Voir la source de Théorème de Stokes

{{À recycler|date=11 décembre 2017|thème=physique}}
{{À sourcer|date=décembre 2017}}

{{voir homonymie|Stokes}}

[[Fichier:Lord Kelvin photograph.jpg|thumb|William Thomson (Lord Kelvin).]]
[[Fichier:SS-stokes.jpg|thumb|upright=0.7|George Stokes.]]

En [[mathématiques]], et plus particulièrement en [[géométrie différentielle]], le '''théorème de Stokes''' (parfois appelé '''théorème de Stokes-Cartan''') est un résultat central sur l'[[intégration (mathématiques)|intégration]] des [[forme différentielle|formes différentielles]], qui généralise le [[second théorème fondamental de l'analyse]], ainsi que de nombreux théorèmes d'[[analyse vectorielle]]. Il possède de multiples applications, fournissant ainsi un formulaire qu'utilisent volontiers physiciens et ingénieurs, particulièrement en [[mécanique des fluides]].

Le théorème est attribué à Sir [[George Gabriel Stokes]], mais le premier à  démontrer ce résultat est en réalité le scientifique russe [[Mikhaïl Ostrogradski|Ostrogradsky]] qui le présenta à Paris dans les années 1820. [[William Thomson (Lord Kelvin)|Lord Kelvin]] le redécouvrit 20 ans plus tard à Cambridge et en énonça un résultat particulier pour le rotationnel d'un champ de vecteurs. Le mathématicien et le [[physicien]] entretiennent à ce sujet une correspondance active de 1822 à 1853<ref>{{Wilson1}}.</ref>. Ce résultat est parfois appelé {{citation|théorème de Kelvin-Stokes}}, ou parfois simplement ''théorème de Stokes'', ce qui est une erreur historique<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Michèle Audin]]|titre=La formule de Stokes, roman|lieu=Paris|éditeur=Cassini|année=2016|pages totales=298|isbn=978-2-84225-206-9}}.</ref>, même pour  le cas particulier du théorème concernant la [[Circulation d'un champ vectoriel|circulation]] du [[rotationnel]], qu'on trouvera décrite dans [[#Sens physique de la formule de Stokes|le paragraphe concernant le sens physique du théorème]].

== Énoncé et démonstration ==
{{théorème|Théorème de Stokes<ref>Frank W. Warner, p 148.</ref>{{,}}<ref>Alexandru Oancea, p 127.</ref>|Soit {{mvar|M}} une [[variété différentielle]] à [[Variété à bord|bord]], [[Orientabilité|orientée]] de dimension {{mvar|n}}, et {{mvar|ω}} une {{math|(''n''–1)}}-[[forme différentielle]] à [[support de fonction|support compact]] sur {{mvar|M}} de [[classe de régularité|classe]] {{math|''C''{{1}}}}. Alors, on a :
<center><math>\int_M\!\mathrm d\omega=\int_{\partial M}\!i^*\omega</math></center>
où {{math|d}} désigne la [[dérivée extérieure]], {{math|∂''M''}} le bord de {{mvar|M}}, muni de l'orientation induite<ref>Alexandru Oancea, p 132</ref>, et <math>i^*\omega=\omega|_{\partial M}</math> la [[Restriction (mathématiques)|restriction]] de {{mvar|ω}} à {{math|∂''M''}}. }}
La démonstration actuelle demande de disposer d'une bonne définition de l'intégration ; son  apparente simplicité est trompeuse.
L'idée est d'utiliser une [[partition de l'unité]] adaptée au problème dans la définition de l'intégrale d'une forme différentielle, et de se ramener à un cas presque évident.

Soit {{math|{''U{{ind|i}}''}{{ind|''I''}}}} un recouvrement ''localement fini'' de {{mvar|M}} par des domaines de cartes locales <math>\phi_i:U_i\rightarrow \phi_i(U_i)\subset \R^n</math>, telles que :
<center><math>\phi_i(U_i\cap \partial M)=\phi_i(U_i)\cap (\{0\}\times \R^{n-1}).</math></center>
Introduisons {{mvar|χ{{ind|i}}}} une partition de l'unité subordonnée à {{math|{''U{{ind|i}}''}}}. Comme le support de {{mvar|ω}} est fermé, la forme différentielle {{mvar|ω}} s'écrit :
<center><math>\omega=\sum \chi_{i}\omega</math></center>
où la sommation est à support fini. Posons <math>\beta_i=\phi_i^*\left[\chi_i\omega\right]</math>, forme différentielle à support compact de {{math|''M'''}} = ℝ{{ind|+}}×ℝ{{exp|''n''–1}}. La restriction <math>\phi_i|_{\partial M}</math> est un [[difféomorphisme]] sur son image préservant les orientations induites. On a donc :
<center><math>\int_{\partial M}\!\left[\chi_i\omega\right]=\int_{\partial M'}\! \beta_i.</math></center>
Comme {{mvar|ϕ{{ind|i}}*}} commute avec l'opérateur de différentiation {{math|d}}, on a :
<center><math>\int_M\! \mathrm d\left[\chi_i\omega\right]=\int_{M'}\! \mathrm d\beta_i.</math></center>
Par sommation, le théorème de Stokes est démontré une fois établi le cas particulier {{math|''M'''}} = ℝ{{ind|+}}×ℝ{{exp|''n''–1}}.

Une (''n''-1)-forme {{mvar|ω}} sur {{math|''M'''}} = ℝ{{ind|+}}×ℝ{{exp|''n''–1}} s'écrit :
<center><math>\omega=\sum_{i=1}^n f_i\cdot \mathrm dx_1\wedge\dots\wedge \widehat{\mathrm dx_i}\wedge \dots \wedge \mathrm dx_n</math></center>
où le chapeau désigne une omission. On trouve alors :
<center><math>\begin{align}\mathrm d\omega&=\sum_{i=1}^n \left( \sum_{j=1}^n \frac{\partial f_i}{\partial x_j} \mathrm dx_j \right)\wedge \mathrm dx_1\wedge\dots\wedge \widehat{\mathrm dx_i}\wedge \dots \wedge \mathrm dx_n\\
&=\sum_{i=1}^n (-1)^{i-1}\frac{\partial f_i}{\partial x_i}\mathrm  dx_1\wedge\dots\wedge\mathrm dx_n.\end{align}</math></center>
Le [[théorème de Fubini]] donne :
<center><math>\begin{align}
\int_{\R_+\times\R^{n-1}}\! \mathrm d\omega&=\sum_{i=1}^n\int_{\R_+\times\R^{n-1}} (-1)^{i-1}\frac{\partial f_i}{\partial x_i}\mathrm dx_1 \dots \mathrm dx_n\\
&=\int_{\R^{n-1}}\!\left(\int_0^{+\infty}\frac{\partial f_1}{\partial x_1} \mathrm dx_1\right) \mathrm dx_2\dots\mathrm dx_n+ \sum_{i=2}^n \int_{\R_+\times\R^{n-2}} (-1)^{i-1}\!\left(\int_\R \frac{\partial f_i}{\partial x_i}\mathrm dx_i \right)\mathrm dx_1\dots\widehat{\mathrm dx_i}\dots\mathrm dx_n.\end{align}</math></center>
L'hypothèse que la forme {{mvar|ω}} est à support compact permet alors de finir le calcul, car les termes <math>\textstyle\int_\R \frac{\partial f_i}{\partial x_i}\mathrm dx_i</math> pour {{math|''i'' ≥ 2}} sont tous nuls :
<center><math>\int_{\R_+\times\R^{n-1}}\!\mathrm d\omega =-\int_{\R^{n-1}} f_1(0,x_2,\dots,x_n) \mathrm dx_2\dots \mathrm dx_n=\int_{\R^{n-1}} i^*\omega,</math></center>
d'où le résultat.

== Théorème fondamental de l'intégration ==

Si {{mvar|f}} est une fonction {{math|''C''{{exp|∞}}}} de la variable réelle, alors {{mvar|f}} est une forme différentielle de degré zéro, dont la [[différentielle]] est {{math|''f{{'}}''(''x'') d''x''}}. 
Le bord orienté de {{math|[''a'' , ''b'']}} est {{math|{''b''} – {''a''}}} (extrémité avec l'orientation '''+''' et origine avec l'orientation '''–'''), quelles que soient
les valeurs relatives de {{mvar|a}} et {{mvar|b}}.
La formule de Stokes donne dans cette situation :
<center><math>\int_a^bf'(x)\mathrm dx=f(b)-f(a).~</math></center>

En fait, le théorème de Stokes est la généralisation de cette formule aux dimensions supérieures. La difficulté se trouve bien davantage dans la mise en place du bon cadre (formes différentielles, [[variété (géométrie)|variétés]] à bord ou éventuellement plus générales, [[orientation (mathématiques)|orientations]]) que dans la démonstration, qui repose sur le [[second théorème fondamental de l'analyse]] et un argument de [[partition de l'unité]].

== Formule de Green-Riemann ==
{{article détaillé|théorème de Green}}
Soit {{mvar|U}} un domaine compact lisse de ℝ{{2}} et {{math|''α {{=}} f'' d''x'' + ''g'' d''y''}} une 1-forme différentielle sur ℝ{{2}}. Alors, la formule de Stokes s'écrit :
<center><math>\int_{\partial U} \alpha = \int_{\partial U}\! [f \mathrm dx+g \mathrm dy]=\iint_U \left[\frac{\partial g}{\partial x} -\frac{\partial f}{\partial y}\right] \,\mathrm dx\,\mathrm dy.</math></center>

La formule de [[George Green (physicien)|Green]]-[[Bernhard Riemann|Riemann]] est utilisée en géométrie pour démontrer l'[[inégalité de Poincaré]].

== Formule d'[[Mikhaïl Ostrogradski|Ostrogradski]] ==
{{article détaillé|théorème de Green-Ostrogradski}}
Soit {{mvar|K}} un domaine compact à bord lisse de ℝ{{3}} et posons {{math|''ω'' {{=}} d''x'' ∧ d''y'' ∧ d''z''}} une forme volume sur ℝ{{3}}. Si {{mvar|X}} est un [[champ de vecteurs]] sur un voisinage ouvert de {{mvar|K}}, alors sa [[Divergence (analyse vectorielle)|divergence]] {{math|div(''X'')}} vérifie
<center><math>\mathrm d(\iota_X\omega)=\mathrm{div}(X)\cdot\omega</math></center>
où {{mvar|ι{{ind|X}}ω}} désigne le  [[produit intérieur]] de {{mvar|ω}} par {{mvar|X}}. La formule de Stokes s'écrit alors
<center><math>\int_{\partial K} \iota_X\omega = \int_K \mathrm{div}(X)\cdot\omega</math></center>
soit, dans les coordonnées où {{math|''X'' {{=}} (''f'', ''g'', ''h'')}},
<center><math>\iint_{\partial K}\! \left[f \mathrm dy\wedge \mathrm dz+g \mathrm dz\wedge \mathrm dx+h \mathrm dx\wedge \mathrm dy\right]=\iiint_K\! \left[\frac{\partial f}{\partial x}+\frac{\partial g}{\partial y}+\frac{\partial h}{\partial z}\right]\, \mathrm dx\,\mathrm dy\,\mathrm dz.</math></center>

== Sens physique de la formule de Stokes ==

Notons <math>\mathrm d\vec S</math> le champ de vecteurs normal sortant d'un domaine {{mvar|U}} [[relativement compact]] à bord régulier.
Soit {{mvar|X}} un champ de vecteurs défini au voisinage de l'adhérence de {{mvar|U}}. On définit la ''forme surfacique'' sur {{math|∂''U''}} par :
<center><math>\eta=\iota(N)(\mathrm dx\wedge \mathrm dy\wedge \mathrm dz)\big|_{\partial U}.</math></center>
On définit le [[Flux (mathématiques)|flux]] de {{mvar|X}} par :
<center><math>\oint_{\partial U} \vec X\ \mathrm d\vec S=\int_{\partial U}\langle X\mid N\rangle\cdot \eta.</math></center>
La formule d'Ostrogradski se réécrit alors :
<center><math>\oint_{\partial U} \vec X\ \mathrm d\vec S=\int_U (\mathrm{div} X) \, \mathrm dx\,\mathrm dy\,\mathrm dz.</math></center>

Soit {{math|∂''S''}} une [[courbe fermée]] orientée dans ℝ{{3}}, {{mvar|S}} une surface orientée dont le contour est {{math|∂''S''}}. L'orientation de {{math|∂''S''}} est induite par l'orientation de {{mvar|S}}.
Si le champ vectoriel <math>\vec{V}</math> admet des dérivées partielles continues, alors :

<center><math>\oint_{\partial S}\vec V \cdot \mathrm d\vec l = \iint_{S}\overrightarrow{\mathrm{rot}} \ \vec V \cdot \mathrm d\vec S</math></center>

où <math>\mathrm d\vec l</math> est le [[vecteur directeur]] de la courbe en tout point, <math>\overrightarrow{\mathrm{rot}}\ \vec V= \vec\nabla \wedge \vec V </math> le [[rotationnel]] de <math>\vec V</math>, et <math>\mathrm d \vec S</math> le [[vecteur normal]] à un élément de surface infinitésimal dont la [[norme (mathématiques)|norme]] est égale à la surface de l'élément.

Son application directe est le [[théorème d'Ampère]] (on l'applique au [[champ magnétique]]). De même, le [[théorème de flux-divergence]]  permet notamment de retrouver la version intégrale du [[Théorème de Gauss (électromagnétisme)|théorème de Gauss en électromagnétisme]].

== Application à l'[[Homologie et cohomologie|homologie]] ==

La formule de Stokes est utilisée pour démontrer le [[théorème de dualité de De Rham]].

Elle permet aussi de démontrer le [[lemme de Poincaré]]. Ce dernier s'avère d'une grande utilité pour comprendre les isotopies en homologie. Il est aussi utilisé notablement dans la preuve du [[théorème de Darboux (géométrie)|théorème de Darboux]] en [[géométrie symplectique]].

== Bibliographie ==
* Alexandru Oancea, ''Notes de cours de Géométrie différentielle'', [https://webusers.imj-prg.fr/~alexandru.oancea/2016-M1-GEO-DIFF/ZZZ_Cours_16092016.pdf]
* Frank W. Warner, ''Foundations of Differentiable Manifolds and Lie Groups''. [[Graduate Texts in Mathematics]]. [[Springer Science+Business Media|Springer-Verlag]]. 1983
* Jean-Christophe Trama, ''The Stokes' Theorem'', 2023. Rapport technique du CEA (№ CEA-R--6589) [https://inis.iaea.org/search/54095940].

== Références ==
{{Références}}

{{Palette|Analyse vectorielle}}
{{Portail|géométrie|physique}}

[[Catégorie:Théorème de géométrie différentielle|Stokes]]
[[Catégorie:Théorème de physique|Stokes]]
[[Catégorie:Forme différentielle]]
[[Catégorie:Équations de Navier-Stokes]]