Voir la source de Théorème fondamental de l'analyse

[[Image:GodfreyKneller-IsaacNewton-1689.jpg|vignette|[[Isaac Newton]], [[Histoire de l'analyse|historiquement]] reconnu comme l'auteur du théorème fondamental de l'analyse<br />(portrait par [[Godfrey Kneller]], 1689).]]

En [[mathématiques]], le '''théorème fondamental de l'analyse''' (ou '''théorème fondamental du calcul différentiel et intégral''') établit que les deux opérations de base de l'[[analyse (mathématiques)|analyse]], la [[dérivée|dérivation]] et l'[[intégration (mathématiques)|intégration]], sont, dans une certaine mesure, [[Bijection réciproque|réciproques]] l'une de l'autre. Il est constitué de deux familles d'énoncés (plus ou moins généraux selon les versions, et dépendant de la théorie de l'intégration choisie)<ref>{{Ouvrage|titre=Constitution de la théorie moderne de l'intégration|auteur=Alain Michel|éditeur=[[Librairie philosophique J. Vrin|Vrin]]|année=1992|url={{Google Livres|k2830x1g-BcC|page=314}}|page=314}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|lang=en|auteur=Norman B. Haaser|auteur2=Joseph A. Sullivan|titre=Real Analysis|éditeur=[[Dover Publications|Dover]]|année=1991|année première édition=1971|url={{Google Livres|JypBdruvTjYC|page=218}}|page=218}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|lang=en|titre=The Calculus Collection: A Resource for AP and Beyond|auteur=Caren L. Diefenderfer|auteur2=Roger B. Nelsen|éditeur=[[Mathematical Association of America|MAA]]|année=2010|url={{Google Livres|SHJ39945R1kC|page=115}}|page=115}}.</ref> :
* premier théorème : certaines [[Fonction et application|fonctions]] sont « la dérivée de leur intégrale » ;
* second théorème : certaines fonctions sont « l'intégrale de leur dérivée ».
(La numérotation est inverse dans certains ouvrages<ref>{{Ouvrage|lang=en|auteur=David S. Kahn|titre=Cracking the AP Calculus AB & BC Exams|éditeur=The Princeton Review|année=2004|url={{Google Livres|5-SisV1sLm0C|page=179}}|page=179}}.</ref>.)

Une conséquence importante du second théorème est de permettre de calculer une intégrale en utilisant une [[primitive]] de la fonction à intégrer.

== Historique ==
{{Voir aussi|Histoire du calcul infinitésimal}}

Avant la découverte du théorème fondamental de l'analyse, la relation entre intégration et dérivation n'était pas soupçonnée. Les [[mathématiques de la Grèce antique|mathématiciens grecs]] savaient déjà calculer des aires et des volumes à l'aide d'[[infinitésimaux]]<ref group=N>Voir par exemple l'article [[Palimpseste d'Archimède]].</ref>, une opération qui serait actuellement appelée une ''intégration''. La notion de [[dérivée|différentiation]] fut introduite elle aussi dès le Moyen Âge ; ainsi, les notions de ''continuité'' de fonctions et de ''vitesse de déplacement'' furent étudiées par les [[Calculateurs d'Oxford]] au {{s|XIV}}. L'importance historique du théorème ne fut pas tant de faciliter le calcul des intégrales que de faire prendre conscience que ces deux opérations apparemment sans rapport (le calcul d'aires, et le calcul de vitesses) sont en fait étroitement reliées.

Le premier énoncé (et sa démonstration) d'une forme partielle du théorème fut publié par [[James Gregory (mathématicien)|James Gregory]] en 1668<ref>
Voir, par exemple, {{en}} Marlow Anderson, [[Victor J. Katz]] et [[Robin Wilson (mathématicien)|Robin J. Wilson]], ''Sherlock Holmes in Babylon and Other Tales of Mathematical History'', [[Mathematical Association of America|MAA]], 2004, p. 114, {{Google Livres|BKRE5AjRM3AC|page=114|aperçu}}.</ref>{{,}}<ref group=N>On sait que Newton avait découvert ce résultat avant 1666, mais il ne le publia que bien plus tard.</ref>. [[Isaac Barrow]] en démontra une forme plus générale<ref>{{en}} Isaac Barrow, ''Geometrical Lectures'', 1916 (traduit de {{la}} ''Lectiones Geometricae'', 1670), Lecture X, [https://archive.org/stream/geometricallectu00barruoft#page/116/mode/2up § 11].</ref>, mais c'est [[Isaac Newton]] (élève de Barrow) qui acheva de développer la théorie mathématique englobant le théorème. [[Gottfried Wilhelm Leibniz]] systématisa ces résultats sous forme d'un calcul des infinitésimaux, et introduisit les notations toujours actuellement utilisées.

{{Ancre|Énoncé et démonstration}}

== Premier théorème ==
=== Énoncé ===
[[Fichier:Fundamental theorem of calculus (animation).gif|vignette|droite|300px|Illustration animée de l'intégration selon Riemann.]]
Soient {{math|''f''}} une [[Fonction localement intégrable|fonction localement]] [[Intégrale de Riemann|Riemann-intégrable]]<ref group=N name=ContinueDoncIntegrable>Si {{math|''f''}} est continue sur {{math|''I''}}, cette condition est satisfaite.</ref> sur un [[Intervalle réel|intervalle]] {{math|''I''}}, {{math|''a''}} un point de {{math|''I''}}, et {{math|''F''}} l'application intégrale associée, définie sur {{math|''I''}} par
:<math>F(x)=\int_a^x f (t)\,\mathrm dt</math>
(''{{math|t}} ''étant une [[Variable (mathématiques)#Variable libre et variable liée|variable muette]] d'intégration).

Un énoncé simplifié courant est :
{{énoncé|Si {{math|''f''}} est [[continue]] sur {{math|''I''}} alors :
* {{math|''F''}} est [[dérivable]] sur {{math|''I''}} et sa dérivée est égale à {{math|''f''}} ;
* Si {{math|''G''}} est une [[primitive]] de {{math|''f''}}, alors la fonction {{math|''G – F''}} est [[Fonction constante|constante]].}}

On peut le préciser comme suit :
# Si {{math|''f''}} admet une [[Limite (mathématiques)#Limite d'une fonction en un point|limite à droite]] {{math|''f''(''c''{{exp|+}})}} (resp. une limite à gauche {{math|''f''(''c''{{exp|–}})}}) en un point {{math|''c''}} de {{math|''I''}}, alors {{math|''F''}} admet {{math|''f''(''c''{{exp|+}})}} pour [[dérivée à droite]] (resp. {{math|''f''(''c''{{exp|–}})}} pour dérivée à gauche) en ce point<ref>{{Ouvrage|titre=Mathématiques Tout-en-un pour la Licence 2|auteur=[[Jean-Pierre Ramis]]|auteur2=[[André Warusfel]]|auteur3=[[et al.|al.]]|éditeur=[[Dunod]]|année=2014|numéro d'édition=2|url={{Google Livres|FhnpAwAAQBAJ}}|page=601}}, prop. 86.</ref> ;
# Si {{math|''f''}} est [[Fonction réglée|réglée]]<ref group=N>En particulier si {{math|''f''}} est [[Régularité par morceaux|continue par morceaux]] ou [[Fonction monotone|monotone]] par morceaux.</ref> alors {{math|''F''}} est une [[primitive généralisée]]<ref group=N name=PrimGen>C'est-à-dire une application continue qui, sur le [[Complémentaire (théorie des ensembles)|complémentaire]] d'un [[ensemble dénombrable]], a pour dérivée {{math|''f''}}.</ref> de {{math|''f''}}<ref>{{Harvsp|Ramis|Warusfel|al.|2014|p=606}}, th. 95.</ref> ;
# Si {{math|''G''}} et {{math|''H''}} sont deux primitives généralisées de {{math|''f''}}, alors {{math|''G – H''}} est constante.

=== Démonstration ===
# Supposons que {{math|''f''}} admet une limite à droite {{math|''f''(''c''{{exp|+}})}} en {{math|''c''}}. Soit {{math|''ε'' > 0}}. Il existe {{math|''η'' > 0}} tel que pour tout {{math|''t'' ∈ ]''c'', ''c + η'']}}, {{math|''f''(''t'')}} soit (bien défini et) {{math|''ε''}}-proche de {{math|''f''(''c''{{exp|+}})}}. Par suite, pour tout {{math|''x'' ∈ ]''c'', ''c + η'']}} (et en commençant par utiliser la [[Relation de Chasles#Intégration|relation de Chasles]]) :<center><math>\begin{align}\left|F(x)-F(c)-(x-c)f(c^+)\right|&=\left|\int_c^xf(t)\mathrm dt-(x-c)f(c^+)\right|\\&=\left|\int_c^x\left(f(t)-f(c^+)\right)\mathrm dt\right|\\&\le\int_c^x\left|f(t)-f(c^+)\right|\mathrm dt\\&\le\varepsilon(x-c)\end{align}</math></center>donc<center><math>\left|\frac{F(x)-F(c)}{x-c}-f(c^+)\right|\le\varepsilon.</math></center>On raisonnerait de même pour la dérivée à gauche.
# [[Intégrale de Riemann#Propriétés|Par construction]], {{math|''F''}} est continue. Supposons que {{math|''f''}} est [[Fonction réglée#Caractérisation des fonctions réglées|réglée. Alors, ses discontinuités]] sont de [[Classification des discontinuités|première espèce]] donc (cf. [[Théorème de Froda]]) forment un ensemble au plus dénombrable, si bien que (d'après 1.) {{math|''F''}} est une primitive généralisée de {{math|''f''}}.
# {{math|''G – H''}} est continue et de dérivée nulle sur le complémentaire d'un ensemble dénombrable. Elle est donc constante<ref>{{Harvsp|Ramis|Warusfel|al.|2014|p=605}}, cor. 90.</ref>, d'après l'[[inégalité des accroissements finis]] généralisée.

=== Généralisation ===
Ce premier théorème fondamental s'étend aux fonctions non continues de la façon suivante : si {{math|''f''}} est une fonction [[Intégrale de Lebesgue|intégrable au sens de Lebesgue]] sur {{math|[''a'', ''b'']}} et si {{math|''F''}} est définie sur {{math|[''a'', ''b'']}} par <math>F(x) =\int_a^xf\,\mathrm d\lambda</math> alors, pour tout [[point de Lebesgue]] {{math|''c''}} de {{math|''f''}} (donc [[Ensemble négligeable#Le concept de « presque partout »|presque partout]] — d'après le [[théorème de différentiation de Lebesgue]] — et en particulier si {{math|''f''}} est continue en {{math|''c''}}), <math>F^\prime (c) = f(c)</math>.
Plus généralement<ref>{{Ouvrage|titre=Mathématiques Tout-en-un pour la Licence 3|auteur=J.-P. Ramis|auteur2=A. Warusfel|auteur3=al.|éditeur=Dunod|année=2015|url={{Google Livres|1s9kCgAAQBAJ|page=236}}|page=236}}.</ref> :
{{énoncé|Si {{math|''f''}} est [[Intégrale de Kurzweil-Henstock|intégrable au sens de Kurzweil-Henstock]] sur {{math|[''a'', ''b'']}}, alors la fonction <math>F : x\mapsto\int_a^x f(t)\,\mathrm dt</math> admet presque partout une dérivée égale à {{math|''f''}}.}}

== Second théorème ==
=== Explication intuitive ===
Intuitivement, le second théorème dit simplement que si l'on connaît tous les petits changements instantanés d'une certaine quantité, alors on peut calculer le changement général de cette quantité en additionnant tous les petits changements.

Pour se donner une idée de cette affirmation, commençons par donner un exemple.
Supposons que nous voyagions sur une ligne droite, et que nous partions à l'instant ''t'' = 0, et avec une vitesse variable. Si, à l'instant ''t'', ''d''(''t'') indique notre distance à l'origine et ''v''(''t'') représente notre vitesse, alors ''v''(''t'') est le taux d'accroissement « infinitésimal » de ''d'' et est la valeur de la [[dérivée]] de ''d'' en ''t''. Supposons que nous n'ayons qu'un compteur de vitesse qui indique la vitesse ''v''(''t''), et que nous voulions retrouver notre distance ''d''(''t''). Le théorème fondamental de l'analyse dit qu'il suffit pour cela de chercher une [[primitive]] de ''v''.
Et ceci est exactement ce que nous aurions fait, même sans connaître ce théorème : enregistrer la vitesse à des intervalles réguliers, peut-être toutes les minutes, et alors multiplier la première vitesse par 1 minute pour obtenir une estimation de la distance parcourue dans la première minute, puis multiplier la deuxième vitesse par 1 minute pour obtenir la distance parcourue dans la deuxième minute etc., et enfin ajouter toutes les distances précédentes. Pour obtenir une meilleure estimation de notre distance actuelle, nous avons besoin d'enregistrer les vitesses à des intervalles de temps plus courts. La limite quand la longueur des intervalles tend vers zéro est exactement la définition de l'intégrale de ''v''.

=== Énoncé ===
* Si {{math|''F''}} est une primitive de {{math|''f''}} sur {{math|''I''}} et si {{math|''f''}} est localement intégrable au sens de Lebesgue<ref group=N name=ContinueDoncIntegrable/>, alors<ref>{{Rudin}}, Masson, 1978, th. 8.21 p. 161.</ref>{{Retrait|<math>\forall a,b\in I\quad\int_a^bf\,\mathrm d\lambda= F(b) - F(a),</math>}}ce qui équivaut à : {{math|''F''}} est [[Absolue continuité|absolument continue]] et {{math|1=''F{{'}} = f''}} presque partout (la continuité absolue est indispensable, comme le montre le contre-exemple de l'[[escalier de Cantor]]).
* Plus généralement<ref>{{Ouvrage|lang=en|titre=A Modern Theory of Integration|auteur=[[Robert G. Bartle]]|éditeur=[[American Mathematical Society|AMS]]|année=2001|url={{Google Livres|6-9royzoBL8C|page=60}}|page=60}}, th. 4.7.</ref> : si {{math|''F''}} est une primitive généralisée<ref group=N name=PrimGen/> de {{math|''f''}}, alors {{math|''f''}} est [[Intégrale de Kurzweil-Henstock|intégrable au sens de Kurzweil-Henstock]] et l'on a encore (en ce sens){{Retrait|<math>\forall a,b\in I\quad\int_a^b f=F(b)-F(a).</math>}}

=== Généralisations ===
Le second théorème fondamental, appliqué à une fonction {{math|''F''}} de [[Classe de régularité|classe C{{1}}]], est la [[Théorème de Taylor#Formule de Taylor avec reste intégral de Laplace|formule de Taylor avec reste intégral]] à l'ordre 0. Cette formule se généralise à l'ordre {{math|''n''}}, pour une fonction de classe C{{exp|''n''+1}}.

Il existe une version du second théorème fondamental pour les fonctions de la [[variable complexe]] : si {{math|''U''}} est un [[Ouvert (topologie)|ouvert]] de [[Nombre complexe|ℂ]] et si {{math|''f'' : ''U'' →}} ℂ admet une [[fonction holomorphe|primitive holomorphe]] {{math|''F''}} sur {{math|''U''}} alors, pour toute courbe {{math|γ : [''a'', ''b''] → ''U''}}, l'[[intégrale curviligne|intégrale sur cette courbe]] peut être obtenue par :
<center><math>\int_{\gamma}f(z)\,\mathrm dz=F\bigl(\gamma(b)\bigr)-F\bigl(\gamma(a)\bigr).</math></center>

Le théorème fondamental peut être généralisé à des intégrales sur des contours ou [[intégrale de surface|sur des surfaces]] dans des dimensions supérieures et sur des [[espace vectoriel|espaces vectoriels]] (voir le [[théorème de Stokes]]).

== Notes et références ==
{{Autres projets|v=Intégration_de_Riemann/Intégrale et primitives#Le théorème fondamental de l'analyse : lien intégrale-primitives|wikiversity titre=Le théorème fondamental de l'analyse : lien intégrale-primitives — Exemples}}
{{Traduction/Référence|en|Fundamental theorem of calculus|1053917|type=n|point=non}}<br />
=== Notes ===
{{Références|groupe=N}}
=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Article connexe ===
[[Distribution (mathématiques)#Dérivation des distributions|Dérivation des distributions]]
=== Bibliographie ===
{{Ouvrage|lang=en|auteur=[[Eric Schechter]]|titre=Handbook of Analysis and Its Foundations|éditeur=[[Academic Press]]|année=1997|url={{Google Livres|eqUv3Bcd56EC|page=674}}|page=674-677}} (pour des fonctions à valeurs dans un [[espace de Banach]])

{{Portail|analyse}}

{{DEFAULTSORT:Theoreme Fondamental Analyse}}
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[[Catégorie:Théorème d'analyse|Analyse]]
[[Catégorie:Théorie de l'intégration]]
[[Catégorie:Théorème fondamental|Analyse]]