Fonction d'effondrement ordinale

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En logique mathématique et en théorie des ensembles, une fonction d'effondrement ordinale (en anglais, ordinal collapsing function) est une méthode de définition de notations pour certains grands ordinaux dénombrables, consistant à donner des noms à certains ordinaux beaucoup plus grands que ceux que l'on veut noter, puis à les « effondrer » pour obtenir le système de notations cherché.

Un exemple atteignant l'ordinal de Bachmann-Howard

La construction de la fonction d'effondrement de cet exemple est inspiré de celle de Buchholz[1], mais se limite à un seul cardinal pour simplifier l'exposé.

Définition

Soit Ω le plus petit ordinal non dénombrable (généralement noté ω1)Modèle:Note. On définit une fonction ψ (qui sera non décroissante et continue) envoyant n'importe quel ordinal α vers un ordinal dénombrable ψ(α), par récurrence transfinie sur α, de la manière suivante : supposons que ψ(β) ait été défini pour tous les β<α. Soit C(α) l'ensemble des ordinaux engendrés (récursivement) à partir de 0, 1, ω et Ω, de l'addition, de la multiplication et de l'exponentiation ordinale, et de la fonction ψα, c'est-à-dire de la restriction de ψ aux ordinaux β<α (plus rigoureusement, on pose C(α)0={0,1,ω,Ω} et C(α)n+1=C(α)n{β1+β2,β1β2,β1β2:β1,β2C(α)n}{ψ(β):βC(α)nβ<α} pour tout n ; C(α) est la réunion de tous les C(α)n). ψ(α) est alors défini comme le plus petit ordinal n'appartenant pas à C(α).

Intuitivement, la motivation de cette construction est que les opérations usuelles ne permettant pas d'aller très loin, dès qu'on rencontre un nouvel ordinal (comme limite de ceux déjà construits), plutôt que d'inventer un nouveau nom ad hoc, on le prend parmi des ordinaux bien au-delà de ceux qui nous intéressent (au-delà de Ω, donc) ; on donne ainsi des noms à des ordinaux non dénombrables, et la liste de ces ordinaux étant nécessairement dénombrable, ψ les « effondrera » vers des ordinaux dénombrables.

Calcul de valeurs de Modèle:Math

Pour montrer comment ψ produit des notations pour de grands ordinaux dénombrables, on va calculer ses premières valeurs.

Début prédicatif

Par construction, C(0) contient les ordinaux 0, 1, 2, 3, ω, ω+1, ω+2, ω2, ω3, ω2, ω3, ωω, ωωω , etc., ainsi que les ordinaux Ω, Ω+1, Ωω, ΩΩ. Le premier ordinal qu'il ne contient pas est ε0 (la limite de ω, ωω, ωωω, etc., inférieure à Ω par hypothèse). Par ailleurs, la borne supérieure de C(0) est εΩ+1 (la limite de Ω, ΩΩ, ΩΩΩ , etc.), mais cela n'intervient pas dans la suite. Ainsi, ψ(0)=ε0.

De même, C(1) contient les ordinaux qu'on peut former à partir de 0, 1, ω, Ω ainsi à présent que ε0, ce qui permet de construire tous les ordinaux jusqu'à ε1 (mais pas ce dernier) et donc ψ(1)=ε1. Par récurrence transfinie sur α, on démontre que ψ(α)=εα ; cette démonstration ne fonctionnant que tant que α<εα. Ainsi :

ψ(α)=εα=ϕ1(α) pour tous les αζ0, où ζ0=ϕ2(0) est le plus petit point fixe de αεα (ici, les ϕ sont les fonctions de Veblen définies en partant de ϕ1(α)=εα).

Ainsi ψ(ζ0)=ζ0, mais ψ(ζ0+1) n'est pas plus grand, puisqu'on ne peut pas construire ζ0 par un nombre fini d'itérations de ϕ1:αεα et donc ζ0 n'appartient à aucun ensemble C(α) pour αΩ ; la fonction ψ est donc longtemps « bloquée » à ζ0 : ψ(α)=ζ0 pour tous les α tels que ζ0αΩ.

Premières valeurs non prédicatives

On continue à avoir ψ(Ω)=ζ0. Mais pour le calcul de ψ(Ω+1), quelque chose a changé : Ω ayant été (artificiellement) inclus dans tous les C(α), les règles permettent d'utiliser la valeur ψ(Ω)=ζ0. Ainsi, C(Ω+1) contient tous les ordinaux qu'on peut construire à partir de 0, 1, ω, Ω, la fonction ϕ1:αεα jusqu'à ζ0 et cette fois également ζ0. Le plus petit ordinal qu'on ne peut construire ainsi est εζ0+1 (le premier ε-ordinal après ζ0).

La définition ψ(Ω)=ζ0, et les valeurs suivantes de ψ telles que ψ(Ω+1)=εζ0+1 sont dites imprédicatives parce qu'elles utilisent des ordinaux (ici, Ω) supérieurs à ceux qu'on veut définir (ici, ζ0).

Valeurs de Modèle:Math jusqu'à l'ordinal de Feferman-Schütte

Le fait que ψ(Ω+α)=εζ0+α reste vrai pour tous les αζ1=ϕ2(1) (en particulier ψ(Ω+ζ0)=εζ02, mais maintenant que ζ0 est construit, rien n'empêche de continuer au delà). cependant, à ζ1=ϕ2(1) (le premier point fixe de αεα après ζ0), la construction est à nouveau bloquée, car ζ1 ne peut être obtenu à partir de ζ0 (et des ordinaux plus petits) par un nombre fini d'application de la fonction ε. On voit ainsi comme précédemment que ψ(Ω2)=ζ1.

Le même raisonnement montre que ψ(Ω(1+α))=ϕ2(α) pour tous les αϕ3(0) (où ϕ2 énumère les points fixes de ϕ1:αεα etϕ3(0) est le premier point fixe de ϕ2). On obtient ainsiψ(Ω2)=ϕ3(0).

On voit de même que ψ(Ωα)=ϕ1+α(0) tant que α est plus petit que le premier point fixe Γ0 de αϕα(0), lequel est l'ordinal de Feferman-Schütte. Ainsi, ψ(ΩΩ)=Γ0.

Au-delà de l'ordinal de Feferman-Schütte

On a ψ(ΩΩ+Ωα)=ϕΓ0+α(0)pour tous les αΓ1, où Γ1 est le prochain point fixe de αϕα(0). Utilisant la fonction αΓα qui énumère ces points fixes (et qu'on peut également noter ϕ(1,0,α) à l'aide des fonctions de Veblen à plusieurs variables), on a ψ(ΩΩ(1+α))=Γα, jusqu'au premier point fixe ϕ(1,1,0) de la fonction αΓα elle-même, qui sera ψ(ΩΩ+1) (et le premier point fixe ϕ(2,0,0) des fonctions αϕ(1,α,0) sera ψ(ΩΩ2)). Continuant ainsi :

  • ψ(ΩΩ2) est l'Modèle:Lien (la limite des ordinaux de la forme ϕ(α,β,γ)),
  • ψ(ΩΩω) est le Modèle:Lien (la limite des ordinaux de la forme ϕ() avec un nombre fini de variables),
  • ψ(ΩΩΩ) est le Modèle:Lien (la limite des ordinaux de la forme ϕ() avec un nombre transfini (mais de la même forme) de variables),
  • la limite ψ(εΩ+1) de ψ(Ω), ψ(ΩΩ), ψ(ΩΩΩ), etc., est l'Modèle:Lien. Ensuite, la fonction ψ est constante, et il est impossible d'aller plus loin avec cette construction.

Notations jusqu'à l'ordinal de Bachmann-Howard

Généralisant la forme normale de Cantor, la fonction ψ permet de définir des notations «  canoniques » pour tous les ordinaux jusqu'à l'ordinal de Bachmann-Howard.

Bases de représentation

Si δ est un ordinal qui est une puissance de ω (par exemple ω lui-même, ou ε0, ou Ω), tout ordinal α (non nul) possède une représentation unique de la forme δβ1γ1++δβkγk, où k est un entier, γ1,,γk sont des ordinaux non nuls strictement inférieurs à δ, et β1>β2>>βk sont des ordinaux (βk pouvant être nul). Cette « représentation en base δ » généralise la forme normale de Cantor (qui correspond au cas δ=ω). Il est possible que cette forme n'apporte rien, lorsque α=δα, mais dans tous les autres cas, les βi sont tous inférieurs à α ; cette représentation est également triviale lorsque α<δ, auquel cas k1 et γ1=α.

Si α est un ordinal inférieur à εΩ+1, sa représentation en base Ω a des coefficients γi<Ω (par définition) et des exposants βi<α (puisque α<εΩ+1) ; on peut donc réécrire ces exposants en base Ω et répéter cette opération jusqu'à l'arrêt de l'algorithme (toute suite décroissante d'ordinaux étant finie). L'expression correspondante est appelée représentation itérée de α en base Ω aet les différents coefficients apparaissant (y compris en tant qu'exposants) les morceaux de la représentation (tous <Ω), ou, pour abréger, les Ω-morceaux de α.

Propriétés de Modèle:Math

  • La fonction ψ est non-décroissante et continue.
  • Si ψ(α)=ψ(β) avec β<α, alors C(α)=C(β). En fait, aucun ordinal β avec ββ<α ne peut appartenir à C(α).
  • Toute valeur γ=ψ(α) prise par ψ est un ε-ordinal (c'est-à-dire un point fixe de βωβ).
  • Soit δ un ε-ordinal et α un ordinal tel que ψ(β)<δ pour tout β<α ; alors les Ω-morceaux de tout élément de C(α) sont inférieurs à δ. De plus, ψ(α)δ (et δ∉C(α)).
  • Tout ε-ordinal inférieur à un élément de l'image de ψ est lui-même dans l'image de ψ.
  • Si ψ(α)=δ, l'ensemble C(α) est formé des ordinaux γ (inférieurs à εΩ+1) dont les Ω-morceaux sont inférieurs à δ.

Notations ordinales jusqu'à l'ordinal de Bachmann-Howard

Les résultats précédents permettent de définir une notation ordinale canonique pour tout ordinal γ inférieur à l'ordinal de Bachmann-Howard, par récurrence transfinie sur γ.

Si γ est inférieur à ε0, on prend pour notation de γ la forme normale de Cantor (itérée pour les exposants). Sinon, il existe un plus grand ε-ordinal δ inférieur ou égal à γ (parce que l'ensemble des ε-ordinaux est fermé); si δ<γ, par hypothèse de récurrence une notation a été définie pour δ et dont la représentation de γ en base δ est une notation de γ.

Le seul cas restant est celui où γ=δ est un ε-ordinal :dans ce cas, on peut écrire δ=ψ(α) pour un certain ordinal α<εΩ+1 (éventuellement non dénombrable) ; soit α le plus grand ordinal ayant cette propriété (il existe, puisque ψ est continue). On utilise la représentation (itérée) en base Ω de α ; il ne reste qu'à montrer que chaque morceau de cette représentation est inférieur à δ (et donc a déjà une représentation). Si ce n'était pas le cas, C(α) ne contiendrait pas α et alors on aurait C(α+1)=C(α) (ils sont fermés pour les mêmes opérations, la valeur de ψ à α ne pouvant pas être utilisée), et donc on aurait ψ(α+1)=ψ(α)=δ, contredisant la maximalité de α.

Ces notations canoniques sont définies également pour certains ordinaux non dénombrables, ceux dont les Ω-morceaux sont inférieurs à l'ordinal de Bachmann-Howard ; cette notation est utilisée pour les arguments (éventuellement non dénombrables) de la fonction ψ.

Exemples

Pour les ordinaux inférieurs à ε0=ψ(0), cette notation canonique coïncide par définition avec la forme normale de Cantor

Pour les ordinaux inférieurs à ε1=ψ(1), la notation coïncide avec la représentation (itérée) en base ε0, ainsi ωωε0+ω sera écrit ε0ωω, ou plus rigoureusement ψ(0)ωω.

De même, pour les ordinaux inférieurs à ε2=ψ(2), on utilise la représentation en base ε1 les morceaux étant écrits en base ε0 (et les morceaux de cela étant écrit en forme normale de Cantor), ainsi ωωε1+ε0+1 est noté ε1ε0ω, ou plus précisément ψ(1)ψ(0)ω. Jusqu'à ζ0=ψ(Ω), on utilise ainsi comme base le plus grand ε-ordinal donnant une représentation non triviale.

Au delà, on doit utiliser des ordinaux plus grands que Ω ; on les représente toujours en base Ω (itérée), les morceaux eux-mêmes, sont notés comme précédemment (avec comme base le plus grand ε-ordinal possible).

Bien que ψ(εΩ+1) soit égal à l'ordinal de Bachmann–Howard, ce n'en est pas une notation canonique en ce sens ; celles-ci ne sont définies que pour les ordinaux plus petits.

Conditions de canonicité

Ce système de notations a la propriété de décroissance des arguments des fonctions ψ emboîtées (c'est-à-dire que les arguments d'une fonction ψ «  intérieure » sont toujours plus petits que ceux d'une fonction ψ qui l'appelle) ; ceci est une conséquence de ce que les Ω-morceaux de α, où α est le plus grand possible tel que ψ(α)=δ pour un certain ε-ordinal δ, sont tous inférieurs à δ. Par exemple, ψ(ψ(Ω)+1) n'est pas une notation ; c'est une expression bien formée, égale à ψ(Ω)=ζ0 puisque ψ est constante entre ζ0 et Ω, mais elle n'est pas produite par l'algorithme récursif qui vient d'être décrit.

La canonicité peut être vérifiée syntaxiquement par récurrence : une expression est canonique si et seulement si c'est la forme normale de Cantor (itérée) d'un ordinal inférieur à ε0, ou une représentation (itérée) en base δ dont tous les morceaux sont canoniques pour un δ de la forme δ=ψ(α), où α est lui même écrit en représentation de base Ω dont tous les morceaux sont canoniques et inférieurs à δ.

Par exemple, ψ(Ωω+1ψ(Ω)+ψ(Ωω)ψ(Ω2)42)ψ(1729)ω est une notation canonique pour un ordinal inférieur à l'ordinal de Feferman–Schütte ; utilisant les fonctions de Veblen, il s'écrit ϕ1(ϕω+1(ϕ2(0))+ϕω(0)ϕ3(0)42)ϕ1(1729)ω.

La comparaison des ordinaux écrit sous forme canonique se fait lexicographiquement, en remarquant que (par hypothèse) Ω est supérieur à ψ(α) pour tout α. Ainsi, ψ(ΩΩ) (l'ordinal de Feferman–Schütte) iest beaucoup plus grand que ψ(Ωψ(Ω))=ϕϕ2(0)(0), et ce dernier est lui-même beaucoup plus grand que ψ(Ω)ψ(Ω)=ϕ2(0)ϕ2(0) ; en fait, ψ(Ω)ψ(Ω) est déjà inférieur à ψ(Ω+1).

Suites fondamentales de notations ordinales

Modèle:Article détaillé Une importante application de ces notations canoniques est la possibilité de définir des suites fondamentales (ou suites standard) convergeant vers n'importe quel ordinal limite inférieur à l'ordinal de Bachmann–Howard (l'algorithme qui suit définit également des suites standard pour certains ordinaux non dénombrables, à condition qu'ils soient de cofinalité dénombrable)

Les règles ci-dessous sont plus ou moins évidentes à l'exception de la dernière :

  • Le cas des représentations itérées en base δ : pour définir une suite fondamentale convergeant vers α=δβ1γ1++δβkγk, avec δ = ω ou ψ() (ou Ω, mais ce cas est détaillé ci-dessous) :
    • si βk est nul et γk est un successeur, α est un successeur ;
    • si γk est limite, on prend la suite fondamentale convergeant vers γk et on remplace γk dans l'expression de α par les éléments de cette suite ;
    • si γk est un successeur et βk est limite, on réécrit le dernier terme δβkγk comme δβk(γk1)+δβk, et on remplace βk dans le second terme par les éléments de la suite fondamentale convergeant vers lui ;
    • si γk et βk sont successeurs, on réécrit le dernier terme δβkγk comme δβk(γk1)+δβk1δ, et on remplace le dernier δ de cette expression par les éléments de la suite fondamentale convergeant vers lui.
  • La suite fondamentale pour δ = ω est la suite évidente 0, 1, 2, 3… ;
  • La suite fondamentale pour δ=ψ(0) est la suite ω, ωω, ωωω… ;
  • La suite fondamentale pour δ=ψ(α+1) est la suite ψ(α), ψ(α)ψ(α), ψ(α)ψ(α)ψ(α)… ;
  • Si δ=ψ(α), où α est un ordinal limite de cofinalité dénombrable, α possède une suite standard ; la suite standard pour δ est obtenue en appliquant ψ à la suite standard pour α (utilisant le fait que ψ est continue et croissante). Voici quelques exemples de ces suites :
    • la suite fondamentale pour ω2 est : 0, ω, ω2, ω3
    • la suite fondamentale pour ψ(ωω) est : ψ(1), ψ(ω), ψ(ω2), ψ(ω3)
    • la suite fondamentale pour ψ(Ω)ω est : 1, ψ(Ω), ψ(Ω)2, ψ(Ω)3
    • la suite fondamentale pour ψ(Ω+1) est : ψ(Ω), ψ(Ω)ψ(Ω), ψ(Ω)ψ(Ω)ψ(Ω)
    • la suite fondamentale pour ψ(Ωψ(0)) est : ψ(Ωω), ψ(Ωωω), ψ(Ωωωω)… (déduite de la suite fondamentale pour ψ(0)).
  • Le seul cas difficile est donc celui où δ=ψ(α), où α est de cofinalité non dénombrable (par exemple α=Ω). Il n'y a évidemment pas de suite convergeant vers α, mais il est possible de définir une suite convergeant vers ρ<α tel que ψ soit constante entre ρ et α. Ce ρ sera le premier point fixe d'une fonction ξh(ψ(ξ)), construite en appliquant les mêmes règles de décomposition à la forme α=h(Ω). On obtient ainsi une suite 0, h(ψ(0)), h(ψ(h(ψ(0))))… convergeant vers ρ, et la suite fondamentale pour ψ(α)=ψ(ρ) est donc ψ(0), ψ(h(ψ(0))), ψ(h(ψ(h(ψ(0)))))… Voici quelques exemples  :
    • la suite fondamentale pour ψ(Ω) est : ψ(0), ψ(ψ(0)), ψ(ψ(ψ(0)))… Elle converge bien vers ρ=ψ(Ω)=ζ0.
    • la suite fondamentale pour ψ(Ω2) est: ψ(0), ψ(Ω+ψ(0)), ψ(Ω+ψ(Ω+ψ(0)))… Elle converge vers la valeur ζ1 de ψ à ρ=Ω+ψ(Ω2)=Ω+ζ1(après lequel ψ est constante jusqu'à Ω2.
    • un exemple plus complexe est la suite fondamentale pour ψ(ΩΩ2+Ω3) : ψ(0), ψ(ΩΩ2+Ω2+ψ(0)), ψ(ΩΩ2+Ω2+ψ(ΩΩ2+Ω2+ψ(0)))… (on remarquera la légère transformation du terme Ω3).
    • la suite fondamentale pour ψ(Ωψ(Ω)) est : ψ(Ωψ(0)), ψ(Ωψ(ψ(0))), ψ(Ωψ(ψ(ψ(0))))… (utilisant les premières règles, et la suite fondamentale pour ψ(Ω)).

Bien que l'ordinal de Bachmann–Howard ψ(εΩ+1) n'a pas lui-même de notation canonique, il est également utile de prendre pour lui la suite canonique ψ(Ω), ψ(ΩΩ), ψ(ΩΩΩ)

Une utilisation de ces suites est la possibilité d'une définition (plus ou moins canonique, et prolongeant les définitions données usuellement) de la hiérarchie de croissance rapide jusqu'à fψ(εΩ+1).

Un processus qui s'arrête

Partant d'un ordinal inférieur ou égal à l'ordinal de Bachmann–Howard, appliquer répétitivement (jusqu'à l'arrêt éventuel sur l'ordinal 0) la règle suivante :

  • si l'ordinal est successeur, le remplacer par l'ordinal précédent (autrement dit, soustraire 1)
  • si l'ordinal est limite, le remplacer par un ordinal arbitraire de la suite fondamentale qui lui correspond

Ce processus s'arrête toujours (parce qu'une suite décroissante d'ordinaux est toujours finie), mais comme pour les suites de Goodstein :

  1. la longueur de la suite avant l'arrêt peut être inimaginablement grande,
  2. la démonstration de l'arrêt peut être impossible dans des systèmes moins puissants que ZFC (par exemple dans l'arithmétique de Peano).

Par exemple, voici le début d'une telle suite (obtenu en choisissant à chaque étape 2 le troisième terme de la suite fondamentale) : en partant de ψ(ΩΩω) (le petit ordinal de Veblen), on peut descendre à ψ(ΩΩ3), puis à ψ(ΩΩ2ψ(0)), puis ψ(ΩΩ2ωω) puis ψ(ΩΩ2ω3) puis ψ(ΩΩ2ω23) puis ψ(ΩΩ2(ω22+ω)) puis ψ(ΩΩ2(ω22+1)) puis ψ(ΩΩ2ω22+Ωψ(ΩΩ2ω22+Ωψ(0))) puis ψ(ΩΩ2ω22+Ωψ(ΩΩ2ω22+Ωωωω)), etc. Bien que ces expressions semblent de plus en plus compliquées, elles représentent bien en fait une suite d'ordinaux décroissante.

Le point 1 ci-dessus peut être illustré plus précisément comme suit : pour un ordinal donné α, on peut définir une fonction fα(n) qui compte le nombre d'étapes avant la fin en prenant systématiquement le n-ème élément de la suite fondamentale (on a donc fα(n)=fα[n](n)+1). Cette fonction est à croissance assez rapide : fωω(n) vaut environ nn, fψ(Ωω)(n) est comparable à la fonction d'Ackermann A(n,n), et fψ(εΩ+1)(n) est comparable à la fonction de Goodstein. Une légère modification, prenant gα(n)=gα[n](n+1)+1, amène à des fonctions à peu près aussi rapidement croissantes que celles de la hiérarchie de croissance rapide.

Le point 2 correspond à la notion d'Modèle:Lien : la théorie des ensembles de Kripke-Platek, par exemple, peut démontrer que le processus s'arrête pour tout ordinal α inférieur à l'ordinal de Bachmann-Howard ordinal, mais ne peut le faire pour l'ordinal de Bachmann-Howard lui-même[2]. Il est bien connu (depuis les travaux de Gentzen) que l'arithmétique de Peano est limitée de même aux ordinaux inférieurs à ε0.

Variations sur l'exemple précédent

Diminuer la puissance de la fonction

Si l'on limite les opérations permises pour définir ψ (ce qui n'a pas vraiment d'intérêt pratique), on découvre que l'affaiblissement ne provient pas tant des opérations sur les ordinaux dénombrables, que des ordinaux qu'on ne peut plus utiliser en partant de Ω. Par exemple, si on supprime l'exponentiation dans les opérations permettant de construire C(α), on obtient ψ(0)=ωω (le plus petit ordinal qu'on ne peut construire à partir de 0, 1 et ω), puis ψ(1)=ωω2 et de même ψ(ω)=ωωω, ψ(ψ(0))=ωωωωjusqu'au premier point fixe, qui sera donc ψ(Ω)=ε0. Ensuite, ψ(Ω+1)=ε0ω et ainsi de suite jusqu'à ψ(Ω2)=ε1. On peut ensuite former ψ(Ω2)=ϕ2(0), ψ(Ω3)=ϕ3(0) etc., mais la construction s'arrête là, puisqu'on ne peut atteindre Ωω.

Au-delà de l'ordinal de Bachmann-Howard

On a vu que ψ(εΩ+1) est l'ordinal de Bachmann-Howard. Avec les définitions précédentes ψ(εΩ+1+1) n'est pas plus grand, parce qu'il n'y a pas de notations pour εΩ+1 (il n'appartient à aucun C(α) et en est toujours la borne supérieure). On pourrait ajouter aux opérations permises dans la construction de C(α) les fonctions ε (ou plus généralement les fonctions de Veblen), mais il s'avère que cela ne permet pas d'aller beaucoup plus loin, essentiellement parce que la fonction ψ ne construit pas de nouveaux ordinaux non dénombrables (par exemple, ψ(Ω+1) est εϕ2(0)+1, certainement pas εΩ+1) ; la solution est d'introduire un nouvel ordinal non dénombrable Ω2 (plus grand que tous les ordinaux qui vont être construits, par exemple on prend Ω=ω1 et Ω2=ω2) et de construire une nouvelle fonction ψ1 sur le même modèle :

ψ1(α) est le plus petit ordinal qui ne peut être exprimé à partir des ordinaux dénombrables, de Ω et de Ω2, en utilisant sommes, produits, exponentielles, et les valeurs de ψ1 sur les ordinaux déjà construits inférieurs à α.

Ainsi, ψ1(0)=εΩ+1, et plus généralement ψ1(α)=εΩ+1+α pour tous les ordinaux dénombrables, et même au delà (ψ1(Ω)=εΩ2 et ψ1(ψ1(0))=εεΩ+1) : cela reste vrai jusqu'au premier point fixe ζΩ+1 (après Ω) de la fonction ξεξ, lequel est la limite de la suite ψ1(0), ψ1(ψ1(0)), etc. Ensuite ψ1(α)=ζΩ+1 est constante jusqu'à Ω2: comme on l'a vu pour ψ(Ω), on a ψ1(Ω2)=ζΩ+1 et ψ1(Ω2+1)=εζΩ+1+1.

La fonction ψ1 donne un système de notations (si on en a un pour les ordinaux dénombrables !) pour les ordinaux inférieurs à ψ1(εΩ2+1) (la limite de ψ1(Ω2), ψ1(Ω2Ω2), etc.).

Ces notations peuvent se réinjecter dans la fonction ψ initiale, obtenant la définition élargie :

ψ(α) est le plus petit ordinal qui ne peut être exprimé à partir de 0, 1, ω, Ω et Ω2, en utilisant sommes, produits, exponentielles, la fonction ψ1, et les valeurs de ψ sur les ordinaux déjà construits inférieurs à α.

Cette nouvelle fonction ψ coïncide avec la précédente jusqu'à ψ(ψ1(0)), l'ordinal de Bachmann–Howard, mais on peut à présent le dépasser : ψ(ψ1(0)+1) est εψ(ψ1(0))+1 (l'ε-ordinal après lui). Notre système de notations est à présent doublement imprédicatif : les notations que nous venons de créer pour des ordinaux dénombrables utilisent des notations pour certains ordinaux entre Ω et Ω2, elles-mêmes définies à l'aide d'ordinaux au-delà de Ω2.

Ce schéma peut se généraliser à une infinité de nouveaux cardinaux Ωα (avec des définitions légèrement différentes, pour ne pas avoir à construire des récurrences sur le nombre de cardinaux) ; ainsi, utilisant ω+1 nouveaux cardinaux, Ω1,Ω2,,Ωω, on obtient un système essentiellement équivalent à celui introduit par Buchholz[1] (la construction de Buchholz n'utilise pas l'addition ou la multiplication, ni les nombres 1 et ω, obtenant une définition plus élégante et plus concise, mais aussi plus difficile à comprendre). Ce système est également équivalent à ceux définis auparavant par Takeuti[3] et par Feferman (les fonctions θ) : ils atteignent tous le même ordinal (ψ0(εΩω+1), qu'on pourrait donc appeler l'ordinal de Takeuti-Feferman–Buchholz, et qui correspond à la force ordinale de la Modèle:Lien).

Relations avec l'analyse ordinale

Comme mentionné dans l'introduction, la définition de fonctions d'effondrement ordinales est en relation étroite avec l'Modèle:Lien, ainsi l'effondrement de grands cardinaux est utilisé pour décrire la force de diverses théories :

  • Gerhard Jäger et Wolfram Pohlers utilisent l'effondrement d'un cardinal inaccessible[4] pour décrire la force de la théorie des ensembles de Kripke-Platek. L'idée est d'ajouter la fonction αΩαelle-même à la liste des constructions auxquelles s'applique le système d'effondrement C().
  • Michael Rathjen a ensuite utilisé l'effondrement de cardinaux bien plus vastes (Mahlo et faiblement compacts)[5]Modèle:,[6] pour décrire la force de la même théorie augmentée de certains Modèle:Lien.
  • À partir de 2005, Rathjen a commencé à étudier la possibilité d'effondrement de cardinaux plus vastes encore[7], dans l'espoir de parvenir à une analyse ordinale de la Modèle:Lien.

Notes

  1. 1,0 et 1,1 Buchholz, 1986 (Ann. Pure Appl. Logic)
  2. Rathjen, 2005 (Fischbachau slides)
  3. Takeuti, 1967 (Ann. Math.)
  4. Jäger & Pohlers, 1983 (Bayer. Akad. Wiss. Math.-Natur. Kl. Sitzungsber.)
  5. Rathjen, 1991 (Arch. Math. Logic)
  6. Rathjen, 1994 (Ann. Pure Appl. Logic)
  7. Rathjen, 2005 (Arch. Math. Logic)

Références

Modèle:Traduction/Référence

Modèle:Portail