Voir la source de Tenseur (mathématiques)

{{Voir homonyme|Tenseur}}

Les '''tenseurs''' sont des objets mathématiques issus de l'[[algèbre multilinéaire]] permettant de généraliser les [[Scalaire (mathématiques)|scalaires]] et les [[vecteur]]s. On les rencontre notamment en [[analyse vectorielle]] et en [[géométrie différentielle]] fréquemment utilisées au sein de [[Champ tensoriel|champs de tenseurs]]. Ils sont aussi utilisés en [[mécanique des milieux continus]].

Le présent article ne se consacre qu'aux tenseurs dans des '''[[Espace vectoriel de dimension finie|espaces vectoriels de dimension finie]]''', bien que des généralisations en [[Dimension d'un espace vectoriel|dimension]] infinie et même pour des [[Module sur un anneau|modules]] existent.

== Principe général ==

Le principe est de généraliser les notions de scalaires et de [[vecteur]]s en dimension finie. Les tenseurs d'un type donné sont eux-mêmes membres d'un espace vectoriel :
* ils possèdent une [[Addition#Addition vectorielle|addition]] et un [[Multiplication par un scalaire|produit par les scalaires]] ;
* ils sont indépendants d'un choix de [[Base (algèbre linéaire)|base]] mais peuvent être représentés par des tableaux à plusieurs entrées pour un choix de base donnée.

S'y ajoutent deux opérations : un produit, dit '''tensoriel''', permettant de multiplier deux tenseurs (éventuellement de natures distinctes) ainsi qu'une [[application linéaire]] qui réduit leur ordre, appelée '''contraction'''.

Comme évoqué ci-dessus les scalaires et les vecteurs constituent des exemples simples de tenseurs. Dans une base donnée, un vecteur (tenseur d'ordre 1) peut être représenté par la donnée d'un [[n-uplet|''n''-uplet]] de coordonnées. Les [[Matrice (mathématiques)|matrices]] ''n''×''n'' —  qui peuvent représenter suivant les cas des [[endomorphisme]]s, des [[bivecteur]]s ou encore des [[Forme bilinéaire|formes bilinéaires]] — forment une extension des ''n''-uplets similaire à l'extension que représentent les ''n''-uplets par rapport aux scalaires. Les objets descriptibles par des matrices constituent donc les premiers types de tenseurs non triviaux, appelés tenseurs d'ordre 2. En prolongeant la réflexion on peut imaginer, toujours de manière informelle, des matrices cubiques ''n''×''n''×''n'', correspondant aux tenseurs d'ordre 3, et ainsi de suite.

[[Fichier:Tensor-order-comparison.png|center]]

Les deux opérations classiques de la manipulation des tenseurs peuvent être intuitivement illustrées par certaines opérations matricielles. Il est en effet connu qu'en multipliant une [[Vecteur colonne|matrice colonne]] par une [[Vecteur ligne|matrice ligne]] (c'est-à-dire deux ''n''-uplets) on obtient une matrice carrée (ou rectangulaire si les opérandes n'ont pas la même dimension). Il existe donc des transformations permettant d'augmenter l'ordre des tenseurs. Cette idée est à la base du produit tensoriel.

Inversement, le produit d'une matrice ligne par une matrice colonne se réduit à un scalaire. On voit ici apparaître l'idée de contraction.

== Produit tensoriel d'espaces vectoriels de dimensions finies ==

Il est pratique, avant d'étudier le produit tensoriel de vecteurs et de donner un sens plus précis au terme tenseur, de considérer les espaces vectoriels qui interviennent dans sa définition. On note que le même symbole, à savoir <math>\otimes</math>, est utilisé pour construire à la fois les tenseurs et les espaces auxquels ils appartiennent.

On notera par la suite <math>\mathcal{L}_k( E_1 \times \cdots \times E_k, F)</math> l'espace vectoriel des [[Application multilinéaire|applications ''k''-linéaires]] de <math>E_1 \times \cdots \times E_k</math> dans <math>F</math> (c'est-à-dire [[Application linéaire|linéaires]] par rapport à chacune de leurs ''k'' variables).

=== Définitions ===

Soient <math>E</math> et <math>F</math> deux [[Espace vectoriel|espaces vectoriels]] [[Espace vectoriel de dimension finie|de dimension finie]] sur un [[corps commutatif]] <math>\mathbb{K}</math> (en pratique il s'agit souvent de <math>\R</math> ou de <math>\Complex</math> mais d'autres corps sont possibles). On note <math>E^*</math> le [[Espace dual|dual]] de <math>E</math>. Le produit tensoriel de <math>E</math> par <math>F</math> — noté <math>E \otimes_\mathbb{K} F</math>, ou <math>E \otimes F</math> s'il n'y a pas d'ambiguïté sur le corps — est un cas particulier de [[Produit tensoriel de deux modules|produit tensoriel de modules]]. Une définition plus simple<ref>car les 2 espaces vectoriels <math>E</math> et <math>F</math> sont de dimension finie</ref> peut être ici de le définir comme '''l'espace vectoriel des [[Forme bilinéaire|formes bilinéaires]]''' sur le couple d'espaces vectoriels <math>(E^* ,F^*)</math>.

<center><math>E \otimes F = \mathcal{L}_2( E^* \times F^*, \mathbb{K})</math></center>

On rappelle par ailleurs qu'en dimension finie, on assimile sans problème <math>E</math> à son [[Espace bidual|bidual]] <math>E^{**}</math>. On a donc de même :
<center><math>E^* \otimes F^* = \mathcal{L}_2( E \times F, \mathbb{K})</math></center>
<center><math>E \otimes F^* = \mathcal{L}_2( E^* \times F, \mathbb{K})</math></center>
<center><math>E^* \otimes F = \mathcal{L}_2( E \times F^*, \mathbb{K})</math></center>

Dans la [[théorie des catégories]], les <math>\mathbb{K}</math>-espaces vectoriels (de dimension finie mais on peut généraliser en dimension quelconque) forment un exemple standard de [[catégorie monoïdale]] pour le produit tensoriel ainsi défini.

=== Propriétés ===

==== Associativité ====
Les espaces vectoriels <math>(E \otimes F) \otimes G</math>, <math>E \otimes (F \otimes G)</math> et <math>\mathcal{L}_3(E^* \times F^* \times G^*, \mathbb{K})</math> sont '''canoniquement [[Isomorphisme|isomorphes]]'''. Cette propriété permet de considérer le produit tensoriel comme [[Associativité|associatif]] et d'assimiler le produit de ''k'' espaces de dimensions finies à l'espace des [[Application multilinéaire|formes ''k''-linéaires]] sur les espaces duaux. La mise en parenthèse est donc inutile :
<center><math>(E \otimes F) \otimes G</math> <math>= E \otimes (F \otimes G)</math> <math>= \mathcal{L}_3(E^* \times F^* \times G^*, \mathbb{K})</math></center>
<center><math>E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math> <math>= \mathcal{L}_k( E_1^* \times \cdots \times E_k^*, \mathbb{K})</math></center>

==== Dimension ====
La dimension d'un produit tensoriel d'espaces est égale au produit des dimensions de tous les espaces.
<center><math> \dim(E_1 \otimes \cdots \otimes E_k) = \dim(E_1) \cdots \dim(E_k)</math></center>

==== Le corps des scalaires ====
<math>\mathbb{K}</math> étant un espace vectoriel de dimension 1 sur lui-même, il peut être utilisé dans le produit tensoriel. <math>E \otimes \mathbb{K}</math> et <math>\mathbb{K} \otimes E</math> sont canoniquement isomorphes à <math>E</math>. On peut donc considérer <math>\mathbb{K}</math> comme une sorte d'élément neutre.

<center><math>E \otimes \mathbb{K} = \mathbb{K} \otimes E = E</math></center>

==== Puissances tensorielles ====
On peut définir la <math>k</math>-ième puissance tensorielle d'un espace <math>E</math>, notée <math>E^{\otimes k}</math> ou <math>\bigotimes_k E</math>, par :
* pour <math>k \geq 2</math>, <math>E^{\otimes k} = E^{\otimes (k-1)} \otimes E</math> ;
* pour <math>k=1</math>, en extrapolant les définitions précédentes, <math>E^{\otimes 1} = \mathcal{L}( E^*, \mathbb{K} ) = E^{**} = E</math> ;
* pour <math>k=0</math>, le choix de <math>E^{\otimes 0} = \mathbb{K}</math> permet de généraliser les formules de manière cohérente.

On a par ailleurs les propriétés :
<center><math>E^{\otimes k} \otimes E^{\otimes l} = E^{\otimes (k + l)}</math></center>
<center><math>(E^{\otimes k})^{\otimes l} = E^{\otimes (k l)}</math></center>

==== Dualité ====
Encore une fois par isomorphisme canonique on a : <math>(E_1 \otimes \cdots \otimes E_k)^*</math> <math>= E_1^* \otimes \cdots \otimes E_k^*</math>

==== Espaces des applications linéaires et multilinéaires ====
L'espace vectoriel <math>\mathcal{L}(E,F)</math> des [[Application linéaire|applications linéaires]] de <math>E</math> dans <math>F</math> est canoniquement isomorphe à <math>F \otimes E^*</math>. Plus généralement, l'espace des [[Application multilinéaire|applications ''k''-linéaires]] de <math>E_1 \times \cdots \times E_k</math> dans <math>F</math> est canoniquement isomorphe à <math>F \otimes E_1^* \otimes \cdots \otimes E_k^*</math>. Il est donc possible de confondre ces espaces.

==== À propos de la commutativité ====
Il existe un isomorphisme entre <math>E \otimes F</math> et <math>F \otimes E</math>. En pratique les assimiler (c'est-à-dire rendre <math>\otimes</math> commutatif) n'est cependant pas toujours une bonne chose. C'est en particulier problématique lorsque <math>E = F</math>. En effet, cette assimilation pourrait dans ce cas amener à croire que le produit tensoriel de deux éléments (décrit ci-dessous) est commutatif, ce qui n'est pas le cas.

Dans la suite de cet article on considérera donc, sauf mention contraire, <math>E \otimes F</math> et <math>F \otimes E</math> comme deux espaces distincts. Les considérations liées à leur isomorphismes sont abordées dans [[#Non unicité de l'isomorphisme|ce paragraphe]].

== Tenseurs et produit tensoriel sur les éléments ==

L'intérêt premier du '''produit tensoriel''' est de définir une opération sur les vecteurs (ou plus généralement les éléments des [[Module sur un anneau|modules]]) ayant des propriétés similaires à celle d'un produit. Cela dit, contrairement aux produits habituels, le produit tensoriel n'est pas une opération interne : il peut s'effectuer sur des vecteurs issus d'espaces vectoriels différents et son résultat (à quelques exceptions près) n'appartient à aucun des espaces en question. Les éléments intervenant dans de tels produits portent le nom de '''tenseurs'''.

{{Article détaillé|Produit tensoriel}}

=== Définition ===

Soit <math>\phi \in E^*</math> et <math>\psi \in F^*</math> deux [[Forme linéaire|formes linéaires]]. On notera <math>\phi \otimes \psi</math> l'application définie par :
<center><math>\forall u \in E, \forall v \in F, (\phi \otimes \psi) (u,v) = \phi(u) \cdot \psi(v) </math></center>
Il s'agit d'une forme bilinéaire : on a donc <math>\phi \otimes \psi \in E^* \otimes F^*</math>. Le produit se généralise facilement aux [[Forme multilinéaire|formes multilinéaires]].

Comme en dimension finie <math>E = E^{**}</math>, tout vecteur <math>u</math> (respectivement <math>v</math>) peut être assimilé à une forme linéaire sur <math>E^*</math> (respectivement <math>F^*</math>). On définit ainsi de manière générale le '''produit tensoriel''' de <math>u</math> et <math>v</math>, noté <math>u \otimes v</math>, comme forme bilinéaire sur <math> E^* \times F^*</math>.
[[Fichier:Bacterial-tensor-product.png|center]]

La forme bilinéaire <math>\phi \otimes \psi</math> est donc un '''tenseur''' appartenant à <math>E^* \otimes F^*</math>. La forme bilinéaire <math>u \otimes v</math> est quant à elle un '''tenseur''' appartenant à <math>E \otimes F</math>. Les '''tenseurs''' peuvent donc être définis (en dimension finie) comme des '''formes multilinéaires''' munis d'un produit <math>\otimes</math>.

=== Remarques ===
* Réciproquement, tout tenseur <math>T \in E \otimes F</math> ne s'écrit pas nécessairement comme un produit <math>T = u \otimes v</math>. En revanche, il peut toujours être décomposé en '''[[combinaison linéaire]]''' d'éléments de la forme <math>u_i \otimes v_j</math> où <math>u_i \in E</math> et <math>v_j \in F</math>. C'est-à-dire qu'on peut toujours trouver des familles de vecteurs <math>(u_i)_i</math> et <math>(v_j)_j</math> et une famille de scalaires <math>(T_{ij})_{ij}</math> telles que <math>T = \sum_{i,j} T_{ij} \cdot u_i \otimes v_j</math>.
* On note bien que tout vecteur est un type de tenseur particulier (il est toujours assimilable à une forme 1-linéaire) et que tout tenseur fait partie d'un espace vectoriel. L'utilisation du terme tenseur sous-entend l'usage du produit tensoriel. En pratique le terme tenseur est surtout utilisé à propos de produits de vecteurs d'un même espace <math>E</math> ou de son dual <math>E^*</math>.

=== Propriétés du produit tensoriel ===

==== Associativité ====
Grâce à l'isomorphisme canonique on peut considérer que le produit tensoriel est associatif. Autrement dit <math>(u \otimes v) \otimes w = u \otimes (v \otimes w)</math>. De plus on peut voir le tenseur <math>u \otimes v \otimes w</math> comme une forme trilinéaire : <math>(u \otimes v \otimes w)(x,y,z) = u(x) \cdot v(y) \cdot w(z)</math>. D'une manière générale si on se donne <math>k</math> vecteurs <math>u_i \in E_i</math>, le tenseur <math>u_1 \otimes \cdots \otimes u_k</math> est un élément de <math>E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math>. C'est donc une forme <math>k</math>-linéaire.
[[Fichier:Bacterial-tensor-product-associativity.png|center]]

==== Non commutativité ====
Si <math>u \in E</math> et <math>v \in E</math>, les tenseurs <math>u \otimes v</math> et <math>v \otimes u</math> appartiennent alors tous les deux au même espace <math>E \otimes E</math>. Néanmoins on prendra bien soin de noter que dans le cas général <math>u \otimes v \neq v \otimes u</math>.
[[Fichier:Bacterial-tensor-product-non-commutativity.png|center]]

==== Distributivité ====
Le produit tensoriel se comporte bien comme un produit vis-à-vis de l'addition des espaces vectoriels :
<center><math>(u + u') \otimes v = u \otimes v + u' \otimes v</math></center>
<center><math>u \otimes (v+v') = u \otimes v + u \otimes v'</math></center>

==== Généralisation des produits usuels ====
On notera que le produit tensoriel généralise le produit par un scalaire défini sur les <math>\mathbb{K}</math>-espaces vectoriels <math>(E,\mathbb{K},+,\cdot)</math> ainsi que le produit dans le corps <math>(\mathbb{K},+,\times)</math>. On a ainsi <math>\lambda \otimes u = \lambda \cdot u</math> et <math>\lambda_1 \otimes \lambda_2 = \lambda_1 \times \lambda_2</math>.
[[Fichier:Bacterial-tensor-product-generalization.png|center]]

==== Bases des espaces produits ====
Soit <math>(e_1, e_2, \cdots, e_n)</math> une base de <math>E</math> et <math>(\epsilon_1, \epsilon_2, ... \epsilon_m)</math> une base de <math>F</math>. Alors la famille  <math>(e_i \otimes \epsilon_j)_{1 \leq i \leq n, 1 \leq j \leq m} </math> forme une base de <math>E \otimes F</math>. Par conséquent tout élément <math>T \in E \otimes F</math> admet une unique famille de coordonnées sur cette base :
<center><math>\exists! (T_{ij})_{ij} \in \mathbb{K}^{nm}, T = \sum_{i=1}^n \sum_{j=1}^m T_{ij} \cdot e_i \otimes \epsilon_j</math></center>

Cette formule est bien cohérente avec le fait que <math>\dim(E \otimes F) = \dim(E) \cdot \dim(F)</math>. Les coordonnées <math>(T_{ij})_{ij}</math> sont explicitement calculables en utilisant les bases duales <math>(e_1^*, e_2^*, \cdots, e_n^*)</math> et <math>(\epsilon_1^*, \epsilon_2^*, ... \epsilon_m^*)</math> par la formule :
<center><math>\forall i,\forall j,\quad T_{ij} = T( e_i^*, \epsilon_j^*)</math></center>

Ces formules se généralisent pour <math>k</math> espaces vectoriels.

== Opération de contraction ==

{{Article détaillé|Contraction tensorielle}}

=== Définition ===

Soit <math>\mathcal{E}</math> un espace vectoriel de dimension finie sur un corps <math>\mathbb{K}</math> tel que <math>\mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math>. On suppose qu'il existe deux indices <math>i</math> et <math>j</math> tels que <math>E_i = E_j^*</math> (ou de manière complètement équivalente <math>E_j = E_i^*</math>). Soit <math>(e_1, e_2, \cdots, e_n)</math> une base de <math>E_i</math> ; la base duale <math>(e_1^*, e_2^*, \cdots, e_n^*)</math> est donc une base de <math>E_j</math>. Étant donné un tenseur <math>T \in \mathcal{E}</math>, l'application
<center><math>( u_1, \cdots, u_{i-1}, u_{i+1}, \cdots, u_{j-1}, u_{j+1}, \cdots, u_k ) \mapsto \sum_{r=1}^n T( u_1, \cdots, u_{i-1}, e_r^*, u_{i+1}, \cdots, u_{j-1}, e_r, u_{j+1}, \cdots, u_k )</math></center>
est une forme <math>(k-2)</math>-linéaire sur <math> E_1^* \times \cdots \times E_{i-1}^* \times E_{i+1}^* \times \cdots \times E_{j-1}^* \times E_{j+1}^* \times \cdots \times E_k^*</math>, autrement dit un tenseur de <math> E_1 \otimes \cdots \otimes E_{i-1} \otimes E_{i+1} \otimes \cdots \otimes E_{j-1} \otimes E_{j+1} \otimes \cdots \otimes E_k</math>. Par ailleurs cette forme est '''indépendante du choix de la base''' de <math>E_i</math>. L'opération s'appelle [[Contraction tensorielle|contraction]] de <math>T</math> sur les indices <math>i</math> et <math>j</math>. Elle est parfois notée <math>\mathrm{tr}_{ij}</math>

[[Fichier:Bacterial-tensor-contraction.png|center]]

Il est important de garder à l'esprit que l'opération de contraction n'est possible que pour deux indices correspondant à des espaces duaux entre eux et n'a aucun sens dans d'autres cas. Il s'agit en outre d'une opération linéaire de <math>\mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math> dans <math>\mathcal{F} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_{i-1} \otimes E_{i+1} \otimes \cdots \otimes E_{j-1} \otimes E_{j+1} \otimes \cdots \otimes E_k</math>.

=== Produit contracté ===

En pratique la contraction est souvent utilisée au sein d'une opération appelée produit contracté et notée <math>\odot</math>, <math>\bar\otimes</math> ou même simplement <math>\cdot</math>. Le produit contracté de deux tenseurs est le résultat de leur produit tensoriel suivi d'une contraction d'un indice du premier par un indice du second. On notera que les notations sont lacunaires : elles ne précisent pas quels sont les indices de contraction. Par défaut, il s'agit en général du dernier indice du premier tenseur et du premier indice du second. Comme pour la contraction, le produit contracté n'a de sens que si les indices contractés correspondent à des espaces duaux.
[[Fichier:Bacterial-tensor-contracted-product.png|center]]

=== Propriétés du produit contracté ===

==== Associativité ====
Le produit contracté est associatif si le tenseur du centre a au moins deux indices. Ainsi pour <math>R \in E \otimes \cdots \otimes F^*</math>, <math>S \in F \otimes \cdots \otimes G^*</math> et <math>T \in G \otimes \cdots \otimes H^*</math>, on a bien <math>(R \odot S) \odot T = R \odot (S \odot T)</math>. Si le tenseur du centre n'a qu'un indice, il est possible que l'un des deux parenthésages n'ait pas de sens, et même dans le cas contraire, l'égalité ne sera pas réalisée dans le cas général.

==== Distributivité ====
Le produit contracté se comporte bien comme un produit vis-à-vis de l'addition des espaces vectoriels :
<center><math>(S + S') \odot T = S \odot T + S' \odot T</math></center>
<center><math>S \odot (T+T') = S \odot T + S \odot T'</math></center>

==== Image par le tenseur ou produit contracté ====
Étant donné un tenseur <math> T \in E_1^* \otimes \cdots \otimes E_k^*</math> et <math>k</math> vecteurs tels que <math>v_i \in E_i</math> on peut effectuer deux opérations :
* calculer l'image des <math>k</math> vecteurs par <math>T</math> (qui, rappelons-le, peut toujours être vue comme une forme multilinéaire) : <math>T(v_1, \cdots, v_k)</math> ;
* calculer les produits contractés successifs de <math>T</math> par chaque vecteur <math>((\cdots(T \odot v_k) \cdots ) \odot v_2 ) \odot v_1 </math>.

Il s'agit en fait d'une seule et même opération : <math>T(v_1, \cdots, v_k) = ((\cdots(T \odot v_k) \cdots ) \odot v_2 ) \odot v_1 </math>
[[Fichier:Bacterial-tensor-contracted-products-sequence.png|center]]

D'une manière plus générale, si <math>u \in E_i</math> le tenseur <math>(v_1,\cdots,v_{i-1},v_{i+1},\cdots,v_k) \mapsto T(v_1, \cdots, v_{i-1}, u, v_{i+1}, \cdots,v_k)</math> construit en évaluant la <math>i</math>-ème position de <math>T</math> est égal au produit contracté de <math>T</math> en son <math>i</math>-ème indice par <math>u</math> en son unique indice. Dès lors il devient possible d'occulter complètement l'aspect fonctionnel de <math>T</math> pour ne considérer que ses propriétés algébriques.

==== Crochet de dualité ====
Le crochet de dualité est donc un cas particulier du produit contracté : <math>\langle \phi, u \rangle = \phi \odot u</math>.
[[Fichier:Bacterial-tensor-brackets.png|center]]

==== Image par une application linéaire ====
L'application linéaire <math>f : E \rightarrow F</math> pouvant être vue comme un tenseur <math>T \in F \otimes E^*</math>, on peut calculer l'image d'un vecteur <math>u \in E</math> comme étant le produit contracté <math>T \odot u = f(u)</math>.

==== Composée d'applications linéaires ====
Si <math>f : E \rightarrow F</math> et <math>g : F \rightarrow G</math> sont représentées par les tenseurs <math>T \in F \otimes E^*</math> et <math>S \in G \otimes F^*</math>, alors l'application composée <math>g \circ f : E \rightarrow G</math> peut être représentée par le tenseur <math>S \odot T</math>.

=== Produit contracté plusieurs fois ===

La contraction peut être exercée plusieurs fois à la suite d'un produit tensoriel. Par exemple le produit doublement contracté (noté <math>:</math>, <math>\bar{\bar{\otimes}}</math> ou par deux points dans un cercle) correspond à deux contractions successives après un produit tensoriel. Là encore les indices de contractions n'étant en général pas précisés, le produit doublement contracté <math>S \bar{\bar{\otimes}} T</math> correspond souvent à la contraction du dernier indice de <math>S</math> par le premier de <math>T</math> et de l'avant dernier de <math>S</math> par le deuxième de <math>T</math>.

[[Fichier:Bacterial-tensor-twice-contracted-product.png|center]]

On peut définir de même un produit <math>n</math> fois contracté si les tenseurs le permettent.

== Permutation d'indices ==

Les espaces <math>E \otimes F</math> et <math>F \otimes E</math> peuvent être mis en relation via un isomorphisme qui consiste simplement à inverser l'ordre des indices. Ainsi à tout <math>T \in E \otimes F</math> on peut associer un unique élément de <math>F \otimes E</math>, que l'on notera <math>\tau_{(12)}T</math>, tel que :

<center><math>\forall u \in E^*, \forall v \in F^*, \quad \left[ \tau_{(12)} T \right] (v,u) = T(u,v)</math></center>

Ce principe se généralise pour <math>k</math> espaces. Soit <math>\mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math> un espace vectoriel de dimension finie sur un corps <math>\mathbb{K}</math> et <math>\sigma \in \mathfrak{S}_k</math> une [[permutation]]. On peut définir un isomorphisme <math>\tau_\sigma</math> qui a tout élément <math>T</math> de <math>\mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math> associe un tenseur <math>\tau_\sigma T</math> de <math>\mathcal{F} = E_{\sigma(1)} \otimes \cdots \otimes E_{\sigma(k)}</math>, défini par :

<center><math>\forall v_i \in E_i^*, \quad \left[ \tau_\sigma T \right] (v_{\sigma(1)},\cdots,v_{\sigma(k)}) = T(v_1,\cdots,v_k)</math></center>

On voit bien qu'une permutation induit naturellement un isomorphisme entre les espaces <math>\mathcal{E}</math> et <math>\mathcal{F}</math>.

Pour des raisons de commodité, on peut utiliser la [[Permutation#Notation des permutations|notation canonique des permutations]] consistant à n'indiquer que la liste différentes permutations circulaires. Ainsi l'application <math>\tau_{(1 2 5)}</math> transforme l'indice 1 en l'indice 2, l'indice 2 en l'indice 5, l'indice 5 en l'indice 1 et laisse [[invariant]] les autres indices.

[[Fichier:Bacterial-tensor-braiding.png|center]]

En théorie des catégories, ce type d'applications, qui fournit une notion proche de la [[Loi commutative|commutativité]], est étudié dans le cadre des [[Catégorie monoïdale tressée|catégories monoïdales tressées]].

=== Non unicité de l'isomorphisme ===

Pour des espaces <math>\mathcal{E}</math> et <math>\mathcal{F}</math> donnés à priori, l'existence d'une telle application <math>\tau</math> n'implique cependant pas nécessairement son unicité. Supposons en effet qu'un espace <math>E_i</math> est présent plusieurs fois dans le produit <math>\mathcal{E} = E_1 \otimes \cdots \otimes E_k</math>. Si l'espace <math>\mathcal{F}</math> est un produit des mêmes <math>E_i</math> (mais dans un ordre éventuellement différent), il existe plus d'une permutation <math>\sigma</math> telle que <math>\tau_\sigma</math> soit un isomorphisme de <math>\mathcal{E}</math> dans <math>\mathcal{F}</math>. Ainsi pour <math>\mathcal{E} = E \otimes F \otimes E \otimes E</math> et <math>\mathcal{F} = E \otimes E \otimes F \otimes E</math>, on peut utiliser comme isomorphisme les applications <math>\tau_{(23)}</math>, <math>\tau_{(1234)}</math>, <math>\tau_{(14)(23)}</math>, <math>\tau_{(234)}</math>, <math>\tau_{(123)}</math> et <math>\tau_{(1423)}</math>.

<math>E \otimes E</math> peut être mis en relation avec lui-même via deux permutations : l'identité <math>\tau_{id}</math> et l'application <math>\tau_{(12)}</math>. En généralisant à un ordre quelconque, l'espace <math>\mathcal{E} = E^{\otimes k}</math> peut être muni d'un groupe d'[[automorphismes]] constitué de telles applications. Ce groupe est en outre isomorphe à <math>\mathfrak{S}_k</math>.

C'est cette absence d'unicité dans le cas général qui oblige à tenir compte de l'ordre des indices. De fait, on s'abstient en règle générale de considérer le produit tensoriel d'espaces comme commutatif.

=== Propriétés ===

==== Transposition ====
Dans le cas de produit de deux espaces, l'application <math>\tau_{(12)}</math> peut être appelée '''transposition'''. Cette notion est cohérente avec celle de [[Application transposée|transposition d'application linéaire]]. On sait en effet qu'une application linéaire <math>f</math> de <math>E</math> dans <math>F</math> peut être représentée par un tenseur <math>T \in F \otimes E^*</math>. Le tenseur transposé <math>{}^tT = \tau_{(12)} T</math>, élément de <math>E^* \otimes F = E^* \otimes (F^*)^*</math> représente alors l'application transposée <math>{}^t f</math>, application de <math>F^*</math> dans <math>E^*</math>.
[[Fichier:Bacterial-tensor-transpose.png|center]]

==== Composition et inverse ====
Pour deux permutations <math>\sigma</math> et <math>\sigma'</math> de <math>\mathfrak{S}_k</math>, on a :
<center><math>\tau_\sigma \circ \tau_{\sigma'} = \tau_{\sigma \circ \sigma'}</math></center>
<center><math>\left(\tau_\sigma \right)^{-1} = \tau_{(\sigma^{-1})}</math></center>

== Algèbre des tenseurs ==
=== Définition ===

Étant donné un espace vectoriel de dimension finie <math>E</math> on appelle tenseur sur <math>E</math> <math>k</math> fois contravariant et <math>l</math> fois covariant (ou tenseur <math>(k,l)</math>) tout élément de <math>E^{\otimes k} \otimes (E^*)^{\otimes l}</math>. <math>k</math> et <math>l</math> sont les '''variances''' de ce type de tenseur, <math>k+l</math> est leur '''ordre''' (parfois appelé '''rang''', bien que ce mot puisse porter à confusion<ref name="rang">Le {{Lien|Tensor_rank_decomposition|texte=rang d'un tenseur}} est le nombre minimal de tenseurs de rang 1 (c'est-à-dire complètement factorisable) qu'il faut additionner pour retrouver le tenseur originel. Cette notion est analogue à celle de [[Rang_(alg%C3%A8bre_lin%C3%A9aire)#Rang_d'une_matrice|rang d'une matrice]].</ref>). Les tenseurs de type <math>(k,l)</math> forment un espace vectoriel. On fixe les notations :
* <math>\mathcal{T}^k_l E = E^{\otimes k} \otimes (E^*)^{\otimes l}</math>
* <math>\mathcal{T}^k E = \mathcal{T}^k_0 E = E^{\otimes k}</math>
* <math>\mathcal{T}_l E = \mathcal{T}^0_l E = \mathcal{T}^l E^* = (E^*)^{\otimes l}</math>

L'algèbre des tenseurs de <math>E</math> notée <math>\mathcal{T} E</math> est définie suivant les auteurs, soit comme la [[somme directe]] des espaces des tenseurs contravariants, soit comme la somme directe des espaces des tenseurs à la fois contravariants et covariants. Afin de distinguer ces deux cas, on adopte les notations suivantes (non conventionnelles) :
* <math>\mathcal{T}^\star E = \bigoplus_{k \geq 0} \mathcal{T}^k E</math>
* <math>\mathcal{T}^\star_\star E = \bigoplus_{k \geq 0,l \geq 0} \mathcal{T}^k_l E</math>
Les algèbres <math>(\mathcal{T}^\star E, \mathbb{K}, +,\cdot, \otimes)</math> et <math>(\mathcal{T}^\star_\star E, \mathbb{K}, +,\cdot, \otimes)</math> sont des [[Algèbre sur un corps|algèbres sur le corps]] <math>\mathbb{K}</math>. Ce sont même des [[Algèbre graduée|algèbres graduées]] sur respectivement <math>\mathbb{N}</math> et <math>\mathbb{N}^2</math> ; toutes deux de dimension infinie.

L'[[algèbre extérieure]] sur <math>E</math> notée <math>\Lambda E</math> possède des liens privilégiés avec l'algèbre <math>\mathcal{T}^\star E</math> du fait d'une possible injection des espaces <math>\Lambda^k E</math> dans <math>\mathcal{T}^k E</math>.

{{Article détaillé|Algèbre extérieure}}

=== Éléments ===
*L'algèbre tensorielle est surtout définie afin de donner une structure générale à l'ensemble des tenseurs. Ceci nécessite de prolonger l'addition qui n'est a priori pas définie entre les éléments de <math>\mathcal{T}^{k_1}_{l_1}E</math> et de <math>\mathcal{T}^{k_2}_{l_2}E</math> si <math>(k_1,l_1) \neq (k_2,l_2)</math>. Il faut pour cela introduire des éléments supplémentaires. Ainsi en considérant par exemple le cas de <math>\mathcal{T}^\star E</math>, un élément est formellement une suite <math>(T_0,T_1,T_2,\cdots)</math> telle que <math>T_k \in \mathcal{T}^k E</math> et, par définition des sommes directes, dont seul un nombre fini d'éléments est non nul. Néanmoins en physique et dans beaucoup d'applications seuls les éléments appartenant à des sous-espaces de type <math>\mathcal{T}^k_l E</math> ou <math>\mathcal{T}^k E</math> sont pris en considération (ce sont les seuls pour lesquels les notions d'ordre et de variance ont un sens). Ils sont parfois appelés '''éléments homogènes de l'algèbre graduée'''.
*Les éléments de <math>\mathcal{T}^k E</math> (avec <math>k > 0</math>) sont généralement appelés '''tenseurs contravariants''', ceux de <math>\mathcal{T}_l E</math> (avec <math>l > 0</math>) '''tenseurs covariants''' et ceux de <math>\mathcal{T}^k_l E</math> (avec <math>(k,l) > 0</math>) '''tenseurs mixtes'''.
*En toute rigueur, l'algèbre <math>\mathcal{T}^\star_\star E</math> n'offre a priori pas de liberté quant à l'ordre des indices covariants et contravariants. Elle ne contient par exemple pas l'espace <math>E \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^*</math>. Néanmoins on convient généralement qu'un tel espace est, si nécessaire, assimilé à <math>E \otimes E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E^*</math> par permutation des indices (les indices contravariants sont décalés vers l'avant au besoin) :
<center><math>(S \otimes T)(\phi,\psi,u,v,w) = S(\phi,u) \cdot T(\psi,v,w)</math></center>

Cette permutation permet d'affirmer que le produit tensoriel est bien une opération interne à <math>\mathcal{T}^\star_\star E</math>.

=== Propriétés ===

==== Ordre ====
Si <math>S</math> et <math>T</math> sont des tenseurs respectivement <math>(k_1,l_1)</math> et <math>(k_2,l_2)</math> sur <math>E</math>, alors <math>S \otimes T</math> est (sous réserve de permutation des indices) un tenseur <math>(k_1+k_2,l_1+l_2)</math>.
* <math>S \otimes T \in \mathcal{T}^{k_1+k_2}_{l_1+l_2} E</math>

Un produit contracté <math>S \odot T</math> (sur des indices à préciser) est un tenseur <math>(k_1+k_2-1,l_1+l_2-1)</math>. D'une manière générale toute opération de contraction diminue la [[covariance]] et la contravariance de 1. Elle réduit donc l'ordre de 2.
* <math>S \odot T \in \mathcal{T}^{k_1+k_2-1}_{l_1+l_2-1} E</math>

==== Trace des endomorphismes ====
Un endomorphisme de <math>E</math> peut être vu comme un élément <math>T \in \mathcal{T}^1_1 E</math>, autrement dit un tenseur <math>(1,1)</math>. La trace de cet endomorphisme vaut <math>\mathrm{tr}(T) = \mathrm{tr}_{12}( T )</math> ; c'est-à-dire le résultat de la contraction de <math>T</math> par rapport à ses deux indices.

==== Symétrie et antisymétrie ====
Soit un tenseur <math>T</math> de <math>\mathcal{T}^k_l E</math> et deux indices <math>i</math> et <math>j</math> correspondant au même espace vectoriel (c'est-à-dire soit <math>E</math> soit <math>E^*</math> pour les deux indices).

On dit que <math>T</math> est '''symétrique''' par rapport aux indices <math>i</math> et <math>j</math> si <math>\tau_{(ij)} T = T</math>.

On dit que <math>T</math> est '''antisymétrique''' par rapport aux indices <math>i</math> et <math>j</math> si <math>\tau_{(ij)} T = - T</math>.

On dit que <math>T</math> est '''totalement symétrique''' s'il est symétrique pour tout couple d'indice. Il faut donc pour cela qu'il appartienne à <math>\mathcal{T}^k E</math> ou <math>\mathcal{T}_l E</math>.

On dit que <math>T</math> est '''totalement antisymétrique''' s'il est antisymétrique pour tout couple d'indice. Là encore, l'espace doit être <math>\mathcal{T}^k E</math> ou <math>\mathcal{T}_l E</math>.

==== Produit scalaire ====
Un produit scalaire réel <math>(\cdot|\cdot)</math> sur un espace <math>E</math> de dimension finie sur <math>\mathbb{R}</math> est un cas particulier de tenseur <math>(0,2)</math> symétrique qu'on peut noter <math>g</math>. Il est par ailleurs défini et positif. On a donc : <center><math>(u|v) = g(u,v) = u \odot g \odot v</math></center>

== Cas des espaces euclidiens et quadratiques ==

Dans un [[espace euclidien]] (ou plus généralement dans un espace [[Espace quadratique|quadratiques]] non-dégénéré) <math>E</math>, l'existence d'un produit scalaire réel <math>g</math> (respectivement d'un pseudo-produit scalaire, c'est-à-dire d'une [[Forme bilinéaire#Définitions associées au cas où E est égal à F|forme bilinéaire symétrique non dégénérée]] ou de manière équivalente d'une [[forme quadratique]] non-dégénérée) fournit des propriétés particulières aux tenseurs. Celui-ci permet en effet d'établir un isomorphisme canonique <math>m_g : u \in E \mapsto (g \odot u) \in E^*</math> associant une unique forme linéaire à tout vecteur :
[[Fichier:Bacterial-tensor-isomorphism.png|center]]

Le (pseudo-) produit scalaire sur <math>E</math> définit en outre naturellement un (pseudo-) produit scalaire sur <math>E^*</math>. Il s'agit de l'unique élément de <math>E \otimes E</math>, qu'on peut noter <math>g^*</math>, vérifiant pour tout <math>u \in E</math>, <math>g^* \odot g \odot u = u \odot g \odot g^* = u</math> et pour tout <math>\phi \in E^*</math>, <math>g \odot g^* \odot \phi = \phi \odot g^* \odot g = \phi</math>. L'isomorphisme <math>m_g</math> a pour réciproque <math>m_g^{-1} : \phi \in E^* \mapsto (g^* \odot \phi) \in E</math>.

=== Assimilation avec le dual ===

Via l'isomorphisme <math>m_g</math> on peut alors '''assimiler''' tout élément de <math>E^*</math> à un élément de <math>E</math> : <math>m_g(u) \approx u</math>. D'une manière générale, cela permet de '''ne plus distinguer les indices contravariants et covariants'''. Dans ces conditions, un tenseur de type <math>(k,l)</math> peut être aussi bien vu comme un tenseur <math>(k+l,0)</math> que <math>(0,k+l)</math>. L'ordre <math>k+l</math> devient alors une caractéristique suffisante pour catégoriser tout tenseur construit sur <math>E</math>.

=== Propriétés ===

==== Correspondance entre produits scalaire et contracté ====
Il devient possible de contracter deux vecteurs de <math>E</math>. Cette contraction s'identifie au produit scalaire : <math>u \odot v = (u|v)</math>
[[Fichier:Bacterial-tensor-inner-product.png|center]]

==== Contractions sur des indices quelconques ====
On peut maintenant contracter deux indices correspondant au même espace quadratique <math>E</math> par utilisation implicite du produit scalaire :
[[Fichier:Bacterial-tensor-euclidian-twice-contracted-product.png|center]]

==== À propos des espaces hermitiens ====
Un [[Hermitien|produit scalaire hermitien]] n'est '''pas''' un tenseur : il n'est en effet que semi-linéaire par rapport à sa première variable. De fait, les propriétés énoncées ci-dessus ne s'appliquent pas dans le cadre des [[Espace hermitien|espaces hermitiens]].

== Calcul pratique ==

{{Article détaillé|Convention de sommation d'Einstein}}

La manipulation effective des tenseurs nécessite généralement de les représenter dans des bases particulières (mais néanmoins arbitraires). Soit <math>(e_1, e_2, \cdots, e_n)</math> une base de <math>E</math>. On notera <math>(e^1, e^2, ... e^n)</math> sa base duale. Alors tout tenseur <math>T</math> de <math>\mathcal{T}^k_l E</math> peut s'écrire comme une combinaison linéaire de type :
<math>T = \sum_{i_1,\cdots,i_k} \sum_{j_1,\cdots,j_l} T^{i_1\cdots i_k}{}_{j_1\cdots j_l} \cdot e_{i_1} \otimes \cdots \otimes e_{i_k} \otimes e^{j_1} \otimes \cdots \otimes e^{j_l} </math>
Si la base est précisée par avance la donne des scalaires <math>T^{i_1 \cdots i_k}{}_{j_1 \cdots j_l}</math> caractérise entièrement le tenseur. Ils représentent les coordonnées du tenseur <math>T</math> dans la base considérée. L'ensemble des conventions d'utilisation des coordonnées des tenseurs est appelé [[Convention de sommation d'Einstein|convention d'Einstein]]. Il est possible de mélanger indices covariants et contravariants. Les indices contravariants sont notés en indices supérieurs, les indices covariants en indices inférieurs. Ainsi <math>\Delta \in E^* \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E</math> se décompose dans une base donnée avec les composants <math>\Delta_{ij}{}^k{}_{lm}{}^n</math>.

Il est cependant possible d'interpréter cette même notation utilisant des indices avec un sens intrinsèque (c'est-à-dire sans faire appel aux coordonnées). Il s'agit alors de la [[notation en indice abstrait]].

=== Liens entre les notations ===

On se donne les tenseurs suivant :
* Scalaires : <math>\lambda \in \mathbb{K}, \mu \in \mathbb{K}, \nu \in \mathbb{K}</math>
* Vecteurs : <math>u \in E, v \in E, w \in E</math>
* Covecteurs (formes linéaires) : <math>\phi \in E^*, \psi \in E^*, \chi \in E^*</math>
* Tenseurs d'ordre 2 :
** <math>T \in E^* \otimes E</math>
** <math>S \in E^* \otimes E^*</math>
** <math>R \in E \otimes E^*</math>
** <math>Q \in E^* \otimes E^*</math>
** <math>P \in E \otimes E</math>
** <math>O \in E \otimes E^*</math>
* Tenseurs d'ordre 3 et plus :
** <math>\Omega \in E^* \otimes E^* \otimes E</math>
** <math>\Phi \in E \otimes E \otimes E^*</math>
** <math>\Delta \in E^* \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E</math>
** <math>\Gamma \in E \otimes E^* \otimes E^* \otimes E \otimes E^* \otimes E^*</math>

On choisit par ailleurs une base <math>(e_1, e_2, \cdots)</math> dans <math>E</math>. Ce choix induit naturellement celui de la base duale <math>(e^1, e^2, \cdots)</math> dans <math>E^*</math>. Les tenseurs précédemment définis admettent alors une seule décomposition dans ces bases.

{| class="wikitable" style="text-align:center; width:80%; background-color:#FFFFFF"
|+ Notation des opérations dans les espaces de dimension finie
|-
! scope="col" | Propriétés
! scope="col" | Notation sans indices
! scope="col" | Convention d'Einstein / Notation en indice abstrait
|-
| rowspan="3" |Produit tensoriel
|<math>T = \phi \otimes u</math>
|<math>T_i{}^j = \phi_i \; u^j </math>
|-
|<math>\Delta = S \otimes v \otimes \Omega</math>
|<math>\Delta_{ij}{}^k{}_{lm}{}^n = S_{ij} \; v^k \; \Omega_{lm}{}^n</math>
|-
|<math>R + v \otimes \chi = O</math>
|<math>R^i{}_j + v^i \; \chi_j = O^i{}_j</math>
|-
| rowspan="2" |Produit contracté
|<math>\lambda = \phi \odot u = \phi \; \bar\otimes \; u</math>
|<math>\lambda = \phi_m \; u^m</math>
|-
|<math>v \odot \Omega \odot \phi = \lambda \cdot S \odot P \odot \chi + \psi</math>
|<math>v^m \; \Omega_{mi}{}^n \; \phi_n = \lambda \; S_{ip} \; P^{pq} \; \chi_q + \psi_i</math>
|-
| rowspan="2" |Contraction
|<math>\mu = \mathrm{tr}_{12}(T)</math>
|<math>\mu = T_m{}^m</math>
|-
|<math>\mathrm{tr}_{13}(\Phi) = w</math>
|<math>\Phi^{mi}{}_m = w^i</math>
|-
| rowspan="2" |Permutation d'indices
|<math>T = \tau_{(12)}(R) = {}^tR</math>
|<math>T_i{\;}^j = R^j{}_i</math>
|-
|<math>\Gamma = \tau_{(123)(46)}(\Delta)</math>
|<math>\Gamma^i{}_{jk}{}^l{}_{mn} = \Delta_{jk}{}^i{}_{nm}{}^l</math>
|-
|Mélange
|<math>\mathrm{tr}_{26}(\Delta) \; \bar{\bar{\otimes}} \; \Phi + \tau_{(23)}(\Omega) = \chi \otimes P \odot Q </math>
|<math>\Delta_{im}{}^j{}_{np}{}^m \; \Phi^{pn}{}_k + \Omega_{ik}{}^j = \chi_i \; P^{jq} \; Q_{qk} </math>
|}

=== Liens entre les notations dans le cas des espaces quadratiques ===

On considère par ailleurs l'existence du (pseudo-) produit scalaire <math>g \in E^* \otimes E^*</math>.

{| class="wikitable" style="text-align:center; width:80%; background-color:#FFFFFF"
|+ Notation des opérations dans les espaces euclidiens
|-
! scope="col" | Propriétés
! scope="col" | Notation sans indices
! scope="col" | Convention d'Einstein / Notation en indice abstrait
|-
| rowspan="2" |Produit contracté
|<math>\nu = u \odot v</math>
|<math>\nu = u^m \; g_{mn} \; v^n</math>
|-
|<math>u = P \odot w</math>
|<math>u^i = P^{im} \; g_{mn} \; w^n</math>
|-
|Contraction
|<math>\phi = \mathrm{tr}_{12}(\Phi)</math>
|<math>\phi_i = g_{mn} \; \Phi^{nm}{}_i</math>
|}

=== À propos des changements de base ===

On notera que seule la convention d'Einstein admet des formules de changement de base. En effet, puisqu'elle prend le parti de représenter un tenseur par un jeu de coordonnées dans une base (voire plusieurs bases) prédéfinie, il existe des formules pour déterminer les coordonnées d'un même tenseur dans une nouvelle base (comme <math>\hat{\Omega}_{lm}{}^n = \alpha_l{}^i \; \alpha_m{}^j \; \beta^n{}_k \; \Omega_{ij}{}^k</math>). Les notations sans indices et en indices abstrait étant par définition indépendantes d'un choix de base, elles n'admettent pas d'équivalents pour ces formules.

== Références ==
{{Références}}

== Annexes ==
=== Articles connexes ===
{{Colonnes|nombre=3|1=
* [[Algèbre multilinéaire]]
* [[Algèbre tensorielle]]
* [[Catégorie monoïdale]]
* [[Champ tensoriel]]
* [[Contraction tensorielle]]
* [[Convention de sommation d'Einstein]]
* [[Espace tensoriel]]
* [[Produit tensoriel]]
* [[Produit tensoriel de deux modules]]
* [[Tenseur]]
}}
=== Liens externes ===
*{{Lien web|url=http://catalogue.polytechnique.fr/Files/EXT_1245_0.pdf|titre=Mécanique des milieux continus — tome 1 : concepts généraux|auteur=[[Jean Salençon]]|année=2007|site=Éditions de l'[[École polytechnique (France)|École polytechnique]]}} : voir l'annexe 1 p. 293-339 : Éléments de calcul tensoriel<!--correspond probablement à ce lien mort signalé en pdd [http://www.imprimerie.polytechnique.fr/Cours/Files/Part3_Tome1.pdf Éléments de calcul tensoriel]-->
*{{Lien web|url=http://hal.inria.fr/docs/00/06/99/34/PDF/RT-0238.pdf|titre=Introduction à l’algèbre tensorielle|auteur=Patrick Gros}}

=== Bibliographie ===
*{{ouvrage|auteur=[[Laurent Schwartz (mathématicien)|Laurent Schwartz]]|titre=Les tenseurs|année=1975|éditeur=Hermann|isbn=2-7056-1376-5}}
* [[Roger Godement]], ''Cours d'Algèbre'', Paris, Hermann, 1966, §21 et en particulier p. 268-269.
* Roger Godement, ''Analyse Mathématique III. Fonctions analytiques, différentielles et variétés, surfaces de Riemann'', Springer, 2001; chapitre IX, p. 139-174 (avec ses digressions historiques et persiflantes).
* [[Mikhail Postnikov|Mikhaïl Postnikov]], ''Leçons de géométrie : {{IIe}} semestre : Algèbre linéaire et géométrie différentielle'', Moscou, [[Éditions Mir]], 1981
* {{en}} [[Alexei Kostrikin|A. I. Kostrikin]] et [[Yuri Manin|Yu I. Manin]], ''Linear Algebra and Geometry'', [[CRC Press]], 1989 {{ISBN|2881246834}}

{{Palette|Tenseur}}
{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Algèbre]]