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[[Fichier:Parallel Transport.svg|vignette|Transport parallèle d'un vecteur autour d'une boucle fermée (de A à N à B et retour en A) sur une sphère. L'angle <math>\alpha</math> par lequel il a tourné est proportionnel à l'aire intérieure à la boucle.]]

En [[mathématiques]], et plus précisément en [[géométrie différentielle]], le ''' transport parallèle''' est une façon de définir une relation entre les géométries autour de points le long d'une courbe définie sur une surface, ou plus généralement sur une [[variété (géométrie)|variété]]. Si la variété est munie d'une [[connexion affine]] (une [[dérivée covariante]] ou plus généralement une [[connexion de Koszul|connexion]] sur le [[fibré tangent]]), alors cette connexion permet de transporter des vecteurs le long des courbes de telle sorte qu'ils restent « parallèles » par rapport à la connexion. Réciproquement, une notion de transport parallèle donne un moyen de relier les géométries de points voisins, et donc, en un certain sens, définit une connexion, qui est l'analogue [[infiniment petit|infinitésimal]] du transport parallèle.

Le transport parallèle définissant une réalisation locale de la connexion, il définit aussi une réalisation locale de la [[courbure]] connue sous le nom d'[[holonomie]]. Le [[Holonomie#Le théorème d'Ambrose-Singer|théorème d'Ambrose-Singer]] explicite cette relation entre les deux notions.

D'autres [[connexion (mathématiques)|connexions]] admettent une forme de transport parallèle. Par exemple, une [[connexion de Koszul]] sur un [[fibré vectoriel]] permet le transport de façon analogue à l'utilisation d'une dérivée covariante. Une [[connexion d'Ehresmann]] permet de relever les courbes de la variété à l'espace total du [[fibré principal]], ce qu'on peut interpréter comme un transport parallèle de [[référentiel (physique)|référentiels]].

== Transport parallèle sur un fibré vectoriel ==
Soit ''M'' une [[variété différentielle]], ''E''&rarr;''M'' un [[fibré vectoriel]] de [[dérivée covariante]] &nabla; et ''&gamma;'': ''I''&rarr;''M'' une [[courbe|courbe lisse]] paramétrée par un intervalle ouvert ''I''. Une [[Section d'un fibré|section]] <math>X</math> de <math>E</math> le long de ''&gamma;'' est dite '''parallèle''' si
:<math>\nabla_{\dot\gamma(t)}X=0\text{ pour }t \in I.\,</math>
Soit un élément ''e''<sub>0</sub> &isin; ''E''<sub>''P''</sub> à ''P'' = ''&gamma;''(0) &isin; ''M''. Le '''transport parallèle''' de ''e''<sub>0</sub> le long de ''&gamma;'' est l'extension de ''e''<sub>0</sub> à une section ''X'' le long de ''&gamma;''.
Plus précisément, ''X'' est la seule section de ''E'' le long de ''&gamma;'' telle que
# <math>\nabla_{\dot\gamma} X = 0</math> ;
# <math>X_{\gamma(0)} = e_0</math>.
On peut remarquer que, localement, (1) définit une [[équation différentielle]], avec les [[condition initiale|conditions initiales]] données par (2). Ainsi, le [[théorème de Cauchy-Lipschitz]] garantit l'existence et l'unicité de la solution.

La connexion &nabla; définit ainsi une façon de déplacer des éléments des fibres, et plus précisément des [[application linéaire|isomorphismes linéaires]] entre les fibres au dessus de points distincts &gamma;(''s'') et &gamma;(''t'') de la courbe :
:<math>\Gamma(\gamma)_s^t : E_{\gamma(s)} \rightarrow E_{\gamma(t)}</math>.
Ces isomorphismes sont les '''applications de transport parallèle''' associées à la courbe. Ils dépendent en général du choix de la courbe ; lorsqu'ils n'en dépendent pas, il est alors possible de définir des sections parallèles de ''E'' sur ''M'' tout entier, mais cela ne se produit que si la [[Connexion de Koszul#Courbure|courbure]] de &nabla; est nulle.

En particulier, le transport parallèle sur une courbe fermée commençant en un point ''x'' définit un [[automorphisme]] de l'espace tangent en ''x'', qui n'est pas nécessairement trivial. L'ensemble de ces automorphismes, pour toutes les courbes fermées en ''x'', forme un [[Action de groupe (mathématiques)|groupe de transformations]] appelé le [[holonomie|groupe d'holonomie]] de &nabla; en ''x''. Il y a une relation étroite entre ce groupe et la valeur de la courbure de &nabla; en ''x'', précisée par le [[Holonomie#Le théorème d'Ambrose-Singer|théorème d'Ambrose-Singer]].

=== Reconstruction de la connexion à partir du transport parallèle ===

Étant donné une dérivée covariante ∇, le transport parallèle le long d'une courbe γ s'obtient en intégrant la condition <math>\nabla_{\dot{\gamma}}=0</math>. Réciproquement, si l'on dispose d'une notion convenable de transport parallèle, on en déduit une connexion par différentiation. Cette approche est essentiellement due à Knebelman, en 1951<ref>{{harvsp|Knebelman|1951}}, cité par {{harvsp|Guggenheimer|1977}}.</ref>.

Plus précisément, soit, pour chaque courbe γ de la variété, un ensemble d'applications
:<math>\Gamma(\gamma)_s^t : E_{\gamma(s)} \rightarrow E_{\gamma(t)}</math>
telles que
# <math>\Gamma(\gamma)_s^s = Id</math>, l'identité de ''E''<sub>γ(s)</sub> ;
#<math>\Gamma(\gamma)_u^t\circ\Gamma(\gamma)_s^u = \Gamma(\gamma)_s^t</math> ;
#<math>\Gamma</math> est une fonction « lisse » de γ, ''s'', et ''t''.
La condition 3 est quelque peu délicate à rendre rigoureuse (voir plus bas la discussion concernant le cas des fibrés vectoriels). En particulier, les auteurs modernes comme {{Lien|Shoshichi Kobayashi}} et {{Lien|Katsumi Nomizu}} voient généralement le transport parallèle de la connexion comme provenant d'une autre connexion, où la notion de fonction lisse est plus aisément formulée.

Si l'on interprète ces applications comme des transports parallèles , il est possible de retrouver la connexion infinitésimale associée de la manière suivante. Soit γ une courbe différentiable de ''M'' d'origine γ(0) et de vecteur tangent initial ''X'' = γ&prime;(0). Si ''V'' est une section de ''E'' sur γ, on pose
:<math>\nabla_X V = \lim_{h\to 0}\frac{\Gamma(\gamma)_h^0V_{\gamma(h)} - V_{\gamma(0)}}{h} = \left.\frac{d}{dt}\Gamma(\gamma)_t^0V_{\gamma(t)}\right|_{t=0}.</math>

Cela définit une connexion ∇, et l'on retrouve {{math|Γ}} comme transport parallèle associé à ∇.

=== Un cas particulier : le fibré tangent ===
{{Voir aussi|Connexion affine#Transport parallèle pour les connexions affines}}
Soit <math>M</math> une [[variété différentielle]]. Une connexion sur le [[fibré tangent]] de <math>M</math>, appelée [[connexion affine]], permet de distinguer une classe de courbes appelées [[géodésique]]s (affines)<ref>{{harvsp|Kobayashi|Nomizu|1996|loc=chapitre III}}</ref>. Une courbe lisse <math>\gamma : I \rightarrow M</math> est une ''' géodésique affine''' si <math>\dot\gamma</math> est transportée parallèlement le long de <math>\gamma</math>, c'est-à-dire si
:<math>\Gamma(\gamma)_s^t\dot\gamma(s) = \dot\gamma(t).\,</math>

En dérivant par rapport au temps, on obtient la forme plus familière :
:<math>\nabla_{\dot\gamma(t)}\dot\gamma = 0.\,</math>

== Transport parallèle en géométrie riemannienne ==

En [[variété pseudo-riemannienne|géométrie pseudo-riemannienne]], une {{Lien|langue=en|trad=metric connection|fr=connexion métrique}} est une connexion dont les applications de transport parallèle préservent le [[tenseur métrique]], c'est-à-dire une connexion <math>\Gamma</math> telle que pour tout couple de vecteurs <math>(X,Y)</math> de <math>T_{\gamma(s)}</math> on a :

:<math>\langle\Gamma(\gamma)_s^tX,\Gamma(\gamma)_s^tY\rangle_{\gamma(t)}=\langle X,Y\rangle_{\gamma(s)}.</math>

Prenant la dérivée en <math>t=0</math>, on voit que l'opérateur différentiel associé <math>\nabla</math> doit satisfaire une [[règle du produit]] par rapport à la métrique :
:<math>\nabla_Z\langle X,Y\rangle = \langle \nabla_ZX,Y\rangle + \langle X,\nabla_Z Y\rangle.</math>

=== Géodésiques ===
Si <math>\nabla</math> est une connexion métrique sans torsion, les géodésiques affines sont les géodésiques usuelles de la [[géométrie riemannienne]], c'est-à-dire les courbes de longueur (localement) minimale. Plus précisément, on remarque d'abord que si <math>\gamma : I \rightarrow M</math> est une géodésique (avec <math>I</math> intervalle ouvert), la norme de <math>\dot\gamma</math> est constante sur <math>I</math>, puisque

:<math>\frac{d}{dt}\langle\dot\gamma(t),\dot\gamma(t)\rangle = 2\langle\nabla_{\dot\gamma(t)}\dot\gamma(t),\dot\gamma(t)\rangle =0.</math>

Appliquant le [[Lemme de Gauss (géométrie riemannienne)|lemme de Gauss]], on en déduit que si <math>A</math> est la norme de <math>\dot\gamma(t)</math>, la distance induite par la métrique entre deux points de la courbe <math>\gamma</math> suffisamment proches <math>\gamma(t_1)</math> et <math>\gamma(t_2)</math> est donnée par
:<math>\mbox{dist}\big(\gamma(t_1),\gamma(t_2)\big) = A|t_1 - t_2|.</math>
La formule ci-dessus pourrait ne pas être vraie pour les points qui ne sont pas assez proches puisque la géodésique pourrait par exemple s'enrouler autour de la variété (comme dans le cas d'un cylindre).

== Généralisations ==
Le transport parallèle peut être défini de manière plus générale pour d'autres types de connexions, et pas seulement pour celles définies sur un fibré vectoriel. Une de ces généralisations existe pour les connexions principales<ref>{{harvsp|Kobayashi|Nomizu|1996|loc=chapitre II}}</ref>. Soit ''P'' &rarr; ''M'' un [[fibré principal]] sur une variété ''M'' sur laquelle opère un [[groupe de Lie]] ''G'' et une {{Lien|langue=en|trad=connection (principal bundle)|fr=connexion principale}} &omega; (c'est-à-dire une 1-forme différentielle à valeurs dans l'algèbre de Lie de ''G'', avec des conditions de compatibilité convenables<ref>De façon précise, ''ω'' appartient à <math>\Omega^1(P,\mathfrak g)\cong C^\infty(P, T^*P\otimes\mathfrak g)</math> et vérifie 1)<math>\hbox{Ad}_g(R_g^*\omega)=\omega</math> où ''R''<sub>''g''</sub> est la multiplication à droite par ''g'', et <math>\operatorname{Ad}_gX = \frac{d}{dt}g\exp(tX)g^{-1}\bigl|_{t=0}</math>) ; 2) si <math>\xi\in \mathfrak g</math> et ''X''<sub>''ξ''</sub> est le champ de vecteurs sur ''P'' associé à ''ξ'' en différentiant l'action de ''G'' sur ''P'', alors ''ω''(''X''<sub>''ξ''</sub>) = ''ξ'' (pour tout ''ξ'').</ref>). Comme pour les fibrés vectoriels, &omega; définit, pour chaque courbe &gamma; de ''M'', une application
:<math>\Gamma(\gamma)_s^t : P_{\gamma(s)} \rightarrow P_{\gamma(t)}</math>
de la fibre au dessus de &gamma;(''s'') vers celle au dessus de &gamma;(''t''), qui est un isomorphisme d'[[espace homogène|espaces homogènes]], <math>\Gamma_{\gamma(s)} gu = g\Gamma_{\gamma(s)}</math> pour chaque ''g''&isin;''G''.

D'autres généralisations du transport parallèle existent. Dans le cas des [[connexion d'Ehresmann|connexions d'Ehresmann]], où la connexion repose sur une notion de « {{Lien|langue=en|trad=Vertical and horizontal bundles|fr=fibré horizontal|texte=relèvement horizontal}} » d’[[Espace tangent|espaces tangents]], on peut définir un [[Connexion d'Ehresmann#Transport parallèle par relèvement horizontaux|transport parallèle par relèvement horizontaux]]. Dans le cas des {{Lien|langue=en|trad=Cartan connection|fr=connexion de Cartan|texte=connexions de Cartan}}, qui sont des connexions d'Ehresmann munies de structures supplémentaires, ce transport parallèle peut être vu comme le « roulement » d'un certain « {{Lien|langue=en|trad=Klein geometry|fr=géométrie de Klein|texte=espace modèle}} » le long d'une courbe de la variété ; ce roulement est appelé un ''développement'', par analogie avec les notions de [[développée]] et de [[courbe développante]].

== Approximation : l'échelle de Schild ==
[[Image:Schild's ladder step 4.svg|vignette|droite|Deux barreaux de l'échelle de Schild. Les segments ''A''<sub>1</sub>''X''<sub>1</sub> et ''A''<sub>2</sub>''X''<sub>2</sub> approximent au premier ordre le transport parallèle de ''A''<sub>0</sub>''X''<sub>0</sub> le long de la courbe.]]
Une approximation discrète du transport parallèle est donnée par l'{{Lien|langue=en|trad=Schild's ladder|fr=échelle de Schild}},
qui effectue des pas finis le long de la courbe, et approche les
{{Lien|langue=en|trad=Levi-Civita parallelogramoid|fr=parallélogrammoïde de Levi-Civita|texte=parallélogrammoïdes de Levi-Civita}} par des [[parallélogramme]]s.

== Notes et références ==
{{références}}
== Voir aussi ==
* [[Chariot pointant le sud]]
* [[Connexion (mathématiques)]]
* [[Connexion affine]]
* [[Dérivée covariante]]
* [[Dérivée de Lie]]
* [[Phase géométrique]]

== Bibliographie ==
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Heinrich |nom1=Guggenheimer |titre=Differential Geometry |lieu=New York |éditeur=[[Dover Publications|Dover]] |année=1977 |pages totales=378 |isbn=0-486-63433-7}}.
* {{Ouvrage |langue=en |auteur1=Knebelman |titre=Spaces of relative parallelism |volume=53 |éditeur=The Annals of Mathematics, Vol. 53, No. 3 |série=2 |année=1951 |pages totales=387–399 |doi=10.2307/1969562 |numéro chapitre=3}}.
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=Shoshichi |nom1=Kobayashi |prénom2=Katsumi |nom2=Nomizu |titre=Foundations of Differential Geometry, Volume 1 |éditeur=[[Wiley-VCH|Wiley-Interscience]] |année=1996 |pages totales=344 |isbn=0-471-15733-3}}.
* {{EncycloMath|id=c/c025180|title=Connections on a manifold|first=Ü.|last=Lumiste|year=2001}}

== Liens externes ==
{{Traduction/Référence|en|Parallel transport|796585103}}

* {{en}} [http://torus.math.uiuc.edu/jms/java/dragsphere/ Démonstration en géométrie sphérique] : une applet Java permettant de visualiser le transport parallèle de vecteurs tangents à une sphère.

{{Portail|analyse|géométrie}}

[[Catégorie:Géométrie riemannienne]]
[[Catégorie:Connexion]]