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La '''trisection de l'angle''' est un problème classique de [[mathématiques]]. C'est un problème [[géométrie|géométrique]], faisant partie des [[trois grands problèmes de l'Antiquité]], avec la [[quadrature du cercle]] et la [[duplication du cube]]. Ce problème consiste à diviser un angle en trois parties égales, à l'aide d'une [[Règle (instrument de géométrie)|règle]] et d'un [[compas (géométrie)|compas]]. Sous cette forme, le problème (comme les deux autres) n'a pas de solution, ce qui fut démontré par [[Pierre-Laurent Wantzel]] en 1837.

== Impossibilité générale avec la règle et le compas ==
S'il est facile de partager un angle en deux en construisant sa [[bissectrice]], s'il est aisé de partager l'angle droit en trois à l'aide de triangles équilatéraux, beaucoup de mathématiciens ont longtemps cherché, en vain, une méthode géométrique pour réaliser la trisection d'un angle quelconque [[Construction à la règle et au compas|à la règle et au compas]]. Dès le {{IIIe siècle av. J.-C.}}, [[Archimède]] proposa une méthode par ajustement (ou ''neusis''), à l'aide d'un compas et d'une règle dotée de deux graduations. Au {{IIe siècle av. J.-C.}}, [[Nicomède (mathématicien)|Nicomède]] utilisa une courbe auxiliaire, la [[conchoïde|conchoïde de droite]] pour déterminer la solution.

Mais en 1837, [[Pierre-Laurent Wantzel]] démontra [[théorème de Wantzel|le théorème qui porte son nom]], permettant d'exhiber une large famille d'équations de problèmes impossibles à résoudre à la règle et au compas. L'équation de la trisection de l'angle étant de cette forme, la [[construction géométrique|construction]] générale est donc impossible à réaliser selon ces règles. La trisection de l'angle est en revanche réalisable au moyen du compas et de la règle graduée, ou au moyen de courbes auxiliaires dites trisectrices, ou au moyen de pliage d'une feuille de papier.

== Utilisation du compas et de la règle graduée ==
[[Image:Trisecting angles two.svg|droite|500px|Trisection de l'angle ''a'']]

[[Archimède]] donne la construction suivante [[construction par neusis|par neusis]] (par ajustement), à l'aide d'un compas et d'une règle portant deux graduations.

Soit ''a'' l'angle à trisecter, de sommet B. On trace un cercle de centre B et de rayon égal à la distance séparant les deux graduations de la règle (soit r). Le cercle coupe l'un des côtés de l'angle en A (donc AB = r). On dispose la règle de façon qu'elle passe par A, que l'une des graduations C de la règle soit disposée sur le cercle, et que l'autre graduation D soit sur le prolongement (BD) de l'autre côté de l'angle (donc CD = r). L'angle ''b'' de sommet D est alors le tiers de l'angle ''a''.

En effet, le triangle BCD est isocèle en C, donc l'angle CBD est égal à ''b''. Mais dans le cercle de centre C passant par B et D, l'angle au centre ACB (= ''c'') est le double de l'angle inscrit CDB (= ''b''), soit ''c = 2b''. Or BAC est également un triangle isocèle en B, donc l'angle BAC est égal à ''c''. L'angle ABC vaut donc {{math|π - 2''c'' {{=}} π - 4''b''}}. L'angle ABD vaut alors {{math|π - 3''b''}}, de sorte que l'angle ''a'' vaut bien 3''b''.

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== Utilisation de coniques ==
[[image:TrisectionConicAl-Sijzi.svg|vignette|Trisection de l'angle par intersection d'un cercle et d'une hyperbole équilatère. Méthode inspirée de celle d'[[al-Sijzi]].|redresse=1.2]]

La trisection d'un angle par intersection de coniques est connue au moins depuis le {{s-|IV|e}}: [[Pappus d'Alexandrie]] fournit plusieurs trisections à l'aide d'intersections de cercles et d'hyperboles dans ses ''Collections mathématiques'', propositions 31 à 34{{sfn|Aymès|1988|p=26-29}}. Les [[mathématiques arabes|mathématiciens arabes]] développent également de nombreux outils de trisection dont [[al-Sijzi]] qui propose une construction de trisection par un cercle et une [[Hyperbole (mathématiques)|hyperbole]] équilatère{{sfn|Aymès|1988|p=42}} dans son traité ''De la trisection de l'angle rectiligne''<ref>{{chapitre|auteur chapitre=Al-Sijzi|titre chapitre=Traité de trisection de l'angle rectiligne|auteur ouvrage=[[Franz Woepcke]]|titre ouvrage=L’Algèbre d’Omar Alkhayyami|année=1851|lire en ligne=https://www.wilbourhall.org/pdfs/omar_gallica.pdf |passage=117(145)-127(155)}}, plus précisément p. 120-121 pour la démonstration et planche 5 (214) dessin 49 et 50</ref>. 

La construction ci-contre s'inspire de la construction d'al-Sijzi.

L'angle à couper en 3 est l'angle AOB. On cherche donc les points tels que 
:<math>3\left (\overrightarrow{OA}
,\overrightarrow{OM}\right )\equiv \left (\overrightarrow{OA},\overrightarrow{OB}\right) \pmod {2\pi}</math>.
La droite (d) est  la perpendiculaire à (OA) passant par O. Le point B' est le symétrique de B par rapport à (d). I est le milieu de [OB']. On trace l'hyperbole équilatère passant par O et dont les asymptotes sont parallèles à (OA) et (d) et se rencontrent en I. Celle-ci rencontre le cercle de centre O et de rayon OA=OB en B', M{{ind|1}}, M{{ind|2}}, M{{ind|3}}. Les points M{{ind|i}} sont solutions du problème.
{{boite déroulante|titre=Démonstration par les complexes<ref> Cette démonstration s'inspire de celle présente dans {{article|auteur1=Jean-Marie Arnaudiès|auteur2=Pierre Delezoide|titre= Constructions géométriques par
intersections de coniques|périodique=Bulletin de l'APMEP|numéro=446|date=mai-juin 2003|passage=372-373|lire en ligne=https://www.apmep.fr/IMG/pdf/AAA03056_complet.pdf}}</ref>|contenu=
On se place dans un repère de centre O dans lequel A a pour affixe 1. On note <math> u</math> l'affixe de B. Les affixes des points M{{ind|i}} du cercle solutions de la trisection sont les solutions de l'équation <math> z^3=u</math>. 

Les affixes des points M{{ind|i}} et B' sont les solutions de l'équation 
:<math>(z^3-u)(z+\overline u)=0</math>
On développe:
:<math>z^4-uz+\overline u z^3-1=0</math>
On multiplie par <math>\overline z^2</math> et on utilise le fait que les points sont sur le cercle donc que <math> z \overline z=1</math>:
:<math>z^2-u\overline z+\overline u z-\overline z^2=0</math>
Soit
:<math>Im(z^2+\overline u z)=0</math>
C'est l'équation de l'hyperbole équilatère de centre <math>I(-\overline u/2)</math> passant par O et dont les asymptotes sont parallèles aux axes du repère.

Les points M{{ind|i}} et le point B' sont sur le cercle et sur cette hyperbole.  }}

C'est [[al-Kashi]] qui associe le problème de la trisection de l'angle avec une équation cubique<ref>{{chapitre|auteur=Marie-Thérèse Debarnot|titre chapitre=Trigonométrie|auteur ouvrage=Roshdi Rashed|titre ouvrage=Histoire des sciences arabes|volume=2|titre volume=Mathématiques et physique|année=1997|éditeur=Éditions du Seuil|page=196}}</ref> liant la corde {{math|''a''}} de l'angle θ à la corde {{math|''x''}} de l'angle θ/3 : <math> x^3+a=3x</math> 
{{boite déroulante|titre=Démonstration|contenu=
On pose
:<math>a=2\sin(\theta/2)</math> et <math>x=2\sin(\theta/6)</math>
et l'équation découle de la [[Identité trigonométrique#Formule de Moivre et formules d'angle multiple|formule trigonométrique de l'angle triple]]
:<math>\sin(3.\theta/6)=3\sin(\theta/6)-4\sin^3(\theta/6)</math>
En multipliant cette équation par 2, on obtient
:<math>a=3x - x^3</math>
}}

== Utilisation de courbes [[trisectrice]]s ==
=== Quadratrice d'Hippias ===
[[Fichier:Angle trisection quadratix hippias.svg|vignette|La trisection de l'angle.]]
{{loupe|Quadratrice d'Hippias#Application à la trisection de l'angle{{!}}Quadratrice d'Hippias}}
Selon [[Proclus]], [[Hippias d'Élis|Hippias]] aurait imaginé la quadratrice comme un moyen de diviser graphiquement un angle<ref name="Rey_IV">{{Ouvrage|prénom1=Abel|nom1=Rey|lien auteur1=Abel Rey|titre=L'Apogée de la science technique grecque|volume=IV|titre volume=Les mathématiques d'Hippocrate à Platon|éditeur=[[Éditions Albin Michel|Albin Michel]]|collection=L’Évolution de l'Humanité|année=1946|passage=224-227|numéro chapitre=5|titre chapitre=De la quadrature à la trisection de l'angle et à la géométrie supérieure : Hippias d'Élée}}.</ref>.
 
Par construction, l'angle au centre d'un point de la quadratrice est proportionnel à son ordonnée (comptée depuis D) ; par conséquent, si l'on peut découper un segment en parties égales, on divisera par là-même un angle en trois angles égaux. Or la division d'un segment en 3 segments égaux est [[construction à la règle et au compas|constructible à la règle et au compas]].

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=== Conchoïde de Nicomède ===
{{article détaillé|Conchoïde}}
[[Image:Concoide.png|thumb|Grâce à la conchoïde de Nicomède, on obtient la trisection de l'angle <math>\widehat{OIH}</math>]]
C'est la courbe d'[[équation polaire]] <math>\rho = \frac a {\cos \theta } + d</math>, où ''a'' est la distance du pôle à la directrice (''a'' = ''OH'').

Pour l'utiliser comme trisectrice, on construit un [[triangle]] OHI rectangle en H, tel que l'angle φ à trisecter soit <math>\widehat{OIH}</math>, et la conchoïde de la droite (IH) de pôle ''O'' et de module ''OI'' (voir la figure ci-contre).

On a : ''a'' = ''OH'' et <math>d = OI =  \frac a {\cos \phi } </math> ; la conchoïde a pour équation <math>\rho = \frac a {\cos \theta } + \frac a {\cos \phi }</math>, avec <math> \phi = \widehat{IOH}</math>.

L'intersection de la courbe avec le cercle de centre ''I'' passant par ''O'' permet de déterminer deux points ''M'' et ''N'', et on montre que l'angle <math>\widehat{NIP}</math> trisecte l'angle <math>\widehat{OIH}</math>.

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=== Trisectrice de Maclaurin ===
{{article détaillé|Trisectrice de Maclaurin}}
[[File:MaclaurinTrisectrix.SVG|right|thumb|upright=1.25|La trisectrice de Maclaurin permet de diviser un angle par 3.]]

C'est la courbe d'[[équation polaire]] <math>\rho = \frac{a}{2} \left(4 \cos \theta - \frac{1}{\cos \theta}\right)\!</math>.

Pour un angle {{mvar|&phi;}} donné, on trace un rayon du point {{math|(''a'', 0)}} vers la trisectrice formant un angle {{mvar|&phi;}} avec l'axe horizontal. Le rayon reliant l'origine au point d'intersection entre la trisectrice et le premier rayon forme alors un angle avec l'axe horizontal de {{math|''&phi;'' / 3}}.

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== Construction par pliage de papier ==
[[Image:Trisection-par-origami.png|droite|283px|Pliage pour la trisection]]
Voici une construction par origami due à Hisashi Abe (1980), qu'illustre la figure ci-contre :
* On trace la droite ''d'' passant par le coin A de la feuille de sorte qu'elle forme, avec le bord inférieur ''h''<sub>0</sub> de la feuille, l'angle à couper en trois.
* Par pliage on détermine deux bandes horizontales de même largeur (arbitraire) en bas de la feuille. On appelle ''h''<sub>1</sub> et ''h''<sub>2</sub> les droites qui les délimitent.
* On plie la feuille le long d'un pli ''p'' de sorte que AB vienne en A'B' tel que le point A aille sur la droite ''h''<sub>1</sub> (en un point A'), en même temps que le point B (intersection du bord gauche avec la droite ''h''<sub>2</sub>) ira sur la droite ''d'' en un point B' (axiome 6 des [[mathématiques des origamis]]).
* La droite ''t'' passant par A et A' est alors la trisectrice de l'angle donné: l'angle formé par ''h''<sub>0</sub> et ''t'' vaut 1/3 de l'angle formé par ''h''<sub>0</sub> et ''d''.

La démonstration est simple : par symétrie par rapport à la droite p, le milieu P de AB donne le milieu P’ de A’B’ et, de même que A’P est perpendiculaire à AB, on a AP’ qui est perpendiculaire à A’B’. Les deux [[Triangle rectangle|triangles rectangles]] P’A’A et P’B’A sont donc [[Triangles isométriques|isométriques]].

D’autre part, soit H la [[projection orthogonale]] de A’ sur ''h''<sub>0</sub>. Puisque les triangles HAA’ et PA’A sont isométriques comme moitiés d’un même rectangle, et comme les triangles PA’A et P’AA’ sont aussi isométriques par symétrie par rapport à p, il en résulte que les triangles HAA’ et P’AA’ sont isométriques.

L'isométrie des trois triangles HAA', P'AA' et P'AB' montre que les droites AP’ et AA’ partagent bien l’angle dA''h''<sub>0</sub> en trois angles de même mesure.

== Utilisation d'un mécanisme ==
Plusieurs mécanismes ont été imaginés, permettant de trisecter un angle<ref name=Sabix>{{article|Dominique Tournès|titre=Laisant et l’instrumentation mathématique|périodique=Bulletin de la Sabix|numéro=70|année=2023|doi=10.4000/sabix.3281|titre numéro=Charles-Ange Laisant Mathématicien, homme politique et militant pédagogique : un polytechnicien et ses réseaux (1841-1920)}}</ref>, par exemple 
* le trisecteur de [[Charles-Ange Laisant|Laisant]]<ref>{{Article|titre=Le trisecteur de Laisant|auteur=Henry Plane|périodique=PLOT|numéro=53|année=2016|pages=22-23}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url=http://www.iri.upc.edu/people/porta/Soft/CuikSuite2-Doc/html/dir_d4321ff35d21dae68cd3d54c562c7078.html|titre=Trisector Directory Reference|site=Institut de Robòtica
i Informàtica Industrial|langue=ca|consulté le=10/11/2019}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|titre=The Trisection Problem|auteur=Robert C. Yates|périodique=National Mathematics Magazine|date=mars 1941|volume=15|numéro=6|pages=278-293|langue=en|url=https://www.jstor.org/stable/3028413?seq=1#metadata_info_tab_contents}}</ref>.
* Le [[trisecteur de Bergery]]
* Le trisecteur de Kempe<ref name=Sabix/>
* Le trisecteur de Sylvester<ref name=Sabix/>

== Notes et références ==
{{Références}}
== Annexes ==
=== Bibliographie ===
* {{article|prénom1=Maurice |nom1=d'Ocagne|lien auteur1=Maurice d'Ocagne|titre=Étude rationnelle du problème de la trisection de l'angle| journal=[[L'Enseignement mathématique]] |volume=33 |numéro=|année=1934|doi=10.5169/seals-25987|pages=49-63|url=http://www.unige.ch/math/EnsMath/EM_en/|consulté le = 9 août 2015}}
* {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Jean |nom1=Aymès |titre=Ces problèmes qui font les mathématiques (la trisection de l'angle) |lieu=Paris |éditeur=[[Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public|APMEP]] |collection=Publication de l'APMEP |numéro dans collection=70 |année=1988 |pages totales=100 |isbn=2-902680-46-5 |oclc=462328692 |lire en ligne=http://www.apmep.asso.fr/IMG/pdf/La_trisection_de_l_angle_-_J_Aymes.pdf}}.
* {{article |langue=en |nom1={{Lien|langue=de|fr=Roger Alperin|texte=Roger C. Alperin}}|titre=Trisections and totally real origamis|périodique=[[The American Mathematical Monthly|Amer. Math. Monthly]]|volume=112 |numéro=3 |mois=mars |année=2005 |pages=200-211}}, {{arxiv2|math/0408159}}.
* {{article |langue=en |nom1=[[Andrew M. Gleason]]|titre=Angle trisection, the heptagon, and the triskaidecagon |périodique=Amer. Math. Monthly |volume=95 |numéro=3 |mois=mars |année=1998 |pages=185-194|url=http://www.cs.umb.edu/~eb/gleason/trisection.pdf}}.

* {{article|langue=en|nom1 = Richeson|prénom1=David|titre=A Trisectrix from a Carpenter's Square|périodique=arkix.org|année=2016|mois=mars|url=https://arxiv.org/pdf/1603.03508v1.pdf}}

=== Articles connexes ===
* [[Duplication du cube]]
* [[Histoire de la géométrie]]
* [[Nombre constructible]]
* [[Quadrature du cercle]]
* [[Tomahawk (géométrie)]]
* [[Tour d'extensions quadratiques]]

=== Lien externe ===
Article [http://fr.scribd.com/doc/14557717/Trisection Trisection de l'angle] à la règle et au compas, de Jean Jacquelin

{{Palette|Mathématiques de la Grèce antique}}

{{Portail|géométrie}}

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[[Catégorie:Construction géométrique]]
[[Catégorie:Mathématiques dans la Grèce antique]]