Voir la source de Théorème de Bayes

{{Voir homonymes|Bayes}}
{{Infobox Méthode scientifique}}
[[Fichier:Bayes' Theorem MMB 01.jpg|vignette|Théorème de Bayes sur néon bleu, dans les bureaux d’''[[Autonomy]]'' à [[Cambridge]].]]

Le '''théorème de Bayes''' ({{API|/beɪz/}} {{Prononciation|De-Thomas Bayes.ogg|audio}}) est l'un des principaux [[théorème]]s de la [[théorie des probabilités]]. Il est aussi utilisé en [[statistique]]s du fait de son [[Interconnexions entre la théorie des probabilités et la statistique|application]], qui permet de déterminer la [[probabilité]] qu'un [[Événement (probabilités)|événement]] arrive à partir d'un autre évènement qui s'est réalisé, notamment quand ces deux évènements sont [[Indépendance (probabilités)|interdépendants]].

En d'autres termes, à partir de ce théorème, il est possible de calculer précisément la probabilité d'un évènement en tenant compte à la fois des informations déjà connues et des données provenant de nouvelles observations. La formule de Bayes peut être dérivée des axiomes de base de la théorie des probabilités, en particulier de la [[probabilité conditionnelle]]. La particularité du théorème de Bayes est que son application pratique nécessite un grand nombre de calculs, c'est pourquoi les estimations bayésiennes n'ont commencé à être utilisées activement qu'après la révolution des technologies informatiques et de réseau.

Sa formulation initiale est issue des travaux du révérend [[Thomas Bayes]]. Elle a été trouvée indépendamment par [[Pierre-Simon de Laplace]]. La formulation de Bayes en 1763 est plus limitée que les nouvelles formulations d'aujourd'hui.

Outre son utilisation en probabilité, ce théorème est fondamental pour l'[[inférence bayésienne]] qui s'est montrée très utile en [[intelligence artificielle]]. Il est également utilisé dans plusieurs autres domaines : en médecine, en sciences numériques, en géographie, en démographie{{etc.}}

Pour le mathématicien [[Harold Jeffreys]], les formulations de Bayes et de Laplace sont des [[axiome]]s. Il considère également que {{citation|le théorème de Bayes est à la théorie des probabilités ce que le [[théorème de Pythagore]] est à la [[géométrie]].}}<ref>{{Ouvrage|nom=Jeffreys|prénom=Harold|année=1973|titre=Scientific Inference|éditeur=[[Cambridge University Press]]|isbn=978-0-521-18078-8|page=31}}</ref>

== Histoire ==
[[Fichier:Thomas Bayes.gif|vignette|redresse=0.8|[[Thomas Bayes]].]]
[[Fichier:Richard Price.jpg|vignette|redresse|[[Richard Price]].]]
[[Fichier:Pierre-Simon-Laplace (1749-1827).jpg|vignette|redresse|[[Pierre-Simon de Laplace]].]]
À sa mort en {{date-|avril 1761}}, [[Thomas Bayes]] laisse à [[Richard Price]] ses articles non terminés. C'est ce dernier qui prend l'initiative de publier l'article « ''{{lang|en|An Essay towards solving a Problem in the Doctrine of Chance}}'' » et de l'envoyer à la [[Royal Society]] deux ans plus tard<ref name = "hooper">{{Article|langue=en|prénom1=Martyn |nom1=Hooper|titre=Richard Price, Bayes'theorem, and God|périodique=Significance|lien périodique=Significance (magazine)|mois=2|année=2013|url=http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1740-9713.2013.00638.x/pdf|volume=10|numéro=1|doi=10.1111/j.1740-9713.2013.00638.x}}</ref>.
 
D'après Martyn Hooper, il est probable que Richard Price ait lui-même contribué de manière significative à la rédaction de l'article final et qu'il soit ainsi avec [[Thomas Bayes]] l'auteur du théorème connu sous le nom de théorème de Bayes. Cette erreur d'attribution serait une application de la [[Loi de Stigler|loi d'éponymie de Stigler]] selon laquelle les découvertes scientifiques sont rarement attribuées à leur premier auteur<ref name = "hooper" />{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://xianblog.wordpress.com/2013/03/16/prices-theorem/|titre=Price's theorem|auteur=[[Christian Robert (statisticien)|Christian Robert]]|site=xianblog (Blog de Christian Robert)|date=16 mars 2013|consulté le=16 mars 2013}}</ref>.

La formule est redécouverte par [[Pierre-Simon de Laplace]] en 1774<ref name=":0">{{Article|auteur1=|titre=Une formule mathématique universelle existe-t-elle ?|périodique=France Culture|date=09/11/2012|lire en ligne=https://www.franceculture.fr/emissions/science-publique/une-formule-mathematique-universelle-existe-t-elle#comment-419350|consulté le=2018-09-17|pages=}}</ref>.

Dans son unique article, Bayes cherchait à déterminer ce que l’on appellerait actuellement la [[Probabilité a posteriori|''distribution a posteriori'']] de la probabilité {{mvar|p}} d’une [[loi binomiale]]. Ses travaux ont été édités et présentés à titre posthume (1763) par son ami [[Richard Price]] dans ''Un essai pour résoudre un problème dans la théorie des risques'' (''{{lang|en|An Essay towards solving a Problem in the Doctrine of Chances}}''). Les résultats de Bayes ont été étendus dans un essai de [[1774]] par le [[mathématicien]] français [[Pierre-Simon de Laplace|Laplace]], lequel n’était apparemment pas au fait du travail de Bayes<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=coordonné par E. Barbin & J.-P. Lamarche|titre=Histoires de probabilités et de statistiques|sous-titre=[colloque, Orléans, 31 mai et 1er juin 2002]|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Ellipses|Ellipses]]|année=2004|pages totales=296|passage=204|isbn=2-7298-1923-1}}</ref>.
Le résultat principal obtenu par Bayes est le suivant : en considérant une distribution uniforme du paramètre binomial {{mvar|p}} et une observation {{mvar|O}} d'une [[loi binomiale]] <math>{\mathcal B}(n+m,p)</math>, où {{mvar|m}} est donc le nombre d’issues positives observées et {{mvar|n}} le nombre d’échecs observés, la probabilité que {{mvar|p}} soit entre {{mvar|a}} et {{mvar|b}} sachant {{mvar|O}} vaut :

<!-- \binom fails in the equation below for some unknown reason. Earlier it worked in the denominator but not in the numerator. -->
:<math> 
\frac {\displaystyle{\int_a^b {n+m\choose m} \,x^m (1-x)^n\,\mathrm dx}}
      {\displaystyle{\int_0^1 {n+m\choose m} \,x^m (1-x)^n\,\mathrm dx}}
</math>

Ces résultats préliminaires impliquent le résultat que l’on appelle ''théorème de Bayes'', mais il ne semble pas que Bayes se soit concentré ou ait insisté sur ce résultat.

Ce qui est « bayésien » (au sens actuel du mot) dans ce résultat, c’est que Bayes ait présenté cela comme une probabilité sur le paramètre {{mvar|p}}. Cela revient à dire qu’on peut déterminer non seulement des probabilités à partir d’observations issues d’une expérience, mais aussi les paramètres relatifs à ces probabilités. C’est le même type de calcul analytique qui permet de déterminer par inférence les deux. En revanche, si l’on s'en tient à une [[Fréquentisme|interprétation fréquentiste]], on est censé ne pas considérer de ''probabilité de distribution du paramètre {{mvar|p}}'' et en conséquence, on ne peut raisonner sur {{mvar|p}} qu’avec un raisonnement d’[[inférence (logique)]] non-probabiliste.

Depuis l'an 2000, les publications à son sujet se multiplient en raison de ses nombreuses applications<ref name=":0" />.

== Énoncé ==
[[File:Bayes_theorem_visual_proof.svg|thumb|upright|Démonstration graphique du théorème de Bayes]]
Le théorème de Bayes est un [[Corollaire (mathématiques)|corollaire]] du [[Formule des probabilités totales|théorème de probabilité totale]]. Il énonce des [[probabilité conditionnelle|probabilités conditionnelles]] de plusieurs [[Événement (probabilités)|évènements]]. Par exemple, pour les évènements ''A'' et ''B'', il permet de déterminer la probabilité de ''A sachant B'', à partir des probabilités de ''A'' , de ''B'' et de ''B sachant A'', à condition que la probabilité de ''B'' ne soit pas égale à 0.

Dans sa formulation de 1763<ref>Habibzadeh F, Habibzadeh P. The likelihood ratio and its graphical representation. Biochem Med (Zagreb). 2019;29(2):020101. doi:10.11613/BM.2019.020101</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage| prénom1= A. | nom1= Stuart | prénom2= K. | nom2= Ord | titre= Kendall's Advanced Theory of Statistics: Volume I—Distribution Theory | année= 1994 | éditeur= [[Edward Arnold (publisher)|Edward Arnold]] | passage= §8.7}}</ref>, le théorème était énoncé<ref name="Newman">{{Article|auteur1=Newman TB|auteur2=Kohn MA|titre=Evidence-Based Diagnosis|lieu=New York|périodique=Cambridge University Press|date=2009|doi=10.1017/CBO9780511759512|url=https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6457916/#r1|langue=en}}</ref> :

<math>P(A \mid B) = \dfrac{P(B \mid A)P(A)}{P(B)}</math>, à condition que <math>P(B)\ne0</math><ref name="Newman"/>{{,}}<ref name="Kendall">{{Ouvrage|langue=en|titre=Kendall's Advanced Theory of Statistics: Volume I—Distribution Theory|année=1994|nom1=Stuart|nom2=Ord|prénom1=A.|prénom2=K.|éditeur=Edward Arnold}}.</ref>{{,}}{{sfn|Bussab|Morettin|2010|p=116}}, et où<ref name="Newman"/> :
*<math>A</math> et <math>B</math> sont deux évènements ;
*<math>P(A)</math> et <math>P(B)</math> sont la probabilité des deux évènements ;
*<math>P(A \mid B)</math> est la probabilité conditionnelle que l'évènement ''A'' se réalise étant donné que l'évènement ''B'' s'est réalisé.
*<math>P(B \mid A)</math> est la probabilité conditionnelle que l'évènement ''B'' se réalise étant donné que l'évènement ''A'' s'est réalisé.

Il peut également s'écrire :

<math>P(A\mid B)\, P(B) = P(A\cap B) = P(B\cap A) = P(B\mid A)\,P(A)</math><ref name="Kendall"/>{{,}}{{sfn|Bussab|Morettin|2010|p=111}}{{,}}{{sfn|Bussab|Morettin|2010|p=116}}, où :
* <math>P(A)</math> et <math>P(B)</math> sont les [[probabilité a priori|probabilités ''a priori'']] de <math>A</math> et de <math>B</math> ;
* <math>P(A\mid B)</math> est la probabilité conditionnelle de <math>A</math> sachant <math>B</math> ou [[probabilité a posteriori|probabilité ''a posteriori'']] ;
* <math>P(B\mid A)</math> est la probabilité conditionnelle de <math>B</math> sachant <math>A</math> ou [[probabilité a posteriori|probabilité ''a posteriori'']].

=== Autres formulations intégrant la fonction de vraisemblance ===
{{article détaillé|Fonction de vraisemblance|rapport de vraisemblance}}
<!-- Ajouter ces articles après création : constante de normalisation|fonction de vraisemblance marginale -->

Le théorème est également reformulé afin d'intégrer la {{lien|trad=Marginal likelihood|fr=fonction de vraisemblance marginale}} ([[fonction de vraisemblance]] intégrant la [[constante de normalisation]]). Il se formule ainsi :

Dans un [[Univers (probabilités)|univers]] <math>\Omega</math>, les [[Partition d'un ensemble|partitions d'un ensemble]] <math>A_1,\ldots,A_n</math> (c'est-à-dire <math>\ A_i \neq \varnothing\ \forall i,\ A_i\cap A_j=\varnothing\ \forall i \neq j</math> et <math>\cup_{i=1}^n A_i=\Omega</math>), la probabilité conditionnelle des évènements mutuellement exclusifs et exhaustifs (<math>\{A_1, A_2, ..., A_n\}</math>), à condition que <math>P(B)\ne0</math>, en sachant <math>B</math> se calcule :
:<math>P(A_i|B) = \frac{P(B | A_i) P(A_i)}{P(B)} = \frac{P(B | A_i) P(A_i)}{\sum_{j=1}^n P(B | A_j) P(A_j)} </math>
où :
* <math>P(A)</math> et <math>P(B)</math> sont les [[probabilité a priori|probabilités ''a priori'']] de <math>A</math> et de <math>B</math> ;
* <math>P(A\mid B)</math> est la probabilité conditionnelle de <math>A</math> sachant <math>B</math> ou [[probabilité a posteriori|probabilité ''a posteriori'']] ;
* <math>P(B\mid A)</math> est la probabilité conditionnelle de <math>B</math> sachant <math>A</math> ou [[probabilité a posteriori|probabilité ''a posteriori'']].

Le calcul de <math>P(B)</math> dépend de son champ d'application. En [[sciences numériques]], elle est nommée « preuve » pour désigner la fonction de vraisemblance marginale<ref>{{Article|auteur=Charles S. Bos|langue=en|titre=A Comparison of Marginal Likelihood Computation Methods |date=20 août 2002|périodique=Tinbergen Institute Working Paper|numéro=2002-084/4|url=https://ssrn.com/abstract=332860|doi=10.2139/ssrn.332860}}</ref> et appliquée en [[médecine]], elle désigne un [[rapport de vraisemblance]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Judea Pearl; Dana Mackenzie|titre=The Book of Why|sous-titre=The New Science of Cause and Effect|lieu=New York|éditeur=Penguin|date=02/05/2019|pages totales=432|passage=Suppose a forty-year-old woman gets a mammogram to check for breast cancer, and it comes back positive. The hypothesis, D (for “disease”), is that she has cancer. The evidence, T (for “test”), is the result of the mammogram. How strongly should she believe the hypothesis? Should she have surgery?We can answer these questions by rewriting Bayes’s rule as follows:(Updated probability of D) = P(D{{!}}T) = (likelihood ratio) × (prior probability of D) (3.2)where the new term “likelihood ratio” is given by P(T{{!}}D)/P(T). It measures how much more likely the positive test is in people with the disease than in the general population.|isbn=978-0-14-198241-0}}</ref>.

Il peut également s'écrire :
:<math>P(B) = P(A\cap B) + P(\bar A \cap B) = P(B|A) P(A) + P(B|\bar A) P(\bar A)</math>

et :
:<math>P(A|B) = \frac{P(B | A) P(A)}{P(B|A)P(A) + P(B|\bar A)P(\bar A)}</math>
où :
* <math>\bar A</math> est le [[Complémentaire (théorie des ensembles)|complémentaire]] de <math>A</math>. Plus généralement, si <math>\{A_i\}</math> est un [[Système exhaustif|système quasi complet d'évènements]] fini ou dénombrable,
*<math>P(A_i|B) = \frac{P(B | A_i) P(A_i)}{\sum_j P(B|A_j)P(A_j)}\,</math>, pour tout évènement du système <math>\{A_i\}</math>.

=== Explications ===
Pour aboutir au théorème de Bayes, on part d’une des définitions de la probabilité conditionnelle :
:<math> P(A\cap B) = P(A)\cdot P(B\vert A) =  P(B)\cdot P(A\vert B) </math>
Cette formulation ne fait que traduire en [[langage mathématique]] des remarques relativement triviales :
* La probabilité <math> P(A\cap B)</math> d'avoir observé les évènements ''A'' et ''B'', en supposant par exemple que ''A'' arrive le premier, c'est la probabilité d'avoir l'évènement ''A'', c'est-à-dire ''P(A)'', puis d'observer ''B'' lorsque ''A'' est présent, qui a alors (par définition) la probabilité ''P(B|A)'' .
* La valeur de la probabilité d'ensemble est donc le produit des deux probabilités de base : <math> P(A\cap B) = P(A)\cdot P(B\vert A) </math>.
* Mais comme il est indifférent, pour observer ''A'' et ''B'', de savoir dans quel ordre ils sont apparus, on a évidemment <math> P(A)\cdot P(B\vert A) =  P(B)\cdot P(A\vert B) </math>

En divisant de part et d’autre par {{math|''P''(''B'')}}, on obtient :
:<math>P(A|B) = \frac{P(B | A) P(A)}{P(B)}</math>
soit le théorème de Bayes.

=== Exemples ===
==== De quelle urne vient la boule ? ====
À titre d’exemple, imaginons deux urnes remplies de boules. La première contient dix (10) boules noires et trente (30) blanches ; la seconde en a vingt (20) de chaque. On tire sans préférence particulière une des urnes au hasard et dans cette urne, on tire une boule au hasard. La boule est blanche. Quelle est la probabilité qu'on ait tiré cette boule dans la première urne sachant qu'elle est blanche ?

Intuitivement, on comprend bien qu'il est plus probable que cette boule provienne de la première urne, que de la seconde. Donc, cette probabilité devrait être supérieure à 50 %. La réponse exacte (60 %) peut se calculer à partir du théorème de Bayes.

Soit ''H''<sub>1</sub> l’hypothèse « On tire dans la première urne. » et ''H''<sub>2</sub> l’hypothèse « On tire dans la seconde urne. ». Comme on tire sans préférence particulière, ''P''(''H''<sub>1</sub>) = ''P''(''H''<sub>2</sub>) ; de plus, comme on a certainement tiré dans une des deux urnes, la somme des deux probabilités vaut 1 : chacune vaut 50 %.

Notons ''D'' l’information donnée « On tire une boule blanche. » Comme on tire une boule au hasard dans une des urnes, la probabilité de ''D'' sachant l'hypothèse ''H''<sub>1</sub> réalisée vaut :

:<math>P(D | H_1) = \frac{30}{40} = 75\,\% </math>

De même la probabilité de ''D'' sachant l'hypothèse ''H''<sub>2</sub> réalisée vaut :

:<math>P(D | H_2) = \frac{20}{40} = 50\,\% </math>


La formule de Bayes dans le cas discret nous donne donc :

:<math>
\begin{matrix} P(H_1 | D) &=&
\displaystyle \frac{P(H_1) \cdot P(D | H_1)}{P(H_1) \cdot P(D | H_1) + P(H_2) \cdot P(D | H_2)}
\\  \\  \ & =&
\displaystyle\frac{50\% \cdot 75\%}{50\% \cdot 75\% + 50\% \cdot 50\%}
\\  \\  \ & =& 60\%
\end{matrix}
</math>


Avec :

<math>P(D) = P(H_1) \cdot P(D | H_1) + P(H_2) \cdot P(D | H_2) </math>

Avant que l’on regarde la couleur de la boule, la probabilité d’avoir choisi la première urne est une [[Probabilité a priori|probabilité ''a priori'']], ''P''(''H''<sub>1</sub>) soit 50 %. Après avoir regardé la boule, on révise notre jugement et on considère ''P''(''H''<sub>1</sub>|''D''), soit 60 %, ce qui confirme notre intuition première.

== Applications ==

Ce théorème élémentaire (originellement nommé « de probabilité des causes ») a des applications considérables.

Le théorème de Bayes est utilisé dans l’[[inférence statistique]] pour mettre à jour ou actualiser les estimations d’une probabilité ou d’un paramètre quelconque, à partir des observations et des [[Loi de probabilité|lois de probabilité]] de ces observations. Il y a une version [[Structure discrète|discrète]] et une version continue du théorème.

* L’école ''bayésienne'' utilise les probabilités comme moyen de traduire numériquement un degré de connaissance (la théorie mathématique des probabilités n’oblige en effet nullement à associer celles-ci à des fréquences, qui n’en représentent qu’une application particulière résultant de la [[loi des grands nombres]]). Dans cette optique, le théorème de Bayes peut s’appliquer à toute proposition, quelle que soit la nature des variables et indépendamment de toute considération ontologique.

* L’école ''fréquentiste'' utilise les propriétés de long terme de la loi des observations et ne considère pas de loi sur les paramètres, inconnus mais fixés.
[[Fichier:Bayes' Theorem 2D.svg|vignette|Le théorème de Bayes comme une superposition des deux [[Arbre de décision|arbres de décision]].]]

=== Inférence bayésienne ===
{{article détaillé|Inférence bayésienne}}
Les règles de la théorie mathématique des [[probabilité]]s s’appliquent à des probabilités en tant que telles, pas uniquement à leur ''application'' en tant que ''fréquences'' relatives d’évènements aléatoires (voir ''[[Événement (probabilités)]]''). On peut décider de les appliquer à des ''degrés de croyance'' en certaines propositions. Ces degrés de croyance s’affinent au regard d’expériences en appliquant le théorème de Bayes.

Le [[Théorème de Cox-Jaynes]] justifie aujourd’hui très bien cette approche, qui n’eut longtemps que des fondements intuitifs et empiriques.

=== Réseaux bayésiens ===
{{article détaillé|Réseau bayésien}}
Dans ''The Book of Why'', [[Judea Pearl]] présente la règle de Bayes comme un cas particulier d'un [[réseau bayésien]] à deux nœuds et un lien. Les réseaux bayésiens constituent une extension de la règle de Bayes  à des réseaux de plus grande taille<ref name=pearl>{{Ouvrage | langue=en | auteur1=[[Judea Pearl]] | titre=The Book of Why | sous-titre=The New Science of Cause and Effect | éditeur=[[Penguin Books]] | année=2019 | pages totales=432 | passage=112-113 | isbn=978-0-14-198241-0 | isbn2=0141982411}}.</ref>.

=== « Faux positifs » médicaux ===
{{article détaillé|Faux positif}}
Les ''[[faux positif]]s'' sont une difficulté inhérente à tous les tests : aucun test n’est parfait. Parfois, le résultat sera positif à tort, ce que l’on nomme parfois ''risque du premier ordre'' ou ''risque alpha''.

Par exemple, quand on teste une personne pour savoir si elle est affectée par une maladie, il y a un risque, généralement infime, que le résultat soit positif, alors que le patient n’a pas contracté la maladie. Le problème alors n’est pas de mesurer ce risque dans l’absolu (avant de procéder au test), il faut encore déterminer la probabilité qu’un test positif le soit à tort. Nous allons montrer comment, dans le cas d’une maladie très rare, le même test, par ailleurs très fiable, peut aboutir à une nette majorité de positifs illégitimes.

Voici un exemple qui illustre ce phénomène, imaginons un test extrêmement fiable :
* si un patient a contracté la maladie, le test le fait remarquer, c’est-à-dire ''est positif'', presque systématiquement, 99 % des fois, soit avec une probabilité 0,99 ;
* si un patient est sain, le test est correct, c’est-à-dire ''négatif'' dans 95 % des cas, soit avec une probabilité 0,95.

Imaginons que la maladie ne touche qu’une personne sur mille, soit avec une probabilité 0,001. Cela peut paraître peu, mais dans le cas d’une maladie mortelle, c’est considérable. Nous avons toutes les informations nécessaires pour déterminer la probabilité qu’un test soit positif à tort, ce qui peut causer un [[surdiagnostic]].

Désignons par ''A'' l’événement « Le patient a contracté la maladie » et par ''B'' l’événement « Le test est positif ». La seconde forme du théorème de Bayes dans le cas discret donne alors :

:<math>
 P(A|B)
= \frac{P(B | A) P(A)}{P(B)}
= \frac{P(B | A) P(A)}{P(B|A)P(A) + P(B|\bar A)P(\bar A)}
=\frac{0{,}99 \times 0{,}001}{0{,}99 \times 0{,}001 + 0{,}05 \times 0{,}999}
\approx 0{,}019.
</math>


Avec :

* <math>
P(A|B)
</math> = la probabilité que le patient soit malade sachant que le test est positif
* <math>
P(B|A)
</math> = la probabilité que le test soit positif sachant que le patient est malade
* <math>
P(A)
</math> = la probabilité à priori que le patient soit malade
* <math>
P(B)
</math> = la probabilité à priori que le test soit positif = <math>
P(B|A)P(A) + P(B|\bar A)P(\bar A)
</math>, c'est-à-dire le cas où le patient est détecté positif alors qu'il est réellement malade ([[vrai positif]]) ainsi que le cas où le patient est détecté positif alors qu'il est sains (faux positif).


Traduit en langage courant, cette équation signifie que « la probabilité que le patient ait réellement contracté la maladie, quand le test est positif, n'est que de 1,9 % ».
Sachant que le test est positif, la probabilité que le patient soit sain vaut donc environ :
(1 − 0,019) = 0,981. Du fait du très petit nombre de malades, en effet,
* pratiquement tous les malades présentent un test positif, mais aussi
* ''pratiquement tous les tests positifs désignent des personnes saines''.

Si le traitement est très lourd, coûteux ou dangereux pour un patient sain, il peut être alors opportun de faire subir, à tous les patients positifs, un test complémentaire (qui sera sans doute plus précis et plus coûteux, le premier test n’ayant servi qu’à écarter les cas les plus évidents).

On a tout de même réussi, avec le premier test, à isoler une population ''vingt fois moindre'', qui contient pratiquement tous les malades. En effet, en enlevant les patients dont le test est négatif et qui sont donc supposés sains, on a ramené le rapport des malades sur la population étudiée d'un individu sur mille à un individu sur cinquante (''P(A|B)'' est proche de 1/50). En procédant à d’autres tests, on peut espérer améliorer la fiabilité de la détection.

Le théorème de Bayes nous montre que dans le cas d’une probabilité faible de la maladie recherchée, le risque d’être déclaré positif à tort a un impact très fort sur la fiabilité. Le dépistage d'une maladie rare peut causer le [[surdiagnostic]].

Cette erreur intuitive, commune, d'estimation est un [[biais cognitif]] appelé "[[oubli de la fréquence de base]]".

=== Problème de Monty Hall ===
{{article détaillé|Problème de Monty Hall}}
{{...}}

=== Filtres bayésiens ===
{{article détaillé|Filtrage bayésien du spam}}
{{...}}

== Critiques ==
=== Aspects sociaux, juridiques et politiques ===
Un problème régulièrement soulevé par l’approche bayésienne est le suivant : si une probabilité de comportement (délinquance, par exemple) est fortement dépendante de certains facteurs sociaux, culturels ou héréditaires, alors :
* d’un côté, on peut se demander si cela ne suppose pas une partielle ''réduction de responsabilité'', morale à défaut de juridique, des délinquants. Ou, ce qui revient au même, à une augmentation de responsabilité de la société, qui n’a pas su ou pas pu neutraliser ces facteurs, comme elle aurait peut-être dû le faire.
* d’un autre côté, on peut souhaiter utiliser cette information pour orienter au mieux une politique de [[prévention]], et il faut voir si l’intérêt public ou la morale s’accommoderont de cette discrimination ''de facto'' des citoyens (fût-elle positive).
Les statistiques ont été évoquées à plusieurs reprises dans les tribunaux<ref>{{en}} [https://sites.google.com/site/bayeslegal/legal-cases-relevant-to-bayes Legal cases involving Bayes]</ref> et dans certains cas impliquées dans des erreurs judiciaires importantes, comme les cas de [[Sally Clark]] ou de [[Lucia de Berk]]<ref>{{en}} [http://www.eecs.qmul.ac.uk/%7Enorman/papers/bayes_and_the_law_final.pdf Bayes and the Law 27 janvier 2015]</ref>. La formule de Bayes a été soit méconnue soit mal utilisée. Ainsi l'accusation estimait faible voire quasi nulle la probabilité pour un innocent d'être reconnu coupable en de tels cas. Ce n'est qu'après la sentence que des experts protestèrent et démontrèrent que cette probabilité prise en considération n'avait pas de sens et qu'il fallait au contraire étudier celles d'être coupable ou innocent ''sachant'' qu'il y a eu décès (ce qui donne des chiffres largement différents laissant place à un doute légitime). Pudiquement, on désigne par [[sophisme du procureur]] ces confusions entre probabilités conditionnelles.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Traduction/Référence
|lang1=pt|art1=Teorema_de_Bayes|id1=56057632
|lang2=it|art2=Teorema_di_Bayes|id2=120896844
}}
=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{en}} [[Thomas Bayes|T. Bayes]] (1763), « An Essay towards solving a Problem in the Doctrine of Chances », ''Philosophical Transactions of the Royal Society of London'', 53:370-418.
* {{en}} T. Bayes (1763/1958) « Studies in the History of Probability and Statistics: IX. Thomas Bayes’s Essay Towards Solving a Problem in the Doctrine of Chances », ''Biometrika'' 45:296-315 ''(Bayes’s essay in modernized notation)''
* {{en}} T. Bayes {{Lien archive|url=http://www.stat.ucla.edu/history/essay.pdf | horodatage archive = 20190126111142|titre=« An essay towards solving a Problem in the Doctrine of Chances »}} ''(Bayes's essay in the original notation)''
* {{Article|langue=en|prénom1=Richard|nom1=Price|lien auteur1=Richard Price|titre=A demonstration of the second rule in the essay towards the solution of a problem in the doctrines of chances|périodique=Philosophical Transactions|lien périodique=Philosophical Transactions of the Royal Society|année=1964|volume=54|pages=296-325}}
* {{fr}} [[Pierre-Simon de Laplace|P.S. Laplace]] (1774) « Mémoire sur la Probabilité des Causes par les Événements, » ''Savants Étranges'' 6:621-656, ou bien ''[https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77596b.image.f32.langFR Œuvres complètes]'' 8:27-65.
* {{en}} G.A. Barnard. (1958) « Studies in the History of Probability and Statistics: IX. Thomas Bayes's Essay Towards Solving a Problem in the Doctrine of Chances », ''Biometrika'' 45:293-295 ''(biographical remarks)''
* {{en}} S.M. Stigler (1982) « Thomas Bayes' Bayesian Inference, » ''[[Journal of the Royal Statistical Society]]'', Series A, 145:250-258 ''(Stigler argues for a revised interpretation of the essay -- recommended)''
* {{en}} A. Papoulis (1984), ''Probability, Random Variables, and Stochastic Processes'', second edition. New York: McGraw-Hill.
* {{en}} S.M. Stigler (1986), « Laplace's 1774 memoir on inverse probability, » ''Statistical Science'', 1(3):359--378.
* {{en}} S.E. Fienberg (2005) When did Bayesian Inference become "Bayesian"? [http://ba.stat.cmu.edu/journal/2006/vol01/issue01/fienberg.pdf Bayesian Analysis, {{p.|1-40}}]
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Sharon Bertsch|nom1=McGrayne|titre=The Theory That Would Not Die|sous-titre=How Bayes' Rule Cracked the Enigma Code, Hunted Down Russian Submarines, and Emerged Triumphant from Two Centuries of Controversy|éditeur=[[Yale University Press]]|année=2011|isbn=}}
* {{en}} Jeff Miller [http://jeff560.tripod.com/b.html Earliest Known Uses of Some of the Words of Mathematics (B)] (''very informative -- recommended'')
* {{en}} D. Covarrubias {{Lien brisé|url=http://www.stat.rice.edu/&nbsp;blairc/seminar/Files/danTalk.pdf |titre=« An Essay Towards Solving a Problem in the Doctrine of Chances »}} ''(an outline and exposition of Bayes's essay)''
* {{Article|langue=en|prénom1=Bradley|nom1=Efron|lien auteur1=Bradley Efron|titre=Bayes' Theorem in the 21st Century|périodique=Science|lien périodique=Science (revue)|mois=6|année=2013|volume=340|numéro=6137|pages=1177-1178|doi=10.1126/science.1236536}}
*[[Myron Tribus]], ''Rational Descriptions, Decisions and Designs''. Chapter 3 ''The Bayes Equation'', Pergamon 1969 (traduction française : ''Décisions rationnelles dans l'incertain'', chapitre 3 : Équation de Bayes et déductions rationnelles, Masson, 1972)
*[[Lê Nguyên Hoang]], ''La formule du savoir : une philosophie unifiée fondée sur le théorème de Bayes'', [[EDP Sciences]], 2018. {{nb p.|402}}  {{ISBN|978-2-7598-2260-7}}.
*{{Ouvrage|langue=pt|titre=Estatística Básica|nom=Bussab|prénom=Wilton de O.|nom2=Morettin|prénom2=Pedro A.|éditeur=Saraiva|année=2010|lieu=São Paulo|pages=540}}

=== Articles connexes ===
* [[Probabilité conditionnelle]]
* [[Statistique bayésienne]]
* [[Inférence bayésienne]]
* [[Fonction de vraisemblance]]
* [[Tableau de contingence]]
* [[Paradoxe de Hempel|Paradoxe de Hempel dit de l'ornithologie en chambre]]
* [[Rasoir d'Occam]] ''ou'' Argument (épistémologique) de parcimonie,
* [[Réseau bayésien]]
* [[Estimateur de Laplace–Bayes]]
* [[Bayésianisme]]

=== Liens externes ===
{{Liens}}
* {{fr}} [https://www.lpc-expert.fr/wp-content/uploads/go-x/u/75d01eb6-4bad-48b2-a309-72c11c4431c0/article_bayes.pdf En quête du raisonnement bayésien par {{Dr}} Guillaume Boudarham]

==== Émission de radio ====
* [http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-une-formule-mathematique-universelle-existe-t-elle-2012-11-09#comment-419350 Une formule mathématique universelle existe-t-elle ?], [[France Culture]], Science publique, {{date-|9 novembre 2012}}

{{Portail|probabilités et statistiques}}

{{DEFAULTSORT:Theoreme de Bayes}}
[[Catégorie:Statistiques]]
[[Catégorie:Théorème de la théorie des probabilités|Bayes]]
[[Catégorie:Statistique bayésienne]]
[[Catégorie:Conditionnement en probabilités]]