Voir la source de Théorème de Wedderburn

{{Confusion|Théorème d'Artin-Wedderburn}}
En [[mathématiques]] et plus précisément en [[algèbre]], le '''théorème de Wedderburn''' affirme que tout [[corps (mathématiques)|corps]] qui est [[Corps fini|fini]] est nécessairement [[corps commutatif|commutatif]]. [[Joseph Henry Maclagen Wedderburn|Joseph Wedderburn]] l'a publié en 1905.
[[Fichier:Wedderburn.jpeg|vignette|<center>Joseph Wedderburn.</center>]]

== Énoncé du théorème ==
'''Théorème de Wedderburn. —''' ''Tout corps fini est commutatif.''

''Remarque sur la terminologie :'' diverses sources, notamment sous l'influence de l'anglais où le mot ''field'' désigne un [[corps commutatif]], posent la commutativité de la multiplication dans la définition d'un [[corps (mathématiques)|corps]] et en particulier pour les corps finis. Le théorème serait alors une [[tautologie (logique)|tautologie]] triviale si on interprétait ainsi l'expression « corps fini » qui y figure. L'énoncé ci-dessus doit être lu avec l'autre interprétation où la commutativité de la multiplication dans la définition de « corps » n'est pas exigée. Dans le cas contraire où elle est exigée, on peut énoncer le théorème ainsi: tout [[corps gauche]] (encore appelé anneau à division) fini est commutatif. On renvoie à l'article [[Corps (mathématiques)]] pour plus de détails sur la terminologie.

== Conséquence et généralisation ==

* Tout anneau sans [[diviseur de zéro]] et fini est un corps (a priori non commutatif), puisque la multiplication par un élément non nul, qui est injective par intégrité, est alors aussi [[Surjection|surjective]] dans le cas fini. Le théorème de Wedderburn affirmant l'inexistence d'un corps non commutatif fini, on en conclut qu'un [[anneau fini]] sans diviseur de zéro ne peut lui aussi qu'être un corps commutatif.

* Le théorème de Wedderburn est généralisé par le {{Lien|langue=en|trad=Artin–Zorn theorem|fr=théorème d'Artin–Zorn}} pour les {{Lien|langue=en|trad=Alternative ring|fr=anneaux alternatifs}}.

== Histoire ==
[[Leonard Eugene Dickson]], professeur à l'[[université de Chicago]], publie en 1901 la première présentation moderne de la théorie des [[corps fini|corps commutatifs finis]]<ref>{{en}} [[Leonard Eugene Dickson]], ''{{Langue|en|Linear Groups: With an Exposition of the Galois Field Theory}}'' (1901), rééd. Dover 2003 {{ISBN|9780486495484}}, Cosimo 2007 {{ISBN|9781602062870}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Rudolf|nom1=Lidl|auteur2=[[Harald Niederreiter]]|titre=Finite Fields|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1997|numéro d'édition=2|pages totales=755|passage=73|isbn=978-0-521-39231-0|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=xqMqxQTFUkMC&printsec=frontcover}}.</ref> (théorie initiée par [[Évariste Galois]] en 1830). [[Oswald Veblen]] travaille à cette époque sur les [[géométrie]]s sur des structures finies dans la même université. Joseph Wedderburn les rejoint en 1904-1905 et travaille en étroite collaboration avec eux.

En [[1905 en science|1905]], Wedderburn et Dickson publient chacun un article où il est démontré que tout corps fini est commutatif. Dickson attribue le résultat à Wedderburn. En effet, Wedderburn a communiqué une preuve du résultat à Dickson, et celui-ci, alors qu'il doute de sa véracité, finit par découvrir une preuve différente qu'il communique à son tour à Wedderburn. Ce dernier s'en inspire pour deux autres démonstrations qu'il publie, jointes à la première, dans son article. Ce n'est que plus tard que la première démonstration de Wedderburn apparut comme incomplète<ref>{{Article|lang=en|auteur=[[Karen Parshall|K. H. Parshall]]|titre=In pursuit of the finite division algebra theorem and beyond: Joseph H M Wedderburn, Leonard E Dickson, and Oswald Veblen|revue=Arch. Internat. Hist. Sci.|vol=33|année=1983|p.=274-299}}.</ref>{{,}}<ref name="Adam">{{en}} M. Adam et B. J. Mutschler, [http://www.uni-math.gwdg.de/mad/Wedderburn/Wedderburn.pdf ''On Wedderburn's theorem about finite division algebra''] : analyse de l'erreur de la première démonstration de Wedderburn.</ref>{{,}}<ref name="Ch">Gabriel Chênevert, [http://krab.fr/chenevert/PDF/Wedderburn.pdf Le théorème de Wedderburn] : aperçu historique comparatif de diverses preuves, dont celle [[Theodore Kaczynski]], qui n'emploie « que » la théorie des [[Groupe fini|groupes finis]].</ref>.

De nombreuses autres démonstrations de ce théorème, utilisant des outils mathématiques assez différents, ont été proposées depuis<ref name="Ch"/>{{,}}<ref name="Adam"/>. La première preuve de Wedderburn a elle-même été corrigée de plusieurs façons<ref name="Adam"/>.

== Démonstration ==
La démonstration proposée ici est due à [[Ernst Witt]]<ref>{{de}} [[Ernst Witt]], « Über die Kommutatitivät endlicher Schiefkörper », ''Abh. Math. Sem. Univ. Hambourg'', vol. 8, 1931, p. 413.</ref>{{,}}<ref>[[Martin Aigner]] et [[Günter M. Ziegler]], ''[[Raisonnements divins]]''<!--'' : Quelques démonstrations mathématiques particulièrement élégantes'', traduit de l’anglais par Nicolas Puech-->, {{2e}} éd., <!--Paris, -->Springer<!---Verlag-->, 2006, chap. 5 (« Tout corps fini est commutatif »), p. 27-31.</ref> en 1931. Elle peut se découper en quatre temps.
=== K est un espace vectoriel sur son centre ===
* ''K'' est un corps fini. Soient ''Z'' son [[Centre (algèbre)|centre]] (c'est un sous-corps commutatif de ''K'') et ''q'' = | ''Z'' | le cardinal de ''Z'' (qui vaut au moins 2 car ''Z'' contient 0 et 1).
* ''K'' est un ''Z''-[[espace vectoriel]] de dimension finie ''d'' = dim{{ind|''Z''}}(''K''). Le cardinal de ''K'' est alors |''K''| = ''q<sup>d</sup>''. Il s'agit, pour prouver que ''K'' est commutatif c'est-à-dire ''K = Z'', de démontrer que ''d'' = 1.
* Pour tout corps intermédiaire ''Z'' ⊂ ''K{{'}}'' ⊂ ''K'', la dimension ''d{{'}}'' de ''K{{'}}'' sur ''Z'' divise ''d'', puisqu'on vérifie facilement<ref name="Ch"/> en prenant des bases que ''d = d{{'}}{{'}}d{{'}}'', où ''d{{'}}{{'}}'' désigne la dimension de ''K'' considéré comme espace vectoriel (à gauche) sur le corps (non commutatif a priori) ''K{{'}}''. (On pourrait également utiliser simplement le Théorème de Lagrange stipulant que l'ordre de chaque élément d'un groupe divise l'ordre du groupe)

Soient ''x'' un élément de ''K'' et ''Z<sub>x</sub> ''l'ensemble des éléments de ''K'' commutant avec ''x''. ''Z<sub>x</sub> ''est un sous-corps de ''K'' contenant ''Z''. D'après le point précédent, ''d<sub>x</sub> ''= dim<sub>''Z''</sub>(''Z<sub>x</sub>'') divise ''d''.

=== Formule des classes pour l'action de ''K''<sup>×</sup> sur lui-même par conjugaison. ===
{{Article détaillé|Action par conjugaison}}
Notons ''K''<sup>×</sup> le groupe multiplicatif de ''K'', constitué des éléments inversibles de ''K''. ''K''<sup>×</sup> [[action de groupe (mathématiques)|agit]] sur lui-même par conjugaison par <math>g.x = gxg^{-1} \;</math> pour <math> g,x \in K^\times \times K^\times\;</math>.

* Le cardinal de l'orbite <math>\omega_x\;</math> d'un élément <math>x\;</math> de ''K''<sup>×</sup> est <math>|\omega_x| = |K^\times|/|Z^\times_x|\;</math> où, rappelons, <math>Z^\times_x\ = \{g \in K^\times | g.x = x.g\}\;</math>. La conjugaison est triviale sur Z ; les éléments de ''Z''<sup>×</sup> ont une classe réduite à un élément.
* Si (''x<sub>i</sub>'') est une suite de représentants des ''k ''orbites non ponctuelles, la formule des classes s'écrit :
<center><math>|K^\times|=|Z^\times|+\sum_{i=1}^k\frac{|K^\times|}{|Z_{x_i}^\times|}.</math></center>

soit, en constatant que <math> Z_{x_i}^\times</math> est l'ensemble des éléments inversibles et commutant avec <math> x_i </math> par "multiplication" de <math> K </math>, ce qui implique que <math> Z_{x_i}=Z_{x_i}^\times \cup \{ 0_K\}</math> est un sous-corps de <math> K </math> contenant ''Z'' (et donc <math> \exists d_{x_i}\in \mathbb{N}[|Z_{x_i}^\times|=q^{d_{x_i}}-1] </math>) :<center><math>q^d -1=q-1+\sum_{i=1}^k\frac{q^d -1}{q^{d_{x_i}} -1}\; </math></center>En notant
<center><math>F(X)=X^d -1-\sum_{i=1}^k\frac{X^d -1}{X^{d_{x_i}} -1},</math></center>on vient de voir que ''F''(''q'') = ''q ''– 1.

=== Φ<sub>''d''</sub>(''X'') divise ''F''(''X'') dans Z[''X''] ===
La théorie des [[polynôme cyclotomique|polynômes cyclotomiques]] usuels (qui sont à coefficients entiers) démontre l'égalité suivante, si Φ<sub>''e''</sub>(''X'') désigne le polynôme cyclotomique d'indice ''e'' :
<center><math>X^d-1=\prod_{e|d}\Phi_e(X).</math></center>
En particulier Φ<sub>''d''</sub>(''X'') divise ''X<sup>d</sup>'' – 1, et pour tout [[diviseur strict]] ''d' '' de ''d'', Φ<sub>''d''</sub>(''X'') divise aussi (''X<sup>d</sup>'' – 1)/(''X<sup>d'</sup>'' – 1) puisque
<center><math>X^d-1=\Phi_d(X)C(X)(X^{d'}-1)</math></center> pour un certain polynôme ''C''(''X'') à coefficients entiers : le produit des Φ<sub>''e''</sub>(''X'') pour tous les ''e'' qui divisent strictement ''d'' mais qui ne divisent pas ''d' ''.

Par conséquent, Φ<sub>''d''</sub>(''X'') divise ''F''(''X'') dans ℤ[''X'']. En effet, pour tout <math>x_i</math> dont l'orbite n'est pas ponctuelle, <math>d_{x_i}</math> est un diviseur strict de ''d'' donc le raisonnement précédent s'applique à <math>d'=d_{x_i}</math> et la conclusion suit, vu la définition de ''F''(''X'').

[[Fichier:Wederburn schema 2.jpg|vignette|Le trait vert correspond à <math>q-1</math> et le rouge à <math>|q-u|</math>.]]

=== Géométrie des racines primitives ''d''-ièmes ===
* On a obtenu 0 < ''q'' – 1 = ''F''(''q'') = Φ<sub>''d''</sub>(''q'')''Q''(''q''), où ''Q''(''q'') est un entier, nécessairement non nul, donc |''Q''(''q'')| vaut au moins 1, si bien que<center><math>|\Phi_d(q)|\le q-1.</math></center>
* Pour tout entier ''n'' ≥ 1, <math>\Phi_n(q) =\prod (q-u_i)</math>, où ''u<sub>i</sub>'' décrit l'ensemble des racines primitives ''n''-ièmes de l'unité. Comme l'illustre la figure ci-contre, si ''u'' est une racine primitive ''n''-ième de l'unité avec ''n'' > 1, on a |''q – u''| > ''q'' – 1, donc<center><math>\forall n>1,\quad |\Phi_n(q)|>q-1.</math></center>
* Les deux inégalités précédentes entraînent ''d'' = 1 ; ainsi ''K'' est commutatif. Le théorème est démontré.

== Interprétation cohomologique ==
Le théorème équivaut essentiellement au fait que le [[groupe de Brauer]] de tout corps fini ''K ''est [[Groupe trivial|trivial]]. Cette reformulation permet la démonstration suivante, plus rapide : comme le {{Lien|langue=en|trad=Herbrand quotient|fr=quotient de Herbrand}} est nul par finitude, Br(''K'') = H{{2}}(''[[Clôture séparable|K{{exp|alg}}]]''/''K'') coïncide avec H{{1}}(''K{{exp|alg}}''/''K''), qui est lui-même nul d'après le [[théorème 90 de Hilbert]].

== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Wedderburn's little theorem|494083443|type=note}}

=== Notes ===
<references />

=== Références ===
* {{Samuel1}}
* {{Serre1}}
* {{Article|prénom1=Guy|nom1=Heuzé|titre=Sur les corps finis|périodique=Mathématiques et sciences humaines|volume=47|pages=57-59|année=1974|lire en ligne=http://www.numdam.org/item/MSH_1974__47__57_0/}}
* {{Ouvrage|prénom1=André|nom1=Warusfel|lien auteur1=André Warusfel|titre=Structures algébriques finies|éditeur=Hachette Université|année=1971}}

== Articles connexes ==
* [[Automorphisme de Frobenius]]
* {{Lien|langue=en|trad=Artin–Zorn theorem|fr=Théorème d'Artin-Zorn}}
* [[Théorème de Skolem-Noether]]

{{Portail|mathématiques}}

[[Catégorie:Corps fini]]
[[Catégorie:Théorème d'algèbre|Wedderburn]]