Voir la source de Safran (épice)

{{En-tête label|BA|année=2007}}
{{Voir homonymes|Safran}}
{{Infobox Épice
| nom = Safran
| autres noms = 
| image =Épice de safran - produit en France.jpg
| légende = Stigmates de safran séchés.
| sections = oui
| espèce = ''[[Crocus sativus]]''
| famille = ''[[Iridaceae]]''
| partie utilisée = [[Stigmate (botanique)|Stigmates]]
| origine = [[Grèce]]
| odeur = piquante, fleurie, boisée, notes métalliques, anisées et camphrées
| saveur = épicée, chaude, légèrement amère
| utilisations = [[tahtchine]], [[bouillabaisse]], [[paella]], [[tajine]], [[risotto]]
| gastronomie = [[Cuisine iranienne]], [[Cuisine méditerranéenne]], [[Cuisine arabe|arabe]], [[Cuisine indienne|indienne]], d'Asie centrale
| composé =
| propriétés =
| iso = 3632:-1
| codex = HS 3380
| producteur1 = Iran
| producteur2 = Afghanistan
| producteur3 = Espagne
}}

Le '''safran''' est un [[Agriculture|produit agricole]] classé dans la famille des [[épice]]s. Il est obtenu par la [[Plante cultivée|culture]] de ''[[Crocus sativus]]'' L. ([[Iridacée]]) et par prélèvement et déshydratation des trois [[stigmate (botanique)|stigmates]] rouges (extrémités [[wikt:distal|distales]] des [[carpelle]]s de la plante), dont la longueur varie généralement entre {{unité|2,5|à=3.2|cm}}<ref name="Lachaud" />.

Le [[Pistil|style]] et les stigmates sont souvent utilisés en [[cuisine]], comme assaisonnement ou comme agent colorant<ref name=":0" />. Le safran, appelé parfois {{citation|or rouge}}, est l'épice la plus laborieuse à produire au monde et donc de haute valeur<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Santha Rama Rau|titre=The Cooking of India|éditeur= Time Life Education |année=1969 |passage= p.53|isbn=0-8094-0069-3}}.</ref>{{,}}<ref name="hill1">{{Ouvrage|langue= en|auteur1=T. Hill|titre= The Contemporary Encyclopedia of Herbs and Spices: Seasonings for the Global Kitchen|éditeur=Nathan Wiley|année=2004 |passage=p.272 |isbn=0-471-21423-X}}.</ref>{{,}}<ref name="rep">{{lien brisé|url=http://www.le-republicain.fr/actualites-en-essonne/vie-pratique/restaurant/item/5064-villeneuve-sur-auvers-rencontre-avec-catherine-hardy-le-safran-lor-rouge-du-gatinais?format=pdf |titre=''Gastronomie''}}, dans le-republicain.fr. Article sur le relancement d'une plantation de safran à [[Villeneuve-sur-Auvers]], dans le [[Gâtinais]].</ref>. Il est originaire de [[Crète]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jean Guillaume|titre=Ils ont domestiqué plantes et animaux|sous-titre=Prélude à la civilisation|lieu=Versailles|éditeur=[[Éditions Quæ]]|année=2010|pages totales=456|isbn=978-2-7592-0892-0|lire en ligne=https://books.google.kz/books?id=a_AkLoVGPwEC&printsec=frontcover|titre chapitre=Annexes}}.</ref>, puis s'est répandu au [[Moyen-Orient]]<ref name="hill1" />{{,}}<ref name="Grigg">{{en}} D. B. Grigg, ''The Agricultural Systems of the World'', Cambridge University Press, 1974, {{p.|287}} {{ISBN|0-521-09843-2}}.</ref>. Il a été cultivé pour la première fois dans les provinces [[grèce|grecques]]<ref name="McGee1">{{Ouvrage|langue=en |auteur1= H. McGee|titre=On Food and Cooking: The Science and Lore of the Kitchen |éditeur=Scribner |année=2004 |passage=p.422 |isbn=0-684-80001-2 |lire en ligne=https://books.google.com/books?ie=UTF-8&hl=en&id=iX05JaZXRz0C }}.</ref>, par la [[civilisation minoenne]], il y a plus de 35 siècles.

Le safran est caractérisé par un [[goût]] amer et un parfum proche de l'[[iodoforme]] ou du [[foin]], causé par la [[picrocrocine]] et le [[safranal]]{{sfn|McGee|2004|p=423}}{{,}}<ref name="Katzer1">{{en}} G. Katzer, [http://gernot-katzers-spice-pages.com/engl/Croc_sat.html “Saffron (Crocus sativus L.)”], ''Gernot Katzer's Spice Pages'', 2010.</ref>. Il contient également un [[caroténoïde]], la [[crocine]], qui donne une couleur jaune-or aux plats contenant du safran. Ces caractéristiques font du safran un condiment fortement prisé pour de nombreuses spécialités culinaires dans le monde entier, notamment dans la [[cuisine iranienne]]. Le safran possède également des [[Plante médicinale|applications médicales]].

== Étymologie ==
Le mot « safran » est un [[Emprunt lexical|emprunt]] au [[latin médiéval]] ''safranum'', aussi ancêtre du [[portugais]] ''açafrão'', de l'[[italien]] ''zafferano'' et de l'[[espagnol]] ''azafrán''<ref>{{Lien web|langue= en|auteur=D. Harper|titre= Saffron|url=http://www.etymonline.com/index.php?search=saffron&searchmode=none |date=2001 |site=Online Etymology Dictionary }}.</ref>, issu de l’[[arabe]] ''zaʿfarān'' (زَعْفَرَان), « safran, crocus à safran », peut-être croisé avec ''aṣfar'' (أَصْفَر), « jaune »<ref name="Katzer1" />, lui-même du [[persan]] zarparān (''zar-parân'' زرپران), proprement « à plumes dorées », composé de ''zar'' (زر), « or » et ''par'' (پر), « plume »<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur1= Asya Asbaghi|titre=Persische Lehnwörter im Arabischen |lieu= Wiesbaden|éditeur= O. Harrassowitz|année=1988}}.</ref>.

== Botanique ==
''{{article détaillé|Crocus sativus}}''
{| cellpadding="4" border="0" style="float: left; margin: 0em 1em 1em 0em; width: 125px; border: 1px #bbbbbb solid; border-collapse: collapse; font-size: 85%;"
|- bgcolor=lightgreen
| colspan="2" align="center" | '''Morphologie de ''Crocus Sativus'''''
|- style="background:#FFFFFF; color:#111111;" align="center"
| colspan="2" | [[Image:Crocus sativus - Köhler–s Medizinal-Pflanzen-194.jpg|center|200px|''Crocus sativus'' illustration botanique du ''Kohler's Medicinal Plants'' (1887).]]
|- bgcolor=#eeffee
| style="width:10px; height:10px; background:#ff4619;" | || &nbsp;→&nbsp; [[Stigmate_(botanique)|Stigmates]] (extrémités du [[pistil]]).
|- bgcolor=#eeffee
| style="width:10px; height:5px; background:#f3df5a;" | || &nbsp;→&nbsp; [[Étamine]]s (organes mâles).
|- bgcolor=#eeffee 
| style="width:10px; height:10px; background:#f7c9af;" | || &nbsp;→&nbsp; [[Corolle]] (ensemble des [[tépale]]s).
|- bgcolor=#eeffee
| style="width:10px; height:10px; background:#bd9655;" | || &nbsp;→&nbsp; [[Corme_(bulbe)|Corme]] (organe de réserve).
|}

Le [[crocus]] domestique ''C. sativus'' L. est une [[plante vivace]] à [[floraison]] [[automne|automnale]], inexistante à l'état sauvage. Il appartient à la section « Crocus », série « Crocus » du genre, dans laquelle série se trouvent {{nb|3 groupes}} de crocus à safran ({{nb|9 espèces}})<ref name="Lachaud" />.

Le mot « crocus » est la transcription latine du [[grec ancien]] {{grec ancien|κρόκος|krókos}} qui signifie exactement « safran » depuis l'Antiquité<ref>Chez [[Eschyle]] (''[[Orestie|Agamemnon]]'' 230) et [[Sophocle]] (''[[Œdipe à Colone]]'' 685) par exemple : {{lien web |auteur=Anatole Bailly ; 2020 : Hugo Chávez, Gérard Gréco, André Charbonnet, Mark De Wilde, Bernard Maréchal & contributeurs|titre=κρόκος |date=2020 |url=https://bailly.app/krokos |site=bailly.app |consulté le=20 mai 2023}}.</ref> et désignait à l’origine les [[Stigmate (botanique)|stigmate]]s de la plante{{sfn|Boisvert et Aucante 1993|p=16|id=cb}}. Selon les recherches botaniques, le safran serait originaire de [[Crète]], et non d'[[Asie centrale]], comme on le croyait autrefois<ref name="Katzer1" />. Le ''Crocus sativus'' résulterait d'une sélection intensive de ''[[Crocus cartwrightianus]]'', un [[crocus]] à [[floraison]] [[automne|automnale]], originaire de l'est de la [[Méditerranée]]<ref name="Deo1">{{Ouvrage|langue=en|auteur1= B. Deo|titre=Growing Saffron: The World's Most Expensive Spice |éditeur=New Zealand Institute for Crop & Food Research|année=2003|volume=20|passage=p.1|lire en ligne=http://www.crop.cri.nz/home/products-services/publications/broadsheets/020Saffron.pdf }}.</ref> par les producteurs, qui désiraient de plus longs stigmates.

La relation phylogénétique entre ''Crocus sativus'' (un [[Ploïdie|triploïde]] stérile) et ''Crocus cartwrightianus'' ([[Ploïdie|diploïde]]) est évidente. Il n'est cependant pas formellement établi si d'autres espèces ont participé à d'anciennes hybridations qui ont abouti au ''Crocus sativus''. L'analyse de l'[[Acide désoxyribonucléique|ADN]] nucléaire de ''Crocus sativus'' confirme que ''Crocus cartwrightianus'' est l'ancêtre le plus vraisemblable du safran. D'autres espèces apparentées, notamment ''Crocus thomasii'' et ''Crocus pallasii'', sont cependant aussi des ancêtres potentiels. Le safran a un pollen stérile, mais s'il est pollinisé par ''Crocus cartwrightianus'' ou ''Crocus thomasii'', il produira des graines<ref name="cap-20043176395" />{{,}}<ref name="actahorn-650_1" />. Comme les [[fleur]]s du safran ne produisent pas de [[graine]]s viables, la plante est dépendante de l'homme pour sa reproduction.

Les [[Corme_(bulbe)|cormes]] du ''Crocus sativus'' sont de petits globules bruns, d'environ {{unité|4.5|cm}} de diamètre, enveloppés dans une natte dense de fibres parallèles. Les cormes, qui ne survivent qu'une saison, doivent être divisés manuellement et cassés, puis replantés. Ils fourniront ainsi jusqu'à dix [[caïeu]]x, qui produiront de nouvelles plantes<ref name="Deo1" />.
[[Image:Colchicum autumnale Luc Viatour.jpg|vignette|Le [[colchique d'automne]] (''Colchicum autumnale''), une fleur ressemblante, mais quant à elle toxique.]]

Après une période de repos en été, appelée [[estivation]], cinq à onze fines feuilles vertes verticales, pouvant atteindre jusqu'à {{unité|40|cm}} de long, émergent du sol. En [[automne]], des [[Bourgeon (botanique)|bourgeons]] [[pourpre]]s apparaissent. C'est seulement en [[octobre]], après que la plupart des autres plantes à fleurs ont relâché leurs graines, que ''Crocus sativus'' développe ses fleurs colorées, allant d'un léger [[Lilas (couleur)|lilas]] pastel à un [[Mauve (couleur)|mauve]] plus foncé et strié{{sfn|Willard|2001|p=3|loc=|id=}}. Durant la [[floraison]], le safran mesure un peu moins de {{unité|30|cm}} de haut<ref>{{en}} DPIWE, [http://www.dpiwe.tas.gov.au/inter.nsf/WebPages/EGIL-5K63X8?open#Saffron “Emerging and Other Fruit and Floriculture: Saffron”], ''Food & Agriculture'', 2005.</ref>. Dans chaque fleur, on trouve un style présentant trois fourches, chacune se terminant par un [[Stigmates|stigmate]] cramoisi de {{unité|25|à=30|mm}} de long<ref name="Deo1" />.

La fleur ressemble beaucoup à une plante non apparentée, le [[colchique d'automne]]. Celui-ci, également [[violet]], est une plante toxique qui contient un [[poison]] dangereux, la [[colchicine]], un [[mitose|antimitotique]] utilisé dans le traitement de la [[Goutte (maladie)|goutte]].

== Culture ==
''Crocus sativus'' prospère dans les climats semblables à celui des [[maquis (botanique)|maquis]] [[méditerranée]]ns ou du [[chaparral]] [[Amérique du Nord|nord-américain]], où les brises sèches et chaudes d'été soufflent au-dessus de terres semi-arides, voire arides. Néanmoins, la plante peut tolérer des hivers rigoureux, survivant sans problème dans des régions où la température hivernale descend couramment à {{unité|-10|°C}} et les feuilles supportent de courtes périodes sous la [[neige]]{{sfn|Willard|2001|p=2-3}}{{,}}<ref name="Deo1" />. De même, s'il ne pousse pas dans un environnement humide, comme au [[Cachemire]], où les précipitations atteignent {{unité|1000|à=1500|mm}} par an, le safran nécessite d'être [[irrigation|irrigué]]. C'est particulièrement vrai en [[Grèce]] ({{nombre|500|mm}} par an) et en [[Espagne]] ({{nombre|400|mm}} par an).

La fréquence des précipitations est également un élément clé : des pluies [[printemps|printanières]] généreuses, suivies d'[[été]]s plutôt secs, sont idéales. De plus, les précipitations tout juste antérieures à la [[floraison]] augmentent les productions de safran ; néanmoins, les temps froids ou pluvieux durant la floraison favorisent les maladies, réduisant ainsi la production. Un climat constamment humide et chaud nuit également aux rendements{{sfn|Deo|2003|p=2}}.

{| cellpadding="1" border="0" style="float: right; margin: 0em 1em 1em 0em; width: 213px; border: 1px #bbbbbb solid; border-collapse: collapse; font-size: 85%;"
|- align="center" bgcolor=lightgreen
| colspan="2" | '''Production de ''Crocus sativus''<sup>[*]</sup>'''
|- align="center" bgcolor=#eeffee
| Pays || Production ([[kilogramme|kg]]/[[hectare|ha]])
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[Espagne]]||6–29 
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[Italie]]||10–16
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[Grèce]]||4–7
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[Inde]]||2–7
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[Maroc]]||2.0–2.5
|- align="center" bgcolor=#eeffee
| colspan="2" | ''Source: Deo (2003), {{p.|3}}{{sfn|Deo|2003|p=3}}''
|- align="center" bgcolor=#eeffee
| colspan="2" | [*]—Les masses concernent les fleurs récoltées, non les masses de safran sec obtenu.
|}
[[Image:Crocus sativus1.jpg|vignette|left|Safrans en fleurs dans un jardin dans la [[préfecture d'Ōsaka]] (大阪府), [[Kansai]], [[Honshū]] ([[Japon]]).]]
Le safran pousse idéalement s'il est exposé directement à la lumière du Soleil, et s'accommode mal à l'ombre. Ainsi, les meilleurs rendements sont obtenus pour les plantations exposées face au Soleil (par exemple vers le sud dans l'[[hémisphère nord]]), maximisant l'exposition à la lumière. Dans l'hémisphère nord, la plantation a souvent lieu en juin, les [[Corme_(bulbe)|cormes]] étant enterrés entre {{unité|7|et=15|cm}} de profondeur. La profondeur et l'espacement, en corrélation avec le [[climat]], sont deux facteurs critiques ayant un impact sur le rendement des plantes.

Ainsi, les cormes plantés les plus profondément fournissent un safran de plus haute qualité, bien qu'ils produisent moins de bourgeons et de cormes fils. Sachant cela, les producteurs italiens ont déduit qu'une profondeur de {{unité|15|cm}} et un espacement de {{unité|2|à=3|cm}} entre les cormes favorisent le rendement en stigmates, tandis que les profondeurs de {{unité|8|à=10|cm}} optimisent la production de [[fleur]]s et de cormes. Les producteurs [[Grèce|grecs]], [[maroc]]ains et [[Espagne|espagnols]] ont adapté la profondeur et l'espacement des plantations en fonction de leur propre climat{{sfn|Deo|2003|p=2}}.

Le safran préfère les [[Sol argilo-calcaire|sols argilo-calcaires]] friables, lâches, à basse densité, bien arrosés et drainés, ainsi qu'une forte teneur en matière organique. Cependant, comme n'importe quel crocus de jardin, il s’accommode aussi des sols légèrement acides, supportant sans difficulté jusqu'à un [[Potentiel hydrogène|pH]] de 6<ref name="Lachaud">{{Ouvrage|auteur1= C. M. Lachaud|titre=La Bible du safranier. Tout savoir sur le'' Crocus sativus ''et sur le safran |éditeur=Lachaud  |année=2012 |pages totales=258 |isbn= 978-2-7466-4412-0|lire en ligne=http://saffron-crocuses.com/Safran/fr/livres-safran/9-la-bible-du-safranier.html }}.</ref>. On utilise traditionnellement des parterres surélevés pour favoriser un bon drainage. D'un point de vue historique, les sols étaient enrichis par l'application de près de {{unité|20|à=30|tonnes}} d'[[engrais organiques]] par [[hectare]] de terres. Après quoi, et sans ajout supplémentaire d'[[Amendement (agriculture)|amendement]], les [[Corme_(bulbe)|cormes]] étaient plantés{{sfn|Deo|2003|p=3}}.

Après une période de [[estivation|dormance]] durant l'[[été]], les cormes envoient leurs feuilles étroites et commencent à [[Bourgeon (botanique)|bourgeonner]] dès le début de l'[[automne]]. Mais c'est seulement au milieu de celui-ci que la plante commence à fleurir. La [[moisson (agriculture)|moisson]] des [[fleur]]s doit être très rapide : après leur floraison à l'aube, les fleurs fanent rapidement durant la journée{{sfn|Willard|2001|p=3-4}}. En outre, le safran fleurit dans une étroite fenêtre d'une à deux semaines{{sfn|Willard|2001|p=4}}. Il faut approximativement {{nombre|150|fleurs}} pour obtenir {{unité|1|g}} de safran sec. Pour produire {{unité|12|g}} de safran séché ({{unité|72|g}} avant séchage), il faut près de {{unité|1|kg}} de fleurs. En moyenne, une fleur fraîchement coupée fournit {{unité|0.03|g}} de safran frais, ou {{unité|0.007|g}} de safran sec{{sfn|Deo|2003|p=3}}.

=== Parasites et maladies ===
De nombreux ravageurs (mammifères, insectes, [[acarien]]s, vers, et mollusques) et agents infectieux (champignons, bactéries, virus) sont susceptibles d'affecter le crocus à safran<ref name="Lachaud" />. Parmi les ravageurs, on trouve entre autres le [[campagnol]], le sanglier, les [[taupin (insecte)|taupin]]s, la larve du [[hanneton]], ainsi que les [[limace]]s et les [[escargot]]s<ref name="Lachaud" />. Parmi les maladies fongiques, la [[pourriture grise]] (causée par les champignons du genre ''[[Botrytis]]''), la fusariose vasculaire (''[[Fusarium oxysporum]]''), la moisissure verte (''[[Penicillium]]''), la pourriture des racines (''[[Pythium]]''), la pourriture violette (''[[Rhizoctonia]]''), la pourriture cotonneuse (''[[Athelia]]''), et la pourriture sèche (''[[Stromatinia]]''), sont les plus fréquentes<ref name="Lachaud" />. Les [[Parasite (biologie)|parasites]] comme les [[nématode]]s, la [[Rouille (maladie)|rouille]] des feuilles et le pourrissement du [[Corme_(bulbe)|corme]] peuvent également poser problème{{sfn|Deo|2003|p=3}}.

Mais les ennemis les plus redoutables pour le safran sont certainement les rongeurs. Les campagnols exploitent les galeries creusées par les [[taupe]]s (qui ne nuisent pas à la culture) et dévorent les cormes. Une production entière peut être anéantie par ces rongeurs qui sont d'une voracité redoutable. Il est de plus difficile, voire inefficace, d'intervenir en curatif. Pour éviter toute attaque, il est important de planter la safranière loin du potager si celui-ci est affecté. De plus, il est utile de labourer autour de la parcelle car cela détruit les éventuelles galeries. Enfin, planter des bulbeuses répulsives autour de la safranière, telles que le [[narcissus|narcisse]], peut s'avérer utile pour freiner l'arrivée du ravageur.

== Cultivars ==
[[Image:Iran saffron threads.jpg|vignette|Safran [[iran]]ien.]]
[[Image:Safran-Weinviertel Niederreiter 2 Gramm 8285.jpg|vignette|Safran de première qualité en Autriche.]]
Plusieurs [[cultivar]]s du safran sont cultivés dans le monde. En [[Europe]], au moins 3 souches existeraient, se distinguant sur la base de critères morphologiques<ref name="Lachaud" />. Les variétés [[Espagne|espagnoles]], incluant les noms commerciaux Spanish Superior et Creme, sont évaluées par des normes gouvernementales et présentent généralement une couleur, un arôme et un parfum plus doux. Les variétés italiennes sont plus puissantes, alors que les variétés les plus intenses sont originaires de [[Macédoine grecque]], d'[[Iran]] ou d'[[Inde]]. Près de [[Kozani]], en Grèce, la culture du safran occupe plusieurs centaines d’hectares{{sfn|Boisvert et Aucante 1993|p=16|id=cb}}. Les Occidentaux doivent faire face à d'importants obstacles pour obtenir du safran indien, le pays ayant en effet interdit l'exportation des safrans de meilleure qualité. Hormis ces dernières, d'autres variétés commerciales sont disponibles, provenant de [[Nouvelle-Zélande]], de [[France]], de [[Suisse]], d'[[Angleterre]], des [[États-Unis]], ou d'autres pays. Aux États-Unis, le Pennsylvania Dutch Saffron, connu pour ses notes terreuses, est vendu en petite quantité{{sfn|Willard|2001|p=143}}{{,}}{{sfn|Willard|2001|p=201}}.

Les consommateurs considèrent certains cultivars comme de qualité « supérieure ». Le {{lien|langue=it|trad=Zafferano_dell'Aquila|fr=safran de l'Aquila}} (''zafferano dell'Aquila'') {{incise|présentant une concentration élevée en [[safranal]] et en [[crocine]], une forme particulière, un arôme exceptionnellement piquant et une couleur intense}} est cultivé exclusivement sur huit [[hectare]]s de la vallée de [[Navelli]] dans la région italienne des [[Abruzzes]], près de [[L'Aquila]]. Il a été introduit pour la première fois en [[Italie]] au {{s-|XIII}} par Domenico Santucci, un moine [[Ordre des Prêcheurs|dominicain]] membre de l'[[Inquisition]]<ref>{{lien web|langue=it |titre=Storia della zafferano |url=http://www.zafferanodop.it/storia-zafferano.asp?lang=it |site=zafferanodop.it - Consorzio per la Tutela dello Zafferano dell'Aquila |consulté le=17/10/2023}}</ref>. Mais, en Italie, la plus grande exploitation agricole dévolue au safran, par la quantité et la qualité, se trouve à [[San Gavino Monreale]] en [[Sardaigne]]. Le safran y est cultivé sur {{unité|40|hectares}}, représentant près de 60 % de la production italienne ; il contient également d'importantes concentrations en crocine, en [[picrocrocine]] et en safranal. Les variétés Mongra ou Lacha du [[Cachemire]] (''Crocus sativus 'Cashmirianus''') sont de loin les plus difficiles à obtenir. Les sécheresses répétées, la [[Rouille (maladie)|rouille]] et les mauvaises récoltes au Cachemire, combinées avec une interdiction d'exportation imposée par l'Inde, contribuent à leur prix élevé. Le safran du Cachemire est reconnaissable par sa couleur marron-pourpre intense, parmi les plus foncées au monde, ce qui confère à cette variété un puissant parfum, arôme et pouvoir colorant. Enfin, des safrans au parfum subtil, le safran du [[Quercy]] cultivé depuis le {{s-|XII}} et celui de [[Mund (Valais)|Mund]] en [[Suisse]] produit depuis le {{s-|XIV|e}} dans cette région du [[canton du Valais]].

== Chimie ==
{|style="font-size: 85%;" class='infobox'
| colspan="2" align="center" style='background:#eee9bf'| '''Formation de la crocine'''
|-
| colspan="2" align="center" style='background:#ffffff'| [[Image:Crocetin safranal esterification.png|right|230px|α–crocin formation mechanism]]<br />[[Estérification|Réaction d'estérification]] entre la [[crocétine]] et le [[gentiobiose]].
|-
| style="width:15px; height:10px; background:#A6CAF0;" | || &nbsp;—&nbsp; [[Isomérie#Anomérie|β]]-[[Monosaccharide|D]]-[[gentiobiose]].
|- bgcolor=#F5F5DC
| style="width:15px; height:10px; background:#000000;" | || &nbsp;—&nbsp; [[Crocétine]].
|}
{| cellpadding="1" border="0" style="float: left; margin: 0em 1em 1em 0em; width: 213px; border: 1px #bbbbbb solid; border-collapse: collapse; font-size: 85%;"
|- align="center" bgcolor=#EEE9BF
| colspan="2" align="center" | '''Composition chimique du safran'''
|- align="center" bgcolor=#F5F5DC
| align="center" | Composant || Masse (%)
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[glucide]]s|| align="center" | 12,0–15,0
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[eau (molécule)|eau]] || align="center" | 9,0–14,0
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[peptide|polypeptides]] || align="center" | 11,0–13,0
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[cellulose]] || align="center" | 4,0–7,0
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[lipide]]s || align="center" | 3,0–8,0
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|[[Minéral|minéraux]] || align="center" | 1,0–1,5
|- align="center" bgcolor=#ffffff
|divers<br />non-[[azote|azotés]]|| align="center" | 40,0
|- align="center" bgcolor=#F5F5DC
| colspan="2" align="center" | ''Source : Dharmananda (2005)''
|}
Le safran possède une chimie très complexe avec une centaine de composés identifiés à ce jour<ref name=":0" />, et peut-être jusqu'à {{unité|150|composés}} volatils et non-volatils<ref name="abdullaev">{{Article |langue=en |prénom1=F. I. |nom1=Abdullaev |titre= Cancer chemopreventive and tumoricidal properties of saffron (Crocus sativus L.) |périodique= Experimental Biology and Medicine|volume=227 |numéro=1 |date=2002 |pages=p.1 |pmid=11788779 |lire en ligne=http://www.ebmonline.org/cgi/content/full/227/1/20 }}. </ref>. La plupart des composés aromatiques du safran dérivent de [[caroténoïde]]s<ref name=":0" />, incluant la [[zéaxanthine]], le [[lycopène]], ainsi que des α- et β-[[carotène]]s. Cependant, la couleur jaune-orange d'or du safran est principalement due à l'α-crocine. Cette crocine est un [[ester]] di-(β-D-gentiobiosyl) trans-[[crocétine]] ([[nomenclature IUPAC]] : acide 8,8-diapo-8,8-caroténoïque). Cela signifie que la [[crocine]] à l'origine de l'arôme du safran est un [[ester]] [[gentiobiose|digentiobiose]] de la [[crocétine]], un [[caroténoïde]]<ref name="abdullaev" />. Les crocines elles-mêmes sont une série de [[caroténoïde]]s [[hydrophilie|hydrophiles]], qui sont soit des [[ester]]s [[polyène]]s [[Glucide|monoglycosylés]] ou [[Glucide|diglycosylés]] de la [[crocétine]]<ref name="abdullaev" />. La [[crocétine]] est un [[polyène]] de [[diacide carboxylique]] [[Système conjugué|conjugué]] [[Hydrophobie (physique)|hydrophobe]], et donc liposoluble. L'[[estérification]] de la [[crocétine]] avec deux [[gentiobiose]]s (des [[glucide|sucres]] hydrosolubles) donne un produit hydrosoluble. L'α-crocine en résultant est un [[pigment]] [[caroténoïde]] compris à hauteur de 10 % dans la masse de safran frais. Les deux [[gentiobiose]]s [[esterification|estérifiées]] font de l'α-crocine un colorant idéal pour tous les aliments non gras basés sur l'eau, comme les plats à base de [[riz]]<ref name="McGee1" />.
{{clr}}
{| style="font-size: 85%;" class='infobox'
| colspan="2" align="center" style='background:#eee9bf'| '''Structure chimique de la [[picrocrocine]]{{sfn|Deo|2003|p=4|loc=|id=}}.'''
|- 
| colspan="2" align="center" style='background:#ffffff'| [[Image:Picrocrocin safranal highlighted.png|right|230px|Picrocrocin, with the safranal moiety shaded with saffron colour.]]<!-- à traduire ? -->
|-
| style="width:15px; height:10px; background:#F5D76C;" | || &nbsp;—&nbsp; Groupement [[safranal]].
|- 
| style="width:15px; height:10px; background:#AEAEFF;" | || &nbsp;—&nbsp; [[Isomérie#Anomérie|β]]-[[Monosaccharide|D]]-[[glucose|glucopyranose]].
|}
L'arôme amer du safran est dû à un [[hétéroside]], la [[picrocrocine]] ([[formule chimique]] : {{formule chimique|C|16|H|26|O|7}} ; [[nomenclature IUPAC]] : 4-(β-D-glucopyranosyloxy)-2,6,6- triméthylcyclohex-1-ène-1-carboxaldéhyde). Elle est formée par l'union d'un [[aldéhyde]] connu comme étant le [[safranal]] ([[nomenclature IUPAC]] : 2,6,6-triméthylcyclohexa-1,3-dièn-1- carboxaldéhyde) et d'un [[glucide]]. Elle possède des propriétés [[insecticide]]s et [[pesticide]]s, et est présente à hauteur d'environ 4 % dans le safran sec. De manière significative, la [[picrocrocine]] est une version tronquée (produite via un clivage oxydatif) d'un [[caroténoïde]], la [[zéaxanthine]] et est le [[glycoside]] du [[safranal]] ([[terpène]] [[aldéhyde|aldéhydique]]). La [[zéaxanthine]] est, par ailleurs, l'un des [[caroténoïde]]s naturellement présent dans la [[rétine]] de l'œil humain.

Quand le safran est séché après sa récolte, la chaleur, combinée à l'action enzymatique, coupe la molécule de [[picrocrocine]] pour donner du D-[[glucose]] et une molécule de [[safranal]] libre{{sfn|Deo|2003|p=4}}. Le safranal, une [[Huile essentielle|huile volatile]], donne au safran la plus grande part de son arôme{{sfn|McGee|2004|p=423}}{{,}}<ref name="dharmananda">{{en}} S. Dharmananda, [http://www.itmonline.org/arts/saffron.htm “Saffron: An Anti-Depressant Herb”] {{Lien archive|url=http://www.itmonline.org/arts/saffron.htm |horodatage archive=20060926130959 |titre=Copie archivée}}, ''Institute for Traditional Medicine'', 2005.</ref>. Le safranal est moins amer que la picrocrocine et compose près de 70 % de la fraction volatile du safran sec dans certains échantillons<ref>{{Article|langue= en|auteur1= JC. Leffingwell|titre=Saffron |périodique='Leffingwell Reports |volume=2 |numéro= 5|date=2002 |pages= p.1|lire en ligne= http://www.leffingwell.com/download/saffron.pdf}}. </ref>. Le second élément fondamental à l'origine de l'arôme du safran est le 2-hydroxy-4,4,6-triméthyl-2,5-cyclohexadièn-1-one, dont le parfum a été décrit comme {{citation|safran, foin sec{{sfn|Leffingwell|2002|p=3}}}}. Les chimistes établirent qu'il est le plus puissant responsable du parfum du safran, en dépit de sa faible présence comparée au [[safranal]]{{sfn|Leffingwell|2002|p=3}}. Le safran séché est extrêmement sensible aux fluctuations du niveau de [[Potentiel hydrogène|pH]], et ses éléments chimiques se décomposent rapidement en présence de lumière et d'[[Réaction d'oxydo-réduction|agents oxydants]]. C'est pourquoi il doit être stocké dans un récipient hermétique pour minimiser les contacts avec l'[[oxygène]] [[Atmosphère (Terre)|atmosphérique]]. Le safran est légèrement plus résistant à la chaleur.

== Histoire ==
{{article détaillé|Histoire du safran}}
[[Image:Man gathering saffron Knossos Crete crocus sativus fresco.jpg|vignette|<center>Cette ancienne [[fresque]] [[Civilisation minoenne|minoenne]] de [[Knossos]] ([[Crète]], [[XXVIIIe siècle av. J.-C.|2700]] à [[XIIIe siècle av. J.-C.|1200 {{av JC}}]]) représente un homme (au corps bleu, marchant le dos voûté) récoltant les fleurs de safran.</center>]]

Le safran est une épice européenne, puisque le berceau géographique du ''Crocus sativus'' et de son ancêtre, le ''Crocus cartwrightianus'' est la Grèce<ref name=":0" />. Il se serait ensuite répandu sur tout le pourtour méditerranéen, dans le sillage des empires qui se sont succédé avant l'[[Empire romain]]<ref name=":0" />.

On a longtemps considéré, à tort, que le safran était originaire du [[Moyen-Orient]]<ref name="hill1" />{{,}}<ref name="Grigg" />, et peut-être d'abord cultivé au [[Cachemire]]<ref name="McGee1" />. En réalité, il est présent dans de nombreuses cultures, continents et civilisations et son histoire dans la culture et les coutumes humaines remonte à au moins {{nombre|5000|ans}}. L’empereur chinois [[Shennong|Chen Nong]] le mentionne pour ses propriétés médicinales dans son recueil, ''[[Shennong bencao jing]]'', daté de 2700 {{av JC}} Il fait partie des quelque {{nombre|500|substances}} citées par le [[papyrus Ebers]], un ensemble de papyrus médicaux égyptiens rédigés vers 1550 {{av JC}}<ref name="safranduvalday">[http://www.safranduvalday.fr/?page_id=27 ''Safran du Val d'Ay, épice cultivée en Ardèche''].</ref>. Il est répertorié dans une référence [[botanique]] [[assyrie]]nne du {{-s-|VII|e}}, rédigée sous [[Assurbanipal]]. [[Pline l’Ancien]] cite nombre de ses propriétés thérapeutiques<ref name="safranduvalday" />. Il a été utilisé dans le traitement d'environ 90 maladies<ref name="honan">{{Article|langue=en|auteur1=W. H. Honan |titre=Researchers Rewrite First Chapter for the History of Medicine |périodique=[[The New York Times]] |date= 2 mars 2004|lire en ligne=https://www.nytimes.com/2004/03/02/science/02MEDI.html?ex=1393563600&en=c3177ebac2572d43&ei=5007&partner=USERLAND }}. </ref>.

Le précurseur sauvage présumé du safran domestique (''Crocus sativus'') est ''[[Crocus cartwrightianus]]''. Ce dernier était vraisemblablement l'espèce cultivée pour la production du safran dans la [[Civilisation minoenne|Grèce minoenne]], puisque les fresques qui nous sont parvenues montrent aussi des crocus à safran avec des fleurs blanches, comme il en apparaît parfois dans cette espèce. Ainsi, le terme « safran » utilisé pour désigner l'épice pouvait-il, dans le passé, faire référence à un produit identique, mais issu d'espèces de crocus à safran différentes de celle exploitée aujourd'hui<ref name="Lachaud" />. Les [[Cultivateur (métier)|cultivateur]]s orientèrent sa production vers la sélection de spécimens possédant les plus longs [[stigmate (botanique)|stigmates]]. Ainsi émergea dans la [[Crète]] de l'[[âge du bronze]] tardif un mutant provenant de ''[[Crocus cartwrightianus|C. cartwrightianus]]'', ''C. sativus''<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1= M. H.|nom1= Goyns|titre= Saffron|éditeur=Taylor & Francis|année= 1999|passage=p.1|isbn= 90-5702-394-6|lire en ligne= https://books.google.com/books?ie=UTF-8&hl=en&id=l-QJaUp31T4C}}.</ref>. Il n'est toutefois pas formellement établi si d'autres espèces, notamment ''Crocus thomasii'' et ''Crocus pallasii'', ont participé à des hybridations qui ont finalement abouti au ''Crocus sativus''<ref name="cap-20043176395" />{{,}}<ref name="actahorn-650_1" />. Quoi qu'il en soit, il s'est lentement propagé à travers l'[[Eurasie]], atteignant plus tard l'[[Afrique du Nord]], l'[[Amérique du Nord]] et l'[[Océanie]].

La France a été pendant plus de cinq cents ans un [[Histoire du safran#Dans la culture européenne|important producteur de safran]], réputé pour sa qualité notamment dans le Quercy et en [[Gâtinais]] (correspondant surtout aux actuels départements numérotés 46 et 45) comme dans le bourg de [[Boynes]], capitale mondiale du safran qui en a de fait régi les prix avec le marché de [[Pithiviers]] pendant environ {{nombre|300|ans}}, en produisait {{unité|30|tonnes}} (soit {{unité|120|à=180|millions}} de fleurs<ref name="safrandugatinais''">[http://www.safrandugatinais.fr/histoire.htm ''Histoire du safran du Gâtinais''] sur le site ''safrandugatinais.fr''.</ref>{{,}}<ref name="cavesa">[http://www.cavesa.ch/definition/safran-de-mund,868.html ''Safran de mund''], sur le site ''cavesa.ch''.</ref>) en 1789, et encore {{unité|10|tonnes}} en 1869.

La date du ''2 vendémiaire'' du [[calendrier républicain|calendrier révolutionnaire et républicain français]], en vigueur de 1792 à 1808, est alors désignée comme « jour du safran »<ref>[[Fabre d'Églantine|Ph. Fr. Na. Fabre d'Églantine]], [https://books.google.fr/books?id=vVtWj-W-KP8C&printsec=frontcover&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false ''Rapport fait à la Convention nationale dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République française''], {{p.|19}}.</ref>, correspondant généralement à chaque 23 septembre du [[calendrier grégorien]], période la plus fréquente pour l'apparition de ses premières fleurs<ref name="boutet3">Gérard Boutet, ''Ils étaient de leur village…'', Éd. Jean-Cyrille Godefroy, Paris, 1991, {{p.|169-171}} {{ISBN|2-86553-071-X}}.</ref>{{,}}<ref name="safrandugatinais''" />.

== Production, commerce et usage ==
[[Fichier:Saffronfarm-860808.jpg|vignette|gauche|Récolte journalière des crocus au petit matin par des paysans de la province de [[Khorasan-e Razavi]] en Iran.]]
Avec son goût amer, son parfum de foin et ses notes légèrement métalliques, le safran a été utilisé comme assaisonnement, parfum, teinture et médicament. De l'[[Antiquité]] à l'époque actuelle, et partout autour du monde, la plus grande partie du safran produit par les agriculteurs était et est toujours utilisée en cuisine, les traditions culinaires suivant l'expansion de la culture en [[Afrique]], en [[Asie]], en [[Europe]], et en [[Amérique]]. D'un point de vue médical, le safran était autrefois utilisé pour traiter un large éventail de maux, aussi divers que la [[variole]], la [[peste bubonique]] ou encore les [[indigestion]]s. Actuellement, plusieurs [[essai clinique|essais cliniques]] démontrent le potentiel du safran en tant qu'agent [[antioxydant]] et comme [[cancer|anticancéreux]]<ref name="ncbi">[https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9808914 “Antioxidant property of Saffron in man”], par S. K. Verma et A. Bordia, Department of Medicine and Indigenous Drug Research Centre, RNT Medical College, Udaipur, ''Indian Journal of Medical Science'', mai 1998, {{vol.|52}}, {{numéro|5}}, {{p.|205-207}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |auteur1=  D. G. Chryssanthi, P. G. Dedes, N. K. Karamanos, P. Cordopatis et F. N. Lamari|titre= Crocetin inhibits invasiveness of MDA-MB-231 breast cancer cells via downregulation of matrix metalloproteinases|périodique=Planta Medica |volume=77 |numéro=2 |date= 2011|pages=p.146-151}}. </ref>. Le safran a également été employé pour colorer des [[textile]]s et d'autres objets, la plupart d'entre eux porteurs d'une signification [[religion|religieuse]] ou hiérarchique.

[[Image:Zaafaran1.jpg|vignette|Extraction à la main du safran.]]
Les cultures de crocus à safran, tout comme à ses débuts, restent principalement cantonnées dans une large bande d'[[Eurasie]], allant de la [[mer Méditerranée]] jusqu'au [[Cachemire]], dans le sud-ouest, et en [[République populaire de Chine|Chine]], dans le nord-est. Les principaux pays producteurs de safran dans le monde sont l'Iran, l'Inde, la Grèce, l'[[Afghanistan]], le [[Maroc]] et l'[[Espagne]]<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Saffron: leading producers worldwide 2019 |url=https://www.statista.com/statistics/1135621/leading-saffron-producers-worldwide/ |site=Statista |consulté le=2022-02-25}}</ref>. Ces dernières années, cette mise en culture a aussi gagné la [[Nouvelle-Zélande]], l'[[Australie]] ou encore la [[Californie]].

=== Production et commerce actuels ===

La plus grande part de la production mondiale, qui s'élève à environ {{nombre|300|[[Tonne (unité)|tonnes]]}} par an<ref name="Katzer1" /> (chiffre incluant le safran sous forme de poudres et de stigmates), provient d'une large ceinture s'étendant de la [[mer Méditerranée]] jusqu'au [[Cachemire]] occidental, à l'est. Tous les continents hors de cette zone, hormis l'[[Antarctique]], en produisent un peu. L'[[Iran]] reste le plus gros exportateur mondial, avec près de {{Unité|100|tonnes}} par année, principalement vers les [[Émirats arabes unis]] et l'[[Espagne]]. Une étude effectuée par FrancAgriMer en 2013 parle d'un recul régulier de la production en Espagne qui est passée de 35,5 tonnes en 1986 à 1 tonne en 2003 correspondant à 200 hectares, alors que la consommation annuelle serait de 20 tonnes par an<ref>{{Article|auteur1=FranceAgriMer|titre=Focus plante : cas du safran|périodique=Conseil spécialisé ppam|date=31 janvier 2013|lire en ligne=https://www.franceagrimer.fr/content/download/21314/174562/file/2.2%2520-%2520Safran.pdf|format=Pdf}}</ref>. Le ministère de l'agriculture marocain a annoncé qu'entre 2008 et 2019, la superficie de ses cultures de safran s'est multipliée par trois et que sa production a été multipliée par 4,3<ref name=":1">{{Lien web|auteur=Ministère de l'agriculture du Maroc |titre=Filière safran ministère de l'agriculture |url=https://www.agriculture.gov.ma/fr/filiere/safran |date=2019|consulté le=25 février 2022}}</ref>. L'Afghanistan se profile comme un nouveau concurrent sérieux : ses exportations ont septuplé entre 2011 et 2016<ref>{{Chapitre |langue=en|prénom1=Hosein|nom1=Mohammadi|prénom2=Michael|nom2=Reed |titre chapitre=Saffron marketing|sous-titre chapitre=challenges and opportunities|numéro chapitre=22|auteurs ouvrage=Alireza Koocheki et Mohammad Khajeh-Hosseini |titre ouvrage=Saffron|sous-titre ouvrage=science, technology and health|éditeur=Woodhead Publishing|année=2020 |pages totales=580|isbn=978-0-12-818740-1 |isbn2=0-12-818740-9 |oclc=1140113593 |lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/1140113593 |consulté le=2021-04-01 |passage=360}}.</ref>.

{| class="wikitable sortable centre"
|+ Principaux pays exportateurs et importateurs de safran en 2019<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Latest trade data of Saffron |url=https://oec.world/en/profile/hs92/saffron?yearSelector1=tradeYear1 |site=The Observatory of Economic Complexity |date=2019 |consulté le=2021-04-01}}.</ref>
|-
! Pays !! Exportations ({{Abréviation|k|milliers}}[[Dollar américain|$]]) !! Exportations (%) !! Importations ({{Abréviation|k|milliers}}[[Dollar américain|$]]) !! Importations (%)
|-
| {{Pays|Iran}}|| {{formatnum:102000}} || {{formatnum:44.5}} || {{formatnum:183}} || {{formatnum:0.1}}
|-
| {{Pays|Espagne}}|| {{formatnum:49800}} || {{formatnum:21.8}} || {{formatnum:34100}} || {{formatnum:14.9}}
|-
| {{Pays|Afghanistan}}|| {{formatnum:28900}} || {{formatnum:12.6}} || {{formatnum:28}} || {{formatnum:0.0}}
|-
| {{Pays|Chine}}|| {{formatnum:5730}} || {{formatnum:2.5}} || {{formatnum:4000}} || {{formatnum:1.8}}
|-
| {{Pays|Hong Kong}}|| {{formatnum:5480}} || {{formatnum:2.4}} || {{formatnum:33600}} || {{formatnum:14.7}}
|-
| {{Pays|Arabie saoudite}}|| {{formatnum:25}} || {{formatnum:0.0}} || {{formatnum:19800}} || {{formatnum:8.7}}
|-
| {{Pays|Émirats arabes unis}}|| {{formatnum:1580}} || {{formatnum:1.0}} || {{formatnum:18600}} || {{formatnum:8.1}}
|-
| {{Pays|Inde}}|| {{formatnum:1270}} || {{formatnum:0.8}} || {{formatnum:18300}} || {{formatnum:8.0}}
|}

En dépit de nombreux efforts de pays comme l'[[Autriche]], l'[[Angleterre]], l'[[Allemagne]] ou la [[Suisse]], seules quelques régions continuent l'exploitation des crocus à safran en Europe du Nord et centrale. Parmi ces derniers, dans le [[Quercy]] (pays à cheval sur les départements du [[Lot (département)|Lot]] et de l'[[Aveyron (département)|Aveyron]] parmi les plus anciens dans la production de safran), un groupement d'agriculteurs produisent environ {{unité|8|kg}} par an d'un safran réputé pour sa qualité. Il est compliqué d’estimer la quantité totale de safran produit en France car il y a sans cesse des exploitations qui ferment et d’autres qui se créent mais on estime que la France produit environ une centaine de kilos de safran<ref>{{Lien web|nom=Zarparane |titre=Questions fréquentes sur le safran en France (FAQ Safran) |url=https://zarparane.fr/questions-frequentes-sur-le-safran-en-france-faq-safran/ |site=Zarparané |consulté le=2021-08-23}}.</ref>. Le petit musée du safran à [[Saint-Cirq-Lapopie]] explique l'histoire de cette épice. Également, des agriculteurs du village suisse de [[Mund (Valais)|Mund]], dans le [[canton du Valais]], produisent, depuis le {{s-|XIV}}, de 2 à {{nombre|4|kg}} par an<ref name="Katzer1" />{{,}}<ref>{{lien brisé|url=http://www.aoc-igp.ch/ver-fr/prodch/safranmund.htm |titre=Le safran de Mund }}.</ref> ; l'appellation d'origine « safran de Mund » est préservée via une [[Appellation d'origine protégée (Suisse)|AOP suisse]] depuis 2004<ref name="cavesa" />{{,}}<ref>[http://www.aop-igp.ch/_upl/files/AOC-IGP_Tradition_Terroir_8_fr.pdf ''Traditions et Terroir''], Association suisse des AOC-IGP.</ref>. Il se trouve également quelques petites fermes en [[Tasmanie]]<ref>{{en}} P. Courtney, [http://www.abc.net.au/landline/stories/s556192.htm “{{langue|en|''Tasmania's Saffron Gold''}}”], {{langue|en|''Landline''}} ({{langue|en|[[Australian Broadcasting Corporation]]}}), 2002.</ref>, [[République populaire de Chine|Chine]], [[Égypte]], [[France]], [[Israël]], [[Mexique]], [[Nouvelle-Zélande]] ou en [[Turquie]], en particulier dans la région de [[Safranbolu]], une ville qui tire son nom de l'épice, mais aussi en [[Californie]] et en [[Afrique centrale]]<ref name="hill1" />{{,}}<ref name="abdullaev" />.

Le prix élevé du safran s'explique par la pénibilité et le temps nécessaire à sa récolte et au tri, qui s'effectue manuellement, d'un grand nombre de petits stigmates, seules parties de la fleur à posséder les propriétés aromatiques désirées. De plus, un très grand nombre de [[fleur]]s doivent être manipulées pour obtenir finalement une quantité commerciale de safran : une [[Livre (unité de masse)|livre]] ({{unité|0.45|kg}}) de safran sec exige la récolte de près de {{nombre|50000}}{{sfn|Hill|2004|p=273}} à {{nombre|75000|fleurs}}<ref>S. R. Rau, {{opcit}}, {{p.|35}}.</ref>, soit une surface de culture minimum équivalente à celle de 2/3 d'un [[hectare]].

Ceci dépend de la taille moyenne des stigmates de chaque cultivar mis en culture. Les fleurs elles-mêmes et leur courte période de [[floraison]] constituent également une contrainte. Les {{nombre|150000|fleurs}} nécessaires pour obtenir {{unité|1|kg}} de safran sec nécessitent près de {{nombre|40|heures}} de travail intense pour lequel toute la famille est mise à contribution. Au [[Cachemire]], par exemple, des milliers de paysans doivent travailler sans relâche jour et nuit pendant une à deux semaines<ref>{{en}} D. Lak [http://news.bbc.co.uk/1/hi/world/south_asia/212491.stm {{langue|en|''Kashmiris Pin Hopes on Saffron''}}], {{langue|en|''[[BBC News]]'', 1998}}.</ref>.

Après leur prélèvement, les stigmates doivent être rapidement séchés afin d'empêcher la [[décomposition]] ou la [[moisissure]]. Pour ce faire, selon la méthode usuelle, les stigmates sont tout d'abord séparés sur des écrans à mailles fines qui sont ensuite placés au-dessus de [[Houille|charbon]] ou de [[bois]] brûlant dans un four à foyer ouvert où la [[température]] atteint {{tmp|30|35|°C}} pendant {{unité|10|à=12|heures}}. Après quoi, l'épice sèche est de préférence placée dans un récipient hermétique de verre{{sfn|Goyns|1999|p=8}}. Le prix d'achat en grosse quantité de safran de qualité inférieure peut atteindre près de {{nombre|500|[[Dollar US|US$]]}} par [[Livre (unité de masse)|livre]], alors que le prix au détail de petites quantités excède près de dix fois cette somme. Dans les pays occidentaux, le prix au détail revient approximativement à {{unité|700|€}} ({{nombre|1000|US$}}) par [[Livre (unité de masse)|livre]]<ref name="hill1" /> soit {{unité|1550|€}} ({{nombre|2200|US$}}) par kilogramme. Le prix élevé est cependant compensé par les petites quantités requises : quelques grammes tout au plus pour les applications médicales, et quelques stigmates par personne pour l'alimentation (il y a entre {{unité|70000|et=200000|stigmates}} dans une livre).
[[Image:Red-crocus-thread-greek-v2.jpg|vignette|Vue d'un fil de safran [[grèce|grec]] (longueur d'environ {{unité|2|cm}}).]]
Les amateurs de safran ont souvent quelques principes de base concernant leurs achats. Ils recherchent des stigmates montrant une coloration [[cramoisi]]e vive, une légère humidité et une élasticité. Ils rejettent les stigmates, appelés « fils » en cuisine, montrant une coloration [[rouge]] brique mate (indicateur d'un âge avancé) et les fils cassés groupés dans le fond du récipient (indicateur d'une sécheresse anormale due à l'âge). On rencontre de tels échantillons âgés autour du mois de juin (saison des récoltes), quand les agriculteurs et les détaillants terminent le stock de la saison précédente avant de commercialiser la nouvelle. Les paysans, grossistes et autres détaillants indiquent l'année de récolte, ou les deux années encadrant celle-ci ; une récolte de [[2002]] en retard serait indiquée {{citation|2002/[[2003]]{{sfn|Hill|2004|p=274}}}}. Le safran est considéré comme l'épice la plus chère du monde<ref>{{lien web|url=https://www.easyvoyage.com/actualite/certains-de-ces-produits-valent-plus-cher-que-l-or--69801|titre=Voici les aliments les plus chers au monde|date=18 janvier 2017}}.</ref>.

=== Usage culinaire ===
[[Image:ValencianPaella.jpg|vignette|left|Le safran est l'un des trois ingrédients essentiels de la {{langue|es|''[[paella]] valenciana''}} espagnole, et est responsable de sa couleur jaune-orangé caractéristique.]]

Le safran possède six propriétés gastronomiques. Réputé pour sa propriété colorante et aromatique, le safran possède encore quatre propriétés méconnues : c'est un antioxydant, exhausteur, harmonisant dynamisant<ref name=":0">{{Ouvrage|auteur1=C. M. Lachaud|titre=La Bible du Safran. Tout savoir sur le roi des épices de A à Z. Anthropologie, Chimie, Perception, Usages, Recettes et Plus !|lieu=Laval-sur-Luzège|éditeur=C. M. Lachaud|année=2016|pages totales=217|isbn=978-2-9547159-0-2|présentation en ligne=http://saffron-crocuses.com/Safran/fr/livres-safran/114-la-bible-du-safran-tout-savoir-sur-le-roi-des-epices-de-a-a-z.html}}.</ref>, ce qui lui donne une polyvalence très étendue, couvrant tout le spectre de l'alimentation humaine, ainsi que des effets culinaires très variés, qui rendent l'usage et la maîtrise de cette épice parfois complexe et difficile<ref name=":0" />.

Le safran est très employé dans les cuisines arabe, européenne, [[Cuisine indienne|indienne]], [[Cuisine iranienne|iranienne]] et d'[[Asie centrale]]. Son arôme est décrit par les cuisiniers et les amateurs de safran comme ressemblant au [[miel]], mais avec des notes métalliques. Il apporte aux mets une coloration jaune-orangé. Ces caractéristiques font du safran une [[épice]] utilisée dans des plats et des transformations aussi différents que des [[fromage]]s, des [[confiserie]]s, certains [[curry]], des [[liqueur]]s, des [[soupe]]s, ou encore des plats de viande. Le safran est utilisé en [[Inde]], [[Iran]], [[Espagne]] et d'autres pays en tant que condiment pour le [[riz]].

Dans la cuisine espagnole, il est utilisé dans de nombreux plats comme la {{langue|es|''[[paella]] valenciana''}}, spécialité à base de [[riz]], et la [[zarzuela (cuisine)|zarzuela]], à base de [[poisson]]{{sfn|Hill|2004|p=275}}. On en retrouve également dans la ''[[fabada asturiana]]''. Le safran est également utilisé dans la [[bouillabaisse]] de la Côte d'Azur, une soupe de poissons épicée, le ''[[Risotto à la milanaise|{{langue|it|risotto alla milanese}}]]'' [[italie]]n et le [[gâteau]] au safran [[Cornouailles|cornique]].

Les Iraniens utilisent le safran dans leur plat national, le ''{{lien|chelow kabab}}'', alors que les [[Ouzbékistan|Ouzbeks]] l'utilisent dans une spécialité à base de riz nommé {{citation|''[[plov]]'' de mariage}} (voir [[pilaf]]). Les [[Maroc]]ains, eux, l'utilisent dans leurs [[tajine]]s, incluant les [[kefta]]s (boulettes de [[viande]] et [[tomate]]) ou la ''[[mrouzia]]'' (plat sucré-salé à base de [[mouton]]). Le safran est aussi un ingrédient central dans le mélange d'herbes composant la ''[[chermoula]]'' qui parfume de nombreux plats [[Cuisine marocaine|marocains]]. La [[cuisine indienne]] utilise le safran dans ses ''[[biryani]]s'', plats traditionnels à base de [[riz]], comme la variété Pakki du ''[[biryani]]'' d'[[Hyderabad|Hyderâbâd]]. Il est également utilisé dans certains bonbons indiens à base de lait<ref name="McGee1" />, comme le ''[[gulabjaman]]'', le ''[[kulfi]]'', le ''{{lien|double ka meetha}}'', le ''[[kesari bhath]]'', ou le ''[[lassi]]'' au safran, boisson à base de [[yaourt]].

Le safran est également utilisé en [[confiserie]] ou dans la préparation de [[boisson]]s alcoolisées, c'est d'ailleurs sa principale utilisation en [[Italie]]{{sfn|Goyns|1999|p=59}}. Certains [[Boisson alcoolisée|alcools]], comme la [[chartreuse (liqueur)|chartreuse]], le [[gin]], l'[[Izarra (liqueur)|izarra]], ou encore la [[Strega]], se fondent, entre autres, sur le safran pour obtenir un épanouissement de couleur et de saveur. En [[Suisse]], le safran est utilisé dans plusieurs préparations dont la plus connue reste la [[cuchaule]], brioche à base de safran, fabriquée pour la fête de la [[Bénichon]] en automne. En [[Suède]], il entre dans la composition des petites brioches typiques que l'on trouve en fin d'année, pour fêter la Sainte-Lucie (''[[lussekatt]], saffransbullar'' ou ''luciabullar''). Dans la [[Bresse]], le fromage de marque « [[Clon]] » est parfumé au safran.

Les utilisateurs expérimentés émiettent et pré-imbibent les fils de safran, pendant plusieurs minutes, avant de les ajouter à leurs plats. Ce procédé permet d'extraire la couleur et le parfum dans une phase liquide ([[eau]] ou [[xérès (vin)|xérès]] par exemple). Après quoi, la solution est ajoutée au plat avant la cuisson, permettant la bonne distribution du parfum et de la couleur du safran dans le plat, en particulier pour les spécialités cuites au four ou les sauces épaisses{{sfn|Hill|2004|p=275}}>. Le safran en poudre ne nécessite pas cette étape{{sfn|Willard|2001|p=203}}.

À cause de sa valeur, le safran était souvent remplacé, ou mélangé, dans les cuisines traditionnelles avec du [[carthame des teinturiers]] (''Carthamus tinctorius'', que l'on appelle également faux-safran) ou de [[curcuma]] (''Curcuma longa'', appelé également safran des Indes), une plante de la famille du gingembre, dont le rhizome séché donne une poudre jaune entrant usuellement dans la confection de la poudre de [[curry]]. Les deux ont des parfums très différents du safran, bien qu'ils imitent parfaitement sa couleur.

Le safran a été apporté par la France en Italie et le {{langue|it|''risotto alla milanese''}} ([[risotto à la milanaise]]) a été inventé par des Français à [[Milan]] à la suite du couronnement de [[Napoléon Ier|Napoléon {{Ier}}]] roi d'Italie à [[Milan]], en 1805. Milan reste encore de nos jours la ville la plus française d'Italie. L'histoire du riz à la milanaise et de la plupart des plats de la cuisine de Milan ([[osso buco]], ''[[:it:Cotoletta|cotoletta]]'' et [[panettone]]) est en lien avec la période de la [[République cisalpine]], créée le 27 juin.

=== Usage médicinal ===
[[Image:Crocus sativus2.jpg|vignette|Fleurs de ''Crocus sativus''. De tout temps, elles ont fasciné les [[médecin]]s et [[apothicaire]]s qui leur trouvèrent nombres d'applications thérapeutiques plus ou moins réelles.]]
L'utilisation traditionnelle du safran comme plante médicinale est légendaire. Il a été utilisé pour ses propriétés [[Carminatif|carminatives]] et [[emménagogue]]s par exemple<ref>{{en}} J. B. Park, [http://www.pl.barc.usda.gov/usda_supplement/supplement_detail_b.cfm?chemical_id=140 « {{langue|en|''Saffron''}} »], {{langue|en|''USDA Phytochemical Database''}}, 2005.</ref>. En Europe médiévale, on utilisait le safran pour traiter des infections respiratoires et maladies comme la [[toux]], le [[rhume]], la [[scarlatine]], la [[variole]], les [[cancer]]s, l'[[hypoxie]] et l'[[asthme]]. On le retrouve également dans certains traitements contre les [[sang|affections sanguines]], l'[[insomnie]], la [[paralysie]], les [[Maladie cardiovasculaire|maladies cardiaques]], les [[flatulence]]s, les [[indigestion]]s et maux d'[[estomac]], la [[Goutte (maladie)|goutte]], la [[dysménorrhée]], l'[[aménorrhée]] et divers désordres [[Œil|oculaires]]{{sfn|Abdullaev|2002|p=2}}. Pour les Perses et les Égyptiens, le safran était aussi un [[aphrodisiaque]], un [[antidote]] couramment utilisé contre les empoisonnements, un stimulant digestif et un tonifiant pour la [[dysenterie]] et la [[rougeole]]. En [[Europe]], les adeptes de la « [[théorie des signatures]] » interprétèrent la couleur jaune du safran comme un signe d'éventuelles propriétés curatives contre la [[Ictère|jaunisse]]<ref>{{en}} {{langue|en|Darling Biomedical Library}}, [http://unitproj.library.ucla.edu/biomed/spice/index.cfm?displayID=22 “{{langue|en|''Saffron''}}”], {{langue|en|''Darling Biomedical Library (UCLA)'', 2002}}.</ref>.

Les [[caroténoïde]]s du safran ont, dans certaines études scientifiques, montré des propriétés [[cancer|anticancéreuses]]<ref name="abdullaev" />, [[antimutagène]]s et [[Système immunitaire|immuno-modulatrices]]. Le composant responsable de ces effets est la diméthyl-[[crocétine]]. Ce composé agit sur un large spectre, aussi bien sur les tumeurs murines (chez les [[Rodentia|rongeur]]s) que sur les lignées cellulaires humaines atteintes de [[leucémie]]. L'extrait de safran retarde également la croissance des [[ascite]]s, retarde l'apparition des [[carcinome]]s dus au [[Papillomavirus humain|papillomavirus]], inhibe les carcinomes squameux, et diminue l'incidence du [[sarcome]]s des tissus mous chez les souris traitées. Les chercheurs pensent qu'une telle activité [[cancer|anticancéreuse]] est principalement due à la diméthyl-[[crocétine]] qui empêche certaines protéines, des enzymes connues comme étant des [[ADN topoisomérase]]s de {{nobr|type {{II}}}}, de lier l'ADN dans les cellules cancéreuses<ref>{{en}} J. H. Hasegawa, S. K. Kurumboor et S. C. Nair), “{{langue|en|''Saffron chemoprevention in biology and medicine: a review''}}”, {{langue|en|''Cancer Biotherapy''}}, 1995, {{vol.|10}}, {{numéro|4}}, {{p.|1}}, {{PMID|8590890}}.</ref>. Ainsi, les [[Cellule (biologie)|cellules]] cancéreuses deviennent incapables de synthétiser ou répliquer leur propre [[Acide désoxyribonucléique|ADN]].

Les effets [[pharmacologie|pharmacologiques]] du safran sur les [[tumeur maligne|tumeurs malignes]] ont été démontrés lors d'études faites {{langue|la|''in vitro''}} et {{langue|la|''in vivo''}}. Le safran allonge la vie de [[souris]] dont le [[péritoine]] est porteur de [[sarcome]]s, plus précisément des échantillons de S-180, de l'[[ascite]] du [[lymphome]] de Dalton (DLA) et de l'[[ascite]] du carcinome d'Ehrlich (EAC). Les chercheurs ont découvert cette propriété lors de l'administration orale de {{unité|200|mg}} d'extraits de safran par kilogramme de masse corporelle de la [[souris]]. Les résultats montrent que la durée de vie des souris porteuses de tumeur a été augmentée de respectivement 111 %, 83,5 %, et 112,5 % par rapport aux lignées témoins. Les chercheurs ont également découvert que les extraits de safran sont cytotoxiques pour certaines lignées cellulaires tumorales, comme le DLA, EAC, P38B et S-180, cultivés {{langue|la|''in vitro''}}. Ainsi, le safran a montré d'intéressantes propriétés en tant que nouveau traitement alternatif pour un certain nombre de [[cancer]]s<ref>{{en}} S. C. Nair, B. Pannikar et K. R. Panikkar, “{{langue|en|''Antitumour activity of saffron'' (''Crocus sativus'')}}”, {{langue|en|''Cancer Letters''}}, 1991, {{vol.|57}}, {{numéro|2}}, {{p.|1}}, {{PMID|2025883}}.</ref>.

En plus des propriétés anticancéreuses, le safran est également un [[antioxydant]]. Cela signifie que, comme un agent « anti-âge », il neutralise les [[Radical (chimie)|radicaux libres]]. Les extraits [[méthanol]]iques, en particulier, du safran, neutralisent à un taux important les radicaux DPPH ([[nomenclature de l'UICPA]] : 1,1-diphényl-2-picrylhydrazyle). Ceci est dû à la donation au DPPH de [[proton]]s par deux agents actifs du safran, le [[safranal]] et la crocine. Ainsi, à des concentrations allant de {{unité|500|à=1000|[[Partie par million|ppm]]}}, la crocine permet la neutralisation de respectivement 50 % et 65 % des [[Radical (chimie)|radicaux]]. Le [[safranal]] montre néanmoins un taux de neutralisation plus faible que celui de la crocine. Ces propriétés donnent au safran un avenir dans la fabrication d'[[antioxydant]]s dans l'[[industrie pharmaceutique]] et [[cosmétique]], ou encore, en tant que supplément alimentaire<ref>{{en}} A. N. Assimopoulou, V. P. Papageorgiou et Z. Sinakos, “{{langue|en|''Radical scavenging activity of Crocus sativus L. extract and its bioactive constituents''}}”, {{langue|en|''Phytotherapy Research''}}, 2005, {{vol.|19}}, {{numéro|11}}, {{p.|1}}, {{PMID|16317646}}.</ref>.

Le safran peut exercer un rôle protecteur contre les troubles neurologiques et psychiatriques et représente un traitement relativement favorable et sûr<ref>{{Article|prénom1=Shufen|nom1=Han|prénom2=Yifei|nom2=Cao|prénom3=Xingrong|nom3=Wu|prénom4=Jiaoyang|nom4=Xu|titre=New horizons for the study of saffron (Crocus sativus L.) and its active ingredients in the management of neurological and psychiatric disorders: A systematic review of clinical evidence and mechanisms|périodique=Phytotherapy research: PTR|date=2024-02-29|issn=1099-1573|pmid=38424688|doi=10.1002/ptr.8110|lire en ligne=https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38424688|consulté le=2024-03-04}}</ref>.

Cependant, ingéré à dose suffisamment élevée, le safran est [[wikt:létal|létal]]. Plusieurs études sur des animaux montrent que [[Dose létale médiane|DL<sub>50</sub>]] du safran (ou dose {{nobr|létale 50}}, dose à laquelle {{unité|50|% }} des sujets de tests meurent d'une [[overdose]]) est {{unité|20.7|g/kg}} quand il est délivré en décoction<ref name="abdullaev" />{{,}}<ref>{{en}} P. Y. Chang, W. Liang, C. T. Kuo et C. K. Wang, “{{langue|en|''The pharmacological action of 藏红花 (''zà hóng huā – Crocus sativus L.''): effect on the uterus and/or estrous cycle''}}”, ''Yao Hsueh Hsueh Pao'', 1964, {{numéro|11}}, {{p.|1}}.</ref>.

=== Coloration et parfumerie ===
[[Image:Borobudur monks 1.jpg|vignette|left|Le clergé [[bouddhisme|bouddhiste]], comme ces moines [[indonésie]]ns du [[temple de Borobudur]] sur l'[[Java (île)|île de Java]], porte traditionnellement des robes de couleur safran, mais teintées le plus souvent au [[curcuma]].]]
Malgré son coût élevé, le safran a été également utilisé pour mettre au point des [[Colorant industriel|colorants]], en particulier en Chine ou en [[Inde]]. Les stigmates de safran, même en faible quantité, produisent une lumineuse couleur jaune orangée. Plus la quantité de safran utilisée est importante, plus la couleur du tissu dérive vers le [[rouge]]. Cette couleur est néanmoins instable, en effet, l'intense jaune-orangé se dégrade rapidement en un jaune pâle et crémeux{{sfn|Willard|2001|p=205}}. Traditionnellement, seules les classes [[noblesse|nobles]] portaient des [[vêtement]]s teints au safran. Celui-ci portait ainsi une signification [[rite|rituelle]] et [[hiérarchie|hiérarchique]]. En Europe médiévale, les [[Irlande (île)|Irlandais]] et les [[écosse|Écossais]] des [[Highlands]] portaient un long tricot de toile connu sous le nom de ''[[:en:History of the kilt|léine]]'', qui était traditionnellement teint grâce au safran{{référence à confirmer}}<ref>{{en}} J. Major, {{langue|en|''A History of Greater Britain as Well England as Scotland''}}, 1892, {{p.|49}}.</ref>.

Il y eut de nombreuses tentatives pour remplacer le coûteux safran par un colorant meilleur marché. Les habituels produits de substitution du safran en cuisine, comme le [[curcuma]], le [[carthame]] ou encore d'autres [[épice]]s, permettent l'obtention d'une coloration [[jaune]] intense qui ne correspond pas exactement à celle obtenue avec le safran. Néanmoins, le principal constituant responsable de la couleur du safran, la crocine [[flavonoïde]], a été découvert dans le fruit du [[gardénia]], nettement moins cher à cultiver. Il est d'ailleurs actuellement utilisé en [[République populaire de Chine|Chine]] comme colorant de substitution du safran<ref name="dharmananda" />.

Le safran a également été employé pour ses seules propriétés aromatiques. En Europe, par exemple, des fils de safran ont été traités et combinés avec des ingrédient tels que de l'[[Orcanette des teinturiers|orcanette]], du [[sang-dragon]] (pour la couleur), et le [[vin]] (pour la couleur), pour produire une huile aromatique connue sous le nom de ''crocinum''. Le ''crocinum'' était ensuite appliqué sur les [[cheveu]]x pour les parfumer. Une autre préparation, comportant un mélange de safran et de [[vin]], était utilisée dans les [[théâtre]]s romains pour rafraîchir l'air<ref>{{en}} A. Dalby, {{langue|en|''Food in the Ancient World from A to Z''}}, Routledge (UK), 2003, {{p.|138}} {{ISBN|0-415-23259-7}}.</ref>.

== Classification et falsification ==
=== Classification ===
{| cellpadding="1" border="0" style="float: left; margin: 0em 1em 1em 0em; width: 208px; border: 1px #bbbbbb solid; border-collapse: collapse; font-size: 85%;"
|- align="center" bgcolor=#CDC0B0
! colspan="2" | Classification du safran<br /> catégories standards ([[ISO]] 3632)
|- align="center" bgcolor=#EEDFCC
| Catégorie ISO || [[Absorbance]] de la crocine<br />valeur de (<math>A_\lambda</math>)<br />(à λ=440 [[nanomètre|nm]])
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
| I || > 190
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
| II || 150–190
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
| III || 110–150
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
| IV || 80–110
|- align="center" bgcolor=#EEDFCC
| colspan="2" align="center" | ''Source: Tarvand (2005b)<ref name="tarvandb" />''
|}
{| cellpadding="1" border="0" style="float: right; margin: 0em 0em 1em 1em; width: 160px; border: 1px #bbbbbb solid; border-collapse: collapse; font-size: 85%;"
|- align="center" bgcolor=#CDC0B0
! colspan="2" | Classification standard<br />espagnole du safran
|- align="center" bgcolor=#EEDFCC
| Catégorie || Score [[ISO]]
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
|''Coupe'' || > 190
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
|''La Mancha'' || 180–190
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
|''Río'' || 150–180
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
|''Standard'' || 145–150
|- align="center" bgcolor=#FFFFFF
|''Sierra'' || < 110
|- align="center" bgcolor=#EEDFCC
| colspan="2" align="center" | ''Source : Tarvand (2005b)<ref name="tarvandb" />''
|}
Le safran est classé en fonction de sa qualité. Celle-ci est fixée par des mesures photométriques effectuées en [[Laboratoire de recherche|laboratoire]] et permettant de déterminer la concentration en crocine (couleur), en [[picrocrocine]] (goût) et en [[safranal]] (parfum). D'autres mesures peuvent être faites sur le contenu [[fleur|floral]] restant (fleur moins les [[stigmate (botanique)|stigmates]]), ou sur le contenu étranger, comme la matière inorganique (« cendres »). Plusieurs pays possèdent leurs propres normes de qualité du safran, dont la France avec les normes NF V32-120-1 et NF V32-120-2, et l'Iran avec la norme ISIRI 259-2<ref name="Lachaud" />. Afin d'uniformiser au niveau mondial la classification du safran, l'[[ISO|Organisation internationale de normalisation]] a établi diverses catégories standards de safran, regroupées sous la norme [[ISO]] 3632. Elle propose quatre classes empiriques fixées en fonction de l'intensité de la couleur : IV (qualité faible), III, II et I (qualité supérieure). Les échantillons de safran sont classés dans ces catégories en fonction de la concentration en crocine, qui est déterminée par une mesure de l'[[absorbance]] spectroscopique. Selon la [[loi de Beer-Lambert]], celle-ci est définie par <math>A_\lambda = -\log(I/I_0)</math>, où <math>A_\lambda</math> symbolise l'absorbance. C'est la mesure de la [[transparence]] d'une substance donnée (<math>I</math> est l'intensité de la lumière passant à travers l'échantillon, et <math>I_0</math> l'intensité du faisceau incident) pour une [[longueur d'onde]] précise.

Pour le safran, l'absorbance de la crocine est déterminée sur un échantillon séché et pour une lumière de longueur d'onde de {{unité|440|nm}}<ref name="tarvandb">{{en}} Tarvand, [http://www.tarvandsaffron.com/classification.htm “Grading and Classification”], ''Tarvand Saffron Company'', 2005b.</ref>. Une importante [[absorbance]] à cette longueur d'onde implique une importante concentration en crocine et donc une couleur intense. Ces données sont mesurées dans divers laboratoires certifiés tout autour du monde. Les résultats obtenus permettent de classer le safran selon son absorbance, une valeur inférieure à 80 pour la catégorie IV, supérieure à 190 pour la catégorie I. L'échantillon le plus fin du monde a atteint une absorbance record de 250. Les prix du marché suivent directement les scores obtenus lors de ces tests<ref name="tarvandb" />. Cependant, beaucoup de cultivateurs, de marchands et de consommateurs rejettent ces résultats scientifiques. Ils leur préfèrent une méthode plus [[holisme|holistique]] qui juge le safran dans son entier, goût, arôme, parfum et d'autres caractéristiques similaires à celles utilisées par les amateurs de [[vin]]{{sfn|Hill|2004|p=274}}.

=== Falsification ===
[[Image:curcuma.jpg|vignette|La poudre de [[curcuma]] est parfois utilisée pour couper le safran en poudre.]]
Malgré les tentatives de contrôle de la qualité et leur standardisation, l'histoire du safran est entachée par de nombreuses falsifications qui perdurent aujourd'hui, en particulier pour les catégories les moins chères. Elle est mentionnée la première fois en [[Europe]], au [[Moyen Âge]], lorsque les coupables de falsifications étaient exécutés selon le code Safranschou{{sfn|Willard|2001|p=102-104}}.

Les diverses méthodes de falsification consistent principalement en un mélange avec une substance étrangère, comme de la [[betterave]], des fibres de [[Grenade (fruit)|grenade]], des fibres de [[soie]] teintes en rouge ou les [[étamine]]s jaunes inodores et insipides du safran. C'est cependant le safran en poudre qui est le plus falsifié avec du [[curcuma]], du [[paprika]], du [[Carthame des teinturiers|saflor]] et d'autres poudres utilisées pour le couper. Le curcuma, qui partage seulement avec le safran son pouvoir colorant en orange, est d'ailleurs appelé safran des Indes ou safran du pauvre mais il y a tromperie lorsqu'on le nomme ''safran pei'' (safran local en [[créole]]) ou simplement safran<ref>Alors que les pistils de safran valent entre10€ et 50€ le gramme, le curcuma se vend entre 20€ et 150€ le kg, ce qui fait un rapport entre les coûts des deux épices d’au moins 1 à 500.</ref>.

La falsification peut aussi consister en la vente de mélanges de safran de grades différents<ref name="tarvand">{{en}} Tarvand, [http://www.tarvandsaffron.com/saffron.htm "What is Saffron?"], ''Tarvand Saffron Company'', 2005.</ref>. Ainsi, en [[Inde]], le safran de haute qualité produit au [[Cachemire]] est souvent vendu mélangé à des safrans venus d'[[Iran]], nettement moins chers, ce mélange étant ensuite vendu comme provenant totalement du Cachemire. Cette falsification a beaucoup coûté aux cultivateurs [[cachemiris]] qui voient leur production s'effondrer<ref>{{en}} [[Australian Broadcasting Corporation]], [http://www.abc.net.au/news/newsitems/200311/s982047.htm “Kashmiri saffron producers see red over Iranian imports”], Australian Broadcasting Corporation, 2003.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|auteur=A. Hussain |titre=“Saffron Industry in Deep Distress |url=http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/4216493.stm |date=2005 |site=news.bbc.co.uk}}.</ref>.

== Culture et mythologie ==
La [[mythologie grecque]] prête au safran une origine divine : Krokos, ami d’[[Hermès]], fut frappé au front d’une blessure mortelle pendant un [[lancer du disque]] avec le dieu de l’[[Mont Olympe|Olympe]]. Son sang s’écoula dans la terre d’où il resurgit plus tard sous la forme des stigmates rouge sang de la fleur de safran. Et dans la [[mythologie romaine]], [[Ovide]]<ref group="Note">« {{Latin|Et Crocon in parvos versum cum Smilace flores}} », ''[[Métamorphoses (Ovide)|Métamorphoses]]'', Livre IV, 283.</ref> évoque Crocus, un petit garçon amoureux de la jeune Smilax, qui fut métamorphosé en fleur de safran par la force de l’amour{{sfn|Boisvert et Aucante 1993|p=19 et 22|id=cb}}.

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Saffron|149620799}}
{{Traduction/Référence|en|Trade and use of saffron|151218819}}
=== Notes ===
{{Références|groupe=Note}}
=== Références ===
{{références nombreuses|taille=25 | références =
<ref name="cap-20043176395">[http://www.cababstractsplus.org/google/abstract.asp?AcNo=20043176395 DNA analysis in ''Crocus sativus'' and related Crocus species.]</ref>
<ref name="actahorn-650_1">[http://www.actahort.org/members/showpdf?booknrarnr=650_1 M. Grilli Caiola – Saffron reproductive biology]</ref>
}}

== Annexes ==
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|auteur=Paul Chappellier|titre=Sur la culture du safran|sous-titre=Nouveau mode de culture, Traitement de la maladie, Création d’une nouvelle variété|lieu=Paris|éditeur=Imprimerie de la Cour d’Appel|année=1844-1897|pages totales=40|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8521996/f1.item.texteImage|id=pc}}
* {{Ouvrage|auteur1=Clotilde Boisvert|auteur2=Pierre Aucante|titre=Saveurs du safran|éditeur=Albin Michel|année=1993|pages totales=126|isbn=978-2226-063502|id=cb}}
* {{Ouvrage |langue= en|auteur1= P. Willard |titre=Secrets of Saffron: The Vagabond Life of the World's Most Seductive Spice |éditeur= Beacon Press|année=2001 |isbn= 0-8070-5008-3|lire en ligne= https://books.google.com/books?ie=UTF-8&hl=en&id=WsUaFT7l3QsC}}.


{{Autres projets
| commons = Category:Saffron
| commons titre = Safran
| wiktionary = safran
| wiktionary titre = Safran
}}

=== Articles connexes ===
* [[Histoire du safran]]
* [[Crocus sativus|Safran cultivé]]

=== Liens de référence ===
* {{Tela-métro|19911|''Crocus sativus'' L., 1753 }}
* {{ITIS|501794|''Crocus sativus'' L. }}
* {{NCBI|82528|''Crocus sativus'' }}
* {{GRIN espèce|12265|''Crocus sativus'' L. }}
* {{eFloras|5|200028148 | Crocus sativus }}
* [https://le-musee-du-safran-boynes.blogspot.com/p/le-musee.html Musée du safran] à [[Boynes]]
* {{Dictionnaires}}
* {{Autorité}}

{{Portail|Agriculture|Alimentation|Plantes utiles|épices et aromates}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=20580074|date=12 septembre 2007}}

[[Catégorie:Épice]]
[[Catégorie:Colorant alimentaire]]
[[Catégorie:Plante tinctoriale]]