Voir la source de Théorème fondamental de l'algèbre

{{En-tête label|BA|année=2009}}
{{Voir paronymes|Théorème de Gauss}}

En [[mathématiques]], le '''théorème fondamental de l'algèbre''', aussi appelé '''théorème de d'Alembert-Gauss''' et '''théorème de d'Alembert''', indique que tout [[polynôme]] non [[Polynôme constant|constant]], à [[coefficient]]s [[nombre complexe|complexes]], admet au moins une [[racine d'un polynôme|racine]]. En conséquence, tout polynôme à coefficients [[entier relatif|entiers]], [[Nombre rationnel|rationnels]] ou encore [[nombre réel|réels]] admet au moins une racine complexe, car ces nombres sont aussi des complexes. Une fois ce résultat établi, il devient simple de montrer que sur <math>\Complex</math>, le [[corps commutatif|corps]] des nombres complexes, tout polynôme <math>P</math> est [[Polynôme scindé|scindé]], c'est-à-dire constant ou produit de polynômes de [[degré (mathématiques)|degré]] <math>1</math>.

Le temps a rendu l'expression de ''théorème fondamental de l'algèbre'' un peu paradoxale. Il n'existe en effet aucune démonstration purement ''[[algèbre|algébrique]]'' de ce théorème. Il est nécessaire de faire usage de résultats [[topologie|topologiques]] ou [[analyse (mathématiques)|analytiques]] pour sa démonstration. L'expression provient d'une époque où l'algèbre s'identifiait essentiellement avec la [[Théorie des équations (histoire des sciences)|théorie des équations]], c'est-à-dire la résolution des [[Équation polynomiale|équations polynomiales]]. Les frontières de l'algèbre ont maintenant changé mais le nom du théorème est resté.

Les conséquences du théorème sont nombreuses ; en [[algèbre linéaire]] ce résultat est essentiel pour la [[réduction d'endomorphisme]] ; en [[analyse (mathématiques)|analyse]], il intervient dans la [[décomposition en éléments simples]] des [[fonction rationnelle|fonctions rationnelles]] utilisée pour trouver une [[primitive]]. On les retrouve aussi en [[théorie algébrique des nombres]], dans un résultat basique indiquant que toute [[extension algébrique]] du corps des rationnels peut être considérée comme un [[Corps commutatif#Définition et exemples|sous-corps]] de celui des complexes.
[[Fichier:Jean Le Rond d'Alembert, by French school.jpg|vignette|[[Jean Le Rond d'Alembert|Jean le Rond d'Alembert]] est le premier à ressentir la nécessité de démontrer le théorème fondamental de l'algèbre. Sa motivation est entièrement analytique, il recherche une méthode pour trouver une primitive d'une fonction rationnelle. Sa preuve comporte une lacune, qui ne sera comblée qu'au {{XIXe siècle}}.]]
L'histoire du théorème indique l'importance du résultat aux yeux des mathématiciens du {{s|XVIII|e}}. Les plus grands noms, comme ceux de [[Jean Le Rond d'Alembert|d'Alembert]], [[Leonhard Euler|Euler]], [[Joseph-Louis Lagrange|Lagrange]] ou [[Carl Friedrich Gauss|Gauss]] se sont attelés à sa démonstration, avec des fortunes diverses. La variété et la richesse des méthodes conçues dans ce but fut un moteur puissant pour l'évolution de la recherche en mathématiques et particulièrement pour une meilleure compréhension des nombres complexes.

== Énoncés ==
Le '''théorème fondamental de l'algèbre''' admet plusieurs énoncés équivalents<ref>{{Lien web|auteur=V. F. Bayart|url=http://www.bibmath.net/dico/index.php3?action=affiche&quoi=./d/dalembertgauss.html|titre=Théorème de D'Alembert-Gauss|site=bibmath.net}} : si l'énoncé est conforme à celui que l'on trouve dans la littérature, les remarques historiques sont contredites, par exemple par {{harvsp|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986}}.</ref>.
{{théorème|nom=Théorème de d'Alembert-Gauss |Tout polynôme non constant, à coefficients complexes, admet au moins une [[racine d'un polynôme|racine]] complexe.}}
Par exemple, <math>1+i</math> est une racine du polynôme <math>X^4+4</math>. Sous cette forme, le théorème affirme l'existence d'une racine du polynôme <math>P(X)</math> mais n'explique pas comment trouver explicitement cette racine. Cet énoncé existentiel décrit plus une propriété du corps des nombres complexes. Un corps est dit [[corps algébriquement clos|algébriquement clos]] si tout polynôme de degré strictement positif et à coefficients dans ce corps admet au moins une racine dans ce corps. Le théorème se reformule donc ainsi :
{{Énoncé |1=(i) |(i) Le corps <math>\Complex</math> est algébriquement clos.}}
Ce résultat se reformule aussi en termes de [[factorisation des polynômes]] à coefficients complexes :
{{Énoncé |1=(ii) |(ii) Tout polynôme à coefficients complexes est [[Racine d'un polynôme#Définitions connexes|scindé]]<ref>On trouve ce corollaire dans : C. Antonini ''et al.'', ''[http://www.les-mathematiques.net/a/a/j/node3.php Résultats liés à la compacité]'' sur le site mathématiques.net.</ref>.}}
Ces résultats indiquent qu'un polynôme à coefficients complexes de degré ''n'', que l'on peut écrire <math>a_n X^n+\ldots + a_1X+a_0 </math> s'écrit aussi <math>a_n(X-\alpha_1)\ldots(X-\alpha_n)</math>. Ici, la famille <math>(\alpha_k)</math>, pour <math>k</math> variant de <math>1</math> à <math>n</math>, est celle des racines. Certains nombres <math>\alpha_k</math> peuvent être égaux ; on parle alors de [[Racine d'un polynôme#Définitions connexes|racines multiples]].

Le théorème fondamental de l'algèbre équivaut à chacun des énoncés suivants :

{{Énoncé |1=(iii) |(iii) Tout polynôme non constant à coefficients réels admet au moins une racine complexe.}}
{{Énoncé |1=(iv) |(iv)Les polynômes irréductibles à coefficients réels sont exactement les polynômes de degré 1, et les polynômes de degré 2 à [[discriminant]] strictement négatif (s'écrivant <math>aX^2+bX+c</math>, avec <math>a</math> non nul et <math>b^2-4ac<0</math>).}}
{{Énoncé |1=(v) |(v) Tout polynôme non constant à coefficients réels s'écrit comme un produit de polynômes à coefficients réels de degrés 1 ou 2.}}

{{démonstration
| titre = Démonstration des équivalences
| contenu = '''(i) ⇒ (ii) :''' On démontre (ii) par récurrence sur <math>n</math>, le degré d'un polynôme, à partir de (i). Si <math>n</math> est égal à <math>0</math>, il n'y a rien à démontrer. On suppose le résultat établi pour tout polynôme de degré <math>n</math> et soit <math>P</math> un polynôme de degré <math>n+1</math>. (i) implique l'existence d'une [[Racine d'un polynôme|racine α de ''P'']]. Le polynôme s'écrit alors <math>P(X) = (X - \alpha)Q(X)</math> avec <math>Q</math> de degré <math>n</math> donc scindé par hypothèse de récurrence, si bien que <math>P</math> est également scindé, donc (ii) est démontré.

'''(ii) ⇒ (v) :''' D'après (ii), tout polynôme <math>P</math> à coefficients réels est scindé sur <math>\Complex</math>. Si <math>\alpha</math> est une racine complexe (non réelle) de <math>P(X)</math>, son [[conjugué]] <math>\overline{\alpha}</math> l'est aussi, avec [[Racine d'un polynôme#Critère différentiel pour la multiplicité d'une racine|même ordre de multiplicité]], et <math>(X - \alpha ) (X - \overline{\alpha})</math> est à coefficients réels. On obtient donc (v) en regroupant les termes pour chaque racine complexe.

'''(v) ⇒ (iv) :''' D'après (v), si <math>P</math> est irréductible, il ne peut être que de degré 1 ou 2. S'il est de degré 1, il est en effet irréductible. S'il est de degré 2, il est irréductible (sur <math>\R</math>) si, et seulement si son discriminant est strictement négatif.

'''(iv) ⇒ (iii) :''' Un polynôme <math>P</math> non constant à coefficients réels admet au moins un diviseur <math>R</math> irréductible sur <math>\R</math>. Un tel <math>R</math> est, d'après (iv), de degré 1 ou 2, et admet donc une racine complexe, qui est alors aussi racine de <math>P</math>.

'''(iii) ⇒ (i) :''' Soit <math>P(X)</math> un polynôme à coefficients complexes, et <math>P^*(X)</math> le polynôme obtenu en remplaçant chaque coefficient de <math>P(X)</math> par son conjugué. Alors <math>P(X) P^*(X) = R(X)</math> est à coefficients réels. D'après (iii), <math>R(X)</math> admet une racine complexe <math>\alpha</math>, donc <math>P(\alpha)P^*(\alpha) = 0</math>. Donc, si <math>\alpha</math> n'est pas une racine de <math>P</math>, alors <math>P^*(\alpha) = 0</math>, ce qui donne <math>P(\overline{\alpha}) = \overline{P^*(\alpha)} = \overline{0} = 0</math>. Donc, <math>\alpha</math> ou son conjugué est une racine de <math>P</math>, ce qui prouve (i).
}}

== Usages ==
=== Analyse ===
{{Article détaillé|Décomposition en éléments simples}}
Il apparaît parfois nécessaire de calculer une [[primitive]] d'une [[fonction rationnelle]], c'est-à-dire d'une fonction quotient de deux fonctions polynôme. On peut considérer la fonction <math>f</math> définie par<ref>Cet exemple est issu de : ''[http://homeomath.imingo.net/foncrat2.htm Décomposition en éléments simples d'une fonction rationnelle]'' par le site Homéomath.</ref> :
<center><math>f(x) = \frac {5x^2 -3x - 11}{x^3 - 2x^2 - 5x + 6}.</math></center>

Un corollaire du théorème fondamental indique que le dénominateur se factorise en éléments du premier degré<ref group="Note">En réalité, cette méthode ne permet d'obtenir directement des primitives que dans ℂ ; pour des primitives réelles, la factorisation peut faire apparaître également des trinômes du second degré à discriminant négatif, conduisant à des éléments simples de seconde espèce, intégrables à l'aide de la fonction [[arc tangente]].</ref> ; ici on trouve :
<center><math>x^3 - 2x^2 - 5x + 6 = (x -1)(x+2)(x-3).</math></center>

Une [[décomposition en éléments simples]] de la fonction montre l'existence de trois valeurs <math>a,b</math> et <math>c</math> telles que :
<center><math>f(x) = \frac a{x-1} +\frac b{x+2} +\frac c{x-3}.</math></center>

Un rapide calcul montre que <math>a=\dfrac{3}{2},b=1</math> et <math>c=\dfrac{5}{2}</math> ; le calcul de la primitive devient alors aisément réalisable.

=== Algèbre linéaire ===
{{Article détaillé|Réduction d'endomorphisme}}
La réduction d'endomorphisme fait appel aux polynômes. On peut choisir comme cas particulier un [[endomorphisme autoadjoint]] <math>a</math> d'un [[espace euclidien]] <math>E</math> pour illustrer l'usage du théorème. Sa matrice dans une [[Base orthonormée|base orthonormale]] est donc symétrique et toutes ses valeurs propres sont réelles. Le [[polynôme caractéristique]] de <math>a</math> admet, d'après le théorème fondamental de l'algèbre, une racine <math>\lambda</math>. Il s'agit d'une [[valeur propre]] de <math>a</math>. En remarquant que l'espace orthogonal <math>F</math> à l'espace propre de valeur propre <math>\lambda</math> est stable par <math>a</math> on comprend que l'endomorphisme est [[diagonalisation|diagonalisable]]. En effet, il suffit d'appliquer maintenant la même réduction à la restriction de <math>a</math> à <math>F</math>, qui est aussi autoadjointe. Pas à pas l'endomorphisme <math>a</math> est ainsi diagonalisé.

Cet exemple est choisi parmi de nombreux autres. La diagonalisation d'un endomorphisme apparaît souvent comme la conséquence de l'existence d'une racine du polynôme caractéristique ou [[Polynôme minimal d'un endomorphisme|minimal]].

=== Arithmétique ===
L'un des objets de la [[théorie algébrique des nombres]] traditionnelle est l'étude des [[corps de nombres]], c'est-à-dire des [[Extension finie|extensions finies]] du corps <math>\mathbb Q</math> des rationnels. Tous ces corps sont [[Extension algébrique|algébriques sur]] <math>\mathbb Q</math> donc se [[Plongement|plongent]] dans sa [[clôture algébrique]], le corps <math>\overline{\mathbb Q}</math> des [[Nombre algébrique|nombres algébriques]]. D'après le théorème fondamental de l'algèbre, <math>\overline{\mathbb Q}</math> se plonge lui-même dans <math>\Complex</math>.

== Démonstrations ==
=== Démonstration directe ===

La démonstration présentée ici détaille celle de [[Augustin Louis Cauchy|Cauchy]]<ref name=Cauchy/>{{,}}<ref>{{Article|langue=en|auteur=[[Thomas William Körner|T. W. Körner]]|titre=On the Fundamental Theorem of Algebra|revue=Amer. Math. Monthly|vol=113|année=2006|p.=347-348|jstor=27641922}}.</ref>.

On considère un polynôme de degré <math>n>0</math> à coefficients complexes, <math>P(X)=a_0+a_1X+\ldots+a_nX^n </math>

Dans un premier temps, l'existence d'un [[Extremum|minimum global]] pour la fonction qui à <math>z</math> associe le [[module d'un nombre complexe|module]] de <math>P(z)</math> est établie. Pour cela, on remarque que<ref group="Note">Il suffirait de remarquer que {{math|{{!}}''P''(''z''){{!}}}} admet en l'infini une limite strictement supérieure à sa [[borne inférieure]] : voir par exemple {{Note autre projet|Wikiversité|Espaces vectoriels normés/Exercices/Dimension finie#Exercice 3-3 : extrema d'une fonction continue|cet exercice corrigé|début=}}</ref> si le module de <math>z</math> est suffisamment grand, le module de <math>P(z)</math> l'est aussi et donc l'ensemble des <math>z</math> pour lesquels <math>|P(z)|</math> n´est pas trop grand est nécessairement borné. Ensuite, on utilise le fait que [[Théorème de Borel-Lebesgue|tout fermé borné de ℂ est compact]] et qu'une [[Compacité (mathématiques)#Compacité et continuité|fonction continue d'un compact dans ℝ]] a une [[Image d'une application|image]] elle-même compacte, donc [[Fermé (topologie)|fermée]] et [[Partie bornée|bornée]], ce qui implique que la fonction atteint sa [[Borne supérieure et borne inférieure|borne inférieure]], en un certain point <math>z_0</math>.

Enfin, on raisonne par l'absurde : on suppose que l'image de <math>z_0</math> par <math>P</math> est non nulle. On trouve, par le développement de Taylor du polynôme autour de <math>z_0</math> , une « direction » <math>c</math> (un nombre complexe non nul) telle que la fonction de <math>\R</math> dans <math>\R</math> qui à <math>t</math> associe le module de <math>P(z_0+tc)</math> soit, pour tout <math>t>0</math> assez petit, strictement inférieure à sa valeur en <math>0</math>. Cette contradiction permet de conclure.

Cette preuve repose donc essentiellement sur le fait que <math>\R</math> possède la [[propriété de la borne supérieure]].{{Démonstration
| contenu = Montrons d'abord un [[lemme (mathématiques)|lemme]], qui correspond à un cas très particulier d'équation polynomiale.

::* '''Pour tout entier <math>n>0</math>, tout nombre complexe a au moins une [[Racine d'un nombre complexe|racine {{mvar|n}}-ième]] dans <math>\C</math>''<ref group="Note">Une variante sophistiquée de la preuve de Cauchy, proposée par [[John Edensor Littlewood|Littlewood]] en 1941, permet d'éviter le recours à ce lemme. Elle est décrite dans l'article « [[Racine d'un nombre complexe]] ». Voir aussi {{Article|langue=en|titre=The Fundamental Theorem of Algebra: From the Four Basic Operations|prénom=O.|nom=Rio Branco de Oliveira|revue=[[The American Mathematical Monthly|Amer. Math. Monthly]]|vol=119|numéro=9|année=2012|p.=753-758|url=http://www.ime.usp.br/~oliveira/FTA-MONTHLY.pdf}}.</ref> :'''
:En écrivant un nombre complexe <math>a</math> sous [[Coordonnées polaires|forme polaire]]<ref group="Note">Voir l'article « [[Nombre complexe]] » pour plus de détails.</ref><center><math>a = \rho\;\left(\cos\theta+\mathrm i\sin\theta\right)\quad\text{avec}\quad\rho\in\R_+\quad\text{et}\quad\theta\in\R</math></center>puis en posant<center><math>c = \sqrt[n] \rho\;\left(\cos\frac\theta n+\mathrm i\sin\frac\theta n\right)</math>,</center>on obtient, d'après la [[formule de Moivre]] :<center><math>\quad c^n=a</math>.</center>

Étudions maintenant le cas général.
::* '''Il existe un point <math>z_0</math> en lequel le minimum du module de <math>P(z)</math> est atteint :'''
:La fonction qui à <math>z</math> associe le module de <math>P(z)</math> est à valeurs dans les réels positifs. L'image de cette fonction est une partie non vide et minorée de <math>\R</math> ; elle admet donc une borne inférieure, notée ici <math>m</math>.
:Quand <math>|z|</math> tend vers l'infini, le module de <math>P(z)</math>, [[équivalent]] à <math>a_n z^n</math> , tend vers l'infini. Il est donc supérieur à <math>m+1</math>  dès que <math>|z|</math>  est assez grand, disons plus grand qu'une certaine valeur<ref group="Note">On peut même expliciter, en fonction de {{mvar|m}} et des {{mvar|a{{ind|k}}}}, une valeur de {{mvar|M}} qui convient : voir par exemple {{Lien web|langue=en|auteur=A. Bogomolny|url=http://www.cut-the-knot.org/fta/fta_details.shtml|titre=Details of the proof by Cauchy|site=[[Cut The Knot]]}} ou {{Planetmath|titre=Proof of fundamental theorem of algebra (due to Cauchy)}}.</ref> <math>M</math> . Ceci montre que <math>m</math> est aussi la borne inférieure de <math>|P(z)|</math> sur les complexes de module inférieur à <math>M</math> .
:Ceux-ci forment un compact ; la fonction <math>|P(z)|</math>  sur ce compact étant continue, elle atteint sa borne inférieure <math>m</math>, ce qui démontre la proposition.

Il existe donc un complexe <math>z_0</math> tel que <math>|P(z_0)|=m</math>. Notons <math>Q(x)</math> le polynôme <math> P(z_0+X)</math>. C'est un polynôme de même degré que <math>P</math>, et dont le module prend au point <math>0</math> sa valeur minimum <math>m</math>. On introduit des notations pour ses coefficients : <center><math>Q(X)=P(z_0+X)=b_0+b_kX^k +b_{k+1}X^{k+1} +\cdots+b_nX^n\quad \text{avec}\quad |b_0| = m,\; b_k \ne0</math>.</center>

Ici, <math>k</math> désigne le plus petit indice strictement positif tel que le coefficient <math>b_k</math> soit non nul. Cet indice existe, car le polynôme est non constant.

Le lemme permet d'établir la proposition suivante, qui conclut la démonstration.
::* '''Le minimum <math>m=|P(z_0)|</math>  est nul :'''
:Notons <math>c</math> une racine <math>k</math>-ième (il en existe, d'après le lemme) du complexe <math>-\overline{b_k}b_0</math>.Ainsi, <math>b_k c^k=-|b_k|^2 b_0</math>.
:Soit <math>f</math> la fonction qui à tout réel <math>t</math> associe le réel <math>|Q(tc)|</math>. Elle s'écrit :<center><math> f(t) = \left|b_0 - b_0|b_k|^2t^k + c_{k+1}t^{k+1} + \cdots + c_n t^n\right| \quad\text{avec}\quad c_i=b_ic^i</math></center>

:ce qui montre que
<center><math>\forall t\in\left]0,\min\left(\dfrac{1}{|b_k|^2},1\right)\right]\qquad f(t) \le m\left(1 - |b_k|^2t^k\right)+t^{k+1}\left|c_{k+1} + \cdots + c_n t^{n-k-1}\right|\le m\left(1 - |b_k|^2t^k\right)+ t^{k+1}C=m-t^k\left(m|b_k|^2-Ct\right)</math>,</center>
:où <math>C</math> désigne la somme des modules des <math>c_i</math>.

:Si <math>m</math> n'était pas nul, en choisissant, dans l'intervalle précédent, un réel <math>t < \dfrac{m|bk|^2}{C}</math>, on aurait donc <math>|P(z_0 + tc)| = f(t) < m</math>, ce qui contredirait la définition de <math>m</math> (minimum de <math>|P(z)|</math>). Donc <math>m = 0</math> et <math>z_0</math> est une racine de <math>P</math>, ce qui termine la démonstration.
| titre = Démonstration détaillée
}}

=== Par le théorème de Liouville ===
Une preuve très concise repose sur le [[Théorème de Liouville (variable complexe)|théorème de Liouville]] en [[analyse complexe]]. À cet effet, on considère un polynôme <math>P</math> à coefficients complexes, de degré au moins égal à <math>1</math>. On suppose qu'il n'a aucune racine : dès lors, la fonction rationnelle <math>\dfrac{1}{P}</math> est [[fonction entière|entière]] et bornée (car elle tend vers <math>0</math> à l'infini, d'après la démonstration précédente) ; du théorème de Liouville, on déduit qu'elle est constante, ce qui contredit l'hypothèse sur le degré, et prouve ainsi par l'absurde l'existence d'au moins une racine de <math>P</math> <ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=[[Henri Cartan]]|titre=Théorie élémentaire des fonctions analytiques d'une ou plusieurs variables complexes|lieu=Paris|éditeur=Hermann, collection Enseignement des sciences|année=1961|passage=p.81|isbn=978-2-7056-5215-9}}</ref>{{,}}<ref>{{Douady1}}, {{p.|283}}.</ref>.

=== Par le théorème de Rouché ===
Une autre démonstration concise s'appuie sur le [[Théorème de Rouché#Démonstration du théorème fondamental de l'algèbre|théorème de Rouché]] en [[analyse complexe]]. On considère le polynôme <math>p</math> à valeurs dans <math>\Complex</math> défini par :

:<math> p(z) = a_0+\cdots+a_nz^n</math>

en supposant que le coefficient <math>a_n</math> est non nul. Il suffit ensuite de comparer ce polynôme à <math>a_n z^n</math> sur un cercle suffisamment grand pour en déduire, en appliquant le théorème de Rouché, que <math>p</math> possède autant de zéros (avec multiplicités) que <math>a_n z^n</math>, c'est-à-dire <math>n</math>.

=== Par le théorème de Cauchy ===
Une troisième preuve concise se base sur le [[théorème intégral de Cauchy]] en [[analyse complexe]].
[[Raisonnement par l'absurde|Par l'absurde]], on suppose que pour tout <math>z\in \Complex</math>, <math>P(z)\ne 0</math> et on considère la fonction suivante <math display=inline>z \mapsto \frac{P'(z)}{P(z)}</math> qui est [[holomorphe]] sur <math>\Complex</math>. Par le [[théorème intégral de Cauchy]], on a
:<math>\forall \rho \in \R_+^*</math>, <math>\int_{|z|=\rho}\frac{P'(z)}{P(z)} \mathrm{d}z=0.</math>
Or en effectuant la division polynomiale de <math>\frac{P'(z)}{P(z)}</math>, on obtient après inversion de la somme et de l'intégrale sur la série absolument convergente que
:<math>\lim\limits_{\rho\rightarrow+\infty}\int_{|z|=\rho}\frac{P'(z)}{P(z)}\mathrm{d}z=2\pi i\operatorname{deg}P\neq 0.</math>
Il y a donc une contradiction et le polynôme <math>P</math> a au moins une racine.

=== Par le théorème d'inversion locale ===
Puisque <math>P</math> est continu et que <math>\lim\limits_{|z|\rightarrow +\infty}|P(z)|=+\infty</math>, l'application <math>P</math> est [[Application propre|propre]] donc son [[Image d'une application|image]] <math>\mathrm{Im}(P) </math> est fermée, donc <math>\Complex \setminus \mathrm{Im}(P) </math> est [[Ouvert (topologie)|ouvert]]. Par ailleurs, d'après le [[théorème d'inversion locale]], 

<math>P(\{z\in\Complex \mid P'(z)\ne 0\})</math> est ouvert ; son intersection avec l'ensemble <math>R:= \Complex \setminus P(\{z\in \Complex \mid P'(z)=0\})</math> des valeurs qui sont soit non atteintes par <math>P</math>, soit atteintes mais [[Point critique (mathématiques)|non critiques]], est donc un ouvert de <math>R</math>, [[Complémentaire (théorie des ensembles)|complémentaire]] dans <math>R</math> de l'ouvert précédent.

Or (puisque <math>P'</math> n'a qu'un nombre fini de racines) <math>R</math> est [[Sous-ensemble cofini|cofini]] donc [[Connexité (mathématiques)|connexe]]. L'un de ses deux ouverts est donc vide. Ce ne peut pas être le second, car il est égal à <math>\mathrm{Im}(P)\setminus P(\{z\in\Complex \mid P'(z)= 0\})</math>.

Par conséquent, <math>\Complex \setminus \mathrm{Im}(P)\ne \empty</math>, ce qui implique <math>\mathrm{Im}(P)= \C</math>. On a donc <math>0\in \mathrm{Im}(P)</math> et donc il existe un nombre <math>z\in \C</math> tel que <math>P(z)=0</math>.

=== Homotopie ===
{{Article détaillé|Homotopie}}
Une homotopie entre deux [[Lacet (mathématiques)|lacets]] est une déformation continue permettant de passer du premier lacet au deuxième. L'article détaillé montre que si <math>P</math> est un polynôme de degré <math>n</math> et si <math>\rho</math> est un nombre réel suffisamment grand, le lacet <math>\alpha</math> défini sur le cercle unité par :
<center><math>\forall t \in [0,1]\quad \alpha(t) = \frac {P(\rho\exp(2\pi\mathrm it))}{|P(\rho\exp(2\pi\mathrm it))|}</math></center>

fait <math>n</math> fois le tour du cercle. Si le polynôme <math>P</math> n'avait pas de racine, ce lacet serait homotope à un point. Cette contradiction est la base de la démonstration proposée dans l'article détaillé<ref>On trouve cette démonstration dans {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Allen|nom1=Hatcher|lien auteur1=Allen Hatcher|titre=Algebraic Topology|lieu=New York|éditeur=[[Cambridge University Press|CUP]]|année=2001|pages totales=544|passage=31|isbn=978-0-521-79540-1|lire en ligne=http://www.math.cornell.edu/~hatcher/AT/ATpage.html}}.</ref>.

=== Corps réel clos ===
{{Article détaillé|Corps réel clos}}
Il n'existe pas de démonstration purement algébrique du « théorème fondamental de l'algèbre » car, à un endroit ou à un autre, des considérations de continuité interviennent nécessairement. Ce point n'a été complètement clarifié qu'en 1927, par [[Emil Artin]] et [[Otto Schreier]], avec la théorie des [[Corps ordonné|corps ordonnables]]<ref>Jean Guéridon et [[Jean Dieudonné]], « L'algèbre et la géométrie jusqu'en 1840 », § III.A, ''in'' Jean Dieudonné, ''Abrégé de l'histoire des mathématiques'', Hermann, 1986.</ref>{{,}}<ref>E. Artin et O. Schreier, ''Algebraische Konstruktion reeller Körper'', Abh. Math. Sem. Hansischen Univ., vol. 5, 1927, p. 85-99 [https://link.springer.com/article/10.1007%2FBF02952512#page-1], [http://webmath.univ-rennes1.fr/geomreel/seminaire_fichiers/Artin-Schreier.pdf traduction en français] par le groupe de travail : « Aux sources de la Géométrie Algébrique Réelle » de l'[[Université de Rennes 1#Laboratoires de recherche|IRMAR]].</ref>{{,}}<ref>{{Lang1}}, [https://books.google.fr/books?id=Fge-BwqhqIYC&pg=PA272 {{p.|272-273}}], chap. X, Thm. 2.5, [https://books.google.fr/books?id=Fge-BwqhqIYC&pg=PA453 {{p.|453}}].</ref> et des [[corps réel clos|corps réels clos]]<ref>{{Article|langue=en|lien auteur=Hans Zassenhaus|prénom=Hans|nom=Zassenhaus|titre=On the fundamental theorem of algebra|url=http://www.maa.org/sites/default/files/pdf/upload_library/22/Ford/HansZassenhaus.pdf|revue=Amer. Math. Monthly|vol=74|numéro=5|année=1967|p.=485-497}}. [http://www.maa.org/programs/maa-awards/writing-awards/paul-halmos-lester-ford-awards Cet article a obtenu] un ''{{Lang|en|[[Paul Halmos|Paul R. Halmos]]-[[Lester Randolph Ford|Lester R. Ford]] Award}}'' de la [[Mathematical Association of America|MAA]] en 1968.</ref>. Ces auteurs ont abouti au théorème ''d'algèbre'' suivant, « attribué » par [[Nicolas Bourbaki]]<ref>N. Bourbaki, ''[[Éléments de mathématique|Algèbre]]'', ch. 6 (Groupes et corps ordonnés), § 2, théorème 3 [https://books.google.fr/books?hl=fr&id=Dc-TU2Iub6sC&&pg=PAVI.25 {{p.|25}}].</ref> à [[Leonhard Euler|Euler]] et [[Joseph-Louis Lagrange|Lagrange]] :

{{Théorème|énoncé=Pour tout corps commutatif <math>K</math>, les deux propriétés suivantes sont équivalentes :
# <math>K</math> vérifie les deux conditions suivantes :{{retrait|(1.a) <math>K</math> est [[corps euclidien|euclidien]], c'est-à-dire que ses carrés forment les éléments positifs d'un [[corps totalement ordonné|ordre total compatible]] avec sa structure de corps ;}}{{retrait|(1.b) tout polynôme de degré impair dans <math>K[X]</math> admet une racine dans <math>K</math>.}}
# <math>-1</math> n'est pas un carré dans <math>K</math> et [[Extension quadratique|''K''({{math|i}}), où {{math|i}} est une racine carrée de –1]], est algébriquement clos.}}

On dit alors que <math>K</math> est un « corps ordonné maximal », ou encore un « corps réel clos ».

{{démonstration
| titre = Démonstration de <math>1\Rightarrow 2</math><ref>{{cf.|maj}} par exemple N. Bourbaki, ''Algèbre'', ch. 6 (Groupes et corps ordonnés), § 2, proposition 8, [https://books.google.fr/books?hl=fr&id=Dc-TU2Iub6sC&&pg=PAVI.26 {{p.|26}}].</ref>
| contenu = Remarquons d'abord que pour tout corps <math>K</math> totalement ordonnable, <math>-1</math> n'est pas une somme de carrés dans <math>K</math> (en particulier, <math>K</math> est [[Caractéristique d'un anneau#Propriétés sur les anneaux|de caractéristique 0 et donc infini]]). Il reste à montrer si <math>K</math> vérifie même (1.a) et (1.b), alors <math>K(i)</math> est algébriquement clos.

* '''Étape 1 : toute [[équation du second degré]] à coefficients dans <math>K(i)</math> a ses deux solutions dans <math>K(i)</math>''' : il suffit de montrer que son [[discriminant]] <math>a + bi</math> (<math>a,b\in K</math>) est un carré dans <math>K(i)</math>. Or il est le carré de <math>c+di</math> donné par<center><math>c^2=\dfrac{ a+\sqrt{a^2+b^2}}{2},\qquad d^2=\dfrac{-a+\sqrt{a^2+b^2}}{2}</math></center>avec ''c'', ''d'' ∈ ''K'' — par (1.a) — et choisis de façon cohérente pour que <math>2cd</math> ait non seulement même carré que <math>b</math>, mais même signe.
*'''Étape 2 : tout polynôme <math>F</math> non constant à coefficients dans <math>K</math> possède une racine dans <math>K(i)</math>''' : on note <math>n</math> son degré, puis on pose <math>n=2^pq</math>, où <math>q</math> est impair. La preuve est une récurrence sur <math>p</math>. Pour <math>p= 0</math>, <math>F</math> admet une racine dans <math>K</math> d'après (1.b). Supposons <math>p> 0</math> et le résultat connu pour tous les polynômes dans <math>K[X]</math> de degré non divisible par <math>2^p</math>. Soit <math>E</math> un [[corps de décomposition]] de <math>F</math> ; on note alors <math>x_i</math> (<math>1 \leq i \leq n</math>) les racines de <math>F</math> dans <math>E</math> (répétées autant de fois qu'elles sont multiples). Pour chaque élément <math>c</math> de <math>K</math>, on introduit le polynôme<center><math>G_c=\prod_{1\leq i<j\le n}\left(X-x_i-x_j-cx_ix_j\right).</math></center>Ce polynôme est de degré <math>\dfrac{n(n - 1)}{2}=2^{p-1}q(n - 1)</math> qui n'est pas divisible par <math>2^p</math>. Les coefficients de <math>G_c</math> sont par ailleurs des éléments de <math>K</math> : en effet, ce sont des [[polynôme symétrique|polynômes symétriques]] à coefficients dans <math>K</math> en les <math>x_i</math> donc — d'après les [[relations entre coefficients et racines]]<ref>N. Bourbaki, ''Algèbre'', ch. 4 (Polynômes et fractions rationnelles), § 6, théorème 3 [https://books.google.fr/books?hl=fr&id=Dc-TU2Iub6sC&&pg=PAIV.58 {{p.|58}}].</ref> — ce sont des polynômes à coefficients dans <math>K</math> en les coefficients de <math>F</math>, qui appartiennent aussi à <math>K</math>. On peut dès lors appliquer l'hypothèse de récurrence à <math>G_c</math> et conclure qu'il possède au moins une racine dans <math>K(i)</math>. On peut donc isoler deux indices <math>i(c)</math> et <math>j(c)</math> tels que<center><math>x_{i(c)}+x_{j(c)}+cx_{i(c)}x_{j(c)} \in K(\rm i).</math></center>Le corps <math>K</math> est infini, alors que l'ensemble des couples d'indices est fini ; il existe donc deux éléments <math>c</math> et <math>d</math> de <math>K</math> tels que <math>i(c) = i(d) </math> et <math>j(c)=j(d)</math> ; on note <math>i = i(c) = i(d)</math> et <math>j = j(c) = j(d)</math>. Comme <math>x_i + x_j + cx_i x_j</math> et <math>x_i + x_j + dx_i x_j</math> appartiennent à <math>K(i)</math> avec <math>c\ne d</math>, on en déduit que <math>x_i + x_j</math> et <math>x_i x_j</math> appartiennent également à <math>K(i)</math>, puis que <math>x_i</math> et <math>x_j</math> sont à leur tour racines d'un polynôme du second degré à coefficients dans <math>K(i)</math>. En conséquence de l'étape 1, <math>x_i</math> et <math>x_j</math> appartiennent à <math>K(i)</math>. On a bien trouvé une racine dans <math>K(i)</math> pour <math>F</math> (et même deux).
*''' Conclusion : <math>K(i)</math> est algébriquement clos''' : se déduit de l'étape 2 comme (i) se déduisait de (iii) à la fin du [[#Énoncés|§ Énoncés]], la conjugaison étant ici le [[Extension quadratique#Groupe de Galois|''K''-automorphisme de ''K''({{math|i}})]] distinct de l'[[application identité|identité]].
}}

Pour le corps <math>\R</math>, les conditions (1.a) et (1.b) sont satisfaites, d'après deux théorèmes ''d'analyse'' se déduisant du [[théorème des valeurs intermédiaires]]<ref>N. Bourbaki, ''[[Éléments de mathématique|Topologie générale]]'', ch. 4 (Nombres réels), [https://books.google.fr/books?id=12yuCBbwijUC&pg=SL265-PA12 {{p.|12}}].</ref>{{,}}<ref>N. Bourbaki, ''Topologie générale'', ch. 8 (Nombres complexes), Théorème 1, [https://books.google.fr/books?id=V9LEtm53D0QC&pg=PA29 {{p.|1}}].</ref>. Par suite, le corps <math>\C</math> des complexes, obtenu en lui adjoignant <math>i=\sqrt{-1}</math>, est algébriquement clos.

;Remarques
* La démonstration ci-dessus est une réécriture moderne de celle conçue par Lagrange<ref>{{Samuel1}}, {{p.|53-54}}.</ref>. Il s'agit d'une ingénieuse combinatoire, que [[Pierre-Simon de Laplace|Laplace]] fut le premier à utiliser pour mettre au point la [[#Les preuves d'Euler et de Lagrange|stratégie d'Euler]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=David A.|nom1=Cox|titre=Galois Theory|éditeur=[[John Wiley & Sons]]|année=2012|numéro d'édition=2|pages totales=602|passage=64|isbn=978-1-118-21842-6|lire en ligne={{Google Livres|vBKrOch1AkYC|page=64}}}}.</ref>. Une démonstration plus courte fait appel à [[#La théorie de Galois|la théorie de Galois (voir ci-dessous)]].
*Tout corps réel clos <math>K</math> vérifie les mêmes [[Calcul des prédicats|propriétés du premier ordre]] que <math>\R</math>. En particulier, les seuls polynômes irréductibles de <math>K[X]</math> sont les polynômes du premier degré et les polynômes du second degré ayant un discriminant strictement inférieur à <math>0</math>, et <math>K</math> vérifie la propriété des valeurs intermédiaires pour les polynômes de <math>K[X]</math>. En revanche, [[Construction des nombres réels|ℝ est le seul]] corps totalement ordonné possédant la propriété ([[Logique d'ordre supérieur|du second ordre]]) de la borne supérieure, qui fonde la « [[#Preuve directe|preuve directe]] ».

== Éléments d'histoire ==
=== Les origines ===
[[Image:Francois Viete.jpeg|vignette|upright=0.6|[[François Viète]], en découvrant le calcul littéral, ouvre une nouvelle ère dans l'histoire de l'algèbre.]]
À l'époque de [[François Viète]] <small>([[1540]] - [[1603]])</small>, le calcul littéral vient d'être découvert<ref group="Note">Voir l'article [[Théorie des équations (histoire des sciences)]].</ref> par ce mathématicien ainsi que les [[relations entre coefficients et racines]]<ref>F. Duffaud, ''[http://www.math93.com/viete.htm Viète et les techniques algébriques]'' sur le site Math93.</ref>. Il remarque aussi qu'il est toujours possible de construire une équation ayant exactement <math>n</math> racines données. En 1608, Peter Roth prétend que le nombre de racines d'une équation polynomiale est borné par son degré<sup>{{harv|Remmert|1998}}</sup>. Par « racine », il n'entendait pas forcément des racines de la forme <math>a+ib</math>. Un premier énoncé correct est donné par [[Albert Girard]] <small>([[1595]] - [[1632]])</small>, qui, en [[1629]], dans son traité intitulé ''Inventions nouvelles en l'algèbre''<sup>{{harv|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=248}}.</sup>, annonce que :

{{citation bloc|''Toutes les équations d'algèbre reçoivent autant de [[Racine d'un polynôme|solutions]] que la dénomination de la plus haute quantité le démontre.''}}
Cette idée est reprise dans ''la Géométrie'' de [[René Descartes]] <small>([[1596]] - [[1650]])</small>, qui utilise pour la première fois le terme ''imaginaire'', pour qualifier des racines : {{Citation|... quelquefois seulement imaginaires c'est-à-dire que l'on peut toujours en imaginer autant que j'ai dit en chaque équation, mais qu'il n'y a quelquefois aucune quantité qui corresponde à celle qu'on imagine...}}<ref>R. Descartes, ''[[s:Page:Descartes La Géométrie.djvu/83#cite ref-0|La géométrie]]'', 1637.</ref>. [[Albert Girard]] les appelait, pour sa part, des inexplicables. Leur compréhension est encore insuffisante pour donner un sens à l'idée d'une démonstration. Un nombre imaginaire est ici un nombre fictif, qui, pour les polynômes de degrés supérieurs, joueraient le même rôle que le symbole <math>\sqrt{-1}</math> formalisé par [[Raphaël Bombelli|Bombelli]] pour les équations de petit degré.

À cette époque et pendant plus d'un siècle, ce type de propos n'est pas sujet à démonstration, et prouver une définition, ou encore pire une ''imagination'', n'a pas le moindre sens<sup>{{harv|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=248-249}}</sup>.

=== L'émergence des nombres complexes ===
[[Image:Descartes2.jpg|vignette|upright=0.6|gauche|[[René Descartes]], avec [[Albert Girard]], donne un premier sens au terme « nombre imaginaire ».]]
{{article détaillé|Histoire des nombres complexes}}
Il faut plus d'un siècle pour passer des nombres ''imaginaires'', ''fictifs'' ou ''impossibles'' de Girard et Descartes, aux nombres complexes que nous connaissons, c'est-à-dire de la forme <math>a+ib</math>, où <math>a</math> et <math>b</math> sont des nombres réels. Petit à petit, les nombres complexes sont apprivoisés par les mathématiciens. À l'aide d'un [[série entière|développement en série]], [[Gottfried Wilhelm Leibniz]] <small>([[1646]] - [[1716]])</small> donne un sens univoque à l'égalité de Bombelli<sup>{{harv|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=253}}</sup> :
<center><math>\sqrt[3]{2+ \sqrt {-121}}+\sqrt[3]{2- \sqrt {-121}} = 4.</math></center>

L'usage de l'[[unité imaginaire]] <math>i</math> devient de plus en plus fréquent, et cela dans des contextes bien différents de celui de la théorie des équations. Le mathématicien [[Abraham de Moivre]] démontre la [[formule de Moivre|formule qui porte son nom]] et éclaire la relation entre la trigonométrie et les nombres complexes. Enfin, la célèbre [[formule d'Euler]] <math>e^{i\pi}+1=0</math>, publiée en [[1748]], achève de convaincre les plus sceptiques.

En [[1746]], [[Jean Le Rond d'Alembert|Jean le Rond d'Alembert]] exprime le besoin de ''démontrer le théorème fondamental de l'algèbre''<ref>{{Article|langue=en|revue=[[Historia Mathematica]]|vol=31|numéro=4|année=2004|p.=414-428|titre=D'Alembert's proof of the fundamental theorem of algebra|auteur=Christopher Baltus|doi=doi:10.1016/j.hm.2003.12.001}}.</ref>. Sa motivation n'est en rien algébrique, il souhaite démontrer l'existence d'une décomposition en éléments simples de n'importe quelle fonction rationnelle, afin d'en obtenir des primitives. Si le monde mathématique admet immédiatement le bien-fondé de la nécessité d'une démonstration, l'approche de D'Alembert ne séduit pas. Son procédé se fonde sur des convergences de suites et de familles de courbes, une approche purement analytique. Elle est de plus incomplète, et suppose sans preuve qu'une fonction continue sur un compact et à valeurs réelles atteint son minimum. Elle suppose aussi démontré un résultat sur la convergence de séries, maintenant connu sous le nom de ''[[théorème de Puiseux]]''. Les grands noms de son époque souhaitent une démonstration algébrique, de même nature que le théorème<ref>Les idées de ce paragraphe proviennent de {{harvsp|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=249-250}}.</ref>.

La preuve de D'Alembert fut révisée par [[Jean-Robert Argand|Argand]] en 1814<ref name=Argand/>. Ce dernier remplaça le théorème de Puiseux par une simple inégalité, connue aujourd'hui sous le nom d'[[Jean-Robert Argand#Inégalité d'Argand|inégalité d'Argand]]<ref>{{chapitre|titre=Le théorème fondamental de l'algèbre et la théorie géométrique des nombres complexes au {{s-|XIX}}|prénom=Christian|nom1=Gilain|titre ouvrage=Le nombre, une hydre à n visages : Entre nombres complexes et vecteurs|auteur ouvrage=D Flament|éditeur=Maison des sciences de l'homme|année=1997|isbn=978-2-7351-0763-6|url={{Google Livres|a4rBXJidHeMC|page=51}}|passage=51-74}}.</ref>. Mais la preuve reste incomplète jusqu'au milieu du {{s-|XIX}}<ref>Les idées de ce paragraphe proviennent de {{harvsp|Remmert|1998}}.</ref>.

=== Les preuves d'Euler et de Lagrange ===
[[Image:Joseph Louis Lagrange.jpg|vignette|upright=0.6|[[Joseph-Louis Lagrange]] complète partiellement une preuve esquissée par [[Leonhard Euler|Euler]].]]
Deux tentatives de preuves sont l'œuvre de [[Leonhard Euler]] <small>([[1707]] - [[1783]])</small> et de [[Joseph-Louis Lagrange]] <small>([[1736]] - [[1813]])</small>. Elles se suivent et celle plus tardive de Lagrange vise à combler certaines lacunes laissées par Euler.

Les démonstrations utilisent le fait que si le degré ''n'' d'un polynôme à coefficients réels est impair, il est « évident » que le polynôme admet une racine réelle, car si une grandeur est suffisamment grande, l'image par le polynôme de cette grandeur et de son opposé sont de signes opposés. Il faudra attendre les travaux de [[Bernard Bolzano]] de [[1816]] pour obtenir une démonstration du [[théorème des valeurs intermédiaires]] rigoureuse et pour que ce résultat ne soit plus une « évidence »<ref>Michel Guillemot, « Bolzano et la démonstration du théorème des valeurs intermédiaires », dans ''La démonstration mathématique dans l'histoire'', [[IREM]] de Lyon.</ref>.

Si <math>n</math> n'est plus impair mais de la forme <math>2^pq</math> avec <math>q</math> impair, l'objectif d'Euler et Lagrange est de montrer, par récurrence sur <math>p</math> (cf. ci-dessus, [[#Corps réel clos|§ Corps réel clos]]), que toutes les ''racines imaginaires'', au sens de Girard ou Descartes, sont complexes au sens où elles sont combinaisons linéaires à coefficients réels de <math>1</math> et de <math>i</math>. La démonstration d'Euler est rigoureuse pour le degré <math>4</math>, mais à peine esquissée dans le cas général, celle de Lagrange se fonde sur des fonctions rationnelles invariantes par ce que l'on appelle maintenant un [[groupe (mathématiques)|groupe]] de [[permutation]]s des racines<sup>{{harv|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=250}}</sup>. D'autres tentatives de même nature sont l'œuvre de [[François Daviet de Foncenex|Foncenex]] et de [[Pierre-Simon de Laplace|Laplace]].

=== Gauss et la rigueur ===
[[Image:Carl Friedrich Gauss.jpg|vignette|gauche|upright=0.6|[[Carl Friedrich Gauss]] présente des preuves rigoureuses du théorème.]]
[[Carl Friedrich Gauss]] écrit sa thèse de doctorat sur le sujet en [[1799 en science|1799]]<ref>{{la}} C. F. Gauss, ''[http://www.thelatinlibrary.com/gauss.html Demonstratio nova theorematis…]''.</ref>. Il reproche une démarche peu rigoureuse de la part de ses prédécesseurs, à l'exception de d'Alembert qui utilise un raisonnement analytique de nature différente (mais ayant aussi des lacunes). Ils supposent tous l'existence de <math>n</math> racines et montrent que ces racines sont des nombres complexes. Le sens à donner à ces <math>n</math> racines laisse Gauss perplexe, il s'exprime ainsi : {{Citation|L'hypothèse de base de la démonstration, l'axiome est que toute équation possède effectivement <math>n</math> racines possibles ou impossibles. Si l'on entend par possibles réels et par impossibles, ''complexes'', cet axiome est inadmissible puisque c'est justement ce qu'il s'agit de démontrer. Mais si l'on entend par possibles les quantités réelles et complexes et par impossibles tout ce qui manque pour qu'on ait exactement <math>n</math> racines, cet axiome est acceptable. Impossible signifie alors quantité qui n'existe pas dans tout le domaine des grandeurs<sup>{{harv|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=252}}</sup>.}} La faiblesse, c'est que, si elles n'existent pas, et cela dans tout le domaine des grandeurs, est-il raisonnable de calculer dessus comme le font Euler et Lagrange ?

La première preuve de Gauss, présentée en 1799 et fondée sur le canevas de d'Alembert, reste encore incomplète. À l'époque, l'existence d'un minimum atteint par une fonction continue définie sur un compact n'est pas démontrée. En [[1814]], un amateur suisse du nom de [[Jean-Robert Argand]] présente une preuve à la fois solide et simple<ref name=Argand>Argand, « [http://www.numdam.org/numdam-bin/item?id=AMPA_1814-1815__5__197_0 Philosophie mathématique. Réflexions sur la nouvelle théorie des imaginaires, suivies d'une application à la démonstration d'un théorème d'analise] », ''[[Annales de Gergonne]]'', vol. 5, 1814, p. 197-209.</ref>{{,}}<ref>Odile Kouteynikoff, « {{lien web|url=https://www.apmep.fr/IMG/pdf/AAA06011.pdf|titre=La démonstration par Argand du théorème fondamental de l'algèbre}} », ''Bulletin de l'[[APMEP]]'', n° 462, 2006, {{p.|122-137}}.</ref>, fondée sur le canevas de d'Alembert. La preuve de [[Augustin Louis Cauchy|Cauchy]] dans son ''[[Cours d'Analyse]]'' est inspirée, indirectement au moins, de celle d'Argand<ref name=Cauchy>A. L. Cauchy, ''Cours d'Analyse de l'[[École polytechnique (France)|École Royale Polytechnique]], [http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-29058&I=353 {{1re|partie}} : Analyse Algébrique]'', 1821, chap. X, début du § 1, {{p.|331-339}}, où il cite [[Adrien-Marie Legendre|Legendre]], ''Théorie des nombres'', {{1re|partie}}, § XIV ; Legendre lui-même, s'il ne cite pas Argand, a lu son manuscrit avant 1806, et sa démonstration analytique suit le schéma de celle d'Argand : voir {{harvsp|Gilain|1997|p=56-58}}.</ref>.

Selon [[Reinhold Remmert|Remmert]]<sup>{{harv|Remmert|1998}}</sup>, cette première preuve de Gauss est une belle preuve géométrique, mais reste encore incomplète. Les zéros sont interprétés comme les intersections des deux courbes algébriques réelles <math>\mathrm{Re}(P)=0</math> et <math>\mathrm{Im}(P)=0</math>. En l'infini, ces courbes ont <math>2n</math> branches qui s'alternent (partie facile de la preuve). Malheureusement, en déduire l'existence de <math>n</math> points d'intersections comptées avec multiplicité n'est pas une application directe du [[théorème des valeurs intermédiaires]]. Elle ne sera donnée qu'en 1920, par [[Alexander Ostrowski|Ostrowski]].

La deuxième preuve de Gauss, en 1815, fait appel à la démarche d'Euler et de Lagrange. Cette fois-ci, il remplace les racines par des [[construction de l'anneau des polynômes|indéterminées]], ce qui aboutit à une preuve rigoureuse<ref>Une version moderne de cette preuve, [[#Corps réel clos|celle par les corps réel clos]], est proposée dans {{Lien web|auteur=J. Y. Briend|url=http://www.cmi.univ-mrs.fr/~briend/cours/theo-fond.pdf|titre=Le théorème fondamental de l'algèbre (T.D. de M1)|site=[[Université de Provence Aix-Marseille I]]|année=2006}}. Voir aussi {{en}} ''[http://www.monad.me.uk/misc/gauss.pdf Another new proof of the theorem…]'' (traduction de l'article de Gauss de 1815).</ref>, mais plus tardive que celle d'Argand. Les deux seules hypothèses que fait Gauss sont (i) toute équation algébrique de degré impair a une racine réelle ; (ii) toute équation quadratique à coefficients complexes a deux racines complexes.

La troisième preuve de Gauss date de 1816. Il s'agit en réalité d'un résultat sur la localisation des zéros des fonctions polynomiales, dont la généralisation (en 1862) aux [[Fonction holomorphe|fonctions holomorphes]] est le [[théorème de Rouché]].

La quatrième preuve de Gauss date de 1849. Il s'agit d'une variante de la première preuve, où Gauss envisage cette fois des polynômes à coefficients complexes<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=H.-D.|nom1=Ebbinghaus|prénom2=H.|nom2=Hermes|prénom3=F.|nom3=Hirzebruch|prénom4=M.|nom4=Koecher|prénom5=K.|nom5=Mainzer|prénom6=J.|nom6=Neukirch|prénom7=A.|nom7=Prestel|auteur8=R. Remmert|titre=Numbers|éditeur=Springer|collection=[[Graduate Texts in Mathematics|GTM]]|numéro dans collection=123|année=1991|passage=108|isbn=|lire en ligne={{Google Livres|OKcKowxXwKkC|page=118}}}}.</ref>.

=== La théorie de Galois ===
{{Article détaillé|Théorie de Galois}}
L'histoire finit par combler la lacune de la démonstration de Lagrange. [[Évariste Galois]] <small>([[1811 en science|1811]] - [[1832 en science|1832]])</small> réutilise les idées de Lagrange sous un angle plus novateur et qui préfigure l'algèbre moderne<ref>C'est l'opinion d'[[Alain Connes]] pour qui la pensée de Galois préfigure le formalisme moderne : A. Connes, ''[http://www.alainconnes.org/docs/galoistext.ps La pensée d'Évariste Galois et le formalisme moderne]'', 2005.</ref>. Ces idées, reprises par [[Ernst Kummer]] et [[Leopold Kronecker]], débouchent sur l'existence d'un corps contenant toutes les racines du polynôme, et cela indépendamment de toute construction sur les nombres complexes. Ce corps est appelé [[corps de décomposition]], son usage permet la reprise des idées de Lagrange, de manière tout à fait rigoureuse<sup>{{harv|Dahan|Peiffer|texte=Dahan et Peiffer 1986|p=252}}</sup>.

Remmert<sup>{{harv|Remmert|1998|p=100}}</sup> attribue cette réactualisation de la preuve de Lagrange à [[Adolf Kneser]]<ref>{{Article|langue=de|prénom=Adolf|nom=Kneser|titre=Arithmetische Begründung einiger algebraischer fundamental Sätze|périodique=Journal de Crelle|lien périodique=Journal für die reine und angewandte Mathematik|volume=102|année=1888|pages=20-55|url=http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=GDZPPN00216051X}}.</ref>. Une version moderne<ref>Voir par exemple {{Ouvrage|langue=en|nom1=[[Winfried Scharlau]]|titre=Quadratic and Hermitian forms|éditeur=Springer|année=1985|isbn=}}, Thm. 2.3, {{p.|113}}.</ref> due à [[Emil Artin|Artin]]<ref>{{en}} David S. Dummit et Richard M. Foote, ''[http://www.lisabeckphotography.com/Math/Textbooks/Algebra/Dummit%20and%20Foote%20-%20Abstract%20Algebra%20%28text%29.pdf Abstract algebra]'', {{3e}} éd., chap. 14, {{p.|617}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Cox|2012|p=[https://books.google.fr/books?id=vBKrOch1AkYC&pg=PA218 218-219]}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lang1}}, [https://books.google.fr/books?id=Fge-BwqhqIYC&pg=PA272 {{p.|272-273}}] de l'édition en anglais de 2002 (chap. Galois Theory, § Examples and applications, Example 5).</ref>, utilisant la théorie de Galois et le premier [[Théorèmes de Sylow#Les théorèmes de Sylow|théorème de Sylow]], redémontre<ref group="Note">Le [[théorème de Frobenius de 1877]] montrait de plus que la seule autre [[Algèbre associative sur un corps|algèbre associative]] [[Corps gauche|à division]] de [[Dimension d'un espace vectoriel|dimension]] finie sur ℝ est le [[corps non commutatif]] ℍ des [[quaternions]].</ref> que les [[Extension algébrique#Extensions algébriques de ℝ|seules extensions finies de ℝ]] sont <math>\R</math> et <math>\C</math>.

=== Démonstrations itératives et effectivité ===
[[Fichier:Julia set (C = 0.285, 0.01).jpg|vignette|upright=1.5|Une façon de représenter l'[[ensemble de Julia]], ici pour un polynôme de la forme <math>P(z)=z^2+c</math>, où <math>c</math> est à l'extérieur (et proche de la frontière) de l'[[ensemble de Mandelbrot]].]]
Même complétée et corrigée, la démonstration de D'Alembert et d'Argand n'est pas constructive : elle utilise le fait que le module d'un polynôme atteint son minimum, sans préciser en quel point. Il serait pourtant souhaitable de pouvoir approcher les racines des polynômes, par exemple en disposant d'une démonstration qui explicite une manière d'exhiber une racine, ou une [[Suite (mathématiques)|suite]] de nombres complexes qui converge vers une racine. Des théorèmes de localisation sur les zéros des [[Fonction holomorphe|fonctions holomorphes]] peuvent être déduits du [[théorème des résidus]] dû à Cauchy, mais ne sont pas réellement effectifs : il est difficile d'implémenter un [[algorithme]] d'approximation fondé sur ceux-ci (et ils sont inutilisables en pratique sans ordinateurs puissants) ; on trouvera une analyse plus précise de ces méthodes dans [[Hypothèse de Riemann#Tests num.C3.A9riques|cette section]] de l'article [[Hypothèse de Riemann]], car ce sont les seules utilisables pour localiser les zéros de la fonction <math>\zeta</math>.

Selon Remmert, la première tentative significative fut proposée par [[Karl Weierstrass|Weierstrass]] en 1859<ref>{{de}} Weierstrass, ''Neuer Beweiss des Fundamentalsatzes der Algebra'', Math. Werke '''1''' (1859) {{p.|247-256}}.</ref>. Bien que la méthode proposée ne fonctionne pas bien, l'idée est intéressante : il s'agit d'itérer la fonction
:<math>x\mapsto x-P(x)</math>.

Ceci donne lieu à une suite qui, si elle converge, converge vers un zéro de <math>P</math>. Cette idée est exploitée pour montrer le [[Application contractante#Théorème du point fixe pour une application contractante|théorème du point fixe]] pour les [[Application contractante|fonctions contractantes]] par exemple. Cependant, la convergence n'est, ici, pas automatique : l'ensemble des valeurs de <math>x</math> pour lesquelles la suite itérée est bornée n'est pas <math>\C</math> en général ; même en se limitant à un domaine borné, il arrive fréquemment que la suite diverge pour presque tout point de départ ; ceux pour lesquels elle reste bornée forment d'ailleurs une des « [[fractale]]s » les plus connues : l'[[ensemble de Julia]] (rempli) associé à <math>P</math>, et qui est souvent une [[Ensemble de Cantor|poussière de Cantor]], de [[dimension de Hausdorff]] nulle ; c'est par exemple le cas du polynôme <math>P(X)=-X^2+X-1 </math>.

D'un point de vue pratique, une autre suite convergeant plus souvent est donnée par la [[méthode de Muller]] ; elle demande à chaque étape le calcul d'une [[racine carrée]] (complexe).

Si les racines du polynôme <math>P</math> étudié sont simples (ce qui est une [[Hiérarchie de Borel|condition générique]]), la [[méthode de Newton]] peut être appliquée. Elle consiste à itérer la fonction
:<math>x\mapsto x-\dfrac{P(x)}{P'(x)} ,</math>

qui à <math>x</math> associe le point où s'annule la [[Approximation affine|fonction affine tangente]] à <math>P</math> en <math>x</math>. Encore une fois, si cette suite converge, sa limite est un zéro de <math>P</math> et, cette fois, la convergence est assurée si la valeur initiale est choisie suffisamment proche d'une racine de <math>P</math>.

Une importante correction a été apportée par [[Morris Hirsch]] et [[Stephen Smale]] en 1979<ref>{{article|langue=en|auteur=Morris W. Hirsch|auteur2=Stephen Smale|titre=On algorithms for solving f(x)=0|revue=[[Communications on Pure and Applied Mathematics|Comm. Pure Appl. Math.]]|volume=32|année=1979|p.=281-312}}.</ref>. Elle consiste à itérer la fonction
:<math>x\mapsto x-\min(1,H(x))\frac{P(x)}{P'(x)},</math>

où la fonction <math>H</math> est définie en fonction du polynôme <math>P</math> par la formule
:<math>H(x)=C(|x|)\frac{|P'(x)|^2}{|P(x)|\max |a_i|}.</math>

Les <math>a_i</math> sont les coefficients de <math>P</math>, et <math>C</math> est une fonction rationnelle d'une variable réelle. Hirsch et Smale démontrèrent que la suite obtenue <math>z_k</math> converge toujours vers un zéro du polynôme <math>P</math>, quelle que soit la valeur initiale <math>z_0</math>.

Weierstrass propose également en 1891<ref>{{Article|langue=de|nom=Weierstrass|prénom=K.|année=1891|url=http://bibliothek.bbaw.de/bibliothek-digital/digitalequellen/schriften/anzeige?band=10-sitz/1891-2&seite:int=00000565|titre=Neuer Beweis des Satzes, dass jede ganze rationale Function einer Veränderlichen dargestellt werden kann als ein Product aus linearen Functionen derselben Veränderlichen|revue=Sitzungsberichte der königlich preussischen Akademie der Wissenschaften zu Berlin}}.</ref> une méthode itérative, connue actuellement sous le nom de {{Lien|langue=en|trad=Durand–Kerner method|fr=méthode de Durand-Kerner}}, plus puissante qui converge (dans de bonnes conditions) non pas vers une seule racine mais vers ''l'ensemble'' des <math>n</math> racines simples <math>(\zeta_j)</math> :
<math>z^{(i+1)}_k=z^{(i)}_k-\frac{P(z^{(i)}_k)}{a_n\,\prod_{j\not = k}(z^{(i)}_k-z^{(i)}_j)}</math> qui est proche de l'itération de
<math>z^{(i+1)}_k=z^{(i)}_k-\frac{P(z^{(i)}_k)}{a_n\,\prod_{j\not = k}(z^{(i)}_k-\zeta_j)}</math> qui a pour point fixe les racines.

{{clr}}

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{références|groupe=Note}}

=== Références ===
{{références|taille=30}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* Carlos Alvarez et [[Jean Dhombres]], ''Une histoire de l’invention mathématique - Les démonstrations du théorème fondamental de l’algèbre dans le cadre de l’analyse réelle et de l’analyse complexe de Gauss à Liouville'', vol. II, Hermann, 2012
* {{DahanPeiffer}} {{plume}}
* {{en}} Benjamin Fine et Gerhard Rosenberger, ''The Fundamental Theorem of Algebra'', Springer, 1997 {{ISBN|978-0-38794657-3}}, {{Google Livres|g0KHD7EIl4cC|aperçu}}
*{{Article|prénom=Christian|nom=Gilain|titre=Sur l'histoire du théorème fondamental de l'algèbre : théorie des équations et calcul intégral|revue=[[Archive for History of Exact Sciences|Arch. Hist. Exact Sci.]]|vol=4|numéro=2|année=1991|p.=91-136|jstor=41133900}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Roger Godement]]|titre=Analyse mathématique|volume=I|éditeur=Springer|année=2001|pages totales=458|isbn=978-3-540-42057-6|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=b9p3WFavE78C&printsec=frontcover}}
* {{Chapitre|lien auteur=Reinhold Remmert|prénom=Reinhold|nom=Remmert|titre=Le théorème fondamental de l'algèbre|auteurs ouvrage={{Lien|langue=de|fr=Heinz-Dieter Ebbinghaus|texte=H.-D. Ebbinghaus}}, {{Lien|langue=de|fr=Hans Hermes|texte=H. Hermes}}, [[Friedrich Hirzebruch|F. Hirzebruch]], [[Max Koecher|M. Koecher]], {{Lien|langue=de|fr=Klaus Lamotke|texte=K. Lamotke}}, {{Lien|langue=de|fr=Klaus Mainzer|texte=K. Mainzer}}, [[Jürgen Neukirch|J. Neukirch]], A. Prestel et R. Remmert |titre ouvrage=Les nombres, leur histoire, leur place et leur rôle de l'Antiquité aux recherches actuelles|éditeur=Vuibert|année=1998|isbn=978-2-71178901-6|passage=91-117 |plume=oui}}
*: Traduction de ''Zahlen'', Springer-Verlag, 1983

=== Liens externes ===
* L. Euler, ''[http://bibliothek.bbaw.de/bbaw/bibliothek-digital/digitalequellen/schriften/anzeige/index_html?band=02-hist/1749&seite:int=228 Recherches sur les racines imaginaires des équations]'' Histoire de l'Académie Royale des Sciences et des Belles-Lettres de Berlin 1751
*{{Lien web|langue=en|titre=Complex Analysis Project for Undergraduate Students — The Fundamental Theorem of Algebra: Internet Resources and Bibliography|auteur=John H. Mathews et Russell Howell|url=http://mathfaculty.fullerton.edu/mathews/c2003/FunTheoremAlgebraBib.html|site=[[Université d'État de Californie à Fullerton|CSU, Fullerton]]}}
*{{Lien web|langue=en|auteur=Harel Cain|titre=C. F. Gauss's proofs of the fundamental theorem of algebra|url=http://math.huji.ac.il/~ehud/MH/Gauss-HarelCain.pdf|site=[[Université hébraïque de Jérusalem]]}}
*{{Lien web|auteur=A. Frabetti|url=http://math.univ-lyon1.fr/~frabetti/TMB/TMB-CM1-complexes.pdf|titre=Formulaire sur les nombres complexes|site=[[Université Claude-Bernard Lyon 1]]}}

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