Voir la source de Simone Weil

{{voir homonymes|Weil}}
{{confusion|texte=Ne doit pas être confondue avec la femme politique [[Simone Veil]].}}

{{Infobox Biographie2
 | charte            = philosophe
 | image             = Simone Weil (1909-1943) portrait.png
 | légende           = Simone Weil à New York (1942)
 | période d'activité = -
 | mouvement         = [[Rationalisme]], [[humanisme]], [[mysticisme]], [[idéalisme (philosophie)]]
 | domaine           = [[Philosophie]], [[Métaphysique]], [[théologie]], [[exploitation sociale]], [[littérature grecque antique]], [[mathématiques]], [[éthique]], [[sotériologie]] et [[politique]]
 | idées remarquables = Malheur, amour surnaturel, décréation, enracinement, déracinement, athéisme purificateur, obligations éternelles
 | influencé par     = [[Homère]], [[Pythagore]], [[Tragédie grecque#Les tragiques|Tragiques grecs]], [[Platon]], [[Stoïcisme]], [[Jean de la Croix]], [[Descartes]], [[Jean-Jacques Rousseau]], [[Emmanuel Kant|Kant]], [[Jules Lagneau]], [[Alain (philosophe)|Alain]]
 | a influencé       = [[Witold Gombrowicz]], [[Iris Murdoch]], [[Giorgio Agamben]]
 | œuvres principales = ''[[L'Enracinement]]''<br />''[[La Condition ouvrière]]''<br />''[[Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale]]''<br />''[[Cahiers]]''<br />''[[Attente de Dieu]]''<br />''[[#La Pesanteur et la grâce|La Pesanteur et la grâce]]''
 | signature         = 
}}

'''Simone Weil''' ({{MSAPI|[simɔn vɛj]}}) est une [[philosophe]] [[Humanisme|humaniste]] [[France|française]], née à [[Paris]] le {{date de naissance-|3|février|1909}} et morte à [[Ashford]] ([[Angleterre]]) le {{date de décès-|24|août|1943}}.

Sans élaborer de système nouveau, elle souhaite faire de la [[philosophie]] une manière de vivre, non pour acquérir des connaissances, mais pour être dans la [[vérité]]. Dès 1931, elle enseigne la philosophie et s'intéresse aux courants [[Marxisme|marxistes]] anti-staliniens. Elle est l'une des rares philosophes à avoir tenté de comprendre la « condition ouvrière » par l'expérience concrète du travail en milieu industriel et agricole. Successivement [[Militantisme|militante]] [[Syndicalisme|syndicale]], proche ou sympathisante des groupes révolutionnaires [[trotskistes]] et [[anarchistes]] et des formations d'[[Extrême gauche|extrême-gauche]], mais sans toutefois adhérer à aucun [[parti politique]]{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=16-17}}{{,}}<ref name="w">Père Jean-Marie Perrin, Préface à Simone Weil, ''[[Attente de Dieu]]'', Fayard, 1977, {{p.}}6-7.</ref>, écrivant notamment dans les revues ''[[La Révolution prolétarienne]]'' et ''La Critique sociale'', puis engagée dans la [[Résistance intérieure française|Résistance]] au sein des milieux [[De Gaulle|gaullistes]] de [[Londres]], Simone Weil prend ouvertement position à plusieurs reprises dans ses écrits contre le [[nazisme]], et n’a cessé de vivre dans une quête de la [[justice]] et de la [[charité]]<ref group="Note">Son amie et biographe [[Simone Pétrement]] explique cette attitude : {{Citation|Puisque le malheur existe dans le monde, elle supportait mal de ne pas en avoir sa part ; et surtout elle croyait qu’il faut y avoir part pour comprendre par quels moyens on peut réellement y remédier. Plus tard, en outre, elle a pensé que seul le malheur peut faire connaître la vérité de l’existence, la vérité complète et absolue.}} (''La Vie de Simone Weil'', Fayard, 1998, {{p.}}669.)</ref>. S'intéressant à la question du sens du travail et de la [[dignité]] des travailleurs, elle postule un régime politique qui {{citation|ne serait ni capitaliste ni [[Socialisme|socialiste]]<ref group=Note>{{citation|Il abolirait la condition prolétarienne, au lieu que ce qu’on nomme socialisme a tendance, en fait, à y précipiter tous les hommes.}} ''[[L'Enracinement]]'', coll. Idées / Gallimard, 1973, {{p.}}103.</ref>}}.

Née dans une famille [[Alsaciens|alsacienne]] d'origine [[Juifs|juive]] et [[agnostique]], elle [[Conversion au christianisme|se convertit]] à partir de 1936 à ce qu'elle nomme l'« amour du [[Jésus-Christ|Christ]] », et ne cesse d’approfondir sa quête de la [[spiritualité chrétienne]]. Bien qu'elle n'ait jamais adhéré par le [[Baptême catholique|baptême]] au [[catholicisme]], elle se considérait, et est aujourd'hui reconnue, comme une [[mystique]] chrétienne. Elle est aussi parfois vue comme une « [[Anarchisme chrétien|anarchiste chrétienne]]<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |prénom=Kévin "L'Impertinent" |nom=Boucaud-Victoire |titre=Avec Simone Weil et George Orwell, pour un socialisme vraiment populaire |url=https://comptoir.org/2015/06/22/avec-simone-weil-george-orwell-pour-socialisme-vraiment-populaire/ |site=Le Comptoir |date=2015-06-22 |consulté le=2023-11-21}}</ref> ».

Elle propose une lecture nouvelle de la [[Philosophie en Grèce antique|pensée grecque]] ; elle commente la philosophie de [[Platon]], en qui elle voit {{citation|le père de la mystique occidentale<ref>Simone Weil, ''La Source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}80.</ref>}} ; elle traduit et interprète aussi les grands textes littéraires, philosophiques et religieux grecs, dans lesquels elle découvre des {{cita|intuitions préchrétiennes}}, qu’elle met en parallèle avec les [[Bhagavad-Gita|écritures sacrées hindoues]] et avec le [[catharisme]]. Ses écrits, où la raison se mêle aux intuitions religieuses et aux éléments scientifiques et politiques, malgré leur caractère apparemment disparate{{sfn|Miklós Vető 2016|p=15|id=mv}}{{,}}{{sfn|Christine Hof 2016|p=7|id=ch}} ont un fil directeur à chercher dans son amour impérieux de la vérité, définie comme le besoin de l'âme humaine le plus sacré.

À bout de forces, elle meurt d’épuisement moral et physique ainsi que de [[tuberculose]] dans un [[sanatorium]] anglais le {{date-|24 août 1943}}, à 34 ans.

== Biographie ==
=== Enfance ===
[[Fichier:SimoneWeil (1916).jpg|left|alt=un homme en habit de militaire, avec képi; devant lui, sa femme assise et deux enfants|vignette|La famille Weil en 1916.]]
Simone Adolphine Weil naît le 3 février 1909 à cinq heures du matin dans le {{10e arrondissement de Paris}}<ref>{{Lien web|titre=1909, Naissances, 10 10N 379 |url=https://archives.paris.fr/arkotheque/visionneuse/visionneuse.php?arko=YTo2OntzOjQ6ImRhdGUiO3M6MTA6IjIwMjMtMDYtMTMiO3M6MTA6InR5cGVfZm9uZHMiO3M6MTE6ImFya29fc2VyaWVsIjtzOjQ6InJlZjEiO2k6NDtzOjQ6InJlZjIiO2k6MjgwNTQ5O3M6MTY6InZpc2lvbm5ldXNlX2h0bWwiO2I6MTtzOjIxOiJ2aXNpb25uZXVzZV9odG1sX21vZGUiO3M6NDoicHJvZCI7fQ==#uielem_move=-274%2C-454&uielem_rotate=F&uielem_islocked=0&uielem_zoom=179|nature document=État-civil manuscrit|accès url=libre |site=Archives de Paris |consulté le=13 juin 2023}}.</ref>, dans une famille d'origine [[Histoire des Juifs en Alsace|juive alsacienne]] du côté paternel, installée à Paris depuis plusieurs générations. La famille Weil habite alors au 19, [[boulevard de Strasbourg (Paris)|boulevard de Strasbourg]]<ref>André Weil, ''Souvenirs d'apprentissage'', {{p.|13}}.</ref> : c'est là que Simone Weil voit le jour. Elle a trois ans de moins que son frère, le futur [[mathématicien]] [[André Weil]].

Sa mère, Salomea Reinherz, d'origine [[Histoire des Juifs en Ukraine|juive ukrainienne]], est née à [[Rostov-sur-le-Don]]{{sfn|Simone Weil 1988|p=27|id=ad}} et a été élevée en [[Belgique]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Thomas R.|nom1=Nevin|titre=Simone Weil|sous-titre=Portrait of a Self-exiled Jew|éditeur=Univ of North Carolina Press|année=1991|pages totales=488|passage=238-239|isbn=978-0-8078-1999-9|lire en ligne=https://books.google.it/books?id=pbNwXrQPs7kC&printsec=frontcover|consulté le=2019-06-03}}</ref>. Son père, Bernard Weil, est chirurgien militaire. La famille habite au 37 [[Boulevard Saint-Michel (Paris)|boulevard Saint-Michel]] à Paris jusqu'à ce que son père soit mobilisé lors de la [[Première Guerre mondiale]]{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=20|id=sp}}, dans le Service de santé, et sa famille suit ses différentes affectations<ref group=Note>[[Neufchâteau (Vosges)|Neufchâteau]] en août 1914, puis [[Menton (Alpes-Maritimes)|Menton]] de février 1915 à avril 1915 et [[Mayenne (commune)|Mayenne]] d'{{date-|avril 1915}} à {{date-|août 1916}}. La famille le suit dans toutes ses destinations sauf lorsqu'il part en colonne au sud de [[Constantine (Algérie)|Constantine]] à l'été 1916. Ils sont à [[Chartres]] de janvier à septembre 1917 et à [[Laval (Mayenne)|Laval]] de septembre 1917 jusqu'en {{date-|janvier 1919}}. Son frère y reçoit des cours particuliers d'[[Émile Sinoir]], qu'il cite dans ses mémoires.</ref>. La famille revient au 37 [[Boulevard Saint-Michel (Paris)|boulevard Saint-Michel]] à Paris en janvier 1919 et y reste jusqu'en 1929{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=20 et 33|id=sp}}. Ils déménagent, toujours dans la capitale, au 3 [[Rue Auguste-Comte (Paris)|rue Auguste-Comte]] en mai 1929{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=103|id=sp}}. Ses parents font partie de la bourgeoisie parisienne.

Elle grandit avec son frère dans une famille unie, dans un environnement aimant et sain, extrêmement stimulant intellectuellement et dans lequel il y avait une grande liberté de raillerie et d'ironie en plus d'une grande chaleur humaine{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=16|id=sp}}. Les deux enfants Weil se stimulaient intellectuellement l'un l'autre. À [[Mayenne (commune)|Mayenne]] en 1916, ils inventèrent un jeu qui consistait à se réciter des scènes entières de [[Pierre Corneille|Corneille]] et de [[Jean Racine|Racine]], puis à donner une gifle à celui ou celle qui se trompait ou oubliait son texte{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=27|id=sp}}. Simone ne s'intéressait que peu aux jeux de son âge, presque tout son intérêt était tourné vers les livres. Leurs parents supervisaient de près leur éducation. La mère de Simone souhaitait que les méthodes d'enseignement qu'elle recevait lui permettent de développer son raisonnement et son jugement plutôt que de solliciter uniquement sa mémoire{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=25|id=sp}}. Simone était très maladroite de ses mains et gardera ce trait toute sa vie{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=31|id=sp}}.

=== Études ===
Elle entre au [[Lycée Douanier Rousseau|lycée de jeunes filles de Laval]] en octobre 1917{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=31|id=sp}}. Elle ne reçoit aucune éducation religieuse, comme elle en témoigne elle-même : {{Citation|J'ai été élevée par mes parents et par mon frère dans un agnosticisme complet}}<ref name="w" />. À la fin de l'année scolaire, elle reçoit le prix d'excellence de sa classe ainsi que beaucoup d'autres prix{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=32|id=sp}}.[[Fichier:Simone Weil Baden-Baden(1921).jpg|alt= portrait de Simone Weil (1921)|thumb|right|Simone Weil en 1921.]]Le 3 octobre 1919, elle rentre au [[Lycée Fénelon (Paris)|lycée Fénelon]] à Paris, en première A{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=34|id=sp}}. Simone exerçait une grande influence sur ses camarades et les élevait presque jusqu'à son niveau de culture et de pensée si bien que son professeur trouvait que Simone « surchauffait » la classe{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=35|id=sp}}. Simone, ayant une santé fragile depuis la naissance, ne retourna pas au lycée Fénelon pour l'année scolaire 1920-1921, elle prit des leçons particulières et fit de grand progrès{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=39|id=sp}}. Lors de cet hiver 1920-1921 elle écrit un conte poétique "''[[s:Poèmes_suivis_de_Venise_sauvée/Poèmes/Conte_des_lutins_du_feu|Les lutins du feu]]''" (publié dans [https://fr.wikisource.org/wiki/Po%C3%A8mes,_suivis_de_Venise_sauv%C3%A9e?uselang=fr ''Poèmes, suivis de Venise sauvée'']), où les flammes deviennent des personnages dansant et luttant, s'évanouissant et se ranimant{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=39|id=sp}}. En octobre 1921 elle retourne au [[Lycée Fénelon (Paris)|lycée Fénelon]] mais n'y reste que trois mois avant de suivre un trimestre au collège [[Collège Sévigné|Sévigné]] et de finir l'année en prenant des leçons particulières et des cours de [[grec ancien]]{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=39-40|id=sp}}.

En octobre 1922 elle retourne au lycée Fénelon en quatrième A. Elle connaît alors un grand désespoir, pensant être mal douée. À propos de cette période, elle racontera plus tard dans un texte publié dans ''[[Attente de Dieu]]'' : « Après des mois de ténèbres intérieures, j'ai eu soudain et pour toujours la certitude que n'importe quel humain, même si ses facultés naturelles sont presque nulles, pénètre dans ce royaume de la vérité réservé au génie, si seulement il désire la vérité et fait perpétuellement un effort d'attention pour l'atteindre{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=41|id=sp}}{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Simone Weil|titre=Attente de Dieu|éditeur=Fayard|année=1966|lire en ligne=https://cielterrefc.fr/wp-content/uploads/2023/08/attente_de_dieu_1966.pdf|consulté le=09/09/2024}}</ref>. »
[[Fichier:Simone Weil.png|vignette|220x220px|Simone Weil en 1922/1923]]

Au début de l'année scolaire 1923-1924, Simone est au lycée Fénelon en cinquième A. Elle quitte le lycée en décembre et prend des leçons particulières{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=42|id=sp}}. Elle a un professeur très original qui explique merveilleusement bien (selon sa mère) le ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'' et le [[Criton (Platon)|''Criton'']] de [[Platon]]{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=42-43|id=sp}}. 

En 1924-1925, elle suit les cours du philosophe [[René Le Senne]] au [[lycée Victor-Duruy]], à Paris{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=43|id=sp}}. Elle devient vite sa meilleure élève, elle comptait parmi les cinq ou six élèves les plus brillantes qu'il eût rencontrées dans sa carrière{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=43|id=sp}}. Elle obtient, au mois de {{date-|juin 1925}}, le [[Baccalauréat en France|baccalauréat]] de philosophie à seize ans{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=45|id=sp}}.

En {{date-|octobre 1925}}, elle entre en [[Classes préparatoires littéraires|hypokhâgne]] au [[lycée Henri-IV]]. Elle a pour professeur de philosophie le philosophe [[Alain (philosophe)|Alain]] qui demeure son maître<ref name=":1">{{Article|auteur=[[Miklós Vető]]|titre=Simone Weil et l'histoire de la philosophie|périodique=Archives de Philosophie|tome=72|pages=581–606|date=2010-01-01|issn=0003-9632|lire en ligne=https://shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2009-4-page-581?lang=fr|consulté le=11/09/2024}}.</ref>. [[Simone de Beauvoir]], d'un an son aînée, qui croise son chemin en 1926 dans la cour de la [[Sorbonne]], accompagnée d'une « bande d'anciens élèves d'Alain », avec dans la poche de sa vareuse un numéro des ''Libres propos'' et ''[[L'Humanité]]'', témoigne de la petite notoriété dont elle bénéficiait déjà : « Elle m'intriguait, à cause de sa réputation d'intelligence et de son accoutrement bizarre... Une grande [[Famines en Chine|famine]] venait de dévaster la Chine, et l'on m'avait raconté qu'en apprenant cette nouvelle, elle avait sangloté : ces larmes forcèrent mon respect plus encore que ses dons philosophiques<ref>Simone de Beauvoir, ''Mémoires d'une jeune fille rangée'', 1958.</ref>. » [[Fichier:Lycée Henri-IV une partie de la classe de khâgne 1926.jpg|vignette|320x320px|Simone Weil au [[Lycée Henri-IV]].]]Avant de la connaître, ses camarades la trouvaient dure. [[Simone Pétrement]], sa camarade à [[Lycée Henri-IV|Henri IV]] et sa biographe, la décrit comme suit : « Sa fierté était grande, en un sens, mais elle savait n'être pas susceptible ; elle ne tenait pas compte des blessures d'amour-propre, elle allait chercher ceux qui ne l'aimaient pas. Elle semblait sans rancune, sans colère pour ce qui la touchait seule. […] Elle était sans doute réellement différente en ce sens qu'elle était déjà bien au-dessus du niveau commun, par la pureté des sentiments et la force du caractère plus encore que par l'intelligence{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=51-52|id=sp}}. »
Dans les premières années de [[khâgne]], Simone, et plus généralement les autres élèves sont tellement absorbés par les cours d'Alain qu'ils délaissent un peu les autres{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=73-74|id=sp}}. L'administration du lycée lui reproche son habillement, ses façons garçonnières, son non-conformisme. Un jour, lors de sa troisième année de khâgne, le censeur avait décidé que les filles ne devaient pas s'asseoir en classe parmi les garçons, mais à part. Simone fit deux écriteaux mentionnant "Côté hommes" et "Côté femmes". Elle fut renvoyée pour huit jours{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=75|id=sp}}.

Certains disciples d'Alain, parmi lesquels Simone, voulaient recréer des [[Université populaire|Universités populaires]] car ils comprenaient que l'instruction est une puissance et que sans cette puissance le peuple ne pourrait pas gouverner réellement{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=86|id=sp}}. En août 1927, ils formèrent une association, le « Groupe d'éducation sociale », où sont dispensés des cours de français, de mathématiques, de physique, et un cours d'éducation sociale tous les quinze jours le dimanche matin. Simone faisait partie des professeurs et même [[André Weil]] donna quelques cours de mathématiques. L'enseignement durera jusqu'en 1930-1931{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=86|id=sp}}. À la fin de l'année scolaire 1927-1928, [[Alain (philosophe)|Alain]] donna comme appréciation pour Simone Weil : « Excellente élève ; force d'esprit peu commune ; ample culture. Réussira brillamment si elle ne s'engage pas dans des chemins obscurs. Dans tous les cas sera remarquée »{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=71|id=sp}}. 

Elle est reçue sixième sur 218 au concours d'entrée de l’[[École normale supérieure (Paris)|École normale supérieure rue d'Ulm]] en 1928, à 19 ans<ref>{{Ouvrage|auteur1=Association des anciens élèves et amis de l'École Normale Supérieure|titre=Supplément historique|année=2015|passage=580}}</ref>. C'est à l'École normale supérieure qu'elle s'engagea dans des actions politiques avec ses camarades à travers des pétitions, des collectes pour le fonds de grève d'un syndicat ou pour les caisses de chômage{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=102|id=sp}}. Une pétition circula contre la préparation militaire qui accordait le rang d'officier en faisant un service militaire plus court{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=96-97|id=sp}}. Alain avait écrit en septembre 1928 : « Il y a quelque chose de plus beau à voir que celui qui n'aime pas obéir, c'est celui qui n'aime pas commander »<ref>{{Ouvrage|auteur=Alain (Émile Chartier)|titre=Pensées d'avenir|éditeur=Revue des vivants|année=1928}}</ref>. Simone fit campagne pour la pétition et alla réclamer des signatures en faisant des reproches à ceux qui ne la signaient pas{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=97|id=sp}}. La pétition suscita la fureur de la presse<ref>{{Article|titre=Libres Propos|périodique=Libre Propos|numéro=12|pages=pp.559-560 et p580|date=20 décembre 1928}}</ref>{{,}}{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=97|id=sp}}. Un jour, Simone alla quêter chez le directeur adjoint de l'École pour la caisse de chômage, il lui donna 20 francs en l'avertissant que son don devait rester anonyme. Dans la foulée, Simone afficha sur le panneau d'information de l'École : « Suivez l'exemple de votre directeur adjoint. Donnez anonymement à la Caisse de chômage »{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=103|id=sp}}.

Elle passe une partie de l'été 1929 chez sa tante à [[Marnoz]] dans le [[Jura (département)|Jura]] pour partager les travaux des paysans dans les champs. Durant sa jeunesse elle s'est toujours intéressée aux travaux manuels{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=102|id=sp}}. Elle adoucissait toujours la réalité pour ne pas inquiéter ses parents, ce qu'elle fera toute sa vie. Dans ses lettres, elle insiste surtout sur ses balades avec sa cousine, les fêtes où elle apprend à danser{{etc.}}{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=109-110|id=sp}}. Les relations humaines lui donnaient le plus de joie : « Ce qui rend le séjour ici agréable, c'est que je cause avec les gens du pays. » « Nous passons en ce moment nos journées au flanc d'une montagne où tout le pays fait maintenant le regain, et où on travaille tous ensemble. […] Si je me trouve bien ici, c'est que j'ai fait amitié avec les gens du pays. Les travaux, les foires, les fêtes ne sont que des occasions d'entretenir cette amitié en partageant leur vie »{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=110|id=sp}}. 

Son mémoire de [[Diplôme d'études supérieures en France|diplôme d'études supérieures]] en 1930 porte sur ''Science et Perception dans [[Descartes]]''{{sfn|Miklós Vető 2016|p=17|id=mv}}. Il fut publié plus tard dans le recueil de textes [[s:Sur_la_science|''Sur la science'']]<ref>{{Ouvrage|auteur=Simone Weil|titre=Sur la science|éditeur=Gallimard|année=1966|pages totales=282|passage=9-96|lire en ligne=https://fr.wikisource.org/wiki/Sur_la_science|consulté le=10/09/2024}}</ref>. Elle est reçue septième à l'[[Agrégation de philosophie en France|agrégation de philosophie]] en 1931, à 22 ans, et commence une carrière de professeur au lycée du [[Le Puy-en-Velay|Puy-en-Velay]], avant d'autres postes dans divers lycées de province{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=131-132|id=sp}}.

=== Enseignement, syndicalisme et expérience de l'usine ===
{{Article connexe|Observation participante}}
[[Fichier:Bourges-Maison de Simone Weil -7 place Gordaine (1).jpg|thumb|left|Maison où vécut Simone Weil, professeur au lycée de jeunes filles de [[Bourges]] en 1935-1936 (actuel [[Lycée Marguerite-de-Navarre|lycée Marguerite de Navarre]]).]]Au cours de l'hiver 1932-1933, au [[Le Puy-en-Velay|Puy-en-Velay]], elle est solidaire des [[syndicat]]s ouvriers, elle se joint au mouvement de grève contre le [[Chômage en France|chômage]] et les baisses de salaire, ce qui provoque un scandale. Décidée à vivre avec cinq francs par jour, comme les chômeurs du Puy, elle sacrifie tout le reste de ses émoluments de professeur à la Caisse de Solidarité des mineurs{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=16-17|id=ep}}. [[Syndicalisme|Syndicaliste]] de l’enseignement, elle milite dans l'opposition interne à la [[Confédération générale du travail unitaire|CGTU]], et elle est favorable à l’unification syndicale avec la [[Confédération générale du travail|CGT]]. Elle écrit dans les revues syndicalistes révolutionnaires ''[[École émancipée|L’École émancipée]]'' et ''[[La Révolution prolétarienne]]'' de [[Pierre Monatte]], notamment sous le pseudonyme « S. Galois »<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=1936-06 La vie et la grève des ouvrières métallos [Weil] |url=https://bataillesocialiste.wordpress.com/documents-historiques/1936-06-la-vie-et-la-greve-des-ouvrieres-metallos-weil/ |site=La Bataille socialiste |date=2009-10-26 |consulté le=2023-11-21}}</ref>. Suivant avec beaucoup d’attention l’évolution de l’expérience communiste en [[Union soviétique]], elle participe à partir de 1932, au [[Cercle communiste démocratique]] de [[Boris Souvarine]], qu’elle a connu par l’intermédiaire de l'[[anarcho-syndicalisme|anarcho-syndicaliste]] [[Nicolas Lazarévitch]]. Elle écrit dans la revue marxiste ''La Critique sociale'', dirigée par Souvarine, en 1933 et 1934. Hostile au régime instauré par [[Staline]], elle critique le [[communisme]] et tient tête à [[Trotski]]<ref name="T">{{lien web|titre=Simone Weil philosophe (1909-1943)|auteur=Philippe Etchecopar|url=https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/femmessavantes2/chapter/simone-weil-philosophe-1909-1943/|site=Éditions science et bien commun|consulté le=27 août 2018}}</ref>.

Elle passe quelques semaines en [[Allemagne]], au cours de l'été 1932, dans le but de comprendre les raisons de la montée en puissance du [[nazisme]]. À son retour, elle commente la montée au pouvoir de [[Adolf Hitler|Hitler]] dans plusieurs articles, entre autres dans ''[[La Révolution prolétarienne]]''. Ayant obtenu un congé d'une année pour études personnelles, elle abandonne provisoirement sa carrière d'enseignante, à partir de septembre [[1934]] ; elle décide de prendre, dans toute sa dureté, la condition d'ouvrière, non pas à titre de simple expérience, mais comme incarnation totale, afin d'avoir une conscience parfaite du malheur ; elle veut penser le rapport entre la technique moderne, la [[production de masse]] et la [[Liberté (philosophie)|liberté]]{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2001|p=3|id=g}} : dès le {{date-|4 décembre}}, elle est ouvrière sur presse chez [[Alstom|Alsthom]] (devenue depuis lors Alstom) dans le {{15e|arrondissement}} de Paris<ref group=Note>Elle réside de décembre 1934 à avril 1935 au 228 [[rue Lecourbe]], où une plaque commémorative lui rend hommage.</ref>{{,}}<ref>[http://www.paris15histoire.com/weil.html « Simone Weil, une philosophe ouvrière d’usine », Résumé d'un article de Jacques Couvreur in ''Bull. Soc. hist. & arch. du {{XVe}} arrondt. de Paris'', {{Numéro avec majuscule|23}}.]</ref>, puis elle travaille à la chaîne aux [[Forges de Basse-Indre]], à [[Boulogne-Billancourt]]<ref>Hourdin, G. (1988) . 12. La condition ouvrière. Simone Weil. ( p. 114 -121 ). La Découverte. {{Lire en ligne|url=https://shs.cairn.info/simone-weil--9782707118349-page-114?lang=fr.}}</ref>, et enfin, jusqu'au mois d'{{date-|août 1935}}, comme [[Fraisage|fraiseuse]] chez [[Renault]]. Elle connaît la [[faim]], la [[Fatigue (physiologie)|fatigue]], les rebuffades, l'[[oppression]] du [[travail à la chaîne]] sur un rythme forcené, l'[[angoisse]] du chômage et le licenciement<ref>Jean-Marie Perrin, préface à ''Attente de Dieu'', Fayard, 1977, {{p.}}7.</ref>{{,}}{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=18 à 21}}. Elle note ses impressions dans son ''Journal d'usine''<ref>[[Christian Chevandier]], ''La guerre du travail, de la crise à la croissance'', Paris, Belin, 2017, {{p.}}47-55.</ref>.
[[Fichier:Plaque Simone Weil rue Auguste-Comte Paris.jpg|vignette|Plaque au n°3 de la [[rue Auguste-Comte (Paris)]], où elle habite de 1929 à 1940.]]
[[Fichier:SimoneWeil (Spain).jpg|vignette|Simone Weil pendant la guerre d'Espagne (1936).]]
L'épreuve surpasse ses forces. Sa mauvaise santé l'empêche de poursuivre le travail en usine. Simone Weil souffre en particulier de [[maux de tête]] qui dureront toute sa vie. Elle reprend son métier de professeur de philosophie au lycée de [[Bourges]] à l'automne 1935, et donne une grande partie de ses revenus à des personnes dans le besoin. Elle prend part aux [[grèves de 1936]] et milite avec passion pour un [[pacifisme]] intransigeant entre États : « Comment donner en fait aux hommes qui composent le peuple de France la possibilité d'exprimer parfois un jugement sur les grands problèmes de la vie publique ? Comment empêcher, au moment où le peuple est interrogé, qu'il circule à travers lui aucune espèce de passion collective ? Si on ne pense pas à ces deux points, il est inutile de parler de légitimité républicaine »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Georges Tartaret|titre=Croissance Zéro, un nouveau paradigme|lieu=Paris, France|éditeur=éditions Le 3 Colonnes|année=2020|pages totales=140|passage=20|isbn=978-2-37480-826-0}}</ref>.

=== Guerre d'Espagne ===
En {{date-|août 1936}}, malgré son pacifisme, elle décide de prendre part à la [[guerre d’Espagne]], expliquant à [[Georges Bernanos]] : {{citation|Je n’aime pas la guerre ; mais ce qui m’a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c’est la situation de ceux qui se trouvent à l’arrière{{sfn|Christine Hof 2016|p=32|id=ch}} et bavardent de ce qu'ils ignorent}}<ref>[[André A. Devaux]], préface aux ''Œuvres complètes'' de Simone Weil, Gallimard, 1988, tome I, {{p.}}15.</ref>. Elle prend le train pour [[Barcelone]] et arrive à [[Portbou]] le {{date-|8|août|1936}}<ref name=esp>{{Lien web|titre=Le Journal d'Espagne de Simone Weil [Bonnes feuilles]|site=lundi.am|url texte=https://lundi.am/Le-journal-d-Espagne-de-Simone-Weil-Bonnes-feuilles|description=note 1|date=lundi 12 novembre 2018.}}</ref>. Son ''Journal d'Espagne'' montre qu'elle est surtout désireuse d'aller au plus près du peuple, des paysans espagnols, sans porter les armes{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=206-207|id=g3}} ; elle s’engage dans la [[colonne Durruti]] au début de la [[Guerre d'Espagne|guerre civile espagnole]] aux côtés des anarchistes et des révolutionnaires, tels [[Boris Souvarine]], [[Diego Abad de Santillan]], [[Juan Garcia Oliver]] et [[Buenaventura Durruti]]<ref>Charles Jacquier, ''Simone Weil, l’expérience de la vie et le travail de la pensée'', Éditions Sulliver, 1998, [https://books.google.be/books?id=ZF7fM8lR3LQC&pg=PA115 page 115].</ref>. Bien qu'intégrée dans une colonne de la [[Confédération nationale du travail (Espagne)|CNT]] [[anarcho-syndicalisme|anarcho-syndicaliste]], elle s'élève contre l'exécution d'un jeune garçon de quinze ans qui affirme avoir été enrôlé de force comme [[Phalange espagnole|phalangiste]]<ref>{{Lien web |titre=Retour sur une controverse : Louis Mercier, Simone Weil|url=http://gimenologues.org/spip.php?article404 |site=gimenologues.org |consulté le=2023-11-21}}.</ref>, et stigmatise la vengeance aveugle et les exécutions arbitraires, ce qu'elle appellera plus tard « la [[Cruauté|barbarie]] »{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=206-207|id=g3}}. Dans une lettre adressée à Georges Bernanos, elle rappelle comment elle faillit assister à l'exécution d'un prêtre [[franquiste]], et rapporte l'attitude de [[Cynisme (contemporain)|cynisme]] tranquille à l'égard du meurtre qu'elle découvre dans les rangs des [[Républicains espagnols|républicains]] : {{citation|Je n'ai jamais vu personne même dans l'intimité exprimer de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l'égard du sang inutilement versé. […] J'ai rencontré en revanche des Français paisibles, que jusque-là je ne méprisais pas, qui n'auraient pas eu l'idée d'aller eux-mêmes tuer, mais qui baignaient dans cette atmosphère imprégnée de sang avec un visible plaisir<ref>{{Lien web|url=http://www.unnecessairemalentendu.com/archive/2010/09/02/lettre-de-simone-weil-a-georges-bernanos-1938.html|titre=Lettre de Simone Weil à Georges Bernanos, 1938|site=unnecessairemalentendu.com}}</ref>.}} La même année, elle est gravement brûlée après avoir posé le pied dans une marmite d'huile bouillante posée à ras du sol, elle doit repartir le {{date-|25 septembre}} pour la France. En à peine un mois et demi, elle a jeté un regard critique sur la révolution et sur son propre militantisme, et elle a compris l'impossibilité du rêve anarchiste, dans les conflits au sein du [[Front populaire espagnol]], les oppositions entre les différentes gauches et la [[Guerre civile Espagnole|guerre civile]]<ref name=esp/>. Volontairement, elle ne reviendra plus en Espagne. En 1937 elle collabore aux ''[[Nouveaux cahiers]]'', revue économique et politique défendant une collaboration économique franco-allemande.

Après l'expérience de la condition ouvrière, puis de la guerre d'Espagne, Simone Weil avoue : {{citation|Le malheur des autres est entré dans ma chair et dans mon âme}}<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard, 1966, {{p.}}41-42.</ref> ; ces épreuves l'amènent à rompre avec l'humanisme de la volonté cher à [[Alain (philosophe)|Alain]]. Car l'homme irrémédiablement séparé du bien qu'il désire est faible face au mal, et impuissant à se sauver seul : {{citation|La faute de [[Alain (philosophe)|Chartier]] est d'avoir refusé la douleur}}, dira Simone Weil en 1941{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=195-196|id=g3}}.

=== L'expérience de la grâce ===
Dans l'expérience directe de la barbarie en Espagne, Simone Weil a su discerner le phénomène, à l'œuvre dans le [[totalitarisme]] moderne, d'identification du [[Bien (philosophie)|bien]] et de la puissance ; cette identification perverse interdit toute réflexion personnelle par le jeu des passions collectives et l'opinion dominante du plus grand nombre<ref group="Note">C'est ce phénomène de foule assemblée que [[Platon]] illustre avec la métaphore du « gros animal » dont il faut se sauver, car il constitue l'obstacle irréductible entre l'homme et Dieu (''[[La République (Platon)|La République]]'', VI, 492 a - 493 d) : Simone Weil identifie cette bête sociale à la bête de l'[[Apocalypse]], et rapproche cette conception platonicienne de la société des paroles de [[Luc (évangéliste)|saint Luc]] (IV, 5-6) rappelant que la puissance et la gloire des royaumes de la terre ont été abandonnées au diable.</ref> ; pire encore : entraîné par la force collective du groupe, l'individu cède à l'adoration de cette puissance{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=212|id=g3}}. En abandonnant le [[rationalisme]] d'Alain et une philosophie centrée sur l'homme, la pensée de Simone Weil va donc franchir un seuil important, grâce à la révélation que seul l'amour [[Surnaturel (christianisme)|surnaturel]] est capable de répondre au malheur{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=197 et note 152|id=g3}}.

[[Fichier:Assisi z13.jpg|thumb|left|La Portioncule, chapelle de la [[basilique Sainte-Marie-des-Anges d'Assise]].]] 
Née dans une famille [[agnostique]], Simone Weil se rapproche du [[christianisme]], à l'occasion de trois contacts avec la [[foi catholique]] qu'elle a elle-même jugés décisifs dans son évolution<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', 1966, {{p.}}41 à 45.</ref> : le premier eut lieu en {{date-|septembre 1935}}, dans le petit port de [[Póvoa de Varzim]] au Portugal, où entendant chanter des [[cantique]]s {{citation|d'une tristesse déchirante}}, elle a {{citation|soudain la certitude que le christianisme est par excellence la religion des [[esclavage|esclaves]]}}, et qu'elle ne peut pas ne pas y adhérer. La deuxième expérience est celle vécue en 1937, alors qu'elle passe deux jours à [[Assise (Italie)|Assise]] en Italie, dont elle parle en ces termes : {{Citation|Là, étant seule dans la petite chapelle [[Architecture romane|romane]] de [[Basilique Sainte-Marie-des-Anges d'Assise|Sainte-Marie-des-Anges]], incomparable merveille de pureté, où [[François d'Assise]] a prié bien souvent, quelque chose de plus fort que moi m'a obligée, pour la première fois de ma vie, à me mettre à genoux<ref name="a">Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard, 1966, {{p.}}43.</ref>.}} Enfin, en 1938, elle assiste à la [[Semaine sainte]] à [[Solesmes (Sarthe)|Solesmes]] dans la Sarthe, en suivant tous les offices, centrés sur la [[Passion du Christ]]. Elle éprouve en même temps {{citation|une joie pure et parfaite dans la beauté inouïe du [[Chant grégorien|chant]] et des paroles}} : elle découvre ainsi, par analogie, {{citation|la possibilité d'aimer l'amour divin à travers le malheur<ref name="a"/>}} ; quelques mois plus tard, elle connaît l'expérience [[mystique]] qui va changer sa vie : {{citation|Dans un moment d’intense douleur physique, alors que je m’efforçais d’aimer, j’ai senti une présence plus personnelle, plus certaine, plus réelle que celle d’un être humain, inaccessible et aux sens et à l’imagination, analogue à l’amour qui transparaît à travers le plus tendre sourire d’un être aimé<ref>{{Ouvrage|auteur=Simone Weil|titre=Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu|titre chapitre=Lettre à Joë Bousquet|éditeur=Gallimard|année première édition=1962|année=2015|passage=48}}.</ref>.}} C’est en récitant le poème ''Amour'' de [[George Herbert (poète)|George Herbert]]<ref>{{Lien web|langue=en+fr|url=http://www.guillaumehoogveld.net/george-herbert-1593-1633-le-pome-qui-veilla-la-foi-de-simone-weil/#more-1965|titre=George Herbert (1593-1633) / Le poème qui éveilla la foi de Simone Weil - Traduction de Jean Mambrino.}}</ref> qu’elle éprouve cette présence du [[Jésus-Christ|Christ]], affirmant : {{citation|Le Christ lui-même est descendu et m'a prise}}<ref>S. Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard 1966, {{p.}}44-45.</ref>. Elle entre en contact avec des [[Prêtre catholique|prêtres]] et des religieux, afin de leur poser des questions sur la foi de l'Église catholique. Le père [[Joseph-Marie Perrin]], religieux [[Ordre des Prêcheurs|dominicain]], l'accompagne et a un rôle important lorsqu'elle est à Marseille, entre 1940 et 1942.

Plusieurs raisons l'empêchent de se convertir totalement au christianisme, notamment l'influence qu'a l'[[Ancien Testament]] sur le christianisme. Dans une lettre adressée à [[Déodat Roché]] le 23 janvier 1941, elle écrit : « Le rang de texte sacré accordé à des récits pleins de cruautés impitoyables m’a toujours tenue éloignée du christianisme, d’autant plus que depuis vingt siècles ces récits n’ont jamais cessé d’exercer une influence sur tous les courants de la pensée chrétienne ; si du moins on entend par le christianisme les Églises aujourd’hui classées dans cette rubrique. […] L’influence de l’Ancien Testament et celle de l’Empire Romain, dont la tradition a été continuée par la papauté, sont à mon avis les deux causes essentielles de la corruption du christianisme<ref>{{Ouvrage|auteur1=Simone Weil|titre=Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu|éditeur=Gallimard|année=1962|pages totales=158|passage=Lettre à Déodat Roché|lire en ligne=https://fr.m.wikisource.org/wiki/Pens%C3%A9es_sans_ordre_concernant_l%E2%80%99amour_de_Dieu/Texte_entier|consulté le=10/09/2024}}</ref>. » En avril 1942, elle écrit un questionnaire qu'elle remet à Dom Clément, bénédictin à l’[[Abbaye d'En-Calcat|abbaye d’En-Calcat]]<ref name="Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu">{{Ouvrage|auteur1=Simone Weil|titre=Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu|éditeur=Gallimard|année=1962|pages totales=158|passage=Note de l'éditeur|lire en ligne=https://fr.m.wikisource.org/wiki/Pens%C3%A9es_sans_ordre_concernant_l%E2%80%99amour_de_Dieu/Texte_entier}}</ref>. Ce questionnaire avait pour but de savoir si ses convictions étaient compatibles avec l'Église : « Quand on a foi dans les mystères de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]], de l’[[Incarnation (christianisme)|Incarnation]] et de l’[[Eucharistie]], mais qu’on ne voit ''aucune'' possibilité de jamais parvenir à adhérer à la conception chrétienne de l’histoire, peut-on légitimement songer à entrer dans l’Église ? (Quand, de plus, on attache une grande importance à la conception de l’histoire, au point de ne pouvoir accepter en aucun cas de s’abstenir d’exprimer là-dessus ce qu’on pense quand l’occasion s’en présente.) […] Est-on [[anathème]] quand on pense que la source d’où est issu pour [[Israël antique|Israël]] le commandement de détruire les villes, de massacrer les peuples et d’exterminer les prisonniers et les enfants n’était pas Dieu ; et qu’avoir pris Dieu pour l’auteur d’un tel commandement était une erreur incomparablement plus grave que les formes même les plus basses de polythéisme et d’idolâtrie ; et qu’en conséquence, jusqu’à l’époque de l’exil, Israël n’a eu presque aucune connaissance du vrai Dieu, alors qu’une telle connaissance se trouvait parmi l’élite de la plupart des autres peuples ? <ref name="Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu, p158">{{Ouvrage|auteur1=Simone Weil|titre=Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu|éditeur=Gallimard|année=1962|pages totales=158|passage=Questionnaire |wikisource= Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu/Texte entier}}</ref>».

Vers la fin de sa vie en 1943, elle écrit un texte, improprement appelé « Dernier texte », qu'elle remet à une camarade pour que celle-ci le fasse voir aux prêtres ou aux religieux qu'elle pourrait connaître{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=672|id=sp}}{{,}}<ref name="Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu" />. Dans ce texte elle définit ses positions par rapport à l'Église : « Je crois, c’est-à-dire, non pas que je prenne à mon compte ce que dit l’Église sur ces points, pour l’affirmer comme on affirme des faits d’expérience ou des théorèmes de géométrie ; mais que j’adhère par l’amour à la vérité parfaite, insaisissable, enfermée à l’intérieur de ces mystères. […] Je ne reconnais à l’Église aucun droit de limiter les opérations de l’intelligence ou les illuminations de l’amour dans le domaine de la pensée. Je lui reconnais la mission, comme dépositaire des sacrements et gardienne des textes sacrés, de formuler des décisions sur quelques points essentiels, mais seulement à titre d’indication pour les fidèles. Je ne lui reconnais pas le droit d’imposer les commentaires dont elle entoure les mystères de la foi comme étant la vérité ; encore beaucoup moins celui d’user de la menace et de la crainte en exerçant, pour les imposer, son pouvoir de priver des [[Sacrement (Église catholique)|sacrements]]<ref name="Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu, p158" />. »  

Elle lit la [[Bhagavad-Gita]], s'intéresse aussi aux autres religions, [[hindouisme]], [[bouddhisme]] et aux [[Religion de l'Égypte antique|religions anciennes d'Égypte]] et de la [[Religion grecque antique|Grèce antique]]. Elle croit qu'une pensée identique se trouve exprimée, d'une manière très précise et avec des modalités à peine différentes, dans les mythologies et les religions antiques : chez les Grecs (dans la philosophie de [[Phérécyde de Syros|Phérékydès]], [[Thalès]], [[Anaximandre]], [[Héraclite]], [[Pythagore]], [[Platon]] et des stoïciens grecs, dans la [[Poésie grecque antique|poésie grecque]]), les [[Hindouisme|Hindoues]], les [[Taoïsme|Taoïstes]] chinois, dans les écritures sacrées d'Égypte, dans les dogmes de la foi chrétienne et dans certaines hérésies surtout la tradition [[Catharisme|cathare]] et [[Manichéisme (religion)|manichéenne]]. Cette pensée est selon elle la vérité et elle a besoin aujourd'hui d'une expression moderne et occidentale{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=672|id=sp}}. Elle reconnaissait la valeur de certaines religions non chrétiennes et l'Église, selon elle, ne la reconnaissait pas, ou pas assez. C'était l'une des autres raisons qui lui rendait difficile d'entrer dans l'Église{{sfn|Simone Pétrement 1973|p=637|id=sp}}. Elle reste néanmoins très discrète sur son évolution, et ce n'est qu'après sa mort que ses amis découvrent sa vie spirituelle.

[[Fichier:Lettre manuscrite de S.Weil oct.1941.png|vignette|Première page de la lettre à [[Xavier Vallat]], octobre 1941.]]
Elle est sans illusion sur ce qui les menace, elle et sa famille, dès le début de la [[Seconde Guerre mondiale]]. Au printemps 1940, croyant qu'on se battrait dans la capitale, elle propose aux autorités militaires la formation d'un corps mobile d'infirmières de première ligne, destiné à sauver des soldats : son « Projet d'une formation d'infirmières de première ligne » est approuvé par son ami [[Joë Bousquet]] et fait aussi l'objet d'un rapport favorable du [[Ministère de la Guerre (France)|ministère de la Guerre]] en {{date-|mai 1940}}. Mais la rapidité de l'avancée allemande empêche de réaliser ce projet{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=30|id=ep}}. Lorsque Paris est déclarée « [[ville ouverte]] », le {{date-|13 juin 1940}}, elle se réfugie, avec sa famille, à Vichy pendant l'été 40<ref group="Note">Une [[:commons:File:3 rue du Bourbonnais, Vichy - plaque Simone Weil.jpg|plaque est apposée]] sur la maison où elle résida, 3 rue du Bourbonnais à Vichy, rappelant son séjour dans la station thermale durant l'été 1940.</ref> puis à Marseille où elle participe à des actions de [[Résistance intérieure française|résistance]]<ref name="T"/>.

De peur de se tromper sur des questions comme l'[[Incarnation (christianisme)|Incarnation]] ou l'[[Eucharistie]], elle va trouver le père Perrin. En {{date-|juin 1941}}, le père Perrin écrit à [[Gustave Thibon]] pour lui demander d'accueillir Simone Weil dans sa ferme en [[Ardèche (département)|Ardèche]] : « Elle est exclue de l'université par les [[Lois sur le statut des Juifs du régime de Vichy|nouvelles lois]] et désirerait travailler quelque temps à la campagne comme fille de ferme ». Après un premier mouvement de refus, Gustave Thibon accepte finalement ; elle est embauchée comme [[Ouvrier agricole|ouvrière agricole]] et mène une vie volontairement privée de tout confort durant plusieurs semaines, [[Jeûne|jeûnant]] et renonçant à la moitié de ses [[Ticket de rationnement|tickets d'alimentation]] au profit des résistants{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=31 à 33|id=ep}}. Durant ce séjour à la ferme et jusqu’en 1942, elle fait une lecture intégrale du [[Nouveau Testament]], s’attachant tout particulièrement à l’''Hymne sur l'abaissement du Christ'' dans l'[[Épître aux Philippiens]]<ref>[[Épître aux Philippiens]], chap. 2, 5 à 11.</ref> de [[Paul de Tarse]]{{sfn|Christine Hof 2016|p=8 (Préface d’Emmanuel Gabellieri) et p. 46 à 59|id=ch}} ; la découverte de la prière du ''[[Notre Père]]'' l’amène à en rédiger un commentaire spirituel et [[métaphysique]]<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard 1966, {{p.}}215 à 228 ; [https://dx.doi.org/doi:10.1522/24984951 Lire en ligne, site de l'Université du Québec à Chicoutimi, {{p.}}151 à 159].</ref> où s'exprime aussi sa conception des relations de l'homme au temps{{sfn|Miklós Vető 2016|p=138|id=mv}}. De retour à Marseille, à l'automne, elle reprend ses discussions avec le père Perrin, avec le projet de réunir les plus beaux textes de tout ce qui a été écrit sur Dieu et sur son amour, sa bonté et les moyens d'aller à lui. Elle traduit alors de nombreux textes du [[grec ancien]] ([[Platon]], [[Anaximandre]], [[Eschyle]], [[Sophocle]], mais aussi [[Jean (apôtre)|saint Jean]]) et du [[sanskrit]], qu'elle lit et commente dans des réunions amicales organisées dans la crypte du monastère [[dominicain]]{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=32 à 36|id=ep}}. Les études qu'elle rédige ainsi sur la Grèce, sur la [[Philosophie antique|philosophie grecque]], en particulier sur [[Platon]], sont rassemblées après la guerre dans deux volumes : ''La Source grecque'' et ''Intuitions pré-chrétiennes''.

Elle entre en contact avec ''[[Les Cahiers du Sud]]'', la revue littéraire la plus importante de la [[France libre]], et y collabore sous le pseudonyme d'Émile Novis, [[anagramme]] de son nom. Le {{date-|18|octobre|1941}}, elle écrit une lettre de remerciements ironique à [[Xavier Vallat]], où elle dénonce le {{citation|statut injuste et absurde}} récemment imposé aux [[Juifs]] par le [[régime de Vichy]]<ref>{{Lien web|site=deslettres.fr|url texte=https://www.deslettres.fr/lettre-de-simone-weil-a-xavier-vallat-regarde-statut-juifs-etant-dune-maniere-generale-injuste-absurde/|titre=Lettre de Simone Weil à Xavier Vallat|description=photographie de la lettre manuscrite|consulté le=9 septembre 2018.}}</ref>. Elle participe à la [[Résistance intérieure française|Résistance]] en distribuant les ''[[Témoignage chrétien|Cahiers du Témoignage chrétien]]'', réseau de résistance organisé par les [[Compagnie de Jésus|Jésuites]] de Lyon<ref>[http://www.ktotv.com/videos-chretiennes/emissions/les_plus_vues/la-foi-prise-au-mot-simone-weil/00046738 Émission sur ''KTO'' consacrée à Simone Weil, le 18 octobre 2009, 52 minutes]</ref>.

=== Les dernières années ===
{{Détail|Note sur la suppression générale des partis politiques|L'Enracinement}}
[[Fichier:Simone Weil 08.jpg|vignette|left|Le laissez-passer de Simone Weil comme rédactrice au service de la [[France libre]] en 1943.]]
Le {{date-|16|mai|1942}} elle s'embarque avec ses parents pour les [[États-Unis]] mais, refusant de rester à [[New York]], ville qu’elle ressent comme trop confortable en ces temps de guerre, elle fait tout pour se rendre en [[Grande-Bretagne]] où elle arrive fin [[Novembre 1942 (guerre mondiale)|{{date-|novembre 1942}}.]] Elle y travaille comme [[Rédacteur|rédactrice]] dans les services de la [[France libre]], où elle est chargée de rendre un rapport sur la situation morale de la France. Elle rédige plusieurs études sur la nécessaire réorganisation de la France une fois la guerre terminée, en particulier ''[[Note sur la suppression générale des partis politiques]]'', ''Idées essentielles pour une nouvelle Constitution'', sa très importante ''Étude pour une déclaration des obligations envers l'être humain'', et son œuvre fondamentale, ''[[L'Enracinement]]'' ; [[Albert Camus]] et [[Hannah Arendt]] confirmeront par la suite la valeur de ce travail. Mais ce qu'elle souhaite par-dessus tout, c'est obtenir une mission pénible et dangereuse. Son projet de formation d'un corps d'infirmières de première ligne est pour elle une manière de vivre le rapport à la violence de l'Histoire sans y consentir, mais il est jugé irréalisable{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=227 note 263|id=g3}}. Soucieuse de partager les conditions de vie de la [[Occupation de la France par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale|France occupée]], son intransigeance dérange. Elle démissionne de l'organisation du [[Charles de Gaulle|général de Gaulle]] en {{date-|juillet 1943}}, trois mois après son admission à l'hôpital. Elle souhaite rejoindre les réseaux de résistance sur le territoire français et est déçue par le refus de l'entourage de de Gaulle ([[Maurice Schumann]], [[Jean Cavaillès]], [[André Philip]]) de la laisser rejoindre ces réseaux de la [[Résistance intérieure française|résistance intérieure]]. Elle y risque en effet d'être rapidement capturée par la [[police française]], identifiée comme juive puis [[Déportation des Juifs de France|déportée]].

Sa santé est de plus en plus défaillante, elle est déclarée [[Tuberculose humaine|tuberculeuse]] et admise au [[Middlesex Hospital]] de [[Londres]] le {{date-|15 avril}}, puis transférée le {{date-|17|août|1943}} au Grosvenor Sanatorium, à [[Ashford]] dans le [[Kent]]. C’est là qu’elle meurt, le {{date-|24|Août|1943}}, à l'âge de {{nb|34 ans}} d'une [[crise cardiaque]]. Elle est enterrée au cimetière catholique d'Ashford<ref>[https://www.erudit.org/culture/liberte1026896/liberte1038385/32611ac.pdf « Le mystère Simone Weil »] {{pdf}}</ref>.

Les causes de la mort de Simone Weil ont soulevé des débats. Le médecin légiste a constaté que son corps avait été privé de nourriture, ce qui aurait accéléré sa mort. De ce constat du légiste qui l'a examinée, s'est ensuivie une série de spéculations concernant les causes psychologiques ayant pu entraîner un [[jeûne]]. Une hypothèse communément répandue à ce sujet est que Simone Weil souhaitait faire preuve de solidarité envers ses concitoyens en refusant de se nourrir plus que les tickets de rationnement ne le permettaient alors<ref>{{Lien web |langue=fr |prénom=Alain |nom=Dreyfus |titre=Simone Weil, l'incandescente |url=https://www.marianne.net/societe/simone-weil-lincandescente-0 |site=www.marianne.net |date=2014-02-28UTC10:00:00+0200 |consulté le=2023-11-21}}</ref>. Mais cette charité compatissante n'a pas entraîné chez elle le désir de mourir : Simone Weil a résolument condamné le suicide par désespoir, sans jamais varier sur ce point, comme on le voit dans ses écrits : {{Citation|Ne jamais désirer sa propre mort. Le suicide n'est permis que quand il est seulement apparent, quand il y a contrainte et qu'on a pleinement conscience de cette contrainte}}<ref group="Note">Simone Weil a défini une typologie précise des divers cas de suicide dans ses ''Leçons de Philosophie'' en 1933-1934, faisant clairement la distinction entre [[kénose]] et suicide, « décréation » et suicide, indiquant que dans tous les cas, il fallait respecter le don de la vie et ne pas se servir de la mort pour masquer un dégoût de la vie. Voir le développement complet de ces questions chez {{harvsp|Christine Hof|p=136 à 140.|id=ch}}.</ref>{{,}}{{sfn|Miklós Vető 2016|p=35|id=mv}}{{,}}{{sfn|Simone Weil 1988|p=262 et 339|id=ad}}{{,}}{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=94-95|id=ep}}. Selon sa principale biographe, [[Simone Pétrement]], des lettres du personnel du [[sanatorium]] dans lequel elle se trouvait lors de sa mort prouvent au contraire qu'elle a essayé à diverses reprises de manger durant son hospitalisation ; selon elle, le jeûne aurait en fait simplement été une conséquence de la détérioration de son état de santé{{sfn|Simone Pétrement|1973|id=sp}}{{,}}<ref>Susanne Martin, ''Le mystère Simone Weil'', Gallimard, 5 octobre 1999, {{p.|124}} {{lire en ligne|lien=https://www.erudit.org/fr/revues/liberte/1999-v41-n5-liberte1038385/32611ac.pdf}}.</ref>. Il est cependant affirmé par des sources solides qu'elle a aussi pu souffrir d'[[anorexie mentale]] et que cela n'était pas sans liens avec son mysticisme, associé à une conduite sacrificielle<ref>{{Article|prénom1=Évelyne|nom1=Pewzner-Apeloig|titre=Anorexie mentale et conduite sacrificielle. Réflexion sur l'itinéraire de Simone Weil|périodique=Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique|volume=159|numéro=9|pages=615–621|date=2001-11-01|issn=0003-4487|doi=10.1016/S0003-4487(01)00103-2|lire en ligne=https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003448701001032|consulté le=2025-03-12}}</ref>.

L’œuvre écrite de Simone Weil a été publiée après sa mort, à l'exception de plusieurs articles, études et rapports publiés dans des revues entre 1929 et 1942<ref group="Note">Ses premiers textes paraissent dans les ''Libres Propos'' : « De la perception ou l'aventure de Protée » dans le {{Numéro|5}} le 20 mai 1929 et « Du temps » dans le {{Numéro|8}} le 20 août 1929, sous la rubrique « Essais ». Elle publie également à partir de 1931 dans ''L'Effort'', le journal du Cartel autonome du bâtiment de Lyon, ainsi que dans ''La Révolution prolétarienne'' à partir de 1932. L'article qui la fera connaître est toutefois « Perspectives. Allons-nous vers la révolution prolétarienne ? », paru le 25 août 1933 dans le {{n°|158}} de ''La Révolution prolétarienne''. Elle publiera aussi dans ''La Critique sociale'', la revue de Boris Souvarine, à partir de 1933.</ref>.

== La philosophie de Simone Weil ==
Simone Weil estime que parmi les penseurs contemporains, seuls [[Jules Lagneau]], [[Alain (philosophe)|Alain]] et [[Edmund Husserl|Husserl]] sont de {{citation|vrais philosophes}}<ref name=":1" />. [[René Descartes|Descartes]] et [[Emmanuel Kant|Kant]] l’ont profondément influencée, ils sont pour elle issus du [[platonisme]]<ref name=":1" />. Car elle place [[Platon]] au-dessus de tout, et cette référence au platonisme traduit la caractéristique centrale de sa pensée : l’harmonie entre la raison et le mystère{{sfn|Miklos Vetö|2016|p=14|id=mk}}. Dans son amour pour les sources grecques, Simone Weil fait une exception pour [[Aristote]], qu'elle cite peu, par méfiance à l'égard des systèmes qui cherchent à éliminer les contradictions {{incise|contradictions qu'elle considère comme inhérentes à la pensée elle-même.}} Pour autant, elle ne conçoit pas la pensée humaine en termes de progrès, mais en termes d'unité et d'éternité : « La philosophie… est une, éternelle et non susceptible de progrès. Le seul renouvellement dont elle soit capable est celui de l’expression »<ref name=":1" />, {{Citation|La philosophie ne progresse pas, n’évolue pas [...], une pensée nouvelle ne peut être qu’un accent nouveau imprimé à une pensée non seulement éternelle en droit, mais antique en fait}}, écrit-elle, lors de son séjour à Marseille. Elle fait sienne cette phrase de Descartes : {{Citation|la sagesse humaine demeure toujours une et la même}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Miklos Vetö|titre=Simone Weil et l'histoire de la philosophie|année=2009|passage=581-606|lire en ligne=https://shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2009-4-page-581?lang=fr|consulté le=11/09/2024}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=Français|auteur1=Simone Pétrement|titre=La vie de Simone Weil|éditeur=Fayard|année=1973|pages totales=707|passage=549|isbn=978-2-213-59992-2}}</ref>. Mais, loin de tout [[syncrétisme]], elle n'en conclut pas que l'on pourrait faire des amalgames de tous les courants de pensée ; bien au contraire, elle affirme qu'il faut se placer au centre de chacun pour le comprendre. À partir de là, elle se permet de fortes originalités de lecture, voire des conceptions aventureuses, par exemple en avançant que Platon serait une synthèse de Descartes et Kant, au mépris de toute chronologie, mais en montrant une logique profonde dans ses explications. C'est [[Alain (philosophe)|Alain]], l'un de ses professeurs, qui lui a donné ce goût, et l'a encouragée dans ces interprétations hardies<ref name=":1" />.

Au cours de sa vie, Simone Weil évolue dans sa philosophie, mais sans ruptures dans sa pensée ; elle transpose, elle modifie, mais les grandes structures de sa philosophie restent. Sa façon habituelle de travailler consiste à comprendre un philosophe en proximité avec un autre<ref name=":1" />. Ainsi, Simone Weil commence sa carrière de philosophe avec Descartes qu’elle choisit comme sujet de son mémoire de fin d'étude. Elle en relance la réflexion en 1932, lorsqu'elle approfondit la pensée de [[Karl Marx]] : Marx dénonce l'[[Domination|asservissement]] de l'ouvrier aux conditions de travail, cet asservissement étant une [[Aliénation (Marx)|aliénation]]. Mais, chez Simone Weil, {{citation|les fondements [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|hégéliens]] de la théorie de l’aliénation sont éclipsés par une lecture cartésienne des critères métaphysiques et moraux de l’activité humaine bonne et correcte}} : les causes de l'aliénation sont à rechercher non dans la structure de production, comme a tendance à le faire Marx, mais dans l'activité productrice qui réduit l’ouvrier à jouer le rôle d’un [[outil]]{{sfn|Miklos Vetö|2016|p=157-158|id=mk}}. C'est pourquoi elle fait appel à Descartes qui considère l'être humain comme égal à Dieu dans sa faculté de juger et d'affirmer. Les règles de pensée rationnelle de Descartes ne valent pas seulement pour l'observation du monde, mais elles ont aussi la capacité de le transformer. C'est ainsi que Simone Weil envisage de transformer les [[conditions de travail]] concrètes à partir d'une interprétation créatrice à la façon de Descartes, en affirmant que, pour se libérer, les travailleurs doivent mener les différentes étapes de leur travail dans une connaissance libre de leur action, et non dans une série de tâches répétitives<ref name=":1" />.

=== La source grecque ===
Les chefs-d'œuvre de la [[Poésie grecque antique|poésie]] et de la [[philosophie grecque]]s, que Simone Weil avoue {{citation|aimer passionnément}}, ont nourri sa réflexion sur l'homme aussi bien que sur le devenir de la civilisation européenne après sa [[Déchristianisation (société)|déchristianisation]]. La lecture qu'elle fait de la Grèce l'amène à penser que l'[[Hellénisme (religion)|hellénisme]] est à la source du christianisme ; cette intuition fut déjà celle de [[Clément d'Alexandrie]]<ref group=Note>[[Clément d'Alexandrie]], ''[[Stromates]]'', I, 5-7 ; 17-20 ; IV, 42, 66-67, 159.</ref>, pour qui la philosophie grecque est {{citation|une prophétie authentique et une préparation à l'Évangile}} ; la même continuité organique entre le paganisme et le christianisme fut également reconnue par [[Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling|Schelling]]<ref>[[Miklós Vető]], ''Petit Dictionnaire des philosophes de la religion'', Éditions Brepols, 1996, {{p.}}663-664.</ref> ; enfin, le philosophe [[Maurice Blondel (philosophe)|Maurice Blondel]] considéra lui aussi la [[Ecole pythagoricienne|pensée pythagoricienne]] comme la première découverte d'une {{citation|constante fonction de médiation, dont la clef serait le Médiateur}}{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2001|p=20|id=g}}. Simone Weil estime, comme le grand helléniste [[Werner Jaeger]], que cette source grecque peut seule rendre à l'Europe une spiritualité, et donner à la culture grecque un nouvel [[Universalisme (philosophie)|universalisme]]{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2001|p=2|id=g}} {{,}}<ref name=ppp>{{Lien web|url=http://presencephilosophiqueaupuy.over-blog.com/article-simone-weil-et-la-grece-60666961.html |titre=Simone Weil et la Grèce, novembre 2009.}}</ref>.

=== La science grecque, amour de la sagesse divine ===
Simone Weil n'a jamais été coupée des milieux et des débats scientifiques, comme le prouve son article sur la [[théorie des quanta]]<ref group=Note>Simone Weil, {{wikisource|lang=fr|titre=« Réflexions à propos de la théorie des quanta »|lien=Sur la science/09}} dans ''Sur la science''.</ref>. Cette connaissance intime de la science contemporaine, devenue de plus en plus utilitaire, inséparable de l'empire de la technique, lui a permis de ne pas succomber à l'enthousiasme de ceux qu'elle appelle {{citation|les adorateurs de l'idole}}<ref>Simone Weil, ''L'Enracinement'', Collection Idées, Gallimard, 1949, {{p.}}326-327.</ref>. Car c'est la science moderne et les techniques qui en sont issues qui ont donné à l'homme occidental la conscience de sa supériorité ; et cette conscience a présidé au [[colonialisme]], à l'[[impérialisme]] militaire, économique et culturel, facteurs d'oppression et de déracinement des peuples{{sfn|Olivier Rey 2009|p=2|id=r}}{{,}}<ref>Simone Weil, ''[[L'Enracinement]]'', Collection Idées, Gallimard, 1949, {{p.}}300-301.</ref>. Tout entière fondée sur la notion unique d'énergie, dérivée de celle de travail appliquée à l'étude de la nature{{sfn|Alain Supiot 2011|p=9-10|id=s}}, cette science moderne est {{citation|une étude dont l'objet est placé hors du bien et du mal}}<ref>Simone Weil, ''L'Enracinement'', Collection Idées, Gallimard, 1949, {{p.}}320.</ref>. Elle accumule des ''connaissances'', mais n'apporte pas de ''vérités''{{sfn|Olivier Rey 2009|p=3|id=r}}, rien qu'une pensée humaine puisse aimer. Ainsi, les mathématiques sont conçues de nos jours comme une façon d’ordonner le monde selon notre raison, une manière de le préparer à l’emprise de notre volonté. « Ils font des mathématiques sans en connaître l’usage », dira-t-elle des mathématiciens modernes{{sfn|Olivier Rey 2014|p=9|id=rey}}. Ayant approfondi l’étude des mathématiques auprès de son frère, [[André Weil]], l'un des fondateurs du [[groupe Bourbaki]] qu'elle a fréquenté, Simone Weil s'est interrogée sur la relation des mathématiques avec le réel ; pour elle, les mathématiques exercent à la vertu d'[[attention]] et revêtent une dimension spirituelle par leur relation avec la vérité : {{citation|C’est la même vérité qui pénètre dans la sensibilité charnelle par la douleur physique, dans l’intelligence par la démonstration mathématique, et dans la faculté d’amour par la beauté{{sfn|Olivier Rey 2014|p=5|id=rey}}}}. Pour les [[Antiquité grecque|anciens Grecs]], les mathématiques et les sciences en général étaient un pont, un intermédiaire (''[[metaxu]]'') entre la pensée humaine et le cosmos, au sens premier d'un tout harmonieux : « Pour eux, écrit Simone Weil, les mathématiques constituaient, non un exercice de l’esprit, mais une clef de la nature ; clef recherchée non pas en vue de la puissance technique sur la nature, mais afin d’établir une identité de structure entre l’esprit humain et l’univers{{sfn|Olivier Rey 2014|p=5|id=rey}}. » Peu soucieux en effet d'applications techniques, bien qu'ils en fussent capables comme le montrent les inventions de [[catapulte]]s et les machines d'[[Archimède]], les savants grecs regardaient la science {{citation|comme une étude religieuse}}. Car telle est pour Simone Weil la vraie définition de la science grecque : elle est {{citation|l'étude de la beauté du monde}}<ref>Simone Weil, ''L'Enracinement'', Collection Idées, Gallimard, 1949, {{p.}}329.</ref>.

=== Les Tragiques grecs ou l'amour surnaturel ===
Durant son expérience du travail en usine, en 1934-1935, Simone Weil a fait la découverte d'un {{citation|esclavage qui fait perdre tout à fait le sentiment d'avoir des droits<ref>Simone Weil, ''Journal d'usine'', 27 juin 1935.</ref>}} et dans lequel la dignité de l'être humain est brisée sous le poids de la nécessité physique et sociale ; elle note dans son ''Journal d'usine'' : {{citation|Le fait capital n'est pas la souffrance mais l'humiliation}}{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=169|id=ep}}. Les conséquences sur sa réflexion philosophique sont considérables : l'humanisme de son maître [[Alain (philosophe)|Alain]], fondé sur la toute-puissance de la [[Volonté (philosophie)|volonté]] ({{citation|penser c'est vouloir, vouloir c'est agir}}), est récusé{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2001|p=3|id=g}}. Car dans leur condition servile, les malheureux écrasés par la vie n'ont plus de volonté propre, ni la force de désirer le bien : si la volonté c'est le bien, les malheureux ne seraient-ils pas alors irrémédiablement abandonnés au mal ? Simone Weil éprouve donc la nécessité de fonder un autre sentiment de dignité, qui serait, lui, inaltérable{{sfn|Christine Hof 2016|p=34-35|id=ch}}, et de préserver, intact, le désir du [[Bien (philosophie)|Bien]], constitutif de tout être humain. Dès 1936, elle relit à cet effet les Tragiques grecs, [[Eschyle]] et [[Sophocle]]. Chez Sophocle, les figures d'[[Antigone (fille d'Œdipe)|Antigone]]<ref>''[[Antigone (Sophocle)]]'', vers 511 à 525.</ref> et d'[[Électre]]<ref>''[[Électre (Sophocle)]]'', vers 1218 à 1229.</ref> symbolisent précisément l'être parfaitement pur et innocent, livré au malheur en raison de son désir de [[justice]], et qui {{citation|se sent abandonné des hommes et de Dieu}} ; mais {{citation|pas un instant [Antigone ni Électre] ne songent à pactiser<ref>Simone Weil, ''La Source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}55 et ''Intuitions préchrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}17.</ref>.}} Leur amour du bien demeure immuable, inconditionnel et sans espoir de consolation, en dépit du malheur. Tel fut aussi l'amour dont [[Job (Bible)|Job]], dans la [[Bible]], fit preuve<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard, 1966, {{p.}}170 et ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}164.</ref> ; c'est l'amour surnaturel, révélateur de la vérité et de la grandeur de l'homme qui, {{citation|impuissant à atteindre le bien, n'est pas impuissant à l'aimer{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2001|p=6|id=g}}.}} Loin d'être stérile, chaque coup du malheur fait comprendre qu'on est néant : c'est l'opération de la [[Grâce (christianisme)|grâce]]<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}20-21.</ref>, la {{citation|grâce violente}}, en [[Grec ancien|grec]] {{grec ancien|χάρις βίαιος}}, que proclame le [[Chœur (théâtre)|chœur]] dans ''[[Agamemnon (Eschyle)|Agamemnon]]'' d'[[Eschyle]]<ref>''[[Agamemnon (Eschyle)]]'', vers 182.</ref> car {{citation|ce n'est qu'à celui qui a souffert que la Justice accorde de comprendre<ref>''[[Agamemnon (Eschyle)]]'', vers 249-250.</ref>}}{{sfn|Miklós Vető 2016|p=91|id=mv}}. {{citation|Subir pour comprendre<ref group=Note>Simone Weil explique clairement qu'il vaut mieux traduire par « subir » plutôt que par « souffrir » pour bien marquer la différence avec {{citation|ceux qui se tourmentent à plaisir par pure perversité ou par romantisme}}.</ref>}}, {{grec ancien|τῷ πάθει μάθος}}, telle est la loi souveraine du dieu suprême, qu'on l'appelle [[Zeus]] ou {{citation|quel que soit son vrai nom<ref>''[[Agamemnon (Eschyle)]]'', vers 160 à 178.</ref>.}}

=== ''L'Iliade'' ou l'empire de la force ===
Comme chez les Tragiques grecs, Simone Weil constate que le même sentiment de la misère humaine imprègne toute l’''[[Iliade]]'' avec la même continuité entre ce poème et l'[[Évangile]]. [[Homère]] y dépeint l'empire de la force dans la guerre, et montre comment la violence transforme les âmes : qu'il s'agisse du vainqueur qui manie la force, ou du vaincu qui subit les blessures, l'esclavage ou la mort, la force change l'homme en pierre ; le guerrier n'est plus qu'{{citation|une conscience déspiritualisée<ref name=ppp/>}}, une âme morte : {{citation|Le pouvoir que possède la force de transformer les hommes en choses est double et s'exerce des deux côtés ; elle pétrifie différemment, mais également, les âmes de ceux qui la subissent et de ceux qui la manient. [...] Ce châtiment d'une rigueur géométrique, qui punit automatiquement l'abus de la force, fut l'objet premier de la méditation chez les Grecs. Sous le nom de [[Némésis]], il est le ressort des tragédies d'Eschyle ; les [[Ecole pythagoricienne|Pythagoriciens]], [[Socrate]], [[Platon]] partirent de là pour penser l'homme et l'univers<ref>Simone Weil, ''La source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}32 et 22.</ref>.}} Simone Weil observe que {{citation|l’''Iliade'' a formulé [cette loi] longtemps avant l'Évangile et presque dans les mêmes termes : Arès est équitable, et il tue ceux qui tuent<ref>''[[Iliade]]'', chant XVIII, vers 309.</ref>.}} L'accent d'amertume face à tout ce que la violence fait périr et la pensée de la justice qui éclaire l’''Iliade'' sont la marque d'une inspiration évangélique{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2001|p=10-11|id=g}} car {{citation|il n'est possible d'aimer et d'être juste que si l'on connaît l'empire de la force et si l'on sait ne pas le respecter<ref>Simone Weil, ''La Source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}40.</ref>.}} {{citation|La connaissance de la force comme chose absolument souveraine dans la nature tout entière, et comme chose absolument méprisable, c'est la grandeur propre de la Grèce<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard 1985, {{p.}}53.</ref>}}.

=== Pythagore et Platon ou la médiation par l'amour ===
La doctrine pythagoricienne et platonicienne de la [[médiation]] est d'une importance philosophique décisive dans la pensée de Simone Weil ; certains y ont même vu le principe unificateur central de cette pensée{{sfn|Miklós Vető 2016|p=19-20 et 110-111|id=mv}}{{,}}<ref>E.O. Springsted, ''Christus Mediator, The Platonic doctrine of Mediation in the Religion and Philosophy of Simone Weil'', Princeton 1980.</ref>. <br>
La [[École pythagoricienne|doctrine pythagoricienne]] est une [[mystique]] où la notion d'[[harmonie]] joue un rôle clef<ref>[[Werner Jaeger]], ''Paideia, La formation de l'homme grec'', Gallimard, 1988, {{p.}}204.</ref>. Dans la [[cosmologie]] des Pythagoriciens, cette harmonie se manifeste dans le bel ordonnancement de l'univers, gouverné par des lois rigoureuses et dont toutes les parties composantes sont liées par un accord : elle fait de ce monde un « cosmos » au sens grec, un « ordre », ainsi que l'affirme [[Platon]]<ref>Platon, [[Gorgias (Platon)|''Gorgias'']], 507 e - 508 a.</ref>. Dans la mathématique pythagoricienne, cette harmonie est définie comme une proportion : c'est une égalité entre deux rapports de nombres, elle introduit donc de l'unité dans la multiplicité. Les Pythagoriciens définissent aussi l'harmonie comme l'unité des contraires, l'union de ce qui limite et de l'illimité<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}127 et 129.</ref> : selon la formule de [[Philolaos de Crotone|Philolaos]], {{citation|l'harmonie est l'unité d'un mélange de plusieurs, et la pensée unique de pensants séparés}}, {{grec ancien|ἒστι άρμονία πολυμιγέων ἒνωσις καὶ δίχα φρονεόντων συμφρόνησις}}. Or, Simone Weil rappelle que la mathématique des Pythagoriciens et de Platon est une [[théologie]], qui permet de comprendre ce qu'est Dieu<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}120.</ref>{{,}}<ref name=ppp/>, comme l'affirmaient déjà [[Proclus]] et [[Philolaos de Crotone]]<ref group="Note">Proclus : {{citation|Platon nous enseigne beaucoup de doctrines merveilleuses concernant la divinité au moyen de notions mathématiques}} ; Philolaos : {{citation|On peut voir quelle puissance a l'essence et la vertu du nombre, non pas seulement dans les choses religieuses et divines, mais aussi partout dans les actes et les raisonnements humains et dans toutes les opérations des diverses techniques et dans la musique}}, fragment 11 B, 139-160.</ref>. C'est cette théologie qui éclaire le sens des deux formules essentielles du pythagorisme : {{citation|La justice est un nombre à la deuxième puissance}}, {{grec ancien|ὴ δικαιοσύνη άριθμὸς ίσάκις ἲσος}}, et {{citation|l'amitié est une égalité faite d'harmonie}}, {{grec ancien|φιλίαν έναρμόνιον ίσότητα}}. Pour Simone Weil, {{citation|ces deux formules et beaucoup d'autres ont pour clef les notions de [[Moyenne géométrique|moyenne proportionnelle]] et de médiation au sens théologique<ref>Simone Weil, ''Intuitions préchrétiennes'', Fayard 1985 {{p.}}118-119.</ref>}} : les nombres qui sont des puissances secondes ou des carrés ont avec l'[[1 (nombre)|unité]] un lien particulier. Par une médiation il y a entre eux et l'unité une égalité de rapports, comme dans ces deux rapports : <math>\frac 13=\frac 39</math> ; cette relation à trois termes réalise, selon Platon dans le ''[[Timée (Platon)|Timée]]'', {{citation|l'unité la plus belle<ref>Platon, ''[[Timée (Platon)|Timée]]'', 31 b-c - 32 c.</ref>}}.
[[Fichier:Plato Pio-Clemetino Inv305.jpg|gauche|vignette|[[Platon]]]]
Cette proportion permet en effet d'établir une médiation entre des êtres différents, et par delà leur différence, d'instaurer l'unité entre eux<ref name="ppp"/>. Simone Weil, et de nos jours [[Michel Serres]]<ref>{{Lien web|langue=fr-FR |titre=ΤΟ ΘΑΥΜΑ ΤΩΝ ΕΛΛΗΝΩΝ, ΕΛΛ. ΥΠΟΤΙΤΛΟΙ La légende des sciences |url=https://www.youtube.com/watch?v=dkCPuRqqs2Y |consulté le=2023-11-21}}</ref>, relèvent la parfaite identité entre le sens théologique de cette médiation parfaitement belle évoquée dans le ''Timée'' et l'[[Évangile de Jean|évangile]] de [[Jean (apôtre)|saint Jean]]<ref>[[Évangile de Jean]], 15, 9 ; 17, 11 ; 17, 22-23.</ref> où le Christ s'est reconnu comme cette moyenne proportionnelle à laquelle les Grecs avaient si intensément pensé : {{citation|Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un. Que je sois en eux et toi en moi, afin qu'ils soient rendus parfaits dans l'unité}}. Cette qualité de médiateur, en grec {{grec ancien|μεσίτης}}, est explicitement attribuée au Christ également par [[Paul de Tarse|saint Paul]]<ref>[[Épîtres de Saint Paul|Épître de Paul]] aux Hébreux, 9, 15 et 12, 24.</ref>. Simone Weil rappelle que le terme de « [[Logos (christianisme)|Logos]] », {{grec ancien|Λόγος}}, par lequel saint Jean désigne le Verbe du [[Jésus-Christ|Christ]], est précisément celui qui signifiait aussi en [[grec ancien]] « rapport, proportion » ; le Christ incarne donc la « Médiation divine{{sfn|Christine Hof 2016|p=143|id=ch}} » par excellence, il est médiateur entre les hommes et le Père, entre le Père et l'[[Saint-Esprit|Esprit]]{{sfn|Christine Hof 2016|p=207|id=ch}}. Et l'harmonie propre au pythagorisme, définie par Philolaos comme {{citation|la pensée commune de pensants séparés}} enferme le mystère de la [[sainte Trinité]], qui réalise l'égalité entre un et plusieurs, et montre que le multiple peut faire un<ref name="ppp"/>{{,}}<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}127 à 131.</ref>. Chez les [[stoïciens]] aussi, les trois divinités, [[Zeus]], le Logos et le souffle, sont identifiées par Simone Weil aux trois personnes de la Trinité{{sfn|Christine Hof 2016|p=190|id=ch}}. Or la Trinité, suprême harmonie et amitié par excellence, est amour. Ainsi, {{citation|la définition pythagoricienne de l'amitié fait apparaître la médiation comme étant essentiellement amour, et l'amour comme étant essentiellement médiateur}}<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}134.</ref> entre le mortel et l'immortel, comme Platon le dit dans le [[Banquet (Platon)|''Banquet'']]<ref>[[Banquet (Platon)]], 202 d - e.</ref>.
  
Dès lors, Simone Weil articule cette pensée grecque de la médiation à toute la révélation chrétienne, dans les [[Dogmes chrétiens|dogme]]s de l'[[Incarnation]], de la [[Passion du Christ|Passion]] et de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]]{{sfn|Christine Hof 2016|p=208 à 216 et 220 à 243|id=ch}}. Chez Platon en particulier, elle relève plusieurs préfigurations du Christ : dans le ''[[Banquet (Platon)|Banquet]]'', le Christ est l'Amour {{citation|absolument pur de toute injustice, qui ne fait ni ne souffre violence, ne conquiert pas par la force et qu'on ne conquiert pas non plus par la force<ref>[[Banquet (Platon)]], 196 b - c.</ref>}}, il est donc le modèle parfait de la justice parce qu'il est soustrait à tout contact avec la force ; dans le ''[[Théétète (Platon)|Théétète]]'', il est le modèle divin, suprêmement juste, auquel il faut s'assimiler<ref group=Note>Selon Simone Weil, {{citation|le mot assimilation, en grec, et surtout chez un pythagoricien comme Platon, est un terme géométrique qui se rapporte à l'identité de rapports, à la proportion}} ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}82-83.</ref> : {{citation|il faut s'efforcer de fuir d'ici-bas vers là-haut au plus vite. La fuite est l'assimilation à Dieu, pour autant qu'elle est possible<ref>[[Théétète (Platon)]], 176 a - b.</ref> }} ; dans ''[[La République (Platon)|la République]]'', il subit le sort du « juste parfait crucifié » décrit par Platon<ref>[[La République (Platon)]], 360 b -362 d.</ref> ; dans le Christ, la justice parfaite s'unit à l'apparence de l'extrême injustice, car il a d'abord été dépouillé de tout, même du prestige du [[martyr]], et a subi la dégradation infligée aux criminels de droit commun ; or, Platon a su que la justice réelle et parfaite doit être absolument dénuée de tout prestige social ; de même, [[Hans Urs von Balthasar]] et [[Kierkegaard]]<ref>Kierkegaard, ''Les miettes philosophiques'', in X. Tilliette, ''Le Christ de la philosophie'', 1977, {{p.}}181.</ref> ont dit que le Christ a pris la forme du serviteur méprisé pour incarner la vérité{{sfn|Christine Hof 2016|p=68|id=ch}} ; dans le ''[[Phèdre (Platon)|Phèdre]]'', il se manifeste sous les traits de la Justice en soi, {{citation|située par delà le ciel, aux côtés de Zeus, des dieux et des âmes heureuses<ref>[[Phèdre (Platon)]], 247 c - e.</ref>}} ; enfin, dans le ''[[Timée (Platon)|Timée]]'', le Christ est préfiguré sous la forme de {{citation|l'[[Âme du monde]], qui est le Fils unique de Dieu<ref>[[Timée (Platon)]], 30 a - 31 b.</ref>}}, Platon dit {{grec ancien|μονογενής}} comme saint Jean<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}25-26.</ref>.

À partir de cette lecture des grands textes grecs, et du sens que Platon donne au mot {{grec ancien|μεταξύ}} / « ''[[metaxu]]'' »<ref>Platon, [[La République (Platon)|''La République'']], 477 a - 479 d.</ref>, Simone Weil a développé toute une [[métaphysique]] des médiations, c'est-à-dire des signes de la présence [[Immanence|immanente]] et [[Transcendance|transcendante]] du Christ dans le monde.

=== Rejet de l'Ancien Testament ===
La pensée de Simone Weil est une [[métaphysique]] qui déclare se fonder sur l'expérience de la [[Grâce (christianisme)|grâce]] autant que sur la spéculation rationnelle, afin de révéler tout ce qui dans le monde profane est déjà reflet de la grâce{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2009|p=1|id=g2}}. Si elle rejette l'[[Ancien Testament]]<ref name=":0">{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Thomas R.|nom1=Nevin|titre=Simone Weil: Portrait of a Self-exiled Jew|éditeur=Univ of North Carolina Press|date=1991|isbn=978-0-8078-1999-9|lire en ligne=https://books.google.it/books?id=pbNwXrQPs7kC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=reject%20judaism&f=false|consulté le=2023-11-21}}</ref>, c'est parce qu'elle n'y reconnaît pas la marque de l'[[Esprit saint]], l'histoire des [[Hébreux]], d'[[Israël antique|Israël]] et des Juifs étant souillée à ses yeux par l'[[idolâtrie]] et les exterminations sur ordre de [[YHWH]], Dieu tout-puissant et cruel<ref>[[Deutéronome]], 20, 10-17</ref>{{,}}{{sfn|Eulalie Piccard 1960|p=219 à 224|id=ep}}{{,}}<ref>''Cahiers'' III, Plon, 1974, {{p.}}204 à 216.</ref>{{,}}{{sfn|Christine Hof 2016|p=79-80|id=ch}}. Elle condamnait le fait que, dans l'Ancien Testament, la puissance est au premier plan, non l'amour : "Les Hébreux — jusqu’à l’exil qui les a mis en contact avec la sagesse chaldéenne, perse et grecque — n’avaient pas la notion d’une distinction entre Dieu et le diable. Ils attribuaient indistinctement à Dieu tout ce qui est extra-naturel, les choses diaboliques comme les choses divines, et cela parce qu’ils concevaient Dieu sous l’attribut de la puissance et non pas sous l’attribut du bien.[...] Les dieux grecs aussi étaient mélangés de bien et de mal ; ou plutôt, dans l’''Iliade'', ils sont tous démoniaques, sauf Zeus. Mais aussi les Grecs ne prenaient pas leurs dieux au sérieux. Dans l’''Iliade'', ils fournissent les intermèdes comiques, comme les clowns dans Shakespeare. Au lieu que les Juifs prenaient Jéhovah très au sérieux. Cela seul met l’''Iliade'' infiniment au-dessus de tous les livres historiques de l’Ancien Testament, où il est répété à satiété qu’il faut être fidèle à Dieu pour avoir la victoire dans la guerre."<ref>{{Ouvrage|auteur1=Simone Weil|titre=Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu|éditeur=Gallimard|année=1962|pages totales=158|lire en ligne=https://fr.m.wikisource.org/wiki/Pens%C3%A9es_sans_ordre_concernant_l%E2%80%99amour_de_Dieu/Texte_entier|consulté le=09/09/2024}}</ref> L'esprit du christianisme est pour elle plus proche de l'esprit de la Grèce que de celui de l'Ancien Testament<ref>{{Ouvrage|langue=Français|auteur1=Simone Pétrement|titre=La vie de Simone Weil|éditeur=Fayard|année=1973|pages totales=707|passage=631|isbn=978-2-213-59992-2}}</ref>.

Toutefois, sa nièce, [[Sylvie Weil]], et le biographe {{Lien|trad=Thomas_R._Nevin|lang=it|fr=Thomas R. Nevin|texte=Thomas R. Nevin}} ont cherché, au contraire, à démontrer que, parce qu'elle a été fortement influencée par ces préceptes, elle n'aurait pas rejeté le [[judaïsme]]<ref>{{en}} Ivry Benjamin, ''Simone Weil’s Rediscovered Jewish Inspiration'', The Jewish Daily Forward</ref>. [[Martin Buber]] considère pour sa part que Simone Weil n'a pas rejeté le judaïsme mais sa [[caricature]] peinte par l'Église<ref>Thomas R. Nevin, ''op. cit''., {{p.}}253 {{Lire en ligne|url=https://books.google.it/books?id=pbNwXrQPs7kC&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false}}</ref>.

La violente hostilité de Simone Weil envers le judaïsme pose problème dès lors qu'elle est présentée comme une philosophe « d'origine juive »<ref group=Note>Voir à ce sujet l'avertissement de Florence de Lussy dans l'édition des ''Œuvres'', Quarto, Gallimard, 1999, {{p.}}959.</ref>. Si ses attaques contre le judaïsme peuvent parfois être comparées à celles d'un [[Louis-Ferdinand Céline|Céline]] ou d'un [[Carl Schmitt]], selon [[Raphaël Draï]], elles ne s'appuient pas sur une authentique connaissance de cette religion<ref name="RD529">[[Raphaël Draï]], « De la pensée juive à la "pensée" antijuive », in [[Danielle Cohen-Levinas]] et Antoine Guggenheim (dir.), ''L'Antijudaïsme à l'épreuve de la philosophie et de la théologie'', éd. du Seuil, coll. « Le genre humain », 2016 {{ISBN|978-2-02-129548-1}}, p. 529-530.</ref>{{,}}<ref name=":0" />. La [[méthodologie]] que respecte Simone Weil lorsqu'elle étudie la Grèce antique ou l'histoire du christianisme n'a plus cours dès qu'elle aborde la « [[question juive]] » : ses « contresens » le disputent à ses « imprécations » manichéennes, pour reprendre les termes de Raphaël Draï, qui ajoute à son propos : {{cita|Les dévastations d'une "pensée" massacrante […] sévissent avec une virulence et un mordant simultanément meurtriers et suicidaires<ref name="RD529"/>.}} L'« [[antijudaïsme]] » de Simone Weil apparaît comme une « mise à distance [[Phobie|phobique]] », une « [[dénégation]] », un « ''[[symptôme]]'' d'une exceptionnelle gravité » où se dévoient {{cita|ses références à la philosophie définie comme recherche de la vérité et amour de la sagesse}}<ref name="RD529"/>.

[[Maurice-Ruben Hayoun]], spécialiste de la [[pensée juive]], remarque que le philosophe du {{s-|XX}}, [[Emmanuel Levinas]], nourri aux mêmes auteurs que Simone Weil, est très sévère sur la position de cette dernière concernant l'Ancien Testament et le peuple juif. Levinas pense qu'elle n'a rien compris au judaïsme. Les études approfondies qu'elle réserve aux Grecs et aux chrétiens, elle ne les accorde pas aux penseurs juifs, dit-il. Ses certitudes religieuses l'auraient empêchée de comprendre l'histoire. Elle n'a pas vu que l'Ancien Testament est l'expression d'un peuple concret composé de personnes concrètes, et pas seulement un recueil de contes et historiettes. Ce qui a aveuglé Simone Weil, selon Levinas, c'est la croyance chrétienne en un amour capable de vaincre le mal, et ses préjugés sur cette question<ref>{{Lien web|titre=Emmanuel Levinas sur Simone Weil (1909-1942) et Paul Claudel (1868-1955) |url=https://www.huffingtonpost.fr/mauriceruben-hayoun/emmanuel-levinas-sur-simone-weil_b_10103040.html |site=Le HuffPost|date=2016-05-27|consulté le=2020-09-22}}</ref>.

=== ''Metaxu'' ou la théorie des médiations ===

Simone Weil a emprunté à [[Platon]] l'idée de ''[[metaxu]]'', en grec {{grec ancien|μεταξύ}}<ref>Dans ''[[La République (Platon)|La République]]'' (477 a - 479 d), Platon évoque les « choses ''intermédiaires'' entre l’être pur et le non-être absolu » ; dans ''[[Le Banquet (Platon)|Le Banquet]]'' (202 d - 203 a), il définit Amour comme « un ''intermédiaire'' entre le mortel et l’immortel » et fait à propos de lui la théorie de la médiation.</ref> ; cette préposition du grec ancien traduit l'idée d’''intermédiaire'' ; Simone Weil développe à partir de cette notion une métaphysique de la médiation, qui est la suite logique de la [[Moyenne géométrique|moyenne proportionnelle]]. Ce qui est « entre », ce qui sépare peut aussi relier comme un pont ; par exemple, un mur sépare deux prisonniers, mais peut être utilisé pour communiquer par des coups frappés contre le mur. {{Citation|Le mur est ce qui les sépare, mais aussi ce qui leur permet de communiquer. Ainsi nous et Dieu. Toute séparation est un lien<ref>Simone Weil, ''La Pesanteur et la Grâce'', Plon, 1988, {{p.}}164.</ref>.}} Tout ''metaxu'' est un intermédiaire entre l'âme et Dieu, c'est un pont qui peut favoriser l'identité de rapport de l'âme à Dieu.

Chez Platon, cette notion de médiation est partout. Ainsi, dans le [[mythe de la caverne]], pour passer des ténèbres à la contemplation du soleil, il faut des intermédiaires. Dans ce mythe, {{citation|le rôle de l’intermédiaire est d’être situé à mi-chemin entre l'ignorance et la pleine sagesse, entre le devenir temporel et la plénitude de l'être. Il faut qu'il tire l'âme vers l'être, qu'il appelle la pensée}}, écrit Simone Weil<ref>Simone Weil, ''La source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}106.</ref>. Dans la [[christologie]] de Simone Weil, la médiation suprême et spécifique de la présence de Dieu dans le monde, revient au [[Jésus-Christ|Christ]], {{citation|médiateur entre les hommes et le Père, entre le Père et l’[[Saint-Esprit|Esprit]]{{sfn|Christine Hof 2016|p=207|id=ch}}.}} Dans l'ordre de la vie humaine, bien des éléments ici-bas constituent aussi des médiations entre l’âme et Dieu : ainsi la beauté du monde, l’harmonie des contraires, la [[poésie]], la [[mathématique]], la [[géométrie]], la spiritualité du travail manuel{{sfn|Christine Hof 2016|p=205-206|id=ch}}{{,}}<ref>Simone Weil, ''La Source grecque'', Gallimard, 1979, {{p.}}107.</ref> sont des ''metaxu'' et doivent être regardés comme des signes de la présence [[Immanence|immanente]] et [[Transcendance|transcendante]] de Dieu. {{citation|Les vrais biens terrestres sont des ''metaxu'' : ne priver aucun être humain de ses ''metaxu'', c'est-à-dire de ces biens relatifs et mélangés (foyer, patrie, traditions, culture, ''etc.'') qui réchauffent et nourrissent l'âme et sans lesquels, en dehors de la sainteté, une vie ''humaine'' n'est pas possible<ref name="b">Simone Weil, ''La Pesanteur et la Grâce'', Plon, 1988, {{p.}}166.</ref>.}} C'est pourquoi il est sacrilège de détruire ces biens terrestres comme le sont les [[patrie]]s et les [[nation]]s : {{citation|Pour respecter les patries étrangères, il faut faire de sa propre patrie non pas une idole mais un échelon vers Dieu<ref name="b"/>.}} C'est dans ''[[L'Enracinement]]'' que Simone Weil a le mieux développé cette conception politico-sociale des ''metaxu''.

=== Beauté ===
La notion de [[Beau|beauté]], que Simone Weil envisage en dehors de toute considération purement esthétique, et de toute recherche d'accomplissement personnel dans l'[[art]]<ref>Simone Weil, ''Écrits de Londres et dernières lettres'', Gallimard, 1957, {{p.}}16-17.</ref>, occupe une place importante dans sa philosophie. Le beau, défini comme ce que l'homme est capable de contempler, renvoie chez elle d'abord aux plus hautes manifestations du génie humain, à « l'art de tout premier ordre qui a nécessairement rapport à la sainteté<ref name="p">Simone Weil, ''La Source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}130-132.</ref>. » Dans ces œuvres de génie de tout premier ordre, elle plaçait entre autres l’''[[Iliade]]'', les tragédies d'[[Eschyle]] et de [[Sophocle]], le ''[[Cantique des créatures|Cantique]]'' de [[François d'Assise|saint François]], [[Jean-Sébastien Bach]] et le [[chant grégorien]]{{sfn|Miklós Vető 2016|p=109-110|id=mv}}. Mais l’ordre du monde, entendu au sens grec du mot « cosmos », lui aussi est beau ; c'est une harmonie qui traduit l'obéissance du monde à Dieu, et constitue le reflet et le signe irréfutable de l'amour divin, comme [[Platon]] l'a montré dans le ''[[Timée (Platon)|Timée]]'' (29 a-30 c)<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}37.</ref>{{,}}<ref name="p"/>. Le beau n'est pas un attribut de la matière, mais un rapport du monde à notre sensibilité. Cette expérience sensible du beau exerce une fonction médiatrice : elle facilite l'acceptation de la nécessité universelle, et joue un rôle de perfectionnement, en nous apprenant le détachement, le renoncement à la volonté propre : l'attrait de la beauté implique en effet un renoncement {{cita|car on tient avant tout à ce que rien d'elle ne change<ref>Simone Weil, ''Écrits de Londres et dernières lettres'', Gallimard, 1957, {{p.}}37.</ref>{{,}}{{sfn|Miklós Vető 2016|p=116 et 121|id=mv}}}}. Parce qu’elle est à elle-même sa propre finalité, une finalité sans fin comme l’a vu [[Kant]], elle constitue un instrument de choix pour amener à la perfection spirituelle : à travers elle, on peut parvenir au Bien absolu, à Dieu lui-même, car {{citation|on ne peut concevoir le Bien sans passer par le Beau<ref>Simone Weil, ''La Connaissance surnaturelle'', {{p.}}44.</ref>.}}     
   
Pour Simone Weil, {{citation|Le beau est la preuve expérimentale que l'[[Incarnation (christianisme)|Incarnation]] est possible}}<ref>Simone Weil, ''La Pesanteur et la grâce'', Plon, 1988, {{p.|171}}.</ref>. La beauté est inhérente à ce monde puisque le [[Logos]], rendu sensible à travers la [[géométrie]], est l'organisateur du monde matériel, preuve que ce monde pointe vers l'au-delà ; le beau établit le caractère essentiellement {{citation|télique}} (dont c'est le but) de tout ce qui existe. Le concept de la beauté se prolonge dans tout l'univers : {{citation|Nous devons avoir la foi que l'univers est beau à tous les niveaux ... et qu'il a une plénitude de la beauté par rapport au corps et à l'esprit des êtres pensants qui existent et de tous ceux qui pourraient exister. C'est un accord de l'infini d'une beauté parfaite qui donne un caractère transcendant à la beauté du monde ... Il (le Christ) est réellement présent dans la beauté universelle. L'amour de cette beauté vient de Dieu, demeure dans nos âmes et retourne vers Dieu présent dans l'univers}}. Elle a également écrit que la beauté du monde, {{citation|c'est le sourire de tendresse du Christ pour nous à travers la matière}}<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard, 1966, {{p.}}154. Voir aussi {{Lien web|titre=Simone Weil : une vie en quête de vérité (4/4), Trilogies|url=http://www.trilogies.org/articles/simone-weil-vie-quete-de-2|site=www.trilogies.org|consulté le=2016-09-13}}</ref>.

Le [[beau]] a également une fonction de [[sotériologie]] : {{citation|La beauté séduit la chair pour obtenir la permission de passer jusqu'à l'âme<ref>Simone Weil, ''La Pesanteur et la Grâce'', Plon, 1988, {{p.}}168.</ref>.}} Elle constitue donc une autre façon dont la réalité divine derrière le monde envahit nos vies. Là où le malheur nous conquiert par la force brute, la beauté se faufile et renverse l'empire de soi de l'intérieur.

=== Absence ===

L'absence est la clef de la [[métaphysique]] de Simone Weil. « Dieu ne peut être présent dans la création que sous la forme de l'absence »<ref>Simone Weil, ''La Pesanteur et la Grâce'', Plon, 1988, {{p.}}126.</ref>. Elle croyait que Dieu a créé dans un acte d'auto-limitation, puis de retrait{{sfn|Christine Hof 2016|p=76 à 78|id=ch}} ; en d'autres termes, Dieu est vu comme une sorte de plénitude totale, c'est un être parfait ; une créature ne peut exister que là où Dieu n'est pas. Ainsi, la création a eu lieu uniquement quand Dieu s'est en partie retiré. La [[Tsimtsoum|mystique juive]] présente des idées similaires à travers le ''[[tsimtsoum]]''<ref>{{Lien web |auteur=Monique Scheil|titre=La Pesanteur et la Grâce du pur amour chez Simone Weil|url=http://www.groupe-regional-de-psychanalyse.org/seminaireaneuf/Monique%20Scheil_SIMONE%20WEIL.pdf|date=27/06/2009}}.</ref>.

Pour Simone Weil, la [[kénose]] originale, qui est vide, précède la kénose corrective avec l'incarnation du Christ. Nous sommes donc nés dans une sorte de position de damnés, non pas à cause du péché originel en tant que tel, mais parce que, pour être créés, nous devons précisément être ce que Dieu n'est pas, ainsi nous devions être à l'opposé de ce qui est [[saint]]{{sfn|Christine Hof 2016|p=111|id=ch}}.

Cette notion de création est une pierre angulaire de sa [[théodicée]], car si la création est conçue de cette façon (comme contenant nécessairement le mal), alors il n'y a pas de problème à l'entrée du [[mal]] dans un monde parfait. Cela ne constitue pas une délimitation de l'[[omnipotence]] de Dieu, ce n'est pas que Dieu ne pouvait pas créer un monde parfait, mais que l'acte auquel nous nous référons en disant « créer », dans son [[Essence (concept)|essence]] même, implique l'impossibilité de la perfection.

Toutefois, cette notion de la nécessité du mal ne signifie pas que nous sommes tout simplement, à l'origine, et continuellement condamnés ; au contraire, Simone Weil dit que « le mal est la forme que prend en ce monde la [[miséricorde]] de Dieu<ref>Simone Weil, ''La Pesanteur et la grâce'', Plon, 1988, {{p.}}164.</ref>.» Elle croit que le mal et sa conséquence, le malheur, ont le rôle de nous conduire hors de nous-mêmes et vers Dieu : {{citation|La contemplation de la misère humaine arrache vers Dieu, et c'est seulement en autrui aimé comme soi-même qu'on la contemple. On ne peut la contempler ni en soi comme tel ni en autrui comme tel.<br /> L'extrême malheur qui saisit les êtres humains ne crée pas la misère humaine, il la révèle seulement<ref>Simone Weil, ''La Pesanteur et la grâce'', Plon, 1988, {{p.}}92-93.</ref>.}}

=== De la décréation à la charité ===
Ayant définitivement récusé une [[Ontologie (philosophie)|ontologie]] de l'être comme force et puissance, elle est conduite à produire une forme originale de [[théodicée]] chrétienne, une ontologie de l'être, de la nature et de la liberté comme don et amour{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=19|id=g3}}. Pour elle, l'acte de création de l'univers est une abdication de Dieu, dont le retrait est la forme même de son amour, en dépit du fait qu'elle reconnaisse également le monde comme un lieu du [[mal]], de l'affliction, et le mélange brutal du hasard et de la nécessité. En articulant être et don, où l'être et l'esprit sont ouverts au surnaturel, Simone Weil a produit une [[ontothéologie]] reposant de manière neuve le rapport entre la [[raison]] et la [[foi]]{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=18|id=g3}}.

Une analyse approfondie des notions de « personne » et de « droits de la personne humaine »<ref group=Note>Cette analyse fondamentale figure dans l'étude ''La Personne et le sacré'', publiée dans ''Écrits de Londres et dernières lettres'', Gallimard, 1957, {{p.}}11 à 44.</ref> a conduit Simone Weil à affirmer : {{citation|La personne en nous, c'est la part de l'erreur et du péché}}. Ainsi dans une opération de calcul, l'erreur d'un enfant porte le cachet de sa personne. Mais {{citation|s'il procède d'une manière parfaitement correcte, sa personne est absente de toute l'opération<ref name="s">Simone Weil, ''La Personne et le sacré'', ''op. cit.'', {{p.}}17.</ref>.}} La partie de l'être humain qui dit « je » est surtout marquée par le péché en raison de ce que Simone Weil appelle notre {{citation|divinité imaginaire<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard, 1966, {{p.}}147.</ref>}} : par une illusion de perspective, chacun occupe une situation imaginaire au centre du monde{{sfn|Christine Hof 2016|p=120-121|id=ch}}. À partir de ce centre de référence irréductible à tout autre, chaque homme interprète l'univers en fonction de ses désirs et de ses croyances{{sfn|Miklós Vető 2016|p=29|id=mv}}. Chacun dispose autour de sa personne la hiérarchie des valeurs, et croit pouvoir commander à la matière et aux âmes, jusqu'au point d'usurper la place de Dieu et de nier autrui{{sfn|Miklós Vető 2016|p=31|id=mv}}. Ce mode d'existence, c'est la condition autonome de la créature ; il est le résultat de son [[Libre arbitre|libre-arbitre]]. Renoncer par amour et par humilité<ref group="Note">Simone Weil confère la plus haute valeur à cette vertu d'humilité : pour elle {{citation|l'amour de la vérité est toujours accompagné d'humilité. Le génie réel n'est pas autre chose que la vertu surnaturelle d'humilité dans le domaine de la pensée}} (''La Personne et le sacré'', ''op. cit.'', {{p.}}31.)</ref> à être centré sur son moi, renoncer à être une personne, c'est ce que traduit la notion de « ''décréation'' » chez Simone Weil<ref group=Note>Ce mot est un néologisme. Il apparaît pour la première fois chez [[Charles Péguy]] mais dans un tout autre sens. Il fait écho à l'effort d'arrachement « d'ici-bas vers là-haut pour s'assimiler à Dieu » recommandé par [[Socrate]] dans le ''[[Théétète (Platon)|Théétète]]'', 176 b.</ref>. « Dieu m’a donné l’être pour que je le lui rende [...] car « il aime en nous le consentement à ne pas être »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Simone Weil|titre=La pesanteur et la grâce|lieu=Paris|éditeur=[[Plon]]|année=1948|pages totales=210|passage=46}}</ref>. Une fois accomplie la dissolution du moi (en d'autres termes, la dissolution de l'existence pécheresse), l'homme va « vivre en cessant d'exister »{{sfn|Miklós Vető 2016|p=50|id=mv}}. Accéder à ce mode d'être impersonnel, qui ne s'opère que par une attention d'une qualité rare et dans la solitude, ce fut {{citation|tout l'effort des mystiques [qui] a toujours visé à obtenir qu'il n'y ait plus dans leur âme aucune partie qui dise "je"<ref name="s"/>.}} C'est se mettre en mesure de s'approcher de tout ce qu'il y a de sacré, car {{citation|la vérité et la beauté habitent ce domaine des choses impersonnelles et anonymes<ref name="s"/>.}} Or, se vider de sa fausse divinité n'est pas autre chose que consentir à l'amour : {{citation|La face de cet amour tournée vers les personnes pensantes est [[charité]] du prochain ; la face tournée vers la matière est amour de l'ordre du monde, ou, ce qui est la même chose, amour de la beauté du monde<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Fayard, 1966, {{p.}}148-149.</ref>.}}

=== Malheur et métaphysique de la rédemption ===
Le malheur est autre chose que la souffrance. Le malheur n'est pas non plus la douleur ; il va au-delà de la simple souffrance physique, bien qu'il en soit inséparable. Sous sa forme extrême, le malheur associe à la fois la douleur physique, la détresse de l'âme et la dégradation sociale{{sfn|Miklos Vetö 2016|p=89|id=mv}} ; entendu comme {{citation|une pulvérisation de l'âme par la brutalité mécanique des circonstances{{sfn|Simone Weil|1988|p=22|id=ad}}}}, le malheur est un déracinement de la vie dans toutes ses composantes, il impose une angoisse physique et mentale qui fouette l'âme. {{citation|Le malheur est un mécanisme à broyer l'âme ; l'homme qui y est pris est comme un ouvrier happé par les dents d'une machine. Ce n'est plus qu'une chose déchirée et sanguinolente<ref>Simone Weil, ''Écrits de Londres et dernières lettres'', Gallimard, 1980, {{p.}}34-35.</ref>.}} C'est le malheur qui a contraint le Christ à supplier d'être épargné, et [[Job (Bible)|Job]] à crier vers Dieu. {{Citation| Dans le domaine de la souffrance, le malheur est une chose à part, spécifique, irréductible. Il est tout autre chose que la simple souffrance. Il s'empare de l'âme et la marque, jusqu'au fond, d'une marque qui n'appartient qu'à lui, la marque de l'esclavage. L'esclavage tel qu'il était pratiqué dans la Rome antique est seulement la forme extrême du malheur. Les anciens, qui connaissaient bien la question, disaient : “Un homme perd la moitié de son âme le jour où il devient esclave”<ref>Simone Weil, ''Attente de Dieu'', Paris, Fayard, 1966, {{p.}}98.</ref>.}} <br />
Pourtant, la souffrance a une vertu révélatrice{{sfn|Christine Hof 2016|p=132 à 135|id=ch}} : la douleur physique nous fait prendre conscience de la vérité de la condition humaine, elle nous révèle combien notre autonomie est trompeuse, combien nous sommes entièrement soumis à la nécessité mécanique, aux lois qui régissent l'ordre du monde{{sfn|Miklos Vetö 2016|p=90-91|id=mv}} qui font de l'être humain un être vulnérable, fragile, ''mortel'' ; Simone Weil cite souvent<ref group=Note>Voir ''Intuitions préchrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}103, et l'article « Zeus et Prométhée » dans ''La Source grecque''.</ref> ce vers d'[[Eschyle]] relatif au supplice de [[Prométhée]] : {{citation|Zeus a posé comme loi souveraine : par la souffrance, la connaissance<ref>Eschyle, ''[[Agamemnon (Eschyle)|Agamemnon]]'', 177.</ref>}}, (en grec, {{grec ancien|τῷ πάθει μάθος}}). Il est possible en effet de faire un bon usage du malheur : il consiste en un consentement de l'âme tout entière dans un mouvement d'amour persévérant, en raison de la certitude de la [[Miséricorde|miséricorde divine]]. C'est ce que montre la fin du [[livre de Job]] : au terme de sa détresse, Job reçoit la révélation de la beauté du monde. De même pour le chrétien : là où il y a consentement complet, authentique et inconditionnel à la nécessité, c'est-à-dire à la possibilité du malheur, {{citation|il y a plénitude de l'amour de Dieu ; et nulle part ailleurs<ref>Simone Weil, ''Intuitions pré-chrétiennes'', Fayard, 1985, {{p.}}149.</ref>}}.

La guerre et l'oppression sociale étaient les deux cas les plus intenses de malheur à la portée de Simone Weil ; pour en faire l'expérience, elle se tourna vers la vie d'un ouvrier d'usine{{sfn|Christine Hof 2016|p=29 à 31|id=ch}}, et pour la comprendre, elle étudia l’''[[Iliade]]'' d'[[Homère]]<ref>{{Article|prénom1=Frédéric|nom1=Worms|titre=Les effets de la nécessité sur l'âme humaine : Simone Weil et le moment philosophique de la seconde guerre mondiale|périodique=Les Études philosophiques|date=2008-02-06|issn=0014-2166|lire en ligne=http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LEPH_073_0223|consulté le=2016-09-13|pages=223–237.}}</ref>. Son essai, ''L'Iliade ou le poème de la force''<ref group=Note>Cet article, écrit en 1939-1940, figure dans la première partie de ''La Source grecque'', édition Gallimard, collection « Espoir », 1953, {{p.}}11 à 42.</ref>, illustre l'empire dégradant auquel sont soumis aussi bien ceux qui manient la force que ceux qui en subissent la blessure. Le malheur est associé à la fois à la nécessité et au hasard, ce dernier lui donne un caractère injuste. En d'autres mots, mon malheur ne devrait pas être la conséquence de mon péché, selon une théologie vétérotestamentaire traditionnelle, mais devrait survenir sans aucune raison particulière.

=== ''La Pesanteur et la grâce'' ===
L'ouvrage paru sous ce titre présente l'inconvénient de laisser croire que la philosophie de Simone Weil serait à penser selon le [[Dualisme (philosophie)|dualisme]] de la pesanteur et de la grâce. Or, ''La Pesanteur et la Grâce'' est un recueil de pensées de Simone Weil, composé de divers passages tirés de ses carnets personnels et organisés par thèmes par [[Gustave Thibon]], qui la connaissait et qui s'était lié d'amitié avec elle. Elle lui avait en effet donné certains de ses cahiers, écrits avant {{date-|mai 1942}}, mais sans arrière-pensée ou demande de publication ; le titre, l'organisation et l'édition du livre sont donc dus à Gustave Thibon, influencé par la mystique négative<ref group="Note">[[Robert Chenavier]] rapporte dans un entretien que Thibon, questionné sur l'impossibilité de trouver certains passages de ''La Pesanteur et la Grâce'' textuellement dans les ''Cahiers'', aurait reconnu que les passages en question reflétaient des propos que Simone Weil lui avait tenus. On peut [https://www.canal-u.tv/chaines/fmsh/ent-revues/ent-revues-soiree-les-aventures-des-oeuvres-presque-completes-revue-mil écouter cet entretien], réalisé en février 2023, sur [[Canal-U]]. L'intervention de Robert Chenavier commence à la 44<sup>e</sup> minute.</ref>. Bien que ce titre soit l'un des plus célèbres de la philosophie du {{s|XX|e}}, les ''Œuvres complètes'' de Simone Weil en cours de parution aux éditions Gallimard l'ont fait disparaître avec raison : car {{citation|penser Simone Weil selon le seul dualisme de la pesanteur et de la grâce empêche de saisir que la métaphysique de l'être culmine ici dans une métaphysique de la liberté}} {{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=19|id=g3}}, le but ultime de la liberté humaine étant la conversion libre de l'être en amour, par la compassion et le don de soi. La relation entre le monde, l'homme et Dieu se joue selon un double mouvement : un ''mouvement analogique'' par l'amour qu'inspire toute forme de médiation ici-bas, par exemple l'ordre du monde et la beauté de la création, reflet du bien et de Dieu<ref>Simone Weil, ''La Source grecque'', Gallimard, 1953, {{p.}}129.</ref> ; et un ''mouvement cata-logique'', qui est descente de Dieu, descente de la grâce, mouvement contraire à la pesanteur en ce qu'il est amour et non pas chute{{sfn|Emmanuel Gabellieri 2003|p=17 note 51, 247 et 333|id=g3}}.

=== Droit ===
{{Extrait|Philosophie du droit chez Weil}}

== Jugements ==
[[Fichier:Ecrits historiques et politiques, Simone Weil (high contrast).jpg|thumb|Un recueil publié dans la collection fondée par [[Albert Camus]].]]
[[Albert Camus]] est l'un des premiers à avoir révélé l'importance des écrits de Simone Weil ; il considéra Simone Weil comme {{citation|le seul grand esprit de notre temps<ref name="T"/>}}, et lui rendit un hommage vibrant : il a présenté ''[[L'Enracinement]]'' comme {{citation|l'un des livres les plus lucides, les plus élevés, les plus beaux qu'on ait écrits depuis fort longtemps sur notre civilisation. […] Ce livre austère, d'une audace parfois terrible, impitoyable et en même temps admirablement mesuré, d'un christianisme authentique et très pur, est une leçon souvent amère, mais d'une rare élévation de pensée<ref>Albert Camus, Bulletin de la N.R.F., juin 1949, texte repris dans ''Essais'', Bibliothèque de La Pléiade, 1981, {{p.|1700}}.</ref>.}} C'est pour faire connaître la pensée de Simone Weil qu'Albert Camus obtint de fonder la collection « Espoir » aux [[éditions Gallimard]].

[[Gustave Thibon]], qui l'a connue personnellement entre juin 1941 et mai 1942, écrit de l'œuvre de Simone Weil qu'elle est « une lumière pour l'esprit et une nourriture pour l'âme […], parce qu'elle émane de ce sommet de l'être qui surplombe tous les temps et tous les lieux »<ref>Gustave Thibon, préface à ''La Pesanteur et la grâce'', Paris, Pocket, coll.&nbsp;« Agora », 1991, {{p.|7}}.</ref>.

Le philosophe italien [[Giorgio Agamben]], auteur d’une thèse sur Simone Weil, a vu en elle {{citation|la conscience la plus lucide de notre époque}}.

La philosophe [[Hannah Arendt]] a affirmé que peut-être seule Simone Weil avait su traiter la question du travail {{citation|sans préjugé ni sentimentalité}}<ref>{{Chapitre|prénom1=A. Rebecca|nom1=Rozelle-Stone|prénom2=Benjamin P.|nom2=Davis|titre chapitre=Simone Weil|titre ouvrage=The Stanford Encyclopedia of Philosophy|éditeur=Metaphysics Research Lab, Stanford University|date=2023|lire en ligne=https://plato.stanford.edu/archives/sum2023/entries/simone-weil/|consulté le=2023-11-21}}</ref>.

En 1998, le critique littéraire [[Alfonso Berardinelli]] estime que {{citation|Simone Weil a été accusée de trahison par la gauche, mécomprise par la droite, oubliée par les manuels de [[philosophie]]. Cependant, c'est un des penseurs les plus importants du {{s-|xx}}}}<ref>{{Article|langue=it|auteur1=[[Alfonso Berardinelli]] |titre=Simone Weil, la rivoluzione solitaria|périodique=Il Corriere della Sera|date=04/01/1998|lire en ligne=https://web.archive.org/web/20131029201937/http://archiviostorico.corriere.it/1998/gennaio/04/SIMONE_WEIL_rivoluzione_solitaria_co_0_9801043261.shtml}}.</ref>.

== Hommages ==
De multiples initiatives, en France et à l’étranger, visent à perpétuer la mémoire de Simone Weil : huit établissements scolaires portent le nom de Simone Weil<ref group="Note">{{Lien web|titre=fichier des {{nb|67201 établissements}} du premier et du second degré, mis en ligne par le ministère de l'éducation nationale le {{date-|16 janvier 2015}}|url=https://docs.google.com/spreadsheets/d/1-Nu5h3WY2QhWam3WieCdkhJrJWMETE07CEfZoIiUWfI/edit?pli=1#gid=1999145121|date=16 janvier 2015.}}</ref>, dont deux maternelles, un lycée général situé à [[Saint-Priest-en-Jarez]], un lycée général et technologique au [[Le Puy-en-Velay|Puy-en-Velay]] et à Paris dans le [[3e arrondissement de Paris|{{3e}} arrondissement]], un lycée polyvalent à [[Dijon]], une résidence universitaire située à [[Boulogne-Billancourt]] et un lycée à [[Treviglio]] en [[Italie]]. Plusieurs rues portent son nom, dont [[Rue Simone-Weil|une]] dans le [[13e arrondissement de Paris|{{13e|arrondissement}} de Paris]], d'autres à [[Marseille]], [[Toulouse]], [[Châteauroux]]<ref>[http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre/Actualite/24-Heures/n/Contenus/Articles/2016/08/10/Simone-Weil-le-choix-d-une-intellectuelle-militante-2806060 Simone Weil : le choix d'une intellectuelle militante], lanouvellerepublique.fr, le 10 août 2016.</ref>, [[Semur-en-Auxois]], [[Riorges]], [[Rezé]] et [[Les Clayes-sous-Bois]], ainsi qu'une allée au [[Le Rheu|Rheu]].
[[Fichier:Simone Weil streetart.jpg|vignette|Tableau de street art de Simone Weil à Berlin-Kreuzberg (2019)]]

D’autres initiatives ont pour but de promouvoir et d’honorer la vie et la pensée de la philosophe : ainsi, ''[[La Passion de Simone]]'', [[oratorio]] composé par [[Kaija Saariaho]], sous-titré ''Chemin Musical en quinze stations'', explore la vie et les écrits de Simone Weil à travers une structure inspirée de celle d'une [[Passion (théâtre)|Passion]] ; les épisodes de sa vie sont chacun assimilés aux stations du [[Chemin de croix]]. Sur un [[livret (musique)|livret]] d'[[Amin Maalouf]], et dans une mise en scène de [[Peter Sellars]]<ref>{{Lien web|titre=La Passion de Simone... par Kaija Saariaho|site=resmusica.com|date=19 juin 2013|url texte=www.resmusica.com/2013/06/19/la-passion-de-simone…-par-kaija-saariaho/|consulté le=8 octobre 2018.}}</ref>, cet oratorio a été créé le {{date-|26 novembre 2006}} au Jugendstiltheater à Vienne, dans le cadre du festival New Crowned Hope. L'autrice américaine [[Dorothy Bryant]] lui a consacré une pièce de théâtre<ref>{{Lien web |langue=en-US |prénom=Dennis |nom=Harvey |titre=The Panel |url=https://variety.com/1996/film/reviews/the-panel-1200445022/ |site=Variety |date=1996-02-12 |consulté le=2023-10-30}}</ref>.

''Écologie Responsable'', un jeune [[think tank|laboratoire d’idées]] fondé par des étudiants, se référant à la pensée de la philosophe, décerne chaque année à une personnalité le ''Prix de l'Enracinement-Simone-Weil'' dans les salons du [[Sénat (France)|Sénat]]. Les lauréats de ce prix depuis 2020 ont été l'écrivain [[Denis Tillinac]]<ref>{{Lien web|url=https://www.ledauphine.com/culture-loisirs/2020/09/26/le-journaliste-et-ecrivain-denis-tillinac-est-mort|titre=Le journaliste et écrivain Denis Tillinac est mort|date=20 septembre 2020|site=ledauphine.com}}.</ref>, [[Jean-Christophe Fromantin]], maire de [[Neuilly-sur-Seine]]<ref>{{lien web|url=https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/neuilly-le-maire-jean-christophe-fromantin-recoit-le-prix-de-lenracinement-simone-weil-14-10-2021-3ECAQKA34VGRTBZ56EJJA2PL3A.php|titre=Jean-Christophe Fromantin reçoit le prix de L’Enracinement-Simone Weil|date=14 octobre 2021|site=leparisien.fr}}.</ref>, et [[Jean-Marie Rouart]], de l'[[Académie française]]<ref>{{Lien web|url=http://kipthinking.com/redonnons-ses-racines-au-debat-public/|titre=Redonnons ses racines au débat public|auteur=Victor Pauvert|date=16 février 2023}}.</ref>.

Une promotion de l'[[École nationale d'administration (France)|ENA]] (1972-1974) a choisi de porter son nom. Un [[Cratère d'impact|cratère]] [[Vénus (planète)|vénusien]], [[Weil (cratère)|Weil]], est également nommé en son honneur<ref>{{Lien web|titre=Planetary Names: Crater, craters: Weil on Venus|url=https://planetarynames.wr.usgs.gov/Feature/6511|site=planetarynames.wr.usgs.gov|consulté le=2020-05-05}}</ref>. En {{date-|avril 2016}} à [[Lyon]], l'association des ''Alternatives catholiques'' ouvre le « Café Simone » en hommage à Simone Weil, café associatif culturel et espace de travail commun ouvert à tous<ref>{{Article|auteur1=Sylvie Silvestre|titre=Au Café Simone, Grégoire Trémeau est garant de la liberté intellectuelle|périodique=Le Progrès|date=05/03/2017|lire en ligne=https://www.leprogres.fr/lyon/2017/03/05/au-cafe-simone-gregoire-tremeau-est-garant-de-la-liberte-intellectuelle }}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr-F|titre=Coworking/Café à Lyon - Le Simone|url=https://www.lesimone.fr/ |site=www.lesimone.fr |consulté le=2020-12-03}}.</ref>.

Par un vote solennel de son conseil d'administration le 10 mars 2022, suivant une consultation au sein de la Faculté Victor Ségalen, [[Université de Bretagne-Occidentale|l'Université de Bretagne Occidentale]] a renommé l'amphithéâtre numéro deux de la Faculté des Lettres du nom de Simone Weil<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Brest - L’Université de Bretagne Occidentale féminise les noms de ses amphithéâtres à Brest et à Quimper |url=https://www.letelegramme.fr/finistere/brest/l-universite-de-bretagne-occidentale-feminise-les-noms-de-ses-amphitheatres-a-brest-et-a-quimper-11-03-2022-12940557.php |site=Le Telegramme |date=2022-03-11 |consulté le=2022-03-17}}</ref>, et une salle de [[École normale supérieure (Paris)|l'École normale supérieure de Paris]] porte son nom<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Plan 45 Ulm RDC |site=ENS-PSL |url=https://www.ens.psl.eu/IMG/pdf/Plan_45ULM_RDC.pdf}}</ref>.

== Œuvres ==
{{Article détaillé|Liste des œuvres de Simone Weil}}
* 1929-1942 : ''Sur la science'', Paris, Gallimard, 1966. — {{Wikisource-inline|Sur la science|Sur la science}}.
* 1933 : ''Réflexions sur la guerre'', revue ''La Critique sociale'', n{{o}}10, {{date-|novembre 1933}}.
* 1933-1934 : ''Leçons de philosophie'' (lycée de Roanne 1933-1934), Leçons de philosophie transcrites et présentées par Anne Reynaud-Guérithault, {{1re}} éd. Paris, Plon, 1959 ; Paris UGE, coll. « 10/18 », 1970 [http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/lecons_de_philosophie/lecons_de_philosophie.html Lire en ligne].
* 1934 : ''Un soulèvement prolétarien à Florence au {{s-|XIV|e}}'', revue ''La Critique sociale'', n° 11, {{date-|mars 1934}}, sur la révolte des [[Ciompi]]. Rééd. sous le titre ''La révolte des Ciompi'' (textes de Simone Weil et [[Nicolas Machiavel]], Postface d’Emmanuel Baro), CMDE, 2013.
* 1933-1935 : ''Carnet de bord'' (le premier des ''Cahiers'' de Simone Weil, et le seul qui soit antérieur à la guerre ; il contient essentiellement des esquisses préparatoires aux ''Réflexions...''). {{1re}} éd. ''Œuvres complètes'', t. VI, {{Vol.|1}}, Gallimard, 1994.
* 1933-1943 : ''Oppression et liberté'' Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1955, 280 p. — {{Wikisource-inline|Oppression et Liberté|Oppression et Liberté}}
* 1934 : ''[[Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale]]'', ''Œuvres complètes'', t.&nbsp;II, vol.&nbsp;2, 1991. — {{Wikisource-inline|Oppression et Liberté/05|Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale}}
* 1936-1942 : ''La Source grecque'', {{1re}} éd. Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1953. — {{Wikisource-inline|La Source grecque|La Source grecque}}.
* 1937 : ''[[La Condition ouvrière]]'' {{1re}} éd. avant-propos d'Albertine Thévenon, Paris, Gallimard, 1951, coll. « Espoir », 276 p. ; rééd. Gallimard, coll. « Folio », 2002, 528 p. — {{Wikisource-inline|La Condition ouvrière|La Condition ouvrière}}
* 1940 : ''Note sur la suppression générale des partis politiques'', {{1re}} éd. 1950 ; Paris, Climats, 2006 ; rééd. Paris, [[Éditions Allia|Allia]], 2017 {{ISBN|979-10-304-0504-0}}. — {{Wikisource-inline|Note sur la suppression générale des partis politiques (S. Weil, éd. 1950)|Note sur la suppression générale des partis politiques}}.
* 1940 : ''Poèmes, suivis de [[Venise sauvée (Simone Weil)|Venise sauvée]]'', {{1re}} éd. Gallimard, coll. « Espoir », 1955. — {{Wikisource-inline|Poèmes, suivis de Venise sauvée|Poèmes, suivis de Venise sauvée}}.
* 1940 : « L'Iliade ou le Poème de la Force », ''Cahiers du Sud'', {{27e}} année, No 230 (déc. 1940), p. 561-574, {{28e}} année, No 231 (janv. 1941), {{p.|21-34}} (article signé Émile Novis) — {{Wikisource-inline|La Source grecque/01/L’Iliade, ou le poème de la force|L'''Iliade'', ou le poème de la force}}.
* 1940-1942 : ''[[Cahiers]]. I'' (dès oct. 1940, à Marseille), {{1re}} éd. par Simone Pétrement, Paris, Plon, coll. « L'Épi », 1951 ; nouvelle éd. revue et augmentée par Florence de Lussy, Gallimard, 1970.
* 1940-1942 : ''[[Cahiers]]. II'', {{1re}} éd. Paris, Plon, 1953, coll. « L'Épi » ; nouvelle éd. revue et augmentée, 1972.
* 1940-1942 : ''La Pesanteur et la Grâce'', Extraits des 11 ''Cahiers'' écrits à Marseille entre oct. 1940 et {{date-|avril 1942}}, préface de [[Gustave Thibon]], Paris, Plon, 1947, 208 p. — {{Wikisource-inline|La Pesanteur et la Grâce|La Pesanteur et la Grâce}}.
* 1940-1943 : ''Pensées sans ordre concernant l'amour de Dieu'', Paris, Gallimard, 1962. — {{Wikisource-inline|Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu|Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu}}.
* 1940-1942 : ''[[Cahiers]]. III'', {{1re}} éd. Paris, Plon, 1956, coll. « L'Épi » ; nouvelle éd. revue et augmentée, 1974.
* 1941-1942 : ''Intuitions pré-chrétiennes'', Paris, La Colombe, 1951, Éd. du Vieux-Colombier ; nouvelle édition Fayard 1985. — {{Wikisource-inline|Intuitions pré-chrétiennes|Intuitions pré-chrétiennes}}.
* 1942 : ''Lettre à un religieux'', Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1951 ; nouvelle éd. Paris, Seuil, coll. « Livre de Vie », 1974. — {{Wikisource-inline|Lettre à un religieux|Lettre à un religieux}}.
* 1942 : ''[[Attente de Dieu]]'' (lettres de janv. à {{date-|mai 1942}} au Père J.-M. Perrin), introduction de [[Joseph-Marie Perrin]], O. P., {{1re}} éd. Paris, La Colombe, Éd. du Vieux Colombier, 1950, 344 p. ; rééd. Paris, Fayard, 1966. — {{Wikisource-inline|Attente de Dieu|Attente de Dieu}}.
* 1942 : ''Correspondance 1942,'' Simone Weil & [[Joë Bousquet]], édition établie, préfacée et annotée par Florence de Lussy et Michel Narcy, Éditions Claire Paulhan, Paris, 2019, 200p. {{ISBN|978-2-912222-63-3}}<ref>{{Lien web |titre=Simone Weil & Joë Bousquet • Correspondance 1942 |url=http://www.clairepaulhan.com/auteurs/simone_weil_joe_bousquet.html |site=www.clairepaulhan.com |consulté le=2022-02-08}}</ref>.
* 1942 : « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » et « En quoi consiste l'inspiration occitanienne », ''Cahiers du Sud'', Le Génie d'Oc et l'Homme Méditerranéen (Numéro spécial), {{29e}} année, Août - Sept. - Oct. 1942, p. [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k16512690/f101.item 99-107] et [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k16512690/f154.item 150-158] (articles signés Émile Novis).
* 1942-1943 : ''La connaissance surnaturelle'', {{1re}} éd. (par Albert Camus) Paris Gallimard coll. « Espoir », 1950, 337 p. ; rééd. ''Œuvres complètes'', t. VI, vol. 4, 2006, 656 p. : ''[[Cahiers]], {{date-|juillet 1942}}-{{date-|juillet 1943}}, La connaissance surnaturelle (Cahiers de New York et de Londres)'' — {{Wikisource-inline|La Connaissance surnaturelle|La Connaissance surnaturelle}}.
* 1943 : ''[[L'Enracinement|L'Enracinement, Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain]]'', {{1re}} éd. Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1949, 381 p. ; rééd. Gallimard, coll. "Folio essais", 1990, 384 p. — {{Wikisource-inline|L’Enracinement|L’Enracinement}}
* 1943 : ''Écrits de Londres et dernières lettres'', Paris, Gallimard, 1957, coll. « Espoir », 264 p. — {{Wikisource-inline|Écrits de Londres et dernières lettres|Écrits de Londres et dernières lettres}}
* ''Écrits historiques et politiques'', Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1960. [http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/ecrits_historiques/ecrits_historiques.html Lire en ligne].
* 1943 : {{Ouvrage|titre=La Personne et le Sacré|sous-titre=collectivité, personne, impersonnel, droit, justice|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Allia|Allia]]|année=2018|pages totales=80|isbn=979-10-304-0797-6}}. — {{Wikisource-inline|Écrits de Londres et dernières lettres/Écrits de Londres/01|La Personne et le Sacré}} 

=== Éditions ===

* ''Œuvres complètes'', sous la dir. d'[[André-A. Devaux]] et Florence de Lussy, Paris, Gallimard, 1988 - ... Sur les 16 volumes divisés en 7 tomes prévus, 13 sont parus.
** t. I {{Ouvrage|prénom1=Simone|nom1=Weil|préface=André A. Devaux|titre=Œuvres complètes, Premiers écrits philosophiques|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1988|pages totales=456|isbn=978-2-07-071240-3|id=ad}}. {{plume}}
** t. II : ''Écrits historiques et politiques'' :
*** vol. 1 : ''L'engagement syndical (1927-{{date-|juillet 1934}})'', 1988, 424 p. {{ISBN|2-07-071424-1}} ;
*** vol. 2 : ''L'expérience ouvrière et l'adieu à la révolution ({{date-|juillet 1934}} - {{date-|juin 1937}})'', 1991, 648 p. {{ISBN|2-07-072016-0}} ;
*** vol. 3 : ''Vers la guerre (1937-1940)'', 1989, 352 p. {{ISBN|2-07-071715-1}}.
** t. IV, ''Écrits de Marseille'' :
*** vol. 1 : ''1940-1942 : Philosophie, science, religion, questions politiques et sociales'', 2008, 608 p. {{ISBN|978-2-07-073334-7}} ;
*** vol. 2 : ''1941-1942 : Grèce - Inde - Occitanie'', 2009, 816 p. {{ISBN|978-2-07-012680-4}}.
** t. V, ''Écrits de New York et de Londres'' :
*** vol. 1 : ''1942-1943, Questions politiques et religieuses'', 2019, 768 p. {{ISBN|978-2-07-285664-8}}
*** vol. 2 : ''1943, L'Enracinement : Prélude à une déclaration des devoirs envers l'être humain'', 2013, 480 p. {{ISBN|978-2-07-014295-8}}
** t. VI, ''Cahiers'' :
*** vol. 1 : ''1933-{{date-|septembre 1941}}'', 1994, 576 p. {{ISBN|978-2-07-072811-4}} ;
*** vol. 2 : ''{{date-|Septembre 1941}}-{{date-|février 1942}}'', 1997, 744 p. {{ISBN|978-2-07-074731-3}} ;
*** vol. 3 : ''{{date-|Février 1942}}-{{date-|juin 1942}} : La porte du transcendant'', 2002, 688 p. {{ISBN|978-2-07-076509-6}} ;
*** vol. 4 : ''{{date-|Juillet 1942}}-{{date-|juillet 1943}} : La connaissance surnaturelle, Cahiers de New York et Londres'', 2006, 656 p. {{ISBN|978-2-07-076491-4}}.
** t. VII, ''Correspondance'' :
*** vol. 1 : ''Correspondance familiale'', 2012, 640 p. {{ISBN|978-2-07-013852-4}}.
* ''Œuvres'', Paris, Gallimard, collection « Quarto », 1999, 1288 p.
* ''La Condition ouvrière'', Paris, Gallimard, collection « Folio Essais », 2002, 528 p.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|group=Note}}

=== Références ===
{{Références nombreuses|taille=25}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
| commons = Category:Simone Weil
| wikisource = Auteur:Simone Weil
| wikiquote = Simone Weil
}}

=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}

==== Ouvrages ====
* Geneviève Azam et Françoise Valon, ''Simone Weil ou l’expérience de la nécessité'', collection Les Précurseurs de la décroissance, le Passager clandestin, 2016.
* Louisette Badie, Hélène Serre, ''Simone Weil, philosophe de l'absolu'', Éditions [[Nouvelle Acropole]], 2009.
* {{Ouvrage|auteur=[[Stéphane Barsacq]]|titre=Simone Weil, le ravissement de la raison|sous-titre=Textes choisis et présentés par Stéphane Barsacq|éditeur=Points|année première édition=2009|année=2017|pages totales=96}}
* Jacques Cabaud, ''L'Expérience vécue de Simone Weil'', Paris, Plon, 1957.
* Kévin Cappelli, ''Simone Weil. Le tournant spirituel'', Rennes, Apogée, 2019.
* Dominique Carliez, ''Pensez la politique avec Simone Weil'', [[Éditions de l'Atelier]], 2009.
* [[Catherine Chalier]], « Simone Weil », in ''Le Désir de conversion'', Paris, Seuil, 2011.
* [[Robert Chenavier]], ''Simone Weil, une Juive antisémite ? Éteindre les polémiques'', Paris, [[Éditions Gallimard|Gallimard]], 2021.
* Robert Chenavier, ''Simone Weil. Une philosophie du travail'', coll. « La nuit surveillée », Paris, [[Éditions du Cerf]], 2001.
* Robert Chenavier, ''Simone Weil. L'attention au réel'', Paris, [[Éditions Michalon]], coll. « Le bien commun », 2009.
* {{Lien|trad=Robert_Coles_(psychiatrist)|fr=Robert Coles|texte=Robert Coles}}, ''Simone Weil, une vie à l'œuvre'', trad. de l'anglais par Monique Lebailly, Paris, Des Femmes, 1992.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pascal David]]|titre=Simone Weil : Désarroi de notre temps et autres fragments sur la guerre|lieu=Lyon|éditeur=Éditions Peuple Libre|collection=Les Altercathos|année=2016|pages totales=214|isbn=978-2-36613-027-0}}.
* [[Marie-Madeleine Davy]], ''Simone Weil'', Paris, Éditions universitaires, 1956.
* [[Marie-Madeleine Davy]], ''Introduction au message de Simone Weil'', Paris, Éditions universitaires, 1954.
* [[Chantal Delsol]] (dir.), ''Simone Weil'', Paris, coll. Cahiers d'histoire de la philosophie, [[Éditions du Cerf]], 2009 [http://www.actu-philosophia.com/Chantal-Delsol-dir-Simone-Weil  Présentation en ligne] {{plume}}.
* {{Lien web|auteur=[[Emmanuel Gabellieri]]|titre=Être et don|sous-titre=Simone Weil et la philosophie|lieu=Louvain-Paris|éditeur=Éditions Peeters|année= 2003|url texte=https://books.google.fr/books?id=8xE-rZO116QC&printsec=frontcover&dq=gabellieri+etre+et+don&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjGjPjb5Y3cAhXsB8AKHdQDC_wQ6AEIJzAA#v=onepage&q=gabellieri%20etre%20et%20don&f=false |site=Google books|consulté le=8 septembre 2018|id=g3|plume=oui}} [https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2005_num_103_4_7638_t1_0673_0000_2 Présentation sur ''persee.fr''] 
* Valérie Gérard (dir.), ''Simone Weil, lectures politiques'', Paris, Éditions rue d'Ulm, 2011.
* {{Ouvrage|auteur1=Christine Hof|préface=[[Emmanuel Gabellieri]]|titre=Philosophie et kénose chez Simone Weil|sous-titre=De l'amour du monde à l'Imitatio Christi|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions L'Harmattan|L'Harmattan]]|collection=Ouverture philosophique|année=2016|pages totales=272|isbn=978-2-343-08367-4|id=ch|plume=oui}}.
* {{ouvrage|auteur1=Charles Jacquier|directeur1=oui|titre=Simone Weil, l’expérience de la vie et le travail de la pensée|lieu=Arles|éditeur=Éditions Sulliver|année=1998|présentation en ligne=https://books.google.be/books?id=ZF7fM8lR3LQC&pg=PA115#v=onepage&q&f=false}}
* Joël Janiaud, ''Simone Weil. L'attention et l'action'', Paris, PUF, coll. Philosophies, 2002.
* [[Jacques Julliard]], ''Le Choc Simone Weil'', Flammarion, « Café Voltaire », 2014.
* Gaston Kempfner, ''La philosophie mystique de Simone Weil'', Éditions La Colombe, 1960.
* Florence de Lussy, ''Simone Weil'', Paris, PUF, {{coll.|[[Que sais-je ?]]}}, 2016.
* Florence de Lussy (dir.), ''Simone Weil : sagesse et grâce violente'', Paris, [[Groupe Bayard|Bayard]], 2009.
* [[François L'Yvonnet]], ''Simone Weil, l'Altissime'', Paris, Lemieux éditeur, 2015.
* [[François L'Yvonnet]] (dir.), ''Simone Weil, le grand passage'', Paris, [[Éditions Albin Michel|Albin Michel]], 2006.
* [[François L'Yvonnet]], ''Simone Weil'', Porfolio, ADPF, Ministère des Affaires étrangères, Paris, 2000.
* {{Ouvrage|auteur1=Ivo Malan|champ libre=Thèse de doctorat parue aux États-Unis en 1956|titre=L'Enracinement de Simone Weil|sous-titre=Essai d'interprétation|lieu=Paris|éditeur=[[Didier (maison d'édition)|Didier]]|année=1956|id=m}}
* [[Jean-Marie Muller]], ''Simone Weil : l'exigence de non-violence'', [[Éditions Desclée de Brouwer|Desclée de Brouwer]], 1995.
* {{Ouvrage|auteur=Danielle Netter|titre=Simone Weil : naissance d'une vocation|lieu=Paris|éditeur=Riveneuve|année= 2015|pages totales=127}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Thomas R. Nevin|titre=Simone Weil : Portrait of a Self-exiled Jew|éditeur=[[The University of North Carolina Press]]|année=1991|url=https://books.google.it/books?id=pbNwXrQPs7kC&lpg=PR3&hl=fr&pg=PR4#v=onepage&q&f=false}}
*[[Joseph-Marie Perrin]] et [[Gustave Thibon]], ''Simone Weil telle que nous l'avons connue'', Paris, La Colombe, 1952.
* {{Ouvrage|auteur=[[Simone Pétrement]]|titre=La Vie de Simone Weil|lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1973|réimpression=1997|pages totales=749|id=sp|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Eulalie Piccard]]|titre=Simone Weil|sous-titre=Essai biographique et critique suivi d'une anthologie raisonnée des œuvres de Simone Weil|lieu=Paris|éditeur=[[Presses universitaires de France|P.U.F.]]|année=1960|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4809678j|id=ep|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur=[[Christiane Rancé]]|titre=Simone Weil|sous-titre=Le Courage de l'Impossible|lieu=Paris|éditeur=Points|année=2014|pages totales=256}}
* {{Ouvrage|prénom1=Fernando|nom1=Rey Puente|titre=Simone Weil et la Grèce|lieu=Paris|éditeur= L'Harmattan|année=2007|pages totales=248|isbn=978-2-296-04007-6|lire en ligne=https://www.amazon.fr/Simone-Weil-Gr%C3%A8ce-Fernando-Puente/dp/2296040071/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1532407888&sr=8-1&keywords=fernando+rey+puente}}
* {{it}} [[Guia Risari]], ''Il taccuino di Simone Weil'', Palermo, Rueballu, 2014.
* [[Philippe de Saint Robert]], ''La Vision tragique de Simone Weil'', Paris, [[Éditions François-Xavier de Guibert]], 1999.
* [[Bertrand Saint-Sernin]], ''L'action politique selon Simone Weil'', Paris, [[Éditions du Cerf|Le Cerf]], 1988.
* {{de}} Giorgia Sogos Wiquel, ''Simone Weil. Private Überlegungen,'' Bonn, Free Pen Verlag 2022, {{ISBN|978-3-945177-95-2}}.
* [[Martin Steffens]], ''Prier 15 jours avec Simone Weil'', Nouvelle cité, 2009.
* Nadia Taïbi, ''Simone Weil et notre temps. Philosopher, penser, résister'', Éditions M-Editer, 2019.
* Nadia Taïbi, ''La philosophie au travail. L'expérience ouvrière de Simone Weil'', collection Ouverture philosophique, L'Harmattan, 2009.
* Jean-François Thomas, ''Simone Weil et Edith Stein : malheur et souffrance'', préf. de [[Gustave Thibon]], Namur, Culture et Vérité, 1992
* {{Ouvrage|auteur1=[[Miklós Vető]]|titre=La Métaphysique religieuse de Simone Weil|lieu=Paris|éditeur=L’Harmattan|année première édition=1971|numéro d'édition=3|réimpression=1997, 2014|année=2016|pages totales=204|isbn=978-2-343-03220-7|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=HRJ_AwAAQBAJ&printsec=frontcover|id=mv|plume=oui}} 
* {{ouvrage|auteur=[[Sylvie Weil]]|titre=Chez les Weil|sous-titre=André et Simone|éditeur=Libretto|année première édition=2009|année=2013|pages totales=224}}
* ''[[Revue des Deux Mondes]]'', ''L'Extraordinaire Simone Weil'', numéro consacré à la philosophe, octobre 2023.

==== Articles ====
* Les [http://www.simoneweil-association.com/les-cahiers-simone-weil/ ''Cahiers Simone Weil''], revue trimestrielle publiée par l'[https://www.simoneweil-association.com/ Association pour l’étude de la pensée de Simone Weil]
* [[Pascal David]], « Simone Weil, vivre pour la vérité », in ''Esprit & Vie'', Paris, [[Éditions du Cerf]], n° 195, {{date-|juin 2008}}.
* Alain Dreyfus, [https://www.marianne.net/societe/simone-weil-lincandescente-0  ''Simone Weil, l'incandescente'', Marianne, 28 février 2014], et [https://www.paperblog.fr/7314125/simone-weil-celle-qui-a-fascine-jacques-julliard/  ''Simone Weil, celle qui a fasciné Jacques Julliard''] 
* [[Emmanuel Gabellieri]] et [[François L'Yvonnet]] (dir.), ''Cahier Simone Weil'', Paris, L'Herne, 2014.
* {{Article|auteur=[[Emmanuel Gabellieri]]|titre=Simone Weil, la source grecque et le christianisme|périodique=Études|mois=5|année=2001|numéro=394|pages=641-652|lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-etudes-2001-5-page-641.htm|id=g}} {{plume}}
* {{Article|auteur=[[Emmanuel Gabellieri]]|titre=Le donné et le mystère|sous-titre=Notes sur phénoménologie, métaphysique et révélation chez S. Weil|périodique=Archives de Philosophie|volume=tome 72|numéro=4|année=2009|pages=627-644|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2009-4-page-627.htm|id=g2}} {{plume}}
* {{Lien web|auteur=Matthieu Giroux|url=https://philitt.fr/2014/05/29/simone-weil-verite-justice-et-bien-public-contre-les-partis-politiques/|titre=Simone Weil : vérité, justice et bien public contre les partis politiques|site=Philitt|date=29 mai 2014|id=g}}
* {{Article|auteur=Joël Janiaud|titre=Simone Weil, le malheur et l'invisible|périodique=revue Esprit|date=août-septembre 2012|url=https://esprit.presse.fr/article/janiaud-joel/simone-weil-le-malheur-et-l-invisible-37135}}
* {{Article|auteur=Léa Mead|titre=Simone Weil : mystique chrétienne hors de l’Église|périodique=Revue ''Ithaque''|numéro=14|année=2014|lire en ligne=http://www.revueithaque.org/fichiers/Ithaque14/Mead.pdf|pages=113-132|id=lm}} {{plume}}
* {{Article|auteur=[[Olivier Rey (philosophe)|Olivier Rey]]|url=https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00943630/file/Rey_Une_science_qui_aimerait_le_monde.pdf|titre=Une science qui aimerait le monde|périodique=Cahiers Simone Weil|tome=XXXII, n°2|date=juin 2009|passage=189-199|id=r}} {{plume}}
* {{Lien web|auteur=[[Olivier Rey (philosophe)|Olivier Rey]]|url=https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01243234/document|titre=Qu’aurait pensé Simone Weil de l’encyclique Laudato si ?|champ libre=contribution au colloque « Économie, écologie, critique du capitalisme chez Simone Weil », 30-31 octobre et {{1er}} novembre 2015, Paris, FIAP Jean Monnet|id=or}}  {{plume}}  
* {{Article|auteur=[[Olivier Rey (philosophe)|Olivier Rey]]|lire en ligne=https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01080687/document|titre=De l’inconvénient et de l’avantage d’avoir un frère aîné génial|périodique=Cahiers Simone Weil|tome=XXXVII, n°2|date=juin 2014|passage=109-129|id=rey|plume=oui}}.
* [[Miklós Vető]], « [https://shs.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2009-4-page-581?lang=fr Simone Weil et l'histoire de la philosophie] », 2009 
* {{Lien web|langue=en|auteur=A. Rebecca Rozelle-Stone et Benjamin P. Davis|url=https://plato.stanford.edu/entries/simone-weil/|site=The Stanford Encyclopedia of Philosophy|titre=Simone Weil|éditeur=Edward N. Zalta (ed.)|année=mars 2018|consulté le=6 février 2019.}} 
* {{Article|auteur=Mustapha Saha|url=https://www.jeuneafrique.com/mag/728757/societe/tribune-simone-weil-ou-lame-africaine-dune-philosophe-engagee|titre=Simone Weil ou l'âme africaine d'une philosophe engagée|périodique= Jeune Afrique|numéro= 3030|date= février 2019}}
* {{Article|auteur=Guy Samama|titre=Albert Camus et Simone Weil : le sentiment du tragique, le goût de la beauté|périodique=revue Esprit|numéro=387|date=septembre 2012|pages=92-115|url=https://esprit.presse.fr/article/guy-samama/albert-camus-et-simone-weil-le-sentiment-du-tragique-le-gout-de-la-beaute-37133}}
* {{Article|auteur1=[[Alain Supiot]]|lire en ligne=https://www.college-de-france.fr/site/alain-supiot/articles-en-ligne.htm|titre=La pensée juridique de Simone Weil|auteur2=Isabelle Schömann (dir.)|périodique=Mélanges à la mémoire de Yota Kravaritou. A trilingual tribute|lieu=Bruxelles|éditeur=ETUI|date=2011|passage=551-575|id=s|consulté le=19 janvier 2019}} {{plume}}.
* {{Article|auteur=Kevin Victoire|titre=Avec Simone Weil et George Orwell, pour un socialisme vraiment populaire|mois=6|année=2015|périodique=Le Comptoir|lire en ligne=https://comptoir.org/2015/06/22/avec-simone-weil-george-orwell-pour-socialisme-vraiment-populaire/|consulté le=2016-09-13}}
* {{Article|auteur1=Thibaut Rioult |titre=L’anti-puissance : Éléments pour une métaphysique du levier (de Pythagore à Simone Weil)|périodique=Contrelittérature|numéro=6|date=octobre 2023|pages=45‑64|e-issn=2258-7853|consulté le=2 juin 2024}}.

=== Liens externes ===
*[https://www.paris15histoire.com/weil Simone Weil (1909-1943), Une philosophe ouvrière d'usine dans le XVème arrondissement] Résumé d'un article de Jacques COUVREUR in Bull. Soc. hist. & arch. du XVème arrondt de Paris – n° 23
* [https://www.simoneweil-association.com/ Association pour l’étude de la pensée de Simone Weil]
* [https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/simone-weil-et-le-christ-3515702 Simone Weil et le Christ], émission sur France Culture du 25 février 2016.
* [https://www.college-de-france.fr/site/alain-supiot/symposium-2016-2017.htm « Mondialisation vs Globalisation : les leçons de Simone Weil »], colloque au [[Collège de France]].
* [http://www.pileface.com/sollers/spip.php?article1479#nh11 « Résistance de Simone Weil »], [[Philippe Sollers]], ''Le Monde des livres'', {{date-|26 avril 2002}}.
* {{Lien web|titre=Simone Weil et la Grèce|url=http://presencephilosophiqueaupuy.over-blog.com/article-simone-weil-et-la-grece-60666961.html|date=novembre 2009|site=Présence philosophique au Puy|consulté le=18 août 2018|id=puy|plume=oui}}

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