensée du physicien, il ne peut s'empêcher d'observer ses tics (il a un débit saccadé et se déplace nerveusement en murmurant des phrases disjointes). Rédigé au printemps 1946, le rapport Acheson-Lilienthal propose un contrôle des installations nucléaires, leur exploitation sous l'autorité d'une entité internationale, la réduction graduelle des capacités de fabrication des bombes atomiques et le partage public des connaissances accumulées. Tous les usages non militaires demeureront sous le contrôle des pays. L'idée d'avoir recours à une autorité internationale pour le contrôle de la technologie atomique émane d'Oppenheimer. Pour cette raison, ce document est souvent appelé « rapport Oppenheimer »{{#tag:ref|Selon {{harvsp|Bird|Sherwin|2006|p=xii}}, la conception et la rédaction du rapport sont surtout l'œuvre d'Oppenheimer.|group=note}}. Cependant, le délégué américain à l'ONU, [[Bernard Baruch]], juge le rapport trop audacieux car il croit que les armes atomiques sont décisives et que les États-Unis ne doivent pas renoncer à leur contrôle. Il apporte donc des amendements au rapport qui autorisent des mesures répressives pouvant aller jusqu'à une attaque atomique. À l'ONU, la délégation soviétique rejette la proposition américaine, car cela revient à {{citation|lever le [[rideau de fer]]}}, situation intolérable pour le gouvernement totalitaire de Staline. Les deux pays ne s'entendront jamais sur cette question{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=185-188}}.

Bouleversé par le refus d'une entente, Oppenheimer demande à rencontrer le président des États-Unis. Le {{date-|25 octobre 1945}}, il est introduit par le sous-secrétaire d'État [[Dean Acheson]] dans le [[Bureau ovale]] où il échange avec Harry S. Truman. À un certain moment, pour exprimer son désarroi de façon imagée{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=331-332}}, le physicien déclare : {{citation|Monsieur le Président, j'ai du sang sur les mains.}} Truman balaie cette remarque avec désinvolture et, une fois le physicien parti, ordonne à Acheson de ne plus jamais le ramener devant lui : {{citation|Après tout, il a simplement fabriqué la bombe, c'est moi qui ai donné l'ordre de l'utiliser{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=188}}.}} La même année, le chercheur reçoit la ''{{lang|en|[[Medal for Merit]]}}'' des mains du président américain pour souligner son travail au Laboratoire national de Los Alamos<ref name=NYT19670219>{{article |langue=en
|url=//www.nytimes.com/learning/general/onthisday/bday/0422.html
|titre=J. Robert Oppenheimer, Atom Bomb Pioneer, Dies
|périodique= The New York Times
|date= 19 février 1967
|consulté le= 16 mars 2014
}}.</ref>.

La [[Commission de l'énergie atomique des États-Unis]] (AEC) se voit confier la responsabilité d'un {{citation|gigantesque empire}} : armes, laboratoires, usines de fabrication{{etc.}} Pour mener à bien sa mission, elle a recours au {{lang|en|General Advisory Committee}} (GAC, « Comité consultatif général »{{sfn|Thorne|1997|p=239}}) qui doit lui apporter des conseils techniques et scientifiques. Le président de la commission, [[David E. Lilienthal]], recommande Oppenheimer comme membre du GAC{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=189}}. D'autres personnalités soutiennent également sa candidature{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=351-352}}. Même si le président des États-Unis Harry S. Truman n'aime pas le physicien, il accepte{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=352}}. Le {{date-|3 janvier 1947}}, Oppenheimer est nommé président du GAC, poste qui influencera notablement l'orientation nucléaire des États-Unis. En effet, si l'AEC est composé de novices en matière nucléaire, ce n'est pas le cas du GAC qui comprend des personnalités qui ont joué un rôle important dans le projet Manhattan : James Bryant Conant, Enrico Fermi, [[Glenn Theodore Seaborg]] et Oppenheimer. L'influence du physicien aurait pu chuter sévèrement en mars 1947 lorsque Lilienthal reçoit un rapport du [[Federal Bureau of Investigation|FBI]] qui indique ses liens avec [[Haakon Chevalier]], ses activités d'{{citation|extrême gauche}} d'avant la guerre, tout comme les liens de sa femme et de son frère [[Frank Oppenheimer|Frank]] avec le [[Parti communiste des États-Unis d'Amérique|Parti communiste américain]]. Les craintes des membres de l'AEC s'atténueront à la suite des témoignages de Vannevar Bush et James Bryant Conant, d'un entretien avec [[J. Edgar Hoover]], ainsi que de lettres du général Groves et du secrétaire à la Guerre [[Robert P. Patterson]]. Le [[Sénat des États-Unis]] confirme la nomination d'Oppenheimer au poste de président du GAC en {{date-|mars 1947}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=189-190}}.

Oppenheimer, conséquence de sa participation éminente au projet Manhattan, joue un rôle de premier plan dans la défense des États-Unis. Il est en effet membre de différents comités qui se penchent sur les applications civiles et militaires de l'énergie nucléaire. Au GAC, il dirige les débats sans toutefois imposer son point de vue, sans censurer les membres dont l'opinion diverge de ses positions et met à contribution son esprit de synthèse. Pour ces raisons, il est régulièrement réélu président du GAC{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=192-193}}.

L'armée soviétique d'après-guerre compte de 3 à {{unité|4|millions}} de soldats, alors que les États-Unis n'en comptent plus que {{unité|1.5|million}} après la [[démobilisation]]. L'AEC étudie prioritairement le programme d'armement nucléaire, car le stock d'armes nucléaires ne peut compenser la faiblesse relative des forces armées américaines. Oppenheimer conseille à l'AEC de transformer le Laboratoire national de Los Alamos (LANL), où le moral du personnel est bas, en un centre de recherche actif sur l'armement nucléaire en créant une importante division théorique et en facilitant le recrutement de consultants de talent. En {{date-|avril 1947}}, lors d'une visite du laboratoire, les membres du GAC réitèrent l'urgence de développer les armes nucléaires de façon quantitative et qualitative{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=193-194}}. Cependant, pour eux et au contraire d'[[Edward Teller]], le développement de la [[bombe H]] passe après celle des armes atomiques{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=422}}. Par ailleurs, le GAC tente d'organiser le programme de tests nucléaires dans l'océan Pacifique en aidant le LANL à obtenir les autorisations nécessaires. Il veut également décharger le LANL des tâches de fabrication en encourageant le développement des [[Laboratoires Sandia]] qui se spécialisent dans l'intégration des têtes nucléaires dans les différents vecteurs (aéronefs, missiles, sous-marins){{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=194}}.

Le GAC fait aussi la promotion du nucléaire pour la [[propulsion]] et la production d'[[énergie]]. Dans ce cas, le comité poursuit un but politique : démontrer que les États-Unis soutiennent activement l'utilisation civile du nucléaire. En {{date-|juillet 1947}}, Oppenheimer et [[John H. Manley]] signent un rapport où ils affirment que la fabrication des [[réacteur nucléaire|réacteurs nucléaires]] dans un avenir rapproché est {{citation| utopique}}. De leur côté, Enrico Fermi et [[Cyril Stanley Smith]] avancent au contraire, dans un rapport publié en {{date-|novembre 1947}}, que d'ici quelques années, les réacteurs nucléaires devraient fournir de l'énergie. [[Glenn Theodore Seaborg]] écrira, en 1969, que, comme la plupart des spécialistes du nucléaire, Oppenheimer était {{citation|trop pessimiste}} quant au développement de la production d'énergie nucléaire. Néanmoins, Oppenheimer demande que l'AEC soutienne les institutions, ce qui donnera l'impulsion à l'{{citation|incroyable croissance}} de la science nucléaire aux États-Unis selon Seaborg{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=194-195}}.

[[Fichier:Lewis Lichtenstein Strauss pers0164.jpg|vignette|alt=Photo en noir et blanc. Un homme avec cheveux blancs est assis derrière un bureau recouvert de papiers. Portant veston et lunettes, il regarde en direction de l'appareil-photo.|[[Lewis Strauss]] s'oppose régulièrement à Oppenheimer, à partir de 1948, sur le partage des connaissances nucléaires.]]

Oppenheimer promeut une science du nucléaire ouverte dès 1947. Il se fait le champion du partage des informations fondamentales et de la distribution de matériaux fissiles qui ne peuvent être utilisés à des fins militaires. Cependant, [[Lewis Strauss]], membre {{citation|influent}} de l'AEC, s'y oppose à partir de 1948. En effet, les relations internationales se sont dégradées à la suite du [[Coup de Prague]], du [[blocus de Berlin]] et des victoires militaires de [[Mao Zedong]] pendant la [[guerre civile chinoise]]. L'[[anticommunisme]] prend donc de l'ampleur aux États-Unis. Oppenheimer, en {{date-|juin 1949}}, est appelé à témoigner devant le [[House Un-American Activities Committee]] (HUAC) sur le rôle politiques de plusieurs étudiants d'avant-guerre. Il y est traité avec déférence, mais est questionné sur son passé et ses relations (dont son frère). Le comité conclut qu'il n'est pas un sympathisant communiste{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=195-196}}.

Le physicien témoigne sur les activités de [[Bernard Peters]], un Allemand qui a lutté aux côtés de communistes contre [[Adolf Hitler]] et qui a ensuite été interné au [[camp de concentration de Dachau]], d'où il s'est enfui pour rejoindre les États-Unis en compagnie de sa femme. Ami et étudiant d'Oppenheimer à Berkeley avant la guerre, l'Américain a déclaré aux services de contre-espionnage en 1943 que Peters était un authentique communiste. Ce témoignage secret, révélé par un journal américain, suscite la colère de son frère et d'amis communs. Quelques jours plus tard, Oppenheimer envoie une lettre ouverte à un autre journal où il admet que Peters s'est exprimé de manière enflammée pendant sa jeunesse, mais qu'il n'est pas déloyal envers son pays d'adoption. Ce changement lui vaudra plus tard l'accusation d'être influençable{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=196-197}}.

Le {{date-|9 septembre 1949}}, un avion de reconnaissance américain détecte des résidus radioactifs dans l'atmosphère au-dessus de l'[[Alaska]]. Après étude des rapports, Oppenheimer en conclut qu'il s'agit probablement de résidus consécutifs à l'explosion d'une bombe atomique. L'URSS est donc elle aussi parvenue à développer une arme atomique, ce que le président américain Truman a cru impossible (la [[RDS-1|bombe atomique soviétique]] ne sera vraiment opérationnelle qu'à partir de 1950, tout en présentant encore des défauts majeurs). Devant cette menace, [[Edward Teller]] demande à Oppenheimer ce qu'il peut faire. Ce dernier lui réplique qu'il faut rester calme. De son côté, l'AEC envisage d'accélérer les efforts de recherche nucléaire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=198-199}}.

Au LANL, Teller et ses collègues ne parviennent pas à surmonter des problèmes cruciaux dans la conception de la [[bombe H]], notamment de disposer de grandes quantités de [[tritium]] et de l'impossibilité de la transporter par la voie des airs à cause de son poids. Pourtant, plusieurs responsables américains croient que la bombe H est {{citation|le seul moyen de contrer le défi soviétique}}. Ernest Orlando Lawrence et Luis Walter Alvarez se rendent à Washington, D.C. en {{date-|octobre 1949}} et proposent de faire construire un réacteur capable de produire du tritium en affirmant que c'est la première étape qui mène à la mise au point de l'arme thermonucléaire. Un certain nombre de militaires et de membres du [[Congrès des États-Unis]] font un accueil enthousiaste à cette proposition, mais David E. Lilienthal, président de l'AEC, juge {{citation|profondément [choquant]}} le désir des deux savants de vouloir fabriquer une autre [[arme de destruction massive]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=199-200}}.

[[Fichier:JohnvonNeumann-LosAlamos.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc. Visage d'un homme.|Le mathématicien [[John von Neumann]] travaille au [[Laboratoire national de Los Alamos]] à titre de consultant, pendant et après la [[Seconde Guerre mondiale]], en raison de son expertise en matière d'explosifs<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://web.mit.edu/invent/iow/vonneumann.html
|titre=EDVAC
|auteur=Inventor of the Week
|mois=novembre |année= 2002
|éditeur=Massachusetts Institute of Technology
|consulté le= 10 novembre 2013}}.</ref>{{,}}<ref name="NYT">{{article |langue=en
|prénom1= Ed |nom1=Regis
|titre=Johnny Jiggles the Planet
|url=//query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9E0CE7D91239F93BA35752C1A964958260
|périodique=[[The New York Times]]
|date=8 novembre 1992
|consulté le=11 novembre 2013
}}.</ref>.]]

Oppenheimer, de son côté, étudie les options sur cette arme. Il consulte [[John von Neumann]], [[Norris Bradbury]] et [[John H. Manley]], puis écrit à James Bryant Conant. Dans sa lettre, il fait part qu'il se sent peu concerné par les difficultés du programme de recherche thermonucléaire, car il ne croit pas qu'elle fonctionnera, ni que le problème de poids sera résolu. Il ajoute que cette arme capte l'imagination des militaires et des membres du Congrès car elle serait, à leurs yeux, le seul moyen de sauver les États-Unis et la paix{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=200-203}}. Son opinion est partagée par une majorité de membres du GAC. À la suite de débats les 29 et {{date-|30 octobre 1949}}, le GAC publie une déclaration dans laquelle il exprime son opposition au développement d'une bombe H, qualifiée d'{{citation|arme de génocide}}{{sfn|De Maria|2001|p=90-91}}. Le GAC anticipe que continuer à fournir des efforts de recherche ne pourrait mener qu'à une nouvelle [[course aux armements]]. Les membres de l'AEC partagent cette opinion, sauf [[Gordon Dean]] et [[Lewis Strauss]] qui estiment que les États-Unis doivent recouvrer leur supériorité militaire en mettant au point la bombe H. Lilienthal présente donc deux options contradictoires au président des États-Unis. Le {{date-|31 janvier 1950}}, Harry S. Truman réclame officiellement la mise au point de la bombe thermonucléaire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=200-203}}.

Pour Oppenheimer, c'est une catastrophe. Il envisage de démissionner de son poste au GAC, mais le sous-secrétaire d'État lui demande de ne pas démissionner, ni de faire de déclarations publiques. En 1967, il confiera à [[Rudolf Peierls]] qu'il aurait dû démissionner pour demeurer cohérent, mais il croyait qu'en continuant, le GAC ne prendrait pas de mauvaise décision. L'opposition du GAC n'est pas seulement d'ordre moral. Les bombes H, du fait de leur puissance, ne peuvent servir qu'à détruire de très grandes cibles ([[Moscou]] et [[Saint-Pétersbourg|Leningrad]], par exemple), d'où leur intérêt militaire limité. Selon Oppenheimer, les armes atomiques, qui servent à des fins défensives et tactiques, suffisent amplement à s'opposer aux avancées soviétiques. D'ailleurs, il est en faveur de la croissance du stock d'armes atomiques. Cependant, les « faucons » américains trouvent intolérable que seule l'URSS détienne une arme de cette puissance{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=203-205}}.

{{Encadré|titre=Partisan des armes nucléaires tactiques|contenu=
En 1951, Oppenheimer se rend en Europe pour convaincre le général [[Dwight D. Eisenhower|Eisenhower]] que l'armée de ''terre'' américaine doit recourir aux armes nucléaires tactiques pour s'opposer à une invasion soviétique de l'Europe de l'Ouest. Quelques années plus tard, [[Freeman Dyson]] lui demandera pourquoi :

{{citation|Pour comprendre mes raisons de faire la promotion des armes tactiques, vous auriez dû voir le plan de guerre de l'armée de ''l'air'' que nous avions à l'époque. C'est la chose la plus damnée de Dieu que j'aie jamais vue. C'était une stupide oblitération des villes et des populations. N'importe quoi, même une guerre terrestre majeure utilisant des armes nucléaires<ref group=note>Dans la terminologie moderne, le terme « nucléaire » peut renvoyer aux armes atomiques ou thermonucléaires. Il est probable qu'Oppenheimer veut dire « armes atomiques » puisqu'il s'oppose alors à l'usage des armes thermonucléaires.</ref>, était mieux que ce plan{{trad|en|To understand why I advocated tactical weapons, you would have to see the Air Force war plan that we had then. That was the God-damnedest thing I ever saw. It was a mindless obliteration of cities and populations. Anything, even a major ground war fought with nuclear weapons, was better than that.}}{{,}}{{sfn|Dyson|2013}}.}} }}

À titre de président du GAC et donc soumis aux ordres du président des États-Unis, Oppenheimer se voit contraint d'autoriser des recherches sur l'arme thermonucléaire. Cependant, il n'encourage guère un développement vigoureux du programme, ce qui équivaut, aux yeux de responsables américains, à désobéir. Selon l'un des chercheurs à Los Alamos, le manque de réaction d'Oppenheimer devant la décision du président américain est comme mettre un éteignoir sur le programme de recherche. En effet, il maintient un très grand réseau de chercheurs et peut inciter les plus éminents à y participer, mais ne le fait pas{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=206-207}}. En {{date-|décembre 1950}}, il signe un rapport du GAC à l'intention d'un conseil de recherche sur la prospective militaire où il laisse entendre que le développement de l'arme thermonucléaire entrave le développement des armes atomiques. [[Edward Teller]] est {{citation|furieux}} et avance qu'Oppenheimer ralentit le programme de recherche thermonucléaire au point de mener à son arrêt{{sfn|Kunekta|1982|p=176}}.

Au cours de l'année 1951, [[Stanislaw Ulam]] et Teller réalisent la percée qui permet de mettre au point la bombe H américaine{{sfn|Hewlett|Duncan|1969|p=535-537}}. En {{date-|mai 1951}}, les essais de l'[[opération Greenhouse]] démontrent que leur principe est valide. Les 16 et {{date-|17 juin}}, les membres de l'AEC, du GAC, des scientifiques de Los Alamos et quelques autres concernés par le développement de l'arme thermonucléaire se réunissent à l'[[Institute for Advanced Study]]. Oppenheimer ne peut s'empêcher de souligner l'ingéniosité technique de l'[[Bombe H#Bombe H type .C2.AB Teller-Ulam .C2.BB|architecture Teller-Ulam]]. Dès lors, il est en faveur du développement d'une arme thermonucléaire, à la grande joie de Teller. Selon Max Born en 1967, les scrupules moraux d'Oppenheimer étaient plutôt faibles pour qu'il change aussi facilement d'avis{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=207-208}}. Oppenheimer s'expliquera : {{citation|Le programme que nous avions en 1949 […] était une chose torturée à propos de laquelle on pouvait arguer qu'elle n'avait guère de sens technique. Il était donc possible de prétendre que vous n'en vouliez pas même si vous pouviez l'avoir. Le programme de [1951] [...] était si beau techniquement que vous ne pouviez plus le prétendre. La question devenait purement politique, militaire et humaine : qu'en faire une fois qu'on l'aurait{{sfn|Thorne|1997|p=241}} ?}} À partir de {{date-|mars 1952}}, Teller convainc les responsables américains de mettre en place un laboratoire uniquement consacré à la conception des armes thermonucléaires. Le [[Laboratoire national Lawrence Livermore]] est créé en {{date-|novembre 1952}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=208}}.

De son côté, Oppenheimer est soumis à un nombre croissant d'attaques de la part de l'[[United States Air Force|US Air Force]], car il privilégie l'emploi tactique des armes nucléaires et insiste sur une défense aérienne intégrée (plutôt que sur le développement d'armes nucléaires offensives)<ref group=note>Selon {{harvsp|Roy|Chabot|Mauffette|2003|p=176}} : {{citation|[...] [[Albert Einstein]] et Robert J. Oppenheimer condamnèrent sans réserve l'utilisation militaire de l'énergie nucléaire.}}</ref>. À l'été 1952, il suggère que le rôle de dissuasion des bombardiers du [[Strategic Air Command]] (SAC) soit réduit et que le budget du SAC soit diminué pour permettre la mise en place d'un système de défense intégré{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=208-210}}.

En {{date-|novembre 1952}}, [[Dwight D. Eisenhower]] est élu président des États-Unis. L'un des éléments de son programme électoral est le {{citation|nettoyage}} des institutions gouvernementales des agents subversifs. Le {{date-|7 novembre 1953}}{{sfn|De Maria|2001|p=92}}, le directeur du FBI [[J. Edgar Hoover]] reçoit une note du {{lang|en|[[Joint Committee on Atomic Energy]]}} qui accuse Oppenheimer : {{citation|Tout porte à croire que J. Robert Oppenheimer est un agent de l'Union soviétique<ref name="Recherche">{{article|prénom1=Daniel J. |nom1=Kevles|titre=L'Étrange Procès de Robert Oppenheimer|périodique=[[La Recherche (magazine)|La Recherche]]|numéro=374|mois=avril|année=2004|url=https://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fwww.larecherche.fr%2Fsavoirs%2Ffigure-du-passe%2Fetrange-proces-robert-oppenheimer-01-04-2004-72469#federation=archive.wikiwix.com&tab=url|consulté le=25 juillet 2023}}. Lien Wikiwix</ref>.}} L'accusateur rappelle le militantisme passé d'Oppenheimer, tout comme les liens qu'entretiennent son frère Frank et son épouse avec le Parti communiste, l'embauche de sympathisants communistes à l'époque du projet Manhattan et son obstruction au développement d'une arme thermonucléaire{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=210-211}}.

=== Audition de sécurité ===
{{CitaBloc|Le pays lui demanda de faire quelque chose et il l'accomplit brillamment ; pour cet extraordinaire accomplissement, ils le récompensèrent en le brisant{{trad|en|The country asked him to do something and he did it brilliantly, and they repaid him for the tremendous job he did by breaking him.}}{{,}}<ref>{{Lien brisé|langue=en
|url=http://web.archive.org/web/20110602115520/http://www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/introduction/oppenheimer-introduction/
|titre=Introduction: The Trials of J. Robert Oppenheimer
|auteur=PBS
|année= 2009
|éditeur=[[Public Broadcasting Service]]
|consulté le= 27 juillet 2013
}}.</ref>.|[[Marvin Leonard Goldberger]], scientifique à [[Laboratoire national de Los Alamos|Los Alamos]] et ancien directeur de l'[[Institute for Advanced Study]]<ref>{{article |langue=en
|url=//www.nytimes.com/1991/06/26/education/for-scholarly-nirvana-familiar-questions-as-leaders-change.html?pagewanted=all&src=pm
|titre=For Scholarly Nirvana, Familiar Questions as Leaders Change
|prénom1= Anthony |nom1= DePalma
|lien périodique= The New York Times
|périodique= The New York Times
|jour= 26 |mois= juin |année= 1991
|consulté le= 27 juillet 2013
}}.</ref>}}

[[Fichier:Joseph McCarthy.jpg|vignette|gauche|alt=Photo en noir et blanc du buste d'un homme regardant droit vers la caméra.|Le sénateur [[Joseph McCarthy]] a donné son nom au [[maccarthysme]].]]

Les accusations contre Oppenheimer sont émises en plein [[maccarthysme]]<ref name=IAS>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.ias.edu/people/oppenheimer
|titre=J. Robert Oppenheimer
|auteur=IAS
|année= 2013
|éditeur=Institute for Advanced Study
|consulté le= 15 août 2013
}}.</ref>, une « chasse » aux communistes commencée en 1950 avec l'arrivée sur le devant de la scène politique de [[Joseph McCarthy]] et terminée en 1954 après un vote de censure contre McCarthy<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Haynes |nom1=Johnson |titre=The Age of Anxiety |sous-titre=McCarthyism to Terrorism |éditeur=Mariner Books |année=2006 |mois=octobre |jour=9 |pages totales=672 |isbn=0-15-603039-X}}.</ref>. Le {{date-|21 décembre 1953}}, [[Lewis Strauss]] informe Oppenheimer des charges qui pèsent contre lui. Le scientifique peut alors démissionner ou se défendre, option qu'il choisit après avoir consulté deux avocats. Le président Eisenhower exige que soit érigé un {{citation|mur opaque}} entre les recherches nucléaires secrètes et Oppenheimer. En attendant le verdict d'un comité, son contrat de conseiller est suspendu{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=211-212}}.

L'audition de sécurité débute le {{date-|12 avril 1954}} devant un comité de trois personnes. Le défendeur et le plaignant sont tous deux représentés par un avocat. Selon l'historien Michel Rival, l'audition {{citation|n'est qu'un [[procès]] déguisé}} malgré les dénégations de son président, [[Gordon Gray]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=215}}. D'autres chercheurs qualifient plus tard la procédure de [[Parodie de procès|parodie de justice]]<ref>{{Lien web|url= https://www.nytimes.com/2022/12/16/science/j-robert-oppenheimer-energy-department.html|titre= J. Robert Oppenheimer Cleared of ‘Black Mark’ After 68 Years|site= The New York Times|date= 16-12-2022|langue= en|auteur= William J. Broad}}</ref>{{,}}<ref name="Recherche"/>. Le comité a consulté le dossier d'Oppenheimer une semaine avant l'audition, au contraire du défendeur. Les trois membres du comité ont été « guidés » dans leur lecture par l'avocat du demandeur, [[Roger Robb]]. L'avocat d'Oppenheimer ne peut prendre connaissance des documents classés secret-défense. Dès lors, pendant l'audition, il doit quitter la salle à chaque fois qu'un tel document est lu à voix haute, ce qui laisse l'accusé seul face à Robb. À leur insu, les conversations d'Oppenheimer et de son avocat font régulièrement l'objet d'[[Écoute (surveillance)|écoute électronique]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=215-217}}.

L'audition commence par la lecture de la lettre d'accusation, puis des réponses d'Oppenheimer. Robb le soumet ensuite à un interrogatoire qui met en relief ses activités les plus condamnables. S'ensuivent des interrogatoires et des témoignages. La plupart des témoins s'expriment favorablement envers l'accusé. Ceux qui lui sont hostiles sont en faveur du développement de l'arme thermonucléaire ou sont des militaires. L'audition se termine le {{date-|6 mai 1954}}. Trois semaines plus tard, le comité rend son verdict : Oppenheimer est loyal, mais il recommande de ne pas restituer son habilitation. Le physicien demande à la [[Commission de l'énergie atomique des États-Unis]] de confirmer ce verdict. Le {{date-|29 juin 1954}}, elle est d'avis qu'Oppenheimer montre de {{citation|graves insuffisances de « caractère »}} et n'est donc plus apte à recevoir à nouveau son habilitation{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=217-238}}.

La décision affecte durement Oppenheimer et indigne la communauté scientifique internationale, qui fait parvenir des messages aux autorités politiques américaines. Des scientifiques travaillant dans des laboratoires publics menacent de démissionner. Le chercheur préfère se concentrer sur ses activités à l'[[Institute for Advanced Study]], où il est unanimement réélu directeur le {{1er}} octobre de la même année{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=239}}.
{{Article détaillé|Audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer}}

=== Mémoires de Pavel Soudoplatov ===
[[Fichier:Pavel Sudoplatov.jpg|vignette|[[Pavel Soudoplatov]], responsable de l'espionnage atomique soviétique durant la Seconde Guerre mondiale.]]
Bien qu’aucune preuve de trahison n’ait été révélée à la suite de l’[[audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer]], des informations incriminant le scientifique virent le jour environ quarante ans plus tard, dans le mémoire de [[Pavel Soudoplatov]], officier du [[NKVD]] ayant dirigé la cellule d’espionnage atomique soviétique durant la Seconde Guerre mondiale<ref name=":0">{{référence incomplète|{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pavel Soudoplatov - Anatoli Soudoplatov (avec Jerrold et Leona Schecter)|titre=Missions spéciales, mémoires du maître-espion soviétique Pavel Soudoplatov|passage=221-277 (chapitre: Espions Atomiques)|lieu=Paris|éditeur=Editions Seuil|date=Avril 1994|pages totales=612|isbn=0316-773522}}}}</ref>.

Dans le chapitre « ''Espions atomiques'' » de son mémoire, publié en 1994, P. Soudoplatov prétend qu’Oppenheimer, Fermi et Szilard auraient transmis au NKVD des renseignements cruciaux sur l’avancement du programme atomique américain à plusieurs reprises, de façon indirecte<ref name=":0" />. Selon P. Soudoplatov, Oppenheimer fut approché de façon informelle par les services soviétiques en décembre 1941, lors d’une réception destinée à obtenir des fonds pour les réfugiés de la guerre d’Espagne. Au cours de cet évènement, le résident du NKVD à San Francisco, Grigori Heifetz, sympathisa avec le savant, qui le croyait alors être le vice-consul soviétique<ref name=":0" />. Heifetz rencontra ensuite Oppenheimer à plusieurs reprises l’année suivante dans un cadre amical, sans dévoiler sa véritable identité. Ayant gagné la confiance et l'amitié du scientifique, il apprit de sa bouche l’existence d’une lettre confidentielle d’Albert Einstein ayant été adressée au président Franklin Delano Roosevelt en 1939, pressant le gouvernement américain de s’intéresser à la possibilité de créer des armes basées sur la fission nucléaire<ref name=":0" />.

En tant que professionnel expérimenté, Heifetz comprit immédiatement l’intérêt de ces déclarations, et réalisa le potentiel informationnel exceptionnel d’un collaborateur comme Oppenheimer. Il n’était dès lors plus question de manipuler le savant ; les efforts de l’agent soviétique portèrent sur le fait de pérenniser leur relation et de garder la confiance du physicien, en insistant sur les idéaux et intérêts qu’Oppenheimer partageait avec l’Union soviétique<ref name=":0" />.

Dès que le NKVD fut convaincu de l’existence du projet Manhattan, cette proximité permit à Heifetz d’infiltrer l’entourage d’Oppenheimer et de l’influencer de sorte à faciliter l'espionnage soviétique<ref name=":0" />. Cette infiltration supposée s'appuya fortement sur un rapprochement entre la femme d'Oppenheimer, Katherine, et certains agents du NKVD<ref name=":0" />. Selon Pavel Soudoplatov, ces individus, proches de l'Union soviétique, furent ainsi directement impliqués dans le projet Manhattan<ref name=":0" />. D’après l'officier soviétique, l’espion allemand [[Klaus Fuchs]] a ainsi été accepté par Oppenheimer, bien qu'il fût au courant de ses sympathies pour l’Union soviétique.

Bien que le mémoire de Soudoplatov soit généralement considéré comme une source historique intéressante pour la richesse de ses informations au sujet de nombreux évènements de l’époque stalinienne<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Alexei Kojevnikov |titre=FAS Public Interest Report, May-June 1994. |url=https://fas.org/faspir/pir0694.html}}</ref>, il contient également des informations erronées, exagérées, voire encore débattues par les historiens<ref name=":1">{{Article|langue=en|auteur1=Klehr Harvey, John Earl|titre=Special Tasks and Sacred Secrets on Soviet Atomic Espionage|périodique=Intelligence and National Security.|date=01/12/2011|lire en ligne=https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02684527.2011.604203|accès url=limité |pages=doi:10.1080/02684527.2011.604203. |issn=0268-4527}}</ref>. Le chapitre « ''Espions atomiques'' » en particulier a essuyé plusieurs critiques et démentis<ref name=":1" />.

Pavel Soudoplatov y commet en effet plusieurs erreurs avérées (il parle par exemple de l’activité d’espionnage de la secrétaire de Szilard, alors que Szilard n’avait pas de secrétaire<ref name=":0" />) et ne mentionne qu’une poignée des espions atomiques soviétique connus pour leurs activités dans le cadre du projet Manhattan. Ses propos sur Oppenheimer sont perçus par certains historiens comme une envie délibérée de nuire en falsifiant l’histoire, ravivant ainsi des polémiques en Occident et poursuivant l’activité de sape et de désinformation qu’il avait menée jadis dans les services soviétiques <ref>{{Article|langue=en|auteur1=Richard Rhodes|titre=Opinion {{!}} Atomic Spies, or Atomic Lies?|périodique=The New York Times|date=03/05/1994|lire en ligne=https://www.nytimes.com/1994/05/03/opinion/atomic-spies-or-atomic-lies.html|accès url=limité|pages= |issn=0362-4331}}</ref>.

Il est également probable qu’à bientôt 90 ans au moment de la rédaction de son mémoire et plus de quarante ans après les faits, les souvenirs de P. Soudoplatov soient pour certains confus (il admet avoir oublié des noms, des évènements ainsi que des motifs d'action propres aux évènements de l'époque<ref name=":0" />), ce qui a pu mener à certaines incohérences dans l’ouvrage. Par ailleurs, son mémoire a été rédigé avec l’aide de son fils Anatoli ainsi que de deux écrivains américains, Jerrold et Leona Schecter, qui peuvent avoir influencé la rédaction du livre.

Il n'a pas été découvert, jusqu'en 1995, de preuves incriminant directement Oppenheimer, Fermi ou Szilard au sujet d'une éventuelle collaboration avec l’Union Soviétique, et le FBI a indiqué n'avoir aucune preuve étayant les affirmations de P. Soudoplatov<ref>{{Article|langue=en|auteur1=William J. Broad|titre=F.B.I. Rejects An Account Of Treason|périodique=The New York Times|date=03/05/1995|lire en ligne=https://www.nytimes.com/1995/05/03/us/fbi-rejects-an-account-of-treason.html}}</ref>.

La connaissance qu’avaient ces hommes de la présence de sympathisants de l’Union soviétique dans leur entourage est difficilement vérifiable, d'autant plus que pour ce qui concerne la période trouble durant laquelle a été mené le projet Manhattan, les archives soviétiques touchant à cette activité d'espionnage sont incomplètes<ref name=":2">{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pavel Soudoplatov - Anatoli Soudoplatov (avec Jerrold et Leona Schecter)|titre=Missions spéciales, mémoires du maître-espion soviétique Pavel Soudoplatov|passage=15-24 (avant-propos par Jerrold et Leona Schecter)|lieu=27, rue Jacob, Paris VIe|éditeur=Edition Seuil|date=Avril 1994|pages totales=612|isbn=0316-773522}}</ref>.

Au-delà de la question de la fiabilité des affirmations de Soudoplatov, l'officier du NKVD n'indique pas dans son mémoire qu'Oppenheimer, Fermi ou Szilard auraient agi par sympathie pour l'Union soviétique. Leurs motivations sont plutôt présentées comme portées par l'envie de vaincre le nazisme, par idéalisme, et par une quête de paix planétaire<ref name=":2" />.

== Retour à la vie civile ==
=== Institute for Advanced Study ===
[[Fichier:Einstein oppenheimer.jpg|vignette|alt=Deux hommes sont assis face à des papiers sur une table. Celui à gauche porte une moustache et a les cheveux blancs, celui à la droite est souriant et a des cheveux noirs.|[[Albert Einstein]] et Oppenheimer à l’[[Institute for Advanced Study]], vers 1950.]]

En {{date-|avril 1947}}, à l'époque où il est président du GAC, il reçoit l'offre de devenir directeur de l'[[Institute for Advanced Study]] qui accueille les {{citation|plus éminents chercheurs}}. Oppenheimer, qui succède à Albert Einstein, retourne donc à la recherche, ce qui est plus en phase avec sa personnalité (en 1963, il dira à [[Thomas Kuhn]] qu'il était sans cesse distrait par d'autres choses que l'enseignement depuis la fin de la guerre). Sous sa direction, l'institut devient le {{citation|centre de la nouvelle physique aux États-Unis}}. Il fait venir les Chinois [[Tsung-Dao Lee]] et [[Chen Ning Yang]], le Britannique [[Freeman Dyson]] et le Néerlandais [[Abraham Pais]], tous de jeunes chercheurs prometteurs{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=190-191}}. À l'Institut, il présente avec passion l'actualité de la physique contemporaine et donne aux chercheurs l'impression de participer à une grande aventure. Pourtant, les travers de ses jeunes années de professeur réapparaissent, car il se montre à l'occasion {{citation|cinglant}} à l'égard des travaux dont il n'est pas satisfait{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=192}}.

[[Fichier:Oppenheimer Marshall Conant Bradley and others at Harvard.jpg|vignette|gauche|Le {{date-|5 juin 1947}}, à l'[[université Harvard]], assis de g. à d. : Oppenheimer, {{Lien|langue=en|trad=Ernest Cadman Colwell}}, le général [[George Marshall (général)|George Marshall]], [[James Bryant Conant]] (président de l'université), le général [[Omar Bradley]], {{Nobr|[[T. S. Eliot]]}}, [[James Wolcott Wadsworth Jr.]], pour la remise de diplômes honorifiques à Oppenheimer, Colwell, Marshall, Bradley et Eliot.|alt=Photo en noir et blanc. Groupe d'hommes assis portant costumes, uniformes ou vêtements d'apparat.]]
Oppenheimer participe aussi activement à l'évolution de la physique aux États-Unis. Par exemple, il profite de conférences à New York de 1947 à 1949 pour orienter les recherches sur le problème de l'absorption du [[méson]] ainsi que sur l'hypothèse d'[[Hideki Yukawa]] que les mésons sont les vecteurs de l'[[interaction forte]]. Ses questions perspicaces amènent le physicien [[Robert Marshak]] à faire l'hypothèse qu'il existe deux types de mésons : les [[pion (particule)|pions]] et les [[muon]]s. Ces recherches inspirent [[Cecil Frank Powell]] pour mettre au point des méthodes photographiques qui lui vaudront le [[prix Nobel de physique]] en 1950 pour la découverte du pion{{sfn|Cassidy|2005|p=269–272}}. Au printemps 1948, sous l'impulsion d'Oppenheimer, se tiennent deux conférences sur la [[renormalisation]], que présentent ses découvreurs, [[Richard Feynman]] et [[Julian Schwinger]]. Le physicien [[Sin-Itiro Tomonaga]] y partage aussi ses idées. Les conférences permettent aux trois physiciens d'élaborer la théorie moderne de la renormalisation, ce qui leur vaut le prix Nobel de physique en 1965. Également, aux conférences où il se trouve, les participants laissent régulièrement Oppenheimer conclure en raison de son esprit de synthèse{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=192}}.

Pour sa part, sa femme Kitty établit des relations éphémères avec d'autres femmes à [[Princeton (New Jersey)|Princeton]], dévoilant beaucoup de sa vie privée à chaque fois puis négligeant sa dernière amie tout en la dénigrant. Elle consomme régulièrement des boissons alcoolisées pour combler sa solitude{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=407-408}}. À la maison, Kitty fume, y compris au lit, et s'endort parfois alors que la cigarette brûle. Une nuit, elle se réveille alors que le feu ravage la chambre à coucher et elle parvient heureusement à éteindre l'incendie. Robert, résigné, ne la blâme pas. Alors qu'il est en compagnie de Abraham Pais, les deux hommes voient Kitty arriver au bureau de Robert à l'Institut en titubant. Robert demande à Pais de rester malgré l'embarras qu'il éprouve. Selon Pais, Kitty était cruelle, ce qui la rendait à ses yeux méprisable. Pour Verna Hobson, assistante d'Oppenheimer, son patron se voit comme un aidant de sa femme, lui ayant d'ailleurs déclaré qu'il a consulté un psychiatre pour déterminer si sa femme souffre d'un trouble de santé mentale. Le psychiatre lui a suggéré d'interner Kitty, même temporairement, ce que Robert a refusé. Selon quelques témoignages, Kitty, malgré ses traits de caractère, est un rocher contre lequel Oppenheimer s'appuie régulièrement{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=407-408}}.

Même si sa femme est alcoolique, Robert ne peut pas se résigner à cesser de boire. En effet, chaque soir, il prépare des [[Martini (cocktail)|Martini-gin]] pour lui et sa femme. Selon le médecin Louis Hempelmann, qui visite trois fois par année les Oppenheimer à Princeton, Robert est dévoué à sa femme même s'il connaît sa maladie, l'ayant ouvertement décrite à Hempelmann. Il a affirmé que Robert est un « saint pour elle »{{trad|en|saint for her}}{{,}}{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=409}}. Selon [[Robert Serber]], Kitty consommait raisonnablement de l'alcool ; elle souffrait de [[pancréatite chronique]], maladie qui peut être apaisée en consommant des comprimés de [[Péthidine|Demerol]], substance qui induit la titubation{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=409-410}}. Kitty aime également Robert, mais souffre qu'il soit peu démonstratif, celui-ci vivant ses émotions de façon introspective{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=410-411}}.

La plupart des personnes en vue de Princeton appartiennent à une classe sociale rigide. Robert et Kitty sont incapables d'adapter leurs manières pour en faire partie. Par exemple, lorsqu'ils reçoivent chez eux, ils sont incapables de servir des repas à la fois raffinés et satisfaisant l'appétit de leurs invités, préférant leur servir des Martini-gin{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=410}}. Kitty et Robert ont vécu des aventures, mais jamais Kitty n'a vécu de relations extra-conjugales, au contraire de Robert. Par ailleurs, elle éprouve un fort sentiment de jalousie à l'égard de son mari, même si elle n'a jamais su pour ses aventures extra-conjugales, et elle envie sa popularité{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=411}}.

Après l'[[Audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer|audition de sécurité d'avril 1954]], le physicien poursuit son travail à l'institut et, selon [[Freeman Dyson]], il devient plus attentif aux problèmes des gens à l'institut. Il participe à des colloques, ainsi qu'à des manifestations scientifiques et culturelles{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=240}}. En 1964, il est président du [[Congrès Solvay]] de physique qui se tient sous le thème « La Structure et l'évolution des galaxies »<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.solvayinstitutes.be/index.php?pageid=3&ssid=4&sssid=1
|titre=Previous Solvay Conferences on Physics
|auteur=ISI
|année= 2013
|éditeur=International Solvay Institutes
|consulté le= 22 octobre 2013
}}.</ref>. En 1966, pour des raisons de santé, il démissionne de son poste de directeur de l'Institute for Advanced Study, mais continue d'enseigner<ref name=IAS/>.

Quand Oppenheimer voit son pouvoir politique diminuer radicalement en 1954 à la suite de son audition de sécurité, il est vu comme le symbole de l'extravagance des scientifiques qui croient pouvoir contrôler le fruit de leurs travaux. Il est aussi le symbole des dilemmes des scientifiques face à leur responsabilité morale dans un monde nucléarisé{{sfn|Thorpe|2002}}. L'audition est à la fois la conséquence de ses positions politiques, entre autres parce qu'il est perçu comme une créature de la précédente administration gouvernementale américaine, et de l'hostilité de [[Lewis Strauss]]{{sfn|Cassidy|2005|p=305-308}}. Son opposition au développement de la bombe thermonucléaire est à la fois de nature morale et technique. Lorsqu'Edward Teller et [[Stanislaw Ulam]] résolvent les problèmes posés par ce [[Bombe H#Bombe H type .C2.AB Teller-Ulam .C2.BB|nouvel engin explosif]], il apporte son soutien au projet parce qu'il juge que les Soviétiques sont aussi capables de mettre au point une bombe thermonucléaire{{sfn|Cassidy|2005|p=293–298}}. Plutôt que de s'opposer systématiquement aux partisans du [[maccarthysme]] à partir de la fin des années 1940 et au début des années 1950, Oppenheimer préfère témoigner contre d'anciens collègues et étudiants, avant et pendant l'audition. Des historiens interprètent son témoignage comme une tentative de plaire à ses collègues au service du gouvernement et peut-être de cacher en partie ses relations passées avec des militants de gauche, tout comme celles de son frère Frank{{sfn|Cassidy|2005|p=281–284}}.

=== Dernières années ===
À partir de 1954, Oppenheimer passe plusieurs mois par année à [[Saint John (îles Vierges des États-Unis)|Saint-John, l'une des Îles Vierges des États-Unis]]. En 1957, il acquiert un terrain sur l'île, où il construit une maison spartiate{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=566-569}}. Il fait régulièrement de la voile avec sa fille Toni et sa femme Kitty{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=573}}.

[[Image:Oppenheimer beach.jpg|vignette|gauche|La [[Oppenheimer Beach|plage Oppenheimer]] à [[Saint John (îles Vierges des États-Unis)|Saint-John, l'une des îles Vierges des États-Unis]].|alt=Plage tropicale avec sable, surf et arbres. Quelques personnes se baignent.]]
De plus en plus soucieux des dangers potentiels issus des découvertes scientifiques, Oppenheimer rejoint Albert Einstein, [[Bertrand Russell]], [[Józef Rotblat]] et d'autres universitaires et scientifiques renommés pour fonder en 1960 ce qui sera appelé la World Academy of Art and Science. Après son audition, il refuse de signer les manifestes contre les armes nucléaires, y compris le [[manifeste Russell-Einstein]] en 1955. Même s'il est invité, il ne participe pas à la première conférence du [[mouvement Pugwash]] en 1957{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=559-561}}.

Dans ses conférences et ses lettres ouvertes, Oppenheimer met régulièrement en avant les difficultés à juguler la puissance de la science dans un monde où la recherche scientifique est conditionnée par la politique. En 1955, il publie ''The Open Mind'', une série de huit conférences qu'il donne depuis 1946 sur les armes nucléaires. Il rejette la [[diplomatie de la canonnière]] nucléaire : {{citation|Les buts de ce pays dans le champ de la politique étrangère ne peuvent de façon réaliste ou durable s'accomplir par la contrainte{{trad|en|The purposes of this country in the field of foreign policy cannot in any real or enduring way be achieved by coercion.}}.}} En 1957, les départements de philosophie et psychologie de l'[[université d'Harvard]] invitent Oppenheimer à prononcer des conférences à titre de penseur du {{s-|XX}} (''{{lang|en|William James Lectures}}''). Un groupe d'anciens étudiants d'Harvard influents proteste contre cette décision{{sfn|Wolverton|2008|p=84-87}}, mais près de {{unité|1200|personnes}} écouteront les six allocutions du scientifique{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=559-561}}.

Sans pouvoirs ni responsabilités politiques depuis l'audition, Oppenheimer prononce des conférences, rédige des ouvrages et poursuit ses recherches en physique. Il fait des tournées en Europe et au Japon, prononçant des discours sur l'histoire et le rôle de la science, ainsi que sur la nature de l'Univers{{sfn|Wolverton|2008|p=174-180}}. En 1958, il est fait [[Ordre national de la Légion d'honneur|chevalier de la Légion d'honneur]]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=240}}. Le {{date-|3 mai 1962}}, il est élu ''{{lang|en|fellow}}'' étranger de la [[Royal Society]]<ref>{{lien web |langue=en
|titre=List of Fellows of the Royal Society 
|url=http://royalsociety.org/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=4294972811 
|format=PDF 
|éditeur=Royal Society 
|consulté le=11 décembre 2010
}}.</ref>. Il devient membre de plusieurs académies des sciences. Des universités lui décernent des [[Doctorat honoris causa|doctorats ''honoris causa'']]{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=240}}, dont l'[[université de Princeton]]<ref>{{Lien web |langue=en
|url=//www.princeton.edu/main/about/facts/honorary/#comp1960s
|titre=Honorary Degrees Awarded by Princeton
|auteur=Université de Princeton
|année= 2014
|éditeur=The Trustees of Princeton University
|consulté le= 9 février 2014
}}.</ref>. Il est membre de l'[[Académie nationale des sciences]] depuis 1941{{sfn|Bethe|1968|p=186}}. Sa candidature au [[prix Nobel de physique]] a été proposée quatre fois, en 1946, 1951, 1955 et 1967<ref>{{lien web |langue=en |url=https://www.nobelprize.org/nomination/archive/show_people.php?id=6873 |titre=Nomination Archive - Robert J Oppenheimer |éditeur=The Nobel Prize |année=2020}}</ref>. Il reçoit en 1947 le {{lien |lang=en |trad=Richtmyer Memorial Award |fr=prix mémorial Richtmyer}} à la suite de son discours sur l'état de la recherche sur l'énergie nucléaire<ref>{{lien web |langue=en
|url=https://www.aapt.org/programs/awards/richtmyer.cfm
|titre=Richtmyer Memorial Lecture Award
|date=2020
|éditeur=American Association of Physics Teachers
}}</ref>. En 1958, il reçoit le [[prix des trois physiciens]]<ref>{{lien web 
|url=http://www.phys.ens.fr/spip.php?article2567&lang=fr
|titre=Prix des trois physiciens
|éditeur=Département de physique de l'[[École normale supérieure (Paris)|École normale supérieure - PSL]]
|date=2021
}}</ref>. En 1962, il reçoit le [[prix Nessim-Habif]] pour ses travaux sur l'énergie atomique<ref>{{Lien web|langue=fr |url=https://www.arts-et-metiers.asso.fr/page/article/id/149-le-prix-nessim-habif|titre=Le prix Nessim Habif |date= |éditeur=Société des ingénieurs Arts et Métiers|consulté le=13 janvier 2021}}</ref>.
[[File:HD.4G.029 (10537627874).jpg|thumb|Le président des États-Unis [[Lyndon B. Johnson]] souligne officiellement la remise du [[prix Enrico-Fermi]] à Oppenheimer.]]
À la suite de pressions d'amis occupant des postes politiques importants, le président des États-Unis [[John Fitzgerald Kennedy]] lui remet officiellement le [[prix Enrico-Fermi]] en 1963 en signe de réhabilitation. [[Edward Teller]] l'a également recommandé dans un but de réconciliation{{sfn|Cassidy|2005|p=348-349}}. Une semaine après l'[[assassinat de John F. Kennedy]], le président [[Lyndon B. Johnson]] présente le prix, {{citation|l'une des plus hautes distinctions scientifiques américaines}}{{sfn|Rival|1995|gr=Rival|p=240}}, à Oppenheimer pour souligner {{citation|ses contributions à la physique théorique en tant qu'enseignant et créateur d'idées, et pour sa direction du [[Laboratoire national de Los Alamos|Laboratoire de Los Alamos]] et pendant les années critiques du programme d'énergie atomique{{trad|en|for contributions to theoretical physics as a teacher and originator of ideas, and for leadership of the Los Alamos Laboratory and the atomic energy program during critical years.}}{{,}}<ref>{{lien web |langue=en
|url=http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=26076 
|titre=Lyndon B. Johnson – Remarks Upon Presenting the Fermi Award to Dr. J. Robert Oppenheimer 
|éditeur=The American Presidency Project 
|consulté le=11 décembre 2010 
}}.</ref>.}} La veuve de Kennedy, [[Jacqueline Kennedy-Onassis]], insiste pour rencontrer Oppenheimer dans le but de lui dire combien son défunt mari a souhaité qu'il reçoive le prix{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=576}}. En tant que [[Sénat des États-Unis|sénateur]] en 1959, Kennedy joue un rôle clé lors d'un vote qui bloque la nomination de [[Lewis Strauss]], ennemi d'Oppenheimer, au poste convoité de [[Secrétaire au Commerce des États-Unis|secrétaire au Commerce]], ce qui ''de facto'' met un terme à sa carrière politique. Cette décision de s'opposer est en partie due aux pressions de la communauté scientifique selon Strauss{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=577}}.

Gros fumeur depuis longtemps<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.atomicarchive.com/History/mp/p4s26.shtml
|titre=The Manhattan Project: Making the Atomic Bomb -- Part IV: The Manhattan Engineer District in Operation, Oppenheimer and Groves
|auteur=Atomic Archives
|année= 1998-2013
|éditeur=AJ Software & Multimedia
|consulté le= 16 janvier 2014
}}.</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=en
|url=//www.theguardian.com/books/2012/nov/16/inside-centre-robert-oppenheimer-ray-monk-review
|titre=Inside the Centre: The Life of J Robert Oppenheimer by Ray Monk – review
|prénom1= Steven |nom1= Shapin
|périodique= [[The Guardian]]
|jour= 16 |mois= novembre |année= 2012
|consulté le= 16 janvier 2014
}}.</ref> (1925, plus précisément), un [[cancer]] de la gorge lui est diagnostiqué fin 1965 et, après une chirurgie ratée, Oppenheimer suit une [[radiothérapie]] puis une [[chimiothérapie]] en 1966{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=582-587}}. Il meurt à sa résidence de [[Princeton (New Jersey)|Princeton]] le {{date-|18 février 1967}}. Un [[rite funéraire]] est tenu à l'[[université de Princeton]] une semaine plus tard, auquel participent {{nobr|600 proches}} : sa famille, des militaires, des hommes politiques et des scientifiques{{sfn|Cassidy|2005|p=351-352}}. Sa femme Kitty versera ses cendres dans l'océan à proximité de leur résidence sur l'île Saint-John{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=588}}.

Robert s'est occupé de sa fille Toni et de son fils Peter, sans parvenir à établir un lien affectif fort. Pour sa part, Kitty maintient une relation difficile avec Peter quand il atteint l'âge de sept ans, se moquant de lui à cause de ses difficultés à l'école et d'un surpoids, alors qu'elle adore Toni{{sfn|Bird|Sherwin|2006|gr=BS|p=412-413}}.

Ses étudiants et ses collègues se souviennent d'Oppenheimer comme d'un chercheur brillant, un professeur enthousiaste et le fondateur de la physique théorique moderne aux États-Unis<ref>{{harvsp|Cassidy|2005|p=175}}.</ref>. En tant que conseiller militaire et en affaires publiques, il est un meneur [[technocratie|technocrate]]{{sfn|Thorpe|2002|p=539-541}}. Oppenheimer, physicien théoricien, intellectuel et cultivé, démontre qu'il est possible de s'engager dans la recherche tout en tenant compte d'exigences pratiques{{sfn|Thorpe|2002}}. Par exemple, la mise au point de la bombe atomique, exercice de physique appliquée, a été rendue possible grâce aux recherches théoriques. La mise au point de cette bombe a exigé d'énormes ressources ; Oppenheimer, du fait de sa position au Laboratoire national de Los Alamos, participe dès lors au mouvement qui fait naître la [[Big Science]].

En décembre 2022, l'[[Présidence de Joe Biden|administration Biden]] annule {{citation|une décision vieille de plusieurs décennies de révoquer l’habilitation de sécurité de Robert Oppenheimer}}<ref>{{article |url=https://www.lequotidien.com/2022/12/17/oppenheimer-sest-vu-retirer-a-tort-son-habilitation-de-securite-e78804fd8b5394fe16cc82f895f0cce5 |titre=Oppenheimer s’est vu retirer à tort son habilitation de sécurité |auteur1=Associated Press |date=17 décembre 2022 |périodique=Le Quotidien numérique}}</ref>. La décision officielle émane du [[département de l'Énergie des États-Unis]] qui vise à rappeler « les contributions essentielles » (''{{lang|en|profound contributions}}'') d'Oppenheimer à la défense du pays<ref>{{article |langue=en |url=https://www.santafenewmexican.com/news/local_news/energy-secretary-vacates-1954-decision-revoking-oppenheimers-security-clearance/article_221c4692-7d95-11ed-863c-07bf6fd57ab2.html |titre=DOE vacates Oppenheimer's security clearance revocation |périodique=Sante Fe New Mexican |date=17 décembre 2022}}</ref>. Le même département affirme que la révocation de l'habilitation de sécurité du physicien a été faite lors d'« un processus défectueux qui a violé les propres règlements de la <!-- Ce n'est pas un défaut. La citation originale ne contient pas le nom complet de la commission. — Cantons-de-l'Est, 16 décembre 2023 --><nowiki>[</nowiki>[[Commission de l'énergie atomique des États-Unis]]<nowiki>]</nowiki> »{{trad|en|through a flawed process that violated the Commission’s own regulations}}{{,}}<ref>{{lien web |langue=en |url=https://www.energy.gov/articles/secretary-granholm-statement-doe-order-vacating-1954-atomic-energy-commission-decision |titre=Secretary Granholm Statement on DOE Order Vacating 1954 Atomic Energy Commission Decision In the Matter of J. Robert Oppenheimer |date=16 décembre 2022 |site=energy.gov}}</ref>.

== Dans la culture ==
=== À la télévision ===
''[[Oppenheimer (série télévisée)|Oppenheimer]]'', qui retrace la vie du physicien entre 1938 et 1953, est une série télévisée en sept parties de la [[BBC]] diffusée au Royaume-Uni à partir d'{{date-|octobre 1980}} et aux États-Unis à partir de {{date-|mai 1982}}. Elle a reçu trois [[British Academy Film and Television Arts Awards|BAFTA Awards]]<ref>{{imdb titre|id=0078037|titre=Oppenheimer}}. Consulté le 12 janvier 2014.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en
|url=//www.imdb.com/title/tt0078037/awards
|titre=Oppenheimer (1980 TV Mini-Series)
|année= 2014
|éditeur=IMDb
|consulté le= 15 janvier 2021
}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.ovguide.com/tv/oppenheimer.htm
|titre=Watch Oppenheimer Free Online
|auteur=OVGuide
|année= 2014
|éditeur=Online Video Guide
|consulté le= 12 janvier 2014
}}.</ref>.

Le téléfilm ''[[Day One]]'', sorti en 1989, raconte la création de la première bombe atomique par une équipe dirigée par Oppenheimer. Il est récompensé d'un [[Emmy Awards|{{lang|en|Emmy Award}}]]<ref>{{Imdb titre|id=0097159|titre=Day One}}. Consulté le 12 janvier 2014.</ref>.

=== Au cinéma ===
Dès la fin de la guerre, Oppenheimer apparaît dans un film qui raconte le projet Manhattan, ''[[Au carrefour du siècle]]'' , sorti en 1947. Groves est le personnage principal. Oppenheimer a critiqué la qualité du film<ref>{{Article|auteur=Nathan Reingold|titre=MGM Meets the Atomic Bomb|traduction titre=La [[Metro-Goldwyn-Mayer]] rencontre la bombe atomique|périodique=[[The Wilson Quarterly]]|volume=8|numéro=4|date=automne 1984|issn=0363-3276|jstor=40256804|pages=154-163 (159)|extrait=the script was poor, with characters that were "stilted, lifeless, and without purpose or insight" [le scénario était pauvre, avec des personnages qui étaient "emphatiques, sans vie, et sans but ni perspicacité."]}}</ref>.

Le cinéaste Roland Joffé sort ''[[Les Maîtres de l'ombre]]'' en 1989, un film qui porte principalement sur les conflits entre le général Leslie Richard Groves et Oppenheimer à l'époque du projet Manhattan<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.rottentomatoes.com/m/fat_man_and_little_boy/
|titre=Fat Man and Little Boy (1989)
|auteur=Rotten Tomatoes
|année= 2014
|éditeur=Flixster
|consulté le= 4 janvier 2014
}}.</ref>.

En 1990, dans le film ''[[À la poursuite d'Octobre rouge (film)|À la poursuite d'Octobre rouge]]'', la fameuse citation : {{citation|Et qu'est ceci : « Je suis l'Ange de la mort, le destructeur des mondes » ?}} est lue à voix haute par l'officier politique juste avant d'interroger le capitaine Marko Ramius<ref>{{Lien web |titre=Les extraits de livres par ad7211, Page 2 |url=https://cinenode.com/membre/954/ad7211/citations?offset=2 |site=cinenode.com |consulté le=2023-07-12}}</ref>.

Le film biographique ''[[Oppenheimer (film)|Oppenheimer]]'' réalisé par [[Christopher Nolan]] est diffusé la première fois le {{Date-|11 juillet 2023|au cinéma}} à Paris<ref>{{lien web|nom=Lang |prénom=Robert |date=2023-07-11 |titre='Oppenheimer' Red Carpet Photos: Cillian Murphy, Emily Blunt, Robert Downey Jr & Christopher Nolan At Paris Premiere |url=https://deadline.com/gallery/oppenheimer-world-premiere-red-carpet-photos/ |consulté le=2023-07-11 |website=Deadline |langue=en-US}}</ref>.

=== Bande dessinée ===
Le scientifique a inspiré au moins en partie [[Dr Manhattan|{{Dr}} Manhattan]] dans la bande dessinée ''[[Watchmen]]''. En effet, le personnage y est responsable des développements de l'utilisation de l'énergie nucléaire dans les domaines militaire et civil<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Forum • View topic - Veidt and Oppenheimer |url=http://www.watchmencomicmovie.com/forum/viewtopic.php?f=2&t=3209 |site=watchmencomicmovie.com |consulté le=2019-08-26 }}</ref>.

En 2018, sont publiés dans la série uchronique [[Jour J (bande dessinée)#Publication|Jour J]] deux bandes dessinées : ''Sur la route de Los Alamos'' et ''Opération Downfall''. Ces bandes dessinées imaginent ce qui se serait passé si Oppenheimer arrêtait de diriger le projet Manhattan en partant un matin de Los Alamos sans prévenir personne, un peu avant l'explosion de [[Gadget (bombe atomique)|Gadget]]<ref>{{lien web |url=https://www.bedetheque.com/BD-Jour-J-Tome-32-Sur-la-route-de-Los-Alamos-319786.html |titre= Jour J 32 : Sur la route de Los Alamos |site=bdtheque.com |date=2024}}</ref>{{,}}<ref>{{lien web |url=https://www.planetebd.com/bd/delcourt/jour-j/operation-downfall/35720.html |titre= Jour J T33
Opération Downfall |site=Planète BD |date=2024}}</ref>.

=== Biographies ===
[[Hans Bethe]] rédige l'article nécrologique « ''J. Robert Oppenheimer'' » que la {{lang|en|[[Royal Society]]}} publie en 1968{{sfn|Bethe|1968}}.

En 1995, [[Michel Rival]] publie ''Robert Oppenheimer'' chez [[Groupe Flammarion|Flammarion]]{{sfn|Rival|gr=Rival|1995}}.

Dix ans plus tard, [[Jeremy Bernstein]] publie ''Oppenheimer: Portrait of an Enigma''{{sfn|Bernstein|2005}}. La même année, [[David C. Cassidy]] publie ''J. Robert Oppenheimer and the American Century''{{sfn|Cassidy|2005}}.

Toujours en 2005, [[Kai Bird]] et [[Martin J. Sherwin]] publient ''[[Robert Oppenheimer : Triomphe et tragédie d'un génie]]'', ouvrage pour lequel ils reçoivent le [[prix Pulitzer de la biographie ou de l'autobiographie]] en 2006<ref>{{lien web |langue=en
|url=http://www.pulitzer.org/citation/2006-Biography-or-Autobiography 
|titre=The 2006 Pulitzer Prize Winners – Biography or Autobiography 
|éditeur=The Pulitzer Prizes 
|consulté le=7 décembre 2013
}}.</ref>.

En 2013, Ray Monk publie ''Robert Oppenheimer: A Life Inside the Center''{{sfn|Monk|2013}}.

D'autres ouvrages ont été publiés, surtout dans les années 2000<ref>{{article |langue=en
|url=http://www.logosjournal.com/mark-wolverton-a-life-in-twilight-the-final-years-of-j-robert-oppenheimer.php
|titre=Mark Wolverton, A Life in Twilight: The Final Years of J. Robert Oppenheimer
|prénom1= Colin |nom1= Hughes
|périodique= Zen Logo
|année= 2010
|volume=9 |numéro=1
|consulté le= 4 janvier 2014
}}.</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=en
|url=http://www.mercurynews.com/entertainment/ci_24309373/j-robert-oppenheimers-private-passions-explored
|titre=J. Robert Oppenheimer's private passions explored
|prénom1= Georgia |nom1= Rowe 
|périodique= San Jose Mercury News
|jour= 14 |mois= octobre |année= 2014
|consulté le= 27 février 2014
}}.</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=fr
|url=http://revel.unice.fr/alliage/?id=4071
|titre=Oppenheimer : une science « humaine, trop humaine »
|prénom1= Michel |nom1= André
|périodique= Alliage
|mois= octobre |année= 2008
|numéro=68
|consulté le= 27 février 2014
}}.</ref>{{,}}<ref>Exemples : 
*1963 : {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Cushing |nom1=Strout |titre=Conscience, Science and Security |sous-titre=The Case of Dr. J. Robert Oppenheimer |lieu=Chicago, Illinois |éditeur=Rand McNally |année=1963 }}
*
*2002 : {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Gregg |nom1=Herken |lien auteur1=Gregg Herken |titre=Brotherhood of the bomb |sous-titre=the tangled lives and loyalties of Robert Oppenheimer, Ernest Lawrence, and Edward Teller |lieu=New York, New York |éditeur=Henry Holt and Company |année=2002 |pages totales=448 |isbn=0-8050-6588-1}}
*
*2002 : {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Richard |nom1=Polenberg |lien auteur1=Richard Polenberg |titre=In the Matter of J. Robert Oppenheimer |sous-titre=The Security Clearance Hearing |lieu=Ithaca, New York |éditeur=Cornell University |année=2002 |pages totales=409 |isbn=0-8014-3783-0 |oclc=47767155 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=-lebGRO3XekC&printsec=frontcover}} {{commentaire biblio|Sur l'[[audition de sécurité de J. Robert Oppenheimer]].}}
*
*2005 : {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Jennet |nom1=Conant |lien auteur1=Jennet Conant |titre=109 East Palace : Robert Oppenheimer and the Secret City of Los Alamos |lieu=New York, New York |éditeur=[[Simon & Schuster]] |année=2005 |pages totales=425 |isbn=0-7432-5007-9}}
*
*2006 : {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Cynthia C. |nom1=Kelly |titre=Oppenheimer and the Manhattan Project : Insights into J. Robert Oppenheimer, "Father of the Atomic Bomb" |lieu=Hackensack, New Jersey |éditeur=[[World Scientific]] |année=2006 |pages totales=173 |isbn=981-256-418-7 |oclc=65637244 |lire en ligne=https://books.google.com/books?id=beSf-oNaHQ0C&printsec=frontcover}}
*
*2006 : {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Abraham |nom1=Pais |lien auteur1=Abraham Pais |titre=J. Robert Oppenheimer |sous-titre=A Life |lieu=Oxford |éditeur=[[Oxford University Press]] |année=2006 |pages totales=400 |isbn=0-19-516673-6}}</ref> (probablement à cause du centenaire de sa naissance).

=== Documentaires ===
''[[The Day After Trinity]]'', un documentaire de 1981, se penche sur la vie d'Oppenheimer et la fabrication de la bombe atomique. Il a été mis en nomination pour l'[[Oscar du meilleur film documentaire]] et a obtenu un [[Peabody Awards|''{{lang|en|Peabody Award}}'']]<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://www.themoviedb.org/movie/59314-the-day-after-trinity
|titre=The Day After Trinity (1981)
|auteur=TMDb
|année= 2013
|éditeur=The Movie Database
|consulté le= 7 décembre 2013
}}.</ref>{{,}}<ref>{{imdb titre|id=0080594|titre=The Day After Trinity}}. Consulté le 10 décembre 2013.</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=en
|périodique=[[The New York Times]] 
|date=23 février 2011
|url=http://movies.nytimes.com/movie/74400/The-Day-After-Trinity-Oppenheimer-the-Atomic-Bomb/overview 
|titre=The Day After Trinity: Oppenheimer & the Atomic Bomb (1980) 
|consulté le=11 décembre 2010
|prénom1=Vincent |nom1=Canby
}}.</ref>.

En 2009, le réseau américain [[Public Broadcasting Service|PBS]] diffuse ''The Trials of J. Robert Oppenheimer'' (que l'on peut traduire par « ''Les Procès/Essais/Épreuves/Tribulations<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Carney |nom1=Faye |directeur1=oui |titre=Dictionnaire français-anglais |sous-titre=anglais-français |lieu=France |éditeur=Larousse |année=1994 |passage=904 |isbn=2-03-451333-9}}.</ref> de J. Robert Oppenheimer'' »), un téléfilm de deux heures qui retrace le parcours du scientifique au travers d'entrevues et de courtes représentations<ref>{{Lien web |langue=en
|url=//www.pbs.org/wgbh/americanexperience/features/introduction/oppenheimer-introduction/
|titre=Introduction : The Trials of J. Robert Oppenheimer
|auteur=[[Public Broadcasting Service|PBS]]
|année= 2013
|éditeur=WGBH Educational Foundation
|consulté le= 18 novembre 2013}}.</ref>.

=== Divers ===
Oppenheimer figure parmi les personnages dans le roman ''[[Le Désert mauve]]'' de l'auteure québécoise [[Nicole Brossard]]<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Carolina|nom1=Ferrer|titre=Traduction, fission et trahison. «L’hologramme» de J. Robert Oppenheimer dans «Le Désert mauve» de Nicole Brossard|périodique=Des fins et des temps: les limites de l’imaginaire|série=Cahiers Figura| année=2005| lire en ligne=https://oic.uqam.ca/publications/article/traduction-fission-et-trahison-lhologramme-de-j-robert-oppenheimer-dans-le-desert-mauve-de-nicole-brossard|consulté le=2024-11-22}}</ref>.

En 2004, une conférence et une exposition à l'[[université de Californie à Berkeley]] soulignent le centième anniversaire de naissance d'Oppenheimer<ref>{{lien web |langue=en
|url=http://cstms.berkeley.edu/archive/oppenheimer/exhibit/usage.html
|titre=J. Robert Oppenheimer Centennial - Exhibit
|éditeur=The Regents of the University of California
|année=2004
|consulté le=7 décembre 2013
}}.</ref> ; transcrite, la conférence est publiée en 2005 sous le titre « ''Reappraising Oppenheimer: Centennial Studies and Reflections'' »<ref>{{Ouvrage |langue=en |prénom1=Cathryn |nom1=Carson |directeur1=oui |prénom2=David A. |nom2=Hollinger |directeur2=oui |titre=Reappraising Oppenheimer – Centennial Studies and Reflections |volume=21 |éditeur=Office for History of Science and Technology, University of California, Berkeley |collection=Berkeley Papers in History of Science |année= |isbn= |lire en ligne=http://cstms.berkeley.edu/archive/oppenheimer/oppenheimer_sample.pdf |format électronique=Pdf |consulté le=7 décembre 2013}}.</ref>.

Le {{date-|1 octobre 2005}}, le ''[[San Francisco Opera]]'' crée ''[[Doctor Atomic]]'' du compositeur américain John Adams, un opéra qui met en scène Oppenheimer au moment de l'[[Trinity (essai atomique)|essai atomique Trinity]]{{sfn|Reibel|2008|p=257-259}}.

L'astéroïde {{nobr|[[(67085) Oppenheimer]]}} est nommé en son honneur<ref>{{lien web |langue=en
|url=http://ssd.jpl.nasa.gov/sbdb.cgi?sstr=67085+Oppenheimer 
|titre=Small-Body Database Browser 67085 Oppenheimer (2000 AG42) 
|éditeur=[[Jet Propulsion Laboratory]] 
|consulté le=27 février 2011
}}.</ref>, tout comme le cratère lunaire ''Oppenheimer''<ref>{{harvsp|Anderson|Whitaker|1982|p=54}}.</ref>.

Le {{lien|trad=J. Robert Oppenheimer Memorial Prize}} a été institué en son honneur par le ''{{lang|en|Center for Theoretical Studies}}'' de l'[[université de Miami]]. Il a été remis annuellement de 1969 à 1984<ref>{{Ouvrage |langue=en |auteur1=Claire Walter |titre=Winners, the blue ribbon encyclopedia of awards |éditeur=Facts on File Inc. |année=1982 |passage=438 |isbn=978-0-87196-386-4}}</ref>.

En 2022, [[Virginie Ollagnier]] publie ''Ils ont tué Oppenheimer'', un roman biographique consacré au physicien<ref>{{Article|langue=fr|titre=« Ils ont tué Oppenheimer », de Virginie Ollagnier : pour les beaux yeux du « père de la bombe atomique »|périodique=Le Monde.fr|date=2022-01-08|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/01/08/ils-ont-tue-oppenheimer-de-virginie-ollagnier-pour-les-beaux-yeux-du-pere-de-la-bombe-atomique_6108715_3260.html|consulté le=2022-03-22}}</ref>.

== Publications ==
[[Hans Bethe]] a rédigé la liste complète des publications scientifiques d'Oppenheimer{{sfn|Peierls|2008}}{{,}}{{sfn|Bethe|1968|p=209-218}}. La [[Bibliothèque du Congrès]] conserve {{unité|74000|documents}} de Robert Oppenheimer, lesquels peuvent être consultés par les chercheurs<ref>{{Lien web |langue=en
|url=http://hdl.loc.gov/loc.mss/eadmss.ms998007
|titre=J. Robert Oppenheimer papers, 1799-1980
|auteur=LoC
|année= 2013
|éditeur=Library of Congress
|consulté le= 21 août 2013
}} {{commentaire biblio|Correspondance, pense-bêtes, discours, conférences, écrits, ouvrages, déclarations, notes scientifiques et photographies qui proviennent principalement de la collection personnelle d'Oppenheimer alors qu'il est directeur de l’''Institute for Advanced Study'' (mais très peu sur son travail administratif). Les sujets portent sur la physique théorique, la mise au point de la bombe atomique, la relation entre le gouvernement et la science, l'énergie nucléaire, la sécurité et la loyauté envers le pays.}}</ref>.

Les deux sous-sections qui suivent contiennent des publications dues à Oppenheimer, seul ou en collaboration avec d'autres rédacteurs ; certaines d'entre elles ont paru à titre posthume.

=== Articles scientifiques ===
Cette section comporte une liste non-exhaustive d'articles scientifiques.

* {{article |langue=en
|titre=On the Quantum Theory of Vibration-Rotation Bands
|auteur1=Avec [[Ralph H. Fowler]]
|périodique= Mathematical Proceedings of the Cambridge Philosophical Society
|date=juillet 1926
|volume=23 |numéro=3
|pages=327-335
|doi=10.1017/S0305004100009221
|résumé=//journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=1732584
|id=Oppenheimer1926a
}}
* {{article |langue=en
|titre=On the Quantum Theory of the Problem of the Two Bodies
|auteur1=Avec Ralph H. Fowler
|périodique= Mathematical Proceedings of the Cambridge Philosophical Society
|date=octobre 1926
|volume=23 |numéro=4
|pages=422-431
|doi=10.1017/S0305004100015255
|résumé=//journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=2024144
|id=Oppenheimer1926b
}}
* {{article |langue=de
|titre=Zur Quantentheorie der Molekeln
|auteur1= Avec [[Max Born]]
|périodique= [[Annalen der Physik]]
|volume=389 |numéro=20
|pages=457-484
|date=1927
|doi=10.1002/andp.19273892002
|résumé=http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/andp.19273892002/abstract
|lire en ligne=http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/andp.19273892002/pdf |format électronique=Pdf
}} {{commentaire biblio|Article traduit en anglais et hébergé sur le site de l'[[université de Bristol]] : [http://www.chm.bris.ac.uk/pt/manby/papers/bornop.pdf ''On the Quantum Theory of Molecules''] {{Pdf}}.}}
* {{article |langue=de
|titre=Zur Quantentheorie kontinuierlicher Spektren
|périodique= [[The European Physical Journal|Zeitschrift für Physik]]
|date= 1 août 1927
|volume=41 |numéro=8-9
|doi=10.1007/BF01391242
|résumé=//link.springer.com/content/pdf/10.1007/BF01391242.pdf
}}
* {{Article |langue=en
|titre=Three Notes on the Quantum Theory of Aperiodic Effects
|périodique=[[Physical Review]]
|date=janvier 1928
|volume=31 |pages=66-81
|doi=10.1103/PhysRev.31.66
|résumé=http://prola.aps.org/abstract/PR/v31/i1/p66_1
|lire en ligne=http://www.iop.vast.ac.vn/~nhquang/Transport/p66_1.pdf
|format électronique=Pdf
}}
* {{Article |langue=en
|titre=Note on the Theory of the Interaction of Field and Matter
|périodique=Physical Review
|date=mars 1930
|volume=35 |pages=461-477
|doi=10.1103/PhysRev.35.461
|lire en ligne=http://www.iop.vast.ac.vn/~nhquang/Transport/p66_1.pdf
|format électronique=Pdf
|résumé=http://prola.aps.org/abstract/PR/v35/i5/p461_1
}}
* {{Article |langue=en
|titre=On the Theory of Electrons and Protons
|périodique=Physical Review
|date=mars 1930
|volume=35 |numéro=5 |pages=562-563
|doi=10.1103/PhysRev.35.562
|lire en ligne=http://authors.library.caltech.edu/1547/1/OPPpr30a.pdf
|format électronique=Pdf
|résumé=http://authors.library.caltech.edu/1547/
|id=Oppenheimer1930a
}}
* {{Article |langue=en
|titre=Two Notes On the Probability of Radiative Transitions
|périodique=Physical Review
|date=15 avril 1930
|volume= 35 |pages=939-947
|doi=10.1103/PhysRev.35.939
|lire en ligne=http://authors.library.caltech.edu/1546/1/OPPpr30b.pdf
|format électronique=Pdf
|résumé=http://prola.aps.org/abstract/PR/v35/i8/p939_1
|id=Oppenheimer1930b
}}
* {{Article |langue=en
|auteur1=Avec [[Paul Ehrenfest]]
|titre=Note on the Statistics of Nuclei
|périodique=Physical Review
|date=février 1931
|volume=37 |pages=333-338
|doi=10.1103/PhysRev.37.333
|résumé=http://prola.aps.org/abstract/PR/v37/i4/p333_1
}}
* {{Article |langue=en
|auteur1=Avec [[Harvey Hall]]
|titre=Relativistic Theory of the Photoelectric Effect. Part I. Theory of the K-Absorption of X-rays. Part II. Photoelectric Absorption of Ultragamma Radiation
|périodique=[[Physical Review]]
|date=mai 1931
|volume=38 |pages= 57-79
|doi=10.1103/PhysRev.38.57
|résumé=http://prola.aps.org/abstract/PR/v38/i1/p57_1
}}
* {{Article |langue=en
|titre=On the Production of the Positive Electron
|auteur1=Avec [[Milton S. Plesset]]
|périodique= Physical Review
|volume=44 |numéro=1
|passage=53-55
|date=9 juin 1933
|consulté le= 16 juillet 2013
|doi=10.1103/PhysRev.44.53.2
|url=http://authors.library.caltech.edu/1752/1/OPPpr33.pdf
|format électronique=Pdf
}}
* {{Article |langue=en
|titre=Note on the Transmutation Function for Deuterons
|auteur1=Avec [[Melba Phillips]]
|périodique= Physical Review
|volume=48 |numéro=6
|passage=500-502
|date=septembre 1935
|consulté le= 16 juillet 2013
|doi=10.1103/PhysRev.48.500
}}
* {{Article |langue=en
|titre=Note on the Nature of Cosmic-Ray Particles
|auteur1=Avec [[Robert Serber]]
|périodique= Physical Review
|volume=51 |numéro=12
|passage=1113-1113
|date= juin 1937
|consulté le= 16 juillet 2013
|doi=10.1103/PhysRev.51.1113
}}
* {{Article |langue=en
|titre=On the Stability of Stellar Neutron Cores
|auteur1=Avec Robert Serber
|périodique= Physical Review
|volume=54 |numéro=7
|passage=540-540
|date= octobre 1938
|consulté le= 16 juillet 2013
|doi=10.1103/PhysRev.54.540
}}
* {{Article |langue=en
|titre=On Massive Neutron Cores
|auteur1=Avec [[George Volkoff]]
|périodique= Physical Review
|volume=55 |numéro=4
|passage=374-381
|date= février 1939
|consulté le= 16 juillet 2013
|doi=10.1103/PhysRev.55.374
|présentation en ligne=http://prola.aps.org/abstract/PR/v55/i4/p374_1
|lire en ligne=http://www.mpia-hd.mpg.de/home/fendt/Lehre/Vorlesung_CO/1939_oppenheimer_volkoff.pdf
|format électronique=Pdf
}}
* {{Article |langue=en
|titre=On Continued Gravitational Contraction
|auteur1=Avec [[Hartland Snyder]]
|périodique= Physical Review
|volume=56 |numéro=5
|passage=455-459
|date=1er septembre 1939
|doi=10.1103/PhysRev.56.455
|présentation en ligne=http://libra.msra.cn/Publication/19921235/on-continued-gravitational-contraction
|url=http://journals.aps.org/pr/pdf/10.1103/PhysRev.56.455
|format=Pdf
}}

=== Livres ===

* {{Ouvrage|langue=en|titre=Science and the Common Understanding|lieu=New York|éditeur=[[Simon & Schuster]]|année=1954|isbn=978-0-671-63601-2|oclc=34304713|lire en ligne=//archive.org/details/scienceandthecom007308mbp}} {{commentaire biblio|En 1953, Oppenheimer a prononcé une [http://www.bbc.co.uk/programmes/p00h9lm8 série de discours] pour la [[BBC]] (''{{lang|en|Reith lectures}}''), transcrites dans ce livre.}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |titre=The Constitution of Matter |lieu=Eugene, Oregon |éditeur=Oregon State System of Higher Education |collection=Condon Lecture Publications |année=1956 }}
*
* {{Ouvrage |langue=en |titre=The Open Mind |lieu=New York |éditeur=[[Simon & Schuster]] |année=1955 |isbn=978-1-124-00953-7 |oclc=297109}}
** Traduit en français : {{Ouvrage |traducteur=H. Del Medico |titre=L'Esprit libéral |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]] NRF |collection=Hors série Connaissance |année=1957 |mois=février |jour=7 |pages totales=232 |isbn=978-2-07-024799-8}} 
*
* {{Ouvrage |langue=en |titre=The Flying Trapeze |sous-titre=Three crises for physicists |lieu=Londres |éditeur=[[Oxford University Press]] |année=1964 |oclc=592102}} {{commentaire biblio|Il s'agit de la transcription de discours prononcés par Oppenheimer à l'[[université McMaster]] (''{{lang|en|Whidden Lectures}}'') en 1962{{sfn|Wolverton|2008|p=227-228}}.}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Avec [[Isidor Isaac Rabi]] |titre=Oppenheimer |lieu=New York |éditeur=[[Éditions Scribner|Scribner]] |année=1969 |oclc=2729}} (''posthume'')
*
* {{Ouvrage |langue=en |titre=Lectures on Electrodynamics |éditeur=Gordon & Breach Science Pub |collection=Documents on Modern Physics |année=1970 |mois=juin |pages totales=174 |isbn=978-0-677-40130-0}} (''posthume'')
*
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Avec Alice Kimball Smith|auteur2=Charles Weiner|titre=Robert Oppenheimer|sous-titre=Letters and Recollections|lieu=Cambridge, Massachusetts|éditeur=[[Harvard University Press]]|année=1980|isbn=0-674-77605-4|oclc=5946652|présentation en ligne=http://www.goodreads.com/book/show/1603705.Robert_Oppenheimer}} (''posthume'')
*
* {{Ouvrage|langue=en|titre=Uncommon Sense|lieu=Cambridge, Massachusetts|éditeur=[[Birkhäuser Verlag|Birkhäuser]] Boston|année=1984|isbn=0-8176-3165-8|oclc=10458715|présentation en ligne=http://www.goodreads.com/book/show/3813589-uncommon-sense}} (''posthume'')
** Traduit en français : {{Ouvrage |traducteur=Albert Colnat |titre=La Science et le bon sens |lieu=Paris |éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]] |collection=NRF Idées |année=1972 |pages totales=200 |isbn=2-7605-1243-6}}{{Commentaire biblio|[http://gonic.lyon.free.fr/science_et_bon_sens.html Extraits en ligne]}} 
*
* {{Ouvrage|langue=en|titre=Atom and Void|sous-titre=Essays on Science and Community|lieu=Princeton, New Jersey|éditeur=[[Princeton University Press]]|année=1989|isbn=0-691-08547-1|oclc=19981106}} (''posthume'')

== Notes et références ==
=== Différences ===
{{Références|groupe=diff}}

=== Citations originales ===
{{Références|groupe=trad}}

=== Notes ===
{{Références|groupe=note}}

=== Références ===
{{Traduction/Référence|lang1=en|art1=Katherine Oppenheimer|type=note}}
; Articles scientifiques
<references group=article />

; Fondation Nobel
<references group=nobel />

; Michel Rival, ''Robert Oppenheimer'', 1995
<references group=Rival />

; Kai Bird et Martin J. Sherwin, ''American Prometheus'', 2006
<references group=BS />

; Divers
<references />

== Annexes ==
{{Autres projets
|commons=Category:J. Robert Oppenheimer
|wikiquote=Robert Oppenheimer
}}

=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Leif E. |nom1=Anderson |prénom2=Ewen A. |nom2=Whitaker |titre=NASA Catalogue of Lunar Nomenclature |lieu=Springfield, Virginie |éditeur=[[National Aeronautics and Space Administration]] |année=1982 |isbn= |oclc=9424347 |lire en ligne=http://planet4589.org/astro/lunar/RP-1097.pdf |format électronique=Pdf |plume=oui}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Jeremy |nom1=Bernstein |lien auteur1=Jeremy Bernstein |titre=Oppenheimer |sous-titre=Portrait of an Enigma |éditeur=Ivan R. Dee |année=2005 |mois=août |jour=4 |pages totales=223 |isbn=978-1-56663-666-7 |présentation en ligne=//books.google.ca/books/about/Oppenheimer.html?id=kajvAAAAMAAJ&redir_esc=y |plume=oui}}
*
* {{Article |langue=en
|prénom1=H. A. |nom1=Bethe |lien auteur1=Hans Bethe
|titre=J. Robert Oppenheimer
|périodique=Biographical Memoirs of Fellows of the Royal Society
|volume=14 
|année=1968
|pages=391-416
|url=http://www.nasonline.org/publications/biographical-memoirs/memoir-pdfs/oppenheimer-j-robert.pdf
|format électronique=Pdf
|plume=oui
}}
* {{Ouvrage | langue=en | prénom1=Kai | nom1=Bird | lien auteur1=Kai Bird | prénom2=Martin J. | nom2=Sherwin | lien auteur2=Martin J. Sherwin | titre=[[Robert Oppenheimer : Triomphe et tragédie d'un génie|American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer]] | éditeur=Vintage Books | année=2006 | mois=avril | jour=11 | année première édition=2005 | pages totales=784 | isbn=978-0-375-72626-2 | présentation en ligne=http://www.americanprometheus.org/ | plume=oui}} 
** Autre version :{{Ouvrage | langue=en | prénom1=Kai | nom1=Bird | prénom2=Martin J. | nom2=Sherwin | titre=[[American Prometheus]]: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer | éditeur=[[Alfred A. Knopf|Knopf]] | année=2005 | pages totales=736 | isbn=978-0-375-41202-8 | oclc=56753298}}.
** Traduction en français : {{ouvrage|auteur1=[[Kai Bird]]|auteur2=[[Martin J. Sherwin]]|titre=Robert Oppenheimer|sous-titre=Triomphe et tragédie d'un génie|titre original=[[American Prometheus|American Prometheus: The Triumph and Tragedy of J. Robert Oppenheimer]]|lieu=Paris|éditeur=[[Le Cherche midi]]|année=2023|pages totales=899|isbn=978-2-7491-7626-0}}
*: {{commentaire biblio|Pour la rédaction d’''[[American Prometheus]]'', [[Martin J. Sherwin]] a interviewé des centaines de personnes et recueilli des documents {{harv|Bird|Sherwin|2006|p=594-599}}. Il a déposé [http://hdl.loc.gov/loc.mss/eadmss.ms011004 son fonds de {{unité|26000|documents}} à la Bibliothèque du Congrès], que le public peut consulter.}} {{commentaire biblio|Pour cet ouvrage, les auteurs ont reçu (1) le ''{{lang|en|[[National Book Critics Circle Award]]}}'' pour une biographie en 2005 [http://bookcritics.org/awards/past_awards], (2) le [[prix Pulitzer de la biographie ou de l'autobiographie]] en 2006 [http://www.pulitzer.org/citation/2006-Biography-or-Autobiography] et (3) le ''{{lang|en|[[Duff Cooper Prize]]}}'' pour « un essai en histoire, en sciences politiques ou une biographie » en 2008 [http://www.theduffcooperprize.org/past-duff-cooper-prize-winners].}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=David |nom1=Cassidy |lien auteur1=David C. Cassidy |titre=J. Robert Oppenheimer and the American Century |lieu=New York |éditeur=Pi Press |année=2005 |pages totales=462 |isbn=0-13-147996-2 |oclc=56503198 |plume=oui}}
*
*{{chapitre
|prénom1=Michelangelo |nom1=De Maria
|titre chapitre=L'Affaire Oppenheimer
|titre ouvrage=Fermi, un physicien dans la tourmente
|numéro dans collection=6
|collection=Les génies de la science
|année=2001
|présentation en ligne=http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/e/espace-numerique-detail.php?art_id=32097&num=6
|lire en ligne=http://wanda.sarima.fr/sls/pdf/Presse/PLS/Genies/Fermi/006_090_097.pdf
|consulté le=3 avril 2015
|format électronique=Pdf
|plume=oui
}} {{commentaire biblio|Publié aussi dans : {{chapitre
|prénom1=Michelangelo |nom1=De Maria
|titre chapitre =L’Affaire Oppenheimer
|titre ouvrage=Fermi, un physicien dans la tourmente
|éditeur=Pour la science
|collection=Les Génies de la science
|volume=4
|année=2002
|isbn=9782842450496
|présentation en ligne=//books.google.fr/books?id=ObsWAQAAMAAJ
}}.}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Freeman |nom1=Dyson |lien auteur1=Freeman Dyson |titre=The Scientist as Rebel |éditeur=[[The New York Review of Books]] |année=2006 |mois=novembre |jour=14 |pages totales=400 |isbn=978-1-59017-216-2 |présentation en ligne=//www.goodreads.com/book/show/51431.The_Scientist_as_Rebel |plume=oui}}
*
* {{article |langue=en
|url=http://www.nybooks.com/articles/archives/2013/aug/15/oppenheimer-shape-genius/
|nom1= Dyson |prénom1= Freeman |lien auteur1=Freeman Dyson
|titre=Oppenheimer: The Shape of Genius
|périodique= [[The New York Review of Books]]
|jour= 15 |mois= août |année= 2013
|consulté le= 31 juillet 2013
}} {{plume}} {{FCR}}
* {{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Bernard Fernandez|titre=De l'atome au noyau|sous-titre=Une approche historique de la physique atomique et de la physique nucléaire|éditeur=[[Éditions Ellipses|Ellipses]]|année=2006|pages totales=597|isbn=978-2-7298-2784-7|plume=oui}}
* 
* {{ouvrage |langue=en 
|auteur1=Leslie Groves |lien auteur1=Leslie Groves 
|titre=Now it Can be Told: The Story of the Manhattan Project 
|lieu=New York |éditeur=Harper & Row 
|année=1962 
|isbn=0-306-70738-1 |oclc=537684 
|plume=oui}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Richard G. |nom1=Hewlett |prénom2=Francis |nom2=Duncan |titre=Atomic Shield, 1947–1952 : A History of the United States Atomic Energy Commission |volume=II |lieu=University Park, Pennsylvanie |éditeur=Pennsylvania State University Press |année=1969 |pages totales=800 |isbn=978-0-271-00103-6 |présentation en ligne=http://www.psupress.org/books/titles/0-271-00103-8.html |plume=oui}}
*
* {{chapitre |langue=en
|nom1=Hollinger |prénom1=David A. 
|titre chapitre=§Afterward 
|auteurs ouvrage=Cathryn Carson et David A. Hollinger
|titre=Reappraising Oppenheimer: Centennial Studies and Reflections
|lieu=Berkeley, California
|année=2005
|isbn=0-9672617-3-2
|éditeur=Office for History of Science and Technology, Univ. of California
|oclc=64385611
}}
* {{chapitre | langue = en 
|nom1=Hufbauer |prénom1=Karl 
|titre chapitre=J. Robert Oppenheimer's Path to Black Holes 
|auteurs ouvrage=Cathryn Carson et David A. Hollinger 
|titre ouvrage=Reappraising Oppenheimer: Centennial Studies and Reflections
|éditeur=Office for History of Science and Technology, Univ. of California |lieu=Berkeley, Californie
|année=2005
|passage=31-47 
|pages totales=413
|collection=Berkeley Papers in History of Science
|volume=21 
|isbn=0-9672617-3-2
|oclc=64385611
|présentation en ligne=http://cstms.berkeley.edu/archive/oppenheimer/oppenheimer.html
}}
* {{Ouvrage | langue=en | prénom1=James W. | nom1=Kunekta | titre=Oppenheimer | sous-titre=The Years of Risk | lieu=Englewood Cliffs, N.J. | éditeur=[[Prentice Hall]] | année=1982 | mois=octobre | pages totales=292 | isbn=978-0-13-638007-8 | plume=oui}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Ray |nom1=Monk |titre=Robert Oppenheimer |sous-titre=A Life Inside the Center |éditeur=[[Random House]] |année=2013 |mois=mai |jour=14 |pages totales=848 |isbn=978-0-385-50407-2 |présentation en ligne=//www.amazon.ca/Robert-Oppenheimer-His-Life-Mind/dp/0385504071/ref=sr_1_cc_1?s=aps&ie=UTF8&qid=1375319872&sr=1-1-catcorr&keywords=Robert+Oppenheimer%3A+A+Life+Inside+the+Center}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Abraham |nom1=Pais |lien auteur1=Abraham Pais |préface=[[Roger Penrose]] |titre=Subtle is the Lord |sous-titre=The Science and the Life of Albert Einstein |éditeur=[[Oxford University Press]] |année=2005 |mois=novembre |jour=3 |pages totales=576 |isbn=978-0-19-280672-7 |présentation en ligne=http://www.goodreads.com/book/show/282459.Subtle_is_the_Lord |plume=oui}}
*
* {{Lien web |langue=en
|auteur1=[[Rudolf Peierls]]
|url= http://www.encyclopedia.com/topic/J_Robert_Oppenheimer.aspx 
|titre=J Robert Oppenheimer
|site=Encyclopedia.com
|date=2008
|consulté le=28 juillet 2013
|id=Peierls2008
|plume=oui
}}
* {{Ouvrage
|auteur1=Emmanuel Reibel
|titre=Faust. La musique au défi du mythe
|lieu=Paris
|éditeur=[[Fayard (maison d'édition)|Fayard]]
|collection=Les chemins de la musique
|date=2008-03-06
|pages totales=354
|isbn=978-2-213-62868-4
|plume=oui
}}
{{commentaire biblio|Lire à ce sujet : {{article|auteur=Laure Helms-Maulpoix|titre=La musique au défi du mythe : Faust|périodique=Acta fabula|volume= 10|numéro=3, Notes de lecture|année= 2009|url=http://www.fabula.org/revue/document4957.php}}}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Richard |nom1=Rhodes |lien auteur1=Richard Rhodes |titre=[[The Making of the Atomic Bomb]] |lieu=New York |éditeur=[[Simon & Schuster]] |année=1986 |pages totales=886 |isbn=0-671-44133-7 |oclc=13793436 |présentation en ligne=https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/books/98/12/06/specials/rhodes-bomb.html |plume=oui}} {{commentaire biblio|Pour cet ouvrage, l'auteur a reçu (1) le ''{{lang|en|[[National Book Award]]}}'' pour une œuvre qui n'est pas une fiction en 1987 [http://www.nationalbook.org/nba1987.html], (2) le ''{{lang|en|[[National Book Critics Circle Award]]}}'' pour une œuvre qui n'est pas une fiction en 1987 [http://bookcritics.org/awards/past_awards#1987%20Awards] et (3) le  [[prix Pulitzer de l'essai]] en 1988 [https://www.pulitzer.org/prize-winners-by-category/223].}}
*
* {{Ouvrage
|langue=fr
|auteur1=Michel Rival |lien auteur1=Michel Rival
|titre=Robert Oppenheimer
|lieu=Paris
|éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]
|collection=Grandes Biographies
|année=1995 |mois=juin
|pages totales=294
|isbn=2-08-066799-8
|présentation en ligne=//books.google.ca/books/about/Robert_Oppenheimer.html?id=QTAgAQAAIAAJ
|plume=oui
}}
* {{Ouvrage
|auteur1=[[Dominic Roy]]
|auteur2=Joceline Chabot
|auteur3=Paule Mauffette
|titre=Histoire du {{s-|XX}}. Perspectives internationales
|éditeur=Modulo
|année=2003
|ean=978-2-89113-919-9
|plume=oui
}} (manuel de [[Collège d'enseignement général et professionnel|niveau collégial québécois]])
* {{Ouvrage
| prénom1=Kip S. | nom1=Thorne | lien auteur1=Kip Thorne
| traducteur=Alain Bouquet et Jean Kaplan
| préface=[[Stephen Hawking]]
| titre=[[Trous noirs et distorsions du temps : l'héritage sulfureux d'Einstein]]
| titre original={{lang|en|Black Holes & Time Warps: Einstein's Outrageous Legacy}}
| éditeur=[[Groupe Flammarion|Flammarion]]
| collection=Champs
| année=1997
| année première édition=1994
| pages totales=654
| isbn=978-2-08-211221-5
| présentation en ligne=http://editions.flammarion.com/Albums_Detail.cfm?ID=35022
| plume=oui
}}
* {{article |langue=en
|nom1= Thorpe |prénom1=Charles
|titre=Disciplining Experts: Scientific Authority and Liberal Democracy in the Oppenheimer Case
|périodique=Social Studies of Science
|volume=32|numéro=4
|année=2002
|pages=525-562
|doi=10.1177/0306312702032004002
|plume=oui
}} {{FCR}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Charles |nom1=Thorpe |titre=Oppenheimer |sous-titre=The Tragic Intellect |lieu=Chicago |éditeur=[[University of Chicago Press]] |année=2006 |pages totales=413 |isbn=978-0-226-79845-5 |présentation en ligne=http://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/O/bo4106094.html |plume=oui}}
*
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Mark |nom1=Wolverton |lien auteur1=Mark Wolverton |titre=A Life in Twilight |sous-titre=The Final Years of J. Robert Oppenheimer |lieu=New York |éditeur=St. Martin's Press |année=2008 |pages totales=352 |isbn=978-0-312-37440-2 |isbn2=0-312-37440-2 |oclc=223882887 |présentation en ligne=http://www.logosjournal.com/mark-wolverton-a-life-in-twilight-the-final-years-of-j-robert-oppenheimer.php |plume=oui}}

; Bande dessinée
* {{Ouvrage
|langue=fr
|auteur1=[[Alcante]] |responsabilité1=scénario
|auteur2=[[Laurent-Frédéric Bollée|Bollée]] |responsabilité2=scénario
|auteur3=Rodier |lien auteur3=Denis Rodier |responsabilité3=dessin 
|titre=[[La Bombe (bande dessinée)|La Bombe]]
|lieu=Grenoble |éditeur=[[Glénat]]
|année=2020
|pages totales=472
|isbn=978-2-344-02063-0 |isbn2=2-344-02063-2 |oclc=1149551082
|présentation en ligne=https://www.bedetheque.com/BD-Bombe-Alcante-Bollee-Rodier-La-bombe-385597.html
|consulté le=2020-07-11
|plume=oui
}}{{commentaire biblio|Bande dessinée historique}}

=== Filmographie ===
* ''[[The Day After Trinity]]'' (1981), de John Else (film biographique)
* ''[[Les Maîtres de l'ombre]]'' (1989), de Roland Joffé (sur le projet Manhattan)
* ''The Trials of J. Robert Oppenheimer'' (2009), du réseau [[Public Broadcasting Service|PBS]] (film biographique)
* ''Oppenheimer''(2023), de Christopher Nolan (film biographique)

=== Articles connexes ===
* [[Iouli Khariton]], concepteur d'armes atomiques soviétiques
* [[Igor Kourtchatov]], chef du projet de la bombe atomique soviétique
* [[Équation de Tolman-Oppenheimer-Volkoff]]

=== Liens externes ===
* {{Lien web |langue=en
|url=https://web.archive.org/web/20131204154206/http://cstms.berkeley.edu/archive/oppenheimer/exhibit/
|titre=J. Robert Oppenheimer Centennial - Exhibit
|année=2013
}} {{Commentaire biblio|Exposition virtuelle de l'[[université de Californie à Berkeley]] pour souligner le centenaire de la naissance de Robert Oppenheimer.}}
* {{vidéo}} {{en}} [http://www.atomicarchive.com/Movies/Movie8.shtml ''J. Robert Oppenheimer "Now I am become death..."''] sur le site atomicarchive.com {{commentaire biblio|Oppenheimer décrit verbalement le ressenti des gens de Los Alamos à la suite de l'[[Trinity (essai atomique)|essai atomique Trinity]].}}

==== Bases de données et dictionnaires ====
{{Liens}}

{{Palette|Projet Manhattan}}
{{Portail|physique|États-Unis|éducation|Seconde Guerre mondiale|politique}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=100559395|date=26 janvier 2014}}

{{DEFAULTSORT:Oppenheimer, Robert}}
[[Catégorie:Robert Oppenheimer| ]]
[[Catégorie:Physicien nucléaire]]
[[Catégorie:Physicien américain du XXe siècle]]
[[Catégorie:Histoire du nucléaire]]
[[Catégorie:Personnalité du projet Manhattan]]
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[[Catégorie:Professeur à l'université de Californie à Berkeley]]
[[Catégorie:Professeur au California Institute of Technology]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université Harvard]]
[[Catégorie:Étudiant de Christ's College]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université de Cambridge]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université de Göttingen]]
[[Catégorie:Docteur honoris causa de l'université de Calcutta]]
[[Catégorie:Docteur honoris causa de l'université de Princeton]]
[[Catégorie:Lauréat du prix des trois physiciens]]
[[Catégorie:Membre de la Royal Society]]
[[Catégorie:Membre de la Société américaine de philosophie]]
[[Catégorie:Éponyme d'un objet céleste]]
[[Catégorie:Chevalier de la Légion d'honneur décoré en 1958]]
[[Catégorie:Victime du maccarthysme]]
[[Catégorie:Naissance en avril 1904]]
[[Catégorie:Naissance à New York]]
[[Catégorie:Décès en février 1967]]
[[Catégorie:Décès à Princeton (New Jersey)]]
[[Catégorie:Décès à 62 ans]]
[[Catégorie:Sépulture en mer]]
[[Catégorie:Mort d'un cancer de la gorge]]
[[Catégorie:Mort d'un cancer aux États-Unis]]
[[Catégorie:Personnalité américaine incinérée]]