Voir la source de Sangaku

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[[Fichier:Sangaku of Konnoh Hachimangu 1859.jpg|vignette|Exemple de ''sangaku''.]]
[[Fichier:Sangaku of Soddy's hexlet in Samukawa Shrine.jpg|vignette|redresse|Reconstitution d’une tablette ''sangaku'' représentant un [[hexlet de Soddy]] au musée Hōtoku du [[Samukawa-jinja]].]]
Les {{japonais|'''''sangaku''''' ou '''''san gaku'''''|算額||littéralement : tablettes mathématiques}} sont des tablettes de bois [[ex-voto|votives]] présentes dans certains [[temple]]s japonais et figurant des [[Casse-tête|énigmes]] de [[géométrie euclidienne]] gravées. Ces objets établissent un lien avec la vie artistique et la vie religieuse par le biais des [[mathématiques]]. Elles apparurent durant l'[[époque d'Edo]] (1603-1867) et furent fabriquées par des membres de toutes les classes sociales.

== Historique ==
Pendant l'[[époque d'Edo]], le [[Japon]] était complètement [[isolationnisme|isolé]] du reste du monde (''[[sakoku]]''), si bien que les tablettes furent créées en utilisant les [[mathématiques japonaises]] (''wasan''), sans influence de la pensée mathématique occidentale{{Pertinence contestée}}. Par exemple, la connexion fondamentale entre une [[Intégration (mathématiques)|intégrale]] et sa [[dérivée]] était inconnue, de sorte que les problèmes des ''sangaku'' sur les [[Aire (géométrie)|aires]] et les volumes étaient résolus par l'expansion de séries infinies et le calcul terme par terme{{Référence nécessaire|date=16 février 2023}}. Ce fut une période d’intense création culturelle, au sens large, avec l’apparition d'autres formes d’art profondément originales : le théâtre [[kabuki]], le ''[[bunraku]]'' (théâtre de marionnettes), l’''[[ukiyo-e]]'' (estampes). Les [[Japon]]ais tirèrent profit des héritages culturels [[Chine|chinois]] ramenés du continent. Certains ouvrages de mathématiques leur furent d'abord incompréhensibles et furent ensuite lentement assimilés.

C'est à cette époque, au cours du {{s-|XVII}}, que se développe la mode des ''sangaku''{{sfn|Horiuchi|1998|p=136}}. Ces problèmes mathématiques étaient peints en couleur sur des tablettes de bois, On y trouvait en général une illustration, l'énoncé du problème, la formule de résolution, la date de création, l'auteur du problème et son école d'origine{{sfn|Hosking|2016|p=20-22}}. Elles étaient suspendues à l'entrée de [[temple]]s et d'autels [[shintoïsme|shintoïstes]] (''[[Sanctuaire shinto|jinja]]'') en offrande aux divinités locales<ref>{{ouvrage | auteur = Hidetoshi Fukagawa et Tony Rothman | titre = Sacred Mathematics: Japanese temple geometry | éditeur = [[Princeton University Press]] | année = 2008 | lire en ligne = https://books.google.fr/books?id=OxKKDCmGDlEC&pg=PA1#v=onepage | passage = 1}}.</ref>. Selon certaines sources, il s'agissait de montrer le talent d'un maître mathématicien à la vue du plus grand nombre<ref>Annick Horiuchi, dans Géry Huvent, ''Sangaku. Le mystère des énigmes géométriques japonaises'', Paris, Dunod, 2008. {{Citation|Les problèmes légués symbolisent ce que nous appellerions aujourd'hui le front de la recherche. […] Ces joutes mathématiques que les maîtres s'échangent à distance stimulent incontestablement la recherche.}}</ref> ; d'autres pensent qu'il s'agissait aussi d'[[ex-voto]], à classer dans les [[ema]]s, à la fois offrande religieuse et manifestation artistique{{sfn|Hosking|2016|p=187}}.

Ce mouvement prend de l'ampleur entre 1790 et 1840{{sfn|Horiuchi|1998|p=137}}. La tradition perdure durant l'[[ère Meiji]] avant de pratiquement disparaître au début du {{s-|XX}}{{sfn|Hosking|2016|p=24}}. On estime à plusieurs milliers le nombre de tablettes créées durant la période Edo{{sfn|Horiuchi|1998|p=137}}. Les tablettes de bois, de nature éphémère, sont reproduites dans des recueils dès la fin du {{s-|XVIII}}{{sfn|Horiuchi|1998|p=137}}. Beaucoup de ces tablettes ont été perdues après la période de modernisation qui succéda à l'[[époque d'Edo]], mais environ 900 ont pu être conservées, dont la plus ancienne date de 1683{{sfn|Hosking|2016|p=24}}. Les ''sangaku'' furent publiées {{ref nec|pour la première fois}} aux États-Unis en 1989 par [[Hidetoshi Fukagawa]], professeur de mathématiques de lycée, et par [[Daniel Pedoe]], dans un livre intitulé ''{{langue|en|Japanese Temple Geometry Problems}}''.

== Types de problèmes ==
Les tablettes ''sangaku'' présentent souvent des figures simples où l'esthétique des formes est déterminante dans le choix des problèmes. On y retrouve particulièrement des [[polygone]]s et des [[polyèdre]]s simples ou réguliers, des [[cercle]]s, des [[ellipse (mathématiques)|ellipses]], des [[sphère]]s et des [[ellipsoïde]]s. Le [[paraboloïde]] et les différentes [[conique]]s y font leur apparition aussi. Le [[cylindre]] intervient surtout pour créer l'ellipse par intersection avec le [[Plan (mathématiques)|plan]]. Les transformations [[Application affine|affines]] sont utilisées pour passer du cercle à l'ellipse. Des problèmes concernent par exemple plusieurs cercles mutuellement tangents ou plusieurs cercles tangents avec une ellipse.

== Quelques exemples ==
=== Tablette de 1820 ===
[[Fichier:Sangaku Miyagi 1820.png|vignette]]
Elle est exposée dans la [[préfecture de Miyagi]].

L'énigme consiste à démontrer que la distance entre les points de contact d'une tangente commune extérieure à deux cercles tangents extérieurement de rayons <math>r,R</math> est égale à <math>2\sqrt{rR}</math> {{Sfn|Huvent|2008|p=59}}.
{{Démonstration/début}}
Une application du [[théorème de Pythagore]] donne <math>AB^2=(R+r)^2-(R-r)^2=4rR</math>.
{{Démonstration/fin}}
=== Tablette de 1824 ===
[[Fichier:Sangaku Gunma 1824.png|vignette]]
Elle est exposée dans la ville de [[Takasaki]] ([[préfecture de Gunma]]).

L'énigme comporte une figure{{sfn|Huvent|2008|p=60}} avec
* l'énoncé : comme sur le dessin, sur une ligne droite sont posés deux cercles, un grand et un moyen. Entre les deux est contenu un petit cercle. Le diamètre<ref> On peut aussi raisonner sur le rayon.</ref> du grand cercle est 36, le diamètre du cercle moyen est 9. Quel est le diamètre du petit ?
* la réponse : le diamètre du petit cercle est 4.
* la procédure : multiplie le diamètre du grand cercle et du petit cercle, c'est ''le ciel''<ref> Traduction anglaise : ''the heaven''.</ref>. Prends en la racine carrée, multiplie-la par 2, ajoute les diamètres du grand et du moyen cercle. Divise ''le ciel'' par le résultat, tu obtiens le diamètre du petit cercle{{sfn|Hosking|2016|p=196}}.

{{Démonstration/début}}
On utilise la relation précédente :

<math>2\sqrt{r_1r_2}=AB=AC+CB=2\sqrt{r_1r_3}+2\sqrt{r_3r_2}</math>, d'où le résultat en divisant par <math>2\sqrt{r_1r_2r_3}</math>.

On retrouve la procédure indiquée sur le sangaku <math> r_3=\frac{r_1r_2}{2\sqrt{r_1r_2}+r_1+r_2}</math> en prenant la formule <math>\frac1{\sqrt{r_3}} = \frac1{\sqrt{r_1}}+\frac1{\sqrt{r_2}}</math>, réduisant au même dénominateur, élevant au carré et prenant les inverses.
{{Démonstration/fin}}
La relation est aussi un cas particulier de [[Théorème de Descartes (géométrie)#Cas particulier|celle de Descartes]].

=== Tablette de 1814 ===
[[Fichier:Sangaku 1814 chiba.png|vignette]]
Elle est exposée dans la [[préfecture de Chiba]].

L'énigme consiste à démontrer la relation indiquée dans la figure{{sfn|Huvent|2008|p=125}}.
{{Démonstration/début}}
Avec les notations classiques actuelles, on a <math>\sin\frac{\widehat A}2=\frac{r-r_1}{r+r_1}</math>, donc <math>\frac{r_1}r=\frac{1-\sin\frac{\widehat{A}}2}{1+\sin\frac{\widehat{A}}2}=
\tan^2\left(\frac\pi 4-\frac{\widehat{A}}4\right)</math> ; posant <math>\alpha=\frac\pi 4-\frac{\widehat{A}}4,\beta=\frac\pi 4-\frac{\widehat{B}}4,\gamma=\frac\pi 4-\frac{\widehat{C}}4</math>, on a donc : <math>\sqrt{\frac{r_1r_2}{r^2}}+\sqrt{\frac{r_2r_3}{r^2}}+\sqrt{\frac{r_3r_1}{r^2}}=
\tan\alpha\tan\beta+\tan\beta\tan\gamma+\tan\gamma\tan\alpha</math>.

Or <math>\alpha+\beta+\gamma=\frac{3\pi-\pi}4=\frac\pi 2</math>, donc <math>\tan\gamma=\frac{1-\tan\alpha\tan\beta}{\tan\alpha+\tan\beta}</math> et <math>\tan\alpha\tan\beta+\tan\beta\tan\gamma+\tan\gamma\tan\alpha=1</math>, d'où la relation.
{{Démonstration/fin}}

=== Tablette de 1788 ===
[[Fichier:Hotta's problem color.svg|vignette|Sangaku de Hotta Jinsuke (1788). Quels sont les rayons des cercles bleus ?]]
Un problème plus complexe est l'œuvre de Hotta Jinsuke de l'école Fujita dans la préfecture de [[Tokyo]] en 1788<ref>{{Lien web|titre=Le problème de Hotta|url=https://www2.mat.ulaval.ca/liens-utiles/les-sangaku-des-tablettes-a-linternet/9658-sangaku-pour-le-web/5-problemes-choisis/le-probleme-de-hotta/|site=Université de Laval}}.</ref>, retranscrite par Fujita Kagen, dans son ''{{Lang|ja-Latn|Shinpeki Sanpo}}'' de 1789, et qui fit la couverture du ''{{Lang|en|[[Scientific American]]}}''<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Tony Rothman, Hidetoshi Fukagawa|titre=Japanese Temple Geometry|périodique=Scientific American|volume=278|date=mai 1998|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/26057787|accès url=limité|pages=84-91}}.</ref> et celle de ''[[Pour la science]]''<ref>{{Article|auteur1=Tony Rothman, Hidetoshi Fukagawa|titre=Géométrie et religion au Japon|périodique=Pour la Science|numéro=249|date=juillet 1998|lire en ligne=https://www.pourlascience.fr/sd/mathematiques/pour-la-science-n0249-442.php|accès url=payant}}.</ref> en 1998. Il met en jeu un disque de rayon 1 dans lequel on coince deux disques de rayon 1/2 (ou de [[courbure]] 2, la courbure étant l'inverse du rayon), on crée une [[chaîne de Pappus]], faite de cercles tangents au grand cercle et au cercle de rayon 1/2, le premier cercle étant l'autre cercle de rayon 1/2 et chaque nouveau cercle étant aussi tangent au cercle précédent de cette chaîne. On obtient une série de disques (colorés en rouge) de courbures entières : 3, 6, 11, 18, 27, etc., suite <math>(n^2+2)</math>. On construit ensuite une seconde série de cercles tangents au même cercle de rayon 1/2 et à deux cercles consécutifs de la chaîne de Pappus (colorés en bleu). Les courbures sont égales à 15, 23, 39, 63, etc. , suite <math>((2n-1)^2 + 14)</math>, {{OEIS2C|A242412}}. Cette construction remarquable, qui fait intervenir une infinité de quadruplets de cercles mutuellement tangents (satisfaisant donc la [[Théorème de Descartes (géométrie)|relation de Descartes]]), ne contient que des cercles aux courbures entières {{Note|texte=la raison pour laquelle les courbures sont entières se trouve expliquée [[Théorème de Descartes (géométrie)#Cercles de Soddy|ici]].}}. Le problème demandait simplement quel était le rayon d'un cercle d'une des séries interstitielles.

Une autre tablette similaire (1814, [[préfecture de Gunma]]) propose une énigme où le premier cercle de la chaîne est tangent au diamètre prolongé du cercle intérieur de départ<ref>{{Article|auteur1=Géry Huvent|titre=Une chaîne de cercles|périodique=Researchgate|date=24 juin 2010|lire en ligne=https://www.researchgate.net/publication/326492805_Sangaku_Une_chaine_de_cercles|pages=5-6}}.</ref>.

Ce problème est à rapprocher des [[cercles d'Apollonius (fractale)|cercles d'Apollonius]].

=== Problème résolu seulement en 2018 ===
Un problème collecté par le mathématicien Yamaguchi Kanzan entre 1817 et 1828, concernant une ellipse et trois disques inscrits dans un triangle rectangle, n'a été résolu qu'en 2018 dans un article de dix pages<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Hiroshi Kinoshita|titre=An Unsolved Problem in the Yamaguchi’s Travell Diary|périodique=Sangaku Journal of Mathematics|date=10 septembre 2018|lire en ligne=http://www.sangaku-journal.eu/2018/SJM_2018_43-53_kinoshita.pdf|pages=43-53}}.</ref>.

== Références ==
<references />

== Voir aussi ==
{{Autres projets
 | commons = Category:Sangaku
}}
=== Bibliographie ===
* {{en}} {{ouvrage | auteur = H. Fukagawa et Daniel Pedoe | titre = Japanese Temple Geometry Problems: San Gaku | éditeur = Charles Babbage Research Centre | lieu = Winnipeg | année = 1989}}.
* {{en}} {{ouvrage | auteur = Hidetoshi Fukagawa et Tony Rothman | titre = Sacred Mathematics: Japanese Temple Geometry | éditeur = Princeton University Press | année = 2008}}.
* {{article | auteur = Annick Horiuchi | titre = Les mathématiques peuvent-elles n'être que pur divertissement ? Une analyse des tablettes votives de mathématiques à l'époque d'Edo | périodique = Extrême-Orient, Extrême Occident | numéro = 20 | éditeur = Presses Universitaires de Vincennes | année = octobre 1998|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_1998_num_20_20_1059}}.
* {{ouvrage | auteur = Géry Huvent | titre = Sangaku. Le mystère des énigmes géométriques japonaises | éditeur = Dunod | année = 2008 | pages totales = 176 | isbn = 978-2100520305}}.
* {{ouvrage|langue=en|auteur=Rosalie Hosking|titre=Sangaku: A Mathematical, Artistic, Religious, and Diagrammatic Examination|éditeur=University of Cantorbury|année=2016|doi=10.26021/3196}}.

=== Articles connexes ===
{{colonnes|taille=25|
* [[Seki Kōwa]]
* [[Théorème japonais]]
* [[Théorème japonais de Carnot]]
* [[Théorème des six cercles]]
* [[Théorème des cercles inscrits égaux]]
* [[Théorème de Stewart]], présentant un exemple de sangaku
* [[Théorème des globes oculaires]], présentant un autre sangaku
* [[Cercles d'Archimède]]
}}

=== Liens externes ===
* {{Lien web |auteur=Géry Huvent |titre=Sangaku |description=errata et addenda pour son livre sur les sangakus |url=https://ghuvent.wixsite.com/epsilon-maths/blank-1 |site= |consulté le=16 février 2023}}.
* {{lien web | url = http://www.sangaku.info/index.fr.html | titre = ''Sangaku''. Des tablettes votives japonaises comportant des jeux mathématiques | site = www.sangaku.info | consulté le = 1 décembre 2020}}.
* {{lien web | url = http://revue.sesamath.net/spip.php?article218 | titre = De l'usage des ''sangaku'' comme problème mathématique au collège et au lycée | site = revue.sesamath.net | consulté le = 1 décembre 2020}}.
{{Liens}}

{{Palette|Japon|Jeu de logique japonais}}
{{Portail|Japon|mathématiques}}

[[Catégorie:Culture japonaise]]
[[Catégorie:Mathématiques récréatives]]
[[Catégorie:Mathématiques japonaises]]