Voir la source de Théorème de la bijection

En [[analyse réelle]], le '''théorème de la bijection''' énonce que, si une fonction <math>f</math> est [[fonction continue|continue]] et strictement [[fonction monotone|monotone]] sur un [[intervalle (mathématiques)|intervalle]] [[nombre réel|réel]] <math>I</math>, toute valeur comprise au sens large (ou strict) entre les valeurs (ou les limites) de <math>f</math> aux bornes de l'intervalle <math>I</math> possède un unique antécédent par <math>f</math>.

En assurant ainsi l'existence d'une [[bijection]], ce théorème améliore l’énoncé du [[théorème des valeurs intermédiaires]] qui assure seulement l’existence d'antécédents, c’est-à-dire seulement une propriété de [[surjectivité]].

Cette bijection est même un [[homéomorphisme]], c'est-à-dire que la [[fonction réciproque]] est également continue.

Ce théorème ne s’applique pas à des ensembles de définition plus généraux tel un intervalle de [[nombre rationnel|nombres rationnels]], sur lequel la continuité de la fonction n’implique pas le [[prolongement par continuité]] à un intervalle réel<ref>La fonction qui à tout rationnel {{mvar|x}} associe {{math|1={{mvar|f}}({{mvar|x}}) = {{mvar|x}}}} si {{math|{{mvar|x}}≤√2}} et {{math|1={{mvar|f}}({{mvar|x}}) = {{mvar|x}} + 1}} si {{math|{{mvar|x}}>√2}} est bien continue et strictement croissante sur {{math|ℚ}} avec {{math|1={{mvar|f}}(1) = 1}} et {{math|1={{mvar|f}}(2) = 3}}, mais les rationnels entre 1,5 et 2,4 n’ont pas d’antécédents.</ref>. Cette spécificité de la continuité à variable réelle n’avait pas été rigoureusement mise en évidence avant le {{XIXe siècle}}. Il a fallu pour cela attendre les travaux de [[Charles Méray|Méray]], [[Richard Dedekind|Dedekind]] et de [[Augustin Louis Cauchy|Cauchy]] qui ont fourni une construction des [[nombre réel|nombres réels]].

== Énoncé ==
=== Sur un segment ===
{{théorème|nom=Théorème de la bijection entre segments| énoncé=Si ''f ''est une fonction continue et strictement monotone sur un intervalle [''a'', ''b''] et à valeurs réelles, alors elle constitue une bijection entre {{nobr|[''a'', ''b'']}} et l'intervalle fermé dont les bornes sont ''f''(''a'') et ''f''(''b'').}}

'''Démonstration'''

Notons ''J ''cet intervalle fermé, c'est-à-dire l'ensemble des réels compris entre ''f''(''a'') et ''f''(''b'').
*La monotonie de la fonction implique que l'image de l'intervalle [''a'', ''b''] est contenue dans ''J '':
** si ''f ''est croissante, pour tout ''x ''de [''a'', ''b''] on a {{nobr|''f''(''a'') ≤ ''f''(''x'') ≤ ''f''(''b'')}} ;
** si ''f ''est décroissante, pour tout ''x ''de [''a'', ''b''] on a {{nobr|''f''(''b'') ≤ ''f''(''x'') ≤ ''f''(''a'')}}.
*Le fait que [[Fonction monotone#Injectivité|cette monotonie soit stricte assure que]] deux réels distincts ne peuvent avoir la même image, autrement dit la fonction est [[Injection (mathématiques)|injective]] sur [''a'', ''b''].
*Enfin, le [[théorème des valeurs intermédiaires]] (qui s'appuie sur l'hypothèse de continuité) garantit que tout élément de ''J ''admet au moins un antécédent par ''f'', c'est-à-dire que la fonction est [[surjective]] dans ''J''.

'''Formulation équivalente'''{{retrait|Si ''f ''est continue et strictement monotone sur un intervalle [''a'', ''b''] alors, pour tout réel ''k ''dans ''J'', il existe une unique solution à l'équation {{nobr|''f''(''x'') {{=}} ''k''}} d'inconnue ''x'' dans [''a'', ''b'']. En outre, cette équation n'a pas de solution sur [''a'', ''b''] pour les autres valeurs de ''k''.}}

=== Sur un intervalle quelconque ===
{| style="float:right; margin-left:5px; font-size:80%; text-align:center" border="1" cellspacing="0" cellpadding="5px"
|+ Forme de l'intervalle image <math>J</math> en fonction du sens de la monotonie de <math>f</math> et de la forme de l'intervalle <math>I</math> de départ.
|- bgcolor="lightgrey" 
! <math>I</math> !! <math>f</math> croissante !! <math>f</math> décroissante
|-
| scope=row bgcolor="lightgrey" | <math>[a ; b]</math> || <math>[f(a) ; f(b)]\,</math> || <math>[f(b) ; f(a)]\,</math>
|-
| scope=row bgcolor="lightgrey" | <math>[a ; b[</math> || <math>\left[f(a) ; \lim_b f\right[</math> || <math>\left]\lim_b f ; f(a)\right]</math>
|-
| scope=row bgcolor="lightgrey" | <math>]a ; b]</math> || <math>\left]\lim_a f ; f(b)\right]</math> || <math>\left[f(b) ; \lim_a f\right[</math>
|-
| scope=row bgcolor="lightgrey" | <math>]a ; b[</math> || <math>\left]\lim_a f ; \lim_b f\right[</math> || <math>\left]\lim_b f ; \lim_a f\right[</math>
|}
Le théorème se généralise à des intervalles ouverts ou semi-ouverts, l'intervalle <math>J</math> étant alors un intervalle de même nature, avec des bornes pouvant être finies ou infinies. L'existence des limites de la fonction aux bornes de l'intervalle [[Théorème de la limite monotone|est assurée par la monotonie]] : il s'agit alors des bornes supérieure et inférieure des valeurs de la fonction sur cet intervalle.

Cette généralisation peut être ramenée à la formulation suivante :
{{théorème|énoncé=Si <math>f</math> est continue et strictement monotone sur un intervalle <math>I</math> de bornes <math>a</math> et <math>b</math> (finies ou infinies), pour tout réel <math>k</math> strictement compris entre les limites de <math>f</math> en <math>a</math> et en <math>b</math>, il existe un unique <math>c</math> de <math>I</math> tel que <math>f(c) = k</math>, autrement dit l'équation <math>f(x) = k</math> admet une unique solution dans <math>I</math>.}}

== Applications ==
Ce théorème permet de définir certaines [[Application réciproque|fonctions réciproques]] comme la [[fonction racine carrée]], les fonctions trigonométriques réciproques [[arc sinus]], [[arc cosinus]] et [[arc tangente]], mais aussi l'[[fonction exponentielle|exponentielle]] à partir du [[logarithme népérien]].

== Réciproques du théorème ==
Il est possible de construire des bijections entre intervalles réels qui ne sont ni monotones ni continues.
{{Démonstration/début}}
La fonction <math>f</math> définie sur <math>[0,2]</math> par <math>f(x)=x</math> si <math>x</math> appartient à <math>[0,1[</math> et {{nobr|<math>f(x)=3 - x</math>}} si <math>x</math> appartient à <math>[1,2]</math> définit une bijection de <math>[0,2]</math> dans lui-même alors qu'elle n'est ni monotone ni continue.
{{Démonstration/fin}}

En revanche, certains résultats peuvent être considérés comme des [[réciproque]]s du théorème de la bijection.
*Une injection d'un intervalle dans ℝ qui est continue — ou plus généralement [[fonction de Darboux|de Darboux]], {{c.-à-d.}} vérifiant la propriété des valeurs intermédiaires — est nécessairement monotone<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Marian Mureșan|titre=A Concrete Approach to Classical Analysis|lieu=New York|éditeur=[[Springer Verlag|Springer]]|année=2009|passage=165-166|isbn=978-0-387-78933-0|lire en ligne={{Google Livres|N8rBgtIu_qgC|page=165}}}}. Également {{Note autre projet|wikiversité|Fonctions d'une variable réelle/Continuité#Théorèmes sur les fonctions continues|« Théorème de la bijection »|début=démontré dans}}</ref>. En particulier, toute bijection continue entre intervalles réels est monotone.
*Une surjection monotone d'une partie quelconque de ℝ sur un intervalle est nécessairement continue<ref>Énoncé par {{Ouvrage|url=https://books.google.fr/books?id=6OpUAAAAYAAJ&q=surjection+monotone|auteur=Alain Mézard|auteur2=Charles Delorme|titre=Cours de mathématiques supérieures|vol=2|éditeur=[[PUF]]|année=1994|page=101 et 255}} et {{Note autre projet|wikiversité|Fonctions d'une variable réelle/Continuité#Théorèmes sur les fonctions continues|« Théorème de la bijection »|début=démontré dans}} {{Ouvrage|titre=Analyse [[MPSI]]|auteur=Daniel Guinin|auteur2=Bernard Joppin|éditeur=[[Éditions Bréal|Bréal]]|année=2003|url={{Google Livres|Vh_m0HWeGoIC|page autre=PT140}}|page=163}}, th. 10 (b), ne l'énoncent que lorsque l'ensemble de départ est aussi un intervalle, et le démontrent moins directement (à l'aide du [[théorème de la limite monotone]]).</ref>. En particulier, toute bijection monotone entre intervalles réels est continue.

== Homéomorphisme ==
Une fonction continue de A vers B admettant une réciproque continue de B vers A est appelée un [[homéomorphisme]]. Les hypothèses des énoncés précédents permettent en réalité de démontrer non seulement l'existence d'une bijection mais aussi le caractère continu de sa réciproque. Le théorème de la bijection peut alors s'énoncer ainsi :
{{théorème|Soit une fonction continue et strictement monotone, d'un intervalle ''{{math|I}}'' dans ℝ, induisant donc une bijection ''{{math|f}}'' de ''{{math|I}}'' sur une partie {{math|''J''}} de ℝ, de bijection réciproque {{math|''f''{{-1}} : ''J'' → ''I''}} (strictement monotone de même sens que ''{{math|f}}''<ref>Cette monotonie de {{math|''f''{{-1}}}} ne nécessite pas que {{math|''f''}} soit continue ni que ''{{math|I}}'' soit un intervalle. Elle est simplement due au fait que l'ordre sur ''{{math|I}}'' est [[Ordre total|total]] : {{cf.}} [[Relation d'ordre#Applications croissantes]].</ref>). Alors :
*{{math|''J''}} est un intervalle ;
*{{math|''f''}} est un homéomorphisme, c'est-à-dire que {{math|''f''{{-1}} : ''J'' → ''I''}} est continue.
}}

{{Démonstration|
*'''{{math|''J''}} est un intervalle'''. C'est une conséquence directe du théorème des valeurs intermédiaires car ''{{math|I}}'' est un intervalle et ''{{math|f}}'' est continue sur ''{{math|I}}''.
*'''<math>f^{-1}</math> est continue'''. C'est une application du dernier énoncé de la section ''Réciproques du théorème'' : <math>f^{-1}</math> est une fonction monotone surjective d'un intervalle, {{math|''J''}}, sur un intervalle, {{math|''I''}}, donc <math>f^{-1}</math> est continue.
}}

Le fait qu'une bijection continue ait une réciproque continue n'est pas toujours vrai.
* Cette propriété peut être fausse si l'ensemble de départ ou d'arrivée n'est pas ℝ.
* Cette propriété peut être fausse si l'ensemble de départ n'est pas un intervalle de ℝ.
* Cette propriété est une propriété globale : une bijection ''f ''de ℝ dans ℝ, continue en ''a'', peut avoir une réciproque non continue en f(''a'').
{{Démonstration/début|titre=Contre-exemples}}
* La fonction de {{math|[0, 2π[}} dans le cercle unité du plan ℝ×ℝ qui à θ associe (cosθ, sinθ) est une bijection continue dont la réciproque n'est pas continue en (1,0).
* La fonction de [0, 1[ ∪ [2, 3[ dans [0, 2[ qui, à ''x'', associe ''x'' si ''x'' < 1 et ''x'' – 1 si ''x'' ≥ 2, est une bijection continue strictement monotone dont la réciproque n'est pas continue en 1.
* La fonction<ref>Bertrand Hauchecorne, ''Les Contre-exemples en mathématiques'', [[Éditions Ellipses|Ellipses]] {{ISBN|978-2-7298-8806-0}}, {{p.|61}}.</ref> de ℝ dans ℝ définie par :
**{{math|''f''}} est impaire ;
**{{math|''f''}}(2''k'') = ''k'' pour tout entier naturel ''k'' ;
** <math>f(2k+1)=\frac1{2k+3}</math> pour tout entier naturel ''k'' ;
**<math> f\left(\frac1k\right)=\frac1{2k-2}</math> pour tout entier ''k'' strictement plus grand que 1 ;
**{{math|''f''}}(''x'') = ''x'' pour tout réel positif ''x'' différent d'un entier ou de l'inverse d'un entier ;
*:est une bijection continue en 0 dont la réciproque n'est pas continue en 0.
{{Démonstration/fin}}

== Notes et références ==
{{Références}}

== Article connexe ==
[[Théorème de l'invariance du domaine]]

{{Portail|analyse}}

[[Catégorie:Analyse réelle]]
[[Catégorie:Théorème d'analyse|Bijection]]