Voir la source de Timée (Platon)

{{Titre mis en forme|''Timée'' (Platon)}}
{{En-tête label|AdQ|année=2021}}
{{Voir homonymes|Timée}}
{{Infobox Ouvrage}}
Le '''''Timée''''' (en {{lang-grc|Τίμαιος}} / ''{{langue|grc-Latn|Tímaios}}''), l'un des derniers [[Dialogues de Platon|dialogues]] de [[Platon]], est considéré depuis l'[[Grèce antique|Antiquité]] comme l'œuvre capitale du philosophe. Rédigé sans doute vers {{Date|358 avJC}}, à peu d’intervalle du ''[[Le Politique|Politique]]'' et du ''[[Philèbe]]'', mais avant ''[[Les Lois]]'', comme le montrent les nombreuses analogies entre ces trois dialogues, le ''Timée'' devait composer une [[trilogie]] avec le ''[[Critias (Platon)|Critias]]'' et l’''[[Hermocrate (Platon)|Hermocrate]]'', mais rien de ce dernier dialogue ne nous est jamais parvenu. Cette trilogie avait pour projet de décrire les origines de l'univers, de l'homme et de la société.

L'ouvrage présente une vaste [[cosmogonie]] fondée sur les données les plus certaines de la science, telle qu'elle se développait au milieu du {{-s|IV}}, dans un climat de curiosité intellectuelle et de partage incessant du savoir. C'est un philosophe [[École pythagoricienne|pythagoricien]], probablement fictif, du nom de [[Timée de Locres]], qui expose une réflexion sur l'origine de l’univers, la nature du [[monde physique]] et la formation de l'[[Anima mundi|Âme du monde]] vues comme les œuvres d'un [[démiurge]], tout en abordant les questions de la [[Théorie de la connaissance|connaissance scientifique]] et de la place des [[mathématiques]] dans l'explication du monde. Platon y développe une [[cosmogonie]] dans laquelle prennent place les théories novatrices du lieu, du Temps et des transformations mutuelles des éléments, expression de la puissante stimulation intellectuelle que les nouvelles découvertes astronomiques et mathématiques ont donnée au monde philosophique de son époque.

Cette cosmologie constitue une encyclopédie complète de la science platonicienne, indispensable au philosophe et à l’homme d’État. Platon y rattache une [[anthropologie]], partie maîtresse du dialogue relative à l’homme, dans laquelle il dessine non seulement l’histoire fictive de l’humanité et de la cité d’[[Histoire d'Athènes#L'Athènes antique|Athènes]], mais où il esquisse aussi une psychologie morale fondée sur l’imitation par l’homme de la divine harmonie cosmique. Le pressentiment qu’il existe du divin dans le cosmos, qualifié de {{citation|dieu visible}} par Platon et par [[Aristote]], inaugure ainsi un changement décisif dans l’histoire de la religion grecque, et annonce la théologie de l’[[époque hellénistique]] et de l’[[Antiquité tardive]]. Le profond sentiment religieux qui anime le ''Timée'', conséquence de l’[[Idéalisme (philosophie)|idéalisme]] spéculatif de Platon, fonde l’[[optimisme]] de sa philosophie : puisque nous pouvons, autant qu’il est en nous, nous identifier à l’œuvre de Dieu grâce à la [[Noûs|raison]], notre salut nous appartient, il réside dans la pensée. Cette conviction anime aussi bien ses plans de réformation morale et politique que ses conceptions médicales.

L'étendue et l’importance des questions traitées dans ce dialogue qui contient une [[philosophie de l'histoire]] rattachée à une conception générale de la nature, explique la lecture ininterrompue qui en a été faite à travers les siècles par les philosophes et les savants, et la profonde influence qu’il a pu exercer dans quasiment tous les domaines du savoir, depuis l'[[Grèce antique|Antiquité]] jusqu’aux débuts du [[christianisme]] et à la [[Renaissance italienne|Renaissance]]. Malgré les grandes différences qui séparent notre savoir scientifique de celui en vigueur à l’époque de Platon, ce que l’[[Histoire de la philosophie (discipline)|historien de la philosophie]], [[Walther Kranz]], appelle {{citation|l’atomisme mathématique}} du ''Timée'', a été retenu par certains savants du {{s-|XX}} comme une hypothèse anticipant les plus récentes découvertes de la [[physique]].

== Présentation générale ==
=== Une encyclopédie ===
[[Fichier:Raffael 067.jpg|vignette|alt=Peinture d'un vieillard portant une longue barbe et pointant son index droit vers le ciel.|Sur la fresque de ''[[L'École d'Athènes]]'', [[Raphaël (peintre)|Raphaël]] a représenté Platon tenant à la main le texte du ''Timée'', considéré comme son œuvre la plus importante.]]
Le ''Timée'' présente une composition méthodique et pédagogique, avec des articulations nettement marquées : annonces des développements qui vont suivre, récapitulations des résultats acquis et pas moins de dix résumés. C’est aussi le dialogue dans lequel l’exposé continu d’un seul personnage, [[Timée de Locres]], occupe la quasi-totalité de l’œuvre. Autant de procédés qui donnent à ce dialogue l’allure d’un cours destiné non à des profanes mais à un auditoire déjà {{citation|familier avec les méthodes de la science}} ({{Nobr|53 c}}), comme Platon le fait remarquer lui-même{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=5|id=ar}}. Sous son apparence de fiction, le caractère scientifique et positif du ''Timée'' ne doit pas être méconnu : Platon expose avec précision, et dans une langue technique, l’état le plus récent des connaissances de son temps, mais sans prétendre être exhaustif{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=6|id=ar}}. En effet, loin de se limiter à la cosmologie et aux interrogations sur la nature du [[philosophie naturelle|monde physique]], le ''Timée'' aborde les [[mathématiques de la Grèce antique|mathématiques]], la [[Histoire des animaux (Aristote)|biologie]], la [[chimie]], la [[médecine en Grèce antique|médecine]], la [[psychologie]], la [[Politique (Aristote)|politique]], la [[religion grecque antique|religion]] et l’[[Astronomie grecque|astronomie]].

=== Une histoire fictive et une ''Genèse'' ===
{{Article détaillé|Atlantide}}
Dans cette encyclopédie, tout ce qui touche à la description de l’[[univers]], à la [[physique]] et à la formation de l’[[Anima mundi|Âme du Monde]] n’est pas l’essentiel aux yeux de [[Platon]] : la [[cosmologie]] joue un rôle accessoire par rapport à l’[[anthropologie]]. On le voit à la requête amicale que [[Socrate]] adresse à ses trois interlocuteurs. Il leur demande de faire l’éloge de la cité idéale qu’il a décrite la veille<ref group="note">La description de cette cité idéale rappelle de près celle qui a été présentée dans ''[[La République]]''.</ref>, en racontant comment, de théorique et abstraite, on peut imaginer son excellence en action{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=1, ''Overview of the Dialogue''|id=stan}}. Pourrait-on en construire le modèle vivant et montrer sa perfection face aux difficultés de la réalité, en temps de paix et de guerre ({{Nobr|18 b-20 c}}) ? Tel est l’objet principal du ''Timée'' : l’intention du dialogue est politique. Critias fait alors le récit de la guerre victorieuse menée par Athènes, il y a neuf mille ans, contre l’ennemi atlante et la chute de l’[[Atlantide]]. C’est ainsi que, par un artifice, Platon prétend nous raconter l’histoire oubliée {{incise|mais en réalité, fictive}} 
de l’humanité et de la cité d’[[Histoire d'Athènes#L'Athènes classique|Athènes]] : livre des générations, le ''Timée'' comme le [[Livre de la Genèse]], ramène un peuple au souvenir de ses origines et de ses ancêtres pour mieux l’enraciner dans l’ordre universel{{sfn|Hadot 1983|p=118|id=ph}}. Il cherche aussi à fonder la constitution idéale décrite dans ''[[La République]]'' en montrant que dans la plus haute antiquité, avant le déluge, à Athènes, les choses étaient conformes à ce modèle d’excellence, qui lui-même répondait aux fins d’un être humain qui trouvait sa place dans cette cité et cet univers organisé. De la sorte, Platon dote son récit de l’autorité de l’histoire ; et en rattachant cette histoire à l’histoire de l’univers, il la fait bénéficier aussi de l’autorité de la science physique, tout en mettant en relief l’unité des choses{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=8|id=ar}}.

=== Microcosme et macrocosme ===
Dans le ''Timée'', la ''[[Phusis|physique]]'' de Platon, au sens grec d’« étude de la nature », est [[téléologie|téléologique]] : c’est dire que {{citation|la destinée de l’homme y est considérée comme la fin de la Nature}}, écrit [[Léon Robin]]{{sfn|Robin 1942|p=231|id=lr}}. Ce qui demeure toujours au centre de la réflexion de Platon, c'est donc l’homme. Toutes les [[science]]s, même les plus abstraites, ne sont étudiées que dans leurs rapports à la science de l’homme. Ainsi, l’origine des végétaux ou l’histoire des animaux ne sont traitées accessoirement qu’à l’occasion de la [[nutrition]] ; de même, la physique, la [[minéralogie]], la [[chimie]] ne sont abordées que sous l’angle qui intéresse directement l’humanité, au point de vue des sensations, de l’[[hygiène]], de la thérapeutique, ou de propriétés dont nous pouvons faire notre profit{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=10-11|id=ar}}. Cette histoire naturelle de l’homme, qui commence avec [[Phoronée|Phoroneus]], « celui qu’on appelle le premier homme » ({{Nobr|22 a}}), est conduite en vue de ses applications pratiques à l’[[éducation]], à la [[médecine]] et à la [[politique]]. Elle entre dans la conception globale d’une liaison étroite entre nature humaine et nature universelle, entre [[microcosme]] et [[macrocosme]]. Cette conception du ''Timée'' dominera toute la philosophie de la [[Renaissance française|Renaissance]] et du {{s-|XVII}}.

=== Composition du ''Timée'' ===
{{Article connexe|Dialogues de Platon#Pagination{{!}}Dialogues de Platon:Pagination}}
Aussitôt après le prologue ({{Nobr|17 a-27 b}}), le personnage de [[Critias]] annonce le choix du plan qui sera suivi en fonction de l’étude projetée de l’univers puis du microcosme humain : {{citation|Il nous a paru que Timée, celui d’entre nous qui est le meilleur astronome et qui a donné le plus de travail à pénétrer la nature de l’Univers, devait prendre la parole le premier et, partant de la naissance du monde ({{grec ancien|τῆς τοῦ κόσμου γενέσεως}}), terminer par la nature de l’homme ({{grec ancien|ἀνθρώπων φύσιν}}) ({{Nobr|27 a}}).}} Ce programme soulève le problème philosophique fondamental de la [[Connaissance (philosophie)|connaissance]] : peut-on embrasser dans un même discours rigoureux une cosmologie et une anthropologie ? L’homme peut-il accéder à la vérité au sujet de l’univers, de la politique et du divin ? Platon pose alors quatre principes généraux, distinguant l’[[Ontologie (philosophie)|Être]] qui ''est'' toujours et ne ''devient'' pas ; le raisonnement et l’opinion fondée sur la sensation irraisonnée ; la causalité nécessaire au commencement de tout devenir ; enfin le modèle éternel, intelligible et immuable{{sfn|Robin 1942|p=232|id=lr}}. Il énonce ensuite les conséquences méthodologiques et [[épistémologie|épistémologiques]] qui résultent de ces principes pour sa recherche.
* Dans une première partie ({{Nobr|de 27 d à 47 e}}), il expose la loi suivant laquelle la pensée de [[Dieu]] ou sa sagesse inspirée par sa bonté, a dû, ''vraisemblablement'', organiser un monde le meilleur possible{{sfn|Robin 1942|p=237|id=lr}} : c’est l’action de la « cause intelligente (ou divine) », celle qui est à l’origine de l’Univers et de la destinée des âmes.
* Dans une deuxième partie ({{Nobr|de 48 a à 68 e}}), Platon expose l’action de la « cause nécessaire » ({{grec ancien|δι’ἀνάγκης}}), dont la nature est de mouvoir, de façon indéterminée{{sfn|Robin 1942|p=241|id=lr}} ; dans l’étude de la physique, sont abordés les corps élémentaires et leurs transformations mutuelles, la [[minéralogie]], la [[chimie]] ([[hydrométéore]]s, propriétés des métaux…) et la théorie des sensations{{sfn|Rivaud 1949|p=10|id=ar}}.
* Enfin, dans une troisième partie ({{Nobr|de 69 a}} jusqu’à la fin du dialogue), Platon montre comment se sont associées les deux causes (« cause nécessaire » aussi appelée « cause errante ») sous l’autorité de la « cause intelligente »{{sfn|Robin 1942|p=240|id=lr}}. Ainsi commence l’histoire naturelle de l’homme en qui le principe immortel de l’âme s’allie à un corps mortel ; elle se développe avec un traité d’[[anatomie]], de [[physiologie]], de [[pathologie]], d’[[hygiène]] et de [[Traitement (médecine)|thérapeutique]]{{sfn|Rivaud 1949|p=11|id=ar}}.

=== Personnages et exécution rhapsodique ===
[[Fichier:Banquet scene Louvre G135 full.jpg|vignette|gauche|alt=Dessin de deux personnages se détachant en ocre rouge sur fond noir, l'un debout au premier plan jouant de l'aulos, l'autre allongé.|Scène de banquet, évocatrice du {{Citation|festin spirituel}} auquel Socrate et ses amis sont conviés au début du ''Timée''. [[Céramique à figures rouges|Coupe attique à figures rouges]], {{Circa|{{Date|480 avJC}}}} [[Musée du Louvre]].]]
Les quatre personnages du ''Timée'', [[Socrate]], [[Critias]], [[Hermocrate]] et [[Timée de Locres]], sont réunis pour un festin ({{grec ancien|δαιτυμών, ἑστίασις}}, {{Nobr|17 a, 27 b}}), lié à la fête des [[Panathénées]] et aux concours [[Rhapsode|rhapsodiques]] qui s’y déroulaient ; Platon file donc, tout au long du prologue, la [[métaphore]] d’une exécution rhapsodique, chaque personnage prenant le relais du discours du précédent, selon l’antique tradition établie par [[Solon]]{{sfn|Desclos 2006|p=180-184|id=mld}}.{{Clr|droite}}[[Socrate]] a pris la parole le premier pour résumer les principales caractéristiques de la Cité idéale, et par la suite il est réduit au rôle d’interlocuteur muet. Le philosophe et homme politique [[Critias]], par son récit historique, a confirmé la peinture faite par Socrate.{{Clr|droite}}Le personnage d’[[Hermocrate]] ne joue quasiment aucun rôle dans le dialogue et fait surtout figure d’auditeur ; il a été identifié par [[Proclus]] avec un personnage historique, le fameux général syracusain du même nom, ennemi acharné des ambitions d’Athènes{{sfn|Rivaud 1949|p=15|id=ar}} : Platon aurait ainsi ironiquement confié au glorieux [[stratège]], vainqueur des Athéniens, le soin de déterminer leur futur régime politique. Le troisième dialogue de la trilogie projetée par Platon, qui devait porter le nom d’Hermocrate et où il aurait tenu le rôle principal, n’a sans doute jamais été écrit{{sfn|Rivaud 1949|p=16-17|id=ar}}, et nous ignorons le thème que Platon aurait traité dans ce dialogue.{{Clr|droite}}[[Timée de Locres|Timée]], le personnage principal du dialogue, est présenté comme {{citation|un citoyen de la ville si bien policée de [[Locri Epizefiri|Locres]] en Italie}}, un homme qui se distingue par la fortune et la naissance. Socrate souligne les qualités éminentes de Timée comme homme d’[[État]] et l’excellence des institutions politiques de Locres : il aurait {{citation|participé aux plus grandes charges et aux plus grands honneurs de sa patrie}}, tout en s’élevant aux sommets de toute philosophie ({{Nobr|20 a}}). Il est aussi versé dans les [[mathématiques]] et l’[[astronomie]] plus qu’aucun autre des personnages du dialogue, et le discours qu’il prononce est de tendance nettement [[École pythagoricienne|pythagoricienne]]. Mais ce personnage mystérieux ne nous est connu que par le témoignage de Platon{{sfn|Rivaud 1949|p=18|id=ar}}. Il a peut-être existé un savant pythagoricien portant le nom de [[Timée de Locres]], mais aucune source ne permet de l'affirmer<ref>{{Ouvrage|lang=de|auteur=Heinz-Günther Nesselrath|titre=Platon : Kritias|éditeur=Vandenhoeck & Ruprecht|lieu=Göttingen|année=2006|passage=41-43}}.</ref> ; l’hypothèse qui domine chez la plupart des commentateurs est celle d’un personnage de fiction, forgé sur le portrait du mathématicien et savant pythagoricien [[Archytas de Tarente]] : sous le nom de Timée, Platon aurait ainsi rendu hommage à son ami qu’il ne pouvait nommer expressément, puisque le discours de son personnage ne représentait pas exactement les conceptions du Tarentin<ref>{{Article|auteur=Bernard Mathieu|titre=Archytas de Tarente, pythagoricien et ami de Platon|périodique=Bulletin de l'Association Guillaume Budé|numéro=3|date=octobre 1987|pages=252|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1987_num_1_3_1336}}.</ref>.

== Une cosmologie mathématique et révolutionnaire ==
{{Article connexe|Logos}}
On a pu dire que la [[cosmologie]] du ''Timée'' prolongeait les projets des [[présocratiques|physiologues présocratiques]] qui, dès le {{-s-|VI}}, avaient pris le relais des poètes dans la tentative d’offrir une explication de l’[[Arkhè|origine]] comme cause et de l’évolution du monde visible, le cosmos ({{grec ancien|κόσμος}}), depuis le [[Chaos (mythologie)|Chaos primordial]] : alternative rationnelle à la [[cosmogonie]] des récits [[mythe|mythiques]] à la manière d’[[Hésiode]] au {{-s-|VIII}}{{sfn|Leroux 2000|p=9|id=gl}}. De fait, le ''Timée'' est le tout premier ouvrage de cosmologie à nous être parvenu dans son intégralité. Dans divers textes intitulés ''Sur la nature'' (en [[grec ancien]] {{grec ancien|Περὶ φύσεως}}), des penseurs, parmi lesquels [[Anaximandre]], [[Héraclite]], [[Empédocle]], et [[Parménide]], avaient produit un discours qui, au-delà de l’univers physique ([[macrocosme]]), traitait aussi du microcosme, de l’origine et de la nature des êtres vivants, de l’homme et de la société, offrant par là une vision politique pour un modèle d’organisation de la cité fondé sur une vision du monde.

Mais la cosmologie du ''Timée'' s’écarte de celle des présocratiques sur deux points essentiels. Platon innove puissamment sur le plan philosophique et métaphysique, en concevant le monde et tous les êtres vivants qui le composent comme une création qui n’avait rien de nécessaire, comme un acte de pure générosité. Selon le mot d’André Motte, {{Citation|il révolutionne la cosmologie traditionnelle dans ses rapports avec la théologie et l’éthique, et fait jaillir un monde vivant et harmonieux par l’acte libre d’une intelligente et transcendante Bonté{{sfn|Motte 1997|p=9-10|id=mo}}.}} Poussant la spéculation sur le cosmos dans la voie jusque-là inexplorée des découvertes scientifiques les plus récentes, Platon est aussi le premier à penser l’univers en termes géométriques et mathématiques{{sfn|Donnay 1960|p=10|id=gd}} : {{citation|Le ''Timée'' contient l’acte de naissance de la physique mathématique}}, écrit [[Bertrand Saint-Sernin]]{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1823|id=bss}}. L’information mathématique, reçue du monde intelligible et soulignée par Platon par l’expression {{grec ancien|ἀνὰ λόγον}}, constitue le ciment ({{grec ancien|ξυνδεσμός}}) qui assure à l’univers sa stabilité et sa continuité{{sfn|Mugler 1953|p=57 et note 1|id=m}}. [[Johannes Kepler|Kepler]] aussi bien que [[Galilée (savant)|Galilée]] ont reconnu le bien-fondé de cette démarche que l’on peut qualifier de {{citation|modélisation mathématique{{sfn|Vitrac 2006|p=22 et 35|id=bv}}}} pour rendre compte de la constitution de l’univers{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1824|id=bss}}. Galilée, lui aussi, affirme en 1623 : {{citation|L’univers est écrit dans la langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles, et autres figures géométriques<ref>[[Galilée (savant)|Galilée]], ''L’Essayeur'' (''Il Saggiatore''), Paris, Les Belles Lettres, 1980, {{p.|141}}.</ref>.}}

=== Le pari des Formes intelligibles ===
{{Article détaillé|Théorie des formes}}
Si Platon postule une physique mathématique de l’univers, c’est à la fois en vertu d’une conviction ancienne et d’un pari. Le ''Timée'' repose en effet sur l’hypothèse des [[Théorie des Formes|Idées]] ou des Formes intelligibles, c’est-à-dire sur une réalité d’un ordre suprasensible définie dans le ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'' comme {{citation|ce qui est divin, immortel, intelligible ({{grec ancien|νοητόν}}), ce dont la forme est une ({{grec ancien|μονοειδές}}), ce qui est indissoluble ({{grec ancien|ἀδιάλυτον}}) et possède toujours en même façon son identité à soi-même ({{grec ancien|ἀεὶ ὡσαύτως κατὰ ταὐτὰ ἒχον}})<ref group="A">''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'', {{Nobr|80 a-b}}, traduction de [[Léon Robin]], éditions Les Belles Lettres, 1967, {{p.|39}}.</ref>.}} Ces termes sont très exactement ceux employés dans le ''Timée'' pour caractériser le modèle idéal dont s’est servi le [[Démiurge]] pour organiser le monde visible<ref group="A">{{PlaTim}}, {{Nobr|27 d}}, {{Nobr|28 a-b}}, {{Nobr|29 a}}, {{Nobr|30 c}}.</ref>. Platon précise que ce modèle éternel et immuable, {{citation|ce sont les Idées que nous ne pouvons percevoir par les sens mais seulement par l’intellect}} (51 d). Dès lors l’alternative est posée en ces termes : {{citation|Ou bien il y a, imbriquées dans le monde sensible, des entités intemporelles (nombres, figures et solides géométriques, schémas de causalité{{Etc.}}) ; ou bien il n’y a que ce qui se voit, se sent, se touche{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1823|id=bss}}.}} Il n’y a pas d’évidence irréfutable d’un côté ou de l’autre, il faut prendre parti. Platon parie : « je vote », dit-il, ({{grec ancien|τίθεμαι ψῆφον}}), en faveur de la première option, et il précise aussitôt que {{citation|l’intellection naît en nous par l’action de l’enseignement scientifique ({{grec ancien|διὰ διδαχῆς}}) et s’accompagne toujours d’une démonstration vraie ({{grec ancien|μετ’ἀληθοῦς λόγου}}, {{Nobr|51 e}}).}} La cosmologie et l’anthropologie devront donc être unifiées à l’aide d’une modélisation mathématique, et d’abord pour des raisons ontologiques : Platon conçoit en effet la nature des corps vivants en quelque sorte comme « poussière d’étoiles », les hommes sont faits, dit-il, {{citation|d’éléments empruntés à l’univers qui doivent lui être rendus un jour}}, après la mort ({{Nobr|42 e - 43 a}}).

=== Recherches et intuitions scientifiques dans le ''Timée'' ===
En matière scientifique, Platon a pris une part considérable au développement de la physique et des [[Mathématiques de la Grèce antique|mathématiques]] de son époque, au point d’apparaître non seulement comme un chercheur mais comme l’instigateur de l’essor mathématique du {{-s-|IV}}{{sfn|Mugler 1948, Compte-rendu de Paul Couderc et Louis Séchan|p=450|id=mugler1}} Les mathématiques sont en effet pour lui l’instrument permettant d’exprimer certaines des conséquences découlant des [[axiome]]s posés.

La ''[[Lettre VII|{{Nobr|Lettre VI}}]]'' indique que Platon était en contact avec les scientifiques et les intellectuels [[École pythagoricienne|pythagoriciens]] de [[Grande-Grèce]], parmi lesquels figure son ami, le philosophe et mathématicien [[Archytas de Tarente]]{{sfn|McHugh 2019|p=168|id=mmh}}, le modèle présumé de Timée de Locres. Parmi tous les domaines qu’il a abordés, Archytas se distingue par l’étude des proportions numériques appliquées aux intervalles musicaux ; ces recherches sur les rapports numériques le conduisirent à une théorie descriptive du cosmos<ref>{{Article|auteur=Bernard Mathieu|titre=Archytas de Tarente, pythagoricien et ami de Platon|périodique=Bulletin de l'Association Guillaume Budé|numéro=3|date=octobre 1987|pages=243-244|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1987_num_1_3_1336}}</ref>. Pythagore et Archytas établissent en effet un lien étroit entre harmonie musicale et harmonie universelle<ref group="A">[[Plutarque]], ''De la musique'', XX, 444.</ref>, or Platon fait de même dans le ''Timée'' ({{Nobr|47 d}}) : Archytas a donc pu fonder la doctrine harmonique du ''Timée''<ref>{{Chapitre|auteur=[[Wilbur Knorr]]|titre chapitre=Mathématiques|titre ouvrage=Le Savoir grec|auteurs ouvrage=[[Jacques Brunschwig]] et Geoffrey Lloyd|éditeur=Flammarion|année=1996|page=422.}}</ref>.

[[Fichier:MANNapoli 124545 plato's academy mosaic enh crop.jpg|vignette|alt=Image dans les tons sépia représentant une mosaïque avec sept personnages vêtus à la mode antique.|L’[[Académie de Platon]], symbole de {{Citation|cette liberté créatrice par laquelle on caractérise la pensée grecque}}<ref>[[Carlos Lévy]], dans ''Le Savoir grec'' (de [[Jacques Brunschwig]] et Geoffrey Lloyd), Flammarion, 1996, {{p.|861}}.</ref>. Mosaïque romaine de [[Pompéi]], {{-s-|I}} [[Musée archéologique national de Naples]].]]

Le ''Timée'' conserve aussi le souvenir des travaux de recherche effectués dans tous les domaines scientifiques au sein de l’[[Académie de Platon|Académie]], et montre combien Platon souhaitait être à la pointe de l’actualité scientifique de son époque. Ainsi, le dialogue suppose connus le [[théorème de Pythagore]] et la théorie des [[Nombre irrationnel|quantités irrationnelles]] formulée par [[Théodore de Cyrène]], le maître de Platon ; les mathématiques d’[[Eudoxe de Cnide]] et la [[méthode d'exhaustion]] apparaissent à la source du système cosmologique de Platon, en particulier dans les divisions du mélange utilisé par le démiurge pour combler les intervalles dans les séries créées pour l’Âme du monde ({{Nobr|35 b-36 b}}){{sfn|McHugh 2019|p=173-174|id=mmh}} ; le ''Timée'' utilise la théorie des [[Moyenne géométrique|médiétés]] et la théorie des [[Polyèdre régulier|polyèdres réguliers]] ({{Nobr|54 e - 56 c}}) qui se sont développées précisément à l’époque de Platon, dans le milieu socratique{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=24 et 82|id=ar}} ; c'est [[Théétète d'Athènes|Théétète]], l’ami de [[Socrate]] et de Platon, qui, le premier démontre qu’il ne peut y avoir que cinq polyèdres réguliers [[Ensemble convexe|convexe]]s inscriptibles dans la sphère : la [[Tétraèdre|pyramide à {{Unité|4|sommets}}]], le cube, l’octaèdre, le dodécaèdre et l’icosaèdre, utilisés dans le dialogue{{sfn|Donnay 1960|p=10|id=gd}} ; c’était à cette époque une nouveauté mathématique, comme Platon le dit lui-même ({{Nobr|48 b}}). Concernant l’[[atomisme]] platonicien, bien qu’il ne se réfère jamais explicitement ni à [[Leucippe]] ni à [[Démocrite]], le ''Timée'' présente d’assez nombreuses ressemblances avec la physique de Démocrite, dont la doctrine était répandue à l’époque de Socrate. Ce dialogue suppose une [[Mécanique quantique|théorie corpusculaire]] {{incise|les figures solides élémentaires constitutives des quatre éléments sont à peu près semblables aux [[atome]]s de Démocrite}} mais sans l’espace [[Vide (physique)|vide]] des atomistes, et dans une interprétation [[Téléologie#Finalisme|finaliste]] de la nature, sous la loi du Bien{{sfn|Rivaud, Notice|p=24 à 26|id=ar}}. Ces particules élémentaires sont animées d’un mouvement naturel uniforme, semblable à celui de l’Âme du monde et des planètes dans le système cosmologique de Platon : considérée à la lumière de la [[Mécanique newtonienne|mécanique classique]], cette conception de la nature du mouvement n’est pas autre chose que la première intuition du principe d’[[inertie]]<ref>{{Article|auteur=A. Vieira Pinto|titre=Note sur la traduction de Platon, ''Timée'' 43 b|périodique=Revue des Études Grecques|tome=65|numéro=306-308|date= Juillet-décembre 1952|page=471-472|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1952_num_65_306_3296}}.</ref>. Enfin, en biologie et médecine, le ''Timée'' présente, sur les [[Organe sensoriel|organes des sens]], une doctrine semblable à celle d’[[Empédocle]], d’[[Alcméon de Crotone|Alcméon]] et du [[Corpus hippocratique]]{{sfn|Rivaud, Notice|p=27|id=ar}}. Au cours de ses voyages en Sicile, entre {{Date-|367 avJC|avJC=non}} et {{Date-|363 avJC}}, Platon s’est lié d’amitié avec le célèbre anatomiste [[Philistion de Locres]], chirurgien et chef de l’école de médecine dont il reprend globalement les idées en matière d’[[Anatomie humaine|anatomie]], et il ne s’en écarte que sur le siège de l’intelligence et la question des sensations<ref>{{Article|auteur1=[[Joseph Bidez]]|auteur2=G. Leboucq|titre=Une anatomie antique du cœur humain|sous-titre=Philistion de Locres et le ''Timée'' de Platon|périodique=Revue des Études Grecques|tome=57|numéro=269-273|date=1944|pages=15 à 18|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1944_num_57_269_3014}}</ref>.

=== Un mythe vraisemblable et rationnel ===
{{Article connexe|Parménide#Doctrine{{!}}Parménide : Doctrine|Noûs}}
La genèse du cosmos est un évènement originel inaccessible à l’homme{{sfn|Hadot 1983|p=120|id=ph}}, Platon raconte donc les évènements tels qu’ils auraient pu ou auraient dû arriver. Le récit cosmologique du ''Timée'' ne peut être qu’une fable vraisemblable ({{grec ancien|εἰκότα μῦθον}}, {{Nobr|29 d}}). En tant que mythe, le récit prend ainsi la forme d’une narration qui se déploie dans le temps, et qui décrit ce que font des personnages ({{Nobr|40 a}}). La nécessité de recourir au mythe s’explique par la distinction entre deux formes de connaissance, d’une part la science, qui fonde un savoir irréfutable au moyen de démonstrations rigoureuses et que la persuasion ne peut ébranler ({{Nobr|51 d}}), et d’autre part les opinions [[Vraisemblance|vraisemblables]] ({{Nobr|29 b}}) ; l’[[Doxa|opinion]] est une fluctuation de pensée qu’entraîne le discours vrai ; le discours vrai ne peut porter que sur ce qui est et non sur ce qui devient ({{Nobr|29 c-d}} ; {{Nobr|35 a-d}} ; {{Nobr|48 b}}) : {{citation bloc|L’[[Noûs|intellection]] ({{grec ancien|νοῦς}}) et l’opinion vraie ({{grec ancien|δόξα ἀληθής}}) sont deux choses distinctes, car elles ont des origines distinctes, et se comportent de façons différentes : la première, l’intellection, vient de la science ; on nous persuade la seconde, l’opinion. La première s’accompagne toujours d’une démonstration vraie, l’autre est sans démonstration ({{grec ancien|ἄλογον}}) ; l’une est inébranlable par la persuasion, l’autre peut être modifiée par elle. À l’opinion, tout homme participe ; à l’intellection au contraire, les dieux ont part, mais des hommes, une petite catégorie seulement. (''Timée'', {{Nobr|51 e}})}}
Platon fait également la distinction entre cause nécessaire et raison vraisemblable ({{grec ancien|εἰκότα λόγον}}), et il n’hésite pas à répéter maintes fois le caractère [[Conjecture|conjectural]] de son discours{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=11|id=ar
}}, allant même jusqu’à considérer parfois que la connaissance qu’il cherche, {{citation|nul homme n’en est actuellement capable, ni sans doute ne le sera jamais à l’avenir.}} ({{Nobr|68 d}}). Le monde sensible que va décrire Platon n’est qu’une copie d’une [[Théorie des formes|forme intelligible]], le « Vivant en-soi ». Le discours que tient Timée ne peut donc être dit vrai, il ne peut qu’être ''semblable'' au discours vrai. Seul le discours sur les formes intelligibles peut être considéré comme un discours vrai{{sfn|Brisson|1994|id=lb}}. Le philosophe ne peut guère plus, et fera donc comme le poète : tenir un discours qui ne pourra être dit vrai ou faux, car nul n’aura pu en être le témoin. Enfin, la certitude affirmée par Platon que l’être humain est la proie d’erreurs et d’illusions des sens, et sa {{citation|critique de la raison, dont l’inflexibilité vaut celle de [[Emmanuel Kant|Kant]] ou même la dépasse{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1822|id=bss}}}}, a pu contribuer à donner l’impression que le ''Timée'' n’était qu’une fable distrayante mais sans valeur.

En réalité, la vraisemblance, notée par l’épithète {{grec ancien|εἰκώς}}, utilisée à dix-neuf reprises dans le ''Timée'' pour qualifier le mythe{{sfn|Daviault 2012|p=77|id=mad}}, loin de l’affaiblir, fonde au contraire l’autorité du récit : {{citation|Platon insiste moins sur le caractère fictif de sa narration, qui est évident, que sur les raisons qu’il a de la croire vraisemblable, et sur l’exceptionnelle probabilité de ses [[Induction (logique)|induction]]s{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=11-12|id=ar}}.}} Il a en effet recours au mythe pour éclairer, de façon approximative, les questions impénétrables par la seule force de la raison discursive<ref>Donald Ipperciel, [https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1998_num_96_2_7081 « La vérité du mythe : une perspective herméneutique-épistémologique »], {{p.|179}}.</ref> ; telles sont les questions [[Métapsychologie|métapsychologiques]] pour lesquelles Platon forge la théorie mythique de la [[Psychisme|structure psychique]] de l’homme ({{Nobr|72 d}}). Il fait de même dans le domaine [[métaphysique]] et [[Cosmologie|cosmologique]], pour expliquer {{citation|les dieux et la [[Big Bang|naissance de l’Univers]]}} ({{grec ancien|θεῶν καὶ τῆς τοῦ παντὸς γενέσεως}})<ref group="note">[[Martin L. West]] souligne que Platon offre une courte [[Théogonie (mythologie)|théogonie]] ({{Nobr|40 d}}) dans le ''Timée'', parlant de {{citation|progénitures des dieux}} ; cette théorie rapportée par Platon est d’après lui de [[Musée d'Athènes]] ou [[Orphée]].</ref>. Car non seulement cet [[univers]] a été créé à un moment que nous ne connaissons pas, mais en οutre le changement auquel il est soumis dans le flux incessant du [[Devenir (philosophie)|devenir]] crée un principe d’indétermination et d’incertitude ; or, pour Platon, seules les [[Théorie des formes|formes intelligibles]] répondent aux critères de stabilité et de permanence requis par la science{{sfn|Daviault 2012|p=78|id=mad}} ; faute de vérité absolue, c’est donc la vraisemblance du mythe qui permet de formuler, avec le charme de la poésie, une théorie simplement probable{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=13-14|id=ar}} : elle fournit un schéma possible pour penser la genèse de l’Univers, comme [[René Descartes|Descartes]] le fera aussi dans son ''[[Traité du monde et de la lumière|Traité du Monde]]''{{sfn|Hadot 1983|p=121|id=ph}}. Cette contemplation philosophique de l’Univers ({{grec ancien|θεωρία}}) en imagination est destinée à engendrer en nous la grandeur d’âme en nous faisant vivre dans une perspective cosmique{{sfn|Hadot 1983|p=130 et 131|id=ph}}. Même si le ''Timée'' reste traditionnel dans sa forme et dans son objet, il est novateur par la nature de l’explication qu’il propose. C’est une théorie du cosmos tout à fait novatrice parce que reposant sur des fondements mathématiques et géométriques, et conforme aux exigences épistémiques énoncées par [[Parménide]] en son poème ''Sur la nature''<ref>{{Lien web|auteur=[[Maurice Sachot]]|titre=Parménide d'Élée, fondateur de l'épistémologie et de la science, Commentaire analytique et synthétique du Poème|date=20 février 2017|lire en ligne=https://univoak.eu/islandora/object/islandora%3A58219 }}.</ref> : elle est en effet {{citation|rationnelle, dans les limites [[Épistémologie|épistémologiques]] que Platon s’est fixées, c’est-à-dire fondée sur l'idée du [[Bien (philosophie)|Bien]], sur les [[nombre]]s et les [[forme (géométrie)|formes géométriques]]{{sfn|Daviault 2012|p=79|id=mad}}.}}

=== La question épistémologique ===
==== Intellection et opinion ====
Le récit de Timée est fondé sur des principes [[Épistémologie|épistémologiques]] et métaphysiques : Platon établit d’abord la distinction entre {{Citation|ce qui est toujours et ne devient jamais}} et {{Citation|ce qui devient et n’est jamais}} ({{Nobr|27 d-28 a}}), le premier étant appréhendé par l’[[Noûs|intellection]] et le raisonnement ({{grec ancien|νοήσει μετὰ λόγου}}), le second, par l’[[Doxa|opinion]] jointe à la sensation irraisonnée ({{grec ancien|δόξῃ μετ’αἰσθήσεως ἀλόγου}}){{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=5, ''Being and Becoming''|id=stan}}. Cette distinction, qui rappelle celle de ''[[La République]]'' entre l’[[Intelligible]] et le [[Sensible (philosophie)|sensible]]<ref group="A">[[Platon]], ''[[La République]]'', livre VII, {{Nobr|518 c, 534 a}}.</ref> et qui implique une distinction entre deux formes de la connaissance, soulève la question épistémologique{{sfn|Gauthier 1992|p=150|id=yg}}. Selon la conviction platonicienne, il n’y a pas de réalité véritable dans le changement incessant créé par le devenir ; et il n’y a pas de connaissance rigoureuse sans une certaine permanence. Ainsi, le monde sensible, soumis au changement perpétuel, contrairement aux Idées éternelles ({{grec ancien|εἴδη}}), qui ne sont ni changeantes ni mouvantes, devrait rester inconnu{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=13|id=ar}}. Platon résume cette conviction dans cet [[aphorisme]] : {{Citation|Ce que l’Être est au devenir, la vérité l’est à la croyance}} ({{Nobr|29 c}}). Or, selon Timée, une explication scientifique doit présenter à la fois un caractère de ''nécessité'' et d’''idéalité'' {{incise|les deux ne pouvant être déduits de façon immédiate des données de la [[Sensation|perception sensible]]}}. Nous ne pouvons donc pas nous fier simplement aux données que nous renvoient nos sens.

==== Être, Devenir, Khôra ====
Pour pouvoir connaître le monde sensible, Platon fait donc l’hypothèse de trois types d’entités sans lesquelles le monde sensible resterait inconnu :
* L’[[Ontologie (philosophie)|être absolu]] ({{grec ancien|τὸ ὄν}}) des ''[[Théorie des formes|formes intelligibles]]'' ({{grec ancien|νοητά}}), vraiment réelles et immuables : elles peuvent être objets de connaissance rationnelle ;
* L’être relatif des ''choses sensibles'' qui naissent ({{grec ancien|αἰσθητά, γένεσις}}) ; bien qu’engagées dans le devenir, elles doivent présenter dans leur changement quelque chose qui ne change pas. Pour cela, elles doivent entretenir avec les formes intelligibles un rapport équivalent de copie à modèle. C'est ce qu’Aristote appelle « participation » ({{grec ancien|τὸ μεταληπτικόν}})<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Physique (Aristote)|Physique]]'', IV, 2, 209 b 12.</ref> : en tant que copie, celle-ci participe de l’Idée ;
* L’emplacement ou ''[[Chôra|khôra]]'' ({{grec ancien|χώρα}}) : « lieu » ou espace susceptible de « recevoir » ({{grec ancien|δεχόμενον}}) toute création tridimensionnelle{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=68|id=ar}}. Ce lieu présente une analogie avec le vide, mais sans s’identifier à lui. {{Citation|La démonstration de l’existence de ce lieu ne peut pas être simplement logique, puisqu’il s’agit d’une essence à laquelle vient s’ajouter un être perçu par les sens ; et elle ne peut pas non plus être tirée d’une donnée directe de la sensation}}, écrit Albert Rivaud{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=66|id=ar}}.

Dans l’articulation de ces trois concepts, le ''Timée'' glisse ainsi de la physique à la métaphysique, même si Platon ne dissocie pas les deux. Le ''Timée'' offre donc à la fois une spéculation théorique, physique et métaphysique, et vise en même temps à l’établissement d’une [[éthique]]. L’éthique rejoint en effet la physique dans la mesure où la contemplation de l’univers sensible est, selon Platon, une étape indispensable à la contemplation des formes intelligibles {{incise|contemplation qui détermine la valeur morale de toute existence humaine.}}

==== Méthode hypothético-déductive ====
Pour résoudre le problème de la connaissance scientifique, Platon met en place ce qui deviendra la méthode de toute recherche scientifique : la [[méthode hypothético-déductive]]. Elle consiste à poser ''a priori'' une liste d’[[axiome]]s présupposés, puis à vérifier, en se fondant sur des [[Règle d'inférence|règles d’inférence]], de [[logique]], si les propositions que l’on arrive à déduire des axiomes (les [[théorème]]s) présentent une correspondance convenable et raisonnable avec les données des observations. Tel est le point de départ de la thèse soutenue par [[Luc Brisson]] et Walter Meyerstein<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Luc Brisson]]|auteur2=F. Walter Meyerstein|titre=Inventer l’Univers|sous-titre=Le problème de la connaissance et les modèles cosmologiques|éditeur=Les Belles Lettres|année=1991|pages totales=209|présentation en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/philoso/1992-v19-n1-philoso1794/027183ar.pdf}}</ref> : le ''Timée'' serait une théorie scientifique, parce que ce serait une théorie axiomatique de type mathématique, close sur elle-même. Platon y pose cependant les axiomes ''a posteriori'', ses règles d’inférence sont implicites, et il fait peu appel à l’expérience pour montrer la validité de son système : il ne prend pas l’observation comme point de départ, ni comme critère de validité de son système, sauf en de rares exceptions, par exemple relativement à la pesanteur du feu ({{Nobr|58 a-59 a}}){{sfn|Brisson|Meyerstein|1991|p=172}}, à la formation des odeurs ({{Nobr|66 d-67 a}}){{sfn|Brisson|Meyerstein|1991|p=178}}, et au rôle des fibres dans le sang ({{Nobr|82 c-84 c}}){{sfn|Brisson|Meyerstein|1991|p=208-209}}. Mais [[Yvon Gauthier]] réfute l’ensemble de cette thèse qu’il juge « confuse et fausse »{{sfn|Gauthier 1992|p=150-151|id=yg}} : {{Citation|La seule présentation d’une théorie sous forme d’axiomes ne suffit pas à en faire une [[théorie axiomatique]] au sens où on l’entend aujourd’hui}}{{sfn|Gauthier 1992|p=154|id=yg}}. On ajoutera que, loin de présenter le ''Timée'' comme une théorie scientifique, Platon n’a de cesse, au contraire, de souligner son caractère conjectural mais aussi les limites infranchissables du savoir humain{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1822|id=bss}} : {{Citation|Vouloir contrôler tout cela par l’expérience, écrit-il, ce serait méconnaître la différence de la nature humaine et de la nature divine}} ({{Nobr|68 d}}).

== Le Démiurge, la Nécessité et la ''Pronoia'' ==
{{Article détaillé|Cause première|Noûs}}
La recherche du principe premier, l’''[[arkhè]]'', à l’origine de tout, conduit Platon à une métaphysique de la [[causalité]]{{sfn|Leroux 2000|p=8|id=gl}} : cette recherche suppose un effort pour penser la cause originaire hors du temps et hors de toute détérioration due au devenir, cause elle-même nécessairement dépourvue d’origine. Aussi, cette recherche doit-elle s’effectuer, après une prière philosophique ({{Nobr|27 c-d}}), avec la bienveillance des dieux, eux-mêmes principes tutélaires de l’origine{{sfn|Leroux 2000|p=9 à 11|id=gl}}. Après avoir présenté les causes auxiliaires ou adjuvantes du mouvement, produisant des effets au hasard et sans ordre, Platon introduit donc la notion d’une causalité supérieure, douée d’[[Noûs|intelligence]] et produisant des choses belles et bonnes ({{Nobr|46 d-e}}) : il s’oppose ainsi radicalement aux physiciens présocratiques{{sfn|Morel 2002|p=131|id=pmm}}. À l’arbitraire d’un mécanisme aveugle, il substitue alors {{citation|la présence éternelle d’une cause parfaite, dont les lois de la Nature aussi bien que les mouvements de l’âme sont l’expression dans le temps{{sfn|Leroux 2000|p=13|id=gl}}.}} Cette cause parfaite<ref group="note">Platon, ''[[Philèbe]]'', {{Nobr|28 c}} : {{grec ancien|Νοῦς βασιλεὺς οὐρανοῦ τε καὶ γῆς}}, « Intellect roi de notre univers » ; ''[[La République]]'', VI, {{Nobr|509 b}}.</ref> est indissociable de la divinité, sous la figure du dieu-artisan et démiurge.

Le [[Démiurge]], {{citation|le Dieu intelligible}}, réunit en lui le savoir-faire d’un parfait artisan, l’activité artistique d’un créateur-poète ({{grec ancien|ποιητής}}) et la sollicitude bienveillante d’un père ({{grec ancien|πατήρ}}) qui désire que ses enfants lui ressemblent{{sfn|Motte 1997|p=6|id=mo}}. Il a créé le monde par un mélange de la Nécessité et de l’intelligence ; parce qu’{{citation|il était bon, exempt d’[[Phtonos|envie]], le Dieu a voulu que toutes choses fussent bonnes et le plus possible semblables à lui}} ({{Nobr|29 e - 30 a}}), écrit Platon, illustrant ainsi la causalité souveraine du [[Bien (philosophie)|Bien]] : {{citation|Sans cette exigence du bien qui l'oblige à réaliser le meilleur par générosité, non seulement le démiurge ne ferait rien, mais il n'y aurait ni démiurge ni modèle, parce qu'il n'existerait ni norme ni valeur{{sfn|Trouillard 1975|p=292|id=jt}}.}} Aussi le démiurge est-il {{citation|la plus parfaite des causes}} ({{Nobr|29 a}}), c’est-à-dire la cause qui opère avec le concours de l’intelligence{{sfn|Robin 1942|p=238-239|id=lr}}. 

Dans la naissance du monde, l’action de la [[Nécessité]] ([[Ananké (mythologie)|{{grec ancien|ἀνάγκη}}]]) se combine avec la pensée. Rompant avec la nécessité de [[Démocrite]] et des atomistes pour qui elle est principe de toutes choses, Platon présente cette Nécessité comme une cause instrumentale coopérante au service de la causalité première{{sfn|Morel 2002|p=144-147|id=jmm}} : l’Intelligence (le [[Noûs]] du dieu) domine la Nécessité, qui {{citation|cède à la persuasion de la [[Phronesis|sagesse]] ; elle réussit à lui persuader d’orienter vers le meilleur la plupart des choses qui naissent}} ({{Nobr|48 a}}). Le démiurge façonne ainsi d’abord tout ce qui est immortel dans le monde ; il demande ensuite à ses aides, les dieux jeunes, secondés par l’[[Anima mundi|Âme du monde]], de créer les corps périssables ; il travaille tel un artisan dont la fonction principale consiste à mettre en ordre l'Univers{{sfn|Macé 2006|p=103|id=am}} ; à cet effet, il doit assurer la présence de l’intelligible dans le sensible sous la forme mathématique{{sfn|Macé 2006|p=104, note 33|id=am}}, et convaincre la Nécessité ; car celle-ci est liée aux propriétés des éléments physiques, elle ne peut pas en être séparée et elle s’impose aux dieux eux-mêmes{{sfn|Rivaud 1949|p=64|id=ar}}. C’est une nécessité qu’il y ait dans ce monde de l’imperfection{{sfn|Robin 1942|p=237-238|id=lr}}. La Nécessité est aussi liée au hasard ; elle est représentée par ces causes accessoires, {{citation|dépourvues d’intelligence}} ({{grec ancien|μονωθεῖσαι φρονήσεως}}) et génératrices de {{citation|n’importe quoi, au hasard et sans ordre}}{{sfn|Robin 1942|p=239|id=lr}} ({{Nobr|46 e}}). Elle semble correspondre à ce que l’on pourrait appeler le pur mécanisme, puisqu’il y a en elle de l’indétermination et du dérèglement ({{grec ancien|τὸ τυχὸν ἄτακτον}}){{sfn|Robin 1942|p=242|id=lr}} ; Platon relève par exemple comme une exception à la forme la meilleure possible, les parties du corps humain où les besoins contradictoires de résistance et de sensibilité ont imposé un choix préférentiel ({{Nobr|75 b}}){{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=1, ''Overview of the Dialogue''|id=stan}}.

Platon souligne également {{citation|la [[Providence divine|Providence du Dieu]]}}, (en {{lang-grc|πρόνοια}}) ; c’est cette providence qui explique l’ordre et les lois que le dieu a préétablis dans le Monde par bonté{{sfn|Robin 1942|p=236|id=lr}} ; elle se révèle d’abord dans le dessein de créer un Monde qui est lui-même un dieu vivant parfait, doté d’une Âme et d’un corps ; de même, les dieux subalternes, bien que ni immortels ni incorruptibles, demeureront indissolubles, parce que sa volonté expresse constitue un lien plus puissant que les liens de leur naissance ({{Nobr|41 a-b}}){{sfn|Motte 1997|p=10|id=mo}} ; quant aux êtres humains, le dieu a veillé à les pourvoir d’une âme apparentée au divin et d’un [[Noûs|Intellect]] ({{Nobr|30 c 1}}, et {{Nobr|44 c 7}}), facultés de pratiquer la justice et de dominer leurs affections par la raison, afin que lui-même {{Citation|demeure innocent de la malice future de chacun des êtres}}, et qu’ils {{citation|ne deviennent pas la cause de leurs propres malheurs}} ({{Nobr|42 a-e}}){{sfn|Motte 1997|p=11|id=mo}}. Le Démiurge apparaît ainsi comme un allié pour l’homme qu’il a aussi doté de la vue, {{citation|principe de la plus grande utilité}} et dont les bienfaits sont considérables ({{Nobr|47 a-b}}). Dans les textes platoniciens le mot ''pronoia'' est rare : il n'est présent qu'en trois dialogues, le ''[[Phèdre (Platon)|Phèdre]]'', le ''Timée'' et ''[[Les Lois]]''<ref group="A">Platon, ''[[Les Lois]]'', X, {{Nobr|899 d}} et suiv. Dans ce dialogue, en {{Nobr|IX, 871 a}}, ''pronoia'' est pris au sens juridique de « préméditation ».</ref>. Mais cette rareté relative du terme n'implique pas que la notion de Providence soit, dans la philosophie de Platon, un élément marginal : la Providence est pleinement à l'œuvre dans le livre X des ''Lois'' ; et la notion de Providence divine occupe dans la philosophie de Platon une place centrale, dans la mesure où ce n'est qu'en ayant recours à cette notion que Platon peut convenablement résoudre le problème des causes de la génération et de la corruption posé dans les derniers passages du ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]''.

== L’Âme du Monde et l’âme du vivant mortel ==
Les pages du ''Timée'' où {{Citation|Platon décrit de façon saisissante la genèse et l’organisation du cosmos par le démiurge}}<ref>{{Chapitre|auteur=Carl Huffman|titre=Pythagorisme|titre ouvrage=Le Savoir grec|auteurs ouvrage=[[Jacques Brunschwig]] et Geoffrey Lloyd|éditeur=Flammarion|année=1996|passage=983}}.</ref> s’ouvrent sur le premier acte de l’art divin, l’Âme du Monde. Mélangeant d’abord deux essences{{sfn|Robin 1942|p=283|id=lr}}, la substance du Même ({{grec ancien|ταὐτόν}}), {{citation|indivisible et immuable}} ({{Nobr|36 d et 37 a}}) et la substance de l’Autre ({{grec ancien|θάτερον}}), divisible et {{citation|dont le devenir se manifeste dans les corps}}<ref group="note">Divers commentateurs ont proposé d’identifier ces deux essences primitives ; seule l’identification du Même et de l’Autre respectivement à l’[[Intelligibilité|Intelligible]] et au [[Sensible (philosophie)|Sensible]] est généralement admise, malgré les difficultés qu’elle soulève ; elle est admise entre autres par les philosophes {{harvsp|Pradeau 1998|p=491|id=jfp}}, {{harvsp|Rivaud 1949, Notice|p=41}} et {{harvsp|Robin 1942|p=287|id=lr}} ; ce dernier précise : {{citation|Le Même absolu, c’est l’indivisibilité de l’unité pure, l’Autre absolu, c’est la divisibilité infinie de la pure multiplicité, en particulier des corps dans le devenir.}} Certains mathématiciens ou historiens des sciences proposent de concevoir ces notions en termes mathématiques : {{harvsp|Vitrac 2006|p=37|id=bv}} parle de l’opposition de l’Égal et de l’Inégal. {{harvsp|Kayas 1974|p=295-296|id=gk}} identifie la substance fixe qui ne varie jamais, à l’unité ; la substance divisible est identifiée avec le nombre 2 ou [[Dyade (philosophie)|dyade]], en tant que principe de différenciation et de dichotomie ; la tierce substance serait le nombre 3, mélange difficile du pair et de l’impair. En ces matières difficiles, il semble vain d’exiger de Platon une impossible précision en discours rationnel, tant chez lui {{citation|intuition esthétique, découverte scientifique et extase religieuse}} se mêlent intimement, selon le mot de René Schaerer (''La question platonicienne'', Paris, Vrin, 1938, {{p.|260}}).</ref>, le dieu en a composé une troisième, l’essence tout court ({{grec ancien|οὐσία}}), mélange des deux précédentes ; mélangeant de nouveau ces trois substances afin d’obtenir leur fusion intime et parfaite, il a obtenu l’essence définitive dont il s’est servi pour sa construction ({{Nobr|35 a}}){{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=41 et 42}}. Le démiurge a placé cette essence au centre du corps du monde, il l’a élargie à tout l’univers, de sorte qu’elle l’englobe de toutes parts, et de manière à former {{Citation|un ciel circulaire, ciel unique, solitaire, capable par sa vertu propre de demeurer en soi-même sans avoir besoin de rien autre, mais se connaissant et s’aimant lui-même parfaitement}} ({{Nobr|34 b}}). L’Âme du monde se confond ainsi avec la [[sphère céleste]]<ref group="note">Dans son ''Traité sur la création de l’âme d’après le Timée de Platon'', [[Plutarque]] développe les principes d’après lesquels [[Platon]] a voulu expliquer la formation de l’[[anima mundi|Âme du monde]]. Les astres eux-mêmes ont une âme ({{Nobr|38 e}}).</ref> ; sa nature est divine et étant principe de vie, son rôle consiste à assurer les mouvements ordonnés de l’univers{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=39}}. {{citation|Recouvrant le ciel de l’extérieur, et tournant en cercle sur elle-même, elle a commencé une vie incessante et sage pour la totalité du temps}} ({{Nobr|36 e}}).

Quant à l’âme du vivant mortel, comme son modèle l’Âme du monde, elle est invisible, immortelle, possède les deux cercles du Même et de l’Autre, les mêmes intervalles et a ses révolutions définies par des déterminations mathématiques{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=87-88|id=ar}}. Elle ne diffère de l’Âme du monde que par des proportions différentes dans les essences du mélange de fabrication ({{Nobr|41 d 6}}){{sfn|Pradeau 1998|p=490-491|id=jfp}}.

=== Harmonie mathématique et musicale de l'Âme du monde ===
{{Article détaillé|Accord pythagoricien}}
[[Fichier:Lambda-Timée-36.png|thumb|gauche|alt=Lambda majuscule portant à gauche depuis son sommet les intervalles {{Nobr|1, 2, 4 et 8}}, et à droite, les intervalles {{Nobr|3, 9, 27}}|Harmonie mathématique et musicale de l’Univers représentée sous la forme d’un [[lambda]] majuscule : la série des [[Octave (musique)|octaves]] à gauche suit la progression géométrique de raison 2, et celle des [[duodécime]]s à droite suit la progression de raison 3. Les flèches indiquent l’ordre donné par Platon (''Timée'', {{Nobr|35 b-c}}).]]
L’Âme du monde est configurée selon des rapports arithmétiques (les nombres qui expriment la division proportionnelle du mélange dont elle est faite), et des rapports géométriques (le rapport des deux cercles de l’[[équateur céleste]] et de l’[[écliptique]]) ({{Nobr|36 b-c}}). Le mélange définitif imaginé par Platon pour l’Âme du monde est composé de trois substances (que l’on peut appeler par convention A, B, et C) et peut être symbolisé dans la formule mathématique <math>\frac A2+\frac B2= C</math>. Le mélange achevé a été divisé en 7 parts qui sont entre elles comme les termes de deux [[Suite géométrique|suites géométriques]], l’une de [[Raison d'une suite|raison]] 2 ({{Nobr|1, 2, 4, 8}} : suite d’[[Octave (musique)|octave]]s), et l’autre de raison 3 ({{Nobr|1, 3, 9, 27}} : suite de [[Douzième (musique)|duodécimes]]){{sfn|Kayas 1974|p=294|id=gk}}. Dans ces séries, {{Nobr|4}} et {{Nobr|9}} correspondent au [[carré]], {{Nobr|8}} et {{Nobr|27}}, au [[cube]]. Selon [[Francis M. Cornford]], Platon limite la progression de ces deux suites aux cubes car ceux-ci suffisent à décrire l'espace tridimensionnel tel que nous le percevons{{sfn|Cornford 1997|p=68|id=fc}}. À l’aide de ces deux progressions, le Démiurge a formé une progression unique, et procédé au remplissage des intervalles subsistant entre les termes au moyen de deux ''médiétés''. Dans le langage mathématique grec, on appelle ''médiété'' ({{grec ancien|μεσότης}}) soit une série de trois termes formant une progression continue, soit le moyen terme qui unit entre eux les deux extrêmes de la progression{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=43}}. Platon connaît la [[Suite arithmétique|''médiété'' arithmétique]], la ''médiété'' harmonique et la [[Suite géométrique|''médiété'' géométrique]]<ref group="note">Modalités de la médiété à 3 termes, A-M-B, où la relation de A à M est la même que celle de M à B : Médiété arithmétique = la relation de A à M est la différence A − M. Médiété géométrique = la relation de A à M est la division de A ÷ M. Médiété harmonique = la relation de A à M est la portion de A que représente la différence A − M.</ref>.
[[Fichier:Mercury, Venus and the Moon Align.jpg|thumb|droite|alt=Photographie en couleurs de la silhouette noire d'une coupole d'observatoire se détachant sur un ciel en tons dégradés du bleu nuit à l'orange, avec alignement planétaire vertical|{{Citation|Ce Monde est la plus belle des choses qui soient, et il a été fait sur un modèle intelligible et rationnel}}, écrit Platon (''Timée'', {{Nobr|29 a}}). L'alignement de [[Mercure (planète)|Mercure]], de [[Vénus (planète)|Vénus]] et de la [[Lune]] dans le ciel crépusculaire, donne l'image de ce « cosmos » admiré du philosophe.]]
D’après deux passages du ''Timée'' ({{Nobr|36 d et 38 d}}), l’ensemble de ces valeurs numériques, {{Nobr|1, 2, 3, 4, 9, 8 et 27}}, représenteraient la valeur du rayon des orbites des [[planète]]s{{sfn|Kayas 1974|p=312|id=gk}}, mesurée par rapport à la distance de la Lune à la Terre prise comme unité{{sfn|Rivaud 1949|p=53|id=ar}} ; ces distances par rapport à la Terre seraient donc : [[Lune]] 1 ; [[Mercure (planète)|Mercure]] 2 ; [[Vénus (planète)|Vénus]] 3 ; [[Soleil]] 4 ; [[Mars (planète)|Mars]] 8 ; [[Jupiter (planète)|Jupiter]] 9 ; [[Saturne (planète)|Saturne]] 27.

Pour combler les intervalles qui séparent deux termes consécutifs d’une médiété, Platon associe ces rapports numériques aux intervalles de la [[gamme diatonique]], car il y a parenté entre les proportions de l’[[échelle musicale]] et les révolutions de l’âme{{sfn|Robin 1942|p=236 et 285|id=lr}} ({{Nobr|47 d}}) ; il fait appel aux notions, empruntées à la musique, d’[[epogdoon|épogdoon]] et de plus petit [[Intervalle (musique)|intervalle]] ou ''leimma'' (en {{lang-grc|λεῖμμα}}, « résidu »), qu’il évalue à <math>\frac {256}{243}</math> ({{Nobr|36 a-b}})<ref>[[Jean-François Mattéi]], ''Platon'', P.U.F., coll. « Que sais-je ? », 2005, {{p.|73-74}}.</ref>, soit <math>\frac {2^8}{3^5}</math>. L’harmonie de l’Âme du Monde, qui va jusqu’à l’intervalle 27, comprend toutes les gammes possibles et dépasse infiniment les harmonies produites par les instruments de musique{{sfn|Rivaud 1949|p=46 à 51|id=ar}}. Il faut donc se représenter l’étendue de l’âme, dotée d’un sens inné de l’harmonie, et traversée silencieusement par des mouvements tout à fait analogues aux mouvements du son dans l’échelle musicale{{sfn|Robin 1942|p=285|id=lr}}. Harmonie musicale et harmonie des mouvements célestes, l’Âme marque le moment décisif dans la génération du ''cosmos'' : Platon fait ainsi valoir la puissance du nombre, source de beauté invisible au profane mais familière aux philosophes depuis les travaux des [[École pythagoricienne|pythagoricien]]s [[Philolaos de Crotone]] et [[Archytas de Tarente]]{{sfn|Vitrac 2006|p=42 à 44|id=bv}}.

=== Fonction intellective de l'âme ===
{{Article connexe|De l'âme}}
Le sens de cette fabrication de l’âme, c’est que dans l’âme, il y a de l’intelligible, du sensible et de l’intermédiaire{{sfn|Robin 1942|p=283|id=lr}}. L’explication en est donnée par [[Aristote]] : {{citation|Platon, dit-il, compose l’âme avec les éléments, parce que ce qui connaît doit être semblable à ce qui est connu}}<ref group="A">[[Aristote]], ''[[De l'âme]]'', {{Nobr|I, 2, 404 b}}.</ref>. Dans le mouvement par lequel elle connaît, l’âme entre en contact tantôt avec l’indivisible (identifié avec le rationnel, {{grec ancien|τὸ λογιστικόν}}), et tantôt avec le divisible (identifié avec le sensible, {{grec ancien|τὸ αἰσθητόν}}) : dans le premier cas, ce processus produit l’[[Noûs|intuition intellectuelle]] et la science ({{grec ancien|νοῦς, ἐπιστήμη}}), dans le second, il produit l’[[Doxa|opinion]] ({{grec ancien|δόξα}}) et la sensation ({{Nobr|37 b-c}}). Toujours selon Aristote<ref group="A">[[Aristote]], ''[[De l’âme]]'', {{Nobr|I, 2, 404 b}}.</ref>, les divers modes de connaissance, dans la doctrine platonicienne, sont symbolisés par les nombres : l’intuition correspond à l’unité, la science à la dualité, l’opinion à la triade, et la sensation à la tétrade. L’âme est donc essentiellement un [[Noûs|intellect]] dans un principe de vie{{sfn|Robin 1942|p=282|id=lr}}. Il ajoute que l’âme est une grandeur<ref group="A">[[Aristote]], ''[[De l'âme]]'', {{Nobr|I, 3, 406 b - 407 a}}.</ref>, non corporelle sans doute mais coextensive au corps{{sfn|Bodéüs 1993|p=257|id=rb}} : à partir du centre, le démiurge l’a en effet « étendue en tous sens » ({{grec ancien|ἔτεινεν}}) jusqu’à la périphérie du corps sphérique du monde, pour l’envelopper tout entier ({{Nobr|34 b et 36 e}}){{sfn|Robin 1942|p=284|id=lr}}. Au total, l’âme participe aussi bien à la réflexion raisonnée qu’à l’harmonie des intelligibles éternels ({{grec ancien|λογισμοῦ μετέχουσα καὶ ἁρμονίας}}){{sfn|Robin 1942|p=289|id=lr}}. Vivifiant et administrant le corps de l’Univers, elle est {{citation|ce qui unit le métaphysique au physique}}{{sfn|Robin 1942|p=286|id=lr}}.

== Cosmogonie ==
=== Éléments et solides élémentaires ===
{{Article détaillé|Solide de Platon}}
{| border=1 style="margin: 1em auto; text-align: center; border-collapse: collapse; border-color: #aaa;"
!align=center colspan=5|Les cinq polyèdres réguliers convexes de Platon
|-
|-
| Tétraèdre || Hexaèdre<br>ou Cube || Octaèdre || Dodécaèdre || Icosaèdre
|- style="vertical-align: bottom;"
|width=120| [[Fichier:Tetrahedron.gif|120px|Tétraèdre]]
|width=120 style="padding-top: 4pt;"|[[Fichier:Hexahedron.gif|120px|Cube]]
|width=120|[[Fichier:Octahedron.gif|120px|Octaèdre]]
|width=120|[[Fichier:Dodecahedron.gif|120px|Dodécaèdre]]
|width=120|[[Fichier:Icosahedron.gif|120px|Icosaèdre]]
|}
Platon s’interroge : est-il possible d’établir une relation rationnelle entre les formes des quatre états de la matière (feu, air, eau, terre) et la diversité des corps composés ?{{sfn|Saint-Sernin 2012|p=75|id=ss}} Il répond dans le récit suivant, qui décrit, de façon spectaculaire{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=8, ''Physics''|id=stan}}, l’état initial de l’Univers, avant l’intervention du Démiurge.

Au commencement, règnent le désordre et la violence de forces déséquilibrées. La matrice spatiale de la ''khôra'', tout entière embrasée et remplie de {{Citation|traces}} ({{grec ancien|ἴχνη}}) de terre, d’eau et d’air, est soumise à des forces erratiques qui la secouent dans tous les sens. Il se produit une chaîne de réactions spasmodiques qui agissent comme un tamis de vannage pour séparer le lourd du léger, et rapprocher les formes semblables des corps élémentaires ({{Nobr|52 d-53 b}}){{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=8, ''Physics''|id=stan}}. À partir de ce début de mise en ordre pré-cosmique, le Démiurge a configuré chacun des quatre éléments {{citation|par l’action des Figures et des Nombres}}, {{grec ancien|εἲδεσί τε καὶ ἀριθμοῖς}} ({{Nobr|53 b}}){{sfn|Macé 2006|p=100|id=am}}, afin de leur donner leur figure exacte, aussi parfaite que possible. Platon bâtit alors son récit sur des données mathématiques.

Or, {{citation|il faut que ce qui naît soit corporel, écrit Platon. De là, vient que Dieu, commençant la construction du corps du monde, a débuté, pour le former, par prendre du feu et de la terre.}} ({{Nobr|31 b}})<ref group="note">Cette conception serait assez proche de celle du [[mazdéisme]] selon [[Jean Haudry]] (''Le feu dans la tradition indo-européenne'', Archè, Milan, 2016, {{p.|113}}).</ref>. Le Dieu a donc formé l’univers comme un corps solide ({{grec ancien|σωματοειδές}}), visible et tangible, à l’aide de terre (<math>t</math>) et de feu (<math>f</math>), en y adjoignant deux éléments intermédiaires, l’air (<math>a</math>) et l’eau (<math>e</math>), de telle sorte que ces [[quatre éléments]] soient dans le même rapport ({{Nobr|32 b}}){{sfn|Duhem 1913|p=29-31|id=pd}} ; ils sont unis par le lien le plus fort, celui d’une proportion continue à deux médiétés géométriques telles que l’on ait <math>\frac fa=\frac ae=\frac et</math>. En langage moderne, les moyennes recherchées pour les quantités <math>a</math> et <math>e</math> sont données par les formules : <math>a=\sqrt[3]{f^2t}</math> et <math>e=\sqrt[3]{ft^2}</math>. Ces formules correspondent à deux problèmes solides : <math>a</math> est l’arête d’un [[cube]], équivalent à un [[prisme droit]] de hauteur <math>t</math> et de base <math>f</math> ; <math>e</math> est l’arête d’un cube, équivalent à un prisme droit de hauteur <math>f</math> et de base <math>t</math>. Ces corps solides sont limités par des plans ; or tout plan se résout en triangles<ref group="note">Platon omet-il volontairement ou non les surfaces courbes ? Cette question a été examinée chez plusieurs commentateurs comme [[Francis M. Cornford]], [[Thomas-Henri Martin]] ([https://books.google.fr/books?id=7EgTAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false lire en ligne, Vol. 2, {{p.|235}} ''sq.'']), [[John Burnet]], {{harvsp|Robin 1942|p=267, note 1|id=lr}} et {{harvsp|Macé 2006|p=113, note 58|id=am}}.</ref> ([[triangle isocèle]], [[triangle équilatéral]], [[triangle scalène]]), à l’aide desquels Platon construit les corps élémentaires : [[tétraèdre]], [[octaèdre]], [[icosaèdre]] et [[cube]]{{sfn|Rivaud 1949|p=74 à 76|id=ar}}.

[[Fichier:Face polyèdre de Platon.png|vignette|droite|alt=Triangle équilatéral avec perpendiculaires entrecroisées formant plusieurs triangles|Six demi-triangles équilatéraux, dont les côtés sont dans une proportion de 1, 2, <math>\sqrt3</math>, composent la face des tétraèdres, octaèdres et icosaèdres. {{Citation|Il naît ainsi un triangle équilatéral unique.}} (''Timée'', {{Nobr|54 e}})]]
En fonction du type de leur base, de leur taille et du caractère plus ou moins saillant de leurs [[Angle solide|angles solides]], chacun des polyèdres présente une affinité avec les propriétés sensibles des éléments{{sfn|Macé 2006|p=112|id=am}}. Platon admet en effet, comme [[Démocrite]], cette corrélation entre les propriétés de la matière. Ainsi, le tétraèdre ou la pyramide, avec ses pointes acérées, et sa forme qui est la plus petite et la plus mobile{{sfn|Rivaud 1949|p=80|id=ar}}, est-il la figure élémentaire du feu, l’octaèdre celle de l’air, l’icosaèdre celle de l’eau, et le cube, forme la plus stable, celle de la terre (55 e - 56 b) : l’attribution de ces formes géométriques aux éléments de la matière reste pour Platon une conjecture vraisemblable{{sfn|Saint-Sernin 2012|p=77|id=ss}}. Pour le cinquième polyèdre régulier, le dodécaèdre, {{citation|le Dieu s’en est servi pour l’Univers, quand il en a dessiné l’arrangement final{{sfn|Duhem 1913|p=39|id=pd}},}} écrit Platon ({{Nobr|55 c}}) : selon Léon Robin, ce serait {{citation|une allusion probable aux douze [[Constellation (astronomie)|constellation]]s du [[zodiaque]] dont le nombre correspond à celui des éléments constituants du dodécaèdre}}{{sfn|Robin 1942|p=272|id=lr}} ; c’est aussi le polyèdre qui s’approche le plus près de la forme d’une sphère, puisque l’Univers doit avoir la forme sphérique voulue par le Démiurge{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=8, ''Physics''|id=stan}}. Et toutes ces figures sont microscopiques au point d’être imperceptibles{{sfn|Besnier 2006|p=135|id=bb}} ({{Nobr|56 b-c}}).

Ces triangles élémentaires ne sont pas conçus comme possédant une taille ultime atomique ; ils sont susceptibles d’acquérir une taille supérieure par assemblage de plusieurs autres triangles ou une taille inférieure par désassemblage, pourvu que soient respectées les deux règles de composition suivantes : 4 triangles rectangles isocèles pour une face du cube, et 6 demi-triangles équilatéraux pour une face des autres polyèdres{{sfn|Besnier 2006|p=129|id=bb}}, à l’exception des dodécaèdres.

Le résultat de l’action du Démiurge est une [[Orbite|rotation]] du Monde fini dont {{Citation|le mouvement se perpétue constamment, pour le présent et pour l’avenir}} ({{Nobr|58 c}}){{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=8, ''Physics''|id=stan}}.

=== La météorologie ===
Dans leurs interactions, les faces des particules des corps simples peuvent se détacher et échanger leurs triangles élémentaires. Le [[feu]], l’[[eau]] et l’[[air]] se transforment ainsi constamment l’un dans l’autre{{sfn|Robin 1942|p=298-299|id=lr}}. Par exemple, deux tétraèdres de feu (deux fois 4 faces) peuvent se transformer en un octaèdre d’air (8 faces). Seuls les cubes de terre ne peuvent pas se transformer avec les trois autres corps élémentaires{{sfn|Besnier 2006|p=130|id=bb}}. Dans le devenir incessant, les éléments doivent être perçus comme choses fuyantes, et non comme des êtres dotés de permanence (49 e, {{grec ancien|μόνιμα ὄντα}}){{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=6, ''The receptacle''|id=stan}}. En tant que choses sensibles, ces corps ne sont que des systèmes instables, une succession d’états changeants{{sfn|Robin 1942|p=256|id=lr}}. Dans le ''Timée'', Platon esquisse donc l’ébauche d’une ''météorologie'', au sens étymologique du grec {{grec ancien|μετέωρα}} / {{Langue|grc-Latn|metéôra}}, c’est-à-dire une étude des corps et des phénomènes célestes dans laquelle existent plusieurs variétés des [[Quatre éléments|corps élémentaires]] ({{Nobr|57 c}}).

Platon explique ainsi que le feu est {{citation|de toutes les espèces de corps celle dont les parties sont les plus petites}} ; en tant qu'élément, il n’existe pas uniquement sous forme de flamme ; il y a trois sortes de feu : flamme brûlante ({{grec ancien|φλόξ}}), lumière, et résidus incandescents de la flamme{{sfn|Rivaud 1949|p=83|id=ar}}. Mêlé à l’eau ou à l’air, il produit de la chaleur et joue un rôle dans la digestion ou la respiration ({{Nobr|78 a-81 e}}). Platon distingue deux sortes d’air : la plus pure est l’[[Éther (physique)|éther]] ({{grec ancien|αἰθήρ}}) ({{Nobr|58 d}}), région du ciel où reposent les astres et la nuée obscure. L’eau est considérée comme un solide qui ne se liquéfie que sous l’action du feu, comme les métaux ; les [[hydrométéore]]s que sont la neige, la glace et la grêle sont pour Platon des liquides congelés ; cette conception a perduré jusqu’aux [[alchimiste]]s du [[Moyen Âge]]. La terre enfin contient une proportion plus ou moins grande d’eau ou de feu. Cette eau s’évapore et se transforme partiellement en air, qui comprime la couche d’air et par contre-coup, la surface de la terre ({{Nobr|60 b-d, 80 a}}) ; ainsi se forment, selon Platon, les différentes espèces de pierres dures ; l’étude des [[météorite]]s n’a pas été abordée. Ces théories, reprises par [[Aristote]]<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Du ciel]]'', {{Nobr|II, 4, 331 b}} ; ''[[Météorologiques (Aristote)|Météorologiques]]'', {{Nobr|I, 4, 341 b ; III, 7, 375 a et 376 a ; IV, 6, 383 a}}.</ref>, ont formé la base de la [[minéralogie]] et de la [[chimie]] jusqu’à l’époque moderne{{sfn|Rivaud 1949|p=85-86|id=ar}}.

=== Le système planétaire selon Platon ===
{{Article détaillé|Système solaire|Géocentrisme}}
[[Fichier:Coordonnees equatoriales.svg|vignette|gauche|upright=1.5|alt=Figure géométrique représentant un système de coordonnées sphériques|Le plan de l’[[écliptique]] (en jaune), divisé en sept cercles concentriques de diamètres différents, est celui des [[planète]]s ; le cercle de l’[[équateur céleste]] (en bleu clair) correspond à la révolution de la sphère céleste et des [[étoiles fixes]].]]

Une fois l’Âme du monde constituée, le Démiurge a procédé à la construction de la [[sphère céleste]] ; l’univers du ''Timée'' se présente sous une forme exactement sphérique, car, {{citation|de toutes les figures, la sphère est la plus parfaite et la plus complètement semblable à elle-même}} ({{Nobr|33 b}}) ; contre [[Xénophane]], Platon affirme la [[Globe terrestre|sphéricité de la Terre]] et du monde dans son ensemble, en se fondant sur la géométrie des Pythagoriciens et de [[Théétète d'Athènes|Théétète]] ; après lui [[Aristote]] réaffirmera cette position dans son traité ''[[Du ciel]]''<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Du ciel]]'', Livre II, chap. {{Nobr|13, 293 b}}.</ref>{{,}}{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=63|id=ar}} ; cette sphère est divisée en quatre couches dont chacune est le lieu d’un des [[quatre éléments]] de la matière distingués par Platon, comme [[Empédocle]] l’avait déjà imaginé{{sfn|Mugler 1953|p=56|id=m}}.

À l’aide de deux bandes croisées l’une sur l’autre, le Démiurge a formé les deux cercles concentriques de l’[[équateur céleste]] et de l’[[écliptique]]. Le cercle de l’équateur céleste, formé avec la substance du Même, correspond à la sphère des [[Étoile fixe|fixes]], limite de l’univers ; celui de l’écliptique, formé avec la substance de l’Autre, correspond au plan [[Orbite|orbital]] des [[planète]]s. Ces deux cercles tournent en sens inverse, {{citation|afin de sauver les apparences{{sfn|Donnay 1960|p=12|id=gd}}{{,}}{{sfn|Kayas 1974|p=310 et 318|id=gk}}}}, selon la demande de Platon au mathématicien [[Eudoxe de Cnide|Eudoxe]], chargé de le confirmer par ses calculs.

Platon énonce dans le ''Timée'' ({{Nobr|39 a}}) plusieurs hypothèses astronomiques : la révolution des astres fixes dans le plan de l’équateur, la révolution en sens contraire des planètes dans le plan de l’écliptique, la vitesse respective de tous ces astres et leurs [[Rétrogradation (astronomie)|mouvements rétrogrades]]{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=56 à 59|id=ar}}. Il connaît leurs [[Conjonction (astronomie)|conjonction]]s ({{grec ancien|συνάψεις}}), les avances les uns par rapport aux autres ({{grec ancien|παραβολάς, προσχωρήσεις}}) ou le rebroussement de leurs orbites ({{grec ancien|ἐπανακύκλησις}}) ({{Nobr|40 c}})<ref group="note">La {{grec ancien|παραβολή}} serait la différence de [[latitude]] ou de [[longitude]] entre deux astres qui se lèvent et se couchent à peu près au même moment, comme Vénus et le Soleil. La {{grec ancien|προσχώρησις}} serait l’avance d’une orbite par rapport à une autre.</ref>. Mais il ne connaît pas les deux théories qui ne seront formulées qu’à l’époque d’Eudoxe pour expliquer ces phénomènes, à savoir la théorie des excentriques et la [[Épicycle|théorie des épicycles]]. Selon [[Francis M. Cornford]], la description par Platon de son système planétaire fait référence à une [[sphère armillaire]] ({{grec ancien|σφαιρίον}}){{sfn|McHugh 2019|p=175|id=mmh}} : le philosophe évoque lui-même {{citation|les modèles construits à l’imitation des phénomènes célestes}} ({{Nobr|40 d}}), qui existaient à l’[[Académie de Platon|Académie]] et chez les astronomes grecs de [[Syracuse]]<ref group=A>[[Platon]], ''Lettre II'', {{Nobr|312 d}}.</ref>.
[[Fichier:Armillary sphere.png|vignette|alt=Gravure en noir et blanc représentant plusieurs cercles métalliques concentriques et entrecroisés, matérialisant une sphère|[[Sphère armillaire]] [[Géocentrisme|géocentrique]], donnant une idée de ce que pouvaient être, dans l’Antiquité, les {{Citation|modèles construits à l’imitation}} du système planétaire, auxquels Platon fait allusion (''Timée'', {{Nobr|40 d.}})]]
Dans cet univers, la Terre, selon la doctrine pythagoricienne, {{citation|a été faite pour être la productrice et la gardienne du jour et de la nuit}} ({{Nobr|40 b-c}}). Placée au [[Géocentrisme|centre du Monde]]<ref group="note">Outre sa signification astronomique, le géocentrisme signifiait aussi que {{citation|la Terre, comme l’homme de [[Protagoras]] dans le monde moral, était la mesure de toutes choses dans l’univers cosmologique.}} (Charles Mugler 1953, {{p.|77-78}}.)</ref>, elle reste immobile<ref group="note">La très grande majorité des commentateurs ([[Albert Rivaud]], Guy Donnay, Georges Kayas, Béatrice Bakhouche et [[Paul Couderc]]), après examen des différentes lectures proposées par les manuscrits du ''Timée'' en {{Nobr|40 b 9}}, et des problèmes soulevés par le témoignage d’[[Aristote]] (''[[Du ciel]]'', {{Nobr|II, 13, 293 b 30}}), concluent à l’immobilité de la Terre chez Platon.</ref> autour de l’axe qui traverse le Tout{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=59-62|id=ar}}. Autour de ce noyau central constitué par l’élément solide de la terre, s’étendent deux couches sphériques concentriques constituées l’une par l’eau, l’autre par l’air. Au-delà, s’étend la zone du feu, limitée extérieurement par la sphère des fixes{{sfn|Mugler 1953|p=83|id=m}}.

Ainsi achevé, cet univers, {{citation|pourvu d’une Âme et d’un Intellect}}, offre quatre caractéristiques : la perfection mathématique du cosmos, sous le double aspect de la proportion continue et de la sphéricité ; l’unicité du monde ; son autarcie{{sfn|Dorion 2006|p=242 à 244|id=lad}} ; et enfin sa santé et sa jeunesse éternelles ({{Nobr|33 a}}){{sfn|Mugler 1967|p=50|id=cm}}. Pour apporter consistance et cohésion à ce système cosmique, Platon se réfère, dans ces postulats cosmologiques, à la force qu’[[Empédocle]] appelle Amitié ({{Nobr|32 c}}) ainsi qu’aux arguments de [[Parménide]] relatifs à [[l’Un]], et il s’oppose à la cosmologie [[Atomisme|atomiste]] de [[Démocrite]] qui postulait la pluralité des mondes{{sfn|Mugler 1967|p=51|id=cm}}. Les derniers mots de Platon dans le ''Timée'' résonnent comme un hymne à la divinité de ce {{citation|Vivant parfait, formé de parties parfaites}} ({{grec ancien|ζῷον τέλεον ἐκ τελέων τῶν μερῶν}}) : {{citation bloc|Vivant visible qui enveloppe tous les vivants visibles, Dieu sensible formé à la ressemblance du Dieu intelligible, très grand, très bon, très beau et très parfait, le Monde est né : c’est le Ciel qui est un et seul de sa race. (''Timée'', {{Nobr|92 c}}, trad. Albert Rivaud)}}

=== Le Temps ===
Dans le ''Timée'', Platon développe une théorie du Temps singulièrement moderne, peut-être empruntée aux Pythagoriciens{{sfn| Rivaud 1949|p=151, note 1|}}{{,}}<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Physique (Aristote)|Physique]]'', {{Nobr|IV, 10, 218 a 33}} ''sq.''</ref>. Le temps y est déterminé à la fois dans sa nature et dans sa fonction. La mise en ordre du monde sensible par le [[Démiurge]] se fait dans le temps, mais aussi conformément à la [[théorie des Formes]] intelligibles et immuables. Le Démiurge, fixant son regard sur le modèle éternel, a doté le monde d’un corps et d’une âme, et il s’est réjoui de le voir en mouvement et en vie ; sachant que rien d’engendré ne saurait être éternel, il chercha à rendre le monde encore plus semblable à son modèle [[noétique]] : {{citation|Alors il fabriqua une imitation mobile de l'éternité, cette image éternelle qui avance suivant le nombre ({{grec ancien|κατ’ἀριθμὸν ἰοῦσαν αἰώνιον εἰκόνα}}), et que nous appelons le Temps ({{Nobr|37 c-d}}).}} Le temps est l'image mobile de l'éternité immobile et une, et ce sont les mouvements des sept astres errants qui permettent de penser et de mesurer le temps{{sfn|McHugh 2019|p=176|id=mmh}}. Le temps en effet ne peut ni exister ni être pensé sans les mouvements du Soleil et de la Lune, et {{citation|né avec l'Univers, il se dissoudra avec lui, si jamais ils doivent se dissoudre.}} ({{Nobr|38 b}}) Platon distingue donc le ''devenir'' qui s’oppose à l’existence éternelle, et le ''temps'', durée divisible et mesurable{{sfn|Robin 1942|p=255|id=lr}}. Or ce temps relatif que les hommes mesurent sur Terre n’est pas le même que le [[Temps cosmique]] en raison de ce que Platon appelle {{citation|la chorégraphie ({{grec ancien|χορείας}}) des [[planète]]s}}, avec leurs [[Période de révolution|trajectoires]] {{citation|en nombre incroyable et de nature étonnamment variée}} et leur [[mouvement prograde ou rétrograde]]{{sfn|Dixsaut 2003|p=237-238}} : il n’existe donc pas ''un'' temps mais plusieurs, tout aussi réguliers mais différemment rythmés{{sfn|Thein|2002|p=231}}. Cette diversité de [[temps cosmique]]s est cependant enveloppée dans le temps unique qui, avec l’éternel retour de la [[Grande Année]], ramène tous les corps célestes aux mêmes positions, et tous les temps au même{{sfn|Dixsaut 2003|p=238}}.

=== ''Khôra'', ou la théorie du lieu ===
Dans ce récit sur l’origine de l’univers, Platon a défini le Modèle intelligible, ainsi que la copie du Modèle {{incise|par comparaison, le père et l’enfant}} mais sans jamais parler ni d’espace ni de matière ; or, la [[Nécessité]], attachée de manière indissoluble à l’essence de tous les corps, impose d’ajouter une troisième sorte d’être, le « lieu » où adviennent les objets sensibles entrant dans le [[Devenir (philosophie)|devenir]]{{sfn|Merker 2006|p=79|id=am}}. Car il serait contradictoire ou que la copie fût son propre modèle, ou qu’une chose pût être dans une autre, qui en est différente, sans se confondre avec celle-ci ; il faut donc un troisième terme, un réceptacle où ait lieu la copie{{sfn|Robin 1942|p=252|id=lr}} : ce réceptacle, en [[grec ancien]] {{grec ancien|χώρα}}, « emplacement » / ''[[Chôra#Philosophie|khôra]]'', est une réalité difficile à définir selon Platon lui-même. Elle relève de la Nécessité, elle est indestructible, imperceptible par les sens ({{Nobr|52 b}}) et précède l’ordre du monde instauré par le démiurge{{sfn|Hernandez 2013|p=1|id=mh}}. {{citation|Elle est une certaine espèce invisible et sans forme ({{grec ancien|ἀνόρατον καὶ ἄμορφον}}), qui participe de l’intelligible}} ({{Nobr|51 a-b}}) ; en tant que réceptacle universel ({{grec ancien|πανδεχής}}) qui reçoit tout ce qui se fait en elle, la ''khôra'' doit être vierge de toutes formes pour les recevoir toutes le mieux possible{{sfn|Merker 2006|p=88|id=am}}. Avec une certaine insistance, Platon lui donne les traits de quelque chose de passif et de féminin : elle est assimilée à une nourrice et à une mère ({{grec ancien|μητέρα}}) ; elle est ainsi décrite à travers les images du « réceptacle » et de la « matrice » ({{Nobr|49 a, 50 b-d}}){{sfn|Mugler 1967|p=214|id=chmu}}, autant de formules qui font penser à l’espace vide qui contient les objets visibles{{sfn|Rivaud 1949|p=67|id=ar}}. Mais Platon emploie aussi les métaphores du « porte-empreintes pour toutes choses » ({{Nobr|50 e}}), de l’[[excipient]] désodorisé dans lequel les parfumeurs fixent les odeurs, et de l’or dans lequel le bijoutier façonne quantité d’objets : métaphores qui font songer à la matière. Or, {{citation|Platon n’a en vue ni l’espace ni la substance}}, écrit Albert Rivaud{{sfn|Rivaud 1949|p=69|id=ar}}.

Les ambiguïtés prêtées à ce mot de ''khôra'' sont récentes{{sfn|Pradeau 1995|p=375|id=pra}} et ont soulevé des difficultés d’interprétation<ref group="note">Voir un résumé des diverses interprétations proposées depuis Aristote dans {{harvsp|Mugler 1967|p=211-212|id=chmu}}, et chez [[Léon Robin]], {{p.|244 à 265}}. [[Albert Rivaud]] analyse en détail les difficultés de la notion de ''khôra'' {{p.|65 à 70}}. {{harvsp|Falque 2014|p=|id=ef}} étudie les multiples implications philosophiques de cette notion chez [[Jacques Derrida]].</ref>. Quelle est la nature de la ''khôra'', est-elle corporelle, ou abstraite et purement géométrique ? Dans l’antiquité, Aristote<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Physique (Aristote)|Physique]]'', {{Nobr|IV, 2, 209 b}}.</ref> tenait ''khôra'' pour un synonyme de {{grec ancien|ὕλη}}, la matière. [[Plotin]], dans le traité 26 des ''[[Énnéades]]'', ''Sur l’impassibilité des incorporels'', y voit un non-être inétendu et informe. Son caractère amorphe implique en effet que la ''khôra'' n’est ni un corps{{sfn|Mugler 1967|p=213|id=chmu}} ni un matériau indéterminé{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=6, ''The receptacle''|id=stan}}. [[Eduard Zeller]] y a vu quelque chose comme l’[[Res extensa|étendue]] [[René Descartes|cartésienne]]<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=[[Eduard Zeller]]|titre=Die Philosophie der Griechen|tome=II, 1|page=740 ''sq.''|édition={{4e}} édition|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77975g/f3.item.texteImage}}.</ref>{{,}}{{sfn|Robin 1942|p=257 et 277|id=lr}}. En tant que lieu d’accueil universel, la ''khôra'' est la condition qui rend possible toute génération : or le lieu n’a pas de réalité propre. [[Martin Heidegger]] observe que les Grecs n’ont pas de mot pour « espace » : {{citation|Il ne faut entendre par ''khôra'' ni lieu ni espace, mais ce qui est pris et occupé par ce qui se trouve là}}<ref>[[Martin Heidegger]], ''[[Introduction à la métaphysique]]'', 1983, coll. Tel, Gallimard, {{p.|75-76}}.</ref>, de sorte qu’on distinguera {{citation|le lieu où se trouve et où est situé un corps ({{grec ancien|τόπος}}) et le fait que chaque réalité sensible possède en propre une place, la place qu’occupe une chose ou qu’elle abandonne en se déplaçant (khôra){{sfn|Falque 2014|p=156|id=ef}}.}} Ce réceptacle est défini par [[Léon Robin]] comme {{citation|''l’emplacement éternel'', {{grec ancien|χώρα ἀεί}}, le ''siège commun'' de tout ce qui, au cours de son devenir, occupe un ''lieu déterminé''}}<ref group="note">Selon Aristote, Platon identifie le lieu, {{grec ancien|τόπος}}, et l’emplacement, {{grec ancien|χώρα}}.</ref>{{,}}{{sfn|Robin 1942|p=255|id=lr}}. L’espace qui peut recevoir les copies des formes intelligibles n’est pas une substance nouvelle mais une composante essentielle dans l’analyse de ce qu’est un objet spatio-temporel{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=6, ''The receptacle''|id=stan}} ; il représente une nécessité dialectique en offrant aux objets du monde sensible simplement l’occasion de s’étendre ; en somme, la ''khôra'' peut être assimilée au vide relatif des [[Atomisme|atomistes]], mais à ceci près que de ce vide, ne subsiste rien d’inoccupé dans la cosmologie de Platon{{sfn|Laurent 2006|p=96|id=jl}} : {{citation|un vide fugace, au-dedans d’un monde plein}}, résume Albert Rivaud{{sfn|Rivaud 1949|p=69|id=ar}}. Avec l’innovation importante que représente la ''khôra'' dans sa métaphysique, Platon reconnaît donc trois entités distinctes, antérieures à la génération du monde : l’Être, l’emplacement et le devenir, {{grec ancien|ὄν τε καὶ χώραν καὶ γένεσιν}} ({{Nobr|52 d}}).

== Physiologie, anatomie et médecine ==
L’anthropologie de Platon entreprend de décrire la nature du corps humain, à l’aide d’une [[physiologie]] fort rudimentaire et non dénuée d’obscurités et d’erreurs, fondée sur des connaissances {{Citation|très imparfaites, beaucoup moins exactes et précises que celles des médecins, ses contemporains et ses devanciers}}, écrit [[Albert Rivaud]]{{sfn|Rivaud 1949|p=102|id=ar}} ; cette physiologie est centrée sur les deux fonctions intimement liées de la [[Système digestif humain|nutrition]] et de la [[Système respiratoire|respiration]], la théorie de la [[Appareil cardiovasculaire|circulation sanguine]] n’étant qu’ébauchée{{sfn|Rivaud 1949|p=98 à 103|id=ar}}. Le philosophe se distingue au contraire en élaborant une théorie, déjà très complète, de l’âme humaine et de son union avec le corps, la première {{Citation|parmi toutes les doctrines qui domineront la philosophie, depuis [[Aristote]], jusqu’à [[Descartes]], [[Spinoza]] et [[Leibniz]]}}{{sfn|Rivaud 1949|p=92|id=ar}}.

=== De l’âme humaine ===
==== L’âme immortelle et les âmes inférieures ====
Le ''Timée'' présente la doctrine platonicienne de l’âme sous la forme d’une synthèse entre l’ancienne croyance [[Orphisme|orphique]] ou [[École pythagoricienne|pythagoricienne]] et la conception plus moderne de l’[[âme]] comme principe des fonctions corporelles{{sfn|Rivaud 1949|p=92|id=ar}}.
En tant que principe de la vie, l’âme immortelle possède l’exclusivité de la double fonction, motrice et cognitive{{sfn|Pradeau 1998|p=492-493 et 504-505|id=jfp}} ; elle est à l’origine de mouvements ordonnés en vue d’une certaine fin<ref group="note">Le mouvement, conditionné par des organes et des fonctions corporelles, est celui du vivant, mais aussi celui de la pensée qui se porte vers des objets purement intelligibles. Le rapport entre ces deux sortes de mouvement n’apparaît pas. [[Théophraste]] a critiqué cette psychogonie : c’est parce que le mouvement est lui-même mu que le [[Principe (philosophie)|principe]] du mouvement ne peut être que ce qui imprimera le mouvement.</ref>. Tout ce qui se meut régulièrement de soi-même possède donc une âme{{sfn|Rivaud 1949|p=86|id=ar}} : c’est ce que Platon appelle dans le ''Timée'' {{citation|le principe immortel du Vivant mortel}}, {{grec ancien|ἀθάνατον ἀρχὴν θνητοῦ ζῴου}} ({{Nobr|42 e}}) : façonnée par le démiurge lui-même, cette âme immortelle, unie au corps, demeure dans la partie la plus élevée de notre corps{{sfn|Rivaud 1949|p=87|id=ar}} : c’est pourquoi la tête est qualifiée de {{citation|demeure de ce qu’il y a en nous de plus divin et de plus sacré}} ({{Nobr|45 a}}). Constituée avant le corps, l’âme immortelle possède sur lui la maîtrise psychique : {{Citation|C’est première selon la naissance et selon l’excellence que le Dieu constitua l’âme afin qu’elle commande et soit maîtresse du corps ({{grec ancien|δεσπότιν καὶ ἄρξουσαν}}) en le gardant sous sa domination}} (34 c){{sfn|Pradeau 1998|p=491|id=jfp}}. Elle est un don de {{citation|Dieu qui en a fait cadeau à chacun de nous comme d’un [[Daïmon|génie divin]]}} ({{grec ancien|δαίμονα}}) ({{Nobr|90 a}}). Elle est en tout point semblable à l’Âme du monde, y compris pour les révolutions périodiques du Même et de l’Autre ({{Nobr|43 a, 47 d}}). Dans son essence, Platon admet en effet ces deux révolutions, dans la droite ligne de la théorie de la révolution de l’âme exposée dans le traité ''Du Régime'' du [[corpus hippocratique]]{{sfn|Gysembergh 2013|p=620-621|id=vg}} ; or, dans le désordre produit par les sensations, la première de ces révolutions est complètement entravée, et la seconde, troublée ({{Nobr|43 c-44 a}}). Ce sont là les causes des [[illusion]]s des sens, des erreurs et de la [[folie]] ; à la naissance, la déchéance de l’âme qui subit la loi de l’incarnation est si profonde qu’elle en perd d’abord la raison, elle devient folle{{sfn|Rivaud 1949|p=91|id=ar}} ({{grec ancien|ἄνους ψυχή}})<ref group="A">[[Platon]], ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'', {{Nobr|81 c et 83 d}} ; ''Timée'', {{Nobr|44 b et 86 e}}.</ref> jusqu’à ce que le sujet, {{citation|à mesure que le temps passe, et grâce à une bonne méthode d’éducation}}, acquière le bon sens ({{grec ancien|ἔμφρων}})<ref group="A">[[Platon]], ''[[Gorgias (Platon)|Gorgias]]'', {{Nobr|523 a}} ; ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'', {{Nobr|113 d}} ; ''[[La République]]'', {{Nobr|X, 615}} ''sq.''</ref>. Platon recommande donc de se rendre, à force de contemplation, semblable à la beauté du monde et à l’harmonie des mouvements circulaires de l’Univers (90 c-d). La philosophie équivaut ainsi à une mise en ordre de l’âme, car celle-ci devient plus vigoureuse par l’exercice continuel des facultés les plus hautes de l’être humain, ses facultés intellectuelles et spirituelles{{sfn|Rivaud 1949|p=89|id=ar}}. Reconnaissant l’éminente dignité de cette âme immortelle et intelligente, Platon écrit : {{citation bloc|Par sa parenté avec le ciel, ce génie divin nous élève au-dessus de la terre, parce que nous sommes une plante non point terrestre mais céleste ({{grec ancien|φυτὸν οὐράνιον}}). Car de ce lieu d’où à l’origine a germé la naissance de l’âme, le Dieu tient suspendue notre tête, qui est notre racine ({{grec ancien|ῥίζαν ἡμῶν}}), et maintient ainsi droit tout le corps. (90 a-b)<ref group="note">Dans ''[[Attente de Dieu]]'' (Fayard 1966, {{p.|113}}), [[Simone Weil]], pénétrée de cette pensée de Platon, écrit : {{citation|Nous sommes comme des plantes qui auraient pour unique choix de s’exposer ou non à la lumière}}. Elle a longuement interprété ce passage de Platon dans ses ''Intuitions pré-chrétiennes'' (Fayard, 1985, {{p.|31}} ''sq.'') Une position assez analogue a été exprimée [[Albert Gaudry]] et par [[Henri Bergson]].</ref>.}} Par ses facultés supérieures, la pensée de l’homme est donc directement unie au divin, et par elle, notre salut (Platon dit {{grec ancien|σωτηρία}}, {{Nobr|88 b}}) nous appartient{{sfn|Robin 1942|p=326|id=lr}} ; en donnant la suprématie à l’intelligence, faculté par laquelle l’homme peut maîtriser ses passions, vivre une vie juste et atteindre à la réalité intelligible, Platon fonde une doctrine [[Eschatologie|eschatologique]] de la connaissance{{sfn|Kucharski 1966|p=5, 21-22, 29|id=pk}}.

Platon distingue également deux autres âmes, de nature mortelle, œuvres des dieux subalternes, et toutes logées au-dessous du cou ({{Nobr|69 e}}) ; l’une, l’âme irascible, siège de la [[Thumos|colère]] et de l’ardeur guerrière, {{grec ancien|ὁ θυμός}} ({{Nobr|69 c-d}}), est dans le [[thorax]] ; l’autre, l’âme désirante, siège de l’appétit du boire et du manger, du plaisir et de la douleur, {{grec ancien|τὸ ἐπιθυμητικόν}} ({{Nobr|70 d-e}}), est placée dans le ventre ; la violence des désirs dans {{citation|l’amour de la conjonction charnelle}} ({{Nobr|91 a}}) est présentée comme celle d’un être vivant animé, {{grec ancien|ζῷον ἔμψυχον}}, attaché à la génération{{sfn|Pradeau 1998|p=509, note 43|id=jfp}} et absolument rebelle au raisonnement{{sfn|Rivaud 1949|p=88|id=ar}}. C’est de cette troisième espèce d’âme que sont aussi dotés les végétaux, qui, par leur passivité, appartiennent à une condition inférieure à celle de l’animal ({{Nobr|77 b-c}}).

==== Maladies de l’âme et métempsychose ====
Comme le corps, l’âme a ses maladies, et Platon établit une relation de causalité entre dysfonctionnements physiques et troubles psychiques. La plus caractéristique de ces maladies de l’âme est la « déraison », ({{grec ancien|ψυχῆς ἄνοια}}, {{Nobr|86 b}}), perversion ou occultation de la rationalité qui peut prendre deux formes, la folie ou l’ignorance. Ces maladies peuvent résulter de plaisirs ou de douleurs excessifs qui affectent le corps avec violence et obscurcissent la raison et la connaissance{{sfn|Rivaud 1949|p=116|id=ar}} au point de provoquer, selon le cas, la peine, l’oubli, la mauvaise humeur, l’abattement, la témérité ou la lâcheté{{sfn|Merker 2004|p=16|id=mer}} ; {{citation|c’est la première fois, dans la littérature philosophique et médicale grecque, que la notion de [[Trouble psychique|maladie mentale]] est conceptualisée comme un trouble ayant des causes organiques qui affecte les capacités cognitives et comportementales d’un individu}}, observe Lucia Saudelli{{sfn|Saudelli 2020|p=3|id=ls}}. Inversement, une âme agitée, pleine d’une ardeur excessive, peut aussi rendre le corps malade et le consumer ({{Nobr|87 e-88 a}}). Il est assez remarquable que pour Platon le déterminisme de ces [[psychopathologie]]s ne soit pas simplement biologique mais aussi familial et social, l’éducation et l’environnement culturel et même politique ({{grec ancien|πολιτεῖαι κακαί}}, {{Nobr|87 b}}) jouant un rôle important. Ainsi, dans cette perspective [[psychosomatique]], l’incapacité à dominer sa volupté et une {{citation|paillardise immodérée}} sont des maladies de l’âme{{sfn|Merker 2004|p=16|id=mer}} ; selon Platon, celui qui tombe dans ces excès n’est pas vicieux volontairement, c’est un malade qui subit {{citation|l’effet de quelque disposition maligne du corps ou d’une éducation mal réglée}} ({{Nobr|86 e}}) : la doctrine [[Socrate|socratique]], « nul ne fait le mal volontairement »<ref group="A">[[Platon]], ''[[Protagoras (Platon)|Protagoras]]'', {{Nobr|345 d-e et 352 c}} ; ''[[Gorgias (Platon)|Gorgias]]'', {{Nobr|468 c}} ''sq.'', {{Nobr|480 b}}, {{Nobr|509 e}} ; ''[[Les Lois]]'', {{Rom-maj|V}}, {{Nobr|731 c}} et {{Rom-maj|IX}}, {{Nobr|860 d}}.</ref>, est ici fondée sur des faits biologiques.

Contre les maux engendrés par les passions, leurs excès et les humeurs malignes qu’elles répandent dans le corps, Platon souligne la nécessité des rapports de [[proportion]] et d’harmonie qui doivent régir les parties du corps et de l’âme : en toutes choses, il faut préserver l’équilibre et la juste mesure, et {{citation|ne jamais mouvoir l’âme sans le corps, ni le corps sans l’âme.}} ({{Nobr|88 b}}) ; la thérapeutique platonicienne consiste donc en une éducation aussi bien physique qu’intellectuelle{{incise|au moyen d’études curatives<ref group="note">Dans ''[[La République]]'' (Livre {{Nobr|VII, 522 c-527 d}}), Platon cite les mathématiques, la géométrie et l’astronomie comme sciences éveilleuses du Bien.</ref>, {{grec ancien|μαθήματα ἰατικά}}}} {{sfn|Merker 2004|p=18|id=mer}}. Platon entremêle ainsi différentes traditions médicales : celle de l’[[école de Cnide]] qui prônait la primauté de la gymnastique et la nécessité d’un mouvement continuel, et celle de l’[[école pythagoricienne]] d’[[Alcméon de Crotone]] pour qui la santé était un équilibre{{sfn|Gysembergh 2013|p=619-620|id=vg}}. Faute de quoi, celui qui s’abandonne entièrement à ses vices risque de {{citation|devenir mortel tout entier}} ({{Nobr|90 b}})<ref group="note">[[Spinoza]] développe la même idée dans son ''[[Éthique (Spinoza)|Éthique]]'', V.</ref> et de connaître le cycle des métempsychoses<ref group="A">[[Platon]], ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'', {{Nobr|81 d}} ''sq.'' ; ''[[La République]]'', {{Nobr|618 a}} ''sq.''</ref>. Car, après la première incarnation de l’âme, d’autres incarnations se succèdent selon la manière, bonne ou mauvaise, dont la vie humaine aura été vécue ici-bas ({{Nobr|42 b-d}}){{sfn|Rivaud 1949|p=91|id=ar}}. Les âmes déchues peuvent alors [[Palingénésie|se réincarner]] dans les corps de toutes sortes d’êtres vivants ({{Nobr|91 d-e}})<ref group="note">La réincarnation d’une âme humaine sous une forme animale a soulevé des difficultés dès l’Antiquité. Dans le ''[[Phèdre (Platon)|Phèdre]]'' ({{Nobr|249 b}}), Platon affirme que l’âme d’une bête, qui n’a jamais contemplé la Vérité, ne peut pas subsister dans un corps humain.</ref>, tandis que les pensées immortelles d’une âme vertueuse, appliquée à reproduire les harmonies du ciel, lui assurent l’immortalité. La [[psychophysiologie]] de Platon renvoie donc non seulement à sa cosmologie mais aussi à son éthique, dans une perspective eschatologique et [[Sotériologie|sotériologique]]{{sfn|Saudelli 2020|p=13 et 16|id=ls}}.

=== La théorie des sensations ===
En raison de ses conceptions [[Finalisme|finaliste]]s ({{Nobr|44 d-45 b}}), Platon expose sa théorie des sensations avant l’anatomie et la physiologie humaines. Pour rendre compte des impressions sensorielles (en grec ancien, {{grec ancien|αἰσθήσεις}}), il invoque les propriétés physiques des particules élémentaires du feu, de l’eau, de l’air ou de la terre, en particulier leur taille, leur forme et leur plus ou moins grande mobilité. La sensation est ainsi définie comme un mouvement d’incursion transmis de l’extérieur jusqu’à l’âme mortelle par l’intermédiaire de la chair ({{Nobr|43 c}}) à l’aide des organes des sens conçus comme portes d’entrée du corps ; ce mouvement produit un ébranlement et c’est une information étrangère à la raison ({{Nobr|45 d et 61 c}}). C’est ce mouvement d’incursion à l’intérieur qui explique le recours à l’étymologie platonicienne du mot {{grec ancien|αἴσθησις}} en grec, rapproché du verbe {{grec ancien|εἰσθεῖν}}, « accourir vers »<ref name="mugler">{{Article|auteur=Charles Mugler|titre=Sur deux passages de Platon|périodique=Revue des Études Grecques| tome=69|numéro=324-325|date=Janvier-juin 1956|pages=28-34|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1956_num_69_324_3421}}</ref>. Évitant les longs débats philosophiques sur les sensations qui avaient déjà eu lieu chez [[Alcméon de Crotone|Alcméon]], [[Empédocle]], les atomistes, [[Antisthène]] ou [[Gorgias]], et que lui-même avait traités dans le ''[[Théétète (Platon)|Théétète]]''<ref group="A">[[Platon]], ''[[Théétète (Platon)|Théétète]]'', {{Nobr|153 d-e}} et suiv.</ref>, Platon entend exposer ici cette théorie des sensations en naturaliste et en physicien{{sfn|Rivaud 1949|p=110|id=ar}}, fidèle à la doctrine de l’intelligence de l’âme exposée dans le traité médical ''Du Régime'' du [[Corpus hippocratique]]{{sfn|Gysembergh 2013|p=620-621|id=vg}}.

==== La vision, les miroirs et les couleurs ====
La théorie de la vision proposée dans le ''Timée'' diffère de celle qui figure dans le ''[[Ménon]]'' ({{Nobr|76 d}}) et qui remontait à [[Gorgias]] et sans doute à [[Empédocle]]{{sfn|Rivaud 1949|p=105|id=ar}}. Elle suppose trois sortes de feu distingués par Platon : le feu très pur et qui ne brûle pas contenu dans {{citation|les yeux porteurs de lumière}} ({{grec ancien|φωσφόρα ὄμματα}}, {{Nobr|45 b}}) et qui s’en échappe en un flux continu ; le feu propre à chaque objet visible et qui se manifeste sous la forme de la [[couleur]] ; enfin, la [[lumière du jour]], sans laquelle les objets restent en général invisibles (45 c){{sfn|Rivaud 1949|p=104|id=ar}}. L’acte de la vision s’opère ainsi à l’extérieur de l’œil, dans ce que Platon considère comme {{citation|le corps de la vision}}, fusion entre le courant lumineux qui sort des yeux et la lumière diurne{{sfn|Rivaud 1949|p=105|id=ar}}, sans qu’il soit jamais question de rayons ni d’un faisceau de lignes{{sfn|Merker 2006|p=81|id=am}}. Les objets quant à eux laissent s’écouler des particules ignées qui, à la rencontre du corps de la vision, engendrent la sensation de la couleur (67 c-d){{sfn|Merker 2006|p=82|id=am}}, la dimension de ces particules de feu étant compatible avec celle de l’orifice de l’œil afin de pouvoir y pénétrer<ref name="mugler"/>. La perception du noir et du blanc dépend respectivement d’un resserrement ou d’une dilatation du corps de la vision.

[[Fichier:Additive color.svg|vignette|gauche|alt=Trois disques colorés (bleu, rouge et vert) sur fond noir intersectés entre eux : surfaces cyan, magenta et jaune aux intersections deux par deux, blanche à l'intersection des trois|Les [[couleurs primaires]] en [[synthèse additive]].]]

Platon nomme correctement quatre couleurs du [[Spectre visible|spectre]], le jaune, le rouge, le vert et le bleu, mais les mélanges des autres couleurs qu’il indique ne correspondent pas aux [[Synthèse additive|mélanges de lumières colorées]] de l’[[optique]] moderne ({{Nobr|68 b-d}}) ; il semble plutôt songer aux mélanges des [[pigment]]s colorés utilisés par les [[Peinture (art)|peintre]]s et les [[Teinturier (métier)|teinturier]]s{{sfn|Rivaud 1949|p=106|id=ar}}.

L’explication des images inversées dans un [[miroir]] manifeste la préoccupation de Platon pour cette notion d’image<ref group="A">[[Platon]], ''[[Le Sophiste]]'', {{Nobr|266 b-c}}.</ref>. La remarque selon laquelle cette explication {{citation|n’est plus difficile à comprendre}}, laisse supposer que les miroirs suscitaient à son époque des tentatives d’explication{{sfn|Merker 2006|p=86, note 15|id=am}}. L’image spéculaire, qu’il décrit comme {{citation|la production d’un simulacre}} ({{grec ancien|εἰδωλοποιία}}) ({{Nobr|46 a}}), ne repose sur aucune [[Réflexion (optique)|réflexion optique]] ni sur la [[vision binoculaire]]{{sfn|Rivaud 1949|p=106|id=ar}} : cette image, dotée d’une réalité d’imitation et localisée dans le miroir, résulte de la solidification unissant le corps de la vision et le flux de feu provenant du corps vu{{sfn|Merker 2006|p=85|id=am}} ; la surface lisse du miroir sert de support à la rencontre et à l’union de ces deux feux{{sfn|Merker 2006|p=86|id=am}}. Dans les [[Miroir concave|miroirs concaves]], Platon explique l’inversion de l’image par une réflexion non pas de la lumière mais du rayon visuel lui-même rebondissant sur la surface lisse<ref group="note">À l’inverse de Platon, [[Descartes]], dans son traité sur ''[[La Dioptrique (Descartes)|La Dioptrique]]'', conçoit correctement le rebondissement, sur une surface lisse, des particules de lumière comparables à des balles.</ref> ({{Nobr|46 c}}){{sfn|Merker 2006|p=87|id=am}} : il semble ainsi {{citation|avoir entrevu les principes d’[[optique géométrique]] à l’aide desquels on explique aujourd’hui l’inversion des images par le croisement des rayons{{sfn|Rivaud 1949|p=106|id=ar}}.}}

==== Audition, goût, toucher et odorat ====
Le [[Son (physique)|son]] est défini de façon remarquable : c’est {{citation|un choc ({{grec ancien|πληγή}}) transmis par l’air, à travers les oreilles, jusqu’au cerveau et jusqu’au sang, et qui se propage jusqu’à l’âme.}} ({{Nobr|67 b}})<ref group="A">[[Théophraste]] reprend cette définition : ''Des Sensations'', 6 (''Dox.'', {{Nobr|500, 14}}).</ref>. Platon, comme [[Aristote]]<ref group="A">[[Aristote]], ''[[De l'Âme]]'', {{Nobr|II, 11, 422 b 31}}.</ref>, caractérise le son par les propriétés du mouvement qui le provoque, vitesse ou lenteur, uniformité ou incohérence, intensité plus ou moins grande, et il explique la cause de l’[[harmonie]] ou de la discordance des sons ({{Nobr|80 a-b}}). Concernant le goût, il distingue sept [[Goût|saveur]]s fondamentales<ref group="A">Théophraste, ''Des sensations'', {{Nobr|84}}.</ref>, expliquées tantôt par l’action mécanique des corps rugueux ou lisses, tantôt par leur action chimique, détersive et purifiante{{sfn|Rivaud 1949|p=108|id=ar}}.

Au plan [[Toucher|tactile]], le feu donne une impression de chaud en raison de l’acuité de ses angles et de la petitesse de ses corpuscules qui lui confèrent une vive mobilité ({{Nobr|61 e}}) ; l’impression de froid se produit quand, dégagés de l’humidité, les éléments les plus grands, ne pouvant entrer, poussent les plus hauts en cercle. {{citation|À cette lutte et à ces secousses, on donne les noms de tremblement et à la sensation celui de frisson}} ({{Nobr|61 e-62 b}})<ref group="A">[[Théophraste]], ''Des Sensations'', Frag. I, Chap. {{Nobr|XV}}.</ref>. Concernant l’odorat, il constate que toute [[odeur]] implique un processus chimique analogue à la [[fermentation]] ou à l’[[évaporation]] : toute odeur est donc l’état intermédiaire des corps en train de se transformer ({{Nobr|66 d-e}}), c’est une fumée ou une vapeur{{sfn|Rivaud 1949|p=109|id=ar}}. Les corps élémentaires, en revanche, sont inodores. [[Théophraste]] dira que la bonne odeur est la suite de l’élaboration parfaite que la chaleur naturelle donne aux humeurs. Il attribue la bonne odeur à une sorte de coction des matières aqueuses, lorsque le principe humide, lequel est funeste, en a été dégagé par la chaleur.

=== Anatomie ===
[[Fichier:Mouvement diaphragme respiration.svg|vignette|gauche|upright=1.5|alt=Dessin montrant l'anatomie d'un thorax humain|Organes principaux du corps humain : foie (1), poumon (5), cœur (9), estomac (11) ; mouvement du diaphragme dans la respiration (2 et 3).]]
{{Article connexe|Histoire de l'anatomie}}
Le ''Timée'' contient un véritable traité d’[[anatomie]], dans lequel Platon étudie les [[Organe (anatomie)|organe]]s principaux ([[cœur]], [[poumon]], [[foie]], [[rate]], [[intestin]]s et [[cerveau]]) et leurs fonctions ; le philosophe apparaît gêné par des connaissances anatomiques lacunaires et parfois imprécises{{sfn|Rivaud 1949|p=98|id=ar}}, mais son but n’est pas médical ; il est de mieux préciser la situation des différentes espèces<ref group="note">Les mots « parties, et tripartition » de l’âme, utilisés par la plupart des traducteurs et commentateurs, sont étrangers à Platon, qui n’emploie que {{grec ancien|γένος}} et {{grec ancien|εἶδος}}, « espèce » pour définir des fonctions différentes. Le mot « partie », {{grec ancien|μέρος, μόριον}}, est réservé par Platon au corps. Dans le livre I ({{Nobr|411 b}}) de son traité ''[[De l'Âme]]'', [[Aristote]] met justement en cause la partition platonicienne de l’âme : {{Citation|Qu’est-ce donc qui peut bien assurer la cohésion de l’âme, si la nature l’a rendue morcelable ? }}, écrit-il.</ref> d’âme{{sfn|Pradeau 1998|p=500-502|id=jfp}} et leurs rapports avec le corps. L’anatomie, présentée constamment dans une perspective finaliste, apparaît ainsi comme une science annexe de la [[psychologie]]{{sfn|Rivaud 1949|p=94-95|id=ar}}.

Le corps a été donné comme {{Citation|véhicule}} à l’âme immortelle{{sfn|Pradeau 1998|p=498|id=jfp}}. Ce corps tout entier et ses processus physiologiques ([[Appareil cardiovasculaire|circulation sanguine]], [[Appareil digestif humain|nutrition]], [[Appareil respiratoire|respiration]]) sont conçus pour permettre à l’âme immortelle-intelligente d’assurer sa domination sur les deux espèces mortelles que sont l’âme irascible et l’âme désirante{{sfn|Pradeau 1998|p=499|id=jfp}} ; car toutes deux sont capables du meilleur comme du pire : ainsi, l’âme irascible, logée dans le [[thorax]], entre le [[Diaphragme (organe)|diaphragme]] et le nombril, peut-elle engendrer le courage, aussi bien que la fureur des désirs et de la colère ; mais celle-ci peut être ramenée à la [[Noûs|raison]] grâce au [[cœur]], {{citation|placé pour ainsi dire au poste de sentinelle}} et source du sang qui circule dans tous les membres ({{Nobr|70 a-b}}). De même, le [[foie]], organe de l’âme désirante mais aussi de la [[Divination dans la Grèce antique|divination]] ({{grec ancien|τὸ μαντεῖον}}), est-il en communication avec les images de l'[[Noûs|intellect]] ({{Nobr|71 b-72 c}}){{sfn|Rivaud 1949|p=96|id=ar}} : tantôt l’intellect, avec ses pensées véhémentes, épouvante le [[foie]], tantôt au contraire il libère la douceur que renferme le foie et rend ainsi joyeuse et sereine l’espèce mortelle de l'âme qui s’y trouve ({{Nobr|71 b-d}}).

[[Fichier:Brain sagittal section stem highlighted.svg|vignette|alt=Dessin d'un coupe anatomique sagittale d'un encéphale humain, montrant la face interne de l'hémisphère cérébral droit, ainsi que le tronc cérébral|Section du cerveau humain ; en rose, le [[tronc cérébral]] avec le [[mésencéphale]], le [[Pont de Varole]] et la [[moelle allongée]] ; à l’arrière, le [[cervelet]].]]
L’âme immortelle, pour maîtriser les mouvements corporels et remplir sa fonction, doit connaître tous les éléments dont le corps est composé et entrer en contact avec eux{{sfn|Pradeau 1998|p=506|id=jfp}} ; or étant logée dans la tête, elle n’enveloppe pas la totalité du corps humain. Ce qui permet ce contact, et qui assure l’union intime<ref group="note">Le ''Timée'' conserve le vocabulaire des récits [[Eschatologie|eschatologique]] du ''[[Gorgias (Platon)|Gorgias]]'', du ''[[Phèdre (Platon)|Phèdre]]'' ({{Nobr|246 d-249 d}}) et du ''[[Phédon (Platon)|Phédon]]'' ({{Nobr|81 e}}) qui représentaient déjà l’âme « enchaînée » au corps.</ref> de l’âme et du corps auquel elle est liée {{citation|comme à partir d’ancres}} ({{Nobr|73 d}}), c’est une substance fondamentale, le principe à l’origine de tous les [[Tissu biologique|tissus]], la moelle, ({{grec ancien|ὁ μυελός}}) sous ses trois formes : moelle du [[Système nerveux central|cerveau]], ([[encéphale]] et [[moelle allongée]]), [[moelle spinale]] dans les vertèbres et [[moelle osseuse]] ({{Nobr|73 b-74 a}}){{sfn|Pradeau 1998|p=507-508|id=jfp}}. Cette substance, composée des triangles {{Citation|qui tiennent le premier rang pour la régularité et le poli}}, est à l’origine d’une {{Citation|semence universelle pour tout le genre mortel}} ({{grec ancien|πανσπερμία}}) ; mieux encore, la moelle contient toutes les sortes de figures que chaque espèce de corps doit avoir à sa naissance ({{Nobr|73 c}}), c’est pourquoi Platon montre que tous les [[Tissu biologique|tissus organiques]] {{incise|[[os]], [[Chair (anatomie)|chair]], [[tendon]]s, [[Derme|peau]], [[ongle]]s et [[Poil|système pileux]]}} sont fabriqués à partir de la moelle{{sfn|Pradeau 1998|p=508-509|id=jfp}}, pressentant ainsi l’[[Hérédité non mendélienne|hérédité génétique]]{{sfn|Rivaud 1949|p=201, note 1|id=ar}}. Par sa configuration circulaire non seulement dans le cerveau {{Citation|entièrement sphérique}}, mais aussi dans les vertèbres où elle présente une forme {{Citation|ronde et oblongue}}, la moelle est soumise, comme il convenait, aux mouvements circulaires de l’âme, qui peut ainsi accomplir sa fonction{{sfn|Pradeau 1998|p=510|id=jfp}}. Dans le même souci d’instaurer une continuité circulaire, Platon décrit, depuis la moelle jusqu’à la peau, aux cheveux et aux ongles, chacun des tissus biologiques enveloppant et protégeant celui qui le précède, le contient ou l’enferme, dans une progression continue du centre vers la périphérie du corps, les mouvements de [[circulation sanguine]] et de respiration étant eux-mêmes circulaires{{sfn|Pradeau 1998|p=511-512|id=jfp}}.

=== Pathologie et thérapeutique ===
{{Article connexe|Corpus hippocratique}}
Alors que l’Univers divin ne souffre pas de dépendance ou de vieillesse, l’organisme humain est sujet aux maladies ; selon Platon, celles-ci sont causées soit par une modification anormale de la proportion, de la situation ou des propriétés des éléments constitutifs du corps humain, soit par des désordres physiologiques particuliers{{sfn|Rivaud 1949|p=111|id=ar}}. Les causes de ces désordres sont un sang corrompu ou mêlé de [[sérosité]]s ({{grec ancien|ἰχώρ}}), de toutes sortes de phlegmes ({{grec ancien|φλέγμα}}) ou d’humeurs peccantes telles que [[pituite]]s. Suivant la doctrine [[Hippocrate|hippocratique]], Platon désigne ainsi diverses mucosités, [[Glaire (sécrétion)|glaire]] ou [[pus]] qui gâtent le sang, la chair, les os ou la moelle, et il leur donne le nom commun de [[bile]] ({{grec ancien|χολή}}), en distinguant bile jaune et amère, bile noire, bile rougeâtre et bile verte ({{Nobr|83 b-84 c}}). Plusieurs maladies citées par Platon sont décrites en détail dans les livres du [[corpus hippocratique]], mais le philosophe n’en énumère qu’un nombre extrêmement réduit : on a ainsi identifié la [[carie des os]] ou le [[cancer]] ({{Nobr|84 b-c}}), le [[tétanos]] et l’[[opisthotonos]] ({{Nobr|84 e}}), mais aussi l’[[épilepsie]] ({{Nobr|85 b}}), les [[abcès]] ou [[phlegmon]]s, les [[Inflammation|maladies inflammatoires]], les [[diarrhée]]s et les [[dysenterie]]s ({{Nobr|85 c-86}}){{sfn|Rivaud 1949|p=113|id=ar}}. Le mal qui couvre le corps de taches blanches ou pituite blanche pourrait être la leucophlegmasie<ref group="A">[[Corpus hippocratique]], {{grec ancien|Περὶ παθῶν}}, c 19.</ref> ; les affections qui touchent les poumons sont vraisemblablement la [[Pneumonie aiguë|congestion pulmonaire]] ou la [[bronchite]] ({{Nobr|84 d-e}}). Les [[fièvre]]s sont dites « continues, quotidiennes, tierces ou quartes » selon leur cause et leur durée. Cette pathologie platonicienne, très sommaire et assez incohérente{{sfn|Rivaud 1949|p=114|id=ar}}, semble inspirée par des doctrines médicales diverses, où l’on reconnaît à la fois [[Alcméon de Crotone|Alcméon]], les [[Hippocrate de Chios|Hippocratiques]], et [[Empédocle]]{{sfn|Rivaud 1949|p=114-115|id=ar}}.

Quant à la thérapeutique, Platon prône, comme les médecins de [[Kos (Dodécanèse)|Cos]], l’hygiène de vie ({{grec ancien|δίαιτα}}) par l’exercice harmonieux du corps et de l’esprit ; s’il n’exclut pas les remèdes de la [[pharmacopée]] ({{grec ancien|φαρμακευτικῆς ἰατρικόν}}), il les considère toutefois avec une certaine méfiance : {{Citation|Jamais un homme de bon sens ne doit en faire usage sans nécessité}} ({{Nobr|89 b}}) car les maladies, ayant une durée définie, il ne faut pas {{Citation|les irriter par des remèdes, quand elles n’offrent pas de grands dangers}}{{sfn|Rivaud 1949|p=116|id=ar}}.

== Éthique et théologie de la volonté ==
Le but du thème traité dans le ''Timée'', et annoncé d’emblée par Critias, était de rendre compte de la nature humaine dans le contexte de la nature de l’Univers, avant d’aborder la [[Arété|vertu]] humaine en action dans le dialogue suivant. Ce but est atteint à la fin du ''Timée'' : l’anthropologie s’achève en effet dans une psychologie morale et une [[éthique]]{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=9, ''Ethics''|id=stan}}, qui permettent de définir les conditions du mode de vie le meilleur, en fonction de la nature rationnelle et immortelle de l’âme.

=== Hégémonie de l’âme rationnelle ===
Le concept platonicien d’âme humaine, dans sa divinité, implique un ensemble de [[Prédicat (linguistique)|prédicat]]s qui l’associent à la raison et à une fonction d’hégémonie ({{grec ancien|ἡγεμονοῦν}}, {{Nobr|41 c}})<ref name="leroux">{{Article|auteur=Georges Leroux|titre=La psychologie morale de Platon|périodique= Annuaire de l’École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses|tome=109|date=2000|pages=327-330|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_2000_num_113_109_11811}}</ref>. Dans la psychologie morale qu’il a esquissée, Platon accorde la priorité à la fonction de commandement dévolue à l’âme humaine dans sa relation au corps, en raison de sa « priorité d’origine »<ref group= A>{{PlaLoi}}, livre {{Nobr|X, 892 a et 896 c}}.</ref> : le Démiurge, en effet, {{Citation|l’a faite plus ancienne que le corps par l’âge et par la vertu, pour commander en maîtresse ({{grec ancien|δεσπότιν καὶ ἄρξουσαν}}) et le corps pour obéir}} ({{Nobr|34 c}}). Cette fonction de commandement de l’âme est conçue par Platon comme une {{grec ancien|παιδαγωγία}} / {{langue|grc-Latn|paidagôgia}}<ref group="note">Au sens étymologique, l’âme est donc qualifiée de « pédagogue », comme le note {{harvsp|Pradeau 1998|p=511-512|id=jfp}}.</ref> ({{Nobr|89 d}}), l’exercice de l’art de « diriger, gouverner ». Pour permettre à l’âme rationnelle et immortelle d’exercer cette hégémonie, les hommes sont donc invités à cultiver soigneusement son bien-être, lequel consiste en un état « bien ordonné », {{grec ancien|εὖ κεκοσμημένον}} ({{Nobr|90 c}}){{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=9, ''Ethics''|id=stan}}. Une âme est entretenue en bon ordre par {{Citation|l’amour de la science et des pensées vraies}}, ({{grec ancien|φιλομαθία καὶ ἀληθεῖς φρονήσεις}}), ce qui est une des formes de la philosophie pour Platon, mais aussi par une sorte de spiritualité religieuse, c’est-à-dire « la capacité de penser aux choses immortelles et divines », {{grec ancien|φρονεῖν ἀθάνατα καὶ θεῖα}} ({{Nobr|90 c}}) ; en particulier, il convient pour l’homme d’approfondir la connaissance de l’harmonie et des révolutions de l’Univers, et d’aligner sur elles les révolutions de l’âme humaine qui ont été troublées à la naissance{{sfn|Zeyl et Sattler 2019|p=9, ''Ethics''|id=stan}}. Une fois réalisé, ce réalignement restaure l’âme à sa condition d’origine et apporte ainsi {{Citation|l’achèvement de la vie parfaite offerte à l’humanité par les dieux, à la fois maintenant et pour toujours}} ({{Nobr|90 d}}). Seul ce culte rendu au [[Daïmon|génie divin]] ({{grec ancien|δαίμονα}}) qui habite en chaque être humain assure le bonheur et l’immortalité : c’est l’œuvre propre de l’âme humaine de permettre cette divinisation<ref name="leroux"/>.

=== Théologie de la volonté ===
Cette doctrine de l’hégémonie est liée à la question de la [[causalité]] de l’âme, à la fois sur elle-même et dans le monde ; c’est dire qu’elle implique aussi la question de l’action et de l’[[intentionnalité]]. Or, le ''Timée'' a défini trois principes de commandement {{incise|le Démiurge, les dieux et l’âme immortelle}}, et à l’hégémonie cosmique répond une hégémonie éthique ; l’Âme du Monde qui préside aux cycles du cosmos est relayée par l’âme humaine, dans son œuvre de divinisation. La volonté de l’Intellect divin, celle des dieux et de l’Âme du monde sont présentées par Platon dans un rapport d’imitation ({{grec ancien|μιμούμενοι τὴν ἐμὴν δύναμιν}}, {{Nobr|41 c}})<ref name="leroux"/>. La volonté humaine est appelée elle aussi à reproduire par imitation, dans l’œuvre de divinisation, l’acte de la volonté du Démiurge<ref name="leroux"/>. Cette volonté démiurgique est intégralement [[Bien (philosophie)|bonne]], ({{grec ancien|ἀγαθός}} / {{Langue|grc-Latn|[[Kalos kagathos|agathos]]}}) ; en ce sens la bonté absolue du dieu constitue pour Platon la [[cause première]], {{Citation|le principe essentiel du devenir et du monde}}{{sfn|Motte 1997|p=5|id=mo}} ; cette bonté qu’il possède dans sa plénitude ontologique est aussi une bonté éthique qui meut la totalité de son vouloir{{sfn|Motte 1997|p=6|id=mo}} ; elle est dénuée de ce vice que les Grecs appelaient [[phtonos]] ({{grec ancien|φθόνος}}, {{Nobr|29 e}}), « envie »<ref group="A">[[Platon]], ''[[Philèbe]]'', {{Nobr|47 e-50 c}} ; ''[[Les Lois]]'', livre {{Nobr|V, 730 e}}.</ref>, qui caractérisait au contraire les dieux de la tradition, jaloux les uns des autres aussi bien que de la réussite éclatante des hommes{{sfn|Motte 1997|p=7|id=mo}}. L’absence de ce vice ou {{grec ancien|ἀφθονία}} définit une attitude vertueuse, qui agit comme une propension à la création, au don, à la générosité débordante : elle est à l’origine de la création de l’Univers dans le ''Timée'', et caractérise la divinité, le philosophe authentique et l’amant véritable<ref>{{Article|auteur=Geneviève Normandeau|titre=Le sens des "timiôtera" et l'éthique du partage de la sophia chez Platon|périodique=Revue Philosophique de Louvain|tome=101, Quatrième série|numéro=3|date=2003|pages=367-382|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2003_num_101_3_7502}}</ref>.

== Les manuscrits du ''Timée'' ==
Le texte du ''Timée'' est connu par une trentaine de manuscrits dont le plus ancien est le ''Codex Parisinus græcus 1807'' (A){{sfn|Timée - Codex Parisinus græcus|1807|id=codex1807}} conservé à la [[Bibliothèque nationale de France]]. Il a été écrit sur un parchemin de bonne qualité dans le troisième quart du {{s-|IX}}, durant la période de renaissance byzantine qui a favorisé {{citation|la redécouverte, l’étude et l’imitation des œuvres littéraires de l’antiquité grecque}}<ref>{{Article|auteur=[[Jean Irigoin]]|titre=Survie et renouveau de la littérature antique à Constantinople ({{s-|IX}})|périodique=Cahiers de civilisation médiévale, {{5e}} année|numéro=19|date=Juillet-septembre 1962|pages= 287-302|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1962_num_5_19_1234}}.</ref>. Il fait partie de la ''Collection philosophique'' dont l’origine généralement admise est [[Constantinople|constantinopolitaine]]<ref>{{Lien web|titre=Archives et manuscrits, Grec 1807|url=https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc19975p|site=bnf.fr}}</ref>. Il a été découvert en 1490 et rapporté d’Orient par l’érudit [[Empire byzantin|byzantin]] [[Jean Lascaris]]{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=120|id=ar}}. Un second groupe de manuscrits, conservés à la [[Bibliothèque nationale autrichienne]], à Vienne, comprend les ''Cod. Vindobonensis 21'' (Y), ''54'' (W) et ''55'' (F). Les autres manuscrits sont le ''Cod. Palatinus Vaticanus 173'' (P), conservé à la [[Bibliotheca apostolica vaticana|Bibliothèque Apostolique du Vatican]]<ref>{{Lien web|titre=Manuscript-Pal.gr.173|url=https://digi.vatlib.it/view/MSS_Pal.gr.173|site=digi.vatlib.it}}</ref>, et le ''Cod. Parisinus græcus 1812'' ; ce dernier, copié vers 1320-1330, est entré dans la bibliothèque de [[Jean-Baptiste Colbert|Colbert]] et faisait partie de la collection de manuscrits grecs accumulés par deux érudits français du {{s-|XVI}}, [[Jean-Jacques de Mesmes]] et son fils Henri de Mesmes<ref>{{Lien web|titre=Archives et Manuscrits, Grec 1812|url=https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc19988m|site=bnf.fr}}</ref>.

== Réception et fortune du ''Timée'' ==
=== La réception du ''Timée'' à l’Académie de Platon ===
[[Fichier:Aristotle, De caelo, Vienna, Phil. graec. 100.jpg|vignette|upright=1.5|alt=Photographie en noir et blanc d'un texte comportant onze lignes manuscrites à l'encre noire, écrites en grec ancien ; un cercle entourant un triangle est dessiné au centre|Un passage du traité d’Aristote, ''[[Du ciel]]'' ({{Nobr|287 b}}). Manuscrit de la Bibliothèque nationale d’Autriche, Vienne (Phil. graec. 100).]]
Le ''Timée'' n’a pas cessé d’inspirer philosophes et savants à travers l’histoire. Dans l’Antiquité, dès sa publication, l’ouvrage suscite d’intenses débats philosophiques{{sfn|Gysembergh 2013|p=620|id=vg}} ; il occupe une place prépondérante au sein même de l’[[Académie de Platon]] où les disciples le tiennent pour l’œuvre capitale du maître{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=3|id=ar}} : [[Speusippe]] et [[Xénocrate]] en discutent de nombreux passages, et [[Crantor (philosophe)|Crantor]] en rédige un commentaire. Au témoignage de [[Plutarque]]<ref group="A">[[Plutarque]], ''De an. procr.'', {{Nobr|4, 1013 e}}.</ref>, jusqu’au {{-s|I}}, on interpréta la génération du monde par Platon comme une façon [[Métaphore|métaphorique]] de faire comprendre les éléments qui le constituent et le rapport entre la cause, les Idées et la matière ; cette interprétation était très répandue dans l’[[Académie de Platon|Académie ancienne]], avec [[Speusippe]] et [[Xénocrate]]<ref>{{Article|auteur=Federico M. Petrucci|titre=Le témoignage du deuxième livre du ''Commentaire au Timée'' de Proclus sur la forme des arguments médio-platoniciens au sujet de la genèse du monde|périodique=Revue des Études Grecques|tome=127|numéro=2|date=2014|passage=338|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_2014_num_127_2_8354}}</ref>. [[Aristote]] cependant est le premier partisan d’une interprétation littérale de la cosmogonie du ''Timée''. La cosmologie du Stagirite dans son traité ''[[Du ciel]]'' prouve à quel point elle est redevable à celle du ''Timée'', mais il s’y développe aussi une critique constante contre ce dialogue de Platon qui y est explicitement nommé<ref name="jae"/>. Elle apporte ainsi quelques éléments d’information sur le monde de spéculations physiques et astronomiques que constituaient les discussions au sein de l’Académie<ref name="jae">{{Ouvrage|auteur=[[Werner Jaeger]]|traducteur=Olivier Sedeyn|titre=Aristote|sous-titre=Fondements pour une histoire de son évolution|éditeur=L’Éclat|année=1997|passage=137-155 et 308-318|isbn=9782841-620142}}.</ref>.

Les questions se posaient parmi les philosophes et les astronomes grecs de savoir {{citation|si le cosmos a été créé ou non, et s’il est périssable ou indestructible}}<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Du ciel]]'', {{Nobr|I, 9, 279 a}}.</ref>, si le monde est fini ou infini et s’il n’en existe qu’un seul ou une pluralité<ref name="jae"/>. La critique qu’Aristote se soucie le plus de souligner, sans pour autant s’éloigner de Platon, c’est l’abandon du monde invisible des Idées érigé dans le ''Timée'' en modèle du cosmos visible, et la doctrine de la création de l’Univers par le démiurge{{sfn|Bos 2009|p=50|id=ab}}. La conception platonicienne d’un cosmos éternel (c’est-à-dire qui ne sera pas détruit en raison de la perfection de sa composition et de la volonté immuable de son auteur){{sfn|Baltes 1976|p=5-6|id=jm}} mais qui a eu un commencement, est rejetée par Aristote à la fois dans son traité ''Sur la philosophie'' et dans le premier livre ''Du ciel''<ref group="A">[[Aristote]], ''[[Du ciel]]'', {{Nobr|I, 10, 280 a}}.</ref>. Pour lui, rien de ce qui est « ''engendré'' » ne saurait être « ''indestructible'' » ; par conséquent le monde n’a pas eu de naissance, il est un, éternel (c’est-à-dire sans commencement ni fin) et fini. Au Dieu-producteur platonicien, Aristote opposera plus tard un Dieu-générateur ({{grec ancien|γενέτωρ}})<ref group="A">[[Aristote]], ''De Mundo'', {{Nobr|6, 397 b et 399 a}} ; ''[[Génération des animaux]]'', {{Nobr|I, 2, 716 a}}.</ref> qui engendre la vie en vertu de la [[reproduction sexuée]]{{sfn|Bos 2009|p=52|id=ab}}. La théorie du mouvement circulaire continu que Platon attribue à la cause immatérielle de l’[[Anima mundi|Âme du monde]] suscita également nombre de débats dans l’Académie. Les plus sérieuses objections vinrent des calculs nouveaux et précis entrepris par l’école d’[[Eudoxe de Cnide|Eudoxe]] et par [[Philippe d'Oponte]] sur la taille et la distance du Soleil, de la Lune et des autres corps célestes : ces calculs rendirent insoutenable la doctrine de la sphère du feu dans les cieux supérieurs, et ruinèrent en conséquence la théorie platonicienne de la transformation réciproque des éléments<ref name="jae"/>. La volonté d’Aristote s’attacha dès lors à expliquer tous les phénomènes du mouvement par les lois naturelles de la matière, en élaborant une physique cosmique sans âmes des astres et sans interventions mythiques, non pas dans un esprit de polémique, mais afin de parvenir à une meilleure connaissance<ref name="jae"/>.

À la même époque, les [[stoïcisme|stoïciens]], [[Épicure]], et les [[Atomisme|atomistes]] étudient le ''Timée'' et le commentent : grâce à ces philosophes, le ''Timée'' a contribué à maintenir l’intérêt pour les sciences du ''[[quadrivium]]'' durant toute l’Antiquité et au-delà{{sfn|Vitrac 2006|p=12|id=bv}}.

=== La fortune du ''Timée'' ===
Les raisons de l’influence ininterrompue, voire de l’engouement suscité par le ''Timée'' sont en partie liées à la difficulté du texte, qui a pu laisser croire qu’il serait l’expression d’une sagesse mystérieuse et cachée, synthèse des connaissances des [[École pythagoricienne|Pythagoriciens]]{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=4|id=ar}}. Elles tiennent aussi à son aspect d’encyclopédie, riche d’un savoir varié, qui a séduit les savants du [[Moyen Âge]] toujours soucieux de composer une somme des connaissances humaines, et qui a permis de féconder jusqu’à nos jours les domaines les plus divers de la philosophie et des sciences.

==== À l'époque du médio-platonisme ====
À l’automne 45 {{av JC}}, [[Cicéron]] fait du ''Timée'' une traduction en latin dont il reste des fragments importants<ref group=A>{{Lien web|titre=Fragments du ''Timée'' de Platon traduit par Cicéron|lire en ligne= http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/timee.htm}}</ref> ; cette traduction n’a exercé que peu d’influence, si l’on excepte la lecture qu’en a sans doute faite [[Augustin d'Hippone|saint Augustin]] avant 400<ref>{{article|auteur=[[Guy Rachet]]|titre=Saint-Augustin et les ''Libri Platonicorum''|périodique=Bulletin de l'Association Guillaume Budé|numéro=3|date=octobre 1963|page=341|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1963_num_1_3_4043}}.</ref>. À partir du début du {{-s-|I}}, une nouvelle forme philosophique se diffuse dans l’[[empire romain]], celle de l’[[exégèse]] et du commentaire, qui permet de transformer les doctrines des [[dialogues de Platon]] en un système cohérent capable de rivaliser avec le [[stoïcisme]] et l’[[aristotélisme]]. C’est le ''Timée'' qui détient la prépondérance absolue dans l’exégèse médio-platonicienne, avec des ''Commentaires'' directs à ce dialogue ou des traités philosophiques portant sur un de ses thèmes, comme on le voit dans l’œuvre de [[Numénios d'Apamée|Numenius]], ''Sur le bien'', ou le ''De Iside et Osiride'' de [[Plutarque]]{{sfn|Petrucci|2014|p=334|loc=|id=}}. Ce dernier en fait aussi un commentaire partiel dans son ''De animæ procreatione in Timæo Platonis'', défendant l’interprétation littérale de la cosmogonie platonicienne. Parmi la quantité considérable d’œuvres exégétiques de formes diverses publiées à cette époque, on connaît les commentaires d’[[Atticus le Platonicien|Atticus]], de Sévère et de [[Taurus de Béryte|Taurus]], ou les œuvres d’[[Harpocration d'Argos|Harpocration]] et d’[[Alcinoos (philosophe)|Albinus]]{{sfn|Petrucci|2014|p=334|loc=|id=}}. Auteur d’une ''Introduction aux dialogues de Platon'' ou ''Prologos'', et d’un manuel intitulé ''Didaskalikos Logos'', Albinus a joué, indirectement, un rôle important au [[siècle des Lumières]], puisque son interprétation de la philosophie de Platon est celle qu’adopte d’abord l’historien allemand [[Johann Jakob Brucker]] et à sa suite, celle développée par [[Diderot]] et [[Jean Le Rond d'Alembert|d'Alembert]] dans l’''[[Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers|Encyclopédie]]'' : elle détermina ainsi l’idée que le {{s|XVIII}} devait se faire de la philosophie de Platon<ref>{{Article|auteur=Ada Babette Neschke-Hentschke|titre=La transformation de la philosophie de Platon dans le ''Prologos'' d'Albinus|périodique=Revue Philosophique de Louvain|tome=89, Quatrième série|numéro=82|date=1991|passage=165|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1991_num_89_82_6678}}</ref>.
À la fin du {{s|II}}, le médecin [[Claude Galien]] étudie attentivement la partie du ''Timée'' consacrée à la physiologie et à la médecine ; il consacre à ce dialogue deux ouvrages, les ''Commentaires'' ({{grec ancien|Ὑπομνήματα}}) en quatre livres et une ''Synopse'', que le [[syriaque]] [[Hunayn ibn Ishaq]] traduit partiellement au {{s-|IX}}<ref>{{Article|auteur1=[[André-Jean Festugière]]|auteur2=R. M. Tonneau|titre=Le ''Compendium Timaei'' de Galien|périodique=Revue des Études Grecques|tome=65|numéro=304-305|date=Janvier-juin 1952|page=97-98|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1952_num_65_304_3262}}.</ref> ; Galien contribue ainsi à inspirer la médecine du monde oriental et du [[Médecine médiévale dans l'Occident chrétien|monde latin]]. Parmi les [[Époque hellénistique|Alexandrins]] qui vouent un culte particulier au ''Timée'', l’astronome et mathématicien [[Ératosthène]] propose une explication de la théorie de l’Âme du monde selon Platon{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=42|id=ar}}.

==== Interprétations chrétiennes du ''Timée'' ====
Dès l’[[Empire romain|époque impériale romaine]] et jusqu’au début de l’[[Antiquité tardive]], les débats sur la cosmologie sont largement déterminés par les commentaires du ''Timée''. C’est l’un des dialogues de Platon les plus lus dans la [[patristique]] grecque, parfois par l’intermédiaire des auteurs juifs dont l’influence sur la lecture chrétienne de cette œuvre n’est pas négligeable{{sfn|Morlet 2008|p=91|id=sm}}.

Un passage du ''Timée'' ({{Nobr|28 c}}), important pour les premiers chrétiens, était souvent cité, tant par des auteurs juifs comme [[Philon d'Alexandrie]] et [[Flavius Josèphe]]<ref group="A">Philon d’Alexandrie, ''De specialibus legibus'', {{Nobr|I, 32, 50}} ; Flavius Josèphe, ''[[Contre Apion]]'' {{Nobr|II, 167-169}}.</ref>, que par des chrétiens comme [[Maxime de Tyr]]<ref group="A">[[Maxime de Tyr]], ''Dissertations'', {{Nobr|XI, 9}}.</ref> : {{Citation|Il est difficile, écrit Platon, de découvrir l’auteur et le père de cet Univers, et quand on l’a découvert, il est impossible de le divulguer à tous}}. Cette formule est considérée par les philosophes du [[moyen-platonisme]] puis de l’[[Antiquité tardive]] comme le témoignage de la nature inconcevable et ineffable de Dieu ; cette exégèse traditionnelle mais à contresens a ensuite été reprise par plusieurs auteurs chrétiens. Selon le mot de Sébastien Morlet, {{Citation|la lecture chrétienne de ce texte illustre parfaitement la réception ambivalente de Platon dans le christianisme ancien, tantôt loué pour s’être approché de la vérité et tantôt dénoncé pour ne pas s’en être assez approché{{sfn|Morlet 2008|p=99|id=sm}}}}. Pénétré de platonisme, [[Clément d’Alexandrie]] proclame la nécessité de la culture grecque ; il en adopte le programme d’éducation, l’idéal moral et la dialectique, en accordant à la philosophie grecque une importance égale à celle des Écritures de l’[[Ancien Testament]] et il justifie cette conviction par l’idée que les philosophes ont pillé l’enseignement de [[Moïse]] et des [[Prophètes (Bible)|prophètes]]<ref>{{Article|auteur=Eugène de Faye|titre=De l'Originalité de la philosophie chrétienne de Clément d'Alexandrie|périodique=École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1919-1920|date=1918|page=15|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1918_num_32_28_19960}}</ref>. D’une manière générale, les savants chrétiens s’attachent avec ardeur au ''Timée''{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=3|id=ar}} : parmi les [[Pères de l'Église]], ce sont notamment [[Basile de Césarée]] et [[Grégoire de Nysse]] qui y découvrent en germe le dogme de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]]{{sfn|Saint-Sernin|2013|p=1821|id=bss}}. L’hypothèse, formulée par Platon, de l’origine du monde qui serait né ({{grec ancien|γέγονεν}}, {{Nobr|28 b}}) est interprétée dans le sens du récit biblique de la [[Création (Bible)|Création]] {{latin|ex nihilo}}{{sfn|Morlet 2008|p=91|id=sm}}. Le [[Livre de la Genèse]] et le ''Timée'', rapprochés par [[Eusèbe de Césarée]] et les Pères de l’Église, sont dès lors comptés au nombre des ouvrages fondateurs de la pensée occidentale{{sfn|Hadot 1983|p=118|id=ph}}.

==== Du néoplatonisme au Moyen Âge ====
[[Fichier:Timaeus trans calcidius med manuscript.jpg|vignette|gauche|upright=1.5|alt=Photographie en couleurs de deux pages jaunies d'un texte manuscrit à l'encre noire comportant des illustrations de figures géométriques colorées|''Timée'', traduit en latin par [[Chalcidius]], vers le {{s-|IV}}. Manuscrit du {{s-|X}}.]]

Dans l’[[Antiquité tardive]], [[Plotin]] (205-270) se donne pour tâche de reprendre tous les enseignements de Platon pour les expliquer à ses disciples, et ses traités portent la marque d’une profonde influence du ''Timée'' ; mais il n’hésite pas aussi à attaquer la conception du démiurge de Platon vu comme un artisan, à en répudier d’autres, et à élaborer ainsi sa propre doctrine en cosmologie, en psychologie et en métaphysique : il devient le fondateur du [[néoplatonisme]]<ref>{{Article|auteur=Richard Dufour|titre=Tradition et innovations : le ''Timée'' dans la pensée plotinienne|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|page=235-236|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1072}}</ref>. Son élève, [[Porphyre de Tyr|Porphyre]], auteur d’un ''Commentaire au Timée'', joue un rôle fondamental comme source de [[Proclus]] pour son propre ''Commentaire'' sur ce dialogue{{sfn|Petrucci|2014|p=339|loc=|id=}}. Proclus se réfère aux lectures d’Albinus, de Plotin, de Porphyre, de [[Syrianos]] et d’[[Atticus le Platonicien|Atticus]], mais aussi au ''Commentaire'' de [[Jamblique]]. Tenant compte des désaccords interprétatifs entre tous ces philosophes, il étudie en particulier le débat qui portait sur le statut ontologique du Démiurge, son rapport avec les Idées et leur produit ; la question de savoir si le Démiurge existait aussi avant le moment de la création soulevait la thèse d’un temps pré-cosmique{{sfn|Petrucci|2014|p=350-352|loc=|id=}}. Grâce au ''Timée'' et au ''[[Parménide (Platon)|Parménide]]'', Proclus va réaliser la synthèse de ces questions métaphysiques qui ont agité le [[néoplatonisme]] tardif, en inaugurant une création originale, {{citation|ce qu’il faut bien appeler la théologie comme science}}, selon le mot de [[Luc Brisson]]<ref>{{Chapitre|auteur1=Luc Brisson|titre chapitre=Platonisme|titre ouvrage=Le Savoir grec|auteurs ouvrage=[[Jacques Brunschwig]] et Geoffrey Lloyd|éditeur=Flammarion|année=1996|page=977.}}</ref>.

Aux {{s2-|VI|e|VII}}, le ''Timée'' de Platon est connu grâce à la traduction latine effectuée par [[Chalcidius]] vers la fin du {{s-|IV}} : des copies de cette traduction sont attestées en Gaule-[[Francie]] et en [[Hispanie]]<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Michel Huglo]]|titre=La réception de Calcidius et des ''Commentarii'' de Macrobe à l’époque carolingienne|tome=''Scriptorium'' 44/I|passage=5|année=1990}}.</ref>. Dès l’[[Carolingiens|époque carolingienne]], c’est dans cette traduction latine de Chalcidius, seul texte alors accessible, que le ''Timée'' est étudié dans l’Occident médiéval ; bien que partielle (elle couvre seulement les lignes {{Nobr|27 à 53 c}}), elle est accompagnée d’un riche commentaire visant à éclairer ce texte difficile. Elle se diffuse dans plusieurs centres monastiques, comme l’abbaye bénédictine de [[Fulda]] en Allemagne, ou l’[[Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire|abbaye de Fleury]] dans le Val de Loire ; elle est connue des grands intellectuels qui fréquentent le cercle d’[[Alcuin]], le savant directeur de l’[[École palatine]] à [[Aix-la-Chapelle]], ainsi que des philosophes [[Jean Scot Érigène]] et Gerbert d’Aurillac, futur pape sous le nom de [[Sylvestre II]]{{sfn|Bakhouche 2012|p=347-349|id=bb}}. Le passage du ''Timée'' ({{Nobr|35 b-36 b}}) relatif à la création de l’âme du monde construite selon des rapports musicaux est utilisé conjointement avec le traité de l’''Institution musicale'' de [[Boèce]]. Les savants médiévaux sont ainsi conduits à concevoir la notion de [[musique des sphères]] : elle intéresse non seulement un théoricien de la musique comme [[Hucbald de Saint-Amand]] mais elle engage même les musiciens médiévaux à faire coïncider leur pratique avec la théorie platonicienne, grâce à l’adoption d’une [[échelle musicale]] constituée sur le modèle des [[diagramme]]s établis par Chalcidius : {{citation|Elle sera utilisée dans toutes les mesures d’[[organistrum]], dans les mesures de [[Tuyau d'orgue|tuyaux d’orgue]] et parfois dans les mesures de cloches}}{{sfn|Bakhouche 2012|p=358|id=bb}}.

Aux {{s2-|XI|e|XII}}, les savants et les théologiens juifs, musulmans et chrétiens, en particulier les théologiens de l’[[École de Chartres]] commentent le ''Timée'' d’après cette traduction latine de [[Chalcidius]], et le citent{{sfn|Saint-Sernin|2013|p=1821|id=bss}}. Les philosophes chartrains essaient de concilier la cosmogonie du ''Timée'' avec le [[Livre de la Genèse]]. Ils sont particulièrement intéressés par la notion de ''cosmos'', cette harmonie de la nature {{incise|où ils voient une {{Latin|iustitia naturalis}}}} qui doit servir de modèle pour établir la paix dans l’âme humaine et dans la société{{sfn|Gregory 1981|p=676|id=tg}} {{incise|la {{Latin|iustitia positiva}}}}. Mais la faveur dont jouissent les conceptions de Platon sur la nature, inconnues des Pères de l’Église, inquiètent certains théologiens comme [[Adalbold II d'Utrecht]] et [[Manegold de Lautenbach]] : bien que sans parti-pris contre le philosophe grec dont ils reconnaissent les mérites, ils redoutent l’idée d’une physique païenne, soustraite à l’influence de l’[[Évangile]], et qui prétendrait expliquer rationnellement l’origine de l’homme et du monde{{sfn|Gregory 1981|p=676|id=tg}}. À Chartres, où fleurit le culte de Platon, le maître [[Guillaume de Conches]] commente systématiquement la traduction de Chalcidius, en particulier pour le domaine arithmétique et musical{{sfn|Bakhouche 2012|p=351-354|id=bb}}. Il rédige des ''Gloses sur le Timée'', où il élabore une herméneutique et propose un parallèle entre l’Âme du monde selon Platon et le [[Saint Esprit]], ajoutant prudemment à propos du philosophe grec : {{citation|Si l’on considère, au-delà des mots, la pensée même de l’auteur, non seulement on ne trouvera pas d’hérésie, mais on découvrira une très profonde philosophie cachée sous l’enveloppe des mots<ref>{{Article|auteur=Michel Lemoine|titre=Guillaume de Conches, premier philosophe moderne ?|périodique=Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France|numéro=1997|date=2001|page=125|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_2001_num_1997_1_10175}}.</ref>}}. C’est encore à la cosmologie du ''Timée'' et à la doctrine platonicienne des Idées qu’il faut se référer si l’on veut comprendre la position d’un autre maître, [[Bernard de Chartres]], et celle de [[Pierre Abélard]] sur le problème des [[universaux]]<ref>{{Article|auteur=[[Étienne Gilson]]|titre=Le platonisme de Bernard de Chartres|périodique=Revue néoscolastique de philosophie|volume={{XXVe}} année|numéro=97|date=1923|page=10|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/phlou_0776-555x_1923_num_25_97_2330}}</ref>. L’argumentation d’Abélard atteste qu’il connaît le démiurge du ''Timée'', la conception platonicienne de l’[[Noûs|Intellect]] et la [[théorie des formes]] à travers la présentation qu’en a donnée [[Macrobe]] dans son ''[[Commentaire au Songe de Scipion]]''. Sa théologie chrétienne, où la notion de [[Souverain Bien]] occupe une place centrale, est toute imprégnée de platonisme ; pour avoir voulu expliquer rationnellement le mystère de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]], et avoir voulu soumettre la religion et la morale à l’exercice de sa puissante dialectique plutôt qu’à la foi, Abélard est finalement condamné en 1140 au [[concile de Sens]]<ref>{{Article|auteur=[[Gilbert Boss]]|titre=Le combat d'Abélard|périodique=Cahiers de civilisation médiévale|volume={{31e}} année|numéro=121|date=Janvier-mars 1988|pages=17-27|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1988_num_31_121_2395}}.</ref>.

Durant les deux siècles suivants, tenus pour l’âge des ténèbres en matière d’hellénisme, la référence à Platon ne se rencontre plus que chez de rares lettrés comme [[Albert le Grand]] ou le poète [[Dante Alighieri|Dante]]. Au chant IV du ''Paradis''<ref>[[Dante]], ''[[Divine Comédie]]'', ''[[Paradis (Divine Comédie)]]'', vers {{Nobr|22-24 et 49-63}}.</ref>, l’auteur de la ''[[Divine Comédie]]'', s’interroge sur la doctrine platonicienne de l’âme humaine et le séjour des Bienheureux. Quelle est la signification de ces {{citation|âmes semées dans les instruments du Temps}} par le démiurge, dont parle Platon dans le ''Timée''<ref group="A">Platon, ''Timée'', {{Nobr|41 d-e - 42 b}}.</ref>, et qui, après leur mort, retourneraient dans les astres, après une vie vécue ici-bas dans la justice ? La voix de [[Béatrice Portinari|Béatrice]] suggère au poète que peut-être, il faut entendre Platon non dans un sens littéral mais dans un sens métaphorique. Elle lui enseigne que {{citation|mal entendu, ce principe [i.e. de Platon] égara presque tout le monde}} qui y vit les divinités nommées Jupiter, Mercure et Mars<ref>Dante, ''La Divine Comédie'', tome troisième, ''Paradis'', Traduction [[André Pératé]], édition Jean de Bonnot, 1972, {{p.|34}}.</ref>.

==== Influence dans les temps modernes ====
Au {{s-|XV}}, une délégation [[Empire byzantin sous les Paléologue|byzantine]] venue de [[Constantinople]] en Italie pour participer au [[Concile de Florence|concile de Florence-Ferrare]] en 1437 suscite un intérêt accru pour l’œuvre de Platon et particulièrement pour le ''Timée'' dont la doctrine {{citation|rencontrait manifestement les aspirations de bon nombre d’esprits déconcertés par un contexte culturel, politique et ecclésial difficile}}{{sfn|Counet|p=5|id=jmc}}. On le constate dans les œuvres de deux des participants à ce concile, [[Gémiste Pléthon]] et [[Nicolas de Cues]]. Pléthon défend résolument la supériorité de la conception platonicienne de Dieu, de la genèse du monde et de la cosmologie mathématique du ''Timée'', jugées nettement supérieures théologiquement à la conception aristotélicienne{{sfn|Counet|p=5|id=jmc}}. Nicolas de Cues estime lui aussi que les conceptions développées dans le ''Timée'' peuvent s’accorder avec le christianisme, moyennant certaines adaptations doctrinales : le livre de la nature est bien écrit en langage mathématique, et grâce aux arts libéraux du [[quadrivium]], l’homme a la capacité de comprendre en partie les relations entre les choses, même si Dieu seul possède la clef définitive de l’Univers{{sfn|Counet|p=6|id=jmc}}; dans son ouvrage, ''La Docte Ignorance'', Nicolas de Cues récuse la doctrine platonicienne des trois principes de l’acte créateur {{incise|démiurge, modèle intelligible, matière primordiale informe}} au profit de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]], en qui se rassemble toute la causalité de la création ''[[ex nihilo]]''. Il rejette également la théorie de l’Âme du monde, incompatible avec sa propre conception d’un univers infini (le centre est partout, la circonférence nulle part), et indéfini (c’est-à-dire non doté d’une forme){{sfn|Counet|p=14|id=jmc}}.

L’intérêt pour le ''Timée'' s’accroît bientôt grâce au travail de l’[[Humanisme de la Renaissance|humaniste]] florentin, [[Marsile Ficin]], qui rédige en 1483 et 1484 un ''Commentaire sur le Timée'' ({{latin|Compendium in Timæum}}) avec, pour la première fois, la traduction intégrale de ce dialogue en latin<ref>{{Article|auteur=Caroline Combronde|titre=Lectures du ''Timée'' à la Renaissance|périodique=Les Études classiques|numéro=71|date=2003|pages=107-121|lire en ligne=http://lesetudesclassiques.be/index.php/lec/article/download/177/171}}</ref>. Dans l’interprétation de Ficin, la figure centrale du démiurge donne sens à la théorie de l’homme créateur complétant l’œuvre divine ; cette synthèse unique entre la pensée médiévale, l’héritage religieux et le platonisme grec, exerce une influence considérable et devient l’interprétation définitive adoptée par la [[Renaissance italienne|Renaissance]]. Dans cette traduction latine qui occupe une place de choix dans la bibliothèque des clercs, le ''Timée'' influence alors toute la culture occidentale, alimentant les débats théologiques sur le Verbe incarné, l’[[immanence]] au monde et la [[transcendance]] de Dieu{{sfn|Counet|p=19|id=jmc}}. Astronomes et mathématiciens tâchent de pénétrer le sens caché des passages relatifs à l’[[Âme du monde]]{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=4|id=ar}}.
[[Fichier:Timaeus stephanus pages 32 33.jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc de deux pages d'un texte imprimé, extraites d'un incunable du {{s-|XVI}}|Le ''Timée'' traduit en latin dans l’[[édition originale]] d’[[Henri Estienne]], [[1578]], et accompagné du texte grec.]]
C’est bientôt dans le texte original que les savants vont lire le ''Timée'' dont la première édition en [[Grec ancien|grec]] est publiée en {{Date|1513}} à Venise, grâce au travail attentif de l’érudit crétois, [[Marcus Musurus]], ami de [[Jean Lascaris]].

À la fin du {{s-|XVI}}, le fondateur de l’astronomie moderne, [[Johannes Kepler]], est influencé par la cosmologie et la physique mathématique du ''Timée'', de même que [[Galilée (savant)|Galilée]]{{sfn|Saint-Sernin|2013|p=1824|id=bss}} et [[René Descartes|Descartes]] dont la pensée présente bien des analogies avec celle de Platon{{sfn|Duhem 1913|p=40|id=pd}} ; en {{Date|1676}}, [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]] lit et médite le ''Timée'', tandis que, jusqu’au {{s-|XVIII}}, des savants essaient même de localiser l’[[Atlantide]]{{sfn|Rivaud 1949, Notice|p=28-29|id=ar}}. En France [[Voltaire]], hermétique à toute spéculation cosmologique et métaphysique, présente le philosophe grec, dans le conte intitulé ''[[Songe de Platon]]'', comme un rêveur de théories fumeuses.

En Allemagne, l’influence du ''Timée'' s’exerce sur nombre d’érudits, de philosophes et de [[Philologie|philologues]]. Parmi ces philosophes, [[Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling|Schelling]] puise très tôt dans l’œuvre de Platon auquel il doit beaucoup, et dont il emprunte encore la [[dialectique]] dans ses dernières œuvres ; selon le mot de [[Xavier Tilliette]], le ''Timée'' est {{citation|le dialogue platonicien sans doute le plus fascinant pour Schelling}}<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Xavier Tilliette]]|titre=Schelling|sous-titre=Une philosophie en devenir|tome=2|lieu=Paris|éditeur=Vrin|année=1970|passage=487.}}</ref>. En {{Date|1793}}-{{Date|1794}}, le jeune Schelling n’a que dix-huit ans lorsqu’il lit intensément le ''Timée'' dans le texte, le traduit, et rédige son propre commentaire au dialogue de Platon sous le titre ''Timæus''. Ce commentaire porte sur la seule section allant de {{Nobr|27 d à 53 b}}, la partie qui expose la genèse de l’univers<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Schelling : du ''Timée'' à la philosophie de la nature|auteur1=[[Franck Fischbach]]|auteur ouvrage=F. W. J. Schelling|titre ouvrage=Le Timée de Platon|préface=Alexandra Michalewski|éditeur=Presses Universitaires du Septentrion|année=2005|pages totales=141|passage=111-129|lire en ligne=https://books.openedition.org/septentrion/65039#text}}.</ref> ; Schelling s’intéresse en particulier aux trois entités platoniciennes des Formes intelligibles, des choses sensibles et du réceptacle. Il donne du ''Timée'' une interprétation historiquement très orientée, dans la ligne de l’[[idéalisme transcendantal]] de [[Emmanuel Kant|Kant]], et des débats post-kantiens : la relation entre l’[[Noûs|Intellect]] et la [[Ananké (mythologie)|Nécessité]] de Platon apparaît à Schelling comme la relation de la [[Forme (philosophie)|forme]] et de la matière de la connaissance<ref name="am">{{Chapitre|titre chapitre=Préface d’Alexandra Michalewski|auteur1=[[Franck Fischbach]]|auteur ouvrage=F. W. J. Schelling|titre ouvrage=Le Timée de Platon|préface=Alexandra Michalewski|éditeur=Presses Universitaires du Septentrion|année=2005|pages totales=141}}.</ref> ; la mise en ordre du chaos originel par le démiurge est conçue comme {{citation|l’opération de l’intellect qui unifie le divers de l’[[intuition]] dans l’unité d’une représentation<ref name="am"/>}}. Schelling n’a donc pas eu pour objectif d’expliquer le ''Timée'' ou de faire comprendre Platon pour lui-même, mais plutôt d’accumuler des notes de lecture pour nourrir sa propre réflexion, sur un texte considéré comme fondateur de l’[[Histoire de la philosophie (discipline)|histoire de la philosophie]]{{sfn|Fischbach|2005|p=|loc=|id=}}.

Au début du {{s-|XIX}}, les philosophes allemands débattent de la doctrine de Platon sur le fond. En 1804, le philosophe [[Karl Joseph Hieronymus Windischmann]] publie sa traduction du ''Timée'', où il voit {{citation|un authentique document de la vraie physique, et une œuvre splendide sur la nature des choses{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=376|id=jlvb}}}}, tandis que [[Johann Friedrich Herbart]], dans son essai ''De Platonici systematis fundamento commentario'' publié un an plus tard, rejette vivement cette présentation élogieuse, allant jusqu’à dénier toute valeur moderne à ce dialogue{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=377|id=jlvb}}. Dès 1804 [[Wilhelm Gottlieb Tennemann|Tennemann]], très bon connaisseur de Platon, lui consacre une monographie de {{unité|1200|pages}} et apporte la démonstration irréfutable du caractère apocryphe du ''Timée de Locres'' ; mais les philosophes [[Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling|Schelling]]{{sfn|Saint-Sernin|2013|p=1821|id=bss}} et [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] admettent encore l’hypothèse dépassée selon laquelle le dialogue de Platon serait {{citation|l’élaboration d’une œuvre conçue en propre par un Pythagoricien}}{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=378|id=jlvb}}. Les savants [[Friedrich August Wolf]] et [[August Böckh]] étudient les problèmes philologico-historiques soulevés par la composition du ''Timée''{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=379|id=jlvb}}. Quelques années plus tard, s’intéressant à son tour au ''Timée'', [[Friedrich Nietzsche]] formule l’hypothèse que [[Platon]] a incorporé ou retravaillé l’''Hermocrate'' et l’a ajouté aux textes des ''[[Les Lois|Lois]]''<ref>[[Friedrich Nietzsche]], ''Introduction à l’étude des dialogues de Platon'', {{p.|62}}, Éditions de l'Éclat, {{Date|1991}}.</ref>.

Sur le plan philosophique, c’est sur [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] que l’influence du ''Timée'' apparaît la plus forte. Il retient du ''Timée'' les questions qui sont, selon ses propres mots, {{citation|la base fondamentale}} ({{Allemand|die Grundlage}}) : la conception de Dieu, la proportion, la notion d’âme, la valeur du monde, le problème du temps et de l'espace{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=377|id=jlvb}}. Il reconnaît que Platon a eu, comme les néoplatoniciens, l’idée exacte de la vraie nature de Dieu et la prescience claire de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]] chrétienne{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=384|id=jlvb}}. Le concept platonicien d’âme du monde est à l’origine chez Hegel de la notion d’[[Esprit]] existant dans le monde ; elle signifie pour lui la supériorité de l’Esprit sur la matière{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=389|id=jlvb}} ; par son statut intermédiaire que Hegel a bien perçu, l’âme du monde représente l’intelligibilité du monde divin qui lie le Dieu trine à la nature multiple{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=391|id=jlvb}}. Il reconnaît aussi sa dette envers Platon sur l’idéalité du Temps et de l’espace qui ne peuvent être compris par rapport à la matière mais seulement par rapport au monde divin{{sfn|Vieillard-Baron 1976|p=392|id=jlvb}}.

Au {{s-|XX}}, [[Jacques Derrida]] constate le paradoxe et l’énigme que représente la ''khôra'' platonicienne : ce troisième genre d’être ne peut être approché que par {{citation|un raisonnement bâtard}}, constatait déjà Platon ({{Nobr|52 b}}). La ''khôra'' a obsédé Jacques Derrida depuis quasiment le début de son travail, dans ''La Pharmacie de Platon'' en {{Date|1968}}, jusqu’à la fin, dans ''Voyous'' publié en {{Date|2003}}, quelques mois avant sa mort{{sfn|Hernandez 2013|p=5|id=mh}}. Il traite de cette notion de manière approfondie dans ''Comment ne pas parler'' (''Psyché'', {{Date|1987}}) et ''Khôra'' ({{Date|1993}}). Dans cette dernière œuvre, il insiste sur la nécessité de {{citation|laisser le nom de ''khôra'' à l’abri de toute traduction}} et de supprimer l’article défini qui {{citation|présuppose l’existence d’une chose, l’[[étant]] ''khôra'', auquel, à travers un nom commun, il serait facile de se référer<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Jacques Derrida]]|titre=Khôra|lieu=Paris|éditeur=Galilée|année=1993|passage=23 et 29-30.}}</ref>.}} En {{Date|1985}}, la comparaison, faite par Platon, de la ''khôra'' avec le tamis de vannage de l’agriculteur devient le motif central d’une correspondance entre le philosophe et l’architecte [[Peter Eisenman]] à propos d’un projet qui avait précisément pour nom ''Choral Work''. Faisant allusion à cette comparaison, Derrida avouait son [[aporie]] : {{citation|Ce passage est dans le ''Timée'' aussi erratique (me semble-t-il), difficilement intégrable, privé d’origine et de ''telos'' manifeste que cette pièce que nous avons imaginée par notre ''Choral Work''<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Jacques Derrida]]|titre=Psyché|lieu=Paris|éditeur=Galilée|année=1987|passage=502.}}</ref>.}}

==== Philosophes et scientifiques du {{s-|XX}} ====
{{Article détaillé|Orbitale atomique}}
Au {{s-|XX}}, sept personnalités de premier plan, versées à la fois en philosophie, en mathématique, en [[physique théorique]] et [[Physique quantique|quantique]], ont montré à quel point les intuitions du ''Timée'' de Platon pouvaient inspirer leurs propres travaux, et même servir l’unité de la connaissance.

En {{Date|1929}}, le mathématicien, [[Logique|logicien]] et métaphysicien [[Alfred North Whitehead]] déclare que le ''Timée'' revêt la même importance scientifique que le ''Scholium'' ajouté par [[Isaac Newton]], en {{Date|1687}}, à ses ''[[Philosophiae Naturalis Principia Mathematica|Principia]]''<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=[[Alfred North Whitehead]]|titre=Process and Reality, Part II, chap. II|lieu=New York|éditeur=The Free Press|année=1978|passage=71|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=uJDEx6rPu1QC&printsec=frontcover&dq=Process+and+reality&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi1lOS3g-juAhVwUhUIHZgLBgIQ6AEwAHoECAUQAg#v=onepage&q&f=false}}.</ref> ; ces deux ouvrages, le ''Scholium'' et le ''Timée'', constituent les plus grands textes cosmologiques{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1822|id=bss}}, et sont aussi {{citation|ceux qui ont exercé l’influence la plus profonde sur la pensée occidentale}}{{sfn|Whitehead|1978|p=93|loc=|id=}}. Le paradoxe de ce jugement s’explique : la physique du {{s-|XX}}, [[Relativité restreinte|relativiste]] et [[Théorie quantique|quantique]], accorde en effet un nouveau rôle aux [[Nombre entier|nombres entiers]] en raison du [[quantum]] d’action mécanique de [[Max Planck|Planck]] : à l’opposé du [[Calcul infinitésimal|calcul différentiel et intégral]] de [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]] et de son célèbre {{citation|{{Latin|[[Principe de continuité|Natura non facit saltus]]}}}}, la physique quantique introduit une sorte de nouveau pythagorisme<ref name="Dum">{{Lien web|auteur=[[Jean-Claude Dumoncel]]|titre=Lautman, Platon et Whitehead|lire en ligne=https://www.academia.edu/37330426/Lautman_Platon_et_Whitehead}}.</ref>, après celui qui a inspiré Platon<ref group="note">[[Pythagore]] et le mathématicien de haut niveau [[Archytas de Tarente]] se sont intéressés aux proportions numériques appliquées aux intervalles musicaux, et à la structure mathématique du cosmos. Le nom de Pythagore est associé à la découverte du fait que les consonances d’octave, de quarte et de quinte peuvent être exprimées par des rapports des [[Nombre entier|nombres entiers]], {{Nobr|1, 2, 3 et 4}} : ces rapports, qui sont respectivement {{Nobr|1/2, 3/4 et 2/3}}, correspondent à la longueur de cordes vibrantes. Au {{s-|XVII}}, [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]] et [[Isaac Newton|Newton]] contribuent à la découverte du calcul différentiel et intégral, et ces mathématiques classiques, qui utilisent des [[Nombre réel|nombres réels]], considèrent des grandeurs et des fonctions [[Principe de continuité|continues]]. Or, si la réalité du monde physique semble [[Mécanique des milieux continus|continue]] à l’échelle humaine {{incise|ce que traduit la formule de Leibniz selon laquelle {{citation|la nature ne fait pas de saut}}}}, à l’échelle [[Nanomètre|nanométrique]], cette réalité s’est révélée discontinue. Ainsi, les [[Orbitale atomique|orbitales des électrons]] autour du noyau atomique manifestent des comportements discontinus ; ces orbitales sont caractérisées par des [[Nombre quantique|nombres quantiques]], qui sont des nombres entiers ; elles ne peuvent donc pas être décrites par les lois mathématiques de Newton, et les nombres réels ne s’appliquent plus. C’est en ce sens que la mécanique quantique, découvrant des relations analogues entre, d’une part, les fréquences des ondes sonores et les nombres entiers, et d’autre part les orbitales des électrons dans l’atome, exprimées elles aussi par des nombres entiers, a renouvelé l’intérêt porté à [[Tétractys|Pythagore]] et aux théories pythagoriciennes du ''Timée'' de Platon.</ref>. Whitehead reconnaît la vitalité de la philosophie platonicienne en général et l’importance capitale de sa contribution à l’histoire de la pensée occidentale. Dans sa « [[philosophie du processus]] » (en {{lang-en|''Process Thought''}}), les axes majeurs de son propre système que sont « Dieu, les Objets éternels, la Créativité », sont explicitement mis en parallèle, respectivement avec les concepts platoniciens du Démiurge, des [[Théorie des formes|Idées]], et de la ''[[Chôra|Khôra]]'' (ou réceptacle), présentés dans le ''Timée''<ref>{{Lien web|auteur=Jean-Michel Counet|titre=Whitehead et la philosophie ancienne|url=https://www.academia.edu/8603323/Whitehead_et_la_philosophie_ancienne|site=academia.edu|page=33|format=pdf}}.</ref>.

Le lauréat du [[prix Nobel de physique]] {{Date|1932}} et l’un des fondateurs de la [[mécanique quantique]], [[Werner Heisenberg]], lit le ''Timée'' quand il fait son service militaire à Munich{{sfn|Saint-Sernin 2013|p=1822|id=bss}}. Dès {{Date|1937}}, il publie un article sur la [[philosophie grecque]], approfondissant le monde des [[Théorie des formes|Idées]] de Platon et puisant quelques réflexions chez les [[présocratiques]]<ref>{{Article|langue=de|auteur=[[Werner Heisenberg]]|titre=Gedanken der Antiken Naturphilosophie in der modernen Physik|périodique=Die Antike|volume=XIII|date=1937|pages=118-124}}.</ref> ; dans ces sources antiques, il recommande de {{citation|prendre aux Grecs leur principe de pensée et leur façon de poser la question de principe. À l’origine de la culture occidentale, écrit-il, on trouve cette relation étroite, établie par les Grecs, entre l’énoncé du questionnement à partir des principes et la pratique empirique<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Werner Heisenberg]]|titre=La nature dans la physique contemporaine|lieu=Paris|éditeur=Gallimard N.R.F.|année=1962|pages totales=191|passage=61-78}}.</ref>}} ; il met aussi à profit la notion aristotélicienne de [[Puissance et acte|puissance]], et rejoint Platon dans sa modélisation mathématique des corpuscules élémentaires : {{citation|Les particules élémentaires dans le ''Timée'' de Platon, sont finalement non de la substance mais des formes mathématiques. La formule “Toute chose est nombre” est attribuée à Pythagore. Les seules formes mathématiques dont on disposait à l’époque étaient des formes géométriques comme les solides réguliers ou les triangles définissant leur surface ; en [[Théorie des quanta|théorie quantique]] actuelle, il ne peut y avoir de doute que les particules élémentaires seront également pour finir des formes mathématiques<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Werner Heisenberg]]|titre=Physique et philosophie|éditeur=Albin Michel|année=1961|pages totales=288|passage=71 et 129|isbn=978-2226050502}}.</ref>.}}

Entre {{Date|1935}} et {{Date|1939}}, le mathématicien et philosophe [[Albert Lautman]], {{citation|un des philosophes les plus inspirés de ce siècle}}, selon le mot de [[Jean Petitot (philosophe)|Jean Petitot]]{{sfn|Petitot 1987|p=80|id=jp}}, veut construire une philosophie des sciences directement [[métaphysique]]. Il est authentiquement platonicien dans sa conception de la participation du [[Sensible (philosophie)|Sensible]] à l’Intelligible et sa référence immédiate aux [[Théorie des formes|Idées]] ; pour lui, {{citation|le rapprochement de la métaphysique et des mathématiques n’est pas contingent mais nécessaire{{sfn|Petitot 1987|p=82|id=jp}}.}} L’être mathématique, écrit-il, {{citation|n’est pas sans analogie avec un être vivant<ref>{{Article|auteur=Catherine Chevalley|titre=Albert Lautman et le souci logique|périodique=Revue d'histoire des sciences|tome=40, Mathématique et philosophie : Jean Cavaillès et Albert Lautman|numéro=1|date=1987|pages=59|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1987_num_40_1_4487}}.</ref>}}, et les théories mathématiques et physiques sont comme des structures organisatrices douées d’harmonie, d’autonomie et de vie. Les créations mathématiques doivent être lues, selon lui, comme des approfondissements d'oppositions dialectiques au sens platonicien entre des contraires tels que le Même et l'Autre, le Continu et le Discontinu, l'Essence et l'Existence, le Fini et l’Infini{{sfn|Chevalley|1987|p=64|loc=|id=}}. {{citation|Les théories mathématiques participent à une réalité idéale qui est dominatrice par rapport à la mathématique.}} Mais ces Idées {{citation|ne sont pas des modèles dont les êtres mathématiques ne seraient que des copies}}<ref>{{ouvrage|auteur=[[Albert Lautman]]|titre=Nouvelles recherches sur la structure dialectique des mathématiques|lieu=Paris|éditeur=Hermann|année=1939}}.</ref>, précise-t-il ; à la différence de Platon, Lautman supprime en effet la distance irréductible qui sépare l’''eidos'' ({{grec ancien|εἶδος}}, « Forme, Idée ») de sa représentation, pour affirmer le pouvoir producteur des idées qui s'incarnent dans les théories{{sfn|Chevalley|1987|p=61|loc=|id=}} : {{citation|La nature du réel, sa structure et les conditions de sa genèse ne sont connaissables qu’en remontant aux Idées, dont la science incarne les liaisons<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Albert Lautman]]|titre=Essai sur l’unité des sciences mathématiques dans leur développement actuel|lieu=Paris|éditeur=Hermann|année=1937|passage=156}}.</ref>.}}

Dans une étude publiée en {{Date|1951}} et intitulée {{Anglais|Symmetry}}, le mathématicien et physicien [[Hermann Weyl]] constate la justesse des intuitions exprimées par Platon dans le ''Timée'' sur les propriétés mathématiques de la matière : {{citation|Je suis enclin à penser, avec Platon, écrit-il, que les lois mathématiques qui gouvernent la nature sont à l’origine de la symétrie dans la nature, et que la perception intuitive de cette idée dans l’esprit des artistes, est son origine dans l’art<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur=[[Hermann Weyl]]|titre=Symmetry|lieu=Princeton|éditeur=Princeton University Press|année=1951|pages totales=160|passage=6-8|format=pdf|lire en ligne=http://people.math.harvard.edu/~knill/teaching/mathe320_2017/blog17/Hermann_Weyl_Symmetry.pdf}}.</ref>.}} Il ajoute que parmi les cinq [[Polyèdre régulier|polyèdres réguliers]] de Platon, {{citation|la découverte des deux derniers [dodécaèdre et icosaèdre] est certainement l’une des plus belles et des plus extraordinaires découvertes qui aient été faites dans toute l’histoire des mathématiques{{sfn|Weyl|1951|p=74|loc=|id=}}}} ; le ''Timée'' anticipe en effet un concept moderne et abstrait, puisqu’il présente déjà {{citation|un ancêtre antique de la [[Groupe (mathématiques)|structure de groupe]]}}<ref name="Dum"/>, en raison du rôle des rotations imprimables aux polyèdres réguliers{{sfn|Weyl|1951|p=77-79|loc=|id=}}.

La philosophe [[Simone Weil]], tout en participant aux réunions du groupe [[Nicolas Bourbaki|Bourbaki]] et en s’intéressant à la [[théorie des quanta]]<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Simone Weil]]|titre=Réflexions à propos de la théorie des quanta|lire en ligne=http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/sur_la_science/sur_la_science.html}}</ref>, lit et commente le ''Timée'' : elle s’inscrit dans la longue tradition de ceux qui, des [[Pères de l’Église]] à [[Pierre Abélard|Abélard]], et jusqu’à [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]] y ont découvert le mystère chrétien de la [[Trinité (christianisme)|Trinité]]<ref group="note">Pour [[Pierre Abélard]], voir {{harvsp|Saint-Sernin 2013|p=1821, note 1|id=bss}}. Pour [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]], mais aussi pour [[Ralph Cudworth]] et [[George Berkeley]] qui ont eu la même intuition, voir {{harvsp|Vieillard-Baron 1976|p=384|id=jlvb}}.</ref>. Elle résume en ces termes sa lecture chrétienne du ''Timée'' : {{citation|Cet être que Platon nomme l’Âme du Monde est le Fils unique de Dieu ; Platon dit ''monogenès'' ({{grec ancien|μονογενής}}, {{Nobr|31 b}}) comme [[Apôtre Jean|saint Jean]]. Le Modèle à la ressemblance duquel l’Âme du Monde est engendrée est un vivant spirituel, ou un esprit vivant ({{grec ancien|ζῷον ἔμψυχον}}, {{Nobr|30 b}}). C’est donc une personne. C’est l’esprit absolument parfait à tous égards. C’est donc Dieu. Il y a donc trois personnes divines, le Père, le Fils Unique et le Modèle. Dès qu’on remplace modèle par inspiration, la convenance de cette image appliquée au [[Saint-Esprit]] est évidente}}{{sfn|Weil 1985|p=25-26|id=sw}}. Sa conception du rôle médiateur du [[Beau]] dans la contemplation de l’ordre divin du cosmos<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Miklós Vető]]|titre=La métaphysique religieuse de Simone Weil|éditeur=L’Harmattan|lieu=Paris|année=2016|pages totales=206|passage=111}}.</ref> s’inspire de la création du monde par le démiurge contemplant un modèle : par analogie avec la création artistique, où {{citation|il y a finalité sans aucune fin représentable}}, elle développe une métaphysique du détachement et du renoncement à toutes les fins{{sfn|Vető|2016|p=119-121|loc=|id=}}. Simone Weil reprend également à Platon la notion-clef de {{citation|proportion géométrique}} ({{Nobr|31 c}}) à laquelle elle donne, {{Citation|en plus de son sens visible un sens théologique}}, celui du [[Jésus-Christ|Christ]] auquel saint Jean donne le nom de ''[[Logos]]'', terme qui désigne en grec le Médiateur ou la moyenne proportionnelle{{sfn|Weil 1985|p=120-121|id=sw}}. L’influence de Platon sur Simone Weil s’avère forte, particulièrement sur sa conception du Temps et du moi{{sfn|Vető|2016|p=137, 152-153|loc=|id=}}. Conformément à cette idée essentielle du ''Timée'' que nous devons reproduire en nous l’ordre du monde et l’harmonieuse circularité de son mouvement, elle pense l’arrachement au devenir ; par la régularité de leurs retours, les corps célestes symbolisent {{citation|l’équivalence de l’avenir et du passé, et, si nous contemplons en eux cette équivalence, étant délivrés du désir tourné vers l’avenir, nous le sommes aussi de l’imagination qui l’accompagne, et qui est l’unique source de l’erreur et du mensonge}}{{sfn|Weil 1985|p=30|id=sw}}. Dans le ''Timée'', ce {{citation|dialogue qui ne ressemble à aucun autre}}, Simone Weil découvre au total une conception mystique de la connaissance : Platon ayant contemplé l’univers comme Dieu le voit, a essayé de l’expliquer aux hommes ; {{citation|Platon, écrit-elle, est sorti de la [[Allégorie de la caverne|caverne]], il a regardé le soleil, et il est rentré dans la caverne}}<ref>[[Simone Weil]], « Dieu dans Platon », ''La Source grecque'', Gallimard, coll. Espoir, 1979, {{p.|129 à 131}}.</ref>.

[[Carl Friedrich von Weizsäcker]], professeur de [[physique théorique]], spécialiste de l’[[atome]], en même temps que professeur de philosophie, s’intéresse à la philosophie de la nature ; en 1970, dans une conférence intitulée « ''La science platonicienne dans l’Histoire'' », il constate que la physique moderne semble récapituler les idées de Platon mais avec une conception différente du Temps. Le système des particules élémentaires du ''Timée'', qui sont constituées sur la base des triangles et de la ligne, ramène à une modélisation mathématique et implique le principe d’unité de la nature comme dans la physique moderne. Pour Weizsäcker, les développements futurs de la physique moderne exigent une réflexion philosophique qui devra prendre en considération la pensée de Platon {{citation|en tant que partenaire}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=Carl Friedrich von Weizsäcker|titre=Der Garten des Menschlichen|sous-titre=Beiträge zur geschichtlichen Anthropologie|éditeur=Hanser|lieu=Munich|année=1977|passage=339, 343-345}}.</ref>.

En [[2010 en science|2010]], le physicien [[Anthony Leggett]], lauréat du prix Nobel de physique de {{Date|2003}}, publie un essai sur les ''Résonances du Timée de Platon dans la physique et la cosmologie modernes''{{sfn|Mohr et Sattler 2010|p=chap. 1, The Big questions|id=ms}}. Il y affirme que Platon pose les bonnes questions sur la naissance de l’univers et sur les rapports du Temps et de l’univers ; les relations que Platon établit entre la Nécessité, l’espace et l’[[Noûs|Intellect]] illustrent un débat toujours actuel : faut-il concevoir cet univers comme le résultat des constantes de la physique, ou comme le résultat de conditions initiales arbitraires ? Anthony Leggett constate aussi que l’exposé de Platon sur la structure des particules élémentaires demeure jusqu’à nos jours riche de suggestions et susceptible d’inspirer la pensée contemporaine.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|groupe="note"}}
=== Références antiques ===
{{Références|groupe=A|taille=20}}
=== Références bibliographiques ===
{{Références nombreuses|taille=20}}

== Bibliographie ==
{{Légende plume}}
=== Éditions en français ===
* {{Voir référence|Référence: Timée (Platon)}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=grc|auteur1=Platon|titre=Timée|traducteur=[[Albert Rivaud]]|éditeur=Les Belles Lettres|collection=Collection des Universités de France |lieu=Paris |année=1949|tome=X|pages totales=275|passage=3 à 123 : Notice|id=ar|plume=oui}}.{{Commentaire biblio|Édition de référence}}
* {{ouvrage|langue=fr|titre=Timée|sous-titre=Platon, Œuvres complètes|auteur=[[Luc Brisson]]|directeur=oui|année première édition=2006|année=2008|éditeur=Éditions Flammarion|id=Brisson|pages totales=2204|isbn=9782081218109|plume=oui}}

=== Études ===
;Sur l’ensemble du ''Timée'' et sa métaphysique
* {{Article|auteur=Paul Kucharski|titre=Eschatologie et connaissance dans le ''Timée''|périodique=Archives de Philosophie|volume= 29|numéro=1|date=1966|pages=5–36|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/43032791|id=pk|plume=oui}}
* {{Article|auteur=Daniel Larose|titre=Le Démiurge du ''Timée'' de Platon ou la représentation mythique de la causalité paradigmatique de la forme du dieu|périodique=Methodos|numéro=16|date=2016|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/methodos.4516|id=dl}}
* {{Article|auteur=[[Georges Leroux]]|titre=Origine, provenance et surgissement. La recherche de la cause originale dans le platonisme grec|périodique=Protée|volume=28|numéro=1|date=2000|pages=7-18|lire en ligne=https://id.erudit.org/iderudit/030579ar|id=gl|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=[[Bertrand Saint-Sernin]]|titre=L’actualité du ''Timée''|périodique=Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres|volume={{157e}} année|numéro=4|date=2013|pages=1821-1831|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_2013_num_157_4_95164|consulté le=6 août 2020 |id=bss|plume=oui}}
* {{Article|auteur=[[Bertrand Saint-Sernin]]|titre=L’eau dans le ''Timée'' et les ''Lois''|périodique=Publications de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres|numéro=23, L’eau en Méditerranée de l’Antiquité au Moyen Âge. Actes du {{22e}} colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer les 7 et 8 octobre 2011|date=2012|pages=75-83|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/keryl_1275-6229_2012_act_23_1_1455|id=ss|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=[[Jean Trouillard]]|titre=Brisson, L., ''Le Même et l’Autre dans la structure ontologique du Timée de Platon.'' ''Un commentaire systématique du Timée de Platon'', Paris, Klincksieck, 1974, 590 p.|périodique=Philosophiques|volume=2|numéro=2|date=octobre 1975|pages=287-299|présentation en ligne=https://id.erudit.org/iderudit/203034ar |consulté le=13 août 2020|id=jt|plume=oui}}.
* {{Chapitre|langue=en|auteur1=Donald Zeyl|auteur2=Barbara Sattler|titre chapitre=Plato's ''Timaeus''|titre ouvrage=The [[Stanford Encyclopedia of Philosophy]]|auteur ouvrage=[[Edward N. Zalta]]|éditeur=Metaphysics Research Lab. Stanford University|date=2019|lire en ligne=https://plato.stanford.edu/archives/sum2019/entries/plato-timaeus/ |consulté le=8 août 2020 |id=stan|plume=oui}}.
;Sur la cosmologie du ''Timée''
* {{Article|auteur1=Béatrice Bakhouche|titre=Le difficile commentaire du ''Timée'' 38 d par Calcidius|périodique=Pallas. Revue d’études antiques|numéro=36|date=1990|pages=133-144|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/palla_0031-0387_1990_num_36_1_1219|consulté le=6 août 2020 |id=bak|plume=oui}}.
* {{Article|auteur1=Bernard Besnier|titre=Genèses relatives et genèses originelles dans le Timée|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=129-140|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1066|consulté le=10 octobre 2020 |id=bb|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|langue=en|auteur=Francis M. Cornford|lien auteur=Francis M. Cornford|titre=Plato's Cosmology: The Timaeus of Plato, Translated with a Running Commentary|année première édition=1935|année=1997|éditeur=Hackett Publishing Company, Inc.|lieu=Indianapolis|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=S-7gAwAAQBAJ&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false |isbn=978-0-87220-386-0|id=fc|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Guy Donnay|titre=Le système astronomique de Platon|périodique=Revue belge de philologie et d'histoire|tome=38|numéro=1|date=1960|pages=5-29|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1960_num_38_1_2304 |consulté le=4 septembre 2020|id=gd|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Pierre Duhem]]|titre=Le Système du Monde|sous-titre=Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic|éditeur=Librairie scientifique Hermann|année=1913|lieu=Paris|tome=I « La cosmologie hellénique »|pages totales=530|passage=28-42, La cosmologie de Platon|lire en ligne=https://archive.org/stream/lesystmedumond01duhe#page/n7/mode/2up|id=pd|plume=oui}}.
* {{Article|auteur=[[Yvon Gauthier]]|titre=[[Luc Brisson]] et F. Walter Meyerstein : Inventer l'univers. Le problème de la connaissance et les modèles cosmologiques, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1991|périodique=Philosophiques|volume=19|numéro=1|date=1992|pages=150-155|lire en ligne=https://id.erudit.org/iderudit/027183ar|id=yg|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Georges J. Kayas|titre=L’âme de l’univers et la musique dans le ''Timée'' de Platon (34 b et ss.) |périodique=Bulletin de l’Association Guillaume Budé|numéro=3|date=octobre 1974|pages=287-329|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1974_num_1_3_3283 |consulté le=6 août 2020|id=gk|plume=oui}}
* {{Article|langue=fr|auteur1=Pierre Kerszberg|titre= Un univers excessivement mathématique : Platon et la cosmologie moderne|périodique=Études platoniciennes|numéro=9|date=2012|pages=63-81|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.269|id=pk|plume=oui}}
* {{Chapitre|auteur=Pierre-Marie Morel|titre chapitre=Le ''Timée'', Démocrite et la nécessité|auteur ouvrage= M. Dixsaut, A. Brancacci (éd.)|titre ouvrage=Platon, source des présocratiques|éditeur=Vrin|lieu=Paris|année=2002|passage=129-150|lire en ligne=https://www.academia.edu/29662905/Le_Tim%C3%A9e_D%C3%A9mocrite_et_la_n%C3%A9cessit%C3%A9|id=pmm|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Charles Mugler|titre=Le {{grec ancien|κένον}} de Platon et le {{grec ancien|πάντα ὁμοῦ}} d’Anaxagore|périodique=Revue des Études grecques|volume=80|numéro=379-383|année=janvier-décembre 1967|page=210-219|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1967_num_80_379_3941|id=chmu|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Charles Mugler|titre=Les dimensions de l’univers platonicien d’après ''Timée'' 32 b|périodique=Revue des Études grecques|volume=66|numéro=309-310|année=janvier-juin 1953|page=56-88|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1953_num_66_309_3305|id=m|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Charles Mugler|titre=Démocrite et les postulats cosmologiques du Démiurge|périodique=Revue des Études anciennes|volume=69|numéro=1-2|année=1967|page=50-58|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1967_num_69_1_3786|id=cm|plume=oui}}

;Sur le Temps
* {{Article|auteur=[[Monique Dixsaut]]|titre=Le temps qui s’avance et l’instant du changement (Timée 37 c-39 e ; Parménide 140 e-141 e ; 151 e-155 e)|périodique=Revue Philosophique de Louvain|volume=101|numéro=2|année=2003|pages=236-264|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2003_num_101_2_7489|consulté le=8 mars 2020|id=md|plume=oui}}
* {{Chapitre|langue=en|auteur=Mary R. McHugh|titre=Plato's ''Timaeus'' and Time|titre ouvrage=Plato at Syracuse : Essays on Plato in Western Greece with a new translation of the Seventh Letter by Jonah Radding|auteurs ouvrage=Heather L. Reid and Mark Ralkowski|année=2019|pages=167-184|éditeur=Parnassos Press - Fonte Aretusa|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/j.ctvcmxptk.13|id=mmh|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur1=Karel Thein|titre=Le lien intraitable|sous-titre=Enquête sur le temps dans la ''République'' et le ''Timée'' de Platon|lieu=Paris|éditeur=Librairie philosophique Vrin|année=2002|pages totales=350|isbn=978-2711615124|plume=oui}}.
; Sur ''khora''
* {{Ouvrage|auteur=[[Jacques Derrida]]|titre=Khôra|lieu=Paris|éditeur=Éditions Galilée|collection=Incises|année= 2006|année première édition=1993|pages totales=112|isbn=978-2-7186-0730-6}}.
* {{Article|auteur=[[Emmanuel Falque]]|titre=Khora ou la “Grande bifurcation” : Dialogue avec Jacques Derrida|périodique=Archivio di Filosofia|volume=82|numéro=1-2|date=2014|pages=147-166|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/24488851|id=ef|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Marta Hernandez|titre=La khôra du ''Timée'' : Derrida, lecteur de Platon|périodique=Appareil |numéro=11|date=2013|lire en ligne=https://journals.openedition.org/appareil/1780 |consulté le=7 octobre 2020 |id=mh|plume=oui}}.
* {{Article|langue=en|auteur1=David Keyt|titre=Aristotle on Plato’s Receptacle|périodique=American Journal of Philology|volume=82|numéro=3|date=juillet 1961|pages=291-300|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/292371|consulté le=8 octobre 2020|id=dk}}
* {{Article|auteur1=Jérôme Laurent|titre=Note sur l'interprétation « matérialiste » de la χώρα par Luc Brisson |périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=93-96|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1064 |consulté le=10 octobre 2020 |id=jl|plume=oui}}.
* {{Article|auteur1=Anne Merker|titre=Miroir et {{grec ancien|χώρα}} dans le ''Timée'' de Platon|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=79-92|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1063 |consulté le=10 octobre 2020 |id=am|plume=oui}}.
* {{Article|auteur=[[Jean-François Pradeau]]|titre=Être quelque part, occuper une place|sous-titre={{grec ancien|Τόπος}} et {{grec ancien|Χώρα}} dans le ''Timée''|périodique=Les Études philosophiques|numéro=3|date=juillet-septembre 1995|pages=375-399|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/20848956|id=pra|plume=oui}}
* {{Chapitre|langue=en|auteur1=John Sallis|titre chapitre=The {{grec ancien|Χώρα}}|titre ouvrage=Chorology : On Beginning in Plato's Timaeus|lieu=Bloomington|éditeur=Indiana University Press|année=2020|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/j.ctv14npk1n|isbn=978-0-253-046666|passage=91-124}} ([https://www.amazon.fr/Chorology-Beginning-Timaeus-John-Sallis/dp/0253046661/ref=sr_1_5?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&dchild=1&keywords=John+Sallis&qid=1605302193&s=english-books&sr=1-5 Extraits en ligne])
;Sur les sciences
* {{Article|auteur=Victor Gysembergh|titre=Une référence à la médecine de Cnide dans le débat philosophique entre Platon et Eudoxe|périodique=Revue des Études Grecques|tome=126|numéro=2|date=2013|pages=615-622|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_2013_num_126_2_8146|id=vg|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Arnaud Macé|titre=Activité démiurgique et corrélation des propriétés matérielles. ''Timée'' 55 e - 56 b|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=97-128|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1065|consulté le=10 octobre 2020 |id=am|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Charles Mugler|titre=Platon et la recherche mathématique de son époque|lieu=Strasbourg-Zurich|éditeur=P. H. Heitz|année=1948|volume=XXVIII|pages totales=420|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1949_num_62_291_3177|id=mugler1|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|auteur1=Charles Mugler|titre=La physique de Platon|lieu=Paris|éditeur=Klincksieck|collection=Études et commentaires|année=1960|tome=XXV|pages totales=263|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1963_num_41_2_2469_t1_0509_0000_2|id=mugler2|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|auteur=[[Léon Robin]]|titre=La pensée hellénique des origines à Épicure|sous-titre=Questions de méthode, de critique et d’histoire|passage=Études sur la signification et la place de la physique dans la philosophie de Platon ({{p.|231-336}})|lieu=Paris|éditeur=P.U.F.|année=1942|pages totales=555|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=08MnAQAAIAAJ&pg=PA231#v=onepage&q&f=false|id=lr|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=Bernard Vitrac|titre=Les mathématiques dans le Timée de Platon : le point de vue d’un historien des sciences|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=11-78|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1061 |consulté le=10 octobre 2020|id=bv|plume=oui}}.

; Sur l’anthropologie
* {{Article|langue=it|auteur=Francesco Fronterotta|titre=Anima e corpo : immortalità, organicismo e psico-fisiologia nel Timeo platonico|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=141-154|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1068}}
* {{Article|langue=it|auteur1=Francisco L. Lisi|titre= El alma humana en el Timeo|périodique=Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=155-174|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1069 }}
* {{Article|langue=en|auteur=Francisco L. Lisi|titre=Individual Soul, World Soul and the Form of the Good in Plato’s ''Republic'' and ''Timaeus''|périodique=Études platoniciennes|numéro=4|date=2007|pages=105-118|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.905|id=fl}}
* {{Article|auteur=Anne Merker|titre=Corps et châtiment chez Platon|périodique=Études platoniciennes|numéro=1|date=octobre 2004|pages=11-49|lire en ligne=https://journals.openedition.org/etudesplatoniciennes/1116|id=mer|plume=oui}}
* {{Article|auteur=[[Jean-François Pradeau]]|titre=L’Âme et la moelle|sous-titre=Les conditions psychiques et physiologiques de l’anthropologie dans le ''Timée'' de Platon|périodique=Archives de Philosophie|volume=61|numéro=3|date=juillet-septembre 1998|pages=489-518|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/43037688|id=jfp|plume=oui}}
* {{Article|auteur=Lucia Saudelli|titre=Les maladies de l’âme|sous-titre=Quelques problèmes dans le ''Timée'' de Platon|périodique=Mnemosyne|pages=1-20|date=2020|lire en ligne=https://www.academia.edu/43945262/Les_maladies_de_l%C3%A2me_dans_le_Tim%C3%A9e|id=ls|plume=oui}}

;Sur la forme du Timée et le mythe platonicien
* {{Ouvrage|auteur1=[[Luc Brisson]]|titre=Platon, les Mythes et les Mots|éditeur=La Découverte|année=1994|pages=254|isbn=2-7071-1326-3|plume=oui|id=lb}}
* {{Ouvrage|auteur1=Marc-André Daviault|titre=Fondements et usages philosophiques du mythe chez Platon|lieu=Canada |éditeur=Université de Sherbrooke|année=octobre 2012|pages totales=134|passage=75 à 97, Chap. III sur le ''Timée''|lire en ligne=https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/6503/MR93275.pdf?sequence=1&isAllowed=y|format=pdf|id=mad|plume=oui }}.
* {{Article|auteur=Marie-Laurence Desclos|titre=Les prologues du ''Timée'' et du ''Critias'' : un cas de rhapsodie platonicienne|périodique=Études platoniciennes|volume=II|année=2006|pages=175-202|lire en ligne=https://www.academia.edu/11755403/Les_prologues_du_Tim%C3%A9e_et_du_Critias_un_cas_de_rhapsodie_platonicienne|id=mld|plume=oui}}
* {{Article|auteur=[[Pierre Hadot]]|titre=Physique et poésie dans le ''Timée'' de Platon|périodique=Revue de Théologie et de Philosophie|volume=115, Troisième série|numéro=2|date=1983|pages=113-133|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/44352513|id=ph|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur=[[Jean-François Pradeau]]|titre=Le Monde de la politique|sous-titre=Sur le récit atlante de Platon, Timée (17-27) et Critias|éditeur=Sankt Augustin, Academia Verlag|année=1997|pages totales=367|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_2002_num_104_1_4869_t1_0242_0000_2}}
* {{Article|auteur1=[[Pierre Vidal-Naquet]]|titre=Athènes et l’Atlantide. Structure et signification d’un mythe platonicien|périodique=Revue des Études Grecques|tome=77|numéro=366-368|date=juillet-décembre 1964|pages=420-444|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1964_num_77_366_3793|consulté le=6 août 2020|id=pvn}}

;Sur l’éthique et la théologie
* {{Article|auteur=Filip Karfik|titre=Que fait et qui est le démiurge dans le Timée ?|périodique=Études platoniciennes|numéro=4|date=2007|pages=129-150|lire en ligne=https://journals.openedition.org/etudesplatoniciennes/907}}
* {{Article|auteur=André Motte|titre=De la bonté du Démiurge (Platon, ''Timée'', 29 d6-e4)|périodique=Revue de Philosophie Ancienne|volume=15|numéro=1|date=1997|pages=3-13|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/24354610|id=mo|plume=oui}}
* {{Ouvrage|auteur=[[Simone Weil]]|titre=Intuitions pré-chrétiennes|éditeur=Fayard|année=1985|passage=22-41|pages totales=184|isbn=9782213-015606|id=sw|plume=oui}}
;Sur la réception et la fortune du Timée
* {{Article|auteur1=Béatrice Bakhouche|titre=Lectures médiévales de l’harmonie musicale de l’âme selon Platon (''Timée'' 35 b-36 b) : l’influence de Calcidius|périodique=Revue de musicologie|tome=98|numéro=2|date=2012|pages=339-362|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/24391895|id=bb|plume=oui}}.
* {{Ouvrage|langue=de|auteur=Matthias Baltes|lien auteur=Matthias Baltes|titre=Die Weltentstehung des platonischen Timaios nach den antiken Interpreten, 1976. (Philosophia antiqua, vol. XXX)|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=KrQ3AAAAIAAJ&printsec=frontcover&dq#v=onepage&q&f=false|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1979_num_81_3_4067_t1_0337_0000_2|id=jm|plume=oui}}
* {{Article|auteur=[[Richard Bodéüs]]|titre=Du troisième genre au cinquième corps. Notes sur la critique du ''Timée'' de Platon dans le premier livre du traité ''De l’Âme'' d’Aristote|périodique=Revue philosophique de la France et de l'étranger|tome=183|numéro=2|date=avril-juin 1993|pages=239-262|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/41100272|id=rb|plume=oui}}
* {{Article|auteur=Abraham Bos|lien auteur=Abraham Bos|titre=Aristote sur Dieu en tant qu'''arché généséôs'' en opposition au Démiurge de Platon|périodique=Revue de Philosophie ancienne|volume=27|numéro=1|date=2009|pages=39-57|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/24358039|id=ab|plume=oui}}
* {{Lien web|auteur=Jean-Michel Counet|titre=La lecture du ''Timée'' par Nicolas de Cues|site=academia.edu|date=(non daté)|lire en ligne=https://www.academia.edu/8585645/La_lecture_du_Tim%C3%A9e_par_Nicolas_de_Cues|id=jmc|plume=oui}}
* {{Article|auteur1=[[Louis-André Dorion]]|titre=Platon, Proclus et l'autarcie du Monde (''Timée'' 33 d)|périodique= Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=237-260|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1073|id=lad|plume=oui}}
* {{Article|auteur=Tullio Gregory|titre=Le Platonisme au {{s-|XII}}|périodique=Revue des sciences philosophiques et théologiques|numéro=71|date=1981|pages=243-259|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1962_num_60_68_5183_t1_0675_0000_2|id=tg|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Richard D. Mohr|auteur2=Barbara M. Sattler|titre=One Book, the whole universe|sous-titre=Plato's ''Timaeus'' today|éditeur=Parmenides Publishing|année=2010|pages totales=416|isbn=978-1-930972-32-2|présentation en ligne=https://books.google.fr/books?id=q21hDwAAQBAJ&pg=PP1&dq=One+book,+the+whole+universe&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjkhfiJnuXuAhVlShUIHb8ZClwQ6AEwAHoECAYQAg#v=onepage&q=One%20book%2C%20the%20whole%20universe&f=false|id=ms}}
* {{Article|auteur=Sébastien Morlet|titre=“Il est difficile de trouver celui qui est l’auteur et le père de cet univers…” : La réception de ''Tim.'' 28 c chez les Pères de l’Église|périodique=Études platoniciennes|numéro=5|date=2008|pages=91-100|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.844|id=sm|plume=oui}}
* {{Article|langue=en|auteur1=Jan Opsomer|titre=To find the maker and father. Proclus' exegesis of Plato ''Tim''. 28 c 3-5|périodique= Études platoniciennes|numéro=2|date=2006|pages=261-283|lire en ligne=https://doi.org/10.4000/etudesplatoniciennes.1074|id=jo|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr, de, en, it|auteur1={{Lien|lang=de|trad=Ada Neschke-Hentschke}}|directeur1=oui|titre=Le Timée de Platon|sous-titre=Contributions à l’histoire de sa réception|lire en ligne=https://www.google.fr/books/edition/_/LHP4fJXrXMAC?hl=fr&gbpv=1|éditeur=Peeters|lieu=Louvain, Paris|année=2000|pages totales=348}}
* {{Article|auteur=[[Jean Petitot (philosophe)|Jean Petitot]]|titre=Refaire le ''Timée'' : Introduction à la philosophie mathématique d'Albert Lautman|périodique=Revue d'histoire des sciences|tome=40, Mathématique et philosophie : Jean Cavaillès et Albert Lautman|numéro=1|date=1987|pages=79-115|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1987_num_40_1_4488|id=jp|plume=oui}}
* {{Article|langue=it|auteur=Federico M. Petrucci|titre=L’esegesi e il Commento di Platone (A partire dall’esegesi della cosmogonia del ''Timeo'')|périodique=Rivista di Storia della Filosofia|volume=70|numéro=2|date=2015|pages=295-320|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/24873208|plume=oui|id=fmp}}
* {{Article|auteur=[[Jean-Louis Vieillard-Baron]]|titre=L’interprétation hégélienne du ''Timée'', ou La philosophie de la nature|périodique=Revue de Métaphysique et de Morale|volume={{81e}} année|numéro=3|date=juillet-septembre 1976|pages=376-395|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/40901710|id=jlvb|plume=oui}}

== Liens externes ==
{{Autres projets|wikisource=Timée|wikisource titre=Timée|commons=Category:Timaeus (dialogue)}}
* {{lien web|langue=grc |titre=Τίμαιος - Codex Parisinus græcus 1807 |passage=114r-144v |site= Gallica - BNF |url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8419248n/f237.item |id=codex1807 }}
* {{Lien web|url=http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/timee.htm|titre=Platon, ''Timée'', traduction de Victor Cousin, 1822.}} : seule édition ancienne référençant le ''Timée'' selon le système de référencement universel des œuvres de Platon.
* {{Lien web|url=https://beq.ebooksgratuits.com/Philosophie/Platon-Timee.pdf|titre=Platon, ''Timée'', traduction, notice et notes d’Émile Chambry, 1939 (Classiques Garnier)}}
* {{Lien web|url=https://chmtl.indiana.edu/tml/3rd-5th/CHALTIM_TEXT.html|titre=Platonis Timaeus et Commentarius|auteur=Chalcidius (édition B.G. Teubner, Leipzig, 1876)}}
*{{Autorité}}
*{{Bases}}
*{{Dictionnaires}}

{{Palette|Dialogues de Platon|Platoniciens}}
{{Portail|philosophie antique|Grèce antique}}
{{Article de qualité|oldid=181301370|date=27 mars 2021}}

[[Catégorie:Dialogue de Platon]]
[[Catégorie:Atlantide]]