Voir la source de Théorème fondamental des fonctions symétriques

{{voir homonymes|Théorème de Newton}}
En [[mathématiques]], et plus particulièrement en [[algèbre commutative]], le '''théorème fondamental des [[Fonction symétrique|fonctions symétriques]]''', souvent appelé « '''théorème fondamental des [[Polynôme symétrique|polynômes symétriques]]''' » ou « '''théorème de [[Isaac Newton|Newton]]''' », stipule que tout polynôme symétrique [[Polynôme en plusieurs indéterminées|en ''n'' indéterminées]] à coefficients dans un [[anneau unifère|anneau]] ([[Anneau commutatif|commutatif]]) ''A'' s'exprime de façon unique par une [[fonction polynomiale]] des ''n'' [[Polynôme symétrique élémentaire|polynômes symétriques élémentaires]]. Autrement dit, les ''n'' polynômes symétriques élémentaires forment une partie génératrice de l'[[Algèbre associative|algèbre]] des polynômes symétriques en ''n'' indéterminées sur ''A'' et sont [[Indépendance algébrique|algébriquement indépendants]] sur ''A''.

== Définitions et remarques préliminaires ==
{{Voir|Polynôme symétrique}}
* Soit ''A'' un anneau, et ''B'' = {{nobr|''A''[''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'']}} l'algèbre des polynômes en ''n'' indéterminées à coefficients dans ''A''. On dénote par '''S'''''{{ind|n}}'' le [[Groupe (mathématiques)|groupe]] des [[Groupe symétrique|permutations de {{nobr|1, 2, …, ''n''}}]]. Si {{nobr|''P''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'')}} est un élément de ''B'', et ''σ'' un élément de '''S'''''{{ind|n}}'', on note ''P{{exp|σ}}'' le polynôme {{nobr|''P''(''X''{{ind|''σ''(1)}}, …, ''X''{{ind|''σ''(''n'')}}).}} Un polynôme de ''B'' est dit symétrique s'il est [[invariant]] sous l'[[Action de groupe (mathématiques)|action]] de '''S'''''{{ind|n}}'', c'est-à-dire s'il reste identique à lui-même lorsqu'on [[Permutation|permute]] entre elles de n'importe quelle façon les variables qui le composent.
* Cette action de '''S'''''{{ind|n}}'' sur ''B'' respecte la structure de ''A''-algèbre de ''B'' (lemme 2, [[#Démonstrations du théorème|section « Démonstrations du théorème »]]), si bien que les polynômes symétriques forment une sous-algèbre. En d'autres termes, la somme et le produit de polynômes symétriques, et le produit d'un polynôme symétrique par un élément de ''A'', sont symétriques.
* De même, si ''K'' est un [[Corps commutatif|corps]], une [[Fraction rationnelle#Fraction rationnelle à plusieurs variables|fraction rationnelle à ''n'' variables]] est dite symétrique si elle est invariante sous l'action du groupe '''S'''''{{ind|n}}'' (celle-ci étant définie comme pour les polynômes), et les fractions rationnelles symétriques forment un sous-corps du corps des fractions rationnelles en ''n'' indéterminées sur ''K''.
* Les [[Polynôme symétrique élémentaire|polynômes symétriques élémentaires]] ''s{{ind|n,k}}'', pour ''n'' et ''k'' [[Entier naturel|entiers naturels]], sont les polynômes symétriques en ''n'' indéterminées définis par<center><math>s_{n,k}(X_1,\ldots,X_n)=\sum_{1\le j_1<j_2<\ldots<j_k\le n}X_{j_1}\dotsm X_{j_k}</math>,</center>ou encore par<center><math>(X-X_1)(X-X_2)\dotsm(X-X_n)=\sum_{k\in\N}(-1)^kX^{n-k}s_{n,k}(X_1,\dots,X_n)</math>.</center>On ne s'intéresse qu'aux ''s{{ind|n,k}}'' pour 1 ≤ ''k'' ≤ ''n'', car ''s''{{ind|''n'',''k''}} est [[polynôme nul|nul]] si ''k'' > ''n'', et est [[polynôme constant|constant]] (égal à 1) si ''k'' = 0.

== Le théorème fondamental des fonctions symétriques ==
{{énoncé|''Théorème :'' Soit ''A'' un anneau commutatif. Si ''P'' est un polynôme symétrique en ''n'' indéterminées à coefficients dans ''A'', alors il existe un ''unique'' polynôme ''T'', à coefficients dans ''A'', tel que
<center>''P''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'') {{=}} ''T''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''),</center>
les ''s{{ind|n,i}}'' étant les polynômes symétriques élémentaires en les indéterminées {{nobr|''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}''}}.
}}

Le [[Corollaire (mathématiques)|corollaire]] suivant justifie l'appellation usuelle du théorème :

{{énoncé| Si ''f'' est une fraction rationnelle symétrique en ''n'' indéterminées sur un corps ''K'', alors il existe une unique fraction rationnelle ''Φ'' sur ''K'' telle que
<center>''f''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'') {{=}} ''Φ''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'').</center>
}}

En effet, [[Fonction symétrique#Propriétés|toute fraction rationnelle symétrique est un quotient de deux polynômes symétriques]].

;Remarque
:L'unicité de la représentation est équivalente au fait qu'il n'existe pas de polynôme ''T'' non nul vérifiant {{nobr|1=''T''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'') = 0.}} Si l'anneau ''A'' est un corps, cela signifie, dans le langage de la théorie des corps, que les polynômes symétriques élémentaires sont algébriquement indépendants. Ils forment donc une [[base de transcendance]] des fractions rationnelles symétriques en ''n'' indéterminées sur ''K''.

== Démonstrations du théorème ==
Il existe beaucoup de démonstrations du théorème des fonctions symétriques<ref>Voir par exemple les références de {{Article|lang=en|titre=The Fundamental Theorem on Symmetric Polynomials: History's First Whiff of Galois Theory|auteur=Ben Blum-Smith|auteur2=Samuel Coskey|revue={{Lien|The College Mathematics Journal}}|vol=48|numéro=1|année=2017|p.=18-29|arxiv=1301.7116}}.</ref>. Les plus courtes se servent de l'[[ordre lexicographique]] sur les [[Monôme (mathématiques)|monômes]] [[Polynôme unitaire|unitaires]], puis d'une astuce pour abaisser le « degré lexicographique » d'un polynôme symétrique, ce qui fournit l'étape nécessaire à une [[Induction transfinie|démonstration par induction]] sur ce [[bon ordre]]. L'idée de cet algorithme remonte à [[Edward Waring]] en [[1700 en science|1700]]<ref>{{Ouvrage|lang=la|auteur=E. Waring|titre=Meditationes algebricae|url=https://archive.org/stream/bub_gb_1MNbAAAAQAAJ#page/n5/mode/2up|année première édition=1700|année=1732}} (problème 3, § 3).</ref>{{,}}<ref name=VdW77>{{Ouvrage|lang=en|auteur=[[Bartel Leendert van der Waerden|Bartel L. van der Waerden]]|titre=A History of Algebra|éditeur=[[Springer Science+Business Media|Springer]]|année=2013|année première édition=1985|url={{Google Livres|W6DwCAAAQBAJ|page=77}}|page=77}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|lang=en|auteur={{Lien|trad=Joseph J. Rotman|Joseph Rotman}}|titre=Galois Theory|url={{Google Livres|0kHhBwAAQBAJ|page=140}}|numéro d'édition=2|éditeur=Springer|année=1998|année première édition=1990|page=140}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|lang=en|auteur=[[Jean-Pierre Tignol]]|titre=Galois' Theory of Algebraic Equations|éditeur=[[World Scientific]]|année=2015|numéro d'édition=2|année première édition=2001|url={{Google Livres|4mRIDQAAQBAJ|page=96}}|page=96}}.</ref>. La démonstration a été formalisée par [[Gauss]] en 1815<ref>{{Article|lang=la|auteur=C. F. Gauss|titre=Demonstratio nova altera theorematis omnem functionem algebraicam…|revue=Comment. Soc. Reg. Sc. Göttingen|vol=3|année=1816|url=https://archive.org/stream/werkecarlf03gausrich#page/n47/mode/2up}} (présenté le {{date-|7|12|1815}}). ''{{Lang|de|Werke}}'', vol. 3, {{p.|33-56}} : voir {{p.|36-38}}.</ref> et {{Citation|c'est la même qu'on trouve dans les manuels modernes<ref name=VdW77/>}}<ref>Par exemple {{Ouvrage|lang=de|auteur=[[Heinrich Weber (mathématicien)|Heinrich Weber]]|titre=Lehrbuch der Algebra|vol=1|numéro d'édition={{2e}} ou {{3e}}|année=1898|url={{Google Livres|RP0v4FyhQ-8C|page=163}}|page=163-167}} (mentionné par {{Harvsp|van der Waerden|2013}}), {{Ouvrage|lang=en|prénom=Charles Robert|nom=Hadlock|titre=Field Theory and Its Classical Problems|éditeur=[[Mathematical Association of America|MAA]]|année=2000|url={{Google Livres|5s1p0CyafnEC|page=42}}|page=42-43}} (mentionné par {{Harvsp|Rotman|1998}}) ou encore {{Harvsp|Tignol|2015|p=96-98}}.</ref>.

{{Démonstration/début|titre=[[Induction bien fondée|Démonstration par induction]] utilisant l'ordre lexicographique}}
L'ensemble des [[multi-indice|multi-degrés]] (''α''{{ind|1}}, …, ''α{{ind|n}}'') des monômes unitaires {{nobr|''X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}}…''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}''}} est égal à '''N'''{{exp|''n''}}, qu'on peut ordonner par l'ordre lexicographique : par définition,
<center>''X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}}…''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}'' > ''X''{{ind|1}}{{exp|''β''{{ind|1}}}}…''X{{ind|n}}{{exp|β{{ind|n}}}}''</center>
si, arrivé au premier ''i'' tel que {{nobr|''α{{ind|i}}'' ≠ ''β{{ind|i}}''}}, on a {{nobr|''α{{ind|i}}'' > ''β{{ind|i}}''.}}

;Existence
:Soient ''P'' un polynôme symétrique non nul et {{nobr|''X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}}…''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}''}} son monôme unitaire maximum. Supposons inductivement que tout polynôme symétrique non nul de monôme unitaire maximum strictement inférieur à celui de ''P'' soit exprimable en fonction polynomiale des polynômes symétriques élémentaires, et montrons qu'il en est de même pour ''P''.
:Puisque ''P'' est symétrique, il contient, affectés d'un même coefficient non nul ''a'' ∈ ''A'', tous les monômes obtenus en permutant les exposants dans le monôme {{nobr|''X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}}…''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}''}}. Par maximalité de ce dernier, on a donc {{nobr|''α''{{ind|1}} ≥ ''α''{{ind|2}} ≥ … ≥ ''α{{ind|n}}''.}}
:Posons ''t{{ind|i}} = {{nobr|α{{ind|i}} – α''{{ind|''i''+1}}}} pour 1 ≤ ''i < n'', et ''t{{ind|n}} = α{{ind|n}}''. Les ''t{{ind|i}}'' sont donc tous positifs ou nuls. Considérons le polynôme symétrique<center>''Q = a s''{{ind|''n'',1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}}&nbsp;''s''{{ind|''n'',2}}{{exp|''t''{{ind|2}}}}&nbsp;…&nbsp;''s{{ind|n,n}}{{exp|t{{ind|n}}}}''.</center>Son monôme unitaire maximum est le même que celui de ''P'' :<center>''X''{{ind|1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}}&nbsp;(''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}){{exp|''t''{{ind|2}}}}&nbsp;(''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}''X''{{ind|3}}){{exp|''t''{{ind|3}}}}&nbsp;…&nbsp;(''X''{{ind|1}}…''X{{ind|n}}'')''{{exp|t{{ind|n}}}} = X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}}&nbsp;''X''{{ind|2}}{{exp|''α''{{ind|2}}}}&nbsp;…&nbsp;''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}''</center>donc le polynôme symétrique ''P – Q'' est nul ou a un monôme unitaire maximum strictement inférieur à celui de ''P''. Par hypothèse d'induction, il existe donc un polynôme ''W'' tel que {{nobr|''P – Q {{=}} W''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'')}}. Par suite,<center>''P = P – Q + Q = T''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''),&nbsp; &nbsp; où &nbsp; &nbsp;''T''(''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|n}}'') = ''W''(''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|n}}'') + ''a S''{{ind|1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}} ''S''{{ind|2}}{{exp|''t''{{ind|2}}}} … ''S{{ind|n}}{{exp|t{{ind|n}}}}''.</center>

;Unicité
:Soit ''T''(''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|n}}'') un polynôme non nul. Considérons dans ''T'' le monôme ''a S''{{ind|1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}} ''S''{{ind|2}}{{exp|''t''{{ind|2}}}} … ''S{{ind|n}}{{exp|t{{ind|n}}}}'' pour lequel le monôme unitaire ''X''{{ind|1}}{{exp|''t''{{ind|1}}+''t''{{ind|2}}+…+''t{{ind|n}}''}} ''X''{{ind|2}}{{exp|''t''{{ind|2}}+…+''t{{ind|n}}''}} … ''X{{ind|n}}{{exp|t{{ind|n}}}}'' est maximum pour l'ordre lexicographique ci-dessus. Alors, ce monôme unitaire est le plus grand qui apparaît (affecté du coefficient ''a'' ≠ 0) dans le polynôme ''P = T''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''), donc ce polynôme ''P'' est non nul.
{{Démonstration/fin}}

;Remarque{{refsou|date=août 2018}}
:Cette preuve montre de plus que le [[degré total]] de ''T'' est au plus égal au maximum des degrés de ''P'' en chaque variable.

La démonstration suivante<ref>Cette démonstration est extraite de {{Ouvrage|langue=en|auteur1=[[Serge Lang]]|titre=Algebra|éditeur=|année=|isbn=|référence=Référence:Algèbre (Lang)}}, 1965, {{p.|133-134}}.<!--{{Lien web|lang=en|auteur=Paul Garret|titre=''Abstract Algebra'', chap. 15: Symmetric polynomials|numéro chapitre=16|url=http://www.math.umn.edu/~garrett/m/algebra/notes/15.pdf}} ne démontre que l'existence de ''T'' (et peut donc, [[sans perte de généralité]], supposer ''A'' = '''Z'''), et ne fournit pas d'argument pour la décroissance du degré total.--></ref>, à peine plus longue<ref>Lorsqu'on omet, comme {{Harvsp|Lang}}, le luxe de détails (les trois lemmes).</ref>, peut sembler plus naturelle, et fournit des instruments théoriques qui préludent à la [[théorie de Galois]].

Avec les notations précisées dans la [[#Définition et remarques préliminaires|section « Définition et remarques préliminaires »]], elle repose sur trois [[Lemme (mathématiques)|lemmes]] :

{{Théorème|Lemme 1|Si ''A{{'}}'' est un anneau contenant ''A'' comme sous-anneau et {{nobr|(''a''{{ind|1}}, …, ''a {{ind|n}}'')}} un [[n-uplet|''n''-uplet]] d'éléments de ''A{{'}}'', alors l'application d'évaluation,
<center>''φ'' : ''B'' → ''A{{'}}'',&nbsp;&nbsp;''P''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'') ↦ ''P''(''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|n}}''),</center>
est un [[morphisme d'anneaux]] et même de [[Algèbre sur un anneau|''A''-algèbres]], appelé « morphisme de substitution ».
|style=display:table}}

C'est un cas particulier de la [[Polynôme en plusieurs indéterminées#Propriété universelle|propriété universelle des anneaux de polynômes]].

{{Théorème|Lemme 2|Soit ''σ'' une permutation de '''S'''''{{ind|n}}''.
Alors l'application&nbsp; (&nbsp;){{exp|''σ''}} : ''B'' → ''B'',&nbsp;&nbsp;''P'' ↦ ''P{{exp|σ}}'' &nbsp;est un automorphisme de ''B''.
|style=display:table}}

Puisque ''A'' est un sous anneau de ''B'', c'est une simple application du lemme 1, avec {{nobr|(''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|n}}'')}} = {{nobr|(''X''{{ind|''σ''(1)}}, …, ''X''{{ind|''σ''(''n'')}})}}. L'application inverse de (&nbsp;){{exp|''σ''}} est évidemment (&nbsp;){{exp|''σ''{{-1}}}}.

{{Théorème|Lemme 3|Si ''i'' est différent de ''j''{{ind|1}}, ''j''{{ind|2}}, …, ''j{{ind|k}}'' et si ''X{{ind|i}}'' divise le produit d'un polynôme ''P'' de ''B'' par le monôme {{nobr|''X''{{ind|''j''{{ind|1}}}}…''X{{ind|j{{ind|k}}}}''}}, alors ''X{{ind|i}}'' divise ''P''.
|style=display:table}}

C'est encore une simple application du lemme 1, avec {{nobr|(''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|n}}'')}} = {{nobr|(''X''{{ind|1}}, …, ''X''{{ind|''i''–1}}, 0, ''X''{{ind|''i''+1}}, …, ''X{{ind|n}}'').}}

{{Démonstration/début|titre=[[Démonstration par récurrence]] sur le nombre d'indéterminées et sur le [[degré total]]}}
Pour faire jouer la récurrence, on a besoin d'affiner l'énoncé du théorème, en précisant que dans celui-ci, le polynôme ''T''(''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|n}}'') tel que {{nobr|1=''P''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'') = ''T''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'')}} est de « poids » inférieur ou égal au degré total de ''P'', le « poids » d'un polynôme étant défini à partir de celui des monômes de la même façon que le degré total, mais en pondérant par les indices des indéterminées : le poids du monôme ''S''{{ind|1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}}…''S{{ind|n}}{{exp|t{{ind|n}}}}'' est par définition ''t''{{ind|1}} + 2''t''{{ind|2}} + … + ''nt{{ind|n}}''.

Le théorème (dans sa version précisée) est évident dans le cas des polynômes en 0 indéterminée et dans celui des polynômes en ''n'' indéterminées de degré total inférieur ou égal à 0 (dans les deux cas, ce sont les polynômes constants). Supposons donc le théorème vérifié inductivement pour tout polynôme en ''n'' – 1 indéterminées  et pour tout polynôme en ''n'' indéterminées de degré total strictement inférieur à ''m'' (''n'', ''m'' ∈ '''N'''*), et considérons dans ''B'' un polynôme symétrique ''P'', de degré total égal à ''m''. 

Soit ''A{{'}}'' = {{nobr|''A''[''X''{{ind|1}}, …, ''X''{{ind|''n''–1}}]}}, et ''φ'' : ''B'' → ''A{{'}}'' le morphisme de substitution (cf. lemme 1) qui fixe ''X''{{ind|1}}, …, ''X''{{ind|''n''–1}} et envoie ''X{{ind|n}}'' sur 0.

Puisque ''φ''(''P'') est symétrique et de degré total inférieur ou égal à ''m'', il existe (par hypothèse de récurrence) un polynôme ''V''(''S''{{ind|1}}, …, ''S''{{ind|''n''–1}}) de poids inférieur ou égal à ''m'' tel que (dans ''A{{'}}'' )
<center>''φ''(''P'') = ''V''(''s''{{ind|''n''–1,1}}, …, ''s''{{ind|''n''–1,''n''–1}}).</center>

Posons (dans ''B'')
<center>''P {{'}}'' = ''V''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s''{{ind|''n'',''n''–1}}).</center>

Alors, ''φ''(''P {{'}} '') = ''φ''(''P'') — puisque le morphisme ''φ'' envoie ''s{{ind|n,i}}'' sur ''s''{{ind|''n''–1,''i''}} pour tout ''i'' < ''n'' — et le degré total de ''P {{'}}&nbsp;'' est inférieur ou égal au poids de ''V'' donc à ''m''.

Le polynôme ''P {{'}}'' est symétrique et vérifie {{nobr|''φ''(''P – P {{'}}'' )}} = 0, {{c.-à-d.}} que le polynôme ''P – P {{'}}&nbsp;'' est symétrique et multiple de ''X{{ind|n}}'', donc multiple de ''X{{ind|i}}'' pour tout ''i'', et par conséquent multiple de {{nobr|''X''{{ind|1}}…''X{{ind|n}}''}} = ''s{{ind|n,n}}'' ({{nobr|lemme 3}}).
On peut donc écrire
<center>''P – P {{'}} = Q s{{ind|n,n}}'',</center>
où ''Q'' est un élément de ''B'', symétrique et de degré total inférieur ou égal à ''m – n'' < ''m''.
L'hypothèse de récurrence implique alors qu'il existe un unique polynôme ''W'' tel que ''Q'' = {{nobr|''W''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'')}}, et que ce polynôme ''W'' est de poids inférieur ou égal à ''m – n''.
Ainsi,
<center>''P = P ' + Q s{{ind|n,n}} = T''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''), &nbsp; &nbsp; où &nbsp; &nbsp; ''T = V + W X{{ind|n}}'', de poids inférieur ou égal à ''m'',</center>
ce qui montre l'existence de la représentation souhaitée.

Si ''T {{'}}&nbsp;'' est un autre polynôme tel que {{nobr|''T {{'}}'' (''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'')}} = ''P'', alors {{nobr|(''T {{'}} – V'') / ''X{{ind|n}} {{=}} W''}}, puisque la représentation par ''W'' de {{nobr|''Q'' {{=}} (''P – P {{'}}'' ) / ''s{{ind|n,n}}''}} est unique (hypothèse de récurrence).
Donc {{nobr|''T ' {{=}} {{nobr|V + WX{{ind|n}}}} {{=}} T''}}, et l'unicité de la représentation est assurée.
{{Démonstration/fin}}

On peut aussi utiliser la théorie de Galois pour démontrer directement la partie « existence » du corollaire du théorème, c'est-à-dire montrer que toute fraction rationnelle symétrique sur un corps ''K'' est une [[fonction rationnelle]] des polynômes symétriques élémentaires.

{{Démonstration/début|titre=Démonstration de la partie « existence » du corollaire par la [[théorie de Galois]]}}
Considérons la suite d'[[Extension de corps|extensions]] ''C'' ⊂ ''M'' ⊂ ''L'', où ''L = K''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}''), ''M = L{{exp|S{{ind|n}}}}'' (le [[sous-corps]] des fractions rationnelles symétriques) et ''C = K''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''). Il s'agit de démontrer que l'inclusion de ''C'' dans ''M'' est en fait une égalité.

L'extension ''L''/''C'' est [[Extension finie|finie]] et [[Extension de Galois|galoisienne]] car ''L'' est un [[corps de décomposition]] du [[Extension séparable#Définitions et premiers exemples|polynôme séparable]] {{nobr|1=''P''(''X'') = (''X – X''{{ind|1}})…(''X – X{{ind|n}}'')}}, dont les coefficients (–1)''{{exp|i}}s{{ind|n,i}}'' appartiennent à ''C''.

Le [[sous-groupe]] [[Groupe de Galois|Gal(''L''/''M'')]] est égal au groupe Gal(''L''/''C'') tout entier, car tout ''C''-automorphisme de ''L'' fixe les coefficients de ''P'', donc permute ses racines ''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'', donc est égal à un (&nbsp;){{exp|''σ''}} (lemme 2 étendu aux fractions), qui fixe tous les éléments de ''M'' par définition.

D'après le [[théorème fondamental de la théorie de Galois]], on a donc : ''M'' ⊂ ''L''{{exp|Gal(''L''/''M'')}} = ''L''{{exp|Gal(''L''/''C'')}} = ''C''.
{{Démonstration/fin}}

On en déduit alors la partie « existence » du théorème (tout polynôme symétrique sur ''A'' est une fonction polynomiale des polynômes symétriques élémentaires) pour ''A'' = [[Entier relatif|'''Z''']] puis, par [[généricité]], pour tout anneau commutatif ''A''.

{{Démonstration/début|titre=La partie « existence » du théorème se déduit de celle du corollaire}}
Il s'agit de démontrer que l'anneau ''A''[''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'']{{exp|'''S'''{{ind|''n''}}}}, qui est [[Élément entier|entier sur]] le sous-anneau ''A''[''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''], lui est en fait égal.
*Supposons d'abord ''A'' = '''Z'''. On sait alors (partie « existence » du corollaire) que ces deux anneaux ont même corps des fractions, puisque '''Q'''(''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}''){{exp|'''S'''{{ind|''n''}}}} = '''Q'''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''). On conclut en utilisant que le sous-anneau {{nobr|'''Z'''[''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'']}} est [[Clôture intégrale|intégralement clos]] (car — en admettant la partie « unicité » du théorème<!--https://mathoverflow.net/questions/30555/symmetric-polynomials-theorem semble la trouver évidente par Galois ?--> — c'est un anneau de polynômes à coefficients dans '''Z''').
*Soit maintenant ''A'' un anneau commutatif quelconque. Tout élément ''P'' de ''A''[''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|n}}'']{{exp|'''S'''{{ind|''n''}}}} est combinaison linéaire (à coefficients dans ''A'') de polynômes symétriques à coefficients égaux à 1 (sommes de tous les monômes d'une [[Action de groupe (mathématiques)|orbite sous '''S'''{{ind|''n''}}]]). Ces derniers étant eux-mêmes (d'après le premier point) combinaisons linéaires des ''s{{ind|n,i}}'', ''P'' l'est aussi.
{{Démonstration/fin}}

== Procédures de calcul ==
Avant d'appliquer toute procédure de calcul, puis éventuellement à chaque étape, il est parfois préférable, pour alléger les calculs, de séparer le polynôme symétrique ''P'' en somme de polynômes égaux aux orbites des monômes {{nobr|''a X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}} … ''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}''}} apparaissant dans ''P'' sous l'action de '''S'''''{{ind|n}}''.
L'expression de ''P'' en termes des polynômes symétriques élémentaires sera alors la somme des expressions des polynômes orbites respectifs.

Il existe ensuite différentes méthodes pour le calcul effectif de l'expression du polynôme ''T'' apparaissant dans le théorème fondamental ci-dessus. On peut par exemple baser une procédure récursive de calcul de ''T'' sur l'une des deux démonstrations précédentes :
* utilisation de l'ordre lexicographique :
** on repère dans ''P'' le monôme {{nobr|''a X''{{ind|1}}{{exp|''α''{{ind|1}}}} … ''X{{ind|n}}{{exp|α{{ind|n}}}}''}} pour lequel (''α''{{ind|1}}, …, ''α{{ind|n}}'') est maximum,
** on pose ''t{{ind|i}} = {{nobr|α{{ind|i}} – α''{{ind|''i''+1}}}} pour 1 ≤ ''i < n'', et ''t{{ind|n}} = α{{ind|n}}'',
** on forme le polynôme symétrique ''Q = a s''{{ind|''n'',1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}}&nbsp;…&nbsp;''s{{ind|n,n}}{{exp|t{{ind|n}}}}'',
** l'expression de ''P – Q'' par les polynômes symétriques élémentaires est donnée par la procédure récursive : {{nobr|''P – Q {{=}} W''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}'')}},
** l'expression de ''P'' par les polynômes symétriques élémentaires s'ensuit : ''T'' = {{nobr|''W'' + ''a S''{{ind|1}}{{exp|''t''{{ind|1}}}}&nbsp;…&nbsp;''S{{ind|n}}{{exp|t{{ind|n}}}}''}} ;
* double récurrence, sur le nombre de variables et le degré :
** on forme le polynôme symétrique ''φ''(''P'') à partir du polynôme ''P'' en annihilant les monômes multiples de ''X{{ind|n}}'' dans ''P'',
** le polynôme ''V'', qui exprime ''φ''(''P'') au moyen des polynômes symétriques élémentaires ''s''{{ind|''n''–1,''i''}} est donné par la procédure récursive :{{Retrait|1=''φ''(''P'') = ''V''(''s''{{ind|''n''–1,1}}, …, ''s''{{ind|''n''–1,''n''–1}}),}}
** le polynôme ''P – V''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s''{{ind|''n'',''n''–1}}) est divisible par ''s{{ind|n,n}}'', et son quotient ''Q'' par ''s{{ind|n,n}}'' est symétrique,
** l'expression de ''Q'' par les polynômes symétriques élémentaires est donnée par la procédure récursive : ''Q'' = ''W''(''s''{{ind|''n'',1}}, …, ''s{{ind|n,n}}''),
** l'expression de ''P'' par les polynômes symétriques élémentaires s'ensuit : ''T'' = {{nobr|''V + W S{{ind|n}}''}}.

=== Exemple ===
On se propose d'illustrer les deux procédures précédentes en déterminant la représentation en termes des polynômes symétriques élémentaires de la troisième [[somme de Newton]] en trois variables, constituée d'une seule orbite :
<center>''P'' = ''p''{{ind|3}}(''X''{{ind|1}}, ''X''{{ind|2}}, ''X''{{ind|3}}) = {{nobr|''X''{{ind|1}}{{3}} + ''X''{{ind|2}}{{3}} + ''X''{{ind|3}}{{3}}}}.</center>

*Utilisation de l'ordre lexicographique :
**(''α''{{ind|1}}, ''α''{{ind|2}} , ''α''{{ind|3}}) = (3, 0, 0) donc (''t''{{ind|1}}, ''t''{{ind|2}} , ''t''{{ind|3}}) = (3, 0, 0) et ''Q = s''{{ind|3,1}}{{3}}, que l'on retranche de ''P'' :<center>''P''{{ind|0}} := ''P'' – ''s''{{ind|3,1}}{{3}} = –6''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}''X''{{ind|3}} – 3(''X''{{ind|1}}{{2}}''X''{{ind|2}} + ''X''{{ind|1}}{{2}}''X''{{ind|3}} + ''X''{{ind|2}}{{2}}''X''{{ind|1}} +''X''{{ind|2}}{{2}}''X''{{ind|3}} + ''X''{{ind|3}}{{2}}''X''{{ind|1}} + ''X''{{ind|3}}{{2}}''X''{{ind|2}}) ;</center>
**on cherche la représentation du polynôme ''P''{{ind|0}} :
***(''α{{'}}''{{ind|1}}, ''α{{'}}''{{ind|2}} , ''α{{'}}''{{ind|3}}) = (2, 1, 0) donc (''t{{'}}''{{ind|1}}, ''t{{'}}''{{ind|2}} , ''t{{'}}''{{ind|3}}) = (1, 1, 0) et ''Q''{{ind|0}} = –3''s''{{ind|3,1}}''s''{{ind|3,2}}, que l'on retranche de ''P''{{ind|0}} :
***''P''{{ind|0}} – ''Q''{{ind|0}} = 3''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}''X''{{ind|3}}, dont la représentation est immédiate : ''P''{{ind|0}} – ''Q''{{ind|0}} = 3''s''{{ind|3,3}} ,
***donc<center>''P''{{ind|0}} = 3''s''{{ind|3,3}} – 3''s''{{ind|3,1}}''s''{{ind|3,2}} ;</center>
**donc<center>''P'' = 3''s''{{ind|3,3}} – 3''s''{{ind|3,1}}''s''{{ind|3,2}} + ''s''{{ind|3,1}}{{3}}.</center>
*Double récurrence, sur le nombre de variables et le degré :
**On élimine les monômes contenant la variable ''X''{{ind|3}} dans ''P'' et l'on détermine la représentation du polynôme<center>''P''{{ind|1}} := {{nobr|''X''{{ind|1}}{{3}} + ''X''{{ind|2}}{{3}}}} :</center>
***on élimine les monômes multiples de la variable ''X''{{ind|2}} dans ''P''{{ind|1}}, et l'on détermine la représentation du polynôme ''P''{{ind|2}} = ''X''{{ind|1}}{{3}}. Cette représentation est immédiate : {{nobr|''P''{{ind|2}} {{=}} ''s''{{ind|1,1}}{{3}}}} ;
***on substitue ''s''{{ind|2,1}} à la place de ''s''{{ind|1,1}} dans ''P''{{ind|2}}, ce qui donne ''s''{{ind|2,1}}{{3}} = {{nobr|(''X''{{ind|1}} + ''X''{{ind|2}}){{3}}}}, et l'on retranche de ''P''{{ind|1}} ; le résultat doit être un multiple de ''s''{{ind|2,2}} :<center> ''P''{{ind|1}} – ''s''{{ind|2,1}}{{3}} = –3''X''{{ind|1}}{{2}} ''X''{{ind|2}} – 3''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}{{2}} = –3''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}(''X''{{ind|1}} + ''X''{{ind|2}}) = –3''s''{{ind|2,2}}''s''{{ind|2,1}} ;</center>
***donc<center>''P''{{ind|1}} = ''s''{{ind|2,1}}{{3}} – 3''s''{{ind|2,2}}''s''{{ind|2,1}} ;</center>
**on substitue ''s''{{ind|3,''i''}} à la place de ''s''{{ind|2,''i''}} dans ''P''{{ind|1}}, et l'on retranche de ''P'' ; le résultat doit être un multiple de ''s''{{ind|3,3}} : <center> ''P'' – (''s''{{ind|3,1}}{{3}} – 3''s''{{ind|3,2}} ''s''{{ind|3,1}}) = ''X''{{ind|1}}{{3}} + ''X''{{ind|2}}{{3}} + ''X''{{ind|3}}{{3}} – [(''X''{{ind|1}} + ''X''{{ind|2}} + ''X''{{ind|3}}){{3}} – 3(''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}} + ''X''{{ind|1}}''X''{{ind|3}} + ''X''{{ind|2}}''X''{{ind|3}}) (''X''{{ind|1}} + ''X''{{ind|2}} + ''X''{{ind|3}})] = 3''X''{{ind|1}}''X''{{ind|2}}''X''{{ind|3}} = 3''s''{{ind|3,3}} ;</center>
**donc (comme précédemment)<center>''P = s''{{ind|3,1}}{{3}} – 3''s''{{ind|3,2}}''s''{{ind|3,1}} + 3''s''{{ind|3,3}}.</center>

== Usage et applications du théorème fondamental des fonctions symétriques ==
Le but de cette section est d'illustrer, par un certain nombre d'applications et d'exemples, l'usage du théorème fondamental des fonctions symétriques.
Il se trouve qu'il est principalement utilisé par l'intermédiaire d'un corollaire, qu'on invoque d'ailleurs souvent par le même nom.
Ce corollaire ne fait que dire qu'une expression algébrique polynomiale à coefficients dans un anneau commutatif [[Anneau intègre|intègre]] ''A'', mettant en jeu les [[Racine d'un polynôme|racines d'un certain nombre de polynômes]] unitaires à coefficients dans ''A'', et symétrique en chaque groupe de racines, appartient en fait à ''A''. Il s'applique en particulier si ''A'' est un corps ''K'' (dans ce cas, tous les [[élément algébrique|éléments algébriques]] sur ''K'' sont [[élément entier|entiers]] sur ''K'').

On rappelle que pour tout anneau commutatif ''A'', un élément d'une ''A''-algèbre est entier sur ''A'' s'il est racine d'un polynôme ''unitaire'' à coefficients dans ''A''. Un tel élément ''α'' est racine d'une infinité de polynômes unitaires ; nous supposerons donc un tel polynôme ''P{{ind|α}}'' fixé pour chaque élément entier ''α''.

Notons que si ''A'' est [[anneau intègre|intègre]], les coefficients du polynôme ''P{{ind|α}}'' sont (au signe près) les fonctions symétriques élémentaires des racines de ''P{{ind|α}}'', dans une [[clôture algébrique]] du [[Corps des fractions|corps Fr(''A'') des fractions de ''A'']]. En effet, ''P{{ind|α}}'' étant unitaire, on a
<center>''P{{ind|α}}'' = (''X – α'')(''X – α{{'}}'' )(''X – α"'' )… </center> où {{nobr|''α'', ''α{{'}}'', ''α"''}} sont toutes les racines de ''P{{ind|α}}'', et cette expression est l'image de {{nobr|(''X – X''{{ind|1}})(''X – X''{{ind|2}})(''X – X''{{ind|3}})… }} par le morphisme de substitution (lemme 2 de la section précédente) qui envoie ''X''{{ind|1}}, ''X''{{ind|2}}, … sur ''α'', ''α{{'}}'', ….

{{Théorème|Corollaire|2=
Soient ''A'' un anneau commutatif, ''B'' une ''A''-algèbre commutative, et ''α{{ind|i}}''{{exp|(''j'')}} (1 ≤ ''i'' ≤ ''m'', 1 ≤ ''j'' ≤ ''n{{ind|i}}'') des éléments de ''B'' (non nécessairement distincts) tels que pour tout ''i'', le polynôme ''P{{ind|i}}'' := (''X – α{{ind|i}}''{{exp|(1)}})…(''X – α{{ind|i}}''{{exp|(''n{{ind|i}}'')}}) soit à coefficients dans ''A''.

Si ''P'' est un polynôme de {{nobr|''n''{{ind|1}}''n''{{ind|2}} … ''n{{ind|m}}''}} variables
<center>''X''{{ind|1}}, ''X{{'}}''{{ind|1}}, …, ''X''{{ind|1}}{{exp|(''n''{{ind|1}})}}, ''X''{{ind|2}}, ''X{{'}}''{{ind|2}}, …, ''X''{{ind|2}}{{exp|(''n''{{ind|2}})}}, …, ''X{{ind|m}}'', ''X{{'}}{{ind|m}}'', …, ''X{{ind|m}}''{{exp|(''n{{ind|m}}'')}}</center> à coefficients dans ''A'', et si ''P'' est symétrique intérieurement en chacun des groupes de variables ''X{{ind|i}}'', ''X{{'}}{{ind|i}}'', …, ''X{{ind|i}}''{{exp|(''n{{ind|i}}'')}}, alors l'élément
<center>''E'' {{=}} ''P'' (''α''{{ind|1}}, ''α{{'}}''{{ind|1}}, …, ''α''{{ind|2}}, ''α{{'}}''{{ind|2}}, …, ''α{{ind|m}}'', ''α{{'}}{{ind|m}}'', …)</center>
appartient à ''A''.
}}

{{Démonstration/début}}
On raisonne par récurrence sur le nombre ''m'' de groupes de variables. Si ''m'' = 0, l'assertion est [[trivial]]e. Supposons ''m'' > 0 et l'assertion vraie pour ''m'' – 1 variables et considérons le polynôme
<center>''Q''(''X'', ''X{{'}}'', …, ''X{{exp|(n{{ind|m}})}}'') := ''P''(''α''{{ind|1}}, …, ''α''{{ind|1}}{{exp|(''n''{{ind|1}})}}, …, ''α''{{ind|''m''–1}}, …, ''α''{{ind|''m''–1}}{{exp|(''n''{{ind|''m''–1}})}}, ''X'', ''X{{'}}'', …, ''X{{exp|(n{{ind|m}})}}'').</center>
Il est symétrique et (par hypothèse de récurrence) à coefficients dans ''A''. D'après le théorème des fonctions symétriques, il est donc égal à une expression polynomiale {{nobr|''T''(''s''{{ind|1}}, ''s''{{ind|2}}, … )}} à coefficients dans ''A'' des polynômes symétriques élémentaires {{nobr|''s{{ind|i}}''(''X, X', … '')}}. Comme les {{nobr|''s{{ind|i}}''(''α{{ind|m}}''{{exp|(1)}}, ''α{{ind|m}}''{{exp|(2)}}, …  )}} appartiennent à ''A'' (car ce sont, au signe près, les coefficients du polynôme ''P{{ind|m}}''), on en déduit que {{nobr|1=''E = Q''(''α{{ind|m}}, α{{ind|m}}', … '')}} appartient à ''A''.
{{Démonstration/fin}}

;Note
:L'anneau ''A'' peut être lui-même un anneau de polynômes en un certain nombre de variables « statiques » ''Y{{ind|k}}'', par opposition aux « variables actives » ''X{{ind|i}}''{{exp|(''j'')}}.

=== Applications historiques du théorème fondamental des fonctions symétriques ===
Jusqu'à l'avènement de la théorie de Galois, le théorème des fonctions symétriques était le seul outil qui permettait de pénétrer dans la structure des équations algébriques. Il fut utilisé par la plupart des grands algébristes tel que [[Isaac Newton|Newton]], [[Joseph-Louis Lagrange|Lagrange]], [[Niels Henrik Abel|Abel]], [[Ernst Kummer|Kummer]] ou [[Galois]] et même plus tard, il n'est pas jusqu'à [[Hilbert]] qui n'en ait usé<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=David|nom1=Hilbert|titre=Die Theorie der algebraischen Zahlkörper|lieu=Berlin|éditeur=Druck und Verlag von Georg Reimer|année=1897|passage=178}} (§2, th. 2).</ref>.
Le corollaire cité dans la section précédente autorise en effet une attitude active face aux problèmes ; plutôt que d'attendre que la solution s'impose d'elle même, on peut former ''a priori'' des expressions symétriques et en déduire les propriétés désirées.

Toute l'œuvre algébrique d'Abel est remplie de ces expressions « symétrisées », et c'est aussi par ce moyen que Galois a établi sa théorie, à travers le théorème de l'élément primitif<ref>L'article « [[Théorème de l'élément primitif]] » explique en détail la démonstration de Galois de ce théorème.</ref>. De nos jours, la théorie de Galois, établie de façon indépendante, a très largement supplanté l'usage du théorème des fonctions symétriques. Néanmoins, il possède quelques avantages sur la théorie de Galois qui en font encore un instrument utile : il est d'abord insensible à la nature de l'anneau des coefficients, qui peut même ne pas être intègre. La théorie de Galois, elle, ne s'applique (classiquement) que dans les corps. Mais même dans les corps, la théorie de Galois ne s'applique que pour les [[Extension séparable|extensions séparables]] (il est vrai que la mécanique galoisienne a été étendue au-delà des [[Extension de Galois|extensions de corps galoisiennes]]. Néanmoins, dans de nombreuses circonstances, utiliser ces théories reviendrait à écraser une mouche avec un gros pavé). C'est dans ces cas que le théorème des fonctions symétriques reprend ses droits.

Ce théorème est fréquemment utilisé comme outil en algèbre commutative moderne, comme par exemple dans la démonstration des [[Élément entier#Applications à la géométrie algébrique|théorèmes de {{Citation étrangère|lang=en|going up}} et {{Citation étrangère|lang=en|going down}}]] de [[Irvin Cohen|Cohen]]-{{Lien|langue=en|fr=Abraham Seidenberg|texte=Seidenberg}}<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Cohen, Irvin S.|auteur2=Abraham Seidenberg|titre=Prime ideals and integral dependence.|traduction titre=Idéaux premiers et dépendance intégrale|périodique=Bulletin of the American Mathematical Society|numéro=52-04|pages=252-261|mois=Avril|année=1946|date=Avril 1946|lire en ligne=https://projecteuclid.org/journals/bulletin-of-the-american-mathematical-society/volume-52/issue-4/Prime-ideals-and-integral-dependence/bams/1183507841.pdf|format=pdf}}</ref>.

=== Exemples ===
Une partie des exemples suivants reprennent la démonstration de résultats bien connus. Ce genre de démonstrations ont généralement été abandonnées au profit de démonstrations plus théoriques (c'est une tendance constante des mathématiques modernes que celle de rechercher les concepts intrinsèques, plutôt que d'utiliser des arguments astucieux mais artificiels). Néanmoins, ces démonstrations « à l'ancienne » ont un certain charme, et illustrent le parti qu'on peut tirer du théorème fondamental des fonctions symétriques.

==== Exemple 1 ====
Soient ''B'' une ''A''-algèbre commutative et ''α'', ''β''{{ind|1}}, …, ''β{{ind|n}}'' ∈ ''B''.
{{énoncé|Si ''α'' est racine d'un polynôme unitaire à coefficients dans {{nobr|''A''[''β''{{ind|1}}, …, ''β{{ind|n}}'']}} et si {{nobr|''β''{{ind|1}}, …, ''β{{ind|n}}''}} sont entiers sur ''A'', alors ''α'' est entier sur ''A''<ref>Donc si de plus ''A'' est [[anneau factoriel|factoriel]] (ou même seulement intègre [[Anneau à PGCD|à PGCD]]) et si ''α'' appartient à son corps des fractions, alors ''α'' ∈ ''A''.</ref>.}}
Ainsi, en notant ''C'' la [[fermeture intégrale]] de ''A'' dans ''B'', {{c.-à-d.}} l'ensemble des éléments de ''B'' entiers sur ''A'' :
* ''C'' est une sous-algèbre de ''B'' ;
* si ''α'' est entier sur ''C'' alors ''α'' ∈ ''C''.

''Démonstration :'' On se ramène sans peine par récurrence au cas ''n'' = 1 (on peut même supposer que chaque ''β{{ind|k}}'' n'est entier que sur ''A''[''β''{{ind|1}}, …, ''β''{{ind|''k''–1}}]).

Soient donc ''P'' ∈ ''A''[''X'', ''Y''], unitaire par rapport à ''X'', tel que {{nobr|1=''P''(''α'', ''β'') = 0,}} et ''Q'' ∈ ''A''[''Y''], unitaire, tel que ''Q''(''β'') = 0.

Écrivons ''Q'' sous la forme {{surligner|''Q''}}(''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|m}}'', ''Y'') où ''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|m}}'' ∈ ''A'' et {{surligner|''Q''}} est le polynôme unitaire de degré ''m'' en ''Y'' universel :

: {{surligner|''Q''}} = ''Y{{exp|m}}'' – ''S''{{ind|1}}''Y''{{exp|''m''–1}} + … + (–1){{exp|''m''}}''S{{ind|m}}'' ∈ '''Z'''[''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|m}}'', ''Y''].

Le morphisme de substitution, de '''Z'''[''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|m}}''] dans '''Z'''[''X''{{ind|1}}, …, ''X{{ind|m}}''], qui envoie (''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|m}}'') sur (''s''{{ind|''m'',1}}, …, ''s{{ind|m,m}}''), étant injectif, on peut l'assimiler à une inclusion et considérer les ''S{{ind|k}}'' comme égaux aux polynômes symétriques élémentaires en les ''X{{ind|k}}''. Via cette identification, on a :
: {{surligner|''Q''}} = (''Y'' – ''X''{{ind|1}})…(''Y'' – ''X{{ind|m}}'').

Notons {{surligner|''R''}} ∈ ''A''[''X'', ''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|m}}''] le produit des ''P''(''X'', ''X{{ind|k}}''), puis ''R'' ∈ ''A''[''X''] le polynôme {{surligner|''R''}}(''X'', ''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|m}}''), unitaire par construction.

Le produit des ''P''(''X'', ''X{{ind|k}}'') – ''P'' est à la fois de la forme {{surligner|''Q''}} {{surligner|''U''}} et de la forme {{surligner|''R''}} + ''P'' {{surligner|''V''}}, avec {{surligner|''U''}}, {{surligner|''V''}} ∈ ''A''[''X'', ''Y'', ''S''{{ind|1}}, …, ''S{{ind|m}}'']. Par substitution, on en déduit :
: ''R''(''α'') = ''Q''(''β'') {{surligner|''U''}}(''α'', ''β'', ''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|m}}'') – ''P''(''α'', ''β'') {{surligner|''V''}}(''α'', ''β'', ''a''{{ind|1}}, …, ''a{{ind|m}}'') = 0,
ce qui prouve que ''α'' est entier sur ''A''.

==== Exemple 2 ====
{{énoncé|Tout [[corps de décomposition]] est une [[extension normale]], c'est-à-dire que si ''K'' est un corps et ''L'' un corps de décomposition d'un polynôme à coefficients dans ''K'' alors, pour tout ''α'' ∈ ''L'', le polynôme minimal sur ''K'' de ''α'' est [[Polynôme scindé|scindé sur]] ''L''.
}}

''Démonstration :'' Par hypothèse, ''L = K''(''β''{{ind|1}}, …, ''β{{ind|n}}''), où les ''β{{ind|i}}'' sont les racines d'un polynôme ''Q'' ∈ ''K''[''X''].

Si ''α'' ∈ ''L'', il existe donc une fraction rationnelle ''f'' telle que ''α = ''{{nobr|''f''(''β''{{ind|1}}, ''β''{{ind|2}}, … )}}. Soit ''Π'' ∈ ''L''[''X''] le produit de tous les monômes {{nobr|''X – f''(''β''{{ind|''σ''(1)}}, ''β''{{ind|''σ''(2)}}, … )}}, le produit s'étendant à l'ensemble des permutations ''σ'' de '''S'''''{{ind|n}}''.

Le polynôme ''Π'' est symétrique en les ''β{{ind|i}}'', donc ses coefficients appartiennent en fait à ''K''. Comme {{nobr|''Π''(''α'')}} = 0, le polynôme minimal ''P'' de ''α'' sur ''K'' divise ''Π''.
Mais ''Π'' est scindé sur ''L'' par construction, donc ''P'' aussi.

==== Exemple 3 ====
En utilisant le théorème des fonctions symétriques dans la construction de van der Waerden d'un élément primitif, on peut facilement démontrer que toute extension ''L'' d'un corps ''K'' engendré par une famille finie d'éléments séparables sur ''K'' admet un élément primitif séparable. Par ce moyen, on obtient facilement qu'une telle extension ''L/K'' est séparable (voyez « [[Théorème de l'élément primitif#Généralisations|Construction de van der Waerden]] », démonstration et remarque).

==== Exemple 4 ====
Quel est le polynôme minimal de {{nobr|{{racine|2}} + 3{{Racine|7|n=5}}}} ? Plus généralement, on peut se poser le problème de déterminer le polynôme minimal d'une fonction rationnelle quelconque d'éléments algébriques {{nobr|''α''{{ind|1}}, …, ''α{{ind|n}}''}} sur un corps ''K'', dont on connaît les polynômes minimaux ''P{{ind|α{{ind|i}}}}'' (ou même seulement des polynômes annulateurs).

Lorsque les degrés des équations en jeu sont suffisamment petits pour permettre des calculs de tailles raisonnables, on peut envisager l'algorithme suivant, autrement beaucoup trop lourd. Il devient vite impraticable, même pour des degrés relativement faibles, mais a le mérite d'exister.

Soit {{nobr|1=''α = f''(''α''{{ind|1}}, …, ''α{{ind|n}}'')}} l'élément dont on recherche le polynôme minimal.
On forme le polynôme {{nobr|''Π''(''X'')}}, en multipliant formellement de toutes les façons possibles les monômes {{nobr|''X – f''(''α{{'}}''{{ind|1}}, …, ''α{{'}}{{ind|n}}'')}}, où ''α{{'}}{{ind|i}}'' désigne un [[élément conjugué|conjugué]] quelconque de ''α{{ind|i}}''.

Puisque l'expression formelle obtenue est symétrique en chacun des groupes de conjugués, elle est fonction des fonctions symétriques élémentaires de ces conjugués, et peut être effectivement déterminée par un algorithme de décomposition en termes des fonctions symétriques élémentaires.

En remplaçant les fonctions symétriques des conjugués de ''α{{ind|i}}'' par le coefficient correspondant du polynôme minimal de ''α{{ind|i}}'' (affecté du signe convenable), on obtient un polynôme de {{nobr|''K''[''X'']}} qui s'annule nécessairement en ''α'', et qu'on note encore ''Π''.

Il s'agit ensuite de réduire ''Π'' en facteurs irréductibles sur ''K'', ce qui nécessite un [[Factorisation des polynômes#Algorithmes de décomposition|algorithme de factorisation]].

Enfin, il faut déterminer lequel des facteurs irréductibles est le polynôme minimal de ''α'' ; dans le cas où ''K'' est un [[corps de nombres]], cela peut se faire à l'aide d'approximations numériques des racines de ''Π''.

== Notes et références ==
{{Références}}

{{Portail|algèbre}}

[[Catégorie:Polynôme]]
[[Catégorie:Algèbre commutative]]