Nombre de Dedekind

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Treillis distributifs libres des fonctions booléennes croissantes ayant 0, 1, 2 , 3 arguments, et possédant respectivement 2, 3, 6 et 20 éléments.

En mathématiques, les nombres de Dedekind

Dn

, définis en 1897 par Richard Dedekind[1], dénombrent les fonctions booléennes croissantes à

n

variables. De manière équivalente,

Dn

est le nombre d'antichaînes formées avec les parties d'un ensemble à

n

éléments, ainsi que le nombre d'éléments d'un treillis distributif libre à

n

générateurs, ou encore, diminué de 1, le nombre de complexes simpliciaux abstraits sur un ensemble à

n

éléments.

On connaît des estimations asymptotiques précises de Dn qui montrent que la suite (Dn) est à croissance rapide, à peu près à la vitesse 22n[2].

Bien que l'on connaisse une expression exacte de Dn sous forme de somme, on n'en connait aucune expression fermée.

Le problème de Dedekind consistant à calculer numériquement Dn reste difficile : les valeurs exactes de Dn n'ont été trouvées que pour n9 , la dernière en 2023 (Modèle:OEIS)[2]Modèle:,[3]Modèle:,[4].

Définitions

Fonctions booléennes croissantes

Une fonction booléenne (de première forme) est une fonction qui associe un booléen à un n-uplet de booléens (c'est-à-dire des bits égaux à 0 ou 1). Autrement dit, c'est l'une des 22napplications de {0,1}n dans {0,1}.

Elle est croissante si, lorsque l'un des booléens de départ passe de 0 à 1, l'image ne peut passer de 1 à 0. Le nombre de Dedekind Dn est le nombre de fonctions booléennes croissantes à n variables.

Étant donné un ensemble En à n éléments, l'ensemble 𝒫(En) des parties de En étant en bijection avec {0,1}n, une fonction booléenne (de deuxième forme) est une application de 𝒫(En) dans {0,1}.

Upsets

Sous sa deuxième forme, une fonction booléenne f est croissante si A,B𝒫(En)(ABf(A)f(B)).

La fonction f ne prenant que deux valeurs 0 et 1, ceci équivaut à ce que A,B𝒫(En)((AB et f(A)=1)f(B)=1).

Une fonction booléenne étant entièrement déterminée par l'ensemble des parties de En ayant pour image 1, le nombre de Dedekind M(n) est le nombre d'éléments 𝒰 de 𝒫(𝒫(En)) vérifiant A,B𝒫(En)((A𝒰 et AB)B𝒰), appelés en anglais des "upsets" de En.

Par exemple, la fonction booléenne croissante sur E3={1,2,3} qui vaut 1 pour {1,2},{1,3},{1,2,3} a pour "upset" associé 𝒰={{1,2},{1,3},{1,2,3}}.

Antichaînes

Si dans un "upset" on ne conserve que les parties de En qui sont les points de départ d'une chaine pour l'inclusion, on obtient une antichaîne de 𝒫(En) (également connue sous le nom d'ensemble de Sperner), ensemble de parties de En dont aucune n'est incluse dans une autre. Inversement, toute antichaîne peut être complétée en un "upset".

Par conséquent, le nombre de Dedekind M(n) est égal au nombre d’antichaînes que l'on peut former dans l'ensemble des parties d'un ensemble à n éléments.

Par exemple, l'"upset" 𝒰={{1,2},{1,3},{1,2,3}} correspond à l'antichaîne 𝒜={{1,2},{1,3}}.

Complexes simpliciaux

En leur retirant une unité, les nombres de Dedekind dénombrent également les complexes simpliciaux abstraits sur En, ensembles 𝒞 de parties de En ayant la propriété que toute partie non vide d'un élément de 𝒞 appartient également à 𝒞.

Toute antichaîne (sauf {Ø}) détermine un complexe simplicial, l'ensemble de toutes les parties non vides des éléments de l'antichaîne, et inversement les simplexes maximaux d'un complexe simplicial déterminent chacun une antichaîne.

Par exemple, l'antichaine 𝒜={{1,2},{1,3}} est associée au complexe 𝒞={{1},{2},{3},{1,2},{1,3}}.

Treillis distributifs

Une troisième manière équivalente de décrire la même classe d’objets utilise la théorie des treilis. À partir de deux fonctions booléennes croissantes f et g, on peut fabriquer deux autres fonctions booléennes croissantes fg et fg, respectivement leur conjonction logique et leur disjonction logique. L' ensemble des fonctions booléennes croissantes à n variables muni de ces deux opérations forme un treillis distributif, le treillis donné par le théorème de représentation de Birkhoff à partir de l'ensemble 𝒫(En) ordonné par l'inclusion. Cette construction produit un treillis distributif libre à n générateurs, les n fonctions définies par fi(x1,,xn)=xi[5]. Ainsi, les nombres de Dedekind dénombrent les treillis distributifs libres à n générateurs.

Exemples

Pour n = 2, il existe six fonctions booléennes croissantes à deux variables, correspondant à six antichaînes de 𝒫({1,2}) :

  • La fonction constante égale 0 correspondant à l'antichaîne vide Ø
  • La conjonction logique f(x,y)=xy , valant 1 uniquement pour (1,1), correspondant à l'antichaîne {{1,2}}.
  • La fonction f(x,y)=x , qui ignore son deuxième argument et renvoie le premier, correspondant à l'antichaîne {{1}}
  • La fonction f(x,y)=y , qui ignore son premier argument et renvoie le deuxième, correspondant à l'antichaîne {{2}}
  • La disjonction logique f(x,y)=xy , valant 0 uniquement pour (0,0), correspondant à l'antichaîne {{1},{2}}
  • La fonction constante égale à 1 correspondant à l'antichaîne {}.

Pour n = 3, il existe 20 antichaînes de 𝒫({1,2,3}) : les 17 antichaînes formées de parties ayant toutes le même nombre d'éléments, plus les 3 antichaînes du type {{1},{2,3}}.

Calcul des nombres de Dedekind

Les valeurs exactes des nombres de Dedekind sont connues pour 0n9 :

2, 3, 6, 20, 168, 7581, 7828354, 2414682040998, 56130437228687557907788, 286386577668298411128469151667598498812366, Modèle:OEIS.

Les six premiers nombres ont été donnés par Church en 1940, D6 a été calculé par Ward en 1946, D7 par Church en 1965, et Berman & Köhler en 1976, D8 par Wiedemann en 1991 ; D9 a été découvert en 2023 simultanément par Christian Jäkel, Lennart Van Hirtum et alii[6].

Si n est pair, Dn est pair. Le calcul du cinquième nombre de Dedekind D5=7581 a réfuté une conjecture de Garrett Birkhoff selon laquelle Dn serait toujours divisible par (2n1)(2n2).

Formule de sommation

Kisielewicz (1988) a transcrit la définition par les antichaînes en la formule arithmétique suivante :

Dn=k=122nj=12n1i=0j1(1bikbjkm=0log2i(1bmi+bmibmj)),

bik est le i-ème chiffre binaire du nombre k, qui peut être obtenu en utilisant la partie entière sous la forme

bik=k2i2k2i+1.

Cependant, cette formule n'est pas utile pour calculer les valeurs de Dn pour n grand en raison du grand nombre de termes dans la sommation[7].

Évaluation asymptotique

Tout ensemble formé de parties de En ayant le même nombre d'éléments est une antichaîne de 𝒫(En). On en déduit la minoration

Dnk=0n2(nk)n ; voir la Modèle:OEIS,

dont on déduit la minoration simple Dn2(nn/2).

Le logarithme binaire des nombres de Dedekind peut être estimé avec précision par l'encadrement :

(nn/2)log2Dn(nn/2)(1+O(lognn)).

L'inégalité de gauche a été montrée précédemment et l'inégalité de droite a été prouvée par Kleitman & Markowsky en 1975.

Korshunov (1981) a fourni une estimation encore plus précise :

Dn=(1+o(1))2(nn/2)expa(n)

pour n pair, et

Dn=(1+o(1))2(nn/2)+1exp(b(n)+c(n))

pour n impair, où

a(n)=(nn/21)(2n/2+n22n5n2n4),
b(n)=(n(n3)/2)(2(n+3)/2+n22n6n2n3),

et

c(n)=(n(n1)/2)(2(n+1)/2+n22n4).

L’idée principale derrière ces estimations est que, dans la plupart des antichaînes, tous les ensembles ont des tailles très proches de n/2. Pour n = 2, 4, 6, 8, la formule de Korshunov fournit une estimation à 9,8 %, 10,2 %, 4,1 % et − 3,3 % près respectivement[8].

Notes

Modèle:Références

Références

Modèle:Traduction/Référence Modèle:Portail

  1. Modèle:Article
  2. 2,0 et 2,1 Modèle:Article
  3. Modèle:Lien web
  4. Modèle:Article
  5. La définition des treillis distributifs libres utilisée ici autorise comme opérations de treillis toute réunion et intersection finie, y compris la réunion vide et l'intersection vide. Pour le treillis distributif libre dans lequel seules les réunions et les intersections par paires sont autorisées, il faut éliminer les éléments supérieur et inférieur du treillis et soustraire 2 aux nombres de Dedekind.
  6. Modèle:Article
  7. Par exemple, pour n=10, la somme contient 2210=21024 termes, ce qui est bien au-delà de ce qui peut être calculé numériquement.
  8. Modèle:Lien web