Voir la source de Théorème de Cauchy-Lipschitz

{{En-tête label|BA|année=2009}}
{{Voir homonymes|Théorème de Cauchy}}

En [[mathématiques]] et plus précisément en [[analyse (mathématiques)|analyse]], le '''théorème de Cauchy-Lipschitz''', appelé également '''théorème de Picard-Lindelöf''' ou '''théorème d'existence de Picard''', concerne les solutions d'une [[équation différentielle]]. Sous certaines hypothèses de régularité<ref group="Note">La régularité minimale demandée est la continuité de la fonction et son caractère [[application lipschitzienne|localement lipschitzien]] par rapport à la deuxième variable.</ref> de la fonction définissant l'équation, le [[théorème]] garantit l'existence d'une solution répondant à une [[#Vocabulaire spécifique|condition initiale dite de Cauchy]] et l'unicité d'une [[#Vocabulaire spécifique|solution maximale]].

Certaines lois physiques, comme le [[principe fondamental de la dynamique]], se traduisent par des équations différentielles vérifiant les hypothèses du théorème. Ce dernier assure alors le caractère [[déterminisme|déterministe]] du mécanisme décrit par la loi. Ce déterminisme ne se traduit pas toujours par une possibilité de prédiction, la [[théorie du chaos]] montre l'existence de possibles phénomènes fortuits<ref group="Note">Ou, plus précisément, impossibles à prévoir compte tenu d'imprécisions inévitables dans les mesures, et du phénomène de [[Théorie du chaos#Sensibilité aux conditions initiales|sensibilité aux conditions initiales]].</ref>.

Selon les auteurs, le théorème de Cauchy-Lipschitz s'exprime de manière plus ou moins forte. Sous une forme plus élaborée, ce théorème assure que la solution varie continûment si la condition initiale est modifiée, et il en est de même si la fonction définissant l'équation dépend continûment d'un paramètre<ref group="Note">Ces deux aspects ne sont pas traités dans cet article, mais dans l'article « [[Flot (mathématiques)|Flot]] ».</ref>. Si l'équation est définie par une fonction de [[Classe de régularité|classe]] C{{exp|''p''}}, la solution est de classe ''C''{{exp|''p''+1}}<ref group="Note">Ceci n'est vrai que si l'équation est [[Équation différentielle#Équation différentielle sous forme résolue|sous forme « résolue »]], c'est-à-dire si elle est donnée sous la forme ''x'&nbsp;''=&nbsp;''f''&nbsp;(''t'',&nbsp;''x''), et non sous une forme « implicite » comme ''f''&nbsp;(''t'',&nbsp;''x'',&nbsp;''x'''&nbsp;)&nbsp;=&nbsp;0.</ref>. Ce théorème peut encore être généralisé au cas où l'équation différentielle n'est plus à valeurs dans un espace vectoriel, mais dans une [[variété différentielle]]<ref group="Note">Cet aspect n'est pas traité dans cet article.</ref>.

Une première version est démontrée par [[Augustin-Louis Cauchy]] durant la première moitié du {{s-|XIX}}, à l'aide d'une technique d'approximation découverte par [[Leonhard Euler]] au siècle précédent. [[Rudolf Lipschitz]] généralise l'énoncé en élargissant un peu la classe des équations qui s'y rapportent. Le théorème n'en reste pas moins uniquement un [[Théorème d'existence|résultat d'existence]] [[Propriété locale|locale]]. C'est à la fin de ce siècle que les techniques de [[Démonstration (logique et mathématique)|démonstration]], ainsi que l'énoncé du théorème, sont profondément modifiés. À la suite des travaux de [[Lazarus Fuchs]], les mathématiciens [[Émile Picard]], [[Paul Painlevé]] et [[Henri Poincaré]] développent une version moderne de l'analyse des équations différentielles. Cette vision permet d'apporter des éléments de réponse sur les solutions maximales, l'unicité et la régularité de la solution. Une version relativement moderne est publiée en 1894 par [[Ernst Lindelöf]]. Le théorème se démontre maintenant généralement à l'aide d'un [[fonction contractante|théorème du point fixe]] et d'une approche [[topologie|topologique]], classique en [[Analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]].

[[Image:Augustin Louis Cauchy.JPG|vignette|[[Augustin Louis Cauchy|Cauchy]] développe une première version du théorème de l'article.]]

== Préambule ==
=== Énoncés ===
[[Image:VolterraLotka.PNG|vignette|Les graphes des fonctions d'évolution des populations pour les [[équations de Lotka-Volterra]] forment une partition de <math> \mathbb{R}^2_+</math>.]]
Dans tout le reste de l'article, <math> E </math> désigne un [[espace de Banach]], <math> \Omega </math> un [[Ensemble ouvert|ouvert]] de <math> \mathbb{R} \times E </math> et <math> f </math> une fonction continue de <math> \Omega  </math> dans <math> E  </math>. L'objectif est d'étudier l'équation différentielle du premier ordre suivante :
<center><math>(1)\quad \frac {\mathrm d x}{\mathrm d t}(t) = f(t, x(t))</math></center>

avec la ''condition de Cauchy'' ''C'' : ''x''(''t''<sub>0</sub>) = ''x''<sub>0</sub>, où le couple (''t''<sub>0</sub>,&nbsp;''x''<sub>0</sub>) est un élément de Ω. (On ne se préoccupe que des équations différentielles d'ordre 1 parce que [[équation différentielle ordinaire#Réduction à 1 de l'ordre d'une équation|celles d'ordre ''n ''s'y ramènent]].) On peut remarquer<ref>{{Note autre projet|wikiversité|Calcul différentiel/Exercices/Équations différentielles non linéaires#Exercice 5|exercice corrigé de la leçon « Calcul différentiel »|début=Voir par exemple cet}}</ref> que si ''f'' est une [[Dérivation itérée#Classe Cn|fonction de classe C{{exp|''p''}}]], la dérivée de x l'est aussi, et les solutions sont donc de classe C{{exp|''p''+1}}.

Il existe plusieurs manières d'exprimer le théorème de Cauchy-Lipschitz, dont la forme suivante :
* ''Si la fonction f est [[#Vocabulaire spécifique|localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable]], il existe une et une seule solution maximale à l'équation ''(1)'' respectant la condition de Cauchy C. Son intervalle de définition est ouvert<ref>On trouve ce résultat ainsi que les différents corollaires dans {{harvsp|Berger|Gostiaux|p=42-52}}.</ref>{{,}}<ref>On trouve l'étude du théorème à l'aide de ces hypothèses dans {{harvsp|Mercier|2006|p=354}}.</ref>.''

On déduit de ce théorème les corollaires suivants<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Henri Cartan|H. Cartan]]|titre=Cours de calcul différentiel|éditeur=[[Hermann (éditions)|Hermann]]|année=2007|année première édition=1977|pages totales=355|isbn=978-2-7056-6702-3}}.</ref> :
* ''Sous les mêmes conditions que le théorème, toute solution de l'équation différentielle ''(1)'' respectant la condition C et définie sur un intervalle est une [[Application (mathématiques)#Opération sur les applications|restriction]] de la solution maximale.''
* ''Les graphes des solutions maximales forment une partition de Ω.''

Lorsque l'ouvert Ω est un produit ''I ''× ''E'', où ''I ''est un intervalle ouvert de '''R''', le théorème de Cauchy-Lipschitz global apporte un complément :
* ''Si f est lipschitzienne par rapport à la deuxième variable (localement par rapport à la première seulement), alors toute solution maximale est globale'' (c'est-à-dire définie sur ''I ''tout entier).

L'expression ''théorème de Cauchy-Lipschitz'' est aussi utilisée pour désigner d'autres résultats plus évolués. Il est possible de considérer non pas seulement la fonction solution ''s'' mais aussi la fonction qui au couple (''x'',&nbsp;''t'') associe l'image de ''t'' par la solution égale à ''x'' à un instant initial ''t''<sub>0</sub>. On obtient une fonction appelée [[#Flot|flot]]. Si la fonction ''f'' est de classe C{{exp|''p''}}, le flot l'est aussi. Il est aussi possible d'étudier la régularité des solutions si la fonction ''f'' dépend d'un paramètre.

D'autres résultats, qui ne portent pas le nom de ''théorème de Cauchy-Lipschitz'' sont présentés dans [[#Généralisations|le paragraphe : ''Généralisations'']].

=== Approche intuitive ===
L'idée à la base du théorème est la suivante<ref>V. Arnold, ''Équations différentielles ordinaires'', [[Éditions Mir]], 1968.</ref> : Certaines équations différentielles possèdent des solutions stationnaires. Par exemple, l'équation <math> dy/dt= a y </math> possède la solution stationnaire <math> y(t)=0 </math> pour la condition initiale <math> y(0)=0 </math>. Pour une autre condition initiale <math> y(0)=y_0\ne 0 </math>, la solution stationnaire est atteinte au bout d'un temps infini, et la solution est unique. Cependant, si la solution stationnaire peut être atteinte en un temps ''fini'', l'unicité est violée. Considérons par exemple l'équation

<math>
dy/dt = a y^{2/3}.
</math>

Pour la condition initiale <math> y(0)=0 </math>, nous pouvons avoir la solution <math> y(t)=0 </math> ou la solution

<math>
y(t)=\begin{cases}
(at/3)^{3} & t<0\\
0 & t\ge0.
\end{cases}
</math>

On peut noter que la fonction <math> f(y)=y^{2/3} </math> a une pente infinie en <math> y=0 </math> et ne respecte pas la condition de continuité de Lipschitz. La condition de continuité de Lipschitz élimine ce type d'équations différentielles.

=== Déterminisme et chaos ===
[[Fichier:Young Poincare.jpg|vignette|[[Henri Poincaré]] montre que le caractère déterministe d'une équation différentielle vérifiant le théorème de Cauchy-Lipschitz n'empêche pas l'impossibilité de certaines prédictions.]]
Pour le mathématicien [[Vladimir Arnold]], {{Citation|Les équations différentielles sont le pivot de la conception scientifique du monde}}<ref>Cette citation est extraite de {{harvsp|Leborgne|1982|p=218}}.</ref>. En physique, les équations différentielles vérifient de manière très générale les hypothèses du théorème de l'article<ref group="Note">Il existe des exceptions, ''cf. '' [[#Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà|§ Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà]].</ref>, il en est ainsi de celle qui régit la loi de la [[gravitation universelle]] ou l'[[Électromagnétisme|interaction électromagnétique]]. Ces équations sont intrinsèquement déterministes et c'est l'une des conséquences du théorème de Cauchy-Lipschitz<ref>Pour plus de précision, voir : [[Vladimir Arnold|V. Arnold]], ''Mathematical Methods of Classical Mechanics'', Springer-Verlag ({{2e}} éd 1989) {{ISBN|0387968903}}.</ref>. Ce déterminisme, c'est-à-dire la capacité de la physique à prévoir, par exemple la trajectoire des planètes, était connu bien avant le théorème. La célèbre citation de [[Voltaire]] l'atteste : {{Citation|Mais en apercevant l’ordre, l'artifice prodigieux, les lois mécaniques et géométriques qui règnent dans l’univers […], je suis saisi d’admiration et de respect<ref name="Voltaire">Voltaire, {{Note autre projet|wikisource|Le philosophe ignorant|''Le philosophe ignorant'', chap. XV et XIV|début=}}<!--https://books.google.fr/books?id=OE4TAAAAQAAJ&pg=PA85 p. 85 dans ''Œuvres complètes de Voltaire''--></ref>.}}. Il en déduisait que {{Citation|le ''Chaos'' est précisément l'opposé de toutes les lois de la nature}}<ref name="Voltaire" />. Curieusement, les analyses fines de la fin du {{s-|XIX}} démontrent la pertinence du caractère déterministe de ces lois physiques et réduisent cependant cette idée de Voltaire à l'état de chimère.

Les travaux mathématiques de cette époque montrent effectivement qu'une trajectoire, suivant une loi physique de cette nature, est unique et parfaitement déterminée<ref group="Note">Les références sont données dans la partie histoire.</ref>. En revanche, les études de [[Henri Poincaré|Poincaré]] sur la stabilité du système solaire mettent en évidence la faute de raisonnement. Ce mathématicien précise : {{Citation bloc|Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard. Si nous connaissions exactement les lois de la nature et la situation de l'univers à l'instant initial, nous pourrions prédire exactement la situation de ce même univers à un instant ultérieur. Mais, lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu'''approximativement''. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure ''avec la même approximation'', c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu'il est régi par des lois ; mais il n'en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit<ref>H. Poincaré, ''[[Science et Méthode]]'', 1908, [[:s:Science et méthode/Livre premier, § IV#II|livre 1, chap. IV : Le hasard]], p. 68.</ref>.}}

Le théorème de Cauchy-Lipschitz indique bien qu'une prévision parfaite est possible, mais uniquement sous réserve de connaître parfaitement la condition initiale. Certains [[système dynamique|systèmes dynamiques]] sont rapidement imprévisibles pour la raison qu'indique Poincaré. On utilise maintenant le terme de [[théorie du chaos|chaos]] pour décrire cette situation. Elle ne se produit pas systématiquement, le [[théorème de Poincaré-Bendixson]] précise un contexte où elle ne peut avoir lieu, mais les hypothèses sont restrictives et le résultat peu généralisable<ref group="Note">Les idées de ce paragraphe proviennent de : A. D. Dalmedico, J.-L. Chabert, [[Karine Chemla|K. Chemla]], ''Chaos et déterminisme'', Seuil, 1992 {{ISBN|2020151820}}, où elles sont largement développées.</ref>.

== Vocabulaire ==
Plusieurs termes ne sont pas nécessairement intuitifs, ce paragraphe en propose les définitions.

=== Vocabulaire générique aux équations différentielles ===
Une partie du vocabulaire utilisée pour exprimer le théorème est générique aux équations différentielles ou [[équation fonctionnelle|fonctionnelles]]. Le terme [[espace de Banach]] désigne un [[espace vectoriel normé]] et [[espace complet|complet]], c'est-à-dire que pour la [[espace métrique|métrique]] associée à la norme, toute [[suite de Cauchy]] [[Limite d'une suite|converge]]. Un exemple simple est un [[Topologie d'un espace vectoriel de dimension finie|espace vectoriel réel normé de dimension finie]]. Pour une compréhension plus facile, le lecteur peut imaginer que ''E'' désigne l'ensemble des [[nombres réels]]. Dans l'article, tous les espaces de Banach considérés sont des espaces réels.

* Une '''solution''', ou '''courbe intégrale'''<ref name="BG40">{{harvsp|Berger|Gostiaux|p=40}}.</ref> de l'équation (1) est une fonction d'un intervalle de '''R''' dans ''E'' dont le graphe est inclus dans Ω, et qui est solution de l'équation (1).

=== Équation différentielle autonome du premier ordre ===

Il existe un cas particulier, celui où la fonction ''f'' est définie sur un ouvert de ''E'' et non pas sur un ouvert de '''R'''×''E''. L'équation (1) s'écrit alors
<center><math>\dot{x}(t) = f(x(t)).</math></center>
Ω désigne un ouvert de ''E'' et l'équation est dite [[Équation différentielle autonome|autonome]].

=== Vocabulaire spécifique ===
D'autres termes sont plus spécifiquement utilisés dans le contexte du théorème de Cauchy-Lipschitz. L'équation différentielle (1) possède généralement plusieurs solutions. Pour cette raison, on ajoute parfois une condition particulière :

:* '''Une condition de Cauchy''' ''C'' est un couple (''t''{{ind|0}},&nbsp;''x''{{ind|0}}) élément de Ω. Une fonction ''s'' définie sur un intervalle de '''R''' et à valeurs dans ''E'' solution de l'équation (1) '''vérifie la condition de Cauchy''' ''C'' si l'intervalle de définition de ''s'' contient ''t''{{ind|0}} et ''s''(''t''{{ind|0}})&nbsp;=&nbsp;''x''{{ind|0}}.

''Remarque : '' À la place de l'expression ''condition de Cauchy'', on parle parfois de ''[[condition initiale]]''<ref name="BG40"/>. Les deux expressions sont synonymes.

Résoudre le '''problème de Cauchy'''<ref>{{harvsp|Mawhin|1988|p=233}}.</ref> consiste à trouver une solution de l'équation (1) vérifiant la condition de Cauchy ''C''. Cette définition est un peu intuitive. Si l'équation différentielle modélise un courant parcourant une étendue d'eau, c'est-à-dire qu'à l'instant ''t'' et au point ''x'' le courant est égal à ''f''(''t'',''x''), il est possible de poser dans l'eau un bouchon à l'instant ''t''{{ind|0}} au point ''x''{{ind|0}}, la trajectoire du bouchon est la solution de l'équation. Il existe bien une solution pour chaque couple (''t''{{ind|0}},&nbsp;''x''{{ind|0}}).

Une condition de Cauchy ne suffit pas à rendre la solution unique. Considérons l'ensemble ''S'' des solutions de l'équation (1) définies sur un intervalle. Cet ensemble est muni d'une [[relation d'ordre]] (partiel). Une solution ''s''<sub>1</sub> de ''S'' est ''plus petite'' qu'une solution ''s''<sub>2</sub> de ''S'' lorsque ''s''{{ind|2}} est un [[Application (mathématiques)#Opérations sur les applications|prolongement]] de ''s''{{ind|1}}.

:* Une courbe intégrale de ''S ''est dite '''maximale''' si elle est [[Élément maximal|maximale]] pour la relation d'ordre ci-dessus, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être prolongée en une solution définie sur un intervalle strictement plus grand.

Lorsque ''f'' ne remplit pas les conditions du théorème de Cauchy-Lipschitz, en utilisant une forme ou une autre de l'[[axiome du choix]], on montre que toute solution dans ''S'' est majorée par une {{Lien|trad=Nicht-fortsetzbare Lösung|lang=de|solution maximale}}<ref>{{harvsp|Mercier|2006|p=358}} et {{harvsp|Laudenbach|2009|p=[https://books.google.fr/books?id=PSjfdWxB5sUC&pg=PA2 2]}} invoquent le [[lemme de Zorn]]. {{harvsp|Demailly|texte=Demailly 2006|p=[https://books.google.fr/books?id=2yTLzzm3N6kC&pg=PA128 128]}} utilise implicitement l'[[Axiome du choix#Axiome du choix dépendant|axiome du choix dépendant]] ; si '''E'''=''R'' (ou plus généralement un espace de dimension finie), l'axiome du choix n'est pas nécessaire ; voir à ce sujet [http://mathoverflow.net/questions/112199/differential-equations-and-axiom-of-choice cette discussion sur MathOverflow] {{en}}.</ref>. Par conséquent, tout problème de Cauchy possède une solution maximale, et s'il n'en possède qu'une alors elle est [[maximum]] (parmi les solutions de ce problème). L'article sur le [[théorème de Cauchy-Peano-Arzelà]] donne des exemples montrant que cette unicité n'est généralement pas garantie.

Lorsque tout problème de Cauchy associé à ''f'' possède une unique solution locale, [[#Solution maximale|on montre directement]] (sans axiome du choix) qu'il possède une solution maximum. Pour cela, il suffit que ''f'' soit suffisamment régulière :
* La fonction ''f'' est dite :
** '''[[Application lipschitzienne|lipschitzienne]] par rapport à la deuxième variable''' sur une partie ''W'' de Ω s'il existe une constante ''k'' telle que :<center><math>(t,x_1),(t,x_2)\in W\Rightarrow\|f(t,x_1)-f(t,x_2)\|\le k\|x_1-x_2\|</math> ;</center>
** '''[[Propriété locale|localement]]''' lipschitzienne par rapport à la deuxième variable<ref>{{harvsp|Mercier|2006|p=355}}, {{harvsp|Paulin|2008|p=255-256}}.</ref> si tout point de Ω possède un [[Voisinage (mathématiques)|voisinage]] sur lequel ''f'' est lipschitzienne par rapport à la deuxième variable ;
Lorsque l'ouvert Ω est un produit ''I'' × ''V'', où ''I'' est un intervalle ouvert de '''R''' et ''V'' un ouvert de ''E'', une solution de (1) est dite globale si elle est définie sur ''I'' tout entier. Une solution globale est évidemment maximale. Une hypothèse supplémentaire assure la réciproque :
:* La fonction ''f'' est dite lipschitzienne par rapport à la deuxième variable '''localement seulement par rapport à la première variable''' si tout point de ''I'' possède un voisinage ''J'' tel que, sur ''J''×''V'', ''f'' soit lipschitzienne par rapport à la deuxième variable.

== Exemples et usages ==
=== Champ constant ===
[[Fichier:Cauchy-Lipschitz-(4).jpg|vignette|droite]]
Dans cet exemple<ref>Il s'inspire du premier exemple donné dans {{harvsp|Berger|Gostiaux|loc=1.2.4}}.</ref> ''E'' est égal au plan réel '''R'''{{2}}. L'équation différentielle est [[#Équation différentielle autonome du premier ordre|autonome]] ; elle s'écrit ''x'&nbsp;''=&nbsp;''f''(''x'') où ''f'' est la [[fonction constante]] de valeur le vecteur ''v'' de coordonnées (1,&nbsp;0), sur Ω = ]–3, 3[{{2}}. Ce domaine de ''f'' est représenté par le carré bleu de la figure de droite. Une méthode de représentation de la fonction ''f'' consiste à dessiner les vecteurs ''f''(''x''), où ''x'' est un point du domaine, en plaçant leurs origines au point ''x''.

On recherche les solutions vérifiant la condition de Cauchy (0,&nbsp;''x''<sub>0</sub>), ici les coordonnées de ''x''<sub>0</sub> sont (–2,&nbsp;2). Une solution ''s'' est de la forme :
<center><math>s(t)=x_0+tv.</math></center>

La solution ne peut quitter le domaine Ω, en conséquence, la variable ''t'' prend nécessairement ses valeurs dans ]–1,&nbsp;5[. La fonction ''f'' est bien continue et ''k''-lipschitzienne en ''x'', avec dans ce cas particulier ''k''&nbsp;=&nbsp;0. Le théorème de Cauchy-Lipschitz garantit qu'il n'existe qu'une unique courbe intégrale vérifiant une condition de Cauchy précise, comme ici celle donnée par le couple (0,&nbsp;''x''<sub>0</sub>). Le graphe de cette solution est représentée en vert sur la figure.

=== Équation linéaire ===
{{Article détaillé|Équation différentielle linéaire}}
Le théorème de Cauchy-Lipschitz global s'applique : un problème de Cauchy associé à une équation différentielle linéaire possède une solution globale, dont toute autre solution est restriction.

=== Étude d'une courbe intégrale ===
{{Article détaillé|Fonction logistique (Verhulst)}}
[[Image:Logistic-curve.svg|vignette|upright=1.2|Graphe de la fonction logistique.]]
Le théorème de Cauchy-Lipschitz peut être vu comme un outil permettant l'étude d'une courbe intégrale. Illustrons-le par l'exemple d'une fonction logistique, définie par le problème de Cauchy suivant :
<center><math>\frac {\mathrm dx}{\mathrm dt} = x(1-x) \quad \textrm{avec} \quad x(0) = \frac12.</math></center>

L'équation différentielle s'écrit aussi ''x'&nbsp;''= ''f''(''x'') avec ''f''(''x'')&nbsp;=&nbsp;''x''(1&nbsp;–&nbsp;''x''). La fonction ''f'' est une [[fonction polynomiale]] de degré 2 de [[zéro d'une fonction|zéros]] 0 et 1 et positive entre ses [[racine d'un polynôme|racines]]. Le théorème de Cauchy-Lipschitz s'applique car ''f'' est [[Application lipschitzienne#Caractérisation parmi les fonctions dérivables|continûment dérivable donc localement lipschitzienne]] : pour toute condition initiale, le problème de Cauchy possède une unique solution maximale. En particulier, toute solution de l'équation différentielle qui prend la valeur 0 ou 1 est constamment égale à cette valeur sur son intervalle de définition.

Soient ''s'' la solution maximale du problème de Cauchy ci-dessus et ]''a'',&nbsp;''b''[ son intervalle de définition (avec {{math|–∞}} ≤ ''a ''< 0 < ''b ''≤ {{math|+∞}}). D'après le [[théorème des valeurs intermédiaires]], ''s''(]''a'',&nbsp;''b''[) est un intervalle. Il contient ''s''(0)&nbsp;=&nbsp;1/2 donc, d'après la remarque précédente, ne contient ni 0 ni 1, si bien qu'il est inclus dans ]0,&nbsp;1[.

Le fait que ''s'' prenne ses valeurs entre 0 et 1 montre que sa dérivée est strictement positive. L'application ''s ''est donc strictement croissante sur ]''a'',&nbsp;''b''[. Elle possède donc en ''b ''une limite à gauche {{nobr|''c ''∈ [1/2,&nbsp;1]}} et sa dérivée a pour limite ''c''(1 – ''c''), ce qui prouve que ''b''&nbsp;=&nbsp;{{math|+∞}} (sans quoi, on pourrait prolonger ''s ''en une solution définie sur ]''a'',&nbsp;''b''], ce qui contredirait la maximalité de ''s''). Comme ''s ''est bornée, la seule valeur limite possible en {{math|+∞}} de sa dérivée est 0, ce qui montre que ''c ''= 1. Le même raisonnement montre que ''a''&nbsp;=&nbsp;{{math|–∞}} (le [[Ensemble de définition|domaine de définition]] de ''s ''est donc égal à '''R''') et que la limite de ''s ''en {{math|–∞}} est 0

Enfin, on remarque que la fonction qui à ''t'' associe 1&nbsp;–&nbsp;''s''(–''t'') est une solution du même problème de Cauchy donc est égale à ''s'', ce qui signifie que la fonction ''s''&nbsp;–&nbsp;1/2 est impaire. L'équation montre que le point d'abscisse 0 est l'unique [[point d'inflexion]] de la courbe et que la dérivée de ''s ''en 0 est égale à 1/4, ce qui permet d'établir son graphe, représenté à droite.

[[Fonction logistique (Verhulst)|Dans le cas de l'exemple choisi, on peut résoudre]] l'équation différentielle et utiliser les méthodes classiques pour l'étude de la courbe intégrale, mais ce n'est pas toujours possible. Une équation différentielle n'a pas nécessairement des solutions s'exprimant sous la forme d'une expression algébrique construite à l'aide des fonctions élémentaires.

=== Théorème de Poincaré-Bendixson ===
{{Article détaillé|Théorème de Poincaré-Bendixson}}
[[Fichier:Poincaré-Bendixon-(2).jpg|vignette|upright=1.2|Dans le plan, une [[#Équation différentielle autonome du premier ordre|équation différentielle autonome du premier ordre]] converge vers un point ou un cycle limite, à l'image de l'exemple illustré ici.]]
L'usage du théorème de Cauchy-Lipschitz ne se limite pas à la résolution pratique des équations. Il sert aussi d'outil théorique, par exemple pour mieux comprendre le comportement qualitatif d'une équation différentielle. On peut considérer le cas d'une [[#Équation différentielle autonome du premier ordre|équation différentielle autonome]] dans '''R'''{{2}} ayant une solution ''p'' périodique. La courbe intégrale est un [[lacet (mathématiques)|lacet simple]], c'est-à-dire que son graphe forme une boucle sans point double. Soit maintenant une condition de Cauchy ''C'' correspondant à un point à l'intérieur de la boucle. Le théorème de Cauchy-Lipschitz indique que la courbe intégrale maximale ''s'' vérifiant ''C'' ne pourra jamais ''traverser'' la boucle, si la fonction ''f'' définissant l'équation est localement lipschitzienne. La courbe ''s'' est donc bornée et si l'on suppose que le domaine de ''f'' contient l'intérieur de la boucle, la courbe ''s'' ne s'approche jamais trop du bord du domaine. Ceci suffit à démontrer que le domaine de définition de ''s'' est '''R''' tout entier.

Le théorème de Poincaré-Bendixson permet d'aller plus loin. Il indique que soit la courbe ''s'' est convergente, soit son comportement s'approche de plus en plus d'une [[fonction périodique]]. Cette configuration interdit les trajectoires [[théorie du chaos|chaotiques]].

L'usage fait ici du théorème permet de comprendre qualitativement le comportement d'une courbe intégrale. Pour l'étude d'équations différentielles plus complexes, par exemple certains [[système dynamique|systèmes dynamiques]], cette approche est indispensable. Il n'est en effet plus toujours possible de résoudre explicitement ces équations, ni même d'approcher leurs solutions sur des longues périodes de temps.

== Fragments d'histoire ==
=== Origines ===
[[Image:Leonhard Euler 2.jpg|vignette|gauche|Après avoir étudié de nombreux cas particuliers, [[Leonhard Euler|Euler]] étudie sous sa forme générale, l'équation différentielle du premier ordre.]]
L'origine de la question traitée par le théorème est ancienne, elle porte initialement le nom de {{Citation|problème inverse des tangentes}}<ref>{{harvsp|Mawhin|1988|p=231}}.</ref>. À chaque point de l'espace, une droite est associée, le problème à résoudre est de trouver la courbe ayant, comme tangente en chaque point, une de ces droites, ce qui correspond en termes modernes à une [[#Équation différentielle autonome du premier ordre|équation différentielle autonome]]. [[Johannes Kepler|Kepler]] est {{référence insuffisante|un initiateur de cette question}} dans une étude sur la contenance d'un tonneau de vin en 1615<ref>{{la}} J. Kepler, ''Nova Stereometria doliorum vinariorum'', J. Plancus, 1615.</ref>. Si cette question est abordée par des mathématiciens comme [[René Descartes|Descartes]], [[Pierre de Fermat|Fermat]] ou [[Gilles Personne de Roberval|Roberval]], qui développent cette approche dans des cas particuliers durant le {{s-|XVII}}, le progrès essentiel est l'œuvre de [[Isaac Newton|Newton]] et [[Leibniz]] avec la découverte du [[calcul infinitésimal]]<ref>{{DahanPeiffer}} {{p.|178-197}}.</ref>. Newton cherche surtout à obtenir un résultat à l'aide d'une [[Série (mathématiques)|série]], Leibnitz recherche aussi des ''solutions exactes'', sous forme de primitives de fonctions connues<ref name="Mawhin232">{{harvsp|Mawhin|1988|p=232}}.</ref>.

Le siècle suivant est l'objet d'une systématisation de l'étude. Dans un premier temps {{Citation|Des trésors d'ingéniosité ont été dépensés pour ramener à des quadratures d'innombrables équations différentielles particulières et comme l'écrit [[Paul Painlevé]] : la vague s'arrêta quand tout ce qui était intégrable, dans les problèmes naturels fut intégré.}}<ref name="Mawhin232"/>. [[Leonhard Euler|Euler]], en 1768 étudie la manière d'approcher une solution<ref>{{Ouvrage|langue=la|auteur1=L. Euler|titre=Institutionum calculi integralis|éditeur=|année=1768}}.</ref>. Il étudie le cas particulier ''x'''(''t'')&nbsp;=&nbsp;''f''(''t'') et cherche une solution sur un intervalle [''a'',&nbsp;''b'']. Pour ce faire, il partitionne l'intervalle à l'aide d'une suite ''a''<sub>0</sub>&nbsp;=&nbsp;''a'', ''a''<sub>1</sub>, ..., ''a''<sub>n</sub>&nbsp;=&nbsp;''b'' et, si ''c'' est élément de l'intervalle [''a''<sub>i</sub>,&nbsp;''a''<sub>i+1</sub>], il propose l'approximation suivante :
<center><math>x(c) \approx x(a) + \sum_{j=0}^i (a_{j+1} - a_j)f(a_j).</math></center>

Dans le cas plus général de l'équation ''x'''(''t'')&nbsp;=&nbsp;''f''(''t'', ''x''(''t'')), il utilise la même méthode, qui donne :
<center><math>x_0 = x(a), \; x_1 \approx x_0 + (a_1-a_0)f(a_1,x_0), \; \cdots, \; x(a_i) \approx x_0 + \sum_{j=0}^i (a_{j+1} - a_j)f(a_j, x_{j-1}).</math></center>

Euler ne se pose pas la question de la convergence si le découpage est de plus en plus fin.

=== Les apports de Cauchy et de Lipschitz ===
[[Image:RLipschitz.jpeg|vignette|[[Rudolf Lipschitz]] redémontre le résultat de [[Augustin Louis Cauchy|Cauchy]].]]
[[Augustin Louis Cauchy]] <small>([[1789]] - [[1857 en science|1857]])</small> établit les premiers résultats généraux. Dans un premier temps, il précise sa méthode : {{Citation|Dans mes leçons données à l'École Polytechnique, comme dans la plupart des ouvrages ou mémoires que j'ai publiés sur le calcul intégral, j'ai cru devoir renverser cet ordre et placer en premier lieu la recherche, non pas des intégrales générales, mais des particulières ; en sorte que la détermination des constantes ou des fonctions arbitraires [pour l'[[équation aux dérivées partielles]]] ne fût plus séparée de la recherche des intégrales<ref>{{chapitre|auteur=Augustin Cauchy|titre=Note sur la nature des problèmes que présente le calcul intégral|titre ouvrage=Exercices d'analyse et de physique mathématique|volume=2|année=1841|éditeur=Bachelier|passage=230-237}}, rééd. dans [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k90204r/f266 ''Œuvres complètes'', série 2, tome 12, 1916, p. 263-271].</ref>.}} Ce que Cauchy décrit ici est la démarche formalisée par le ''problème de Cauchy''.

À l'aide de la formalisation de la notion de [[Limite (mathématiques)|limite]] par [[Bernard Bolzano|Bolzano]], son approche lui permet d'aller plus loin. La question ''x'&nbsp;''=&nbsp;''f''(''x'') sur l'intervalle [''a'',&nbsp;''b''], si on lui ajoute la condition de Cauchy ''x''(''a'')&nbsp;=&nbsp;''x''<sub>0</sub>, change de nature. Ce n'est plus la recherche d'une primitive de ''f'', mais le calcul d'une intégrale. Il montre que, avec les notations du paragraphe précédent, si {{nobr|''a''<sub>''i'' + 1</sub>&nbsp;–&nbsp;''a{{ind|i}}''}} tend vers 0 et si ''f'' est continue, l'approximation converge. Plus précisément, il applique cette démarche à l'équation ''x{{'}}''&nbsp;(''t'')&nbsp;=&nbsp;''f''(''t'', ''x''(''t'')) dans le cas où ''f'', ainsi que sa différentielle partielle par rapport à la seconde variable, sont continues et bornées : avec les mêmes conditions, on obtient encore une convergence. C'est la première version du théorème, démontrée par Cauchy dès 1820<ref>{{harvsp|Mawhin|1988|p=234}}, {{Harvsp|Chatterji|1998|p=58-59}}, {{Harvsp|Kolmogorov|Yushkevich|1998|p=86-95}}.</ref>. En 1835, sa méthode est généralisée aux fonctions holomorphes<ref>{{harvsp|Mawhin|1988|p=235}}.</ref>.

[[Rudolf Lipschitz]] <small>([[1832 en science|1832]] - [[1903 en science|1903]])</small>, sans manifestement connaître la teneur des travaux de Cauchy, démontre un théorème {{Citation|essentiellement équivalent<ref>{{Harvsp|Chatterji|1998|p=58}}.</ref>}} au théorème local de son prédécesseur, en introduisant la condition qui porte maintenant son nom<ref>{{it}} R. Lipschitz, « ''Disamina della possibilità d'integrare completamente un dato sistema di equazioni differenziali ordinarie'' », dans ''Annali di Matematica Pura ed Applicata'', vol. 2, 1868-1869, {{p.|288-302}}, [http://www.numdam.org/item?id=BSMA_1876__10__149_0 {{fr}} en 1876].</ref>. Cauchy utilisait cette condition en la déduisant de son hypothèse sur la différentielle partielle de ''f'', à l'aide de l'une de ses découvertes, qu'il affectionne particulièrement : le [[théorème des accroissements finis]]<ref>[[Pierre Dugac]], « Histoire du théorème des accroissements finis », ''Archives internationales d'histoire des sciences'', vol. 30, {{n°|105}}, 1980, {{p.|86-101}}.</ref>.

=== Le formalisme moderne ===
La fin du {{s-|XIX}} voit une profonde mutation du théorème, tant dans la manière de le démontrer que dans l'enrichissement de son contenu, nécessaire pour mieux comprendre l'équation différentielle.

À la suite des travaux de [[Lazarus Fuchs|Fuchs]]<ref>Pour Manheim, les travaux de Fuchs forment un pont entre les recherches fondamentales de Cauchy, [[Bernhard Riemann|Riemann]], [[Niels Henrik Abel|Abel]] et [[Carl Friedrich Gauss|Gauss]] et la théorie moderne des équations différentielles découverte par Poincaré, Painlevé et Picard : {{chapitre|lang=en|auteur=Jerome H. Manheim|titre ouvrage=[[Dictionary of Scientific Biography]]|titre=Fuchs, Immanuel Lazarus|année=1970-1980|isbn=978-0-68410114-9}}.</ref>, les objectifs deviennent plus ambitieux. [[Paul Painlevé]] et [[Émile Picard]] s'intéressent au cas général des équations différentielles de premier et second ordre et donc à leurs singularités<ref>P. Painlevé, ''Leçons sur la théorie analytique des équations différentielles'', Hermann, Paris, 1897.</ref>{{,}}<ref>Émile Picard et [[Georges Simart]], ''Théorie des fonctions algébriques de deux variables indépendantes'', t. 1, Gauthier-Villars, 1897.</ref>. Les objectifs d'[[Henri Poincaré]] sont encore plus généraux. À la suite d'une étude sur la stabilité du système solaire, il cherche à établir une théorie générale qui prendra le nom de [[système dynamique]]. Devant l'impossibilité d'établir des solutions explicites, Poincaré fonde les bases d'une théorie qualitative<ref>[[Jacob Palis|J. Palis]], « Une perspective globale pour la dynamique non-conservative », dans ''[[Annales Henri Poincaré|Annales de l'Institut Henri Poincaré (C) : Non Linear Analysis]]'', 2005, {{p.|485-507}}.</ref>. Les objectifs sont, dans un premier temps l'étude des singularités, puis le comportement asymptotique (c'est-à-dire l'étude du comportement une fois le système stabilisé) et la sensibilité à la condition initiale.

Pour atteindre ces nouveaux objectifs, la formulation par Cauchy ou Lipschitz du théorème devient insuffisante. On cherche maintenant des éléments de réponse globaux sur les courbes intégrales et non plus uniquement un résultat local. Les questions sur la régularité de la solution deviennent essentielles. Enfin, on cherche à déterminer la nature de la modification de la courbe intégrale en fonction d'une modification de la condition initiale ou d'un paramètre de l'équation<ref>Pour une formulation moderne du théorème, voir {{harvsp|Malliavin|1972|p=293-301}}.</ref>. Les méthodes pour y arriver diffèrent radicalement de l'approche de Cauchy qui étudiait le comportement limite de la fonction polygonale imaginée par Euler. Elles se rapprochent de l'[[Analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]], le contexte de l'étude étant maintenant un espace de fonctions disposant de propriétés géométriques. Le théorème à la source de la démonstration est celui du [[application contractante|point fixe]]. Sa forme initiale est l'œuvre de Picard<ref>{{article|auteur=Émile Picard|url=http://portail.mathdoc.fr/JMPA/PDF/JMPA_1893_4_9_A4_0.pdf|titre=Sur l'application des méthodes d'approximations successives à l'étude de certaines équations différentielles ordinaires|revue=Journal de Mathématiques|année=1893|p.=217}}.</ref>. Ce théorème est maintenant vu comme une propriété générale d'espaces vectoriels particuliers, formalisés par [[Stefan Banach]]. Son application au théorème de l'article est l'œuvre du mathématicien finlandais [[Ernst Lindelöf]]<ref>{{article|auteur=E. Lindelöf|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3074r/f454.table|titre=Sur l'application de la méthode des approximations successives aux équations différentielles ordinaires du premier ordre|revue=[[CRAS]]|vol=114|année=1894|p.=454-457}}.</ref> en 1894. Pour cette raison, le théorème nommé en France d'après Cauchy et Lipschitz prend le nom, en anglais, de ''{{Lang|en|Picard–Lindelöf theorem}}''<ref>Voir le théorème I.3.1 de {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Earl A. Coddington|auteur2=[[Norman Levinson]]|titre=Theory of Ordinary Differential Equations|éditeur=McGraw-Hill|année=1984|pages totales=429|isbn=978-0-07-099256-6}}.</ref>.

== Généralisations ==
Il existe de nombreuses généralisations du théorème de Cauchy-Lipschitz. Les techniques utilisées pour sa démonstration permettent d'aller plus loin dans l'analyse des solutions d'une équation différentielle. Une rapide analyse montre qu'une solution est continûment dérivable, mais rien n'indique ce qui se produit si la fonction ''f'' est plus régulière. La branche des mathématiques étudiant un [[système dynamique]] se pose deux questions essentielles : quel est le comportement d'une courbe intégrale si ''t'' s'approche des bornes du domaine de définition ? Et quelle est la sensibilité à la condition initiale ? c'est-à-dire que se passe-t-il si ''x''<sub>0</sub> subit une petite modification.

Enfin, l'article suppose que l'ensemble ''E'' est un [[espace de Banach]], ce qui n'est pas l'unique cas étudié. Dans certaines situations, il est utile de considérer ''E'' comme une [[variété différentielle]]. Les théorèmes se transposent aisément dans ce nouvel univers<ref>{{harvsp|Leborgne|1982|p=220-230}}.</ref>.

=== Flot ===
{{Article détaillé|Flot (mathématiques)}}
[[Fichier:Poincaré-Bendixon-(1).jpg|vignette|Pour l'étude de la sensibilité initiale, on étudie le flot qui permet d'énoncer une version plus forte du théorème de l'article.]]
L'un des objectifs de l'étude des systèmes dynamiques est celle de la sensibilité à la condition de Cauchy. Le vocabulaire et la représentation géométrique sont un peu différents de ce qui a été utilisé jusqu'à présent. Pour en comprendre l'origine, le plus simple est d'imaginer que Ω est un plan d'eau et que '''R''' représente le temps. Le plan d'eau est agité par un courant, représenté par la fonction ''f'', appelé [[champ de vecteurs]]. En dimension 2, on représente ce champ de vecteurs en associant à certains points ''x'' de ''E'' une représentation graphique du vecteur ''f''(''x'') (si le champ de vecteurs ne dépend pas du temps ''t''), à l'image de la figure de droite. Une courbe intégrale satisfaisant à la condition de Cauchy ''C'' peut s'imaginer comme la trajectoire d'un bouchon placé dans l'eau à l'instant ''t''<sub>0</sub> à la position ''x''<sub>0</sub>. Pour connaître d'un seul coup toutes les solutions de l'équation différentielle, il suffit de connaître le mouvement de la surface de l'eau, appelé ''flot'', ''coulée'' ou encore ''courant''<ref>{{harvsp|Leborgne|1982|p=228}}.</ref>.

Avec ce concept, le théorème de Cauchy-Lipschitz prend une nouvelle forme :
{{énoncé|Si ''f'' est continue et localement lipschitzienne par rapport à la deuxième variable, le flot est continu, dérivable par rapport à la première variable et localement lipschitzien par rapport à la deuxième.}}

Il est possible d'aller plus loin si ''f'' est plus régulière.

{{énoncé|Si ''f'' est de classe C{{exp|''p''}}, le flot l'est aussi.}}

Cette forme du théorème est plus forte que la précédente. Elle montre la régularité des solutions sous l'action d'une petite modification de la condition de Cauchy. Cet énoncé garantit l'absence d'une certaine forme de [[théorie du chaos|chaos]]. Les bifurcations sont impossibles et, sous réserve que ''t'' ne grandisse pas trop, les trajectoires restent proches si la condition de Cauchy est peu modifiée. Néanmoins, si le champ de vecteurs évolue avec le temps ou si ''E'' est de dimension strictement supérieure à deux, une autre forme de chaos peut s'installer.

Les formes précises des théorèmes et les démonstrations sont données dans l'article détaillé.

=== Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà ===
{{Article détaillé|Théorème de Cauchy-Peano-Arzelà}}
[[Fichier:Contre-exemple-pour-Cauchy-.jpg|vignette|Une bille roulant sur un demi-cylindre.]]
À la fin du {{s-|XIX}}, [[Giuseppe Peano]], un mathématicien italien, s'interroge sur les généralisations possibles du théorème de Cauchy-Lipschitz sous des hypothèses plus faibles<ref>{{article|lang=it|prénom=G.|nom=Peano|titre=Sull’integrabilità delle equazioni differenziali del primo ordine|revue=Atti Accad. Sci. Torino|vol=21|année=1886|p.=677-685}}.</ref> : que se passe-t-il si la fonction ''f'', définissant l'équation (1), reste continue mais n'est pas localement-lipschitzienne par rapport à la deuxième variable ?

Une situation physique correspondant à ce cas est une bille roulant sans frottement sur l'arête d'un toit en V inversé aux branches de pente constante. Notons ''x'' la coordonnée transversale (perpendiculairement à l'arête) et ''y'' la coordonnée longitudinale (parallèlement à l'arête). En appliquant les lois de la mécanique, on obtient une [[#Équation différentielle autonome du premier ordre|équation différentielle autonome du premier ordre]] dans '''R'''{{2}}, si l'on ne considère que les solutions qui penchent vers les valeurs positives de ''x'' :

<center><math>\begin{cases} \frac {\mathrm d x}{\mathrm dt} = \lambda \sqrt x \\ \frac {\mathrm d y}{\mathrm dt} = \mu.\end{cases}</math></center>

Si ''t''<sub>0</sub> désigne un réel positif, toutes les solutions suivantes vérifient l'équation précédente, pour la même condition de Cauchy, à savoir que le solide est à l'instant 0, à la position (0,0) :
<center><math>\begin{cases} x = 0 \text{ si } t \le t_0\,,\; x= \frac {\lambda^2}4(t-t_0)^2 \text{ sinon} \\ y = \mu t.\end{cases}</math></center>

D'autres exemples sont donnés dans l'article détaillé.

Ici, on remarque que si l'unicité n'est plus valable, l'existence reste vraie. De manière plus générale, si la fonction ''f'' de l'équation (1) est continue et bornée et si ''E'' est de dimension finie, l'existence d'une solution est garantie. Ce résultat est appelé ''théorème de Cauchy-Peano-Arzelà''.

Quand on lui adjoint le critère d'unicité d'[[William Fogg Osgood|Osgood]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Gerald Teschl]]|titre=Ordinary Differential Equations and Dynamical Systems|lieu=Providence|éditeur=[[American Mathematical Society|AMS]]|année=2012|pages totales=356|passage=58|isbn=978-0-8218-8328-0|lire en ligne=https://www.mat.univie.ac.at/~gerald/ftp/book-ode/ode.pdf}}.</ref>, on obtient la même conclusion que Cauchy-Lipschitz, sous des hypothèses plus faibles.

=== Extension aux équations aux dérivées partielles ===
La généralisation du théorème pour les [[équation aux dérivées partielles|équations aux dérivées partielles]] suppose des hypothèses plus fortes pour un résultat plus faible. La fonction ''f'' définissant l'équation doit être [[fonction analytique|analytique]] ainsi que les [[condition aux limites|conditions aux limites]] qui remplacent celle de Cauchy. Aucune information n'est fournie dans le cas d'une modification des conditions aux limites ou d'un paramètre. Ce théorème est appelé : [[théorème de Cauchy-Kowalevski]].

== Démonstrations ==
Les preuves du théorème utilisent de façon fondamentale un théorème d'analyse fonctionnelle : ou bien le [[théorème d'Ascoli]]<ref>{{Lien web|url=https://www.math.univ-toulouse.fr/~fboyer/_media/enseignements/agreg/cours_edo_agreg_fboyer.pdf|auteur=Franck Boyer|titre=Agrégation externe de mathématiques – 
Équations différentielles ordinaires|sous-titre=2.2.4 Existence : la preuve via la méthode d'Euler|date=2017|page=8-9}}.</ref>, ou bien le [[théorème du point fixe de Banach]]. C'est le second qui sera invoqué ici.

=== Préambule ===
[[Fichier:Cauchy-Lipschitz-(1).jpg|upright=2.5|vignette|La suite (''u'' <sub>n</sub>) [[Convergence uniforme|converge uniformément]] sur un intervalle contenant [-5/2,&nbsp;5/2]. La limite est illustrée en rouge.]]
Pour comprendre le mécanisme de la preuve, reprenons l'[[#Étude d'une courbe intégrale|exemple de l'équation différentielle définissant la courbe logistique]], avec la condition de Cauchy ''C'' :
<center><math>\frac {\mathrm d x}{\mathrm d t} = x - x^2 \quad \text{avec la condition }C~:\quad x(0)=\frac12</math>.</center>

On définit une suite de fonctions polynomiales (''u{{ind|n}}'') par récurrence :
<center><math>\forall t \in\R \quad u_0(t) = \frac 12 \quad\text{et}\quad u_{n+1}(t) = \frac 12 + \int_0^t [u_n(\tau) - u_n^2(\tau)] \,\mathrm d\tau.</math></center>

Sur l'intervalle [–5/2, 5/2], la suite (''u''<sub>n</sub>) [[Convergence uniforme|converge uniformément]]. Sa limite est un point fixe de la fonction φ qui à une fonction continue ''f'' de [–5/2,&nbsp;5/2] dans '''R''' associe la fonction φ{{ind|''f''}} :
<center><math>\varphi_f(t) = \frac 12 + \int_0^t [f(\tau) - f^2(\tau)] \,\mathrm d \tau</math>.</center>

[[Fichier:Cauchy-Lipschitz-(2).jpg|upright=2.5|vignette|En réitérant la même méthode, on finit par obtenir une solution maximale.]]
En dérivant l'égalité φ{{ind|''u''}} = ''u'', on vérifie que ''u'' est bien une solution de l'équation différentielle étudiée et par construction ''u''(0)&nbsp;=&nbsp;1/2. Cette démarche est celle de la démonstration de [[Ernst Leonard Lindelöf|Lindelöf]]. Il constate que si l'intervalle est bien choisi, la fonction φ vérifie la condition de Lipschitz avec un coefficient strictement plus petit que 1, elle est donc contractante, ce qui permet de faire usage du théorème du point fixe. Comme une application contractante n'admet qu'un unique point fixe, l'unicité d'une solution locale est démontrée.

Cette méthode permet de trouver ''localement'' une solution. En revanche, pour la valeur 3, la suite (''u''<sub>n</sub>) diverge. Cependant rien n'empêche de répéter la même démarche avec les deux conditions de Cauchy (5/2,&nbsp;''u''(5/2)) et (–5/2,&nbsp;''u''(–5/2)), il devient ainsi possible de prolonger la solution. Quitte à réitérer la démarche une infinité de fois, on finit par obtenir une solution maximale.

L'intérêt de la démarche est surtout théorique. Dans le [[Fonction logistique (Verhulst)|cas particulier de l'exemple, il est aisé d'intégrer directement]] l'équation différentielle. Dans le cas général, il existe des méthodes plus rapides pour obtenir une approximation de la solution, comme [[Méthode d'Euler|celle d'Euler]] décrite dans la [[#Origines|partie « Fragments d'histoire »]] ou encore [[Méthodes de Runge-Kutta|celle de Runge-Kutta]]. En revanche, il est possible de démontrer dans le cadre général du théorème de l'article qu'une fonction construite de la même manière que φ est [[application contractante|contractante]], ce qui montre l'existence ''et l'unicité'' d'un point fixe, solution de l'équation différentielle. Cette démarche, caractéristique de l'[[Analyse fonctionnelle (mathématiques)|analyse fonctionnelle]], permet donc de démontrer un résultat plus fort que celui qu'avait démontré Cauchy.

=== Solution locale ===
L'objectif de ce paragraphe est d'expliquer la méthode permettant de montrer<ref name=démo>Voir par exemple {{ouvrage|titre=Équations différentielles|auteur=Bernard Randé|éditeur=Techniques Ingénieur|url={{Google Livres|a3d7cwJ8xw0C|page=4}}<!--p. 3 inaccessible-->|passage=3-6}} ou {{Note autre projet|wikiversité|Calcul différentiel/Équations différentielles|chapitre « Équations différentielles » de la leçon de calcul différentiel|début=le}}</ref> que l'équation (1) admet localement une unique solution satisfaisant la condition de Cauchy ''C''. Par translations, on se ramène sans peine au cas (''t''{{ind|0}}, ''x''{{ind|0}}) = (0, 0). La condition ''C'' s'écrit alors : ''x''(0) = 0.

On suppose que ''f'' est localement lipschitzienne par rapport à la seconde variable et continue<ref group=Note>Compte tenu de la condition de Lipschitz précédente, la continuité de ''f'' par rapport à sa première variable suffit à assurer sa continuité par rapport au couple : voir par exemple {{Note autre projet|wikiversité|Topologie générale/Exercices/Espaces métriques#Exercice 2|exercice corrigé de la leçon « Topologie générale »|début=cet}}</ref>. Comme Ω est un ouvert, il existe un réel strictement positif ''a'' tel que le produit du segment [–''a'', ''a''] par la [[Boule (mathématiques)|boule]] fermée ''B'' de centre 0 et de rayon ''a'' soit inclus dans Ω et tel que sur ce produit, ''f'' soit ''k''-lipschitzienne par rapport à la deuxième variable pour un certain ''k'', et de norme majorée par un réel ''m''. Soit enfin ''b'' ≤ ''a'' un réel strictement positif, assez petit pour que ''bm'' ≤ ''a'' et {{nobr|''bk'' < 1.}} Ce réel ''b'' permet de définir un espace ''F'' de fonctions sur lequel on construit une application Φ satisfaisant au [[application contractante|théorème du point fixe]] :
* ''F ''est l'espace des applications continues de [–''b'',&nbsp;''b''] dans ''B'', muni de la norme de la convergence uniforme. Il est [[espace complet|complet]] car ''B'' l'est
* Φ est l'application qui à toute fonction ''u'' de ''F'' associe la fonction Φ{{ind|''u''}} définie par [[Fonction réglée#Fonctions à valeurs dans un Banach|intégration (à valeurs dans ''E'')]] :<center><math>\forall t \in [-b,b] \quad \Phi_u(t) =\int_0^t f(\tau,u(\tau)) \mathrm d \tau.</math></center>

On démontre alors<ref name=démo/> que la fonction Φ est à valeurs dans ''F'', et qu'elle est ''bk''-lipschitzienne donc contractante, puisque ''bk'' < 1.

Les hypothèses du théorème du point fixe étant réunies, on en déduit que Φ admet un unique point fixe dans ''F''. D'après le [[théorème fondamental de l'analyse]] (étendu aux espaces de Banach), cela revient à dire que le problème de Cauchy admet sur [–''b'',&nbsp;''b''] une unique solution à valeurs dans ''B''.

On montrerait de même que pour tout ε de [0, ''b''], il existe sur [–ε, 0] et sur [0, ε], une unique solution ''à valeurs dans B'' du problème de Cauchy. Pour finir de démontrer l'unicité locale à gauche et à droite, on montre de plus<ref name=démo/> qu'une solution sur [–ε, 0] ou [0, ε] du problème de Cauchy est nécessairement à valeurs dans ''B''.

Tout ceci se résume en un premier théorème :

{{théorème|nom=Théorème de Cauchy-Lipschitz local|
Il existe sur [–''b'',&nbsp;''b''] une solution du problème de Cauchy constitué de l'équation (1) et de la condition initiale ''C'', et toute solution sur un sous-intervalle (contenant 0) en est une restriction.}}

Une méthode pratique pour trouver le point fixe est de construire une suite (''u{{ind|n}}'') qui vérifie la relation de récurrence : ''u''{{ind|''n''+1}}&nbsp;=&nbsp;Φ{{ind|''u{{ind|n}}''}}, la suite converge nécessairement vers le point fixe. Cette technique est celle utilisée dans le préambule.

=== Solution maximale ===
À l'exception de l'unicité de la solution locale, le paragraphe précédent résume le résultat démontré à l'époque de Cauchy. Il n'offre aucune information sur l'existence ou l'unicité d'une solution maximale vérifiant la condition de Cauchy ''C''. Ces résultats, plus tardifs, sont les deux points suivants, qui se déduisent<ref name=démo/>{{,}}<ref>{{harvsp|Berger|Gostiaux|p=45-46}}, dans le cas autonome.</ref> respectivement de l'existence et de l'unicité du théorème local ci-dessus :

{{théorème|nom=Corollaire|
*L'intervalle de définition d'une solution maximale de l'équation (1) est ouvert.
*Il existe une unique solution maximale du problème de Cauchy constitué de l'équation (1) et de la condition ''C''.}}

Autrement dit, ({{cf.}} [[#Vocabulaire spécifique|§ « Vocabulaire spécifique »]]) : ce problème possède une solution non seulement maximale mais maximum, c'est-à-dire dont toute solution définie sur un intervalle est une restriction. Ainsi, grâce à l'unicité locale, on a redémontré directement à peu de frais que toute solution possède un prolongement en une solution maximale.

=== Équation différentielle non autonome ===
Signalons accessoirement qu'à l'aide d'un jeu d'écriture, il est possible de généraliser le cas particulier des équations autonomes aux équations dépendantes du temps. Soit
<center><math>g:\Omega\to\R\times E,\ y\mapsto(1, f(y))</math>.</center>

En désignant par ''y''<sub>0</sub> le point (''t''<sub>0</sub>,&nbsp;''x''<sub>0</sub>) de Ω, on considère le problème de Cauchy suivant :
<center><math>(2)\quad y' = g(y) \quad\text{avec la condition de Cauchy }C_2\quad y(t_0) = y_0.</math></center>

La fonction ''g'' est localement lipschitzienne dès que ''f'' l'est<ref>Voir {{harvsp|Berger|Gostiaux|p=49}}, qui ne traite que ce cas.</ref>. Cependant, le théorème général ne se déduit pas immédiatement de cette remarque car son énoncé ne suppose pas que ''f'' est localement lipschitzienne, mais seulement qu'elle est continue et localement lipschitzienne par rapport à sa deuxième variable.

== Solutions maximales et solutions globales ==
On suppose ici que l'ouvert Ω est de la forme ''I ''× ''E'', où ''I ''est un intervalle ouvert de '''R'''. Toute solution globale (c'est-à-dire définie sur ''I ''tout entier) de l'équation (1) est évidemment maximale, mais la réciproque est fausse en général, comme le montre l'exemple de l'équation ''x' = x''{{2}}. Divers théorèmes « d'échappement » ou « d'explosion », parfois joints au [[lemme de Grönwall]], donnent des conditions suffisantes pour une telle réciproque, le plus connu étant le [[lemme des bouts]], ou théorème d'explosion en temps fini. L'énoncé suivant, qui suffit par exemple dans la théorie des [[Équation différentielle linéaire|équations différentielles linéaires]], se démontre directement<ref>{{Note autre projet|wikiversité|Calcul différentiel/Équations différentielles|chapitre « Équations différentielles » du cours de calcul différentiel|début=Voir par exemple le}}</ref> :
{{théorème|Théorème de Cauchy-Lipschitz global|Si ''f'' (définie sur ''I ''× ''E'') est, localement par rapport à sa première variable, lipschitzienne par rapport à la seconde, alors toute solution maximale de (1) est globale.}}

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{références|groupe="Note"}}
=== Références ===
{{Références}}

=== Ouvrages cités ===
* {{BergerGostiaux1}} {{Commentaire biblio|Ce livre présente une approche un peu plus complète que {{harvsp|Arnaudiès|2000}}. Elle se limite au cas où ''E'' est un espace vectoriel de dimension finie, mais va plus loin que la présentation générale car traite aussi de l'équation sous forme de flot et montre la continuité du flot.}}
* {{Ouvrage|auteur1=Srishti D. Chatterji|titre=Cours d'analyse|volume=3|titre volume=Équations différentielles ordinaires et aux dérivées partielles|éditeur=[[PPUR]]|année=1998|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|nTkXLPD-XuwC|page=58}}}}
* {{Demailly1}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Andreï Kolmogorov|A. N. Kolmogorov]]|auteur2=[[Adolf P. Youschkevitch|A. P. Yushkevich]]|titre=Mathematics of the 19th Century|volume=3|titre volume=Function Theory According to Chebyshev: Constructive Function Theory, Ordinary Differential Equations, Calculus of Variations, Theory of Finite Differences|éditeur=[[Birkhäuser]]|année=1998|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|Mw6JMdZQO-wC|page=86}}}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Serge Lang|S. Lang]]|titre=Analysis|volume=II|éditeur=[[Addison-Wesley]]|année=1969}}{{Commentaire biblio|Cette référence est relativement complète, et d'orientation moins géométrique que {{harvsp|Malliavin|1972}}.}}
* {{chapitre|auteur=[[François Laudenbach]]|titre=Équations différentielles|titre ouvrage=Aspects des systèmes dynamiques|auteurs ouvrage=[[Nicole Berline]] et [[Claude Sabbah]]|éditeur=[[École polytechnique (France)|Éditions de l’École polytechnique]]|année=2009|isbn=978-2-73021560-2|passage=1-16}}
* {{Ouvrage|auteur1=D. Leborgne|titre=Calcul différentiel et géométrie|éditeur=[[PUF]]|année=1982|isbn=978-2-13-037495-4}}{{Commentaire biblio|Ce livre suppose déjà connu le théorème dans le cas des espaces de Banach ; il le généralise aux variétés différentielles.}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Paul Malliavin|P. Malliavin]]|titre=Géométrie différentielle intrinsèque|éditeur=[[Hermann (éditions)|Hermann]]|année=1972|isbn=978-2-7056-5696-6}}{{Commentaire biblio|Cette référence est encore plus complète, mais plus ardue que {{harvsp|Lang|1977}}. On y trouve les démonstrations associées au cas où le champ de vecteurs est infiniment différentiable.}}
* {{article|auteur=[[Jean Mawhin]]|url=http://archive.numdam.org/article/CSHM_1988__9__231_0.pdf|titre=Problème de Cauchy pour les équations différentielles et théorie de l'intégration : influences mutuelles|revue=[[Cahiers du séminaire d'histoire des mathématiques]]|vol=9|année=1988}}
* {{ouvrage|titre=L'épreuve d'exposé au [[CAPES]] mathématiques|volume=2|éditeur=Publibook|auteur=Dany-Jack Mercier|année=2006|isbn=978-2-74833001-4|url=<!--inaccessible https://books.google.fr/books?id=rOp3DAYCCn8C-->}}
* {{Ouvrage|auteur1=F. Paulin|titre=Topologie, analyse et calcul différentiel|éditeur=École Normale Supérieure|année=2008|passage=255-272|isbn=|lire en ligne=http://www.math.u-psud.fr/~paulin/notescours/cours_analyseI.pdf|numéro chapitre=7.5|titre chapitre=Théorie de Cauchy-Lipschitz}}{{Commentaire biblio|Ce cours propose une vision complète de la théorie. Elle est plus générale que l'article car elle traite aussi de l'équation différentielle linéaire et du flot.}}

== Voir aussi ==
=== Articles connexes ===
* [[Critère de Nagumo]]
* {{page h|Théorème d'unicité|Théorèmes d'unicité}}

=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|auteur1=[[Jean-Marie Arnaudiès|J.-M. Arnaudiès]]|titre=Équations différentielles de fonctions de variable réelle ou complexe|éditeur=[[Éditions Ellipses|Ellipses]]|année=2000|isbn=978-2-7298-0045-1}}{{Commentaire biblio|Ce livre présente une première approche du théorème. Il correspond à un contenu général sur les équations différentielles, commun à tous les cours de licences sur cette question.}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Serge Lang|S. Lang]]|titre=Analyse Réelle|lieu=Paris|éditeur=InterEditions|année=1977|pages totales=230|isbn=978-2-7296-0059-4}}{{Commentaire biblio|Ce livre est plus complet que {{harvsp|Arnaudiès|2000}}, {{harvsp|Berger|Gostiaux|texte=Berger&Gostiaux 1992}} et {{harvsp|Demailly|texte=Demailly 2006}} puisque le cas général des espaces de Banach est traité, ainsi que le caractère ''C{{exp|p}} ''du flot.}}
* [[Lev Pontriaguine]], ''Équations différentielles ordinaires'', Moscou, Éditions Mir, 1969{{Commentaire biblio|Un des meilleurs livres, en français, sur le sujet avec un exposé très clair sur l'[[application de Poincaré]] utilisée dans la [[théorie du chaos]].}}
* Nicolas Rouche et Jean Mawhin, ''Équations différentielles ordinaires'' (vol. 1 : ''Théorie générale'', vol. 2 : ''Stabilité et solutions périodiques''), Masson, Paris, 1973

=== Liens externes ===
==== Histoire ====
* [[Augustin-Louis Cauchy|A. L. Cauchy]], ''Leçons de calcul différentiel et intégral'', 1844, [https://books.google.fr/books?id=booAAAAAMAAJ&pg=PA385 {{26e|leçon}}, {{p.|385-396}}]

==== Mathématiques ====
* A. Popier et O. Wintenberger, ''[http://wintenberger.fr/cours/equa_diff.pdf Équations différentielle]'', École Polytechnique {{Commentaire biblio|Ce document propose une vision plus partielle de la théorie que {{harvsp|Paulin|2008}}. Seule la régularité de la courbe intégrale est étudiée, celle du flot n'est pas abordée. En revanche, l'hypothèse de la seule continuité de ''f'' est étudiée et la version de Peano-Arzelà est démontrée.}}
* N. Petit et P. Rouchon, ''[https://cel.archives-ouvertes.fr/cel-00439061 Théorème de Cauchy]'', École des Mines de Paris, {{p.|203}} {{Commentaire biblio|Ce document présente une vision plus simple. La méthode de l'approximation d'Euler est utilisée au détriment de celle du point fixe. Seuls les théorèmes d'existence de solutions intégrales sont traités.}}
* R. Rolland, ''[http://robert.rolland.acrypta.com/telechargements/analyse/equadiff.pdf Équations différentielles ordinaires]'', {{Commentaire biblio|Cours de niveau licence présentant tout d'abord une vision géométrique puis les théorèmes généraux (méthode du point fixe et méthode de compacité), les variations des intégrales en fonction des données, une première approche des méthodes numériques.}}

{{Palette|Augustin Louis Cauchy|Équations différentielles}}
{{Portail|analyse}}
{{Bon article|vote=BA|oldid=39928604|date=20 avril 2009}}

[[Catégorie:Théorème d'analyse|Cauchy-Lipschitz]]
[[Catégorie:Équation différentielle|Theoreme de Cauchy-Lipschitz]]
[[Catégorie:Augustin Louis Cauchy]]